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TRAITÉ
DE
LÉGISLATION COLONIALE
PREMIER VOLUME
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TRAITÉ
DE
LÉGISLATION COLONIALE
PAR
Paul DISLERE
PRÉSIDENT DE SECTION AU CONSEIL D'ÉTAT, ANCIEN DIRECTEUR DES COLONIES
TROISIÈME ÉDITION
ΡRΕMIÊRE
PARTIΕ
PUBLIEE AVEC
LE
CONCOURS DE
M. DUCHÊNE
Chef de bureau au Ministère des Colonies
PARIS
PAUL DUPONT, ÉDITEUR
144, RUE MONTMARTRE
1906


AVANT-PROPOS
DE LA TROISIÈME EDITION
La première édition de cet ouvrage a paru le
15 août 1886. Quelles que fussent nos espérances
d'alors sur l'extension de l'Empire Colonial Français,
nos prévisions de modifications considérables dans le
régime légal, administratif, économique de nos Eta-
blissements d'outre-mer, nous n'aurions pu supposer
que ces changements seraient si rapides, si profonds,
qu'ils obligeraient à publier, en vingt ans, trois éditions
et quatre suppléments.
Si nous avons eu, dans la seconde édition, à signaler
surtout les modifications dans les divers services,
résultant de l'extension de notre domaine, résultant
également de la création d'une administration auto-
nome, nous relevons cette fois en particulier, les
transformations d'ordre moral, conséquences d'un chan-
gement de régime dans les relations avec les indigènes,
dans le mode d'exercice de notre pouvoir à leur égard .
Les règles administratives, la jurisprudence elle-
même suivent nécessairement les principes d'ordre
social qui déterminent dans leurs actes le Pouvoir

— II —
législatif comme le Gouvernement. De là la nécessité
d'exposer avec quelques détails les lois les plus récentes
et leurs applications dans les colonies. Sans doute,
il aurait été intéressant de pouvoir retarder la publi-
cation de cet ouvrage jusqu'au moment de la mise en
vigueur, actuellement àl'étude, de quelques lois très im-
portantes telles que celles sur les Associations et la
Séparation des Églises et de l'Etat. Mais la mise à jour
du Traité de Législation coloniale étaitréclamée comme
urgente et quel que fût d'ailleurs le moment choisi, on
se serait toujours trouvé en présence de projets en
suspens.
Ainsi que nous Pavons indiqué précédemment, nous
n'avons en aucune façon voulu discuter, apprécier, ni
les principes d'ordre politique ou social qui ont déter-
miné les mesures légales, ni même la manière dont
l'application en a été réalisée. Notre rôle, nous ne
saurions trop le rappeler, a été uniquement d'exposer
ce qu'est actuellement l'organisation coloniale, d'en
vulgariser la connaissance en France, d'en faciliter
l'étude à ceux qui, de près ou de loin, sont associés à
son fonctionnement.
15 août 1906,
PAUL DISLERE,
Ancien Directeur des Colonies.

PRÉFACE
DE LA PREMIÈRE ÉDITION
Il est peu de législations moins connues que celle
qui régit nos établissements d'outre-mer; il en est
peu, en effet, qui présentent à un pareil degré le
double caractère de diversité et de variabilité ; il n'en
est pas d'ailleurs qui s'étende à des sujets aussi com-
plexes.
Depuis que, pour la première fois, il y a vingt-et-
un ans, nous débarquions dans une colonie française,
nous avons maintes fois constaté personnellement
combien est fâcheuse l'absence d'une sorte de Code
colonial; nous avons cherché à combler cette lacune,
et nous serons heureux si ce travail peut épargner
aux administrateurs les recherches que nous avons
dû faire (1).
(1) Nous avons laissé de côté la question de l'organisation et
du régime légal des pays de protectorat; si, en effet, pour les
uns, les protectorats-possessions où nous devons exercer les véri-
tables attributs du pouvoir — Tonkin, Annam, Cambodge — l'assi-
milation avec les colonies est facile, il n'en est pas de même de
Madagascar où notre rôle est forcément restreint, du Congo où
notre action n'est pas nettement définie, et il a paru préférable
d'ajourner celte étude au moment où elle pourra être faite plus
utilement


— IV —
Lorsqu'on aborde l'étude de la législation coloniale,
que l'on remonte à l'origine des actes qui la compo
sent, lorsque l'on recherche les bases sur lesquelles
elle se fonde, que l'on étudie ses transformations pres-
que journalières, tantôt dans une colonie, tantôt dans
une autre, on est particulièrement frappé du nombre
considérable de règlements et d'arrêtés dont la légalité
peut paraître discutable. C'est qu'en effet, en présence
d'actes antérieurs non coordonnés, établis sans règle
générale, le pouvoir exécutif, investi du droit de légi-
férer, dans la plupart des cas, en matière coloniale, est
exposé à oublier telle loi métropolitaine qui a pu avoir
son contre-coup aux colonies, à laisser de côté la res-
triction qui, dans tel cas particulier, a été apportée à
son pouvoir général. Aussi doit-on excuser les diverses
administrations coloniales qui, trop souvent débordées
par les exigences courantes du service, ont laissé pas-
ser ces illégalités; mais il est nécessaire de les corri-
ger quand on s'en aperçoit.
11 est facile de reconnaître, d'ailleurs, que cettelégis-
lation coloniale n'obéit à aucune idée générale, à aucun
principe, et l'on est amené à rechercher ce qui pourrait
être fait pour la rendre moins disparate, moins com-
plexe, moins contradictoire.
On est alors forcé d'établir deux catégories bien
distinctes de questions à examiner: d'une part, les re-
lations entre les colonies et la métropole; de l'autre,
tout ce qui touche à l'organisation intérieure, finan-
cière, administrative de chaque établissement.
D'une part, des principes nets, parfaitement définis,
s'appliquant à tout notre empire colonial, sans autre
modification que celle qui peut résulter d'un lien plus
ou moins étroit entre la métropole et chaque colonie;

— V —
là, une législation simple, une sorte de Constitution en
quelques articles, transformation des sénatus-consul-
tes de 1854 et de 1866.
De l'autre, absence de régularité, d'uniformité.
Sans doute, on peut s'inspirer d'idées générales,
quitte à les abandonner lorsqu'elles se heurtent aux
intérêts des colonies elles-mêmes, mais peut-on
administrer la Cochinchine comme la Martinique?
Peut-on avoir la prétention de tirer d'une sorte de
moule commun des règles applicables à tous nos éta-
blissements, si différents les uns des autres par la
population, le climat, les besoins et les ressources ?
C'est là l'erreur dans laquelle on est resté jusqu'au-
jourd'hui; on ne s'est guère préoccupé d'établir les
règles de la souveraineté nationale, de resserrer ainsi
l'union indispensable à la prospérité de la métropole
comme à celle des colonies; mais on s'est efforcé, par
contre, d'appliquer à chaque établissement une sorte
de Code uniforme : puis l'expérience a obligé à modi-
fier par des corrections, par des additions, ces actes
réglementaires, et l'on est arrivé ainsi à cette légis-
lation compliquée, illogique, dont nous avons essayé
de donner une idée aussi exacte que possible.
Ce sont les moyens de remédier à cette situation
que nous examinerons dans une prochaine étude (1).
15 août 1886.
PAUL DISLERE.
(1) Notes sur l'organisation des colonies. Paris, 1888


LEGISLATION COLONIALE
PREMIÈRE PARTIE
SOMMAIRE :
TITRE PREMIER,
HISTORIQUE. — RENSEIGNEMENTS GÉOGRAPHIQUES,
INTRODUCTION, 1 et 2.
CHAPITRE I. — HISTORIQUE.
SECTION I. — Création des différentes colonies.
§ 1.
Premières tentatives géographiques, 3
et 4.
§ 2. Antilles, 5 à 10.
§ 3.
Saint-Pierre et Miquelon, 11 et 12.
§ 4.
Guyane, 13 et 14.
§ 5.
Sénégal, Mauritanie, Haut-Sénégal et
Niger, Guinée française, Côte d'I-
voire, Dahomey, 15 à 21 ter.
§ 6.
Congo français, 22 à 22 quater.
§ 7. Etablissements de la Côte des Soma-
lie, 23.
§ 8. La Réunion, 24 à 26.
§ 9.
Madagascar. — Les Comores, 27 à
30 bis.
§ 10. Etablissements de l'Inde, 31 et 32.
§ 11. Indochine, 33 à 37 bis.
§ 12. Nouvelle-Calédonie, 38.
§ 13. Etablissements de l'Océanie, 39 à 42.
SECTION II. — Historique des pouvoirs chargés de la
direction des colonies, 43 à 48.·

— VIII
SECTION III. — Historique de la législation coloniale.
Art. 1. — Constitution coloniale.
§ 1. Période
antérieure à
la
Révolution
de 1789. Antilles, 49 à 51.
§ 2. Période
antérieure
à
la
Révolution
de 1789. Réunion, 52 à 54.
§ 3. Période de 1789 à 1814, 55 à 67.
§ 4. Période de 1814 à 1866, 68 à 75.
§ 5. Organisation des petites et des nouvelles
colonies, jusqu'à la période actuelle,
76 à 81.
Art. 2. Garde et défense des colonies. — Mi-
lices. — Recrutement colonial. —
Inscription maritime!.
§ 1. Garde et défense descolonies, 82 à 92.
§ 2. Gendarmerie, 93 à 95.
§ 3. Milices, 96 à 99 bis.
§ 4. Recrutement aux colonies, 100 et 101.
§ 5. Inscription maritime, 102.
Art. 3. Régime commercial, 103 à 117.
Art. 4. Régime du travail. — Esclavage.
§ 1. Esclavage, 118 à 129.
§ 2. Immigration, 130 à 132.
Art. 5. Régime financier. — Régime moné-
taire, etc.
§ 1. Régime financier. — Impôts, 133 à 136.
§ 2. Régime monétaire, 137 à 140.
§ 3. Banques. — Crédit foncier colonial, 141
à 144.
§ 4. Poids et mesures, 145.
§ 5. Chambres de commerce, 146 et 147.
Art. 6. Organisation judiciaire et législation.
Première partie. — Organisation judiciaire.
§ 1. Antilles, 148 à 152.
§ 2. Saint-Pierre et Miquelon, 153.
§ 3. Guyane, 154 et 155.
§ 4. Sénégal. ■—■ Soudan. — Guinée française,
156 à 159.
§ 5. Côte d'Ivoire. — Dahomey. — Congo
français, 160 à 160 ter
§ 6. Réunion. — Côte Somali, 161 à 165.
§ 7. Madagascar. ■— Les Comores, 166 et 167.
§ 8. Inde, 168 et 169.
§ 9. Indochine, 170 à 172.
§ 10. Nouvelle-Calédonie, 173.
§ 11. Etablissements de l'Océanie, 174 à 176.
§ 12. Tribunaux spéciaux, 177 à 182.

— IX —
Deuxième partie. — Législation, 183 à 187.
Art. 7. Instruction publique.
§ 1. Enseignement primaire, 188 à 192.
§ 2. Enseignement secondaire, 193 et 194.
§ 3. Enseignement supérieur, 195.
Art, 8. Cultes, 196 à 201.
Art. 9. Communications avec la métropole.
§ 1. Paquebots, 202 à 205.
§ 2. Communications postales, 206 à 210.
§ 3. Communications télégraphiques, 211 et
212.
Art. 10. Déportation. — Transportation. — Re-
légation.
§ 1. Déportation, 213 à 219.
§ 2. Transportation, 220 et 221,
Relégation, 222.
CHAPITRE II. RENSEIGNEMENTS GÉOGRAPHIQUES.
SECTION I.
— Géographie.
§ 1. Renseignements généraux, 223 et 224.
§ 2. Antilles. — Guyane, 225 et 226.
§ 3. Sénégal. —■ Soudan. — Guinée française,
227 et 228.
§ 4. Côte d'Ivoire. — Dahomey, 229 à 229 ter.
§ 5. Congo français, 230 à 232.
§ 6. Etablissements de la mer des Indes, 233
à 235.
§ 7. Indochine, 236 et 237.
§ 8. Etablissements
de
l'Océanie,
238
à
238 ter.
SECTION II. — Divisions administratives, 239 à 247.
TITRE IL
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE COLONISATION.
CHAPITRE I. POUVOIR MÉTROPOLITAIN.
SECTION
I. — Principe de souveraineté, 248 à 250.
SECTION IL — Régime législatif.
Art. 1. Législation coloniale.
§ 1. Considérations générales, 251 à 256.
§ 2. Colonies régies par le sénatus-consulte
du 3 mai 1854, 257 à 264.
§ 3. Colonies soumises au régime des décrets,
265 et 266.
§ 4. Pays de protectorat, 267 et 267 bis.

— X —
Art. 2. — Mode de promulgation des lois et dé-
crets. — Arrêtés des gouverneurs et
commandants, 268 à 274.
Art. 3. — Lois
applicables
aux
colonies,
275
à 277.
CHAPITRE IL — RAPPORTS ENTRE LA MÉTROPOLE ET LES
COLONIES.
SECTION ï. Administration centrale, etc.
§ 1. Administration centrale. — Conseil supé-
rieur des colonies, 278 à 280.
§ 2. Exposition permanente des colonies. —
Office colonial. Jardin colonial, 281.
§ 3. Ecole coloniale, 282.
§ 4. Dépôt des papiers publics des colonies. —
Archives coloniales, 283 à 287.
SECTION II. Garde et défense des colonies.
§ 1. Organisation militaire. — Commandants
militaires. — Directions d'artillerie,
288 à 292.
§ 2. Corps; de troupes spéciaux aux colonies,
293 à 304 quater.
§ 3. Commissariat des colonies, 305 à 307.
§ 4. Hôpitaux coloniaux, 308.
§ 5. Service de la marine clans les colonies,
309 à 311.
SECTION III. — Budget
colonial.
— Subventions et
contributions, 312 à 320.
SECTION IV. — Pouvoirs des gouverneurs représentant
l' autorité métropolitaine.
§ 1. Considérations générales, 321 à 334.
§ 2. Pouvoirs militaires, 335 à 337.
§ 3. Pouvoirs administratifs, 338 à 342.
§ 4. Pouvoirs relatifs à l'administration de la
justice, 343 et 344.
§ 5. Pouvoirs à l'égard des fonctionnaires et
des agents du gouvernement, 345
et 346.
§ 6. Relations avec les gouvernements étran-
gers, 347 et 348.
§ 7. Pouvoirs à l'égard de la législation colo-
niale, 349 et 350.
§ 8. Pouvoirs extraordinaires, 351 à 355.
SECTION V. — Chefs d'administration et chefs de ser-
vice. — Circonscriptions administra-
tives.
§ 1. Chefs d'administration et chefs de ser-
vice, 356 à 359.

XI
§ 2. Représentants du pouvoir central en
dehors du chef-lieu. Circonscriptions
administratives, 360 et 361.
SECTION VI. — Conseils privés et conseils d'adminis-
tration, 362 à 369 bis.
SECTION VII.— Inspection des colonies, 370 à 373.
CHAPITRE III. — REPRÉSENTATION DES COLONIES, SOIT AU-
PRÈS
DU
GOUVERNEMENT
MÉTROPOLI-
TAIN,
SOIT DANS LE PARLEMENT.
§ 1. Délégués des colonies, 374 à 378.
§ 2. Représentation coloniale, 379 à 384.
TITRE III
ORGANISATION POLITIQUE.
SECTION
I. — Assemblées locales. — Leurs pouvoirs,
385.
Art. 1. Martinique. — Guadeloupe. — Réu-
nion.
§ 1. Composition des conseils généraux, 386
à 391.
§ 2. Fonctionnement des conseils généraux,
392 à 396.
§ 3. Pouvoirs des conseils généraux — Déci-
sions, 397 à 406.
§ 4. Pouvoirs des conseils généraux. — Déli-
bérations, 407 à 410.
§ 5. Avis et vœux des conseils généraux, 411
et 412.
§ 6. Budgets, — Impôts, 413 à 423.
§ 7. Commissions coloniales, 424 et 425.
§ 8. Intérêts communs à plusieurs colonies,
426.
Art, 2. Saint-Pierre et Miquelon, 427 à 442.
Art. 3. Guyane, 443 à 448.
Art. 4. Sénégal. — Guinée française, — Côte
d'Ivoire. — Dahomey, 449 à 453 bis.
Art. 5.· Congo, 454.
Art. 6. Madagascar. — Les Comores, 455.
Art. 7. Inde.
§ 1. Conseil général, 456 à 462.
§ 2. Conseils locaux, 463 à 465.
Art. 8. Cochinchine.
§ 1. Conseil colonial, 466 à 479.
§ 2. Conseils d'arrondissement, 480 et 481.
COLONIES, I.
**

— XII —
Art. 9. Nouvelle-Calédonie, 482 et 483.
Art, 10. Etablissements de l'Océanie, 484 à 486.
SECTION II. — Attributions
des
gouverneurs
con-
sidérés comme agents exécutifs des
pouvoirs locaux, 487 à 489.
SECTION III. — Régime électoral.
§ 1. Electorat. — Listes électorales, 490 à 499.
§ 2. Elections au Sénat, 500 à 503.
TITRE IV
ORGANISATION
ADMINISTRATIVE,
JUDICIAIRE
ET
MUNICIPALE.
SECTION
I. — Organisation administrative.
Art. 1. Recrutement —■ Milices. — Inscrip-
tion maritime.
§ 1. Recrutement, 504 et 505.
§ 2. Sapeurs-pompiers. — Milices. — Gardes
civils, 506 à 509.
§ 3. Inscription maritime, 510.
Art. 2. Personnel colonial.
§ 1. Situation des fonctionnaires aux colo-
nies. — Création d'emplois, 511 à 517.
§ 2. Uniforme, 518.
§ 3. Préséance et correspondance de rang,
519 et 520.
§ 4. Fonctionnaires des services coloniaux,
521 à 522 bis.
§ 5. Fonctionnaires des services locaux dé-
tachés des administrations métropo-
litaines, 523.
§ 6. Fonctionnaires des services locaux non
détachés des administrations métro-
politaines, 524 et 525.
§ 7. Pensions des fonctionnaires du service
colonial et des services locaux, 526
à 540.
Art. 3. Administration locale. — Directions de
l'intérieur. — Secrétariats généraux.
§ 1. Secrétariats généraux dans les colonies
autres que la Cochinchine. — Per-
sonnel, 541 et 542.
§ 2. Administration
intérieure en Cochin-
chine, 543 à 548 bis.
Art. 4. Instruction publique.
§ 1. Dispositions générales, 549 à 553.

XIII
§ 2. Enseignement supérieur, 554 à 558.
§ 3. Enseignement secondaire, 559 à 567.
§ 4. Enseignement primaire, 568 à 579.
Art. 5. — Cultes, 580.
§ 1. Culte catholique, 581 à 592.
§ 2. Culte protestant, 593 à 595.
§ 3. Cultes musulman, brahmanique, etc., 596.
§ 4. Cimetières, 597.
§ 5. Dons et legs, 598 à 601.
Art. 6. — Communications avec l'extérieur. —
Communications intérieures.
§ 1. Lignes de navigation, 602 et 603.
§ 2. Service postal, 604 à 612.
§ 3. Service télégraphique, 613 à 616.
Art. 7. — Travaux publics. — Mines. — Che-
mins de fer.
§ 1. Expropriation, 617 à 628.
§ 2. Mines, 629 à 644.
§ 3. Chemins de fer, 645 à 672.
§ 4. Chemins de fer sur routes. — Tramways,
673 à 676.
§ 5. Personnel des travaux publics.
Art. 8. — Navigation.
§ 1. Navires construits et armés clans les co-
lonies. — Francisation, 677 à 683 bis.
§ 2. Navigation locale, 684 à 686.
§ 3. Ports. — Pilotage. — Directions de port,
687 et 688.
§ 4. Experts visiteurs. — Commissions d'ami-
rauté, 689.
§ 5. Réglementation et surveillance des na-
vires à vapeur, 690.
§ 6. Pêche, 691.
§ 7. Etablissements maritimes locaux, 692 à
694.
Art. 9. — Police. — Prisons.
§ J. Police, 695 à 699.
§ 2. Prisons, 700 à 707.
Art. 10. — Assistance publique, 708 à 718.
Art. 11. — Hygiène et salubrité. — Service sa-
nitaire. — Services divers.
§ 1. Hygiène et salubrité, 719 à 723.
§ 2. Service sanitaire, 724 à 726.
§ 3. Imprimeries du gouvernement, 727.
§ 4. Comités d'exposition. — Jardins colo-
niaux. — Sociétés d'agriculture, etc.,
728 à 731.

— XIV —
SECTION II. — Organisation judiciaire.
Art. 1. Tribunaux ordinaires.
§ 1. Organisation générale du service judi-
ciaire, 732 à 741.
§ 2. Organisation particulière des diverses
colonies, 742 à 776.
Art. 2. Tribunaux administratifs, 777 et 778.
Art. 3. Tribunaux militaires.
§ 1. Conseils de guerre et de revision, 779
à 784.
§ 2. Tribunaux maritimes, 785.
Art. 4. Officiers ministériels et publics.
§ 1. Notariat, 786 à 797.
§ 2. Avoués, 798.
§ 3. Huissiers. — Commissaires-priseurs, 799
et 800.
Art. 5. Barreau.
§ 1. Avocats, 801.
§ 2. Conseils
commissionnés.

Conseils
agréés. — Avocats défenseurs, 802
à 804 bis.
Art. 6. Assistance judiciaire, 805 et 806.
SECTION III.— Organisation municipale.
§ 1. Martinique. — Guadeloupe. — Réunion,
807 à 815.
§ 2. Saint-Pierre et Miquelon. — Sénégal. —
Guyane. — Nouvelle-Calédonie. —
Océanie, 816 à 824.
§ 3. Inde, 825 à 831.
§ 4. Cochinchine, 832 à 837.
TITRE V
LÉGISLATION COLONIALE.
SECTION I. — Législation empruntée à la métropole.
Art. 1. — Code civil.
§ 1. Considérations générales, 838.
§ 2. Différences entre le Code civil colonial
et le Code civil métropolitain, 839
à 845.
Art. 2. — Code de commerce, 846.
Art. 3. Code de procédure civile.
§ 1. Dispositions communes, 847.
§ 2. Dispositions particulières à certaines co-
lonies, 848 à 851.

— XV —
Art. 4. — Code pénal, 852 à 854 bis.
Art. 5. — Code d'instruction criminelle.
§ 1. Observations générales, 855.
§ 2. Dispositions particulières aux colonies,
856 à 860.
Art. 6. — Législation sur la presse, 861.
Art. 7. — Procédure administrative, 862 à 868.
SECTION II. — Législation indigène.
Art. 1. ■— Etablissements de l'Inde.
§ 1. Statut personnel, 869 et 870.
§ 2. Etat civil, 871 et 872.
§ 3. Castes, 873 à 876.
Art. 2. — Cochinchine.
§ 1. Législation civile, 877 et 878.
§ 2. Législation criminelle, 879 et 879 bis.
Art. 3. — Pays de protectorat de l'Indochine, 880.
Art. 4. — Afrique occidentale et côte des Soma-
lis, 881.
Art. 5. — Nouvelle-Calédonie, 881 bis.
Art. 6. — Madagascar. — Les Comores, 882.
Art. 7. — Etablissements de l'Océanie, 882 bis.
SECTION III. — Législation domaniale.
Art. 1. — Domaine de l'Etat, 883 à 894.
Art, 2. — Domaine local, 895.
Art, 3. — Concessions. — Projets de compagnies
à charte, 896.
Art. 4. — Régime des eaux, 897.
• Art, 5. — Législation forestière, 898.
TITRE VI.
ORGANISATION FINANCIÈRE.
SECTION I.
— Budgets locaux.
§ 1. Préparation, vote et exécution du bud-
get, 899 à 906.
§ 2. Voies et moyens. Caisse de réserve, 907.
§ 3. Budgets des pays de protectorat de l'In-
dochine, 908.
§ 4. Budget de Madagascar. — Budget des
mores, 909.
§ 5. Budgets régionaux du Sénégal, 910.

XVI
SECTION II. — Assiette et recouvrement des impôts.
—■ Administration des finances, 911.
Art. 1. — Contributions directes et taxes assi-
milées, 912.
§ 1. Impôt foncier, 913 à 927.
§ 2. Impôt personnel, 928 et 929.
§ 3. Impôt personnel spécial aux étrangers,
930 à 932.
§ 4. Contribution mobilière, 933.
§ 5. Patentes, 934 à 946.
§ 6. Prestations, 947.
§ 7. Taxe sur les chiens, 948.
§ 8. Taxe de vérification des poids et mesure»,
949 et 950.
§ 9. Impôt sur le revenu des valeurs mobi-
lières, 951.
§ 10. Impôt sur les voitures, 952 et 953.
§ 11. Taxes diverses : permis de port d'ar-
mes, etc., 954.
Art. 2. — Contributions indirectes et taxes di-
verses, 955.
§ 1. Droits à l'importation et droits de con-
sommation, 956 à 960.
§ 2. Droits sur les spiritueux ; régime spé-
cial aux régions africaines, 961 à 965.
§ 3. Droit sur le tabac, 966 à 971.
§ 4. Droit sur l'opium, 972 à 974.
§ 5. Droit sur le sel, 975.
§ 6. Droits de sortie sur les produits du sol,
976 à 983.
§ 7. Droit de licences, 984.
§ 8. Droits de navigation. — Taxes acces-
soires de navigation, 985 à 988.
§ 9. Taxes diverses, 989.
Art. 3. — Enregistrement, timbre et hypothè-
ques, 990.
§ 1. Enregistrement, 991 à 1000.
§ 2. Timbre, 1001 à 1005.
§ 3. Hypothèques, 1006.
§ 4. Greffe, 1007 à 1008.
§ 1. Recouvrement
des
contributions.

Agents de perception.
§ 1. Recouvrement
des
contributions.

Poursuites judiciaires.
— Compé-
tence, 1009 'à 1013.
§ 2. Agents et comptables chargés de l'assiette
ou de la perception de l'impôt. —
Payeurs, 1013 à 1022.

XVII— —
§ 3. Comptabilité financière, 1023 à 1026.
§ 4. Service de trésorerie, 1027.
TITRE VII.
ORGANISATION COMMERCIALE, INDUSTRIELLE ET AGRICOLE.
Art. 1. — Douanes et octrois.
§ 1. Anciennes colonies. Droits de douane,
1028 à 1036.
§ 2. Colonies et pays de protectorat soumis
au régime métropolitain, 1037 à 1039.
§ 3. Colonies et pays de protectorat non sou-
mis au régime métropolitain, 1040
à 1042.
§ 4. Droits d'octroi de mer, 1043 à 1050.
§ 5.
Règles de perception. — Personnel des
douanes coloniales, 1051 à 1054.
Art. 2. — Banques coloniales.
§ 1. Banques des Antilles, de la Réunion, du
Sénégal et de la Guyane, 1055 à 1090.
§ 2. Banque de l'Indochine, 1091 à 1098.
§ 3.
Banque de la Nouvelle-Calédonie, 1099
à 1102.
§ 4. Commission de surveillance des banques
coloniales, 1103 et 1104.
Art. 3. — Crédit foncier colonial, 1105 à 1130.
Art, 4. — Régime monétaire, 1131 à 1140.
Art. 5. — Régime industriel.
§ 1. Etablissements dangereux, insalubres et
incommodes, 1141 à 1143.
§ 2. Appareils à vapeur, 1144 à 1145 bis.
§ 3. Explosifs, 1146.
Art. 6. — Régime commercial et agricole.
§ 1. Chambres de commerce. — Agents de
change. — Courtiers de marchan-
dises, 1158 à 1163.
§ 3. Chambres d'agriculture, 1164 à 1167 bis.
TITRE VIII.
COLONISATION LIBRE. — RÉGIME DU TRAVAIL. — IMMIGRATION.
Art. 1. — Colonisation. — Avantages offerts aux
immigrants.

XVIII— —
§ 1. Emigration métropolitaine, 1168 et 1169.
§ 2. Avantages spéciaux accordés dans cer-
taines colonies, 1170.
§ 3. Restrictions apportées à l'immigration
dans les colonies. — Mesures de po-
lice, 1171 et 1172.
§ 4. Restrictions apportées à l'émigration hors
des colonies, 1173.
Art. 2. Colonisation réglementaire.
§ 1. Régime de l'immigration. — Traités avec
les pays étrangers, 1174 à 1180.
§ 2. Recrutement et transport des immigrants,
1181 à 1185.
§ 3. Régime spécial à la Martinique, 1186
et 1187.
§ 4.
à la Guadeloupe, 1188
à 1192.
§ 5.

à la Guyane, 1193 et
1194.
§ 6.

à la Réunion, 1195 à
1197.
§ 7.

à Madagascar et aux
Comores, 1198 à 1201.
§ 8.
— à la Nouvelle-Calédonie,
1202 à 1207.
§ 9.
à Tahiti, 1208 et 1209.
TITRE IX.
COLONISATION PÉNALE.
SECTION I.
— Transportation.
Art. 1. Administration
pénitentiaire,
1210
et 1211.
Art. 2. — Organisation
de la transportation,
1212 à 1215.
Art, 3. Régime de la transportation, 1216
à 1227.
Art. 4. Domaine pénitentiaire.
§ 1. Domaine pénitentiaire en général, 1228
et 1229.
§ 2. Régime des concessions, 1230 à 1232.
SECTION II. — Relégation, 1233 à 1245.
SECTION III. — Déportation, 1246 à 1249.
TABLE ALPHABETIQUE.

TITRE PREMIER.
HISTORIQUE. — RENSEIGNEMENTS GEOGRAPHIQUES
ET STATISTIQUES.
1. Avant d'étudier la législation actuelle de nos colonies,
les règles, si différentes de l'une à l'autre, auxquelles elles
sont soumises, soit dans leur vie administrative et politique
intérieure, soit dans leurs rapports avec la métropole, il est
nécessaire de passer brièvement en revue l'historique de
cette législation. On ne saurait d'ailleurs aborder cette étude
sans avoir signalé l'importance, au point de vue politique,
commercial ou social, de chacun de nos établissements, sans
avoir en même temps rappelé, dans ses grandes lignes, l'his-
toire du développement de notre puissance coloniale. C'est
une histoire qui embrasse une période de moins de quatre
siècles, mais qui, dans cet espace de temps, présente les
successions de faits les plus intéressantes,et les enseignements
les plus précieux. On y suit les grandeurs et les défaillances
de la patrie, on y trouve le reflet de nos luttes extérieures et
parfois intérieures, et de cet ensemble d'événements, on voit
jaillir en traits éclatants un principe : c'est qu'aux époques
même les plus tristes de son histoire la France a senti la
nécessité d'une politique coloniale.
Que l'on étudie les cinq périodes qui peuvent caractériser
la création d'établissements d'outre-mer : — l'exploration et
la découverte de pays nouveaux, — le commerce ouvert
COLONIES. I.
1

— 2 —
avec ces pays par des navires trafiquant sur la côte, — la
création de comptoirs à terre, — la prise de possession, par
les négociants de ces comptoirs et les compagnies qu'ils cons-
tituent, — la colonisation officielle, c'est-à-dire l'entrée de
ces établissements sous l'action directe de l'État, — partout
on voit la France, souvent au premier rang, toujours au mi-
lieu des puissances européennes qui apportent à cette œuvre
une persistance, généralement couronnée de succès.
2. En parcourant rapidement l'histoire de nos établisse-
ments d'outre-mer, nous nous efforcerons d'indiquer le but
et la raison d'être de celte politique coloniale. Ce but, d'ail-
leurs, n'a pas toujours été le même : il s'est modifié ou, plus
exactement, amplifié en suivant le développement des be-
soins du pays. Dès le début, Henri IV, le premier, avait com-
pris que son grand et patriotique projet de politique européenne
devait être complété par le développement de la marine, et
que celui-ci était intimement lié, à cette époque, à la création
d'une marine commerciale; il voulut une marine marchande
pour avoir une marine militaire, des relations commerciales
avec les pays lointains pour avoir une marine marchande.
Puis on se préoccupa de se procurer à bas pris les produits
nouvellement découverts, les épices, de faire profiter les
commerçants français des bénéfices considérables que l'on
pouvait réaliser dans ce négoce. On estimait alors qu'il vaut
mieux récolter chez soi, importer directement sous son propre
pavillon, créer des marchés nationaux, que d'aller chercher
les marchandises, balle par balle, dans les entrepôts étran-
gers (1).
Jusque-là, il n'était question que du développement de la
(1) La déclaration du 2 juillet 1615 contient le passage suivant très
intéressant au piint de vue du but poursuivi : « Exercer toujours
« S3I sujets à la navigation et les rendre experts au fait de la ma-
il rine, pour s'en servir ès occasions esquelles il en aurait besoing pour
« la défense de son estat, ensemble pour l'enrichir et accommoder, d'au-
« tant plus par les profits que pourraient faire ses sujets, par l'apport de
. tant de marchandises estrangères, qui se trouvent en ces seuls pays
« à fort bon compte, eu esgard à ce qu'elles se vendent par deçà, sans
« qu 'il leur fût besoin les aller rechercher et surachepter des voisins
« qui les revendent à
excessifs. »

— 3 —
marine et du commerce d'importation (1) : le génie de Riche-
lieu comprit l'importance des colonies au point de vue du
développement du commerce d'exportation (2), des débouchés
à ouvrir à l'industrie métropolitaine et, en même temps, de
l'emploi au dehors des forces vives nuisibles à l'intérieur (3).
Il est indispensable, en effet, à un grand pays de posséder au loin
de vastes continents, où les esprits aventureux, se pliant diffi-
lement à la vieille discipline européenne, puissent dépenser
utilement leur activité, où l'on puisse également maintenir,
loin de la métropole, les esprits rebelles aux lois, les con-
damnés que ce régime est en mesure d'amender plus sûre-
men que celui des prisons.
A un autre point de vue, nous verrons peu à peu les
colonies considérées comme points d'appui pour nos escadres
et nos croiseurs.
(1) On retrouve également dans les édits de cette époque le désir de
propager la religion catholique, de créer des missions, de catholiciser
les sauvages.
(2) Le but des colonies au point de vue commercial est particulière-
ment rappelé dans les instructions données au gouverneur de la Martinique
le 7 mars 1777 (Code de la Martinique, t. III).
(3) Lettres patentes d'octobre 1626 portant création de la charge de
grand maître, chef et surintendant général de la navigation et commerce
de France, en faveur du cardinal de Richelieu.
« Le feu roi notre très honoré seigneur et père n'ayant pu faire résoudre
« ni exécuter, pour avoir été prévenu de la mort, les propositions qui
« lui avaient été faites pour l'établissement d'une compagnie puissante
ο et bien réglée pour entreprendre un commerce général par mer et
« par terre, afin que, par le moyen de la navigation, nos sujets puissent
« avoir à bon prix de la première main, comme ils avaient ancienne-
« ment, les denrées et marchandises qui leur sont utiles et commodes,
« et faire transporter hors de notre royaume et terres de notre obéissance,
« celles desquelles la sortie est permise, et dont nos voisins et étrangers
« ne se peuvent passer à l'honneur et grandeur de notre Etat, profit et
« accroissement de la chose publique, bien et avantage de nos sujets,
« nous avons cru que l'ouverture nous étant faite par plusieurs marchands
« des principales villes maritimes de ce royaume, de remettre la naviga-
« tion et le commerce entre les mains de nos sujets établissant des com-
« pagnies et sociétés, nous ne devions davantage différer d'embrasser
« les occasions qui s'en ouvrent, ni en retarder les moyens, s'ils sont
« trouvés justes, sûrs et profitables à notre Etat et à l'avantage de nos
« sujets; étant un dessein qui peut autant supporter de réputation, de
« bien et de gloire à nos affaires, et mieux que nul autre occuper et
α enrichir nosdits sujets, chasser l'oisiveté e fainéantise, et retranche
β le cours des usures et gains illégitimes. »

— 4 —
Enfin, arrivant à l'époque la plus récente, nous pourrons
faire ressortir le dernier but poursuivi, la création progres-
sive de véritables départements français, ayant les mêmes
droits, soumis aux mêmes lois, aux mêmes obligations que la
métropole, participant à sa vie politique, fondant peu à peu,
dans les bienfaits de l'existence commune, les privilèges
spéciaux et l'autonomie relative dont ils ont joui depuis

CHAPITRE PREMIER.
HISTORIQUE.
SECTION PREMIÈRE.
CRÉATION DES DIFFÉRENTES COLONIES.
§ 1er. Premières tentatives géographiques.
3. Les grandes découvertes géographiques de la fin du
xve siècle avaient appelé l'attention des rois de France sur
l'avenir que pourraient présenter les contrées inconnues ou-
vertes à l'activité européenne, mais elles avaient fait plus et
mieux, elles avaient provoqué l'initiative privée : après les
hardis navigateurs normands, bretons, basques, qui prenaient
une part brillante dans les voyages d'exploration, les mar-
chands de Dieppe, de Rouen, de La Rochelle, etc., recher-
chaient les moyens de développer leur commerce, de so
procurer directement ces produits coloniaux, objet des con-
voitises de tous. Ils voulaient agir par eux-mêmes, en dehors
de l'action des agents du gouvernement, dont les procédés
coûteux convenaient peu à une action exclusivement commer-
ciale (1).
François 1er avait exhorté les négociants français à entie-
(.1) On retrouve la trace de ces préoccupations dans le mémoire adressé
au roi en 16G3 en vue de la création de la compagnie des Indes : « . . for-
« mer une compie subz l'auctorité du Roy et uniquement la conduite et
a bonne foy des dicts marchands qui autrement n'auroyent pas voulu s'y
« engager à cause des grands fraix et inconvénients qui arrivent quand
« les officiers s'y meslent...
»

— 6 —
prendre des voyages de mer (1). Ces appels trouvèrent un
écho dans les villes maritimes, et pendant qu'Henri IV char-
geait, en 1604, le sieur de la Revardière de se rendre à la
Guyane, de rechercher s'il serait possible d'y créer une
colonie, des marchands de Rouen essayaient (1601) de
diriger une expédition sur les Indes ; une compagnie se for-
mait sous la direction de Gérard de Roy, et obtenait le pri-
vilège exclusif de faire le commerce aux Indes et au Levant
(arrêt du 1er juin 1604). La mort de Henri IV vint empêcher
la réalisation de ces projets (2).
Malgré un rapport favorable de la Revardière, la colo-
nisation de la Guyane fut laissée de côté ; les marchands
partis pour l'Inde durent en revenir sans avoir pu établir un
courant commercial ; la compagnie des Indes, créée par l'arrêt
du 1er juin 1604, ne put se constituer, et, malgré de nouvelles
lettres patentes du 2 mars 1611 et du2 juillet 1615(3), elle
dut renoncer de fait à son privilège.
■ 4. Il faut arriver à l'année 1626 pour trouver une direction
effective et constater en mémo temps des résultats satisfai-
sants. Déjà, depuis un an, deux capitaines de la marine
royale, d'Esnambuc et de Rossey, avaient essayé de fonder
des établissements à Saint-Christophe et à la Barbade ; ils y
avaient fait construire deux forts. Le récit de leurs tentatives
couronnées de succès détermina un certain nombre de per-
sonnes à demander l'autorisation d'occuper régulièrement une
(1) En 1520 et 1523, un marin florentin prit possession, au nom du roi
de France, des côtes d'Amérique comprises entre les 33e et 47e degrés
de latitude. En 1534, Jacques Cartier découvrit Terre-Neuve et le Canada.
Le règlement sur l'amirauté, de juillet 1517, obligeait l'amiral de France
à armer des navires convoyeurs pour protéger les navires marchands
contre les pirates; celui de
février 1543 rendait exécutoires,nonobstant
appel, les sentences rendues par l'amirauté en faveur des marchands
contre des pirates.
(2) Voir notamment, en ce qui concerne les projets coloniaux de Henri IV,
Poirson, Histoire du règne de H°nri IV, t. III.
(3) Les lettres patentes du 2 mars 1611 autorisaient Gouefroy, conseiller
à Limoges, et Gérard de Roy, le cor. cessionnaire de 1604, à armer des navires
pour les communications avec les Indes Orientales; celles du 2 juillet 1615
accordaient pour douze ans le privilège de la navigation et
com-
merce dans les Indes Orientales à Jacques Muisson et Ezéchiel de Caïn,
négociants à Bordeaux. Les divers privilèges étaient réunis.

— 7 —
partie des Antilles. Cette demande provoqua les let 1res pa-
tentes d'octobre 1626, que nous avons déjà citées, et qui,
créant, en faveur de Richelieu, la charge de grand maître,
chef et surintendant général de la navigation et commerce de
France, peuvent être considérées comme le point de départ
de la création de notre empire colonial.
Le 31 octobre 1626 est signé l'acte d'association dos sei-
gneurs de la compagnie des Isles d'Amérique, en vue d'oc-
cuper Saint-Christophe et la Barbade, et en général les îles
situées entre le 11e et le 18e degré; le même jouv, Richelieu
accorde à d'Esnambuc et de Rossey une commission royale ;
la société obtient un privilège de vingt ans.
C'est alors que s'établit l'union de la protection de l'État
et de l'initiative individuelle (1), et que commence en réalité
la mise en exécution de la politique de colonisation, dont
Henri IV avait été le promoteur.
A partir de cette époque, il est nécessaire de suivre d'une
manière spéciale l'histoire de chaque groupe de colonies
cet historique ne comprendra d'ailleurs que les faits intéres-
sant la vie politique et administrative de nos établissements,
§ 2. — Antilles,
5. L'histoire des Antilles se rattache au début, de 1626 à
1674, à celle de la compagnie des Isles d'Amérique, puis de
la compagnie des Indes Occidentales. L'établissement fondé
par d'Esnambuc à Saint-Christophe avait prospéré. D'autres
négociants eurent la pensée de marcher sur ses traces, et
Guillaume de Caen obtint, par lettres patentes du 28 jan-
vier 1633, la concession de cinq petites îles, aux débouque-
ments de Saint-Domingue. Nous ne les signalons que pour
(1) Les fondateurs de la compagnie des Indes Orientales se rendaient
bien compte, quelques années plus tard, de la nécessité Je cette union,
car après avoir réclamé le droit de diriger seuls les premiers pas de la
compagnie, ils ajoutent : α ... ce qui est bien remarquable à ce subjet est

« que les commencements de ces choses (la création d'établissements
« coloniaux) ayant été si petits, il a fallu que les rois se soyent intéressez
« dans les comptes et ayent donné des immunitez pour les maintenir..»


— 8 —
mémoire, noire établissement de Saint-Domingue ayant été
abandonné.
Le 12 février 1035, la compagnie des Isles d'Amérique, qui
avait déjà reçu, par une déclaration du 25 novembre 1634,
le privilège absolu ( sous peine d'amende et de confiscation à
son profit) de vendre en France le tabac, le rocou et le co-
ton récoltés dans sa concession, fait valoir de nouveau la situa-
tion déplorable dans laquelle elle se trouve par le peu d'éten-
due de cette concession ; elle se reconstitue et reçoit en même
temps de Richelieu de nouveaux avantages (l) ; elle est
autorisée à établir des colonies dans les îles principales do
l'Amérique, situées depuis le 10° jusqu'au 30e degré en deçà
de la ligne équinoxiale (2), qui ne sont encore occupées par
aucun prince chrétien, et même dans ce cas, s'il y a possibilité
de s'établir en commun (3).
La compagnie décida qu'elle confierait la gestion de ses
affaires à quatre directeurs, et expédia immédiatement aux
Antilles un lieutenant de d'Esnambuc, le sieur de l'Olive,
pour former un établissement, soit à la Martinique, soit à la
Guadeloupe, soit à la Dominique. Le 25 mai 1G35, il débar-
qua à la Martinique, y arbora le pavillon français ; mais,
trouvant l'île trop montagneuse, il se rembarqua et s'établit,
le 28 juin, à la Guadeloupe (4), à Sainte-Rose.
D'Esnambuc, de son côté, revint à la Martinique, le 1er sep-
tembre 1635, et prit solennellement possession de l'Ile le
15 septembre au nom de la compagnie.
Le roi de France n'avait point, par la concession de 1635,
abandonné tout droit de contrôle sur ces établissements
lointains, et une ordonnance du 15 février 1638 nommait
M. de Poincy lieutenant général des îles d'Amérique, pour
le roi. Les pouvoirs des lieutenants généraux des îles étaient
(1) Cette concession fut confirmée par arrêt en Conseil, le 8 mars 1635.
(2) C'est-à-dire du 10e au 30e degré de latitude nord.
(3) C'est ainsi qu'à Saint-Martin l'entente établie entre les Français et

les Hollandais, lors de. notre seconde occupation de cette île en 1648, a
toujours persisté depuis.
(4) La Guadeloupe, la Désirade, Marie-Galante, avaient été découvertes
par Christophe Colomb en 1493; la Martinique en 1502, lors de la qua-
trième expédition.

— 9 —
très étendus, ils ne se bornaient pas seulement à la surveil-
lance de la compagnie, mais ils étaient chargés encore, et plus
peut-être, de la perception des revenus du roi et de la surin-
tendan e du commerce (1).
Un édit de mars 1642 vint confirmer et étendre les avan-
tages accordés à la compagnie des Isles; la concessiondes
îles qu'elle occupait alors (2) lui fut faite à perpétuité;
quant aux autres îles comprises dans le périmètre de 1635,
le roi se réservait de disposer de celles qui ne seraient
pas colonisées dans une période de vingt ans ; la com-
pagnie était autorisée à élever les fortifications qui lui paraî-
traient nécessaires et jouissait pendant vingt ans de l'exemp-
tion des droits d'entrée pour les marchandises qu'elle
importerait.
Malgré ces avantages, la compagnie ne prospéra point;
les difficultés qu'elle rencontra, à la Guadeloupe en parti-
culier, où les Caraïbes luttèrent non sans succès contre la
colonisation, en furent en partie la cause; en 1649, elle fut
obligée de liquider; la Guadeloupe fut vendue au sieur Houel
et au marquis de Boisseret ; la Martinique, un peu plus tard, en
1650, au sieur Duparquet; Saint-Christophe, etc., au comman-
deur de Poincy, pour l'ordre de Malte (3). Quoiqu'ils prissent le
titre de propriétaires et seigneurs, les acheteurs relevaient tou-
jours du lieutenant général des îles. Celui-ci devenait d'ailleurs
(1) Dans la commission donnée le 9 septembre 1645 par le surinten-
dant général de la navigation et du commerce au lieutenant général des
îles, on lit comme instructions spéciales : « Avoir l'œil à la conservation
« des droits de Sa Majesté et des nôtres, ès isles de l'Amérique, commettre
« à la recette d'iceux, faire compter les commis et autres qui les ont ci-
« devant reçus... droits de confiscation, échouement, débris, naufrages,
« dixième de prises, amendes. »
(2) Ces îles étaient Saint-Christophe, la Martinique, la Guadeloupe,
Sainte-Alouzie (Sainte-Lucie), la Désirade, Marie-Galante, Saint-Vincent,
la Tortue, la Dominique.
(3) Ces contrats furent ratifiés : pour la Martinique, par des lettres
patentes du 16 septembre 1638 ; pour la Guadeloupe, par lettres dé
février 1657, pour Saint-Martin, etc., en 1653. Le prix était : pour la
Guadeloupe, Marie-Galante, les Saintes et la Désirade, de 73.000 livres,
payables moitié en argent, moitié en sucre ; pour la Martinique, Sainte-
Lucie, la Grenade et les Grenadins, de 60.000 livres ; enfin pour Saint-
Barthélemy, Sainte-Croix et la Tortue, les parties françaises de Saint-
Christophe et Saint-Martin, de 120.000 livres.

— 10 —
peu à peu plus puissant; dos lettres de provision de juillet 1655
constituaient la charge de vice-roi et lieutenant général pour
le roi dans toutes les îles, côtes et terres fermes de l'Amé-
rique. Ses pouvoirs étaient considérables : il pouvait établir et
étendre l'autorité royale là où il le croyait utile, il comman-
dait sur terre et sur mer, nommait les officiers civils et mi-
litaires, passait au nom du roi des traités de paix, d'alliance,
pouvait disposer des terres comme il le jugeait utile.
6. En 1664,1a pensée de créer deux puissantes compagnies,
étendant leur action, l'une dans l'océan Atlantique, l'autre
dans la mer des Indes, determina le gouvernement à retirer
la concession accordée à la compagnie des Isles d'Amé-
rique (1).
A côté des avantages que le commerce pouvait retirer de
cette concentration des efforts, et qui étaient de nature à déter-
miner cette modification à la situation existant depuis vingt à
trente ans, il est permis de supposer que l'un des motifs dé-
terminants, et non des moindres, était la part financière prise
par la famille royale et la cour dans ces nouvelles sociétés
(V. n° 24).
Par un édit du 28 mai 1664, le roi créa avec un privilège de
quarante ans la compagnie des Indes Occidentales : « Le ré-
« tablissement des colonies et de la navigation sont les
« seuls et véritables moyens de mettre le commerce dans
« l'état où il est chez les étrangers*.... comme il ne suffit pas
« à ces compagnies de se mettre en possession des terres que
« nous leur concédons,et les faire défricher et cultiver par les
« gens qu'ils y envoient avec grands frais, s'ils ne s'y mettent
« en état d'y établir le commerce, par le moyen duquel les
« Français, qui s'habitueront auxdits pays, communiquent avec
« les naturels habitants, en leur donnant en échange des
(1) Déjà, par un arrêt du 16 août 1661, sur un rapport du vice-roi
d'Amérique, le marquis de Feuquières, le roi avait révoqué les conces-
sions partout où il n'y avait pas eu occupation ; de nouvelles créations
de colonies pouvaient être autorisées, sauf à ceux qui prétendaient avoir

des droit's de produire leurs titres dans les six mois : le roi se réser-
vait de les faire entrer dans les nouvelles sociétés ou de les pourvoir
autrement.


— 11 —
« denrées qui croissent dans leurs pays, les choses dont ils
« ont besoin, il est aussi nécessaire, pour faire ce commerce,
« d'équiper nombre de vaisseaux pour porter journellement
« les marchandises qui se débitent auxdits pays, et rapporter
« en France celles qui s'en retirent
»
N'est-ce pas résumer de la manière la plus nette le but
que l'on doit poursuivre encore aujourd'hui dans les colonies
d'exportation?
Les propriétaires qui avaient acheté à la, compagnie des
Isles furent remboursés du prix d'acquisition : la compagnie
de la terre ferme d'Amérique reçut la concession générale des
îles d'Amérique, de Cayenne, de la côte d'Amérique depuis
l'Amazone jusqu'à l'Orénoque, du Canada, de l'Acadie, de
Terre-Neuve, enfin de toute la côte d'Afrique depuis le cap
Vert jusqu'au cap de Bonne-Espérance.
La situation était meilleure aux Antilles que lorsque la
compagnie des Isles avait dû vendre ses droits : à la Guade-
loupe, par un traité du 31 mars 1660, les naturels s'étaient
engagés à se retirer à Saint-Vincent et à la Dominique.
Un conseil souverain, créé pour rendre la justice le 1er août
1645 (déclaration rappelée de nouveau le 1er août 1656) n'avait
pas été constitué ; il fut établi définitivement par l'édit du
28 mai 1664, mais, en présence de la difficulté de réunir les
juges nécessaires pour le composer, le roi, par une déclaration
du 11 août 1664, accorda, sur la demande de la compagnie,
la création d'un conseil supérieur pour la Martinique ; tous
les procès et différends, tant civils que criminels, devaient lui
être soumis.
La compagnie des Indes Occidentales dura peu; elle fut
dissoute par un édit de décembre 1674; les établissements
d'Amérique étaient en voie de progrès, des droits divers pro-
duisaient un revenu considérable, mais la compagnie, qui, au
début, avait eu à soutenir la guerre contre les Anglais, était
dans une situation précaire; elle devait plus de 3,500,000 livres;
elle exprima le désir d'être rachetée.
Louis XIV, dans l'éditde 1674, déclare que les privilèges dont
jouissait la compagnie, les revenus qu'elle pouvait dorénavant
percevoir, convenaient mieux à la première puissance de l'État

— 12 —
qu'à une compagnie ; on restitua à celle-ci le montant des ac-
tions. Tous les Français purent s'établir dans les Antilles et y
faire du commerce (1).
7. Depuis cette époque, la Martinique et la Guadeloupe
devinrent de véritables colonies, et, malgré les désastres que
les guerres de la fin du XVIIIe siècle et du commencement du
siècle actuel leur firent subir, malgré la domination étrangère
qu'elles durent supporter pendant de longues périodes, elles
n'en restèrent pas moins profondément attachées et dévouées
à la mère patrie.
La Martinique tomba une première fois entre les mains des
Anglais, le 13 février 1762 ; à la suite du traité de Paris
(10 février 1763), elle nous fut restituée le 11 juillet 1763. Le
22 mars 1794,. après plusieurs combats, le gouverneur
capitula entre les mains des Anglais ; à la suite de la paix
d'Amiens, cette seconde occupation cessa le 13 septem-
bre 1802 (2) . Une troisième occupation eut lieu du 24 fé-
vrier 1809 au 12 décembre 1814. Enfin, du 5 juin 1815 au
27 avril 1816, les troupes anglaises occupèrent les forts de
l'île, mais cette fois au titre d'auxiliaires du gouvernement
des Bourbons.
Ainsi replacée et constamment maintenue depuis lors
sous la souveraineté française, la Martinique a récemment
traversé une crise redoutable. Une éruption volcanique,
celle du mont Pelé, a complètement enseveli la ville de
Saint-Pierre sous une pluie de cendres et de feu, le
8 mai 1902.
L'arrondissement de Saint-Pierre a, par un décret en
date du 13 mai de la même année, été rattaché, au point de
vue judiciaire, à l'arrondissement de Fort-de-France. Au
point de vue administratif, aucune mesure législative ou
réglementaire n'est intervenue pour le supprimer. En fait,
(1) Nous citerons pour mémoire le privilège accordé par lettres paten-
tes de septembre 1698 à la compagnie royale de Saint-Domingue, dite
de la Nouvelle-Bourgogne, non seulement à Saint-Domingue, mais encore

dans toutes les îles où la compagnie créerait des établissements ; cette
concession n'a eu aucun effet en dehors de Saint Domingue.
(2) Ces dates précises ont leur importance au point de vue de la
légalité de certains actes (V. n° 320).

— 13 —
néanmoins, l'examen des diverses questions pouvant concerner
les communes de l'ancien arrondissement de Saint-Pierre est
aujourd'hui centralisé directement à Fort-de-France.
8. La Guadeloupe, au moment du rattachement a la cou-
ronne des possessions de la compagnie des Indes Occidentales,
dépendait de la Martinique depuis 1669; elle resta dans cette
situation jusqu'à la conquête par les Anglais en 1759. Depuis
lors, elle a constitué un gouvernement séparé relevant direc-
tement du gouverneur général des îles du Vent ou du minis-
tère des colonies, sauf pendant deux périodes : du 7 mars 1769
au 29 décembre 1775, où elle fut rattachée à la Martinique,
et du 12 décembre 1849 au 1er novembre 1851, où le gouver-
neur de la Guadeloupe dépendait du gouverneur général des
Antilles exerçant les fonctions de gouverneur de la Marti-
nique.
Le 27 avril 1759, après une brillante défense, l'île tomba
aux mains des Anglais ; le traité du 3 novembre 1762 nous
la rendit avec ses dépendances (la Désirade, les Saintes, Saint-
Barthélemy, la partie nord de Saint-Martin) ; la reprise de
possession eut lieu le 4 juillet 1763.
'.
Le 21 avril 1794, les Anglais l'occupèrent pour la seconde
fois, mais après sept mois de lutte, ils en furent chassés.
A ce moment, d'ailleurs, la Guadeloupe fut, comme la Mar-
tinique, en proie à la guerre civile et à la révolte ; en 1801,
un gouvernement provisoire de 40 membres fut constitué au
Port-Liberté (la Pointre-à-Pitre), il chassa le gouverneur et il
fallut une expédition pour rétablir celui-ci dans ses fonctions,
le 5 août 1802.
Les Anglais s'emparèrent une troisième fois de l'île, le
6 février 1810, et l'occupèrent jusqu'au 7 décembre 1814;
dans l'intervalle, ils l'avaient cédée à la Suède (traité de
Stockholm, 3 mars 1813), mais celle-ci n'en prit pas posses-
sion, et, par le traité de Paris, la rétrocéda à la France.
Enfin, la Guadeloupe s'étant ralliée à l'empire, les Anglais
s'en emparèrent une quatrième fois, le 10 août 1815, et ne
l'abandonnèrent définitivement que le 24 juillet 1816.
9. Les dépendances actuelles de la Guadeloupe apparte-
naient déjà, en 1650, à la compagnie des Isles d'Amérique,
lorsqu'elle fut obligée de vendre son domaine ; Marie-

— 14 —
Galante (1), les Saintes et la Désirade suivirent le sort de la
Guadeloupe, et furent achetées par Duparquet et Houel;
Saint-Barthélemy et la partie française de Saint-Martin (2)
furent comprises dans les îles cédées, en mars 1653, au com-
mandeur de Poincy, opérant pour le compte de l'ordre de
Malte.
En 1664, les îles cédées à Duparquet firent retour avec la
Guadeloupe à la compagnie des Indes Occidentales, qui reçut
également l'année suivante les îles rachetées à l'ordre de Malte.
Lors de la dissolution de la compagnie des Indes Occiden-
tales, en 1674, Marie-Galante eut un gouverneur particu-
lier jusqu'en 1763, époque à laquelle elle fut rattachée à la
Guadeloupe. Les autres îles ont toujours relevé directement
du gouverneur de cet établissement (3).
10. Enfin, parmi les dépendances de la Guadeloupe, il en
est une qui, après avoir été séparée de la France pendant
près de cent ans, est rentrée en 1878 dans notre domaine
colonial. Saint-Barthélemy avait été occupée, en 1648, par le
sieur Jacques Gente, et depuis cette époque faisait partie des
dépendances de la Guadeloupe, quand le traité du 1er juil-
let 1784 céda cette île à la Suède. On voulait (4) maintenir
et resserrer les liens d'amitié qui existaient entre le roi et
S. M. suédoise, augmenter les relations commerciales des
deux peuples : ce fut en échange du droit d'établir un entre-
pôt de marchandises françaises à Gothenbourg que fut
accordée la cession de Saint-Barthélemy. Mais les habitants
de cette île étaient restés Français de langage et de cœur ;
(1) Marie-Galante, les Saintes et la Désirade avaient été occupées en
1648.
(2) Saint-Martin fut occupé en 1627 par quelques pirates anglais et
français, auxquels des Hollandais vinrent se joindre en 1637 ; les Espa-
gnols occupèrent l'île jusqu'en 1648, époque à laquelle les anciens
habitants, restés seuls, s'entendirent de manière à partager l'île entre
la France et la Hollande. Le bailli de Poincy envoya aussitôt en prendre

possession et une convention de partage fut signée entre les deux pays,
le 23 mars 1648, sur la montagne qui depuis lors a conservé le nom de

Concordia.
(3) Le décret du 8 mars 1790 consacra la reunion à la Guadeloupe des
îles qui en dépendent encore aujourd'hui : la Désirade, Marie-Galante,
les Saintes et la partie française de Saint-Martin.

(4) Dép. min. 20 octobre 1781 au gouverneur général des Antilles.

— 15 —
d'autre part, le gouvernement suédois devait tenir très peu à
la conservation d'une colonie unique, peu importante et peu
prospère. Un traité du 10 août 1877, suivi du consentement
donné par la population de l'île, rétrocéda celle-ci à la France.
Ce traité fut approuvé par une loi du 2 mars 1878, qui
rattacha en même temps à la Guadeloupe son ancienne
dépendance.
§ 3. ' Saint-Pierre et Miquelon (1).
11. De nos anciennes possessions du Canada, les deux
petites îles de Saint-Pierre et Miquelon restent seules, repré-
sentant l'immense domaine colonial perdu à la fin du siècle
dernier. Après un établissement créé en 1604 par nos pê-
cheurs sur la côte de Terre-Neuve, une société fondée en
mai 1628 obtint en toute propriété le fort et habitation de
Québec avec le Canada, toutes les côtes depuis la Floride
jusqu'au cercle arctique. C'était la Nouvelle-France que l'on
allait créer : des avantages commerciaux tout spéciaux étaient
concédés à la compagnie ; les marchandises en provenant
étaient exemptes de tout impôt ou subside à l'introduction ;
aucun droit n'était perçu à l'exportation sur les produits à
destination de la Nouvelle-France.
Après des vicissitudes de grandeur et de décadence, le
traité d'Utrecht nous prit Terre-Neuve en 1713, le traité de
Paris nous enleva le Canada en 1763, mais il nous donna,
avec des droits de pêche à Terre-Neuve, les iles Saint-Pierre
et Miquelon, perdues depuis 50 ans et qui étaient à cette épo-
que complètement désertes et incultes : c'étaient de simples
abris pour nos pêcheurs ; nous ne pouvions les fortifier; et les
seuls bâtiments civils autorisés étaient ceux destinés à la com-
modité de la pèche.
12. On prit immédiatement possession de la nouvelle colonie
(1) L'époque de la découverte de Terre-Neuve et des îles adjacentes
n'est pas nettement déterminée ; les Basques prétendent avoir pratiqué
ces parages vers 1300 ; deux siècles après, les Bretons et les Normands
y péchaient.

— 16 —
et on y amena des Canadiens désireux de rester sous la domi-
nation française. L'installation se fit clans des conditions très
précaires; notre possession était, nous l'avons vu, soumise à
des restrictions sérieuses; aussi le roi recommandait-il, dans
les instructions données au premier gouverneur, d'éviter toute
espèce de contestation avec les commandants anglais des pos-
tes voisins (1). Un peu plus tard, les Anglais voulant nous
interdire la pèche à plus de deux lieues au nord de Saint-
Pierre, nous fûmes obligés de céder (2).
La prise de possession eut lieu le 4 juillet 17G3 ; les com-
mencements furent très difficiles; cependant, dès 1777, on
comptait déjà 604 habitants et 600 pêcheurs sédentaires. L'an-
née suivante, les Anglais s'emparèrent des îles, détruisirent et
brûlèrent tous nos établissements, déportèrent les habitants,
mais ne s'installèrent point.
Le traité de Versailles (3 septembre 1783) nous rendit Saint-
Pierre et Miquelon : dès les préliminaires de paix, en échange
du droit accordé à ses navires de commercer immédiatement
avec les îles des Antilles qu'on lui rétrocédait (la Dominique,
Saint-Christophe, etc.), l'Angleterre autorisa la réoccupation
immédiate : 1,244 anciens habitants furent rapatriés, la reprise
de possession eut lieu le 28 juillet 1783. Le traité de Versailles
substituait une propriété absolue à la propriété précaire anté-
rieure ; l'île pouvait être fortifiée, et dans les instructions don-
nées au gouverneur (3), il lui était prescrit de s'occuper de la
mise en état de défense. Mais la difficulté de construire un fort
fit décider, le 13 mars 1785, que ces îles ne seraient, pour le
moment, considérées que comme un abri pour les pêcheurs.
Le 14 mai 1793, Saint-Pierre et Miquelon furent reprises
par les Anglais ; l'année suivante, les habitants furent encore
déportés en France, mais les établissements de pêcherie
ne furent pas détruits ; c'est en 1795 que l'amiral Ri-
chery, envoyé pour brûler les pêcheries de Terre-Neuve,
(1) Mémoire du roy du 23 février 1763, pour servir d'instruction au
sieur Dangeac, premier gouverneur.
(2) Rapport au ministre, 4 février 1773.
(3) 24 mai 1783. Par une déclaration annexée au traité de Versailles,
les Anglais accordaient à nos pêcheurs le droit de couper des bois sur
la grande terre.

— 17 —
étendit cette destruction à celles de Saint-Pierre et Miquelon.
Aussitôt après la paix d'Amiens, une nouvelle reprise de pos-
session eut lieu le 2 fructidor an \\; ce fut d'ailleurs une occu-
pation très restreinte; on ne voulait envoyer les habitants que
l'année suivante, et on était arrêté par la dépense en même
temps que parla préoccupation de voir à la première occasion
les îles reprises par les Anglais (1). Aussi ne lit-on rien, et,
au mois de mai 1803, les Anglais les réoccupaient. La paix
de Paris nous les rendit, et l'expédition destinée à réintégrer
les habitants allai! partir, quand survinrent les événements
des Cent-Jours. Enfin, sur un rapport du directeur des colo-
nies du 20 octobre 1815, on se décida à organiser une nou-
velle expédition ; le 20 juin 1816, les îles arboraient définiti-
vement le pavillon français.
Sans modifier nos droits de souveraineté sur les iles à
Saint-Pierre et Miquelon, le traité franco-anglais du 8 avril 1901,
promulgué après échange de ratifications le 9 décembre sui-
vant, nous a fait perdre les privilèges qui nous avaient été
pour la première fois assurés, pour l'exercice de. la pêche à
Terre-Neuve, par l'article 13 du traité d'Utrecht. Sur la partie
de la côte de Terre-Neuve comprise entre le cap Saint-Jean et
le cap Raye en passant par le nord, les nationaux français ont,
aux termes de ce traité, conservé le droit de pêche, mais sur
un pied d'égalité avec les ressortissants britanniques. Ils
peuvent, pendant la saison habituelle, y pêcher toute espèce
de poisson, y compris la boëtte (amorce spéciale), ainsi que les
crustacés. Le commerce de la boëtte demeure soumis aux
règlements locaux ; rien n'empêche toutefois les pécheurs
français qui prennent de la boëtte sur la côte de Terre-Neuve
où le droit de pèche leur est assuré de l'emporter et d'en
disposer (2).
(1) « 11 s'agit ici moins d'une affaire nationale que d'une facilité à
« accorder à de pauvres pêcheurs ». Note de la main de Decrès sur un
rapport du 13 frimaire an XI.
(2) Lettre de Lord Lansdowne à M. Paul Cambon, B.O.C. 1904, p. 1247,
COLONIES, I.

— 18 —
. § 4. _ Guyane (4).
13. Les rapports favorables de la Revardière à son retour
de la Guyane, ceux recueillis par quelques navigateurs nor-
mands, déterminèrent un mouvement de colonisation vers
l'Amérique du Sud. Des marchands rouennais créaient des
établissements en 1626 à Sinnamary, deux ans après à l'em-
bouchure du Gonamana (2) ; ce furent les habitants do ce
dernier poste qui, en 1631, passèrent dans l'île de Cayenne.
Des privilèges royaux ne tardent pas à régulariser la situa-
tion : le 27 juin 1633, une première concession est faite, à
une compagnie de marchands de Rouen, du pays compris
entre l'Amazone et l'Orénoque.
Ces essais ne réussissent pas; de nouveaux efforts sont
tentés. En 1643, c'est "la compagnie du Cap-Nord qui se
constitue à Rouen, obtient les mêmes privilèges que sa devan-
cière, et envoie une expédition qui est chassée par les indi-
gènes (3); — en 1651, c'est la compagnie de la France équi-
noxiale (4) qui est substituée à la compagnie du Cap-Nord,
et qui, après s'être installée à Saint-Michel-de-Céperon, est
obligée d'abandonner ce fort deux ans après; — en mars 1656,
c'est la compagnie de la Côte d'Amérique méridionale qui
obtient, par une concession accordée à Pierre Leroy de la
Potherie, Pierre de la Vigne et ses associés, la permission
(1) Découverte par Christophe Colomb en 1498 Les Français commer-
cèrent avec les indigènes de la rivière des Amazones en 159G. Au mois
d'août 1608, Robert Harcourt visita la côte de la Guyane et remonta le
Maroni.
(2) Le Conamana, qui porte encore ce nom aujourd'hui, est situé dans
le quartier d'Iracoubo, entre les rivières d'Iracoubo et de Sinnamary.
(3) De Brétigny, l'agent de cette compagnie, débarqua le 4 mars 1644,
et fut tué par les Indiens en mai ou juin 1645 ; son second, Laforèt, fut
massacré, avec presque tout le reste de l'expédition, en décembre 1645.
(4) La demande en concession faite par les fondateurs de cette so-
ciété, parmi lesquels figure un prêtre, Louis de l'Isle Marivault, est
spécialement basée sur ce que la précédente compagnie s'est plutôt
occupée de faire le commerce que d'évangéliser les natifs ; qu'il en ré-
sulte que les Anglais des Barbades, ainsi que des Hollandais, ont créé
en Guyane des colonies hérétiques ; il s'agit cette fois d'y introduire
nombre de bons ecclésiastiques.

— 19 —
de s'établir en un point de la terre ferme depuis la rivière .
des Amazones jusqu'au fond du golfe du Mexique, à la reserve
de l'île de Cayenne (conservée à la compagnie de la France
équinoxiale) et des cantons déjà habités par des Français. La
concession du lieu choisi par eux comprend cinq lieues de
côtes* avec toutes les terres qu'ils pourront occuper à l'inté-
rieur; la compagnie peut nommer un gouverneur, se défen-
dre, accorder le monopole du trafic, mais elle n'obtient pas,
comme la compagnie du Canada, décharge de tous les droits;
on promet seulement de lui imposer des taxes modérées.
Cette compagnie ne paraît pas avoir exécuté ses projets :
les documents conservés aux archives des colonies indiquent,
en effet, que, de la fin de 1653 au 16 mai 1666, la Guyane
fut occupée, au nom de la compagnie d'Ostende, par le Hol-
landais Spranger. Une nouvelle compagnie de la France équi-
noxiale se fonda en 1662 entre 15 associés (1), et reprit
possession de Cayenne, le 16 mai 1664; l'acte de reddition
constate la réserve des droits de la compagnie d'Ostende et
des états généraux de Hollande. Le 8 septembre 1665, le gou-
verneur prend possession de Sinnamary; c'était à la suite
de la création de la compagnie des Indes Occidentales et de
la fusion entre ses mains de toutes les concessions anté-
rieures (2).
14. Dès que la compagnie des Indes fut constituée, elle se
hâta d'assurer la possession de Cayenne en construisant un
fort; le développement de l'établissement atteignit une certaine
importance, mais, dix ans après, la compagnie fut dissoute
(V. n° 6), et la Guyane entra définitivement avec les Antilles
dans le domaine royal. — Prise par les Hollandais, le 5 mai
1676, Cayenne fut reprise par d'Estrées le 20 décembre de la
même année. La colonie fut également occupée par les Anglais
(1) Dont « une personne puissante et considérable dans les îles qui ne
« peut encore être nommée ». Archives des colonies.
(2) La Guyane, à cette époque, paraît avoir exercé une grande attrac-
tion ; nous avons retrouvé aux archives coloniales une demande des
électeurs de Mayence et de Bavière, en vue d'obtenir, pour chacun

d'eux, la concession d'un degré de terre à la côte de la Guyane, à titre
de fief relevant du roi de France. Cette demande, de 16G5, en regard de
laquelle sont annotées les conditions auxquelles le roi accorderait la
concession, ne paraît avoir eu aucune suite.

— 20 —
du 12 janvier 1800 au 8 novembre 1817 (à la suite du traité
de Paris).
Les limites de la Guyane et du Brésil ont été fixées en 1713,
par l'article 8 du traité d'Utrecht ; les termes employés à cette
époque pour fixer la limite (rivière de Yapoc ou de Vincent-
Pinson) ont été le point de départ d'une contestation qui s'est
prolongée pendant
toute la durée du XIXe siècle. C'est
qu'en effet l'Oyapock (Yapoc) et la rivière de Vincent-Pinson
sont deux cours d'eau très différents l'un de l'autre. Bien des
tentatives de conciliation ont été faites : le traité de Paris
(10 août 1797) prenait comme limite la rivière de Vincent-
Pinson; — celui de Madrid (29 septembre 1801), la rivière de
Carapanatuba (c'était une véritable cession de territoire faite
à la France); — celui d'Amiens, rappelant celui de Badajoz
(8 juin 1801), la rivière d'Arawari; — le traité de Paris
(30 mai 1814) laissait la question à un arrangement amiable
sous la médiation de l'Angleterre ; enfin la convention de
Paris (28 août 1817) confia à une commission le soin de régler
les limites dans le délai d'un an.
Pour affirmer nos droits sur ce territoire, un fort fut cons-
truit, en juin 1836, au lac Mapa; on l'abandonna en 1838,
en raison du peu d'utilité que présentait ce poste malsain.
En 1851, on se préoccupa de l'envoi de colonies péniten-
tiaires sur ce territoire, mais on voulut, auparavant, s'en-
tendre avec le Brésil pour une délimitation. Ces négociations
n'aboutirent pas, et depuis lors, la question restait entière,
malgré les tentatives de prise de possession du gouvernement
brésilien.
Afin d'éviter que le litige ne prit un caractère plus aigu,
la France et le Brésil décidèrent de faire régler la question
par un arbitrage : les deux Républiques conclurent clans ce
but, le 10 avril 1807, une convention qui fut ratitiée en France,
après approbation du Parlement, par décret du 31 août 1898.
L'arbitre désigné, le Président de la confédération helvé-
tique a rendu sa sentence le 1er décembre 1900. 11 a entiè-
rement condamné les prétentions françaises: c'est désormais
l'Ovapock qui forme la limite définitive entre nos possessions
de la Guyane et le Brésil.
La Guyane a été, depuis près d'un siècle, affectée spéciale-

— 21 —
mont à la déportation puis a la transportation; on y envoya
des prêtres insermentés sous la Terreur, des proscrits de fruc-
tidor, des insurgés de juin 1848 et des victimes du coup d'Etat
du 2 décembre (1); puis, à la suite de la loi du 30 mai 1856,
des condamnés aux travaux forcés.
§ 5. — Afrique occidentale française. — Sénégal, Haut-Séné-
gal et Niger, Mauritanie, Guinée française, Côte d'Ivoire
et Dahomey.
15. Les premiers établissements français, en Afrique Occi-
dentale, dont les navigateurs normands fréquentaient les côtes
dès le XIVe siècle, furent créés au Sénégal. Ils furent consti-
tués d'une manière régulière en 1626, au profit d'une associa-
tion de marchands de Dieppe et de Rouen; ils prenaient la
succession de comptoirs occupés depuis deux siècles (époque
a laquelle ils avaient été abandonnés par nous) par les Portu-
gais, les Hollandais, les Espagnols, puis les Hollandais pour
la seconde fois, de 1626 à 1664, Ces établissements étaient
confiés à un directeur nommé par les négociants de Dieppe et
de Rouen qui exploitaient les comptoirs.
E'édit du 28 mai 1664 fit passer le Sénégal, comme tous les
autres établissements de l'Atlantique, dans le domaine de la
compagnie des Indes Occidentales, niais celle-ci, ne pouvant
se préoccuper de l'administration d'une dépendance aussi
éloignée de son centre d'action, la rétrocéda à une société
(1) Des prêtres insermentés furent envoyés à la Guyane par applica-
tion de l'Article 3 de la loi du 20 août 1792 (rapportée par celle du
7 fructidor an V).
La loi du 19 fructidor an V (art. 13) prescrivit la déportation d'un
certain nombre de membres des conseils ; ■ te directoire désigna la
Guyane comme lieu de déportation.
La mesure de la transportation dans les possessions françaises d'outre-
mer, autres que celles de la Méditerranée, fut appliquée à la suite des
événements de juin 1848, par la loi du -27 juin.
Enfin, le décret du 8 décembre 1851 édicta la possibilité de l'envoi à
Cayenne, non seulement pour tout individu placé sous la surveillance
de la haute police ou coupable de rupture de ban, mais encor
pour
tous les individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une société
secrète.

— 22 —
spéciale, la Compagnie du Sénégal, par un contrat du 8 no-
vembre 1674. C'est à ce moment que se produisit le rachat
de la compagnie des Indes Occidentales; mais une exception
fut faite pour le Sénégal, et le roi, approuvant par un édit de
décembre 1674 le contrat de vente, accorda en même temps
à la nouvelle société un privilège de 30 ans (1), et pendant
que les autres établissements des Antilles rentraient définiti-
vement sous le pouvoir de l'Etat, le Sénégal continua à être
géré par des compagnies. Celles-ci eurent une existence un
peu compliquée ; il suffira d'en rappeler les actes essentiels :
Juin 1681. Cession par la compagnie du Sénégal à la com-
pagnie du Sénégal, côte de Guinée et d'Afrique.
12 septembre 1684. Arrêt du Conseil limitant le privilège
à la partie comprise entre le cap Blanc et la rivière de Gambie.
6 janvier 1685. Arrêt du Conseil substituant comme limite
la rivière de Sierra-Leone à celle de Gambie. La société re-
prend le nom de compagnie du Sénégal.
Mars 1696. Edit approuvant la rétrocession à la compagnie
royale du Sénégal, cap Nord et côte d'Afrique.
30 juillet 1709. Lettres patentes approuvant la création
d'une nouvelle société : compagnie du Sénégal.
15 décembre 1718. Vente faite par la compagnie du Séné-
gal à la compagnie des Indes (2). L'arrêt du Conseil du 10 jan-
vier 1719, en approuvant cette vente, accorde l'extension du
privilège jusqu'aux limites fixées avant 1684.
La prise du Sénégal par les Anglais, en 1758, mit fin au
privilège de la compagnie; après le traité du 3 septembre 1783,
la colonie entra définitivement dans le domaine de l'Etat. Elle
a constitué depuis lors un seul et unique établissement, sauf
pendant la période comprise entre le 1er novembre 1854 et le
26 février 1859, où Gorée-et les établissements du sud furent
détachés du Sénégal et placés sous l'autorité supérieure du
commandant dela division des côtes occidentales d'Afrique,
avec Gorée pour chef-lieu.
(1) Ces privilèges furent confirmés par lettres patentes de juin 1679 et
juillet 1681.
(2) C'était la grande compagnie des Indes Orientales qui obtenait à la
même époque la Louisiane (édit d'août 1717) et Saint-Domingue (arrêt du
10 septembre 17-20).

— 23 —
16. Malgré ces changements incessants de propriétaire et
de direction, la colonie du Sénégal avait prospéré peu à peu.
En 1677, la compagnie s'était emparée sur les Hollandais de
Gorée, Rufisque, Portudal, Joal, et le traité de Nimègue nous
avait, en 1698, reconnu cette possession. Puis, remontant vers
le Nord, elle se faisait céder, en 1717, Portendick par les
Maures et s'emparait en 1724 de l'île d'Arguin ; la convention
de la Haye du 13 janvier 1727 confirmait cette prise de pos-
session. En même temps, on remontait peu à peu le fleuve et
dès 1715 on était arrivé sur la Falémé où on construisait un
fort.
En 1758, les Anglais s'emparèrent de Gorée et du Sénégal;
ils nous restituèrent Gorée par le traité du 10 février 1763 ;
quant à Saint-Louis et au Sénégal, il fallut les reprendre de
vive force : le duc de Lauzun s'en empara en 1779 et le traité
du 3 septembre 1783 reconnut nos droits sur cette colonie.
Pendant les guerres de l'empire, Gorée fut prise par les
Anglais le 5 avril, 1800 ; reprise par nous le 18 janvier 1804,
elle.retomba entre les mains des Anglais le 8 mars suivant.
De son côté Saint-Louis se rendit le 14 juillet 1809. A la suite
du traité de Paris les deux établissements nous furent remis
le 1er janvier 1817.
17. Gorée et Saint-Louis constituèrent, pendant longtemps,
presque uniquement nos possessions dans la région sénéga-
laise ; un certain nombre de forts (Podor, Bakel, Médine, San-
sandig, Earabane) défendaient les escales. Il devenait indis-
pensable de multiplier celles-ci et d'y protéger les traitants ;
Richard Toll fut établi en 1820, Dagana en 1821 (1), les
anciens forts furent en partie reconstruits. Mais la situation
était toujours précaire et c'est au général Faidherbe, nommé
gouverneur en 1854, que l'on doit l'extension considérable de
nos possessions. Les chefs du Khasso (30 septembre 1855),
ceux du Kaméré (6 octobre 1855) acceptèrent notre souve-
raineté sur tout le fleuve.
Les Maures Trarzas chassés de la rive gauche du fleuve
La possession du Ouaio nous avait été reconnue par deux traités :
du 7 juin 18-21 avec les Trarzas, du 25 juin 1821 avec les Bracknas.

— 24 —
reconnurent cette situation (traité du 20 mai 1858), en même
temps que notre droit de protectorat sur le Dinar, le Djoloff,
le N'Diambour, le Cayor (1). Pendant ce temps, le prophète
El Hadj Omar dévastait le Soudan et arrivait jusqu'à Médine.
Le 18 juillet 1857, le général Faidherbe débloquait cette place,
remportait une victoire complète sur l'armée d'El Hadj et une
convention du 18 août 1860 établissait, comme frontière, le
Baling depuis Bafoulabé jusqu'à Médine, nous laissant le
Natiaga, le Logo, Médine, Farabane, tout le cours de la
Falémé, le Boundou, etc.
Les postes comptoirs se multiplièrent peu à peu : Matam
fut créé en 1857, Saldé en 1859; autour de chacun de ces
postes se développa notre influence, et le territoire colonial
s'étendit à son tour : Dagana, les îles de Thiong, le territoire
<le N'Diago, le Damga, etc., furent annexés.
Mais la limite de la navigation du Sénégal ne devait pas
être la limite de notre action ; à côté de la colonie constituée
à Saint-Louis et dans le territoire annexé, recueillant dans
ses escales les produits du commerce, il devait s'établir une
sorte de prolongement de notre possession conduisant notre
drapeau jusqu'au centre de l'Afrique, jusqu'aux rives du Niger,
ouvrant au commerce français une voie de pénétration. Ce
projet du général Faidherbe fut mis à exécution en 187;) sous
le ministère de l'amiral Jauréguiberry (2). Une première
expédition nous rend maître de Bafoulabé, puis, dans trois
campagnes glorieuses, le colonel Desbordes conduit notre
drapeau jusqu'au Niger; des traités sont passés avec tous les
chefs du pays ; des forts sont construits à Bafoulabé, Ba-
dumbé, Kita, Koundou et Bamako ; la route des caravanes,
ainsi constituée et protégée, relie le Niger au chemin de fer
qui, de Bafoulabé, gagne Médine et la partie navigable du
Sénégal.
(1) A la même époque, l'Almamy du Boundou reconnaît notre propriété
sur Senoudebou (cédé par traité du 23 août 1845), sur N'Damga, etc.
(traité du 18 août 1858). Le chef de C.uoy cède le territoire entre Bakel
et la Falémé (19 août 1858). Le Toro est placé (26 mars 1863) sous la dé-
pendance et la protection de la France, mais continue à s'administrer
suivant ses us et coutumes.
(2) Rapport de M. de Freycinet au Président de la République, 12 juil-
et 1879, de M. l'amiral Jauréguiberry, 25 septembre 1879.

— 25 —
Cette ligne de postes, séparée au Nord par le Sénégal seu-
lement du vaste empire d'Ahmadou, le fils d'El Hadj Omar,
confinant au sud et à l'est à l'empire que Saraory s'était taillé
dans les pays Malinkés, ne pouvait offrir au commerce qu'une
sécurité très précaire, malgré les forts qui la jalonnaient. En
188.'), le colonel Frey et le commandant (lombes repoussent
Samory; le colonel Gallieni l'onde sur le Niger, à 200 kilo-
mètres au sud de Bamako, le poste de Siguiri.
Le colonel Arcbinard, qui exerce le commandement pendant
quatre ans, s'attaque à l'empire d'Ahmadou et s'en empare en
1890, 1891, 1893, donnant ainsi comme frontière Nord au
Soudan, au lieu du fleuve Sénégal, le désert, de Bakel à
Bandiagara, ligne prolongée jusqu'à Tombouctou, par le colo-
nel Bonnier en 1894.
Le colonel Archinard chasse Samory des bords du Niger; le
colonel Humbert, en 1892, le colonel Combes, en 1893, le
repoussent définitivement du Soudan.
La colonie, débarrassée de nos deux ennemis Ahmadou et
Samory, est désormais pacifiée
Le chemin de fer qui devait relier le Sénégal au Niger
est aujourd'hui complètement terminé, et en pleine exploita-
tion.
Le Soudan se vit conférer une autonomie administrative par le
décret du 18 août 1890, qui lui constitua un budget distinct ; un peu
plus tard, le 27 août 1892, le commandant supérieur du Sou-
dan cessa de relever du gouverneur du Sénégal à qui il n'eut
plus qu'à communiquer ses rapports politiques; enfin, le 21 no-
vembre 1893, le Soudan fut définitivement constitué en colonie.
Le décret du 17 octobre 1899 tit disparaître cette colonie
autonome du Soudan français. Le Soudan fut démembré et
les territoires qu'il comprenait furent rattachés administrati-
vement aux colonies du Sénégal, de la Guinée, de la Côte
d'Ivoire et du Dahomey. Parmi les territoires réunis au Séné-
gal, L's régions les plus récemment soumises à l'influence
française furent groupées en deux circonscriptions spéciales.
Ces circonscriptions formèrent deux territoires militaires rele-
vant du gouverneur général et placées sous la direction de
deux commandants militaires. Les missions Joalland et Fou-
reau-Lamy ayant plus récemment étendu l'influence française

— 26 —
jusqu'au Tchad, un troisième territoire militaire fut créé par
décret du 20 décembre 1900. Il embrassait les régions com-
prises entre le Niger et le Tchad et relevait, clans les mêmes
conditions que les deux autres territoires militaires, du gou-
verneur général de l'Afrique Occidentale française.
Cette organisation a subsisté elle-même jusqu'au décret du
1er octobre 1902. Ce décret a constitué, sous le nom de ter-
ritoire de la Sénégambie-Niger, une nouvelle circonscription
administrative, embrassant les pays de protectorat du Séné-
gal et les régions qui, lors du démembrement du Soudan fran-
çais, avaient été réunies au Sénégal, ainsi que le territoire
militaire postérieurement créé entre le Niger et le Tchad.
Plus récemment enfin, le décret du 18 octobre 1904 a sup-
primé à son tour le territoire de la Sénégambie-Niger et orga-
nisé une nouvelle circonscription, la colonie du Haut-Sénégal
et du Niger. Cette colonie, dont le chef-lieu est à Bamako, se
compose des anciens cercles d'administration civile, détachés
en 1899 du Soudan pour être rattachés au Sénégal; en outre,
des cercles qui formaient le deuxième territoire militaire et
que le décret du 18 octobre 1904 a fait passer sous le régime
de l'administration civile ; enfin d'un territoire militaire, dit
territoire militaire du Niger, embrassant les circonscriptions
réunies des premier et troisième territoires militaires.
Quant à la colonie du Sénégal, elle est actuellement formée
par des pays de protectorat et par des pays d'administration
directe, ces derniers comprenant, avec les villes de Saint-Louis,
Dakar, Gorée et Rufisque, les escales du fleuve ainsi que les
territoires annexés entre Dakar et Saint-Louis.
18. Dans la partie située entre Saint-Louis et Gorée, notre
influence en effet s'est établie plus lentement qu'ailleurs; en
1763, 1765, 1787, des traités avaient été passés avec le chef de
cette région, le Damel du Cayor; par le dernier traité, il nous
avait cédé le cap Vert avec les terres voisines et le village de
Dakar; en 1854, on se décida à appliquer ces traités et à com-
mencer à Dakar la construction d'une ville qui est appelée à
prendre la plus grande importance. A la suite d'une expédi-
tion contre le Damel, celui-ci nous céda, par un traité du 1er fé-
vrier 1861, toute la côte entre Saint-Louis et Gorée avec une
profondeur de trois lieues, la province de Gandiole et celle de

— 27 —
Diandér qui furent annexées à la banlieue de Saint-Louis (1).
Enfin après une nouvelle campagne devenue nécessaire en
1882-83, un traité du 16 janvier 1883 détacha du Cayor le
iVGuick, Merina Diop et le N'Diambour dont on fit deux
états indépendants sous le protectorat de la France. Un che-
min de fer établi entre Saint-Louis et Dakar (2) traverse
maintenant le Cayor et permet d'amener les marchandises du
fleuve au port d'embarquement en évitant les dangers de la
barre de Saint-Louis.
Les établissements de Rufisque, Portudal, Joal et Kaolakh
qui nous appartenaient depuis 1677, mais qui avaient été aban-
donnés par nous et occupés par les chefs de la côte, nous ont
été restitués en 1859 par des traités passés avec les rois du
Baol, du Sine et du Saloun ; l'un d'eux, Rufisque, a déjà pris
une importance considérable.
18 bis. Au nord, nos possessions du Sénégal ont été délimitées
d'avec les possessions espagnoles du Rio de Oro par une
convention en date du 27 juin 1900, ratifiée après approbation
du Parlement le 27 mars 1901. Cette délimitation a eu pour
effet de placer définitivement tout l'Adrar dans la sphère
d'influence française.
Les régions qui, de la rive droite du Sénégal, s'étendent
ainsi vers le nord (pays maures et touareg, Adrar, etc.) forment
aujourd'hui le territoire civil de la Mauritanie; ce territoire, en
vertu du décret du 18 octobre 1904, est administré par un
commissaire spécial. Les limites entre la colonie du Sénégal
et le territoire civil de la Mauritanie ont été déterminées par
un décret du 26 février 1905. Elles sont formées par la banlieue
de Saint-Louis, telle qu'elle est fixée par le décret du 2 fé-
vrier 1904, et par le fleuve Sénégal à partir du marigot de
Kassack jusqu'au marigot de Karakoro.
(1) Entre 1861 et 1883, différents traités importants furent passés avec
le Cayor; le G décembre 1863, le Damel reconnaît notre suzeraineté et
se place sous notre protectorat; le N'Diambour, le M'Baouer, l'Andal et
le Soniokhor sont annexés à nos possessions. Le 12 janvier 1871, Lat
Dior reçoit la souveraineté du Cayor,
à l'e.\\C3ption de Diander, de Gan-
diole, de M'Pal, etc., qui restent
à la France. Des traités postérieurs,
conclus en 1889, ont modifié les limites des territoires ainsi annexés à
nos possessions.

(2) Traité avec Lat Dior, 10 septembre 1879.

— 28 —
19. La France possède encore des établissements dans les
rivières qui s'étendent au sud de Kaolakh.
En 1854, ces possessions, dites des « Rivières du Sud », com-
prenaient : le comptoir d'Albréda, en Gambie (cédé depuis lors
à l'Angleterre); — les îles de Djogué et de Carabane, le terri-
toire de Sedhiou, dans la Casamance (traités des 24 mars 1837,
17 décembre 1839, 7 février 1842, 4 février 1850, 25 mars 1851,
6 avril 1860). Depuis, nous y avons ajouté les territoires de
Boké, sur le Rio-Nunez (traité du 21 janvier 186G); —de Boffa,
sur le Rio-Pongo (traité de suzeraineté du 15 février 1866); —
la Mellacorée (traités des 22 novembre 1865, 30 décembre 1886,
20 juin 1880).
Actuellement, la partie française du bassin de la Gambie,
ainsi que le district annexé et le territoire de protectorat de la
Casamance, sont rattachés à la colonie du Sénégal. La limite
séparant de la Gambie les possessions françaises a été déter-
minée par la convention du 10 août 1889 (approuvée par décret
du 12 mars 1890), modifiée par le traité plus général du
8 avril 1904. Aux termes de ce traité, promulgué par décret
du 9 décembre 1904, la ville de Yarboutenda, que l'on a con-
sidérée parfois comme marquant la limite extrême de la
navigation sur la Gambie, doit être comprise dans les posses-
sions françaises. Dans le cas, qui semble d'ailleurs certain, où
la navigabilité du fleuve s'arrêterait avant Yarboutenda, un
« accès », dont la nature n'est pas autrement précisée par le
traité, doit être assuré à la France au point extrême de cette
navigation. La limite séparant, d'autre part, les possessions
françaises des possessions portugaises voisines, a été déterminée
par un traité en date du 12 mai 1886.
A l'est et au sud de ces possessions portugaises s'étend
actuellement la colonie de la Guinée française, comprenant,
avec les anciens territoires des « Rivières du Sud », le Fouta-
Djallon,
et un certain
nombre de cercles distraits
du
Soudan français par le décret du 17 octobre 1899. La colonie
de la Guinée française, dont le chef-lieu est Conakry, est
limitée au sud par la colonie anglaise de Sierra-Leone et par
la république de Libéria. La frontière franco-anglaise de
Sierra-Leone a été déterminée par des accords en date des
10 août 1889, 26 juin 1891 et 21 janvier 1895; la frontière

— 29 —
franco-libérienne est fixée par le traité du 8 décembre 1892.
Enfin le traité franco-anglais du 8 avril 1904 a attribué à la
France la possession de l'archipel des îles de Los situées en
face de Conakry. Ces îles ont été définitivement incorporées
dans les possessions françaises de l'Afrique occidentale par un
décret en date du 8 juillet 1905.
C'est le 1er août 1889 que, pour la première fois, les terri-
toires situés au sud de la Guinée portugaise ont été sous
l'autorité d'un lieutenant-gouverneur, séparés du Sénégal. Le
lieutenant-gouverneur des Rivières du Sud qui prirent, le
17 décembre 1891, le nom de Guinée française, avait toutefois
alors autorité sur deux groupes d'établissements ayant déjà,
il est vrai, des budgets séparés, mais qui furent seulement un
peu plus tard constitués en colonies distinctes, ceux de la Côte
d'Or et ceux du golfe de Bénin.
20. Dès l'année 1635, les Dieppois exploraient la Côte d'Or;
en 1C82, ils avaient construit à l'embouchure du Rio-Benja
(actuellement Saint-Georges-d'Elmina) le fort de la Mine, mais
l'abandonnèrent ensuite ; ils s'installèrent aussi à Aira et à
Cormentin.
Jusqu'en 1684, le commerce et la colonisation dans cette
partie de l'Afrique furent réglés comme au Sénégal (V. n° 15);
mais à cette époque une situation spéciale fut faite aux éta-
blissements placés au sud de Sierra-Leone, et des lettres
patentes de janvier 1685 constituèrent la compagnie de Guinée.
Les membres de cette société étaient choisis par le roi; elle
obtenait le privilège du commerce pendant vingt ans et
l'exemption de la moitié des droits d'entrée dans la métropole;
en outre, et moyennant l'engagement de fournir chaque année
3,000 nègres aux îles d'Amérique, elle y obtenait le monopole
de l'introduction des esclaves autres que ceux provenant du
Sénégal.
Reconstituée par un arrêt du Conseil du 9 juillet 1701,
cette compagnie continua à jouir de son privilège (même
après l'expiration des vingt années de concession en 1705)
jusqu'en 1716 ; à cette époque, des lettres patentes du mois de
janvier rendirent la liberté du commerce, mais ce fut pour peu
de temps, car un arrêt du Conseil du 27 septembre 1720
accorda le privilège à perpétuité de la côte de Guinée à la

— 30 —
compagnie des Indes, qui venait l'année précédente de se
substituer à la compagnie du Sénégal. Elle reprenait les
avantages et les charges du contrat de 1685.
En 1G88, la compagnie des Indes abandonna ses établisse-
ments de la Côte d'Or (Aquitaqui ou fort de Saint-Georges de
la Mina) ; les attaques continuelles des Hollandais rendaient
inutiles les efforts faits pour créer des relations commercia-
les avec le royaume de Commendo.
20 bu. Parmi les différents postes que nous occupons
aujourd'hui du cap des Palmes au cap Lopez, quelques-uns
remontent ainsi à une époque très éloignée; le comptoir Assinie
fut fondé en 1700 et abandonné en 1707; un fort créé à
Whydah, vers la même époque, fut abandonné également
en 1797.
En 1838, nous ne possédions plus aucune colonie sur cette
côte. M. l'amiral Bouët-Willaumez, alors lieutenant de vais-
seau et commandant la Malouine, explora le littoral, et sur
ses rapports on décida la création d'établissements à Assinie,
et à Grand-Bassam. Des traités furent passés en 1842
et 1843 avec les chefs indigènes (1), et la prise de pos-
session eut lieu à Assinie, le 29 juillet 1843 à Grand-Bas-
sam, le 28 septembre 1843. En outre, en 1853, à la suite
de troubles, le fort de Dabou fut construit par le capi-
taine du génie Faidherbe; le pavillon français y fut planté
le 10 octobre 1853, à la suite de la cession par les chefs indi-
gènes des terres nécessaires à l'établissement d'un comptoir
fortifié.
Nos établissements d'Assinie, Dabou, Grand-Bassam furent
abandonnés après les événementsde 1870, par mesure d'éco-
(1) Le traité relatif à Assinie est d u 5 juillet 1813, celui relatif à Grand-
Bassam, du 19 février 1842; par ce dernier, le roi Péter cède à la France
la souveraineté pleine et entière du pays de la rivière de Grand-Bassam
et la propriété de deux milles carrés de terre.
Le 7 mars 1844, les différents chefs de Grand-Bassam aliénèrent la
souveraineté de leur territoire; le 2ti mars, les chefs d'Assinie signèrent
un traité identique par lequel ils nous accordaient également la pro-
priété d'une langue de terre sur la côte, et d'un mille carré sur les
bords de la rivière.
Enfin, le 24 février 1852, les chefs de Piquini Bassam reconnurent
notre souveraineté et nous accordèrent les terres nécessaires à notre
établissement.

— 31 —
nomie ; un négociant installé à Assinie et à Grand-Bassam y
remplit pendant treize ans les fonctions de résident. Ils furent
réoccupés à la fin de 1883.
A la suite de l'exploration de M. le capitaine Binger (1888-
1889), ils formèrent la colonie de la Côte d'Or, puis de la
Côte d'Ivoire, dont le hinterland s'étendit vers le nord jusqu'au
Soudan français et à laquelle une organisation complètement
autonome fut attribuée par le décret du 10 mars 1893. La
frontière qui, vers l'ouest, la sépare de la république de Liberia
a été déterminée par la convention du 8 décembre 1892; celle
qui, vers l'est, la sépare de la colonie anglaise de la Côte d'Or,
a été fixée par les accords successifs du 10 août 1889, 26 juin
1891 et 14 juin 1898. Le décret du 17 octobre 1899 a incor-
poré dans les limites de la Côte d'Ivoire un certain nombre de
cercles distraits de l'ancienne colonie du Soudan français.
21. Le territoire de Kotonou nous avait été cédé par le roi
du Dahomey le 19 avril 1878; le roi et les chefs de Porto-
Novo avaient déclaré par des traités successifs (5 juillet 1862,
25 février 1863, 8 février 1882) se placer sous notre protec-
torat. Ces possessions constituaient, en 1889, les établisse-
ments français du golfe de Bénin.
A la suite de difficultés entre notre résident à Porto-Novo et
Behanzin, roi du Dahomey, deux expéditions durent être
envoyées, en 1890 et en 1892, sous les ordres de M. le géné-
ral Dodds. A la suite d'une brillante campagne, le Dahomey
fut définitivement annexé à notre empire colonial, la plus
grande partie du territoire restant sous la direction de chefs
indigènes relevant de nos résidents.
L'ensemble de ces territoires constitue depuis un décret
en date du 22 juin 1894 la colonie du Dahomey. Notre colonie
s'est accrue vers le nord jusqu'au Niger de plusieurs régions,
notamment les royaumes de Nikki et de Gourma, placées
sous la domination française à la suite de diverses explora-
tions, et de différentes circonscriptions distraites du Soudan
français, lors de son démembrement, par le décret du 17
Octobre 1899. La frontière qui sépare le Dahomey, vers
l'ouest, de la colonie allemande de Togo, a été déterminée par
le traité du 23 juillet 1897; celle qui le sépare, vers l'est, de
la Nigeria anglaise, a été fixée par les conventions des 10 août
1889 et .du 14 juin 1898.

— 32 —
21 bis. L'union de ces différentes possessions, le Sénégal,
la Mauritanie, le Haut-Sénégal et Niger, la Guinée française,
la Côte d'Ivoire et le Dahomey, a formé le gouvernement
général de l'Afrique occidentale française. Il a été organisé
successivement par des décrets en date des 16 juin 1895,
26 septembre 1896, 17 octobre 1899, 1er octobre 1902, et
18 octobre 1904. Créé à l'origine en vue d'assurer à notre
action autour du Soudan des manifestations mieux concertées,
il eut simplement pour but tout d'abord de donner une direc-
tion commune à nos différentes possessions. Encore celle
direction s'exerçait-elle de façon timide au Dahomey, et sous
l'empire du décret du 26 septembre 1896 à la Côte d'Ivoire,
dont les gouverneurs devaient seulement adresser au gouver-
neur général la copie de leurs rapports politiques et militaires.
Quand disparut la puissance de Samory, et lorsque des com-
munications intérieures purent s'établir entre nos différentes
possessions, l'autorité du gouverneur général se fortifia peu à
peu et s'étendit uniformément sur l'ensemble des territoires
dépendant du gouvernement général. Actuellement, le gou-
verneur général a la haute direction politique et administra-
tive de toutes les colonies de l'Afrique occidentale française.
Il est assisté d'un secrétaire général et il a sa résidence à
Dakar. Les colonies du Sénégal, du Haut-Sénégal et Niger, de
la Guinée française, de la Côte d'Ivoire et du Dahomey ont
chacune autonomie financière sous la direction immédiate
de lieutenants-gouverneurs. 11 existe d'autre part, un budget
du gouvernement général de l'Afrique occidentale. Enfin les
recettes et les dépenses de la Mauritanie forment un budget
annexe du budget du gouvernement général.
Vers le nord un accord intervenu le 7 juin 1905 entre le
ministre de l'intérieur et le ministre des colonies, a déterminé
la limite séparant la zône d'action du gouvernement général
de l'Algérie' et celle du gouvernement général de l'Afrique
occidentale française. Cette limite part du cap Noun, sur la
côte de l'Atlantique, au sud du Maroc. Elle est tracée de
manière à laisser dans la zône algérienne Marabouti et toute
la région du Hoggar, et à placer dans la sphère d'action de
l'Afrique occidentale française, la région de Seguiet-el-Ahmra,
Taoudeni, les salines d'Idjil et l'Adrar.

— 33 —
Au sud et à l'est jusqu'au Tchad, la frontière séparant
l'Afrique occidentale française et les possessions allemandes
d'une part ainsi que les possessions anglaises d'autre part
a été déterminée par deux conventions, la première en date
du 23 juillet 1897, ratifiée, après approbation du Parlement,
par décret du 14 janvier 1898, la seconde, du 14 juin 1898,
ratifiée, après approbation duParlement, par décret du 27 juin
1899. Les limites tracées par ces conventions s'appliquent,
pour la France, non seulement à des territoires dépendant
du Sénégal, mais encore à des régions rattachées à la Côte
d'Ivoire et au Dahomey. Elles ont consacré les droits de la
France : à l'ouest du Niger sur le royaume de Bouna, sur une
partie du Gourounsi, sur le Lobi, sur le Mossi, sur le Gourma,
le Djougou, les royaumes de Say et de Niki ; à l'est du Niger
sur les territoires, y compris le royaume de Zinder, qui
s'étendent, au nord du Sokoto, entre le Niger et le Tchad et
qui constituent aujourd'hui un troisième territoire militaire.
Elles ont enfin prévu la cession à bail à la France, sur le
Niger, de deux enclaves, situées l'une à l'embouchure du
fleuve, l'autre entre Léaba et le confluent de la rivière
Moussa.
Un décret du 30 juin 1903 a attribué au gouvernement géné-
ral de l'Afrique occidentale française la gestion des deux
terrains que le gouvernement britannique devait céder à bail
à la France, aux termes de l'article 8 de la convention du
14 juin 1898, et qui devaient être choisis, l'un sur la rive
droite du Niger, entre Léaba et le confluent de la rivière
Moussa (Mochi) avec ce fleuve, l'autre sur l'une des embou-
chures du Niger. Le choix du gouvernement français s'es
porté sur des emplacements situés, d'une part, à Badjibo, au
confluent du Doko avec le Niger, et, d'autre part, sur l'embou-
chure du Niger dénommée rivière Forcados.
La possession de ces deux enclaves pourrait faciliter au gou-
vernement le ravitaillement par voie fluviale de ses postes du
Moyen-Niger, si toutefois les eaux n'étaient interceptées par
une série de rapides. Elle peut rendre aussi plus aisémen
accessible aux navires français un fleuve, le Niger, que l'Acte
Général de la Conférence de Berlin du 26 février 1885 a
déclaré librement ouvert à la navigation; les enclaves sont, en
COLONIES, I.
.
3

— 34 —
effet, à la disposition, non seulement du gouvernement fran-
çais, mais encore do ses « sous-locataires et agents ».
Antérieurement à la cession de ces terrains, la mission dont
fut chargé en 1892 le lieutenant de vaisseau Mizon et le séjour
dans les eaux du Niger du bateau à vapeur le Sergent Mala-
mine avaient donné lieu à de graves difficultés qui ont été
réglées par un arbitrage international. Une convention a été
conclue, dans ce but, entre le gouvernement français et le
gouvernement britannique, le 3 avril 1901; elle a été approu-
vée par une loi du 16 juillet et par un décret du 22 juillet de
la même année. L'arbitre désigné, le baron Lambermont, mi-
nistre d'Etat de Belgique, devait se prononcer sur le chiffre de
l'indemnité à payer au gouvernement français pour l'incident
du Sergent Malamine, et, simultanément, sur le dédommage-
ment susceptible d'être attribué aux victimes anglaises d'un
conflit armé avec des troupes françaises survenu à' Waima,
dans l'arrière-pays de Sierra-Leone, en 1893. La. sentence a été
rendue le 15 juillet 1902; elle a tenu compte aussi équitable-
ment que possible de l'intérêt des deux parties.
21 ter. — La frontière que le traité du 14 juin 1898, modi-
fiant un accord conclu le 5 août 1890, avait tracée entre le
Niger et le Tchad, pour séparer les possessions françaises et
les possessions anglaises, maintenait en dehors de notre terri-
toire toutes les routes vraiment praticables. L'approvisionne-
ment de nos postes, spécialement de celui de Zinder, était
devenu dès lors très difficile, à moins d'empiéter sur le terri-
toire britannique. Le traité franco-anglais du 8 avril 1904,
promulgué le 9 décembre suivant, a révisé, en particulier
dans son article 8, le tracé de cette frontière, de manière à
nous assurer jusqu'à Zinder, et au delà de Zinder, par le cours
de la Komadougon, jusqu'au Tchad, une voie qu'il fût pos-
sible de suivre pratiquement. Le traité a prévu, en outre, que
les tribus relevant des territoires de Tessaoua et de Zinder
seraient « autant que possible » placées sous la domination
française.
§ 6. — Congo français.
22. Sous le gouvernement de la monarchie de Juillet, la

— 35 —
France prit possession de la cote du Gabon. Le 9 février
1839, le roi Denis nous accordait la propriété de deux hec-
tares de terrain; le 18 mars 1842, le roi Louis cédait la sou-
veraineté du territoire compris entre Glass et Quaben ; le
27 avril 1843, Quaben, et le 28 mars 1844, Glass, signaient
des traités analogues. Le 1er avril 1844, un traité général
résumant les actes précédents (et auquel accédèrent le 6 juillet
les derniers chefs intéressés) reconnut la souveraineté pleine
et entière de la France sur les deux rives de l'estuaire du
Gabon. En 1852 (18 septembre), notre souveraineté s'étendit
au cap Estérias; en 1862 (1er juin), depuis la pointe Lianié,
limite du royaume de Denis, jusqu'au cap Lopez, y compris la
rivière Nazare; en 1868 (14 janvier), jusqu'au Fernan-Vaz,
dont les deux rives nous furent cédées. Nous nous trouvions
ainsi en possession de l'Ogooué. Ces reconnaissances de souve-
raineté ont été d'ailleurs, presque toujours, accompagnées de
la cession en toute propriété des terrains nécessaires à la cons-
truction d'établissements militaires ou de factoreries. Libre-
ville fut créé en 1849.
La colonie fut constituée en établissement indépendant par
le décret du 26 février 1859, qui rattacha Gorée au Sénégal.
Le Gabon fut alors placé, ainsi que les établissements du
golfe de Bénin, sous la haute direction du commandant de la
division des côtes occidentales d'Afrique; l'officier de marine,
commandant le stationnaire, prenait le litre de commandant
supérieur et remplaçait l'amiral pendant ses longues absences
sur les côtes d'Afrique et d'Amérique.
Les inconvénients de cette situation firent constituer, par
décision présidentielle du 24 janvier 1881, le Gabon en colonie
distincte.
22 bis. Le Gabon se trouve englobé aujourd'hui dans le
vaste établissement créé au sud de l'équateur à la suite des
voyages de M. de Brazza, dans le bassin du Congo et dans les
bassins limitrophes, établissement qui s'étend jusqu'au lac
Tchad d'une part, et, par le Haut Oubanghi, vers les sources
du Nil, d'autre part. En 1880, après la ratification de l'Acte
Général de la Conférence de Berlin du 26 février 1885, M. de
brazza avait été nommé commissaire général du gouverne-
ment au Congo français. Le Gabon et le Congo furent réunis

— 36 —
sous son autorité par un décret du 11 décembre 1888,
modifié dans la suite par un décret du 28 septembre 1897.
La partie française du bassin conventionnel du Congo est
soumise aux obligations d'ordre international résultant de
l'Acte Général de la Conférence de Berlin, soit pour la libre
navigation sur le fleuve, ses affluents, embranchements, etc.,
soit pour le régime commercial. A ce dernier point de vue,
un accord conclu à Lisbonne le 8 avril 1892 a soumis à un
tarif commun de droits à l'entrée et à la sortie les possessions
du Portugal, de la France et de l'Etat du Congo.
22 ter. Au lendemain des incidents qui marquèrent en Eu-
rope l'occupation de Fachoda, sur le Nil, par le commandant
Marchand, les gouvernements français et anglais se con-
certèrent sur les termes d'un accord qui déterminât les zones
de l'Afrique centrale où l'action des deux puissances pût
s'exercer librement. C'est ainsi que fut conclue la convention
franco-anglaise du 21 mars 1899 qui se relie elle-même, sous
forme de déclaration additionnelle, au traité du 14 juin
1898, et qui a été, en même temps qu'elle, ratifiée par décre
du 27 juin 1899. La frontière que prévoit l'accord du 21 mars
1899 est conçue de manière à empêcher toute action de la
France dans le bassin du Nil, en obligeant l'Angleterre à
renoncer, de son côté, à toutes prétentions sur les territoires
voisins du Tchad, le Baguirmi, le Ouadaï et le Kanem, et,
plus au nord, sur une grande partie des régions qui s'étendent
jusqu'au sud de la Tripolitaine. Cette limite se rattache à la
frontière antérieurement déterminée entre le Congo belge cl
le Congo français par une convention en date du 14 août 1894.
Entre le 14e parallèle et le 15e parallèle, elle demeure indécise :
elle doit être tracée ultérieurement de manière à laisser à
l'Angleterre le Darfour, à la France le Ouadaï, sans pouvoir
dépasser à l'ouest le 21e et à l'est le 23e degrés de longitude
Ε de Greenwich.
Un traité spécial conclu le 18 février 1903 avec le sultan
Snoussi, chef du Dar-el-Kouti, pays dépendant de la sphère
d'influence française, a été ratifié par décret du 19 octobre
suivant.
La plus grande partie de ces régions, ou plus exactement
toutes celles qui s'étendent entre la frontière franco-allemande

— 37 —
du Cameroun déterminée par une convention en date du
15 mars 1894 à l'ouest, et la limite franco-anglaise ainsi tracée
par l'accord du 21 mars 1899 à l'est, mais à l'exception des
territoires des bassins de la Sangha et de l'Ouhangui
aujourd'hui concédés à des sociétés commerciales, se trouva
groupée en une circonscription spéciale dite territoire militaire
des pays et protectorat du Tchad. Cette circonscription, cons-
tituée après les missions de M. Gentil, puis la défaite et la
mort de Rabah, par un décret du 5 septembre 1900, fut placée
sous l'autorité d'un commissaire du gouvernement assisté
d'un commandant des troupes, et qui releva lui-même directe-
ment du commissaire général du gouvernement au Congo
français. Il en fut ainsi du moins jusqu'au décret du 5 juillet
1902, qui supprima le commissaire du gouvernement spéciale-
ment institué pour le territoire du Tchad.
Plus récemment l'étendue de ce territoire s'est trouvée res-
treinte par le décret du 29 décembre 1903. Ce mémo décret a
distingué, dans nos possessions du Congo, dont l'ensemble
est placé sous la direction d'un comnrssaire général, les
colonies du Gabon et du Moyen-Congo, le territoire de l'Ou-
bangui-Chari et le territoire du Tchad. Le budget local du
Moyen-Congo comprend une section spéciale où sont inscrites
à la fois les recettes et les dépenses communes, ainsi que les
recettes et les dépenses propres aux territoires de l'Oubangui-
Chari et du Tchad. Le Gabon est placé sous l'autorité immé-
diate d'un lieutenant-gouverneur.
22 quater. Au nord du Gabon, l'Espagne contestait à la
France depuis de longues années la possession des bassins
côtiers de la Muny, du Benito et du Campo ainsi que les terri-
toires les prolongeant dans l'intérieur du continent, jusqu'à la
Sangha. La convention franco-espagnole du 27 juin 1900 a
mis fin à ce litige. Elle a déterminé les droits del'Espagne sur la
région s'étendant entre la frontière du Cameroun au nord, le
cours de la Muny et le 1er parallèle au sud, l'Océan à l'ouest
et le 9e méridien de longitude Ε de Paris à l'est.
§ 7. Établissements de la Côte des Somalis.
23. Si nous passons maintenant aux établissements de la

— 38 —
mer des Indes, nous rencontrons, en premier lieu, une pos-
session
toute récente,
située
à l'entrée
de
la
mer
Rouge, sur la côte d'Afrique. A la suite de demandes de
protectorat présentées vers 1858, par le roi du Tigré et le
sultan de Tadjourah, le commandant Russel fut envoyé en
mission dans la mer Rouge, et signa le 29 décembre 1859
avec Négoussié, roi du Tigré, un traité par lequel la France
acquérait la partie de ce pays située depuis le pied du mont
Gadam, jusqu'à l'extrémité de la baie d'Adulis, y compris les
îles Ouda et Dissec (1).
Le port d'Amfila, qui nous avait été cédé par le roi d'Abys-
sinie, en 1860, ne, fut pas occupé; le gouvernement aban-
donna ce projet.
Le port d'Edd, cédé par les chefs du pays, le 12 septembre
1840, à la compagnie Nanto-Bordelaise, a été rétrocédé à la
France par les successeurs de cette société, en 1858.
Ces différents points n'ont jamais été occupés. Il n'en est
point de même d'Obock : le traité qui nous cède ce territoire
fut signé à Paris, le 11 mars 1862, avec le chef du pays,
muni des pleins pouvoirs des sultans voisins ; la prise de
possession eut lieu le 20 mai 1862. Dès le début de notre
prise de possession, les indigènes durent repousser des offi-
ciers turcs envoyés pour protester; en 1880, un officier vint
planter le pavillon égyptien, mais un navire de la station le
fit disparaître. Depuis, un procès-verbal du 12 avril 1884 a
fixé les limites de notre colonie.
D'autre part, à la suite d'un traité passé le 21 septembre 1884
avec le sultan du Tadjourah, ce territoire fut, le 17 novembre
suivant, placé sous notre protectorat qui s'étendit successive-
ment à Djibouti et à toute une partie de la Côte des Somalis.
Une convention a été conclue le 24 janvier 1900 entre les
(1) Ce traité est hors de toute contestation ; d'une part, Négoussié
était alors effectivement le roi du Tigré; il ne fut détrôné que deux ans
plus tard; de l'autre, la Porte, qui a élevé des prétentions sur ce pays
n'y possédait aucun établissement, et ne justifie d'aucun titre de pos-
session. Quant à l'Egypte, les firmans de 1841-1866-1875 n'ont pu lui
donner ce que la Turquie ne possédait point; en renonçant à poursuivre
les réclamations contre l'Italie, qu'avait élevées un memorandum d
0 juillet 1881, après l'occupation d'Assab, l'Egypte a reconnu qu'elle
n'avait aucun droit.

— 39 —
gouvernements français et italien pour la délimitation de leurs
possessions respectives dans les territoires voisins de la mer
Rouge. La frontière ainsi tracée part du Ras Doumeirah, suit
la ligne de partage des eaux du promontoire de ce nom, et se
prolonge dans la direction du sud-ouest, sur un parcours de
00 kilomètres environ.
Notre colonie de la Côte des Somalis, dont le chef-lieu est à
Djibouti, a été organisée par un décret du 28 août 1898. Elle
s'étend dans l'intérieur, jusqu'à Diré-daouah, au kilomètre 90,
sur la voie ferrée qui part de Djibouti et se dirige vers l'Abys-
sinie.
§ 8. — La Réunion (1).
24. Le drapeau français fut arboré pour la première fois à
la Réunion en 1G38, par Gobert, capitaine dieppois ; une
compagnie de négociants, créée par le sieur Rigaut, ayant
obtenu, par autorisation de Richelieu du 29 janvier 1642 (2),
te privilège exclusif de fonder des colonies à Madagascar et
dans les îles voisines, le navire qui se rendait à Madagascar
relâcha à la Réunion et en prit possession pour la compagnie
des Indes Orientales, au nom du roi de France. En octobre
1649, de Pronis, commandant au fort Dauphin, envoya de
nouveau prendre possession de l'île et substitua au nom de
Mascarègne, qui lui avait été donné lors de sa découverte,
celui de Bourbon. Jusque-là, il y avait eu prise de possession
mais sans occupation (3) : le 22 septembre 1654, quelques
colons de Madagascar débarquèrent à Saint-Paul qu'ils aban-
donnèrent en 1658. Les progrès réalisés par la compagnie
avaient été peu importants : un édit du 16 août 1661 révoqua
les anciennes concessions ; on approchait du moment où une
société puissante allait se constituer.
(1) Découverte par un Portugais, Don Pedro de Mascarenhas, vers 1510
(date indéterminée, entre 1505 et 1513).
(2) Autorisation ratifiée par le roi, le 20 septembre 1643.
(3) Certains documents paraissent toutefois indiquer que de 1638 à 1649,

l'île de Mascarègne servit de lieu de déportation à la colonie de Mada-
gascar.

— 40 —
En 16G3, on soumit à Louis XIV le projet de création d'une
compagnie des Indes Orientales; on renouvelait des propo-
sitions déjà faites à Fouquet (1). Sous l'égide de Colbert, la
société se constitua par un édit du Ier septembre 1664. La
compagnie était ouverte à tous les Français de quelque qua-
lité ou condition, les étrangers mêmes y étaient admis; les
avantages de la bourgeoisie étaient accordés à toute personne
versant 8,000 livres. Le capital était fixé à 15 millions. La
cour s'associait largement à cette entreprise : la reine-mère,
la reine, le dauphin souscrivirent chacun GO,000 livres, le
prince de Condé 30,000 (dont il ne versa que le tiers) ; le roi
prêtait 3 millions sans intérêt et sans participer aux bénéfices
pendant dix ans. La compagnie devait être gérée par 21 di-
recteurs élus par les intéressés ; 12 à Paris, 9 en province.
Elle obtenait : 1° le privilège de navigation exclusif pendant
50 ans « du cap de Bonne-Espérance jusque dans toutes les
« Indes, le détroit de Magellan et toutes les mers du Sud ; »
2° la propriété de Madagascar et des îles circonvoisines ; 3° le
droit d'établir des juges, de nommer un lieutenant général,
d'équiper des vaisseaux, etc.
25. L'expédition envoyée pour prendre possession du do-
maine de la nouvelle compagnie laissa en passant, en 1665,
à Bourbon, quelques colons, mais jusqu'en 1G71 rien d'impor-
tant n'y fut fait; c'est le 1er mai 1671 que M. de la Haye,
vice-roi des Indes, arriva avec une expédition considérable et
s'établit à Saint-Denis. L'année suivante, une lettre du mi-
nistre du 2 juin 1672 approuvait la préférence donnée par de
la Haye à Bourbon sur l'île Dauphin pour faire un établisse-
ment considérable.
Le 1er juillet 1665 était intervenu un règlement pour la
compagnie des Indes (2), développé par la compagnie elle-
(1) « Plusieurs notables marchands de Tours, Nantes, la Rochelle et
« autres lieux... proposent un même dessein que ceux qui ont été accep-
« tés par M. Foucquet, quelque temps avant sa détention au subjet de
« Belle-Ysle, qui estoit de former une Ce... dont le magasin, tant pour
« l'embarquement que desbarquement au retour, serait à Belle-Ysle, où

« l'on auroit esquippé trois navires françois de scavoir un de trois à
« quatre cents tonneaux... » (Archives des Colonies).
(2) Confirmé par arrêt du Conseil du 14 août 1698.

— 41 —
même dans un règlement particulier du 17 novembre suivant.
Le roi tenait expressément la main à l'exécution de ce règle-
ment ; des lettres de cachet (1), des arrêts du Conseil (2),
signalaient au besoin à la compagnie les mesures prises par
elle ou ses agents en opposition avec ce règlement, mais en
même temps les droits de la compagnie étaient sauvegardés,
les gouverneurs rappelés à l'ordre ou révoqués (3).
En 1710, parut une nouvelle organisation de la compagnie
des Indes : le gouverneur de l'île était nommé par le roi sur
la présentation de la compagnie.
En 1719, la compagnie avait pris, par l'édit du mois de
janvier (V. n° 15), une importance considérable : ses établisse-
ments de la mer des Indes commençaient à prospérer ; elle se
préoccupa du rachat de sa concession, et une estimation
demandée au conseil colonial fixa la valeur de Bourbon à
6 millions de livres. Un peu plus tard (1735), le développe-
ment de l'île de France décida Labourdonnais, qui venait
d'être appelé au gouvernement des deux îles, à transporter à
Port-Louis le siège du gouvernement ; un commandant parti-
culier fut établi à Bourbon.
Cette prospérité dura peu : en 1764, la compagnie succomba
aux échecs que sa domination dans l'Inde avait reçus des
Anglais ; depuis plusieurs années, elle ne vivait plus que
d'emprunts et de subsides du gouvernement ; elle rétrocéda
à celui-ci Bourbon et l'île de France pour une somme de
7,600,000 livres environ. Cette rétrocession approuvée par un
édit d'août 1764, ne fut mise à exécution que le 14 juil-
let 1767.
26. Bourbon devint alors colonie française (4) et depuis est
toujours restée profondément attachée à la France, même au
milieu des excès et des désordres dans lesquels l'avait plon-
gée l'abandon forcé de la métropole et quoique l'assemblée
coloniale fût, en fait, indépendante jusqu'à l'arrivée du général
(1) En particulier, 28 mars 1669.
(2) 1er avril 1669.

(3) Lettre du 31 mars 1669 au seigneur de Montevergue.
(4) Bourbon eut pour premier intendant général, M. Poivre, qui déve-

loppa considérablement la colonie et ses cultures. -

—42 —
Decaen, en 1803. Les velléités d'autonomie qui s'étaient pro-
duites furent complètement repoussées (1).
Pendant les guerres de l'empire, l'île, après une vive résis-
tance, capitula le 9 juillet 1810 entre les mains des Anglais.
Elle fut restituée par le traité de Paris, le 6 avril 1815.
11 ne reste plus qu'à signaler les changements de nom de
notre colonie de l'Océan Indien. Un décret du 19 mars 1793
lui avait donné le nom de la Réunion (2). Un décret du 2 fé-
vrier 1809, rendu sur la demande émise par les habitants le
15 août 1808, lui donna celui d'île Bonaparte. Lors de la
conquête par les Anglais, elle reprit le nom d'île Bourbon
jusqu'à l'arrêté du gouvernement provisoire du 7 mars 1848,
qui lui a rendu le nom d'île de la Réunion.
§ 9. — Madagascar, Les Comores.
27. Dès 1644, des établissements avaient été fondés sur l'île
de Madagascar par la compagnie des Indes, en vertu de l'acte de
concession du 29 janvier 1642; le chef-lieu de nos possessions
orientales était même fixé à Fort-Dauphin de 1667 à 1670 ;
mais ces établissements furent délaissés peu à peu, Fort-
Dauphin fut abandonné en 1671. Des postes, créés sur la côte
nord-ouest, n'eurent guère de succès; celui de la baie d'An-
tongil fut abandonné en 1786, et en 1811 les seuls points
occupés par nous étaient Tamatave et Foulpointe qui furent
alors pris par les Anglais.
On connaît les difficultés que souleva en 1816 le gouver-
(t) L'indépendance de Bourbon sous la protection des Anglais fut pro-
posée à l'assemblée coloniale, le 5 septembre 1797, et repoussée défini-
tivement le 24 février 1800, en grande partie par l'influence de Μ.· de
Villèle, le futur ministre de Charles X (Azéma, Histoire de l'île Bour-

bon).
(2) « Une section de la République, l'isle de Bourbon portera-t-elle en-
« core le nom d'une famille de despotes ? Peut-on faire une telle in-
« jure aux républicains qui l'habitent? La Convention nationale jugera
« sans doute qu'il faut les associer à nos succès, en donnant à la terre
« qu'ils cultivent un nom propre à rappeler nos victoires et notre révo-

« lution et en substituant la dénomination de l'isle de la Réunion à celle
de l'isle de Bourbon. » Lettre du ministre de la "Marine au président de
la Convention, 18 mars 1793, Archives des Colonies.

— 43 _
neur anglais de Maurice pour nous restituer nos établisse-
ments de Madagascar, difficultés qui ne cessèrent que sur
l'ordre formel de son gouvernement du 18 octobre 1816.
Le gouvernement se proposa, tout d'abord, de créer un éta-
blissement à la côte orientale de Madagascar, et le 4 mars 1817
l'ordre fut donné au gouverneur de Bourbon de reprendre
possession, sans aucun délai, des établissements que la France
avait à Madagascar à la date du 1er janvier 1792 ; on ne devait
au début envoyer qu'un agent commercial et un certain
nombre d'hommes pour la sûreté du pavillon.
Le but qu'on se proposait était de s'établir tout d'abord à
Sainte-Marie, qui paraissait offrir des avantages sérieux, puis
de passer sur la grande terre à Tintingue et de là s'avancer
peu à peu dans le pays. Ce projet fut longuement discuté,
puis ajourné en 1819 : on trouvait que la dépense prévue
(1,200,000 fr.) était trop considérable. Pendant que la ques-
tion était discutée à Paris, le gouverneur de Bourbon envoyait
une exploration visiter la côte orientale de Madagascar et
reprendre, en passant, possession de Sainte-Marie (15 oc-
tobre 1818) et de Tintingue. Rien ne fut laissé cette fois à
Sainte-Marie et c'est l'année suivante seulement (12 juillet 1819)
qu'une petite expédition, envoyée de Bourbon, reprit définiti-
vement possession de cette île.
Sur les rapports que recevait le gouvernement, on se décida
à étudier la question de Madagascar ; une commission fut
réunie et dans deux rapports (25 mai et 2 août 1820) elle
repoussa le projet de fonder une colonie et se borna à pro-
poser l'occupation de Sainte-Marie et la création d'un poste à
Tintingue. Une expédition fut alors envoyée de France et arriva
à Sainte-Marie à la fin d'octobre 1821.
11 ne rentre pas dans le cadre de cette étude de'rappeler
les difficultés avec Radama, les expéditions de 1825 et 1829.
A la suite du peu de succès des efforts du commandant Gour-
beyre, le conseil d'amirauté consulté sur la question de Mada-
gascar émit, le 6 octobre 1830, l'avis de renoncer à tout pro-
jet d'établissement sur cette île, et, le 29 octobre, le ministre
prescrivit au gouverneur de Bourbon de rétablir des relations
amicales avec les Hovas ; une dépêche du 23 novembre laissa
à la colonie la charge des dépenses militaires à Madagascar ;

— 44 —
enfin une dépêche du 30 octobre rappela en France une par-
tie du corps expéditionnaire. Xe 3 juillet 1831 on évacuait
Tintingue ; l'abandon de Sainte-Marie fut un moment décidé,
puis indéfiniment ajourné ; on voulut conserver le moyen de
protéger notre commerce (1) et affirmer nos droits de propriété
à l'égard des établissements non occupés.
Peu après on se proposa de former sur la grande terre un
établissement à la baie de Diego-Suarez. On renonça bientôt
à ce projet ; l'allégation du manque d'eau potable, de la vio-
lence des vents en était la cause principale. On pourrait, peut-
être, également en trouver une clans le regret que paraissent
avoir éprouvé à cette époque certains colons de Bourbon en
voyant créer un port à Madagascar alors qu'ils en désiraient
vivement un chez eux.
Nos droits sur Madagascar étaient incontestables : en dehors
de ceux provenant de la compagnie des Indes, on pouvait
rappeler la reprise de possession en 1818 sans protestation
d'aucune puissance européenne, et, comme consécration de
ces droits, les traités passés avec les chefs Sakalaves et Antan-
kares, de 1840 à 18G0; ces traités nous abandonnaient la sou-
veraineté de la côte de la baie de Passandava au cap Saint-
Vincent et du cap Masouala à la baie de Baly, de toute la pro-
vince de Vohémar, puis des différents royaumes de la côte
ouest (Ambongou-Menabé-Féhérègne-Mahafales, etc.).
Le traité du 17 décembre 1885, pourtant, modifia cette
situation à notre préjudice. Nous cédions nos droits aux Hovas
en échange de l'autorisation pour les citoyens français de faire
le commerce, de louer des propriétés pour une durée indéter-
minée, etc. Le gouvernement de la République représentait
Madagascar dans toutes ses relations extérieures. Nous nous
réservions le droit d'occuper le territoire de la baie de Diego-
Suarez et d'y faire des installations à notre convenance.
Même réduite à cette importance si faible, l'action de notre
résident général parut trop lourde au gouvernement hova qui
s'efforça de s'en débarrasser et refusa d'exécuter les clauses si
(1) L'un des motifs, du moins au début, fut la nécessité de caserner
les compagnies de noirs yolofs recrutés pour l'expédition, et que le
gouvernement de Bourbon désirait ne pas voir venir dans cette colonie.


— 45 —
bienveillantes du traité. Le résident général dut abandonner
Tananarive; une expédition Fut organisée. Conduite par
le général Duchesne, elle fut menée rapidement et le dra-
peau français fut définitivement planté a Tananarive, le 30 sep-
tembre 1895 : un traité signé le même jour avec la reine des
Hovas ne fut pas ratifié par le gouvernement : un second traité
fut signé le 18 janvier 1896. L'annexion devint définitive au
mois d'août de la môme année.
28. La compagnie des Indes avait obtenu le 30 juillet 1750,
de la reine de Foulpointe, la cession de Sainte-Marie de Mada-
gascar. Après quelques tentatives de colonisation, cette île
fut abandonnée comme l'avaient été à peu près tous nos éta-
blissements de la grande terre.
Depuis l'évacuation complète de la grande terre, en 1831,
Sainte-Marie de Madagascar a constitué un de nos établisse-
ments coloniaux : en 1835, l'administration de Bourbon avait
proposé de l'évacuer, ayant surtout pour but de faciliter ainsi
la fondation d'un nouvel établissement à la baie de Diego-
Suarez; un traité aurait consacré l'échange de ce territoire
contre nos possessions de la côte est; mais ce projet ne put
aboutir.
Au début de l'occupation, et jusqu'à 1843, époque à la-
quelle on constitua un groupe d'établissements auprès de
Madagascar, Sainte-Marie était une dépendance de la Réu-
nion; l'ordonnance du 29 août 1843 forma une colonie de
Mayotte, Nossi-Bé et Sainte-Marie de Madagascar. Les diffi-
cultés des communications avec Mayotte firent tout d'abord,
en 1847, placer Sainte-Marie sous les ordres du commandant
de la station pour la direction des affaires politiques, puis
constituer le 18 octobre 1853 l'île en colonie financièrement
indépendante et relevant politiquement de la Réunion ; mais
on reconnut l'impossibilité de laisser une vie administrative
complète à une colonie aussi peu importante, et elle fut de
nouveau rattachée à la Réunion le 27 octobre 1876, jusqu'au
moment où la reprise de notre action à Madagascar permit de
rattacher Sainte-Marie d'abord à Diego-Suarez (4 mai 1888),
puis au gouvernement même de l'île (28 janvier 1896).
29. Lorsqu'on renonça en 1839 à s'établir, momentanément
du moins, à la baie de Diego-Suarez, le gouverneur de

— 46 —
Bourbon envoya M. Passot, capitaine d'infanterie, sur cette
côte pour étudier la situation politique, chercher à y établir
un poste, à faire au besoin un traité de protectorat.
Cet officier trouva à Nossi-Bé la possibilité de remplir avec
succès sa mission : la reine de Boéni, chassée de Mada-
gascar par les Hovas, s'était réfugiée dans cette île en 1837.
D'après les renseignements favorables ainsi recueillis et en
présence de la menace d'une descente des Hovas dans les
îles, le gouverneur renvoya à la côte nord-ouest M. Passot, et
celui-ci signa (14 juillet 1840) un traité nous cédant Nossi-Bé
et Nossi-Cumba. Ce traité fut approuvé par le gouverneur -de
la Réunion qui rappelle dans son arrêté du 13 février 1841
que c'est une reconnaissance des droits de la France sur
Madagascar et ses dépendances. De son côté le gouvernement
métropolitain adhéra complètement à cette prise de pou
voir (1). L'île fut occupée le 13 février 1841 : un nouveau
traité d'ailleurs avait été passé le 15 avril 1841 avec le roi de
l'Ankara qui avait réclamé la possession des îles et nous les
céda avec son royaume (2).
Nossi-Bé devint le centre de nos possessions de Mada-
gascar avec l'ordonnance du 29 août 1843; mais à cette
époque la préoccupation première était un peu laissée de
côté (3) ; on songeait plutôt à rechercher une rade facile à
défendre, qu'à revendiquer des droits sur Madagascar, et
l'année suivante une ordonnance du 10 novembre 1844 trans-
porta le centre de nos établissements à Mayotte que l'on
considérait comme répondant aux besoins de la marine.
Nossi-Bé a été, depuis, rattachée à Madagascar (28 jan-
vier 1896).
30. L'île de Mayotte avait été visitée en 1840 par M. Jehenne
commandant la Prévoyante. D'aprèsles renseignements favo-
(1) Dépêche du 25 septembre 1840.
(2) C'est par ce traité que nous fut cédée l'île de Nossi-Mitziou.
(3) Les instructions données au commandant particulier, le 19 sep-

tembre 1843, portent : « En se déterminant à conserver Nossi-Bé et à
« former un établissement à Mayotte, le gouvernement écarte tout projet
« d'établissement, sur l'île de Madagascar. » Mais une dépèche du 22 dé-

cembre suivant au gouverneur de Bourbon porte : « L'ajournement indé-
« fini de tout projet sur Madagascar n'implique aucun abandon de nos
« droits sur cette île. » Ce n'était donc qu'un simple ajournement.

— 47 —
rabies qu'il fourmit et en présence de la nécessité de ne pas
laisser occuper par d'autres ce port qu'on considérait comme
excellent, M. Passot y fut envoyé bientôt pour continuer
auprès du sultan la ligne de conduite qu'il venait de suivre
avec succès à Nossi-Bé. Il trouva les habitants fatigués des
guerres civiles qui depuis dix ans désolaient l'île. Un chef de
Madagascar, Adrian Souli, était devenu sultan de Mayotte ;
il signa, le 25 avril 1841, un traité par lequel il nous cédait
la possession de l'île. De ses deux compétiteurs, Salim et
Saïd Amza, l'un, Saïd Amza, fut débouté de sa réclamation ;
l'autre était mort, quand la décision royale du 10 février 1843
ratifia le traité de 1841 (1). La prise de possession put avoir
lieu immédiatement, le 13 juin 1843.
30 bis. En outre de Mayotte, l'archipel des Comores compte
trois îles : la Grande Comore, Anjouan et Mohéli, qui ont été
successivement placées sous le protectorat de la France par
des traités des 6 janvier,21 et 26 avril 1886, 15 octobre 1887.
Depuis, le sultan de la Grande Comore, Saïd Ali, a, par une
déclaration du 23 septembre 1893, cédé tous ses droits à la
France. C'est à Mayotte que demeure placé le siège du. gou-
vernement de l'archipel des Comores.-
§ 10. — Établissements de l'Inde (2).
31. Après les premiers insuccès, soit de la compagnie des
marchands de Rouen (1603), soit de la compagnie des Mo-
luques (1615), soit de la première compagnie des Indes (1642),
les résultats obtenus dans l'Inde par la seconde compagnie
dès sa création en 1864 furent considérables. En 1668, elle
s'établit à Surate, puis dans l'île de Ceylan, en 16 78, à
Pondichéry, qu'elle acheta définitivement en 1683 au souve-
(1) V. le rapport du 18 décembre 1843. Certains auteurs ont prétendu
que Saïd-Amza et Salim avaient renoncé à leurs droits par des traités
passés avec le gouvernement français; nous n'avons pu retrouver ces
traités.

(2) En 1503, deux navires furent envoyés dans l'Inde par des négociants
de Rouen; on n'a pas retrouvé la trace de leur voyage; — en 1537, une
tentative avait été faite, mais elle ne put aboutir.

— 48 —
rain du pays (I) ; en 1688, elle acheta Chandernagor au Grand
Mogol; en 1727, Mahé, en 1737, Karikal, en 1750, Yanaon et
Mazulipatam.
Pondichéry fut pris une première fois par les Hollandais, le
5 septembre 1693, et rendu le 20 septembre 1697, à la suite
du traité de Ryswick. Après la période de grandeur que nous
avions traversée dans l'Inde sous le gouvernement de Du-
pleix, la capitale de nos possessions qui, peu à peu, allaient
diminuant, eut à subir à plusieurs reprises l'occupation an-
glaise : nos forces dans ce pays ne nous permettaient même
plus dans les derniers temps d'opposer une résistance sérieuse.
Les occupations anglaises sont au nombre de quatre.
Du 6 janvier 1761 au 28 février 1765 (traité de Paris,
10 février 1763);
Du 18 septembre 1778 au 10 mars 1783 (traité de Ver-
sailles, 20 janvier 1783);
Du 21 août 1793 au 11 juillet 1803 (traité d'Amiens, 27 mars
1802);
Du 1er octobre 1803 au 4 décembre 1816 (traité de Paris,
20 novembre 1815);
Quant aux autres établissements, ils suivirent presque
constamment le sort du chef-lieu (2).
A la suite du traité de Paris, nos divers établissements nous
furent remis : Pondichéry et Karikal le 4 décembre 1816,
Chandernagor le 14 janvier 1817, Yanaon le 12 avril 1817,
Mahé le 22 février 1817.
32. La colonie de l'Inde comprend actuellement cinq éta-
blissements : Pondichéry, Ghandernagor, Karikal, Yanaon et
Mahé, et dix loges, ou comptoirs, sur lesquels nous possédons
des droits de juridiction et même de propriété.
Notre situation politique y est réglée par le traité de Paris
et les conventions des 7 mars 1815 et 13 mai 1818; enclavés
dans les possessions anglaises, nos établissements ne peuvent
pas être fortifiés et ne peuvent recevoir que l'effectif de
troupes nécessaire pour le maintien de la police. D'autre part,
(1) Pondichéry avait été acheté une première fois en 1674, puis aban-
donné presque immédiatement.
(2) Chandernagor se constitua en république en 1790.

— 49 —
nos droits commerciaux sont, limités en ce qui concerne
l'opium et le sel. Nous ne pouvons fabriquer l'opium, mais
l'Angleterre doit nous en livrer 300 caisses au prix moyen
des ventes de Calcutta (1).. Le sel excédant la consommation
de nos établissements doit être livré à l'Angleterre à un prix
déterminé, moyennant le payement d'une rente de quatre
lacs de roupies sicca (426,000 roupies) (2). Nous conservons
la faculté, résultant de la convention de 1787, d'exporter an-
nuellement du Bengale 18,000 mauds (204 tonnes) de salpêtre.
La situation de nos établissements vis-à-vis des établissements
anglais est également réglée par la convention de Versailles
du 3 septembre 1783 et l'arrangement du 30 avril 1786, qui doi-
vent être considérés comme encore en vigueur. L'Angleterre
garantit la sûreté, la liberté et l'indépendance de notre com-
merce dans ces possessions. Les navires français ne peuvent
être visités sur le Gange en se rendant à Chandernagor ou en,
en descendant; les marchandises à destination ou en prove-
nance de Chandernagor par navires étrangers payent un droit
de 2 1/2 0/0. Tous les habitants des établissements et môme
des comptoirs et des loges sont sous la juridiction française.
Ce dernier point, très important, est contesté par l'Angleterre,
mais cette opposition ne saurait être soutenue sérieusement.
§ 11. indo-Chine.
33. Nos premières relations avec l'empire d'Annam re-
montent au milieu du XVIIIe siècle : Poivre, le célèbre inten-
dant de Bourbon, essaya sans succès en 1749de signer un
traité de commerce et de fonder un comptoir à Tourane :
plus tard, à la suite de l'envoi en France du fils de Gialong
et sous l'inspiration de l'évêque d'Adran, un traité du 28 no-
vembre 1787 nous céda en toute propriété et souveraineté
(1) Antérieurement à la prise de possession de 1793, cette cession se
faisait, en vertu d'une convention du 31 août 1787, au pris de fabrication.
(2) Une convention conclue entre les gouverneurs de Pondichéry et
de Madras, le 13 mai 1818. renouvelée en 1832, a modifié cette situation :
les salines françaises sont fermées : les propriétaires reçoivent en
échange une indemnité de 14,000 roupies par an.
COLONIES, I.
1

— 50 —
la presqu'île de Tourane et l'île de Poulo Condore. La France
s'engageait en échange à fournir à l'empereur d'Annam un
corps de 1,5ΟΟ hommes environ et tout un matériel de
guerre (1), Ce traité ne fut pas exécuté par suite des événe-
ments qui se succédèrent si rapidement en France ; l'évèque
d'Adran ramena seulement en Coçhinchine un certain nombre
d'officiers, grâce auxquels Gialong constitua une armée, une
flotte, construisit des citadelles et triompha de ses ennemis.
Nos relations avec l'Indo-Chine cessèrent presque complè-
tement jusqu'en 1858 (le consul de France à Hué en avait
été chassé en 1824). A celte époque, à la suite d'insultes du
gouvernement annamite (2) et de massacres de mission-
naires, une expédition franco-espagnole fut envoyée sous les
ordres de l'amiral Rigault de Genouilly pour obtenir une
réparation ; le 2 septembre 1838, elle s'empara de la pres-
qu'île de Tourane, le 17 février 1859 de la citadelle de Saïgon.
Mais la guerre avec la Chine obligea de renoncer raoraen-
tanément aux projets d'occupation : Tourane fut évacué et
on se contenta de laisser à Saigon une petite garnison qui eut
à lutter pendant dix mois avec une énergie admirable pour
conserver cette marque de notre prise de possession sur la
terre indo-chinoise. La fin de la guerre de Chine rendit dis-
ponibles des forces suffisantes pour continuer l'œuvre entre-
prise; l'amiral Charner arriva à Saigon, à la fin de jan-
vier 1861, débloqua la place par la prise des ouvrages de
Khihoa, puis s'empara de Mytho et de Taïninh. A la fin
de 18G1, Bienhoa fut pris, l'île de Poulo Condore occupée, la
province de Bienhoa le fut bientôt complètement et on com-
mença à songer à l'organisation administrative de la nouvelle
colonie.
Devant ces succès, le gouvernement annamite demanda à
traiter et une convention du 5 juin 18G2 nous' céda les trois
provinces de Saigon, Mytho et Bienhoa et l'île de Poulo Con-
dore.
(1) Gialong promettait de sou côté le concours d'une armée de
40,000) hommes, si nos posséssions d'Asie étaient attaquées.
(2) En 1847, la Gloire et la Victorieuse avaient dû couler cinq corvettes
annamites ; en 1856, le Catinat avait détruit un des forts de Tourane.

— 51 —
Notre allié, le gouvernement espagnol, fut désintéressé de
sa coopération : sur l'indemnité de guerre de 4 millions de
dollars, payables en dix années, il reçut 1 million (1).
34. Le traité du 5 juin 1862 nous avait donné trois des
provinces de la basse Cochinchine ; les trois autres, séparées
de l'Annam par notre possession, furent bientôt un foyer d'in-
trigues et de soulèvements. Il devint nécessaire aux intérêts,
à la tranquillité de la colonie naissante, dont on pouvait déjà
prévoir l'heureux et rapide développement, de mettre fin à
cette situation ; une expédition s'empara, sans coup férir, de
Vinhlong le 20 juin 1868, de Chaudoc le 22 et d'Hatien le 24;
toute la basse Cochinchine était entre nos mains.
Le gouvernement annamite hésita longtemps avant d'ac-
cepter cette nouvelle situation ; cependant, après quelques
vaines tentatives de révoltes, un traité fut signé le 31 août 1874.
Ce traité, approuvé par la loi du (i juillet 1875, reconnaît
notre souveraineté sur les six provinces de la basse Cochin-
chine et règle définitivement notre installation dans ce pays.
Depuis cette époque, la première partie du groupe de nos
établissements de l'Indo-Chine s'est trouvée définitivement
constituée; le traité du 21 août 1883 lui avait annexé la pro-
vince annamite du Binhthuan, mais ce traité ne fut pas ratifié
par le gouvernement français, et le traité du 6 juin 1884
rattacha le Binhthuan à l'Annam proprement dit.
35. Le royaume du Cambodge qui, avant notre prise de
possession de la basse Cochinchine, reconnaissait la suzerai-
neté de Siam, se trouva naturellement englobé dans notre
'cercle d'action. Ses relations commerciales étaient presque
complètement limitées aux voies fluviales aboutissant dans
notre colonie ; ses intérêts de toute nature l'y rattachaient
également ; le roi reconnut notre protectorat par un traité du
11 août 1863 (2) ; un résident fut accrédité auprès de lui.
(1) Par le
traité du 15 mars
1874, l'indemnité de guerre due à la
France fut remise au gouvernement annamite ; celle due à l'Espagne
dut être payée par l'intermédiaire de la France; elle a été supportée
par la caisse de réserve de la Cochinchine.
(2) Les relations entre la France et le Cambodge commencèrent dès le
mois d'avril 1801 à la suite d'une mission remplie auprès du roi par
M. Lespès, commandant du Nozzaguaray.

— 52 —
Cette situation ne fut pas acceptée sans conteste par la cour
de Bangkok; à la suite de longs pourparlers, une ambassade
siamoise fut envoyée en France et un traité signé le 15 juil-
let 1867 mit fin momentanément aux difficultés : le protectorat
de la France sur le Cambodge y fut reconnu ; la cour de
Bangkok renonçait à toute marque de vassalité de la part de
ce pays : de son côté, la France renonçait à incorporer le
Cambodge aux possessions de Cochinchine, mais les con-
ventions particulières avec le roi du Cambodge permirent de
faire rentrer ce pays dans l'orbite commercial de la Cochin-
chine, de faire profiter notre colonie et le Cambodge lui-même
du bénéfice, d'une entente aussi large que possible (1).
C'est ainsi que les Européens furent soumis à la juridic-
tion du représentant du protectorat (1877) — que cette juri-
diction fut étendue aux Asiatiques, sujets français (Ordonnance
du roi de Cambodge du 1er mai 1877) — qu'un tribunal fran-
çais fut établi à Pnompenh (Convention du 17 novembre 1880,
et Décret du 24 février 1881), relevant de la cour d'appel
de Saigon et chargé de rendre la juslice à tous les sujets
des puissances européennes et américaines quand il n'y a point
de sujet cambodgien en cause — que des arrêtés ont pu être
pris par le gouverneur de la Cochinchine réglementant le
commerce des armes et munitions au Cambodge (2) — que
le règlement des conflits entre le gouvernement cambodgien
et les Européens est déféré au conseil privé de la Cochin-
chine (Convention du -21 décembre 1881 ; Décrets des 6 mai
et Π septembre 1882); — qu'enfin une dernière convention
du 17 juin 1884, approuvée par une loi du 17 juillet 1885,
règle définitivement l'exercice de notre protectorat. Des rési-
dents français sont appelés à contrôler les autorités locales ;
l'établissement et la perception des impôts, les contributions
indirectes, les travaux publics sont confiés à des agents
français. L'esclavage est aboli : le sol du royaume, jusqu'a-
(1) Les clauses de ce traité ont été modifiées de telle sorte que le
Siam ne peut plus avoir à s'occuper de nos relations avec le Cambodge.
(Traité du 14 juillet 1870 relatif aux pêcheries du Grand Lac; traité du
30 octobre 1893 restreignant l'action du Siam le long du cours du Mékong.)
(2) Convention du 26 mars 1882. Arrêté du 8 mai 1882, approuvé
par décret du 20 juillet 1882.

— 53 —
lors propriété exclusive de la. couronne, cesse d'être inalié-
nable. Une municipalité est créée à Pnompenh.
Cette convention a été suivie de quelques autres, relatives à
l'aliénation des terres (27 juin 1887), à la création du Trésor
Cambodgien (22 août 1891), à l'organisation de la justice mixte
(31 décembre 1891), à l'immigration des. asiatiques étrangers
(3.1 décembre 1891). Ces derniers actes sont des ordonnances
royales rendues exécutoires par le gouverneur général ou, en
son nom, par le résident supérieur.
36, Le traité du 5 juin 1862 avec l'Annam nous avait accordé
la liberté de commercer à Tourane, Balai et Quangyen ; il fut
modifié, à la suite de l'expédition de Francis Gamier, par
celui du 1S mars 1874, qui nous reconnaissait le droit de com-
mercer à Thin-Hai ι province de Binh-Dinh), à Nin-haï (province
de Haïzuongj, à Hanoï ; le fleuve Bouge était ouvert au com-
merce jusqu'à Yunam. Le gouvernement annamite s'engageait
à conformer sa politique extérieure à celle de la France; nous
faisions remise de l'indemnité de guerre. Le jugement des
contestations intéressant uniquement des Français et étrangers
était laissé aux résidents (1), les crimes et délits commis par
les Européens étant déférés aux tribunaux de Saigon. Un résident
était établi à Hué : le gouvernement annamite pouvait en créer
à Paris et à Saigon. Un traité complémentaire de commerce,
du 31 août 1876, après avoir rappelé l'ouverture des ports
et du fleuve Bouge et réglé le service des douanes en le confiant
à des fonctionnaires français," accorda des avantages aux mar-
chandises provenant de Saïgon.
Ces traités ne furent point respectés par le gouvernement
annamite : il fallut recourir aux opérations militaires et à une
occupation définitive. Les décrets des 28 et 31 mai 1883 rela-
tifs au service financier sont les premiers actes réglemen-
taires de notre nouvelle colonie. A la suite du traité du (i juin
1884 qui a remplacé celui du 21 août 1883 et qui a été ap-
prouvé par la loi du lu juin 1883, le Tonkin a été mis sous le
protectorat effectif de la France ; des résidents, relevant du
résident général de Hanoï, furent placés auprès des gouver-
1) V. Dec. 17 août 1881.

— 54 —
neurs de province qui administrent sous leur contrôle ; ils
centralisent le service des impôts. Des garnisons françaises
purent être établies clans les différentes places du Tonkin*
37. Enfin, des difficultés soulevées au Tonkin rendirent
nécessaire une action directe sur l'empereur cl'Annam; il
fallut prendre des précautions pour faire respecter les con-
ventions : le traité du 21 août 1883, puis celui du 6 juin 1881,
que nous avons cités précédemment, ont eu pour résultat
d'assurer notre protectorat sur cette partie de notre empire
indo-chinois. La France représente l'Annam dans toutes ses
relations extérieures; un résident général, habitant avec une
escorte la citadelle de Hué, est en relations directes avec le
roi. L'Annam entre, avec le Tonkin, la Cochinchine et le
Cambodge, dans une union douanière. Les fonctionnaires
annamites continuent à administrer les provinces, sauf en ce
qui concerne les services (douanes, travaux publics, etc.) qui
exigent une direction unique ou l'emploi d'ingénieurs ou
d'agents français. Les étrangers de toutes nationalités sont
placés sous la uridiction française qui statue également sur
les contestations entre Annamites et étrangers.
La France garantit d'ailleurs l'intégrité des Etats du roi
d'Annam.
37 bis. La grande colonie indo-chinoise constituée par la Co-
chinchine, le Cambodge, l'Annam et le Tonkin, a été com-
plétée à la suite des voyages de M. Pavie, par le Laos.
D'autre part, les difficultés soulevées par le Siam, par suite
des empiétements de celui-ci sur la rive gauche du Mékong,
obligèrent le gouvernement français à appuyer d'une démons-
tration militaire ses réclamations. Un traité signé le 3 oc-
tobre 1893 à Bangkok régla la question des frontières en in-
terdisant, en outre, au Siam, toute action militaire dans les
provinces de Battambang et de Siam-Beap, ainsi que dans une
zone de 25 kilomètres sur la rive droite du fleuve.
A la suite de contestations avec l'Angleterre sur l'étendue
des zones d'influence des deux pays dans la région du Haut-
Mékong, un accord s'était établi le 31 juillet 1893 en vue de
constituer une zone neutre, un état tampon, d'environ80 kilo-
mètres de largeur. Mais, en raison de la difficulté de donner
suite à ce projet, on le remplaça le 15 février 1896 par une

— 55 —
déclaration d'après laquelle les deux pays s'interdisaient récipro-
quement toute action militaire dans les régions siamoises (bas-
sins du Petchabouri, du Meiklong, du Menam et du Bang-Pakong
et-région située au nord du bassin du Menam, entre la fron-
tière anglo-siamoise et la limite occidentale du bassin du
Me-Kong) et fixaient la frontière au nord de cette région.
Enfin, la frontière franco-siamoise a été précisée par la
convention du 13 février 1904 (1). Cet accord a déterminé
la limite définitive entre le Siam et le Cambodge d'une part,
entre le Luang-Prabang et les provinces de Muang-Phichai et
Muang-Nan, d'autre part. Le gouvernement siamois a renoncé
à toute suzeraineté sur les territoires du Luang-Prabang
situés sur la rive droite du Mékong. Les troupes françaises
qui occupaient provisoirement Chantaboum en vertu de la con-
vention de 1893 ont dû quitter celle ville. Mais le gouver-
nement siamois s'est engagé à n'entretenir que les contingents
de police nécessaires au maintien de l'ordre dans les provinces
de Siem-Beap, de Battambang et de Sisophon.
Le vaste empire colonial que nous possédons en Asie ne
pouvait continuer à former un simple ensemble de parties sé-
parées sans direction politique et militaire commune. Le décret
du 17 octobre L887 créa le gouvernement général de l'In-
do-chine, constituant ainsi l'union indo-chinoise.
Cette union indo-chinoise, depuis un décret du 31 juil-
let 1898, s'est trouvée resserrée et fortifiée par la création
d'un budget général de l'lndo-Chine, instrument nécessaire
de son action et dont un décret du 11 mai 1888 avait,
sans qu'il lui eût été dès lors restitué, fait perdre au gou-
vernement général la libre disposition.
Assisté tantôt par. un directeur des affaires civiles, et tantôt
par un secrétaire général, le gouverneur général est secondé,
en outre, par un lieutenant-gouverneur en Cochinchine, et
par des résidents supérieurs en Annam, au Tonkin et au
Cambodge. L'administration des territoires du Laos a de
même été placée par un décret du 19 avril 1899 sous la
direction d'un résident supérieur, résidant à Savannakek.
(1) Promulguée suivant décret du 14 décembre 1904.

— 56 —
Un décret en dale du 5 janvier 1900 a chargé entin le
gouverneur général de l'Indo-Chine d'administrer le terri-
toire de Kouang-tchéou-ouan, que la Chine a cédé à bail
à la France aux termes d'une convention du 10 avril 1898.
§ 12. Nouvelle-Calédonie (1).
38. Lors du voyage de la gabarre le Bucéphale sur les
côtes de la Nouvelle-Calédonie, les chefs indigènes avaient
fait (1er janvier 1844) un trailé de cession de cette île à la
France; plus lard, à la suite d'une nouvelle exploration
par l'Alcmène (2) et des rapports favorables du comman-
dant de ce navire, le gouvernement, désireux de posséder
une colonie pénale plus saine que la Guyane, se décida à
exercer ses droits sur celte île. L'amiral Febvrier-Despointes
arriva à Balade le 24 septembre 1853 et prit le même jour
possession de la Nouvelle-Calédonie et de ses dépendances;
le 29 septembre, il prenait également possession de l'île
des Pins. Enfin les îles Loyalty furent occupées en 1861.
La Nouvelle-Calédonie devait être, avant tout, un lieu de
transportation; la loi du 30 mai 1856 avait supprimé en
principe les bagnes dans les ports; il fallait les remplacer
et la Guyane n'offrant pas à ce point de vue des ressources
suffisantes, la Nouvelle-Calédonie fut définitivement affectée
au service de la transportation par un décret du 2 septem-
bre 1863. Plus tard, quand, à la suite des événements de
1871, il devint nécessaire de créer de nouveaux lieux de
déportation (3), la loi du 23 mars 1872 affecta à la dé*
portation simple l'île des Pins et l'île Maré, à la dépor-
tation dans une enceinte fortifiée la presqu'île Ducos.
En même temps que l'île recevait des colons d'origine
politique ou pénale, la colonisation libre s'y établissait peu
(1) Découverte par Cook, le i septembre 1774.
(2) C'est dans ce voyage que l'armement du canot de l'Alcmènc fut
massacré par les Canaques.
(3) La loi des 5-22 avril-8 juin 1830 avait désigné pour la déportation
dans une enceinte fortifiée la vallée de Vaïthau dans les Marquises, et
pour la déportation simple l'île de Noukahiva.

— 57 —
à peu-, toujours subordonnée naturellement aux exigences
de la colonisation officielle, pour laquelle l'établissement
avait été créé. D'autre part les indigènes, refoulés dans des
cantonnements, ne se soumirent que difficilement à cette
dépossession du sol et une sanglante révolte éclata au mois
de juin 1878; cette révolte fut comprimée après dix mois
de lutte et la colonie est aujourd'hui définitivement cons-
tituée.
Nous devons encore citer les Nouvelles-Hébrides qui, par
leur proximité, leurs relations naturelles, se rattachent à la
Nouvelle-Calédonie, mais qui nous sont disputées par les
colonies anglo-australiennes.
Aucun gouvernement n'en a
encore fait prendre possession, mais de nombreux Français
s'y sont rendus propriétaires de terrains considérables et de
positions importantes (1). La convention anglo-française du
16 novembre 1887 constitua une commission mixte pour
assurer la protection des personnes ou des biens dans ces
îtes. Il faut ajouter enfin, dans le même ordre d'idées, que,
depuis un décret du 28 février 1901, le gouverneur de la
Nouvelle-Calédonie est commissaire général de la République
dans les îles du Pacifique. Il assure en cette qualité la pro-
tection des Français résidant dans les îles de l'Océan Paci-
fique sur lesquelles aucune puissance n'a encore établi sa
souveraineté.
§ 13. — Etablissements de l'Océanie.
39. L'île de Tahiti (2) avait été visitée dès la fin du siècle
dernier par les Anglais, puis par nous (3) ; mais les Anglais
ne s'en préoccupèrent point; leurs missionnaires seuls y
revinrent en 1797, et, après plusieurs tentatives, prirent une
influence très grande sur les chefs du pays, auxquels ils
(1) Voir notamment le traité du port
Sandwich (10 novembre 1884),
publié dans l'Avenir des Colonies, 14 janvier 1885.
(-2) Tahiti a été probablement explorée pour la première fois par
Quiros, au commencement du XVIIe siècle.
(3) L'Anglais Wallis débarqua à Tahiti le 18 juin 1767, mais Bougain-
ville en prit possession pour la France le C avril 1768.

— 58 —
firent embrasser la religion protestante. Dès 1838, les ami-
raux français commandant la division navale du Pacifique
constatèrent l'importance de cette île comme centre de ravi-
taillement et de réparations pour nos navires. En 1841, la
reine et les chefs de Tahiti, désireux de mettre tin à des
difficultés locales, demandèrent le protectorat de la France,
et malgré les efforts des missionnaires anglais, l'acte de
protectorat fut signé le 9 septembre 1842 et ratifié par
ordonnance du 25 mars 1843.· Le protectorat ainsi établi
s'étendait sur le royaume de Pomaré, comprenant les îles
du Vent (Tahiti et Moorea), les Tuamotu et les Tubuai. La
résistance des missionnaires ne tarda pas à se traduire par
des actes de rébellion des indigènes et pour mettre fin aux
difficultés soulevées notamment par le missionnaire Prit-
chard, l'amiral Du Petit-Thouars prit possession de l'île le
6 novembre 1843; mais il fut désavoué par le gouverne-
ment et le protectorat rétabli (1).
Cette situation a duré jusqu'en 1880 : pendant cette période,
la France n'eut qu'à exercer un droit de suzeraineté. En 1880,
les chefs de Tahiti reconnurent la nécessité de renoncer à un
état de choses très nuisible au développement du pays et une
déclaration du roi Pomaré V, en date du 29 juin 1880, reçue
par le commissaire du gouvernement, M. Chessé, nous céda
la souveraineté pleine et entière de Tahiti et des îles qui en
dépendent. Cette cession a été ratifiée par la loi du 30 décem-
bre 1880, promulguée dans la colonie le 24 mars 1881.
40. Lorsque la reine Pomaré signa en 1841 le traité do pro-
tectorat, elle déclara que les îles sous le Vent (Raïatea, Bora-
bora, Huahine) ne lui appartenaient point; certains historiens
affirment en effet (2) que depuis 1831 une scission s'était opé-
rée dans le royaume, et que les îles Nord-Ouest séparées de
Tahiti, s'étaient elles-mêmes partagées en deux groupes : Bora-
bora d'un côté, Raïatea et Huahine de l'autre; il paraît cepen-
dant que, même après 1841, Pomaré ne cessa pas d'exercer son
(1) L'existence légale de nos établissements de l'Océanie date de la
loi du 23 juillet 1843, qui ouvre un crédit extraordinaire pour les dé-
euses de ces établissements.
(8) V. Vincendon Dumoulin et Desgray. Iles Tahiti, t. II.

— 59 —
autorité sur les îles sous le Vent. Une déclaration signée le
19 juin 1847 entre la France et l'Angleterre reconnut l'indépen-
dance de ces trois îles et des petites îles adjacentes qui en
dépendent, et les deux pays s'engagèrent à ne jamais en pren-
dre possession, soit absolument, soit à titre de protectorat ou
sous une forme quelconque. L'indépendance réciproque de
Tahiti et des îles sous le Vent était posée en principe; aucun
chef régnant sur l'une de ces îles ne pouvait étendre son pou-
voir sur les autres. Cette convention, admissible tant que la
France et l'Angleterre étaient seules en présence dans le
Pacifique, était devenue inapplicable en présence des compéti-
tions Européennes : par la convention du 16 novembre 1887,
l'Angleterre consentit à procéder à l'abrogation de l'ancien
régime, par suite à reconnaître le protectorat français, aus-
sitôt qu'aurait été mis à exécution l'accord relatif aux Nou-
velles-Hébrides. Ce protectorat a maintenant fait place à une
véritable annexion. Une loi en date du 19 mars 1898 a déclaré
que les îles sous le Vent faisaient partie intégrante du domaine
colonial de la France.
41. Outre les îles de la Société proprement dite, les îles
sous le Vent, les Tuamotu et les Tubuai formant l'ancien
royaume de Pomaré, nos établissements de l'Océanie com-
prennent encore les Marquises, les Gambiers et l'île Rapa.
Les Marquises furent prises par l'amiral Du Petit-Thouars,
en 1842 : la déclaration de prise de possession fut faite le
17 mai 1842 pour Tahuata et le groupe sud-est des Marquises,
le 1er juin 1842 pour le groupe nord-ouest. Ces déclarations
furent corroborées par des reconnaissances de souveraineté
des chefs de Hivava (5 mai), •Nu-ka-hiva- (31mai), Fa-tu-ivi
(24 août), etc.
Les habitants des Gambier demandèrent, presque dès notre
établissement à Tahiti, à porter le pavillon français : le 16 fé-
vrier 1846, cette demande (1), tendant à former un État libre
(1) « Le roi et les grands chefs des îles Manga-Reva, ayant par con-
« viction embrassé la religion catholique, apostolique et romaine, décla-
« rent solennellement vouloir former un état indépendant sous la protec-
« tion immédiate de S. M. Louis-Philippe Ier, roi de France, etc., et à
« l'effet de montrer leur union avec la France, demande de prendre le

« pavillon de la grande nation qui les a initiés à la civilisation. »

— 60 —
et indépendant sous le protectorat de la France, fut remise au
commandant de la Charte et acceptée par lui au nom de l'ami-
ral Du Petit-Thouars, mais elle ne fut pas ratifiée par le gou-
vernement. Les Gambier restèrent un fief des pères de Pic-
pus (1) jusqu'en 1879; un résident fut alors envoyé dans cet ar-
chipel, mais il ne put triompher de la résistance des missionnai-
res. Enfin, à la suite d'une visite de M, Chessé, commissaire
de la République, les habitants demandèrent, le 21 février 1881,
l'annexion à la France. Cette demande fut ratifiée par un
décret du 30 janvier 1882. Un code spécial a d'ailleurs été
donné a cet archipel lors de la demande de cession.
L'île Rapa est entrée en 1867 dans les Etats relevant, non
du protectorat, mais de l'action directe de la France : il y eu
un résident de 1867 à 1869 ; puis l'île fut abandonnée jusqu'en
1881. M. Chessé, après avoir visité les Gambier, se rendit à
Rapa, à la suite d'une nouvelle demande des habitants
renouvelant l'acte de 1867, le pavillon français fut hissé défi-
nitivement le 7 mars 1881.
Plus récemment, les îles Rurutu et Rimatara ayant été annexées
au domaine colonial de la France, un décret en date du 18 no-
vembre 1901 les a rattachées administrativement au groupe
des îles Gambier, Tubuai et Rapa.
Lors de la conquête des Marquises, un gouverneur y avait
été établi (Ordonnance du 18 avril 1813); plus tard, quand le
centre de nos établissements fut transféré à Tahiti, il y eut un
gouverneur des établissements français de l'Océanie, commis-
saire du roi près la reine des îles de la Société. Un décret du
28 juin 1849 avait confié ces fonctions à l'amiral comman-
dant la division du Pacifique; un décret du 14 janvier 1860
rétablit le poste de commandant des établissements français de
l'Océanie. Enfin, par suite de la cession de Tahiti, le titre de
gouverneur a été créé le ϋ juillet 1881.
42. Nous venons de passer successivement en revue l'histo-
rique de nos divers établissements d'outre-mer ; il est facile de
se rendre compte que, malgré des défaillances momentanées,
l'idée de créer un empire colonial, d'ouvrir des débouchés à
(1) V. Interpellation au Corps législatif, 11 mars 187.

— 61 —
notre commerce et à notre industrie, d'assurer à notre régime
pénitentiaire des lieux de déportation, a toujours fait partie de
la politique française. Certes nos tentatives n'ont pas toujours
été couronnées de succès, et d'autre part, dans le partage des
terres de colonisation que se font peu à peu les nations euro-
péennes, nous n'avons pas eu constamment un choix bien heu-
reux; le sort des armes, enfin, nous a enlevé quelques-uns des
plus beaux joyaux de notre couronne coloniale. Mais cependant
il ne nous reste pas moins de nos anciens établissements des
possessions essentiellement françaises par le cœur comme par
les intérêts; de nos colonies anciennes ou récentes, quelques-
unes, l'Afrique occidentale, Madagascar, l'Indo-Chine surtout,
semblent destinées à un avenir qui nous permet de comparer
sans trop de regret, les moyens d'expansion que nous possé-
dions il y a cent ans à ceux que nous avons su nous cons-
tituer aujourd'hui.

— 62 —
SECTION II.
HISTORIQUE DES POUVOIRS CHARGÉS DE LA DIRECTION DES COLONIES.
43. Les lettres patentes d'octobre 1626 portant création en
faveur de Richelieu de la charge de grand maître, chef et
surintendant général de la navigation et du commerce de
France, sont le point de départ de notre organisation centrale
des colonies. Trois services distincts, ayant des intérêts parfois
opposés, sont créés en même temps et remis entre les mains
d'un même chef; mais ce chef était Richelieu, et dans cette
période de création où chacun des services avait une impor-
tance restreinte, il importait avant tout de faire converger
tous les efforts vers un même but. Il est intéressant d'ailleurs
de signaler dès le début cette juxtaposition des colonies aux
deux administrations auxquelles elles ont été rattachées.
En 1609, un édit du 12 novembre rétablit, à la mort du duc
de Beaufort, la charge d'amiral de France et supprima celle de
grand maître de la navigation et.du commerce; un secrétaire
d'Etat fut chargé de la marine et des colonies. C'est cette
organisation qui a toujours subsisté depuis lors, sauf quelques
légers changements.
Le 48 septembre 1713, une déclaration du roi supprima les
secrétaires d'État et établit six conseils particuliers pour la
direction des affaires du royaume ; le conseil de marine,
s'occupant également des colonies, était composé de l'amiral
et de six membres. Le 20 mars 1723, cette organisation dis-
parut et on revint au secrétariat d'État.
44. Pendant la Révolution, le décret du 27 avril 1791 cons-
titua (art. 10) le ministère de la marine et des colonies. Il lui
confia (on distinguait toujours à cette époque les deux séries
d'établissements) : 1° les colonies dans les îles et sur le conti-
nent d'Amérique, à la côte d'Afrique et au delà du cap de

— 63 —
Bonne-Espérance, 2° les établissements et comptoirs français
en Asie et en Afrique.
La loi du 5 nivôse an VIII (art. 7) chargea spécialement
un conseiller d'État de l'administration des colonies : il pro-
posait au ministre les décisions que celui-ci devait soumettre
aux consuls. C'était, avec le principe d'un chef unique l'intro-
duction d'une autorité spéciale ayant une sorte de responsabi-
lité propre : la direction des colonies relevait du ministre de
la marine, mais on pouvait dire qu'elle n'appartenait pas au
ministère de la marine (1).
Une ordonnance du 8 janvier 1814 fit de l'administration
coloniale une direction de ministère, mais cette ordonnance
fut rapportée par le décret du 21 mars 1814 qui rétablit
l'organisation impériale et par l'ordonnance du 21 juil-
let 1815 qui constitua le ministère de la marine avec un
secrétariat général, 5 directions du service marine et l'ad-
ministration des colonies. Toutefois ce ne fut là qu'un chan-
gement de nom éphémère, car, dès 1817, l'annuaire porte :
7e division, direction des colonies : le baron Portai, conseiller
d'État chargé de la direction supérieure de l'administration des
colonies. Les colonies restèrent dans cette situation (sauf
pendant la période d'existence du ministère de l'Algérie et des
colonies) jusqu'au 14 novembre 1881.
45. On peut noter, pendant cette période, comme un essai
intéressant, l'organisation, par ordonnance du 6 janvier 1824,
du conseil supérieur du commerce et des colonies, et du
bureau du commerce et des colonies. Le conseil supérieur
était présidé par le président du conseil des ministres et
composé de tous les ministres, de 4 directeurs (douanes — agri-
culture, commerce et arts — affaires politiques — colonies) d'un
conseiller d'État et de 5 autres membres nommés par le
roi ; il avait pour but d'aviser à l'amélioration successive
des lois et tarifs régissant les 'rapports du commerce fran-
çais avec l'étranger et les "colonies, il représentait plus parti-
culièrement les intérêts métropolitains.
(1) C'est ainsi que le décret du 24 j uillet 1810 qui constitua en conseil
auprès du ministre de la marine les quatre conseillers d'État chargés
des directions, laissa en dehors celui qui était chargé des colonies.

— 64 —
Le bureau du commerce et des colonies, composé des 4 di-
recteurs, du conseiller d'Etat membre du conseil et de
2 maîtres des requêtes, était constitué auprès du président du
conseil des ministres pour réunir les documents et l'aire des
propositions. Deux mois après la constitution de ce bureau,
on jugea nécessaire de lui donner un chef spécial (le futur
ministre du commerce), et une ordonnance du 20 mars confia
la présidence à un membre du conseil privé ou du conseil
d'État : il n'y eut plus qu'un membre du conseil d'État au
lieu de trois.
Les ordonnances des 4 et 20 janvier 182$ tirent du bu-
reau du commerce et des colonies un ministère spécial du
commerce; celui-ci n'eut d'ailleurs,- en ce qui concerne les
colonies, que des attributions analogues à celles qu'il exerçait
vis-à-vis des pays étrangers, c'est-à-dire la centralisation des
documents de nature à faire apprécier la marche et les besoins
du commerce et de la navigation et la préparation des projets
de lois et d'ordonnances relatives au commerce intérieur et
extérieur.
Lors de la suppression du ministère du commerce, le
8 août 1829, le bureau fut reconstitué, mais cette fois auprès
du ministre des finances, puis auprès du ministre du com-
merce et des travaux publics (13 mars 1831); il disparut,
ainsi que le conseil supérieur, lors de la création du conseil
général du commerce, le 29 avril 1831.
46. Le 24 juin 1858 parut un décret constituant un minis-
tère spécial de l'Algérie et des colonies; la direction des co-
lonies y était entrée avec une organisation propre, mais un
décret du 22 décembre 1858 supprima les directions de l'Al-
gérie et des colonies, fusionna les services et les répartit
par nature d'attributions dans les nouvelles directions cons-
tituées.
La marine continua à prêter le concours de son personnel
qui fut considéré comme détaché ; l'ordonnancement des dé-
penses dans les ports fut confié à ses agents ; la caisse des
Invalides de la marine conserva le service des pensions co-
loniales.
Le ministère spécial fut supprimé par un décret du 24 no-
vembre 1860 et les colonies revinrent à la marine.

— 65 —
Un second essai eut lieu lors de la constitution du ministère
Gambelta, le 14 novembre 1881 ; les colonies furent rattachées
au ministère du commerce, mais uniquement par les décrets
nommant un ministre de la marine et un ministre du commerce
et des colonies : il n'y eut pas de décret spécial de rattachement
ainsi que cela se faisait à la même époque pour l'administration
des cultes. Les difficultés de la séparation, résultant en
particulier du maintien à la marine de la défense des colonies,
n'étaient pas encore surmontées quand, à la chute du ministère
Gambetta, un décret du 30 janvier 1882 rattacha de nouveau
les colonies à la marine.
47. Le rattachement des colonies à la marine sous la forme
d'un sous-secrétariat d'Etat, ou sous celle d'une direction ana-
logue à celle de l'an VIII (du 9 août 1882 au 22 septembre 1883
et du 10 novembre 1885 au 15 janvier 1886) dura jusqu'au
14 mars 1889. A ce moment, le sous-secrétariat d'État des
colonies fut rattaché au ministère du commerce (14 mars 1889
au 8 mars 1892), revint à la marine (8 mars 1892 au 11 jan-
vier 1893), retourna de nouveau au ministère du commerce
auquel il resta attaché jusqu'à la création d'un ministère spé-
cial des colonies (20 mars 1894).
48. Le recrutement des fonctionnaires appelés à servir dans
les colonies avait été assuré presque uniquement par la marine
jusqu'à la création du sous-secrétariat d'État des colonies. Le
développement de l'empire colonial, la nécessité de constituer
des corps d'administration, amenèrent la création d'une école
spéciale dans laquelle les futurs fonctionnaires se préparent à
la mission qui leur incombe. Tel a été le but de l'École colo-
niale, organisée par le décret du 23 novembre 1889 ; la loi du
17 juillet 1889 (art. 56) avait donné à cet établissement en
création la personnalité civile. Depuis, une section commer-
ciale a été adjointe à l'École ; elle permet aux jeunes gens qui
se proposent do s'expatrier, de compléter, en vue de leur
séjour aux colonies, les connaissances acquises par eux dans
les écoles supérieures de commerce.
L'organisation de l'École, au point de vue du recrutement
des élèves, est actuellement réglée par le décret du 2 avril 1896,
complété par ceux des 6 juin 1897, 21 juillet 1898, 28 mai 1902
et 1905. Un arrêté ministériel du 6 septembre 1905, en outre,
COLONIES, I.
5

— 66 —
a prescrit que les adjoints des affaires indigènes des services
de l'Afrique occidentale, du Congo et de Madagascar, devraient
pour être admis dans le cadre des administrateurs, suivre pen-
dant un an les cours de l'école coloniale (n° 282).
48 bis. Des services spéciaux, ceux.de l'Office Colonial et
du Jardin Colonial, ont été, dans un but de propagande et de
vulgarisation, organisés auprès du ministère des colonies, par
des décrets en date des 14 mars et 28 janvier 1889.
Une loi en date du 18 février 1904 a attribué la personna-
lité civile à l'Office Colonial (n° 281).
Un conseil technique de l'agriculture coloniale a été institué
par décret du 28 mai 1902.
Un décret en date du 29 mars 1902 a complété l'organisa-
tion du Jardin Colonial par la création d'un enseignement supé-
rieur de l'agriculture coloniale (n° 281 bis).
SECTION III.
HISTORIQUE DE LA LÉGISLATION COLONIALE.
ARTICLE PREMIER. — Constitution coloniale.
§ 1. Période antérieure à la Révolution de 1789. Antilles.
49. Nous avons vu (n° 5) quelles étaient les attributions
confiées, au début de l'occupation, au lieutenant général, puis
au vice-roi des îles d'Amérique : il y avait un partage d'au-
torité assez difficile à faire, et les ordonnances de cette époque
portent la trace de ces difficultés. C'est ainsi que le règlement
du 4 novembre 1671 sur l'organisation des îles porte que le
commandement des armes appartient sans conteste au lieute-
nant général de Sa Majesté, mais que celui-ci doit donner
connaissance de ses décisions au directeur de la compagnie,
seigneur et propriétaire des îles. Quant aux règlements en
matière de justice et de police, ils étaient proposés par le pro-
cureur du roi et votés par le conseil souverain composé du

— 67 —
lieutenant général, du gouverneur particulier, du directeur de
la compagnie et de quatre conseillers nommés par celle-ci.
50. En 1674, les colonies rentrèrent sous l'autorité' royale,
et nous voyons alors apparaître, à côté du gouverneur, l'in-
tendant de justice, police
et finances. L'ordonnance du
1er avril 1070 fait de cet intendant le chef non seulement du
service judiciaire, mais encore du service financier (1), et
aussitôt naissent entre ces deux autorités, à attributions mal
définies, des luttes dont la colonie supporte le contre-coup ;
en 1680 et 1681. la correspondance du ministre et des auto-
rités locales est remplie de contestations sur les pouvoirs de
celles-ci, sur la subordination de l'intendant au gouverneur.
Cette organisation subsista néanmoins jusqu'à la Révolution.
Un conseil supérieur, composé du gouverneur-lieutenant géné-
ral, de l'intendant, du gouverneur particulier, de six conseillers
nommés par lettres patentes, avait, en dehors des attributions
judiciaires, des fonctions réglementaires en matière de police,
de justice et de finances. Modifié dans sa composition par l'or-
donnance du 8 février 1766, il avait pris depuis longtemps le
titre de conseil souverain ; on trouve ce titre reconnu pour
la première fois dans une dépêche ministérielle du 3 oc-
tobre 1769.
51. Un arrêt du Conseil du 10 décembre 1759 avait créé à
la Martinique (2) une chambre mi-partie d'agriculture et de
commerce, premier rudiment de la représentation locale;
le règlement du 24 mars 1763 (3) lui substitua une chambre
d'agriculture composée de sept habitants nommés par le roi.
Cette chambre, dont les délibérations n'étaient exécutoires
qu'après approbation du gouverneur, devait s'occuper non seu-
lement du développement de l'agriculture et du commerce, des
travaux publics, mais même de la défense des côtes. Elle avait
(1) Lettre du ministre, 11 juin 1680. — Archives des colonies.
(2) Cet arrêt du Conseil avait réglé la représentation en France des
colonies des Antilles (V. n° 374). Déjà pour les îles Sous le Vent,
cette représentation ainsi que la création de chambres mixtes d'agri-
culture et de commerce résultaient d'un arrêt du Conseil du 23 juillet
17S9.
(3) Par suite à ce règlement, un arrêt du Conseil du 9 avril 1TC3 créa
les chambres
d'agriculture de la Martinique et de Bourbon.

— 68 —
en outre une attribution intéressante : c'était, au départ de
chaque gouverneur ou intendant, d'adresser un rapport au
ministre sur la manière dont il s'était acquitté de ses fonc-
tions.
L'existence de ces chambres fut de courte durée : à la suite
d'un essai satisfaisant d'une organisation nouvelle fait à la
Guadeloupe, une ordonnance du 17 juin 1787 (1) supprima
les chambres d'agriculture qui n'étaient pas en communication
directe, immédiate avec la colonie elle-même, et constitua une
assemblée coloniale, composée du gouverneur, de l'intendant,
du commandant en second, du commissaire général, de deux
députés du conseil souverain, d'un député de chaque paroisse,
d'un député des propriétaires des deux villes importantes de la
colonie. Les députés étaient élus pour quatre ans par une assem-
blée censitaire. L'assemblée se réunissait chaque année; elle
fixait l'assiette et la répartition de la contribution dont le chiffre
total était fixé par le roi (2) : elle s'occupait de la prospérité
intérieure de la colonie et de la réforme des abus, déterminait
les travaux à exécuter, etc. ; le gouverneur pouvait surseoir
temporairement à l'exécution de ces délibérations.
Les attributions permanentes des chambres d'agriculture
étaient confiées à un comité de G habitants. désignés par
l'assemblée coloniale. Chaque colonie avait un député à Paris.
§ 2. Réunion.
52. Jusqu'en 1.689, la compagnie des Indes avait seule
gouverné l'île; le pouvoir royal n'y était pas représenté; dès
1674, un corps de six notables, désignés par l'élection et se
réunissant à Saint-Paul, prenait une part importante à l'ad-
ministration de l'île. En 1689, Louis XIV envoya le général
de Vaubulon comme gouverneur, en lui confiant le double
(1) « Le roi tient à être éclairé par l'expérience des habitants les plus
« accrédités, tout en conservant à l'autorité des chefs le ressort, l'action
« et la supériorité qu'elle doit avoir, étant donné l'éloignement de la
« source des pouvoirs. »

(2) V. Lettres patentes, 11 octobre 1664, 1er avril 1679.]

— 69 —
pouvoir exécutif et judiciaire; mais il fallut compter avec la
compagnie et, en 1710, lors de la réorganisation de l'admi-
nistration, il fut convenu que le gouverneur serait nommé
sur la présentation des directeurs de la compagnie. En môme
temps, l'assemblée des notables disparaissait et était rempla-
cée par un conseil provincial (Édit de mars 1711) composé du
directeur général de la compagnie, du gouverneur, des mar-
chands de la compagnie, des prêtres et curés (1) et d'un
nombre non déterminé d'habitants choisis pour un an par le
gouverneur et les habitants. Ce conseil était un corps judi-
ciaire et administratif à la fois : il rendait des ordonnances et
avait spécialement dans ses attributions les concessions de
terres ; au début, il relevait du conseil supérieur de Pondi-
chéry : un édit de décembre 1723 l'éleva au rang de conseil
supérieur.
53. Les pouvoirs accordés au gouverneur furent bientôt
l'objet d'attaques de la part de la compagnie ; elle obtint gain
de cause en 1727, Le gouverneur ne fut plus chargé que de
la partie militaire de ses attributions primitives, le directeur
général de la compagnie reprenant tous les pouvoirs civils.
Ces deux autorités étaient fréquemment en conflit, et un ar-
rêt du conseil du 21 mai 1762 dut fixer les limites des attri-
butions de l'une et de l'autre.
La représentation locale avait été supprimée en fait par la
création du conseil provincial ; la compagnie sentit le besoin
de se rattacher les habitants et, le 10 juillet 1732, une assem-
blée des représentants des colons fut réunie à Saint-Paul pour
discuter, d'accord avec la compagnie, la nature des rede-
vances à payer pour les terres cultivées, ainsi que pour les
esclaves.
54. En 1764, Bourbon fut rattachée à la couronne de France :
la prise de possession n'eut lieu qu'en 1767, mais, aupara-
vant, une ordonnance du 27 septembre 1766 (2) régla les
(1) Lors de la reconstitution du conseil en 1723, les prêtres cessèrent
d'en faire partie.
(2) Cette ordonnance, de même que celle du 1er· février 1766 pour
les Antilles, fut l'œuvre d'une commission établie par arrêt en conseil
du 19 décembre 1761, pour établir la législation coloniale. Complétée
par un arrêté du 12 avril 1762, elle fut supprimée de la même manière
le 11 novembre 1768, laissant trois véritables codes du plus haut intérêt.

— 70 —
attributions du conseil supérieur, qui fut renfermé clans ses
fonctions judiciaires, et du gouverneur, auquel fut adjoint
un intendant. Celui-ci (1) avait, en toute autorité, sous sa di-
rection, l'administration et la distribution des fonds; il exerçait
en même temps des fonctions judiciaires comme président du
conseil supérieur. Certains actes devaient, pour être valables,
être faits de concert entre le gouverneur et l'intendant.
Lors du transport du siège du gouvernement à l'île de
France, il y eut à Bourbon un commandant particulier et un
commissaire général ordonnateur : leurs attributions, sauf en
ce qui concerne la dépendance de leurs chefs directs, étaient
les mêmes que celles du gouverneur et de l'intendant.
Λ côté de ces représentants de l'autorité métropolitaine,
existait un conseil local composé de deux délégués élus par
les habitants de chacun des cinq quartiers de l'île, se réunis-
sant trois fois par an à Saint-Denis pour traiter des affaires de
la colonie et administrer, en particulier, l'emploi des fonds
provenant de la capitation sur les esclaves. Ces délégués rem-
plissaient, d'ailleurs, dans leurs quartiers réciproques, des
fonctions se rapprochant de celles des maires ; ils percevaient
en outre les fonds communaux. La Réunion possédait, par
suite, dès cette époque, une représentation plus puissante que
celle des Antilles.
En 1774, une juridiction royale fut établie, comme pre-
mier degré de juridiction, indépendante du conseil supé-
rieur; celui-ci tendit de plus en plus à devenir un corps
administratif et il fallut, en 1784, qu'un édit l'obligeât à ne
pas empiéter sur les attributions du gouverneur et de l'inten-
dant.
Il n'y eut pas de députés en France jusqu'en 1789 ; des
délégués furent alors accordés à Bourbon et à l'île de France,
mais les événements de la Révolution empêchèrent cette insti-
tution de fonctionner.
§ 3. Période de 1789 à 1814.
55. Dès la nouvelle de la Révolution, l'assemblée coloniale
(1) Le premier intendant, l'illustre Poivre, fut nommé par ordonnance
du 25 septembre 1766.

— 71 —
se réunit à la Martinique et arrêta, le 17 octobre 1789, un
projet de règlement et de convocation, pour le 16 novembre,
d'une assemblée générale chargée d'élire les représentants
de la colonie et de rédiger les cahiers de doléances. Celle-ci
fut élue au scrutin de liste, dans chaque paroisse, à raison
d'un délégué par cinquante votants, par un collège électoral
composé de tous les créoles ou Européens, portant armes,
âgés de seize ans au moins.
Aussitôt réunie, l'assemblée générale décida la création de
compagnies de police, composées de gens de couleur, aux
ordres des municipalités (1er décembre 1789), l'établissement
de municipalités (2 décembre 1789), la formation d'une
assemblée coloniale (8 décembre 1789). Ces décisions furent
homologuées le 19 décembre par le gouverneur et l'intendant
(provisoirement et avec des réserves en ce qui concernait
leurs propres pouvoirs). L'assemblée coloniale devait se
composer de quatre-vingt-un membres; étaient électeurs, les
citoyens âgés de vingt-cinq ans ou mariés, possesseurs de
biensfonds, ou domiciliés depuis trois ans dans la colonie
et payant contribution d'esclaves. Le mandat était donné pour
un an.
56. A la Guadeloupe, une première assemblée réunie, le
1er décembre 1789, au Petit-Bourg (pour concilier les pré-
tentions rivales de la Basse-Terre et de la Pointe-à-Pitre),
puis à la Basse-Terre, à la suite d'une décision prise de
siéger alternativement dans les deux villes les plus importantes,
organisa les municipalités, transforma les milices en garde
nationale (28 mai 1790), modifia cette organisation le 26 no-
vembre et donna aux bureaux municipaux le droit de pro-
noncer des amendes et même l'emprisonnement. L'assem-
blée, d'ailleurs, était en accord complet avec le gouverneur,
qu'elle avait même cru nécessaire de mettre à l'abri des
insultes de la population par des arrêtés des 26 et 29 octo-
bre 1790.
Cette assemblée entra bientôt en lutte avec la municipalité
qu'elle avait constituée; elle dut la destituer le 12 décembre
1791, et ce fut au milieu de troubles sans cesse renaissants
qu'elle se sépara le 31 mai 1792, après avoir reçu la loi du
4 avril 1792 relative à l'admission des hommes de couleur à

— 72 —
toutes les places et à la réélection des assemblées coloniales
et des municipalités, La nouvelle assemblée qui se réunit le
1er juillet 1792 était; comme la précédente, composée de
quatre-vingt-seize membres, à raison de trois députés par
paroisse ; ce fut elle qui organisa la contre-révolution ; elle
se retira à la Capesterre et cessa de tenir ses séances le 15 jan-
vier 1793, au moment de l'arrivée du commissaire de la Con-
vention, Lacrosse.
57. A la Guyane (1), il n'y eut d'assemblée coloniale cons-
tituée que le 10 août 1790, par application des décrets des 8 et
28 mars. Son existence fut de courte durée : à la suite de
difficultés très vives avec le gouverneur et une partie de la
population, elle fut dissoute le 26 septembre 1792 par le nou-
veau gouverneur, d'Alais.
conformément aux intructions
du gouvernement métropolitain. Elle ne fut plus reconstituée
depuis; les gouverneurs ou les commissaires du gouvernement
métropolitain remplirent leurs pouvoirs, conformément aux
anciens règlements, sans intervention d'une assemblée locale;
il en fut de même du 8 novembre 1799 au 6 janvier 1800 où,
après l'expulsion de l'agent du Directoire, Burnel, et jusqu'à
l'arrivée de l'agent des consuls, Victor Hugues, le procureur
général syndic, M. Franconie, fut désigné par la municipalité
de Cayenne pour remplir les pouvoirs de commissaire civil
par intérim.
58. Quant à la Réunion, après une tentative d'organisation
d'une assemblée coloniale d'agriculture envoyant un député en
France, une assemblée générale s'était constituée à Saint-
Denis le 25 mai 1790; elle se déclara permanente, mais sans
chercher à prolonger son autorité ; après avoir organisé d'une
manière très rationnelle les municipalités, la garde nationale,
élu le député à l'Assemblée nationale, elle se retira le 5 oc-
tobre 1790, laissant la place à une assemblée coloniale.
59. De son côté, l'Assemblée nationale déclarait le 8 mars
(1) Il y avait eu à la Guyane, sous le gouvernement de Malouet et
par l'initiative de ce grand administrateur, une assemblée nationale
réunie le 7 janvier 1777 et composée, outre les membres du conseil su-
périeur, des commandants de quartiers et de seize députés élus à raison
de deux par chaque paroisse. Cette assemblée fut consultée sur les

questions intéressant la colonie.

— 73 —
1790 que les colonies étaient une partie de l'empire français,
mais que cependant elle n'avait jamais eu la pensée de les
comprendre dans la Constitution du royaume et de les sou-
mettre à des lois qui pourraient être incompatibles avec leurs
convenances locales et particulières. Elle provoquait la forma-
tion d'assemblées coloniales (qui en fait existaient déjà), élues
par les citoyens et chargées d'exprimer les vœux des colonies
sur leur constitution, leur législation, leur administration.
D'ores et déjà, ces assemblées pouvaient (sauf décision défi-
nitive de l'Assemblée nationale et du roi et sanction provisoire
du gouverneur) mettre à exécution ce qu'elles croiraient
applicable dans le décret sur l'organisation des municipa-
lités.
Des instructions devaient être préparées pour l'exécution du
décret ; elles furent soumises le 28 mars par le comité des
colonies et approuvées par l'Assemblée. On exigeait, pour
être citoyen actif, des conditions moins rigoureuses que dans
la métropole; on rappelait aux assemblées coloniales leur
rôle nécessairement restreint, mais celles-ci ne se soumirent
pas à ces restrictions.
C'est ainsi qu'à la Martinique, l'assemblée coloniale sup-
prima le tribunal du gouverneur (21 juillet 1790) ; qu'à la
Guadeloupe, elle prit des arrêtés en matière de procédure
(14 août 1790), et finit par se déclarer en permanence.
A Bourbon, l'Assemblée nationale créa une commission
permanente (octobre 1790), modifia la procédure criminelle
{20 décembre 1790), soumit la garde nationale aux munici-
palités, etc.
00. La question coloniale devenait de plus en plus com-
pliquée : un décret du 5 avril 1791 adjoint plusieurs comités
au comité colonial pour préparer des instructions sur l'orga-
nisation dos colonies. Ce projet est présenté et voté le 15 juin
1791 (1), uniquement comme projet de constitution que les
assemblées coloniales pourront mettre à exécution provi-
(1) Dans l'intervalle, l'Assemblée avait décrété (15 mai 1791) que les
gens de couleur nés de père et de mère libres seraient dorénavant admis
dans les assemblées coloniales au même titre que les autres citoyens.


— 74 —
soirement et partiellement (1). Mais l'Assemblée reconnaît
bientôt les inconvénients de cette liberté extrême donnée aux
colonies, et, le 26 juillet, elle déclare qu'elle n'a entendu
apporter aucun changement à la nature des fonctions légale-
ment établies dans les colonies par le pouvoir exécutif, ni
suspendre la faculté attribuée aux gouverneurs d'accorder ou
de refuser l'approbation nécessaire aux arrêtés des assem-
blées coloniales pour être provisoirement exécutés.
61. La Constitution du 3 septembre 1791 déclare (titre VII,
art. 8) que les colonies et possessions françaises, quoiqu'elles
fassent partie de l'empire français, ne sont pas comprises
dans la Constitution; elle dit toutefois qu'il pourra leur être
accordé des représentants. C'est le 24 septembre qu'est voté,
en ce qui concerne les colonies, le complément de la Consti-
tution. Sous ce régime, l'Assemblée nationale, avec la sanction
du roi, statue exclusivement sur le régime extérieur des
colonies ; elle fait les lois relatives à leur régime commer-
cial, à l'organisation de la justice, à la défense de nos éta-
blissements, à l'exécution des engagements entre les com-
merçants et les habitants. Sur ces diverses matières, les
assemblées coloniales peuvent adresser des propositions, con-
sidérées d'ailleurs comme de simples pétitions; mais elles
sont compétentes pour régler l'état des personnes non libres
et l'état politique des hommes de couleur et nègres.
Les assemblées coloniales dépassèrent rapidement les
limites que la loi venait de leur assigner; aussi le 28 mars 1792,
l'Assemblée législative, en même temps qu'elle reconnaît la
nécessité d'accorder aux hommes de couleur et aux nègres
l'égalité politique, décide de ne pas laisser ce pouvoir aux corps
locaux, et ordonne que les assemblées coloniales des Antilles
seront placées sous l'autorité de commissaires civils envoyés
de France. Au moment où ces commissaires allaient partir,
on apprit successivement que des troubles se produisaient un
peu partout, et le lu juin pour Saint-Domingue, le 2 juillet
(t) Ce projet s'appliquait uniquement à Saint-Domingue, mais les dé-
crets des 18 août et 28 septembre 1791 prescrivirent d'envoyer ces ins-
tructions à toutes les colonies pour compléter ce qui n'avait pas ét
réglé par le décret du 24 septembre.


— 75 —
pour les autres Antilles, le ο juillet pour la Guyane, des
décrets donnèrent aux commissaires le droit de suspendre et
même de dissoudre les assemblées coloniales, les assemblées
provinciales, les municipalités, et de suspendre provisoire-
ment l'exécution de leurs arrêtés. Toute désobéissance aux
ordres des commissaires était considérée comme crime de
haute trahison.
A deux reprises, le 17 août et le 8 novembre 1792, l'Assem-
blée confirma les pouvoirs de ces commissaires et finit par
leur subordonner tout le monde, chefs militaires et corps
administratifs.
62. Un décret du 25 août 1792, considérant que les colonies
font partie intégrante de l'empire français, les appelait à élire
des représentants à la Convention. C'était un premier pas vers
l'assimilation. La Constitution du S fructidor an 111 réalisa
l'exécution de ce principe en déclarant que les colonies
seraient soumises à la même loi constitutionnelle que la
métropole, et qu'elles seraient divisées en départements.
Pendant cette période, la colonie de la Réunion s'émancipa
peu à peu d'une manière complète ; l'assemblée coloniale
déposa le gouverneur, se déclara permanente, nomma une
commission de onze membres chargée de surveiller un conseil
administratif, composé de trois membres, auquel étaient con-
fiées toutes les affaires; puis elle décida, le 5 juin 1798,
qu'il y aurait un conseil général représentatif, dit assemblée
coloniale, renouvelable chaque année par moitié, un comité
administratif de cinq membres, désigné par le conseil dans
son sein, enfin un agent général d'administration, nommé
pour deux ans.
Les commissaires de la République avaient été repoussés
en 1796 ; en fait, la Réunion fut presque indépendante du
pouvoir central jusqu'en 1803, époque à laquelle Decaen fut
nommé capitaine général des établissements au delà du Cap.
Les actes que nous avons encore à énumérer dans cette
période ne s'appliquent donc qu'à celles des Antilles que nous
occupions encore, et à la Guyane ; bien souvent, d'ailleurs,
l'état de révolte de ces établissements empêcha de les
exécuter.
63. L'envoi de nouveaux agents aux colonies, de plus en


76 —
plus troublées, est décidé le 5 pluviôse an IV ; mais cette loi
est rapportée le 23 prairial an V pour les Antilles, le 29 prai-
rial an V pour les colonies au delà du Cap.
Les colonies, d'ailleurs, se refusaient à appliquer les lois
métropolitaines auxquelles la Constitution les avait soumises,
notamment celle du 4 brumaire an VI, sur la division du
territoire; une loi du 12 nivôse an VI autorisa le Directoire à
envoyer de nouveaux agents aux Antilles et à la Guyane.
Ils eurent à faire des règlements de nature à asseoir les
impôts sur les mêmes bases que clans la métropole, à établir
la distinction entre les dépenses publiques et les dépenses
locales ; les unes et les autres devaient être acquittées sur les
impôts perçus dans la colonie.
64. L'opposition que le principe d'assimilation avait ren-
contrée un peu partout y fit complètement renoncer, et la
Constitution du 22 frimaire an VIII porte (art. 91) que les
colonies ne seront plus soumises à la Constitution générale,
mais à des lois spéciales. Puis arrive le Consulat et avec lui
les actes rétablissant les colonies sous la dépendance réelle
de la métropole. L'arrêté du 29 germinal an IX, relatif à la
Guadeloupe (1), y établit trois fonctionnaires supérieurs :
1° Un capitaine général ayant sous ses ordres immédiats
les forces de terre et de mer, chargé de la défense intérieure
et extérieure, exerçant tous les pouvoirs des anciens gouver-
neurs généraux, sauf quelques distractions faites en faveur du
préfet, pouvant, en cas d'urgence, surseoir à l'exécution des
lois et règlements existants et faisant toutes les nominations
militaires jusqu'au grade de chef de bataillon, toutes les
nominations civiles et judiciaires, sauf confirmation du gou-
vernement, s'il y avait lieu;
2° Un préfet colonial, chargé de l'administration civile et
de la haute police, de la levée des contributions, de la solde
et de l'entretien des troupes, des travaux publics, de l'agri-
culture, de l'instruction publique ;
(1) La Martinique était entre les mains des Anglais; après la paix
d'Amiens, l'arrêté consulaire du 29 germinal an IX fut appliqué avec
quelques modilications à la Martinique et à Sainte-Lucie (G prairial an X),

à la Réunion (13 pluviôse an XI).

— 77 —
3° Un commissaire de justice ayant l'inspection et la grande
police des tribunaux et des officiers ministériels.
Les tiraillements qui s'étaient produits jadis entre les gou-
verneurs et les intendants devaient naturellement se renou-
veler entre ces divers fonctionnaires dont les deux derniers
avaient le droit de faire des règlements. Une dépêche de Decrès
au préfet colonial de la Martinique (8 pluviôse an XI) dut rap-
peler que le gouverneur général n'a plus de part active dans
l'administration civile : il n'a que la surveillance sur les autres
autorités, avec le droit d'approbation, d'improbation et de
suspension de leurs règlements.
65. L'organisation du 29 germinal an IX supprimait toute
action des habitants dans la gestion de leurs intérêts : il n'y
avait plus aucun conseil : l'impôt était décrété sans avis des
intéressés. On reconnut bientôt qu'on était allé trop loin dans
cette voie de réaction contre les excès des assemblées locales
et, dans l'arrêté du 6 prairial an X relatif à la Martinique et à
Sainte-Lucie (1), il fut prescrit que, pour la répartition des
impôts, le préfet devrait consulter un conseil de six habitants.
En outre, le 23 ventôse an XI, un arrêté consulaire prescri-
vit l'établissement de chambres d'agriculture à Saint-Domin-
gue, la Martinique, la Guadeloupe, Cayenne, l'ile de France
et l'ile de la Réunion. Chaque chambre était composée de
cinq membres, nommés par le gouverneur sur une double
proposition du préfet colonial et du commissaire général :
elle avait comme mission spéciale d'exposer ses vues sur la
culture de la colonie; elle élisait un député à Paris avec lequel
elle correspondait. Les six députés formaient un conseil se
réunissant auprès du ministre de la marine et des colonies.
La création de la chambre d'agriculture de la Martinique
fut ajournée par une dépêche ministérielle du 20 fructidor
an XIII, mais on conserva le député, du Buc, qui avait été
élu par délibération du conseil souverain et du conseil privé
(1) Cet arrêté réunit les Antilles sous la direction d'un seul capitaine
général, avec un commandant-lieutenant à la Guadeloupe. Ce comman-
dant comme à la Réunion, sous l'empire du règlement du 13 pluviôse

an XI) exécutait les ordres du capitaine général, mais pouvait au besoin
correspondre directement avec le ministre quand les besoins du service
l'exigeaient, à charge de rendre compte.


— 78 -
du 20 janvier 1802, approuvée par le gouverneur, et qui
représenta la colonie jusqu'en 1814.
G6. Une loi du 30 floréal an X avait soustrait les colonies
au régime des lois et les avait soumises à celui des décrets
pour une période de dix ans (devant prendre fin le 19 mai 1812) :
mais, peu de temps après, la Constitution du 16 thermidor an X
confia à des sénatus-consultes le soin de légiférer en ce qui
concerne les colonies : la perte successive de la plupart de
nos établissements d'outre-mer fit que cette mission devint à
peu près inutile.
67. Pendant cette période, la Guyane avait été soumise aux
décrets des 8-28 mars 1790, puis à la loi du 30 floréal an X,
qui y fut promulguée le 25 juillet 1802; l'assemblée coloniale
n'y avait eu qu'une très courte existence. (V. n° 57.)
La prise de possession par les Portugais avait d'ailleurs en-
levé très rapidement cette colonie à notre puissance.
Le Sénégal continua d'être administré par un gouverneur
qui prit, suivant les prescriptions d'une dépêche ministérielle
du 25 janvier 1789, le titre de commandant en chef et admi-
nistrateur général du Sénégal, Gorée et dépendances. Aucune
assemblée locale ne fut instituée.
Quant à Saint-Pierre et Miquelon, l'établissement resta
sous la haute direction du commandant de la station de Terre-
Neuve ; une assemblée coloniale y fut réunie en octobre et
novembre 1790; elle rédigea le cahier des vœux de la colonie
et élut comme représentant en France Loyer-Deslandes. Cette
élection était contestée quand l'établissement tomba aux mains
des Anglais.
.
·
§ 4. — Période de 1814 à 1866.
68. La Charte du 4 juin 1814 décida (art. 73) que les colo-
nies seraient régies par des lois et des règlements particu-
liers, mais sans indiquer dans quels cas on devrait recourir à
un acte législatif. Aussi, en fait, on ne songea jamais à
s'adresser au Parlement pour les colonies, et c'est sous ce
régime que furent élaborés, sous la forme d'ordonnances, les
actes constitutifs des colonies de 1825, 1827 et 1828.

— 79 —
Au début de la Restauration on voit les gouverneurs et les
intendants rendre de véritables ordonnances en matière d'ad-
ministration ou de justice, ne visant que les pouvoirs conférés
par Sa Majesté (1). En 1817, les intendants sont sup-
primés (2), et, le 22 novembre 1819, paraissent deux ordonnan-
ces royales réglant l'administration delajustice et établissant des
comités consultatifs dans les quatre colonies de la Martinique,
de la Guadeloupe, de la Guyane et de Bourbon. Chaque
comité était composé de neuf membres (5 à Cayenne) nommés
par le roi pour trois ans (3), sur la proposition du gouverneur,
parmi les Français propriétaires âgés de vingt-cinq ans au
moins et résidant depuis trois ans dans la colonie; il émettait
un avis sur l'assiette et la répartition des contributions, sur
le budget des recettes et dépenses locales et municipales; il
recevait communication du compte annuel des recettes et
dépenses, entendait le compte moral de l'administration de la
colonie et présentait ses observations sur ces comptes; il exa-
minait les projets qui lui étaient soumis par le gouverneur et
pouvait enfin correspondre avec son député. Ce député,
d'ailleurs, était nommé par le roi sur une liste de trois can-
didats formée par le comité. Sous ce régime, le gouverneur,
ayant tous les pouvoirs, était surchargé de détails; les chefs
de service, sans responsabilité personnelle, pouvaient servir
passivement sa volonté ou diriger les affaires à leur guise.
69. Le 21 août 1825 paraît la première ordonnance consti-
tutive des colonies, celle de Bourbon. Le gouverneur, repré-
sentant du pouvoir royal, est assisté de trois chefs de service :
le commissaire ordonnateur, chargé de l'administration de la
guerre, de la marine et de la comptabilité générale, le direc-
teur général de l'intérieur chargé de la police, de la régie des
contributions, etc., le procureur général. Un contrôleur colo-
(1) Par exemple, l'ordonnance de la Martinique du 12 décembre 1814.
(2) L'existence des intendants présentait des inconvénients plus grands

encore qu'avant 1789, car, à cette époque, les conseils supérieurs, qui
n'existaient plus à la Restauration, avaient le droit de représentation et

pouvaient parfois apaiser les conflits entre les gouverneurs et les
intendants.

(3) Durée portée à cinq ans, pour les comités comme pour les délégués,
par l'ordonnance du 13 août 1823.

— 80 —
nial veille à la régularité du service; un conseil privé éclaire
les décisions du gouverneur et participe parfois à ses actes,
un conseil général donne son avis sur les budgets et les
comptes, et fait connaître les vœux et les besoins de la colo-
nie.
Le conseil général est composé de vingt-quatre membres
nommés par le roi pour cinq ans, sur une liste double de
candidats présentés par les conseils municipaux : c'est la réin-
troduction d'un élément électif. Les conseillers généraux doivent
être âgés de trente ans au moins, être nés clans la colonie ou
y être domiciliés depuis cinq ans, être propriétaires de terres
ou de maisons et recenser en même temps 40 esclaves, ou
bien payer patente de 1re ou 2e classe.
Le conseil général présente trois candidats parmi lesquels
le roi choisit le député; il désigne deux de ses membres pour
siéger au conseil privé.
Le gouverneur a le pouvoir militaire et la haute direction
des affaires; les chefs de service, personnellement respon-
sables, ont des attributions bien délimitées. Les avis du conseil
privé sont parfois obligatoires.
Deux ordonnances des 2 janvier et 19 mars 1826 avaient
rendu applicable à la Martinique, puis à la Guadeloupe, l'or-
donnance de Bourbon, avec quelques différences : le comman-
dant militaire était membre du conseil privé et remplaçait le
gouverneur quand aucune disposition contraire n'avait été
prise; le conseil privé comptait trois conseillers coloniaux et
deux suppléants. Mais ces modifications furent de courte durée
et l'ordonnance du 9 février 1827 appliqua aux Antilles un
régime à peu près identique à celui de la Réunion; il en fut
de même pour la Guyane par l'ordonnance du 27 août 1828.
L'Inde fut régie par des ordonnances du gouverneur jus-
qu'au 23 juillet 1840; un conseil privé y avait été créé pro-
visoirement en 1829.
Le Sénégal et Saint-Pierre et Miquelon étaient dans la
même situation; aucun acte de pouvoir central ne leur avait
donné une constitution. Les ordonnances des 7 septembre 1840
et 18 septembre 1844 mirent fin à cette situation.
70. La Charte de 1830 décida (art. G4) que les colonies
seraient régies par des lois particulières ; ce fut là une modi-

— 81 —
fication à la Charte de 1814 qui parlait de règlements : elle
était conforme à la déclaration de la Chambre des députés du
7 août 1830 (1); on voulait recourir au régime de lois appro-
priées à l'état des colonies et soumises à un système progres-
sif d'amélioration. En réalité, rien ne fut modifié : dès le
23 août une ordonnance décidait que les députés des colonies
seraient dorénavant nommés directement par les conseils géné-
raux. Le 24 février 1831 ce fut une ordonnance également
qui abrogea les décrets coloniaux restreignant à l'égard des
personnes libres de couleur la jouissance des droits civils (2).
On songea cependant à régler législativement la constitution
coloniale; une loi élaborée dès la fin de 1831 fut promulguée
le 24 avril 1833.
71. Cette loi s'applique seulement à la Martinique, à la Gua-
deloupe, à la Réunion et à la Guyane; les établissements des
Indes orientales, de la côte d'Afrique, de Saint-Pierre et
Miquelon restent soumis au régime des ordonnances. Les
grandes colonies sont dorénavant régies par des lois en ce
qui concerne les points les plus importants, l'exercice des
droits politiques, par exemple; dans les autres cas, le pouvoir
législatif est transformé en pouvoir réglementaire et laissé,
soit à des ordonnances royales, soit à des décrets coloniaux
rendus sur la proposition du gouverneur par le conseil colo-
nial. Celui-ci, composé de trente membres dans chaque
colonie (16 seulement à la Guyane), est élu pour cinq ans par
un collège électoral censitaire : il discute et vote le budget,
détermine l'assiette et la répartition des contributions directes;
il émet des vœux et désigne pour le représenter auprès du
gouvernement deux délégués (un pour la Guyane).
C'était donc une décentralisation aussi complète que pos-
(1) M. Dupin avait fait remarquer que les ministres avaient toujours
interprété l'article 73 de la Charte comme permettant de soumettre les
colonies, non à l'action régulière de la législation, mais à l'action instable
des règlements les plus bizarres.
(2) La promulgation du Code civil (Martinique, 16 brumaire an
XIV ;
Guadeloupe, 7 brumaire, an XIV; Réunion, 13 vendémiaire, an XIV ;
Guyane, ler vendémiaire an XIV) avait été faite avec certaines réserves.
La même ordonnance abrogea les restrictions apportées aux articles til
et 53 de redit de décembre 1725 (Bourbon) ; elle abrogea la déclaration
du 5 février 1726 (Martinique et Guadeloupe).
COLONIES, I.
6

— 82 —
sible, en théorie du moins : car en fait la loi maintenait pour
un certain temps (sans limite en réalité), sous le régime des
ordonnances, certaines matières qui devaient un jour dé-
pendre des conseils coloniaux ; le Parlement avait délégué au
pouvoir exécutif, dans une très large mesure, le pouvoir qu'il
avait reçu de l'article Ci de la Charte.
Les ordonnances de 1825 et 1827 furent modifiées le
22 août 1833, pour être mises d'accord avec la nouvelle loi.
72. Ce régime donna des résultats peu satisfaisants : les
conseils coloniaux cherchèrent à empiéter sur les préroga-
tives les plus formelles du gouvernement; 42 décrets colo-
niaux durent être annulés en moins de cinq ans. Certains con-
seils avaient voté des dépenses secrètes : la caisse, de réserve
de la Martinique était épuisée, celles de la Guadeloupe et de la
Réunion s'acheminaient vers le même sort. Les colonies atta-
quaient comme inconstitutionnelles les ordonnances rendues
en vertu de la loi; pour réorganiser à leur gré certains ser-
vices, renvoyer surtout certains agents métropolitains, elles
réduisaient leurs traitements de manière à obliger l'Etat à les
retirer. Le régime de l'autonomie coloniale montrait une se-
conde fois ce qu'on devait en attendre; la loi du 25 juin 1841
modifia la situation.
Il fallut rattacher les revenus des colonies à ceux de l'État,
toutes les dépenses de souveraineté, d'administration géné-
rale (gouverneur, administration, justice, cultes, instruction
publique), furent mises à la charge de l'Etat qui put perce-
voir les droits d'enregistrement, de greffe, de douane et de
navigation; toutes les autres dépenses et les Contributions
coloniales destinées à y subvenir furent assimilées aux dé-
penses et recettes facultatives et extraordinaires des départe-
ments (1). Les règles générales de la comptabilité publique
furent rendues applicables aux colonies (2).
(1) Les conséquences financières de celle loi étaient les suivantes : les
dépenses militaires s'élevaient à 9,105,032 francs pour toutes les colonies
(budget de 1842) ; — les dépenses civiles pour les quatre grandes colo-
nies à 4,366,770 francs ; — les subventions aux autres établissements à
605,000 francs ; total : 14,136,802 francs. Par contre, l'Etat recevait
5,994,000 francs. La différence imputable aux ressources du Trésor ne
s'élevait alors qu'à
8,142,802 francs.
(2) Ord. 22 novembre 1841.

— 83 —
73. La révolution de 1848 apporta, par la suppression
de l'esclavage (T. n° 127), une modification radicale à
l'organisation des colonies: le 27 avril 1848, les conseils
coloniaux furent supprimés, mais rien n'était prévu pour les
remplacer; les commissaires généraux furent investis d'une
partie des attributions devenues vacantes, et même de pou-
voirs que jusqu'alors le gouvernement avait conservés (art. 3
§ 2, 3, 4 et 8 de la loi du 24 avril 1833). La liberté de la
presse fut proclamée, une nouvelle répartition de l'impôt
personnel dut être faite aussitôt l'émancipation terminée,
l'instruction publique, les jurys cantonaux, les caisses d'épar-
gnes, tout ceia fut décidé en principe. Les événements qui se
précipitèrent ne permirent pas l'exécution complète du plan
conçu et préparé par M. Schœlcher.
Déjà, dès le 5 mars 1848, un arrêté du gouvernement provi-
soire avait donné aux colonies et à l'Algérie réunies seize
représentants; une instruction du 27 avril régla tout ce qui
était relatif aux élections et détermina le nombre de députés
de chacune des possessions d'outre-mer en créant pour elles
des représentants suppléants siégeant en l'absençe des titu-
laires.
Lors de la discussion de la Constitution du 4 novem-
bre 1848, M. Schœlcher réclama, à propos de l'article 109,
l'application intégrale de cette Constitution aux colonies. Pour
ceux qui, 'comme nous, voient dans l'assimilation appliquée
aux colonies absolument françaises par la population comme
par l'organisation l'unique moyen d'assurer leur prospérité,
leur tranquillité et le respect des droits du pouvoir central, le
rejet de cet amendement est l'une des mesures les plus regret-
tables qui aient été prises. L'adoption de l'amendement
de M. Schœlcher n'eût probablement pas empêché l'empire
d'entrer dans la voie qui conduisit au sénatus-consulte
de 1866 et au régime actuel, mais c'eût été un jalon planté
pour l'avenir, un desideratum dont on eût peu à peu cherché
à se rapprocher. L'article 109 de la Constitution maintint les
colonies sous le régime de lois particulières, mais avec l'espoir
d'être plus tard placées sous le régime constitutionnel métro-
politain,
74. La Constitution du 14 janvier 1852 ne parie pas des

— 84 —
colonies; dès le coup d'Etat, en effet, elles ne furent plus
considérées comme faisant partie de la République : elles
ne furent pas consultées sur le plébiscite. Pendant la période
dictatoriale qui s'écoula jusqu'en 1854, de simples décrets
statuèrent sur toutes les matières légales ou réglementaires
intéressant nos établissements d'outre-mer.
Le 3 mai 1854 parut un sénatus-consulte réglant l'organi-
sation des colonies (1) ; c'est encore un acte de décentralisa-
tion : le régime commercial, qui seul est jugé de nature à inté-
resser les représentants de la nation, est réglé par des lois : des
sénatus-consultes, des décrets en Conseil d'État et des décrets
simples constituent, selon l'importance, la législation coloniale.
Des conseils généraux nommés moitié par le gouverneur, moitié
par les conseils municipaux (ceux-ci eux-mêmes nommés par
le gouverneur), renouvelables par moitié tous les trois ans,
pouvant être dissous par arrêtés du gouverneur, avaient le
pouvoir de voter les dépenses d'intérêt local, les taxes néces-
saires pour l'acquittement de ces dépenses, les contributions
extraordinaires et les emprunts ; mais ces votes n'étaient
exécutifs qu'après approbation du gouverneur, libre d'ailleurs
de modifier le budget. Les conseils généraux étaient consultés
sur les questions d'intérêt colonial ; le droit d'émettre des
vœux n'étant pas inscrit, pouvait même leur être contesté.
Ce sénatus-consulte régla seulement l'organisation des an-
ciennes colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la
Réunion; par son article 18, il laissa les autres établissements
sous le régime des décrets simples.
L'organisation administrative des colonies avait été peu
modifiée jusque-là ; il y avait dans chacune d'elles, à côté du
gouverneur, un commandant militaire, second personnage de
la colonie, un ordonnateur, officier du commissariat ayant
dans ses attributions les services dépendant du budget de
l'État, un directeur de l'intérieur chargé du service local pro-
prement dit et un procureur général. Le décret du 29 août
1855 supprima l'emploi de commandant militaire.
75. Enfin le sénatus-consulte du 4 juillet 18G6, en étendant
(1) Complété par les décrets des 26 juillet 1854 et 31 juillet 185b.

— 85 —
aussi largement que possible les attributions des conseils
généraux, fut le premier acte de l'organisation actuelle. Nous
l'examinerons en détail (V. notamment nos 395 et suiv.) et
nous étudierons le régime qu'il a inauguré et les conséquences
qu'il a produites.
Nous devrons tenir compte en même temps de dispositions
plus récentes qui sont venues porter atteinte aux principes
posés par les sénatus-consultes. La loi de finances du 13 avril
1900 notamment a remanié les pouvoirs des conseils généraux
en matière budgétaire. Elle a limité par des règles nouvelles,
qui seront étudiées plus loin (n03 253, 314, 414 et suiv.), les
attributions de ces assemblées tant pour les dépenses à ins-
crire au budget local que pour l'établissement des taxes et
contributions destinées à y pourvoir.
§ 5. — Organisation des nouvelles colonies
jusqu'à la période actuelle.
7G. Nous dirons peu de chose de l'organisation ancienne
des colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe et la
Réunion ; pour les unes, en effet, créées récemment, l'organi-
sation actuelle, que nous étudierons plus tard, diffère très peu
de celle qui fut adoptée à l'origine; pour les autres, on y
retrouve à peu près les variations que nous avons indiquées
au paragraphe précédent, en ce qui concerne les anciennes
colonies.
La Guyane suivit jusqu'en 1854 le sort des Antilles; c'est à
celte époque seulement qu'elle fut soumise uniquement au
régime des décrets.
77. Le Sénégal fut organisé par une ordonnance du 7 septem-
bre 1840. A côté du gouverneur, il y avait un conseil général
à Saint-Louis et un conseil d'arrondissement à Gorée donnant
leur avis sur les affaires qui leur étaient soumises et faisant
connaître les besoins et les vœux de la colonie. Le conseil
général avait un délégué à Paris. Supprimé en 1848 comme
tous les conseils coloniaux, le conseil général du Sénégal ne
fut rétabli que par un décret du 4 février 1879.
Le Sénégal dépend aujourd'hui du gouvernement général de

— 86 —
l'Afrique occidentale française. Créé par un décret du 16 juin
1895, remanié par un décret du 17 octobre 1899, qui supprima
la colonie du Soudan français, puis par un décret du 1er octo-
bre 1902, qui institua la circonscription, aujourd'hui suppri-
mée, de la Sénégambie-Niger, le gouvernement général de
l'Afrique occidentale française est actuellement organisé par
un décret du 18 octobre 1904. Il embrasse les colonies du
Sénégal, du Haut-Sénégal et Niger, de la Guinée française, de
la côte d'Ivoire et du Dahomey, et le territoire spécial de la
Mauritanie. En dehors des budgets particuliers à ces posses-
sions, il existe un budget général de l'Afrique occidentale
française. Un conseil de gouvernement commun à l'Afrique
occidentale française a été institué. Le conseil général du Séné-
gal a été maintenu sous réserve des modifications apportées à
son fonctionnement notamment par la loi du 13 avril 1900. Il
existe des conseils d'administration dans les autres colonies
dépendant du gouvernement général (nos 223 et suiv., 322 bis,
342, 362, 449 et suiv. 900, bis).
Le Congo français, qui fut en 1886 placé sous la direction
d'un commissaire général du gouvernement, embrasse dans
ses limites, avec notre ancienne possession du Gabon, tous les
territoires placés sous notre influence jusqu'au Tchad et jus-
qu'à l'entrée des bassins du Nil. Il a été organisé successive-
ment par des décrets en date des H décembre 1888, 28 sep-
tembre 1897, 5 septembre 1900, 5 juillet 1902 et 29 décembre
1903. Ce dernier décret (1) a constitué, auCongo français, deux
colonies autonomes ayant l'une et l'autre un conseil d'adminis-
ration, celles du Gabon et du Moyen-Congo. Il a prévu, en
outre, l'existence de deux circonscriptions spéciales, le terri-
toire de l'Oubangui-Chari et le territoire du Tchad, dont les
recettes et les dépenses sont inscrites à une section spéciale du
budget du Moyen-Congo. Il existe pour l'ensemble des pos-
sessions du Congo français, un conseil de gouvernement.
(n03 230 et suiv., 242, 322 bis, 454 et 910 bis).
(1) Il vient d'être modifié par un nouveau décret du 11 février 1903,
qui distingue au Congo français une troisième colonie, celle de l'Ouban-
gui-Chari-Tchad, formée des deux circonscriptions réunies, de l'Ouban-
gui-Chari et du Tchad, et qui créé, en dehors des budgets locaux, un
budget général commun à l'ensemble de nos possessions du Congo.

— 87 —
Nos établissements de la côte des Somalis, dont la constitu-
tion définitive a suivi la fondation et le développement de Dji-
bouti, ont eu leur organisation réglée par un décret du
28 août 1898·(η03 3 2 3 et 906 bis). Ils sont placés sous l'auto-
rité d'un gouverneur, assisté d'un conseil d'administration.
Une dépêche ministérielle du 6 janvier 1846 avait étendu à nos
possessions de Mayotte et de Nossi-Bé le régime prévu pour le
Sénégal par l'ordonnance du 7 septembre 1840. Depuis lors,
ces établissements ont cessé d'être soumis à une même organi-
sation. Nossi-Bé et Sainte-Marie de Madagascar ont été ratta-
chés à Madagascar par le décret du 28 janvier 1896. Mayotte
et les protectorats des Comores forment d'autre part, avec un
conseil d'administration, un gouvernement.distinct, dont l'or-
ganisation a été réglée par un décret du 9 septembre 1899,
modifié par un décret du 5 juillet 1901 (nos 454, 909 et 911).
Madagascar a été constitué en colonie par la loi du 6 août
1896. Le résident général de la République y a été remplacé
par un gouverneur général (décret du 30 juillet 1897). Le
gouverneur général est assisté d'un conseil d'administration
dont la composition et le fonctionnement ont été réglés par
des décrets successifs, ceux des 3 août 1896. 6 mars 1897,
9 août 1898. 2 janvier et 12 novembre 1902 (n03 322 bis,
362 et 455).
78. Jusqu'en 1872, la colonie de Saint-Pierre et Miquelon fut
régie par l'ordonnance du 18 septembre 1844. Il y avait un
commandant résidant à Saint-Pierre, assisté d'un conseil d'ad-
ministration composé de trois fonctionnaires et d'un habitant
notable désigné par le commandant.
Le commandant, de même que le gouverneur du Sénégal,
avait reçu successivement des pouvoirs au moins aussi éten-
dus que dans les grandes colonies ; des ordonnances des
26 avril 1845 et 20 janvier 1847 les avaient, par exemple, au-
torisés à édicter les règlements sanitaires sanctionnés par des
peines de 100 francs* d'amende et de quinze jours de prison ;
un décret du 27 décembre 1854 les autorisa à statuer sur l'as-
siette, le tarif, la perception et les poursuites en matières de
taxes et contributions. Ces arrêtés devaient être soumis à
l'approbation du ministre, mais ils n'en n'étaient pas moins
exécutoires.

— 88 —
Depuis un décret du 25 juin 1897 complété par un décret
du 4 avril 1901, les attributions précédemment dévolues au
conseil général et à la commission coloniale de Saint-Pierre et
Miquelon sont exercées par le gouverneur en conseil privé, qui
•se constitue en conseil d'administration par l'adjonction du
maire de la ville de Saint-Pierre et du président de la Chambre
de commerce (n03 3G2 et 427).
79. L'Inde fut soumise jusqu'aux dernières années à l'ordon-
nance du 23 juillet 1840 et au décret du 7 février 1860. Le
gouverneur était entouré de quatre chefs de service ; deux
d'entre eux, l'ordonnateur et le procureur général, formaient
avec lui le conseil d'administration ; il y avait un conseil
général à Pondichéry, et deux conseils d'arrondissement à
Chandernagor et à Karikal. Le désir de décentraliser, qui
allait se traduire par le sénatus-consulte du 4 juillet, fit donner
au gouverneur, par un décret du 7 février 1866, les droits
dont jouissaient jusqu'alors les gouverneurs du Sénégal et de
Saint-Pierre et Miquelon en matière d'impôts. Les règlements
relatifs aux tarifs des douanes furent seuls exceptés de cette
délégation (1).
L'Inde française a un conseil général dont l'organisation se
trouve déterminée par les décrets des 25 janvier 1879, 26 fé-
vrier 1884, 24 février 1885 et 10 septembre 1899 et dont le
fonctionnement est soumis en outre aux règles établies par la
loi du 13 avril 1900. Il existe en outre, dans chacune des
dépendances, des conseils locaux régis par les décrets des
25 janvier 1879 et 26 février 1884 (n03 456 et suiv.).
79 bis. La Cochinchine avait, depuis son annexion, consti-
tué une colonie absolument indépendante ; elle n'est plus
aujourd'hui que l'une des fonctions de cet ensemble de posses-
sions qui constitue l'Indo-Chine française. Organisé pour la
première fois par un décret du 17 octobre 1887, remanié par
des actes successifs, dont les principaux furent les décrets
du 11 mai 1888, du 21 avril 1891, du 31 juillet 1898 et
(1) Un décret du 27 octobre 1806 accorda le même droit au comman-
dant de Mayotte, et un second décret du 30 janvier 1867 étendit cette
autorisation à tous les gouverneurs et commandants autres que ceux des
trois anciennes colonies.

— 89 —
du 18 octobre 1902, le gouvernement général de l'Indo-Chine
embrasse actuellement les territoires de la Cochinchine, de
l'Annam, du Tonkin, du Cambodge et du Laos, et il y faut
rattacher, en outre, l'administration du territoire, cédé à bail
par la Chine, de Kouang-Tchéou-Ouan. Le gouverneur est
assisté d'un secrétaire général du gouvernement général qui
le remplace en cas d'absence, et de résidents supérieurs; la
Cochinchine est placée sous l'autorité immédiate d'un lieute-
nant-gouverneur. 11 existe un conseil supérieur de l'Indo-Chine
et un conseil supérieur de protectorat du Tonkin dont l'orga-
nisation se trouve actuellement réglée par des décrets en date
du 8 août 1898. La Cochinchine possède un conseil colonial,
institué par un décret du 8 février 1880 et dont les attributions
correspondent mais ne peuvent être assimilés complètement à
celles des conseils généraux, ainsi que des conseils d'arrondis-
sement, organisés par des décrets des 5 mars 1899 et 12 no-
vembre 1903 (nos 32-2, 342, 262 et suiv., 466 et suiv., 908).
80. Nous citerons enfin le décret du 14 janvier 1860 relatif
à nos établissements du Pacifique; jusqu'alors ils ne formaient
qu'un seul établissement dépendant du commandant de la di-
vision navale. La Nouvelle-Calédonie fut constituée en colonie
distincte avec un commandant particulier ; les Marquises et
les établissements militaires de Tahiti, etc., furent placés sous
les ordres du commissaire impérial aux îles de la Société,
qni prit le titre de commandant des établissements français de
l'Océanie.
Il faut distinguer actuellement le gouvernement de la Nou-
velle-Calédonie, organisé par un décret du 12 décembre 1874,
et le gouvernement des établissements français de l'Océanie,
créé par un décret du 28 décembre 1885.
Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie est chargé spécia-
lement d'assurer la protection des Français résidant dans les
îles de l'océan Pacifique sur lesquelles aucune puissance n'a
encore établi sa souveraineté, disposition qui s'applique
particulièrement à l'archipel des Nouvelles-Hébrides. La Nou-
velle-Calédonie a un conseil général, institué par un décret
du 2 avril 1885, et dont le fonctionnement a été modifié par
des dispositions plus récentes, notamment celles des 23 no-
vembre 1887 et 10 août 1895, et celles de la loi du 13 avril 1900.

— 90 —
Le décret du 28 décembre 1885 avait, de même, prévu pour
Tahiti l'existence d'un conseil général, qui a été supprimé
par un décret en date du 13 mai 1903. Ce décret a groupé
en une colonie homogène, avec un conseil d'administration
commun, les divers archipels dépendant du gouvernement de
l'Océanie, et auxquels avait été donnée une organisation
particulière par les décrets du 28 juillet 1897 et du 10 août 1899
(n03 321. 362, 482 et suiv., 910 fer et 911).
81. Ainsi que nous venons de le voir, plusieurs systèmes ont
été suivis dans les constitutions que nous avons passées en
revue ; ils peuvent être ramenés à trois divisions princi-
pales :
1° Système de l'autonomie. Influence de la métropole réduite
à la seule action du pouvoir exécutif, celle-ci d'ailleurs ne s'exer-
çant que dans des limites très restreintes. — Législation spéciale
à chaque colonie faite par les conseils locaux (1).
2° Système mixte. Action étendue des représentants de la
métropole sur les actes des conseils locaux. — Nomination des
employés par les administrations locales. — Législation faite
soit par le Parlement, soit par le pouvoir exécutif, soit par les
assemblées locales, suivant la nature et l'importance des ques-
tions.
3° Système de l'assimilation. Action des agents métropoli-
tains identique à celle qu'ils exercent dans la métropole. —Con-
seils locaux ayant les mêmes pouvoirs que les conseils géné-
raux. — Législation métropolitaine applicable en principe, avec
les modifications nécessaires arrêtées dans les mêmes formes
que les lois ou règlements applicables à la métropole.
(1) On a prétendu, en 1830. que la constitution de 1790, ayant donné
aux; colonies le droit de régler leur régime intérieur, ce droit ne pou-
vait être prescrit par les changements de gouvernements ; que, par suite,
le régime de l'autonomie était pour elles un droit. Cette thèse n'est à
rappeler que par son étrangeté.

— 91 —
ARTICLE 2. — Garde et défense des colonies. Milices.
Recrutement colonial. Inscription maritime.
§ 1. Carde des colonies.
82. La métropole a constamment conservé pour elle-même
le soin de protéger ses colonies ; c'est avec des troupes
métropolitaines qu'ont toujours été composées leurs garni-
sons; les habitants ont, dans les circonstances urgentes, coo-
péré à la défense contre les attaques étrangères ou au main-
tien de l'ordre, mais dans des corps de milices non soumis à
un service permanent.
Jusqu'en 1762, la garde des colonies fut assurée d'une
manière assez peu régulière : l'ordonnance du 15 avril 1689
sur le service des armées navales avait seulement prévu la
possibilité de débarquer temporairement des compagnies de
bombardiers et de soldats faisant partie de l'équipage des
navires de guerre, mais n'avait prévu aucune mesure pour
les garnisons.
Celles-ci étaient composées de compagnies détachées (1) de
régiments métropolitains et de compagnies franches recrutées
et payées par les compagnies (2).
83. Vers la seconde moitié du XVIIIe siècle on commence à
envoyer des bataillons entiers (3) ; une ordonnance du 10 no-
vembre 1756 prescrivit de former pour l'Inde 6 bataillons
(1) En 1093, la garnison de la Martinique était de 11 compagnies; celle
de la Guadeloupe de 2 ; celle de Cayenne de 4.
En 1758, il y avait à la Martinique 9 compagnies, dont une d'artillerie
et 2 de Suisses ; — à la Guadeloupe, 7 compagnies, dont une d'artillerie;
— à Cayenne, ο compagnies, dont une d'artillerie ; — au Sénégal, une
compagnie ; — à Corée, une compagnie ; — à Saint-Pierre et Miquelon,
une demi-compagnie. Toutes ces compagnies devaient être portées à

100 hommes,
mais cet effectif était rarement atteint. C'est plus tard,
vers 1772 que les garnisons coloniales furent augmentées.
(2) Ord. 6 décembre 1756, relative à la compagnie des Indes occiden-
tales. Celle-ci avait en outre à Loriènt (Ord. 1ER octobre 1721) une
compagnie destinée à la garde de ce port et à la formation des déta-

chements coloniaux.
(3)
Le bataillon de Mailly partit de Marseille pour les Antilles le
4 mars 1747.
<

— 92 —
d'infanterie, chacun à 9 compagnies de 80 hommes, et appela à
leur servir de noyau le régiment de Lally et un bataillon do
chacun des régiments de Lorraine et de Berri.
Une ordonnance du 10 décembre 1762 désigna les régiments
qui seraient dorénavant affectés au service de la marine et
des colonies et à la garde des ports du royaume. Sur 65 régi-
ments, comptant 161 bataillons, formant l'infanterie française,
23 régiments comptant 40 bataillons furent désignés pour ce
service; ils conservaient des dépôts clans la métropole.
La solde et les accessoires de solde furent fixés par une
ordonnance du 25 mars 1763.
En môme temps que l'on continuait à faire fournir des
détachements par certains régiments de France (i), on se
préoccupait de créer des corps restant en permanence dans
les colonies ; nous citerons dans cet ordre d'idées la légion de
Saint-Domingue (Ord. 1er août 1766), la légion de l'île de
France (Ord. 1er juillet 1766, modifiée le 1er novembre 1767) (2),
des compagnies d'ouvriers (Ord. 20 mars 1768), des compa-
gnies de dragons (Ord. 1er novembre 1769), etc.
Le 18 août 1772, deux ordonnances supprimèrent ces diffé-
rents corps et constituèrent, pour la garde de Saint-Domingue,
do la Martinique et de la Guadeloupe, 4 régiments; pour
celle de l'île de France et de Bourbon, 3 régiments. Enfin
une ordonnance du 30 mars 1772 créa pour Pondichéry un
régiment composé en grande partie avec les compagnies
franches.
84. C'est à cette époque que l'on essaya d'assurer la
défense des colonies au moyen de corps spéciaux recrutés en
France et surtout à l'étranger; une ordonnance du 1er sep-
tembre 1778 créa le corps des volontaires étrangers de la
marine, composé de 8 légions. Chacune d'elles comptait
4 compagnies d'infanterie, 1 d'artillerie, 2 de hussards, 1 d'ou-
vriers noirs.
On ne forma que 3 légions qui n'eurent d'ailleurs qu'une
(1) Λ |a Martinique, en 1777, il y avait, outre le régiment colonial
(1,472 hommes), 2 bataillons des régiments d'Auxerrois et de Viennois
(702 homme s' .
(2) En 1770, les créoles français furent admis dans ce corps ; il déta-
chait une compagnie pour la garde du port de Lorient.

— 93

existence éphémère : la première, envoyée aux Antilles, fut
supprimée en 1782 et son effectif versé dans les 4 régiments
des Antilles; la deuxième, organisée à Saint-Malo, ne put se
compléter et fut probablement licenciée; la troisième, qui servit
à l'île de France, fut fondue le 24 août 1784 dans le régiment
de Pondichéry.
85. Au moment de la Révolution, les troupes coloniales
affectées à nos établissements actuels comprenaient :
1° Les régiments de la Martinique et de la Guadeloupe,
chacun à 3 bataillons de 5 compagnies (1);
2° Les régiments de Bourbon et de Pondichéry chacun à
2 bataillons de 5 compagnies (2) ;
3° Le bataillon de la Guyane;
4° Une compagnie à Saint-Pierre et Miquelon ;
6° Le corps des volontaires de Bourbon créé par ordonnance
royale du 1er avril 1779 (V. n° 100) ;
7° Un bataillon de cipahis de l'Inde. Ce corps avait été créé
par Dupleix en 1743 et réorganisé par ordonnance locale du
12 novembre 1773. Des 2 bataillons dont il se composait (Ord.
17 mars 1786), l'un avait été supprimé le 15 avril 1789 (3);
8° Le bataillon auxiliaire des colonies constitué par ordon-
nance du 25 juillet 1781, comprenant 5 compagnies dont 1 d'ar-
tillerie ; il recevait les recrues à expédier sur chacun des corps;
9° Le régiment d'artillerie des colonies.
(1) Ces compagnies étaient fortes de 6 officiers et 119 hommes sur le
pied de paix — 170 hommes sur la pied de guerre (Ord. 10 décem-
bre 1784,). Plus tard, les effectifs furent un peu réduits et, au moment
de la Révolution, un régiment des Antilles sur le pied de paix comptait
1,787 hommes.

(2) En outre, des régiments métropolitains étaient détachés aux colo-
nies : c'est ainsi que le régiment de Walsh (infanterie irlandaise) fut en-
voyé, en 1788, à l'île de France; qu'en 1791, un de ses bataillons fut

détaché à Saint-Domingue. Ce régiment continua pendant quelque temps
à servir aux colonies, après la réorganisation de 1791, avec son nouveau
numéro, 92e régiment d'infanterie.

(3) La suppression du bataillon fut portée à la connaissance du gou-
verneur, comte de Conway, par une lettre du ministre du 17 avril 1789;
cette lettre est très intéressante parce qu'elle fait connaître la résolution
du roi de réduire les établissements de l'Inde à de simples comptoirs.
Le régiment de Pondichéry fut envoyé à l'île de France, où il devait

remplacer le dernier régiment européen, celui de Walsh : on voulait
même supprimer le régiment de Bourbon.

— 94 —
86. L'artillerie des colonies s'était formée peu à peu ; les
compagnies de bombardiers et de canonniers qui existaient dans
les diverses colonies, d'autres attachées aux régiments d'infan-
terie, furent supprimées par l'ordonnance du 24 octobre 1784;
cette ordonnance créa le corps royal de l'artillerie des colonies,
formant un régiment de 20 compagnies de canonniers et de
bombardiers et de 2 compagnies d'ouvriers. Ce corps avait en
France son état-major et détachait aux colonies le nombre de
compagnies nécessaires.
Il y avait en outre des officiers d'artillerie dans chaque île,
chargés d'un service analogue à celui des directions actuelles.
Les travaux de fortification, exécutés d'abord par des ingé-
nieurs coloniaux, furent confiés, par une ordonnance du
14 mars 1784, aux officiers du corps royal du génie.
87. Le décret des 11-20 juillet 1791 fit passer toutes les
troupes coloniales sous l'autorité du ministère de la guerre ;
presque aussitôt après, le 29 septembre, le désir de donner à
l'armée une homogénéité complète fit licencier tous les corps
spéciaux des colonies. On constitua avec eux 6 régiments
d'infanterie qui prirent les numéros 106 et suivants. On con-
serva uniquement, avec leur ancienne organisation : le régiment
d'artillerie, 2 bataillons de cipahis, les volontaires de Bourbon
et le bataillon auxiliaire dont on supprima la compagnie d'ar-
tillerie. Tous les régiments d'infanterie durent servir indistinc-
tement aux colonies.
Mais l'exécution de ce décret fut provisoirement suspendue
le 1er décembre 1791, et le 30 mai 1792 un nouveau décret
supprima le bataillon auxiliaire (1). Les 6 régiments d'infanterie
furent constitués à deux bataillons. On conserva les volontaires
de Bourbon et 6 compagnies de cipahis.
A la môme époque on forma pour renforcer les garnisons
coloniales des bataillons de gardes nationaux (Déc. 14 et
23 novembre 1792) qui ne paraissent pas être partis pour
leur destination.
Il n'est pas possible de rappeler toutes les transformations
apportées aux garnisons coloniales pendant la période de
(1) Ce décret ne fut pas exécuté de suite, car on retrouve des états
d'effectif du bataillon auxiliaire à la date du 22 avril 1793.

— 95 —
1791 à 1814, d'autant plus que certaines des décisions prises
ne furent pas exécutées : c'est ainsi que nous voyons, le
20 frimaire, an XI, créer dans les ports 6 dépôts pour rece-
voir les soldats qui voudraient servir aux colonies et les
conscrits déserteurs arrêtés par la gendarmerie ; mais quel-
ques mois plus tard, le 25 prairial, ces dépôts versent leurs
hommes dans des régiments de ligne. Il n'y avait en réa-
lité aucune règle fixe pour l'organisation des garnisons colo-
niales.
88. Nous signalerons seulement la création à cette époque
de quelques corps spéciaux :
1° Le bataillon des Antilles, organisé à Brest en 1794
avec 1 compagnie d'artillerie et 10 compagnies d'infanterie,
devait recevoir' des hommes de couleur; il fut supprimé
en 1801 ;
2° Une compagnie de militaires noirs et de couleur, cons-
tituée à l'île d'Aix par décret du 3 prairial an VI pour réu-
nir les militaires noirs et de couleur présents en France.
Mise à la disposition de la marine aussitôt après sa forma-
lion, celte compagnie partit en l'an vu pour le Sénégal.
Rattachée comme compagnie auxiliaire au 46e régiment
d'infanterie de ligne en garnison dans cette colonie, elle
paraît avoir disparu à la prise du Sénégal par les Anglais,
en 1809;
3° Le bataillon de' chasseurs africains formé par ordre
'du ministre du 28 nivôse an XI, avec des hommes de cou-
leur de la Guadeloupe présents à Brest, devait compter
6 compagnies et était destiné à servir dans l'Inde. Son départ,
fixé d'abord au 10 ventôse, fut suspendu (1); il fut mis
à la disposition du ministre de la guerre et appelé à servir
en Italie pour y être réuni (2) aux compagnies d'hommes
noirs alors stationnés à Mantoue;
4° Le bataillon de l'île de France, créé à Brest par décret
du 9 germinal an XI, au moyen d'hommes pris dans les
(1) Déc. min. 17 germinal an XI,
(2) Arr. consulaire 21 floréal an XI. Le bataillon des pionniers noirs,
ainsi constilué, passa en 1806 au service du roi de Naples, et devint
alors le régiment royal africain.

— 96 —
dépôts coloniaux, était destiné à faire partie de l'expédition
du général Montchoisy ; l'expédition ayant été suspendue,
ce bataillon fut versé, le H prairial an XI, clans la 40e de-
mi-brigade.
89. Le gouvernement de la Restauration affecta à la garde
des colonies 4 régiments d'infanterie (1); ceux-ci, formés
chacun à 2 bataillons, devaient être successivement relevés
par les divers corps de l'arme.
Le ministre de la guerre fournissait les troupes, assurait
leur recrutement, mais la marine les payait; elle était char-
gée de leur administration. Celte organisation dura peu et
le déparlement de la guerre fut chargé de nouveau (2) d'as-
surer la solde et l'entretien des troupes : la marine n'eut à
payer que les suppléments en solde et en vivres.
L'envoi successif des différents régiments d'infanterie aux
colonies système en vigueur depuis 1791, présentait de
graves inconvénients ; on reconnut l'utilité d'attacher à ce
service exceptionnel des corps particuliers composés autant
que possible d'hommes acclimatés, et, le 17 août 1828, une
ordonnance affecta aux colonies 3 régiments d'infanterie
chacun à 24 compagnies (43°, 51e d'infanterie de ligne,
16e d'infanterie légère). Le dépôt restait en France; les
corps étaient recrutés au moyen d'hommes de bonne volonté,
et, au besoin, d'un contingent formé dans les régiments
d'infanterie par des hommes que désignaient d'office les
inspecteurs généraux.
90. Le gouvernement de 1830 se proposa de placer
entre les mains du ministre de la marine tous les rouages
de l'Administration coloniale : la défense des colonies lui
fut confiée d'une manière absolue. Il eut à assurer le
recrutement de ces troupes spéciales (3). Une ordonnance
du 14 mai 1831 constitua, avec les 3 régiments affectés
au service colonial et avec les officiers d'infanterie de
marine attachés aux équipages de la flotte (4), 2 régiments
(1) Ord. 8 août 1814.
(2) Ord. 3 décembre 1823.
(3) C'était d'ailleurs la conséquence des idées qui, dès 1829, avaient
fait enlever à l'artillerie de terre le service colonial.
(4) L'infanterie de marine avait été autrefois chargée du service à

— 97 —
de la marine. C'est l'origine de l'infanterie de marine
actuelle qui, portée successivement de 64 compagnies à
181 (1), a, depuis cette époque, assure la garde de nos
établissements d'outre-mer, pris part à toutes les expédi-
tions lointaines, et qui a montré, au jour du danger, qu'elle
savait défendre le sol de la patrie continentale comme celui
de ses colonies.
91. Quant à l'artillerie des colonies, le régiment avait été
versé dans l'artillerie de terre, ainsi que les compagnies
d'ouvriers qui en dépendaient, par un décret du 18 floréal
an III, qui avait confié à l'artillerie de terre le soin d'assu-
rer le service colonial. Un arrêté du 10 floréal an XI régla
ce service de la manière suivante : les bataillons d'artillerie
à pied et le 6e régiment d'artillerie à cheval étaient aug-
mentés chacun d'une compagnie : la Martinique) la Guade-
loupe, la Guyane recevaient 5 compagnies ; les colonies
d'Afrique et d'Asie, 3. Ces compagnies s'administraient indé-
pendamment; les corps d'origine assuraient seulement le
recrutement de chacune d'elles. Après quatre ans de service
colonial les officiers et soldats pouvaient demander à rentrer
en France.
De 1814 à 1825 (2), le service colonial fut assuré par
l'artillerie de marine qui, avant la révolution, existait paral-
lèlement à l'artillerie de terre et à celle des colonies et
était affectée à la garde des arsenaux et au service à bord;
l'ordonnance du 26 janvier 1825 rendit au ministre de la
guerre toutes les troupes employées aux colonies, mais ce
fut pour une courte durée, car le 5 août 1829, l'artillerie
de marine reprit de nouveau et définitivement le service des
établissements d'outre-mer.
bord et de la garde des arsenaux ; elle avait été supprimée le 28 août
1827, et en 1830 il ne Testait plus que des officiers attachés aux équi-
pages de la flotte pour leur instruction militaire, ou affectés aux com-
mandements des cipahis.
(1) Déc. 26 janvier 1880. — 1er mars 1890.
(2) Pendant cette période, l'organisation de l'artillerie de la marine et
des colonies fut fixée par l'ordonnance du 21 février 1816 (8 bataillons,
Si compagnies d'ouvriers, 5 compagnies d'apprentis canonniers), puis
par celle du 7 août 1821 (transformation des 8 bataillons en un régiment
à 24 compagnies).
COLONIES, I.
7

— 98 —
92. En dehors de l'infanterie et de l'artillerie de marine,
de nombreux corps spéciaux ont été successivement affectés
aux colonies : nous en donnerons uniquement l'énumération :
1° Le régiment colonial étranger, créé le 16 décembre 1814,
avec des Espagnols et des Portugais, ne servit jamais aux
colonies; il fut versé le 11 avril 1815 dans le 6e régiment
étranger qui lui-même fut licencié le 28 octobre 1815;
2° Les bataillons coloniaux, constitués par l'ordonnance du
28 septembre 1814 pour recevoir des disciplinaires, ne furent
pas envoyés aux colonies, mais seulement à Belle-Isle et à
Oléron; ils furent transformés, le 1er janvier 1818, en compa-
gnies de discipline et continuèrent, dans cette situation, à
servir en France jusqu'au décret du 23 mai 18G0;
Λ cette époque on créa les compagnies disciplinaires des
colonies, au nombre de 4, appelées à servir à la Nouvelle-Ca-
lédonie, aux Saintes, à la Réunion et à Gorée, composées,
comme troupe, de militaires condamnés à une peine correc-
tionnelle et ayant au moins dix-huit mois de service à faire ;
3° Les cipahis de l'Inde, formés de 4 compagnies en 1814,
furent successivement réduits à 1 (Déc. 24 octobre 1889).
4° Les spahis sénégalais. L'ordonnance du 25 novembre 1842
avait prescrit la création d'un corps de cavalerie africaine pour
la colonie du Sénégal; ce corps fut rattaché par l'ordonnance
du 21 juillet 1845 aux spahis d'Algérie.
5° Les spahis cochinchinois, créés par décision ministérielle
du 23 mai 18G2, et supprimés par une dépêche du 7 mars 1870.
6° Les spahis soudanais, créés par décret du 26 décem-
bre 1891, portés à deux escadrons le 29 août 1893 ;
7° Les compagnies indigènes d'ouvriers du génie, qui avaient
été créées par arrêtés locaux, furent supprimées par l'ordon-
nance du 2G janvier 1825; mais cette décision ne parait pas
avoir été exécutée, et le 4 avril 1860 un décret leur rendit
une existence régulière ; il y eut 4 compagnies : à la Marti-
nique, à la Guadeloupe, à la Réunion et au Sénégal; elles
devaient, en dehors de leur instruction militaire, coopérer aux
travaux d'utilité publique; en même temps, elles devaient
fournir par les libérations, chaque année, un certain nombre
d'hommes ayant acquis l'habitude du travail. Deux de ces com-
pagnies rendirent des services pendant la campagne du

— 99 —
Mexique, mais, à la suite du vote du budget de 1867, elles
durent être supprimées par décret du 15 octobre 1866;
8° Le train des équipages, dont quelques compagnies avaient
été constituées sous l'Empire et la Restauration, fut définiti-
vement supprimé par l'ordonnance du 26 janvier 1825. Mais
on créa, le 2 août 1881, au Sénégal et le 29 août 1892, au
Soudan, des compagnies de conducteurs d'artillerie destinées
à assurer le service du train des équipages clans les colonies
expéditionnaires;
9° Les tirailleurs sénégalais. La facilité avec laquelle les
indigènes du Sénégal s'habituent au service militaire les a fait
employer fréquemment comme auxiliaires de nos "troupes. On
comptait depuis longtemps dans la colonie des indigènes auxi-
liaires de l'infanterie et on avait même envoyé à Madagascar,
en 1828, deux compagnies de Yolofs, qui, après avoir rendu
d'excellents services, furent supprimés, à Sainte-Marie de
Madagascar, en 1845. Une compagnie de soldats noirs fut
constituée au Sénégal par l'ordonnance du 20 novembre 1838,
et rattachée à l'infanterie de marine : le décret du 2 décem-
bre 1853 créa une seconde compagnie; enfui celui du 21»juillet
1857 les remplaça par le bataillon des tirailleurs sénégalais.
10° Les tirailleurs soudanais, créés par décret du 23 avril
1892 et portés successivement à 4 bataillons;
11° Les tirailleurs haoussas, créés au Dahomey le 23 juin
1891, à l'effectif d'un bataillon, réduit à une compagnie le
4 janvier 1896. En outre, il fut recruté au Dahomey, pour
l'expédition de Madagascar, un bataillon de marche de tirail-
leurs haoussas (Déc. 21 mars 1895) ;
12° Les tirailleurs gabonais, créés le 6 juillet 1887. Sup-
primés le 28 février 1891 ;
13° Les tirailleurs annamites (Déc. 2 décembre 1879);
14° Les tirailleurs tonkinois, constitués d'abord à 4 régi-
ments (Déc. 2 décembre 1879), réduits à 3 (Déc. 26 juin 1890).
15° Les 4 bataillons de chasseurs annamites (Déc. 14 mai
1886), supprimés le 2 février 1890. Leurs cadres, comme ceux
du 4° régiment de tirailleurs tonkinois, étaient fournis non
par l'infanterie de marine, mais par l'armée de terre;
16° Les volontaires de la Réunion, constitués par arrêté
local du 6 juillet 1883, pour prendre part à l'expédition de

— 100 —
Madagascar, et licenciés à la suite de la campagne, le 20 mars
188G. Pour la seconde expédition, on a créé, le 29 décembre
1894, un nouveau bataillon dans lequel des engagements
volontaires ont été autorisés pour la durée de la campagne;
17° Les tirailleurs de Diégo-Suarez, existant par le fait
d'arrêtés locaux depuis 1884, ont été constitués en bataillon
le 3 mai 1892 et ont formé le noyau du régiment des tirail-
leurs malgaches (Déc. 13 janvier 1895);
18° La compagnie de soldats noirs, recrutée pour la Guyane
au Sénégal, avait été constituée par l'ordonnance de 1838 sur
l'infanterie de marine : elle fut supprimée par décision minis-
térielle du 22 septembre 1859.
Ces différents corps de troupes, ceux-là du moins qui sub-
sistaient encore, furent incorporés dans l'armée coloniale
quand celle-ci fut organisée par la loi du 7 juillet 1900
(nos 288 et suiv.). Les troupes d'infanterie et d'artillerie de la
marine ainsi que les troupes indigènes déjà constituées font
partie intégrante de cette armée, aux termes mêmes de la loi
pour l'exécution de laquelle sont intervenus deux décrets du
28 décembre 1900, portant organisation l'un de l'infanterie
coloniale et l'autre de l'artillerie coloniale; et un décret du
11 juin 1901 concernant l'administration des troupes colo-
niales. Les deux décrets des 28 décembre 1900 ont été com-
plètement refondus eux-mêmes par deux décrets en date du
19 septembre 1903, le second d'entre eux ayant été plus récem-
ment complété par les dispositions des décrets du 25 septem-
bre 1901 et du G juillet 1905. Cette réorganisation générale,
succédant à des modifications partielles qu'avaient consacrées
notamment des décrets en date des 30 juin, 14 août et 8 sep-
tembre 1901, 24 mars, 30 mai, 20 juin, 25 septembre, 6 et
22 octobre 1902, et 2G mai 1903, permet aujourd'hui de décom-
poser les troupes coloniales de la manière suivante :
L'infanterie coloniale se compose d'un état-major particu-
lier, de corps de troupes d'infanterie française et indigène,
d'un corps de discipline des troupes coloniales.
Les corps de troupes d'infanterie coloniale française com-
prennent : 1° en France, 12 régiments à 3 bataillons de 4 com-
pagnies, 1 section de secrétaires d'état-major coloniaux, 1 sec-
tion de télégraphistes coloniaux, 1 dépôt des isolés des

— 101 —
troupes coloniales, 1 section des secrétaires et ouvriers mili-
taires du commissariat ; 1 section d'infirmiers coloniaux ; 2° aux
colonies : en Indo-Chine, 3 régiments à 3 bataillons de 4 com-
pagnies et 1 régiment à 2 bataillons de 4 compagnies; en
Afrique orientale, 1 régiment à 3 bataillons de 4 compagnies,
et 1 bataillon à 2 compagnies ; en Afrique occidentale,
1 bataillon à 4 compagnies; aux Antilles et à la Guyane,
1 bataillon à 5 compagnies; dans les établissements du Paci-
fique, 1 bataillon à 3 compagnies.
Les corps d'infanterie indigène comprennent : en Indo-Chine,
4 régiments de tirailleurs tonkinois, dont 3 à 4 bataillons et
I à 5 bataillons de 4 compagnies, 2 régiments de tirailleurs
annamites à 3 bataillons de 4 compagnies, 1 bataillon de ti-
railleurs chinois à 2 compagnies, 1 bataillon de tirailleurs
cambodgiens à 2 compagnies ; en Afrique orientale, 1 régiment
de tirailleurs sénégalais à 4 bataillons de 4 compagnies, 1 ba-
taillon de tirailleurs sénégalais de 4 compagnies, 3 régiments
de tirailleurs malgaches à 3 bataillons de 4 compagnies ; en
Afrique occidentale, 2 régiments de tirailleurs sénégalais à
4 bataillons de 4 compagnies; 1 régiment de tirailleurs séné-
galais à 2 bataillons de 4 compagnies, 1 bataillon de tirailleurs
sénégalais à Zinder, 1 régiment d'infanterie indigène à 2 ba-
taillons au Congo et au Tchad.
Le corps de discipline des troupes coloniales comprend seu-
lement, depuis un décret du 20 juillet 1905, des sections spé-
ciales du Tonkin, en Cochinchine et à Madagascar.
D'après le second des deux décrets, du 19 septembre 1903,
l'artillerie coloniale se compose, en dehors du personnel
détaché à la marine ou affecté aux services techniques, d'un
état-major particulier et de corps de troupes.
Les troupes d'artillerie coloniale dans la métropole se com-
posent de 3 régiments d'artillerie coloniale comprenant en-
semble 36 batteries, 5 compagnies d'ouvriers, 1 compagnie
d'artificiers.
Les troupes d'artillerie coloniale aux colonies et dans les pays
de protectorat comprennent : 1° en Indo-Chine, 2 régiments
d'artillerie coloniale, le premier au Tonkin, composé de 8 bat-
teries mixtes, le second en Cochinchine, composé de 10 batte-
ries mixtes ; et, en outre, 2 compagnies mixtes d'ouvriers;

— 102 —
2° dans l'Afrique occidentale française, 1 régiment d'artillerie
coloniale composé de 6 batteries mixtes, 1 section mixte de
montagne dans le territoire du Tchad, 1 compagnie de conduc-
teurs indigènes, enfin 2 compagnies mixtes d'ouvriers; 3° dans
l'Afrique orientale française, 1 régiment d'artillerie coloniale
composé de 8 batteries mixtes, et 2 compagnies mixtes d'ou-
vriers ; 4° aux Antilles, 1 groupe d'artillerie coloniale à 3 bat-
teries à pied et 1 détachement d'ouvriers ; 5° dans le Pacifique,
1 batterie d'artillerie coloniale à pied et 1 détachement d'ou-
vriers.
Il y a lieu de mentionner, d'autre part, quelques dispositions
applicables à des corps spéciaux.
Les spahis sénégalais et soudanais ont été réorganisés par
décret du 15 avril 1902. Un escadron de cavalerie indigène a
été constitué au Congo par décrets des 6 octobre et 4 décembre
1903. Un décret en date du 10 du même mois a organisé un
escadron de cavalerie en Indo-Chine (n° 302 ter).
Un décret du 5 novembre 1904 a prévu la création en Indo-
Chine de compagnies indigènes du génie (n° 302 quater).
Des décrets du 24 septembre 1903, du 1er et du 14 novembre
1904, ont organisé les réserves indigènes à Madagascar, en
Indo-Chine et en Afrique occidentale (n° 505 bis).
Quant à l'administration des troupes coloniales, elle com-
prend, d'après le décret du 11 juin 1901, le service de l'ar-
tillerie, le service du commissariat, et le service de santé. Ce
dernier a été spécialement réorganisé par un décret en date du
4 novembre 1903 (nos 288 quater, 305, 307 et 308 bis).
§ 2. Gendarmerie.
93. La maréchaussée fut créée aux colonies dès qu'on
pensa à leur donner un commencement d'organisation; mais
ce corps ne se constitua pas sans hésitation : c'est ainsi
qu'une ordonnance du 8 août 17G5 supprima la maréchaussée à
la Martinique et la remplaça par une troupe de 10 archers seu-
lement; la milice devait en remplir les fonctions. A la Réunion
elle subsista jusqu'en 1792, et fut supprimée par un décret de

— 103 —
l'assemblée coloniale du C novembre 1792, qui créa une gen-
darmerie nationale; mais il est probable que ce décret ne fut
pas exécuté, car, en 1808, l'arrêté du général Decaen, qui
constitue la gendarmerie, l'appelle à remplacer la maré-
chaussée.
94. A la suite de la période troublée que les colonies tra-
versèrent pendant la Révolution, la maréchaussée avait disparu
presque complètement : il fallut assurer la sécurité, et la gen-
darmerie fut créée, d'abord aux Antilles, par une ordonnance
du capitaine général du 23 brumaire an XI, puis à la Réunion
par un arrêté du gouverneur du 20 mars 1808. Mais ces orga-
nismes locaux, supprimés et rétablis à diverses reprises, fonc-
tionnèrent pendant longtemps d'une manière très irrégu-
lière fi); l'ordonnance du 29 octobre 1820, qui, dans la
métropole, constitua le service de la gendarmerie et appela
les 24 légions à fournir des compagnies dans les ports et
arsenaux, ne se préoccupe point du service colonial.
L'ordonnance du 19 juin 1832 qui a divisé la gendarmerie
métropolitaine en deux corps, faisant passer sous l'autorité du
ministre de la marine et des colonies les compagnies affec-
tées à la garde des arsenaux et au service de l'inscription
maritime, n'a pas modifié la situation de la gendarmerie colo-
niale ; elle continue à être fournie par les légions métropoli-
taines; elle relève du ministère de la guerre et est seulemen
détachée au service du Département des colonies.
95. L'ordonnance du 17 août 1835 établit enfin une orga-
nisation sérieuse en créant une compagnie dans chacune
des colonies de la Martinique et de la Réunion, un détache-
ment à Saint-Pierre et Miquelon, et en appelant la gendar-
merie métropolitaine à fournir ces corps détachés. Elle fut
complétée, en ce qui concerne la Réunion (une compagnie),
la Guyane (une demi-compagnie) par l'ordonnance du 6 sep-
tembre 1840; l'Océanie (un détachement) par l'ordonnance du
17 octobre 184G; le Sénégal (un détachement) par le décret
(1) C'est ainsi qu'à la Réunion, une ordonnance locale du 12 avril 1815
décida la formation d'une compagnie de maréchaussée et d'une compa-
gnie de vétérans; que le 8 juillet 1817 la compagnie de maréchaussée
fut supprimée, celle des vétérans réduite, et qu'on créa pour ce service
le bataillon de Bourbon.


— 104 —
du 30 septembre 4854 (4); la Cochinchine (une compagnie), par
le décret du 17 octobre 1856; la Nouvelle-Calédonie, par suite
de la separation d'avec les établissements de l'Océanie (un déta-
chement) par le décret du 18 février 1860. Les transformations
dans l'importance de ces détachements qui ont été prescrites
par des décrets ultérieurs n'ont qu'un intérêt secondaire.
L'organisation de la gendarmerie coloniale n'a pas, d'une
maniere générale, été modifiée par la loi du 7 juillet 4900 sur
l'armée coloniale.
Un décret du 29 avril 1902 a créé une compagnie de gen-
darmerie à Madagascar. Cette compagnie a été supprimée par
un second décret en date du 13 janvier 4904. Dans la même
colonie, un corps d'auxiliaires indigènes de la gendarmerie a
été constitué en vertu d'un décret du 6 septembre 1902.
Un décret du 6 janvier 1902 a augmenté l'effectif de la
compagnie de gendarmerie de l'Indo-Chine. Des auxiliaires
indigènes à celte compagnie ont été organisés par un décret
du 11 mai 1903. Un décret du 9 juin suivant a consacré le
dédoublement de l'arrondissement de gendarmerie de l'Annam
et du Tonkin.
La compagnie de gendarmerie de la Martinique a été réor-
ganisée par décret du 12 juillet 1903 et transformée en un
détachement par un décret en date du 11 août 1904. Un décret
du 7 février 1905 a réduit de même l'effectif du détachement
de gendarmerie de Tahiti (n° 294).
§ 3. — Milices.
96. Des les premiers temps d'occupation de nos colonies,
on reconnut la nécessité de réclamer le concours des habi-
tants pour assurer le maintien de l'ordre et participer au
besoin avec les troupes à la défense contre une agression
étrangère. Aux Antilles, les milices étaient constituées avant
1680; une lettre du roi, du 7 mai 1680, prescrit, en effet, de
faire reprendre les exercices tous les dimanches. A la Réunion,
c'est une ordonnance locale du 24 février 1718 qui appela
(1) Ce détachement a été supprimé par un décret du 1 er juillet 1891,

— 105 —
à ce service tous les hommes de 13 à 50 ans. A la Guyane,
les milices étaient déjà créées par les seigneurs, quand, en
1674, la colonie pa.';sa sous le pouvoir royal; on trouve, à la
date du 28 octobre 1695, un règlement applicable aux milices
comme aux compagnies franches.
Leurs officiers étaient en même temps les administrateurs
des paroisses : dès qu'elles étaient rassemblées, elles étaient,
aux termes d'une ordonnance royale du 3 août 1707, soumises
aux règlements de l'armée.
Organisées dès le début en compagnies, elles furent consti-
tuées en régiments par une ordonnance du 29 avril 1705 (1),
reformées en compagnies en 1727, en bataillons en 1760,
enfin en compagnies le 1er septembre 1768 (2).
En 1764, on avait essayé de supprimer la milice à la Mar-
tinique et d'organiser avec les créoles des troupes régulières,
mais cette tentative n'eut pas de succès et dès l'année suivante
on voit la milice désignée pour tenir lieu de la maréchaussée
supprimée.
97. Une ordonnance royale du 1er janvier 1787 réorganise
les milices et supprime les nombreux états-majors qui peu à
peu s'étaient constitués à leur tète : il n'y eut plus que des
compagnies de 60 hommes environ chacune, relevant directe-
ment de l'état-major des places. Tous les créoles de 15 à
55 ans étaient assujettis au service, sauf quelques exceptions
pour les fonctionnaires. Les hommes de couleur étaient orga-
nisés de la même manière, mais étaient liés au service jusqu'à
60 ans. Il n'y a vait, pendant le temps de paix, aucun exercice,
aucune instruction militaire donnée, sauf pour les compagnies
des villes et villages du littoral qui étaient exercées au service
de l'artillerie.
98. Lors de la rentrée des Antilles sous la domination
française, les milices prirent le titre de garde nationale (3) ;
(1) Cette ordonnance créait 4 régiments à la Martinique. 2 à la Gua-
deloupe, 2 à Cayenne.
(2) Il y avait des compagnies d'infanterie, d'artillerie, de dragons,
enfin une compagnie de gentilshommes. Pendant la période du 24 mars
1763 au 1« septembre 1768, la milice avait été supprimée à la Guade-
loupe.

(3) Le titre de garde nationale fut conservé peu de temps à la Mar-

— 106
on conserva la distinction entre les compagnies de blancs et
d'hommes de couleur : à la Réunion, la garde nationale avait
été substituée aux milices par un règlement de l'assemblée
locale du 15 juillet 1790. En France, on était peu disposé en
faveur de ces corps spéciaux ; on en retrouve la trace dans
un décret de l'Assemblée constituante du 21 février 1791 qui
s'exprime ainsi : sans néanmoins rien préjuger sur l'exis-
tence des milices coloniales.
Le décret du 3 mai 1848 décida la création de la garde natio-
nale ; mais là où ce décret fut promulgué, il ne fut pas exé-
cuté.
99. Nous indiquerons uniquement la date des textes régle-
mentaires qui ont constitué les milices.
Ce sont : à la Martinique, l'ordonnance locale du 1er mars 181 5 ;
en 1833, à la suite de troubles, les milices furent licenciées, à
l'exception des pompiers et des dragons ; ceux-ci eux-mêmes
disparurent et l'arrêté du 15 lévrier 1840, qui en ordonnait la
réorganisation, resta lettre morte.
A la Guadeloupe, l'arrêté local du 1er mars 1832 ; la milice
cessa d'exister en 1848; on essaya vainement de la reconstituer
par un arrêté du 24 septembre 1857; il ne subsista que les
Compagnies de pompiers, réorganisées le 19 mars 1880.
A la Guyane, l'ordonnance locale du 9 avril 1824, modifiée
par quelques arrêtés, notamment celui du 2 février 1835, puis
par l'ordonnance du 24 mai 1840.
Au Sénégal, l'arrêté local du 31 janvier 1833, calqué sur la
loi du 22 mars 1831, relatif à la garde nationale.
A Saint-Pierre et Miquelon. un arrêté de 1823 et un second
arrêté du 30 juin 18G5, sans application aujourd'hui.
A la Réunion, où la milice a subsisté jusqu'à l'organisation
du service militaire, l'ordonnance royale du 15 mai 1819,
complétée par l'arrêté local du 15 octobre 1834. Les compagnies
de pompiers sont organisées dans les mêmes conditions qu'en
France (Déc. 19 juin 1889).
A la Nouvelle-Calédonie, une garde nationale a existé à
Nouméa, du 23 juin au 25 septembre 1859 ; des compagnies
Unique. Sous la seconde occupation anglaise, on constate, en effet,
l'existence de la milice.


— 107 —
do volontaires organisées en 1878, lors de l'insurrection
canaque, furent dissoutes l'année suivante.
99 bis. On désigne encore sous le nom de milices des corps
indigènes constitués dans un certain nombre de colonies, et
placés sous les ordres des administrateurs. Leurs chefs sont
des Français non militaires.
Ces milices existent sous le nom de garde civile, garde
indigène, garde régionale, police indigène, etc., dans nos
colonies d'Afrique, à Madagascar et en Indo-Chine.
Un décret du 17 juin 1897 a réuni en un méme corps, sous
le nom de garde indigène de l'Indo-Chine, les cadres européens
employés au Tonkin, en Annam et au Cambodge. Plus récem-
ment un décret du 31 décembre 1904 a complètement réorga-
nisé la garde indigène de l'Indo-Chine.
A Madagascar un corps de police constitué sous le nom de
garde civile indigène en vertu du décret du 11 juillet 1896 et
du 16 avril 1902 a été définitivement organisé, sous le nom de
garde régionale, par un décret du 23 juillet 1903 (n° 509;.
99 ter. D'après la loi du 7 juillet 1900, les milices sont
organisées, après avis du ministre de la guerre, par décrets
rendus sur le rapport du ministre des colonies ; elles peuvent
coopérer à des opérations militaires (n° 506).
§ 4. — Recrutement aux colonies.
100. La première trace d'une sorte de participation des
colons au service militaire se retrouve à la Guyane où, en
1688, Ducasse leva des milices pour enlever Surinam.
A la Martinique, un arrêté du gouverneur du 7 juin 1764,
rendu en exécution d'une instruction royale du 27 février,
prescrivit la formation des habitants en compagnies de 50 hom-
mes, portant le titre de troupes nationales. Quoique dans son
arrêté le gouverneur déclare que cette mesure sera agréable
aux habitants, elle ne paraît pas avoir eu ce résultat ; il
semble qu'elle ne fut même pas exécutée ; il s'agit là, d'ailleurs,
d'un corps appelé à servir à l'intérieur.
Une ordonnance du 1er avril 1779 créa le corps des vo-
lontaires de Bourbon, composé de deux compagnies pouvant

— 108 —
être appelées en temps de guerre; elles prirent part, en 1783,
à l'expédition de l'Iode, furent réorganisées le 1er août 1793
et subsistèrent jusqu'à l'arrêté du gouverneur Decaen, du
9 vendémiaire an XII. En 1802, dans cette même colonie, on
leva plusieurs compagnies de chasseurs de la Réunion, qui dis-
parurent lors de la conquêle par les Anglais en 1810.
Lors de la première expédition de Madagascar, uu arrêté
local du gouverneur de Bourbon, du 18 février 1824, constitua
un corps de volontaires.
Pendant la guerre du Mexique, on forma à la Martinique,
en 1862, une compagnie de volontaires de la Martinique et de
la Guadeloupe. Cette compagnie, partie de Fort-de-France pour
Vera-Cruz, le 12 décembre 1862, prit une part des plus glo-
rieuses à la campagne.
La guerre de 1870 fournit aux jeunes créoles l'occasion de
montrer leur dévouement à la mère patrie; à la Guadeloupe,
on constitua (1) des compagnies de volontaires pour servir
pendant la durée de la guerre; à la Réunion, des engagements
volontaires lurent souscrits, en destination soit de l'armée en
France, soit de la marine en Cochinchine ; à la Martinique, on
créa des compagnies de francs-tireurs.
Enfin, nous avons signalé (n° 92) la constitution, à deux re-
prises, à la Réunion, d'un corps de volontaires pour le service
à Madagascar.
101. C'étaient là, d'ailleurs, des corps composés unique-
ment de volontaires : les ordonnances sur la milice obli-
geaient les habitants qui en faisaient partie à un service régu-
lier, même en dehors du lieu de leur résidence, mais ce service
était analogue aux anciennes obligations de la garde nationale
active.
Quant au service militaire proprement dit, un décret du
3 mai 1848 avait promulgué dans nos établissements d'outre-
mer la loi du 21 mars 1832 sur le recrutement de l'armée : les
jeunes créoles devaient être de préférence affectés au service
des colonies. Ce décret ne reçut aucune suite; on n'en trouve
pas trace à la Guadeloupe; à la Réunion, il ne fut pas pro-
(1) ARR. loc. 12 août 1870.

— 109 —
mulgué; à la Martinique, il fut promulgué (4 juin 1848), mais
ne fut pas exécuté.
C'est la loi du 16 juillet 1889 qui a rendu le service mili-
taire obligatoire dans les trois anciennes colonies aux mêmes
conditions que dans la métropole. Mais l'application de cette
loi a soulevé de grandes difficultés et, pour qu'on pût la met-
tre en vigueur à la Réunion, une loi du 1er août 1895 est in-
tervenue, permettant d'envoyer non en France, mais dans les
colonies voisines, les jeunes gens appelés à faire trois ans de
service. Plusieurs décrets ont ainsi, pour la Réunion, appelé
sous les drapeaux les hommes de différentes classes.
Dans les autres colonies, la loi de 1889 était également
applicable, mais avec une durée de service d'un an seulement.
La loi du 21 mars 1905, qui a modifié la loi du 15 juil-
let 1889 sur le recrutement de l'armée et réduit à deux ans la
durée du service militaire dans l'armée active est applicable à
la Guadeloupe, à la Martinique, à la Guyane et à la Réunion.
Dans les autres colonies et pays de protectorat, les Français et
naturalisés Français sont incorporés dans les corps les plus voi-
sins, et après une année de présence effective sous les dra-
peaux, au maximum, ils sont envoyés en congé s'ils ont satis-
fait aux conditions de conduite et d'instruction déterminées
par le ministre de la guerre. Ils sont dispensés de toute pré-
sence effective s'il ne se trouve pas de corps stationné dans
un rayon fixé par arrêté ministériel (art. 89 et suiv. de la loi).
En exécution de la loi du 21 mars 1905, un décret du
25 août suivant a fixé les règles auxquelles seraient soumis les
engagements et rengagements dans les troupes coloniales
pour ce qui concerne les éléments français de ces troupes.
Un décret du 1er novembre 1904 a déterminé le mode de
recrutement des militaires indigènes au Tonkin et en Annam
(n° 301 bis). Il faut citer également les décrets du 24 septem-
bre 1903 et du 14 novembre 1904 sur le recrutement et sur
l'organisation des réserves indigènes à Madagascar et en Afri-
que occidentale (n° 505 bis).
§5. — Inscription maritime.— Points d'appui de la flotte.
102. Les habitants des colonies avaient à plusieurs reprises,

— 110 —
déjà sous Louis XIV (1) et surtout pendant les guerres de la
fin du XVIII siècle, prêté leur concours à la marine de guerre
en fournissant d'importants renforts à ses équipages, mais ils
n'étaient, à ce point de vue comme pour le service militaire,
soumisà aucune obligation (2).
Le décret du 3 mai 1848", édicté dans un but d'assimilation,
leur appliqua les lois et règlements sur l'inscription maritime,
mais, de même que pour le recrutement, il resta sans effet, et
ce furent deux décrets du 16 août 1856 qui prescrivirent l'or-
ganisation immédiate de l'inscription maritime. Malgré cette
prescription, un décret (30 octobre 1887) fut jugé nécessaire
pour mettre en vigueur ce nouveau régime au Sénégal.
Les lois et règlements les plus récemment édictés sur
l'inscription maritime ont été rendus applicables aux inscrits
des colonies (n° 510).
102 bis. Le gouvernement a décidé de fortifier sur le
littoral de nos possessions un certain nombre de points
où notre marine de guerre pût trouver un appui. Fort-de-
France, Dakar, Saigon et le cap Saint-Jacques, Port-Courbet,
Nouméa et Diego-Suarez ont été déclarés ainsi points d'appui
de la flotte aux colonies par le décret du 1er avril 1899, qui a
réglé, pour la première fois, cette organisation nouvelle de la
défense maritime (n° 311).
ARTICLE 3. Régime commercial.
103. Réserver aux Français les importations à faire dans
les colonies, obliger les compagnies et les colons à apporter
tous leurs produits dans la métropole, tel est le but que le
(1) Lettre du roi au gouverneur général des Antilles, du 18 août 1876,
pour inciter les habitants à embarquer sur les vaisseaux de l'escadre
du comte d'Estrées et prendre part à la campagne contre les Hollan-
dais.

(2) Il y a lieu toutefois de signaler une ordonnance du gouverneur de
la Martinique du 10 juillet 1764, qui prescrit aux charpentiers et calfats
de navires de se faire inscrire chez les officiers des classes; mais cette
mesure paraît dictée par les mêmes motifs qui firent inscrire dans les

bureaux civils les ouvriers des diverses professions pouvant être utilisés
pour les travaux de l'Etat.

— 111 —
gouvernement poursuivit dès le début de la création de nos
établissements d'outre-mer et pendant de longues années.
On peut dire que de 1670 à 1866, c'est-à-dire pendant près de
deux cents ans, les colonies furent pour la métropole une vé-
ritable source de richesses. Il est à peine nécessaire de rap-
peler qu'à partir de cette date, en conservant les charges de
l'occupation, nous en avons abandonné, pendant de longues
années, presque tous les profits.
Signalons toutefois ce fait, que le régime commercial des
colonies avait, été en principe (1) considéré, même après 1866,
comme soumis au pouvoir métropolitain : depuis le règle-
ment du 10 juin 1G70 (qui accorde aux officiers du roi des
pouvoirs considérables, mais leur défend pourtant de taxer
les marchandises, réservant ce droit à l'autorité royale), jus-
qu'au sénatus-consulte du 4 juillet 1866 (qui, conservant sur
ce point l'organisation de 1854, laisse à des décrets le soin de
régler les tarifs douaniers dans les anciennes colonies), jus-
qu'à la loi du 7 mai 1881 (qui donne à des règlements d'admi-
nistration publique le soin de statuer sur les tarifs douaniers
des petites et des nouvelles colonies), ce droit a été constam-
ment maintenu et affirmé. Il l'a été définitivement par la loi
du 11 janvier 1892.
*
104. Les importations à faire aux colonies furent pendant
longtemps exclusivement réservées aux marchandises fran-
çaises arrivant sous pavillon national : le règlement du
10 juin 1670 défend aux bâtiments étrangers d'aborder dans
les ports des colonies et aux habitants de les recevoir sous
peine de confiscation; l'ordonnance du 4 novembre 1671 con-
firme cette prohibition; l'arrêt du conseil du 6 janvier 1682,
restreignant les privilèges de la compagnie des Indes, permet
à tous les Français de faire le commerce aux Indes orien-
tales, mais à la condition de se servir pour eux et leurs mar-
chandises des navires de la compagnie. Les lettres patentes
(1) Ce droit métropolitain avait été affirmé, mais uniquemeut d'une
manière théorique : car par l'abandon aux conseils généraux du droit
d'établir et de régler les tarifs de l'octroi de mer, on leur avait, en
fait, donné tous les pouvoirs qu'ils pouvaient désirer, pour traiter les
marchandises françaises sur le même pied que les marchandises étran-

gères.

—112—
d'octobre 1721 (1) confirmèrent formellement les interdic-
tions antérieures, sauf doux dérogations sans importance.
C'est en 1784, par l'arrêt du conseil du 30 août, que l'on voit
autoriser, dans des conditions restreintes d'ailleurs, l'intro-
duction de quelques marchandises étrangères: un certain
nombre d'entrepôts furent établis ; le droit à payer était, en
outre du droit local, de 1 0/0 ad valorem. La morue, le
poisson salé,' le bœuf salé supportaient un droit spécifique de
3 livres par quintal et la somme en provenant était employée
en primes d'encouragement pour les pêcheries françaises.
105. La liberté de commercer aux Antilles, qui avait été
accordée à tous les Français depuis 1682, fut étendue aux
possessions de la compagnie des Indes orientales par un
arrêt du conseil du 13 août 1769; mais on se persuada, ou on
voulut se persuader, que des particuliers ne pourraient faire
ce commerce, et le privilège fut accordé à une nouvelle com-
pagnie le 14 avril 1875 pour une durée de sept années de
paix (2). Ce qui est intéressant à noter dans cet arrêt du
conseil, c'est que l'île de France et Bourbon ne furent pas
comprises dans ce privilège qui s'étendait pourtant à Mada-
gascar.
106. On peut signaler dans cette période, comme une
exception à la règle suivie d'une manière constante, les let-
tres patentes de mai 1768 accordant aux habitants de la
Guyane la liberté de commercer pendant douze ans avec
toutes les nations ; on croyait sans doute avoir ainsi trouvé
les moyens de faire vivre cette colonie. A l'expiration des douze
années, ce droit fut de nouveau prorogé pour huit ans jus-
(1) V. également à ce sujet : Règl. 20 août 1698; Arrêt du conseil,
2i juillet 1708; Ord. 26 novembre 1719; Règl. 23 juillet 1720; Édit, avril
1717 (Code noir), art. 26.
(2) La durée du privilège fut portée à quinze ans, le 21 septembre 1786.
Le 14 août 1790, l'administration de la compagnie fut supprimée, ses
bureaux réunis à ceux de l'intendance du trésor public; mais les action-
naires continuèrent à jouir de leur coupon (L. 9 juillet 1792-1 i septembre
1792). C'est le 27 vendémiaire an II seulement que la compagnie fut dé
finitivement supprimée; mais ce décret, quoique inséré au Bulletin des
Lois,
fut déclaré faux et supposé, par la Convention, dans la séance du
26 germinal an II, et un nouveau décret prononça la dissolution de la
compagnie; le mode de liquidation fut réglé à nouveau par un décret
du 17 fructidor de la même année.

— 113 —
qu'au 1er juillet 1792 (1), et fut, sans nouvelle réglementation,
maintenu en fait jusqu'au 25 septembre 1817, époque à la-
quelle une dépêche ministérielle fixa des droits provisoires
d'importation et d'exportation.
107. Quant à l'exportation des produits du sol, on voit
d'abord à Bourbon la Compagnie des Indes établir, dès l'ins-
tallation de M. de la Haye comme gouverneur, en 1671, un mo-
nopole absolu ; la première ordonnance royale promulguée dans
la colonie (en 1674) a même pour but de confirmer cette
règle en obligeant les habitants à porter les denrées récol-
tées, uniquement dans les magasins de la compagnie. Aux
Antilles il n'en était pas de même, mais le règlement du
20 août 1698 n'en eut pas moins pour but d'attirer clans le
royaume tout le commerce des îles et colonies d'Amérique.
L'arrêt du conseil du 24 juillet 1708 confirma cette obligation,
en exceptant toutefois les sucres terrés ou raffinés; celui du
30 août 1784 autorisa les navires étrangers à charger des
sirops et tafias pour toute destination.
Nous citerons, seulement à litre de renseignement et sans
nous y arrêter, les principaux règlements sur le commerce des
colonies : lettres patentes du 17 avril 1117, règlement du
23 juillet 1720, déclarations des 14 mars 1722 et23 juin 1723,
arrêt du conseil des 1er mars 1744, 18 août 1769; tous sont
basés sur des principes identiques. Le dernier abolit le mono-
pole de la compagnie des Indes à Bourbon ; les produits de
la colonie furent frappés de droits d'entrée en France : le
café eut à supporter un droit de sortie (2).
108. Parmi les monopoles qui survécurent le plus tard, il
faut signaler celui de la compagnie du Sénégal, substituée en
1785 à la compagnie de la Guyane; elle avait le privilège du
commerce de la gomme en vertu de lettres patentes du
1er juillet 1784. Cette compagnie fut dissoute par décret du
23 juillet 1791, mais en présence de la concurrence désor-
donnée qui s'était produite, le gouverneur fut autorisé, en 1838,
(1) Arrêt du Conseil, 15 mai 1784. — Les marchandises supportaient à
l'importation un très léger droit. (Tarif du 13 août 1784.)
(2) Dans les colonies, comme nous le verrons plus loin (n° 976 et suiv.),
les droits de sortie sont la représentation de l'impôt foncier qui n'existe
pas.

COLONIES, I.

— 114 —
à rétablir par un arrêté local une compagnie privilégiée pour
le commerce du Sénégal; celle réorganisation ayant donné
lieu à de vives réclamations, une ordonnance du 15 novembre
1842 supprima définitivement le monopole, mais soumit le
commerce de la gomme à des restrictions qui lurent réduites
par décrut du 22 janvier 1852 et supprimées complètement par
décret du 20 mars 1880.
109. Les denrées coloniales payaient, sous l'ancien régime,
des droits tout spéciaux de circulation ; un décret de l'Assem-
blée constituante des 7-12 décembre 1790 les soumit à une
règle uniforme en leur imposant un droit unique, égal à
celui prélevé auparavant dans les provinces des cinq grosses
fermes.
L'Assemblée constituante réserva, par un décret des 24-
28 septembre 1791, à l'Assemblée législative (4) le droit de faire
des lois sur le régime commercial des colonies. Une première
loi du 2G mars 1793 fixa les tarifs à l'exportation pour les
sucres ; il n'y eut plus de droit d'importation pour les appro-
visionnements. Le 11 septembre 1793 ces mesures furent éten-
dues : les droits d'exportation sur les produits envoyés en
France furent supprimés; il en fut de même des droits d'im-
portation perçus à la douane française. C'était l'abolition des
douanes intérieures, la prolongation jusqu'au delà de l'Océan
du territoire national ; on alteignait le but que l'on doit pour-
suivre, mais c'était pour peu de temps.
L'empire rétablit les droits d'entrée sur les produits colo-
niaux. Cependant, pour protéger la navigation, les marchan-
dises introduites en France, sous pavillon français (2), étaient
exemptes de droits.
Sous la Restauration, l'ordonnance du 5 février 1826, relative
à la Martinique et à la Guadeloupe, indiqua les marchandises
(1) L'Assemblée constituante avait voulu, par un décret des 22 juin-
17 juillet 1791, faciliter les envois de vivres aux colonies; elle avait
autorisé l'admission en entrepôt et l'envoi en franchise de droits, de
certains approvisionnements venant de l'étranger.
(2 V. Déc. 1er novembre 1810. Il en était de même du pavillon hollan-
dais : par contre, ces dispositions s'appliquaient également aux colonies
hollandaises. Le tarif était réduit de 75 0/0 pour les importations par
navires américains.

— 115 —
étrangères qui pouvaient être introduites dans ces colonies, et
fixa les droits dont elles devaient être frappées. La plupart
de ces marchandises payaient d'ailleurs des droits beaucoup
plus élevés que les produits similaires de la métropole.
Pour la Réunion, la compagnie des Indes garda, depuis la
cession en 1766 jusqu'en 1769, le privilège d'approvisionner
l'île; à partir de celte époque, on appliqua les lettres patentes
d'octobre 1727 et la declaration du roi du 22 mai 1768. Pen-
dant les guerres de la Révolution, l'ile fut ouverte aux marchan-
dises étrangères. En 1815, les droits de douane, que l'Empire
avait rétablis, mais en les modérant beaucoup, le commerce
étant presque nul, furent relevés très sensiblement.
110. La loi du 26 avril 1833, relative au régime douanier des
sucres, ne modifia guère cette situation; les produits coloniaux
ne pouvaient être envoyés qu'en France, ou quand une excep-
tion à cette règle était autorisée, ils étaient frappés de
droits de sortie ; ils jouissaient à l'arrivée en France d'une
protection considérable (1), mais, par contre, les marchandises
métropolitaines étaient exemptes de tout droit, à l'entrée dans
les colonies. C'était le pacte colonial dans son extension la
plus complète. Une première atteinte fut portée à celte règle
par l'ordonnance du 10 octobre 1835 qui, en échange de la
suppression des droits de sortie sur le sucre, représentatifs
de l'impôt foncier, autorisa la Martinique et la Guadeloupe à
frapper d'un droit pouvant s'élever jusqu'à 3 0/0 ad valorem
les marchandises importées de la métropole et non comprises
dans les tableaux annexés à l'ordonnance de 1827. Mais cette
dérogation fut de courte durée; malgré les tendances du
gouvernement à émanciper le commerce colonial (i), il ne
voulait pas sacrifier le commerce métropolitain; une ordon-
nance du 11 septembre 1837 supprima les droits d'octroi que
la Martinique avail établis dans son budget de 1837 sur des
marchandises d'origine française, et les ordonnances des 8 dé-
cembre 1839, 18 juin 1842 limitèrent les taxes à percevoir sur
(1) Il ne serait guère intéressant de suivre dans leurs transformations
si diverses la législation douanière et les tarifs relatifs aux produits
coloniaux.; nous indiquons seulement, à titre de renseignement, un
certain nombre de tarifs appliqués aux sucres bruts jusqu'à la loi du

— 116 —
les produits métropolitains a un simple droit de statistique (1).
Le gouvernement maintenait énergiquement, en même temps,
ses droits en ce qui concerne le commerce d'exportation ;
deux ordonnances des 30 juin et 9 juillet 1839 rapportèrent
des arrêtés des gouverneurs de la .Martinique et de la Gua-
11 janvier 1892. la convention de Bruxelles du 5 mars 1902 ayant plus ré-
cemment déterminé l'application d'un nouveau régime (n° 115).
υ ι:. 1 is Λ ι· :wr:voia.
PROPORTION %
PRIX
du
sucre
en
Sucres
Sucres
entrepôt
par
coloniaux.
étrangers
100 kii.
Déc.lûet ISmais 1791
451iv.
2 livres.
9 livres.
4.4 20.0
75 francs
)par nav. étr.
57.7 230.8
Déc. 5 août 1810 1 ...
130 fr. jaucun droit Î00 francs.
par nav. fr. Î
i
G5 francs
68.4
40 francs
par nav. fr.
L. 7 juin 1820
95 fr.
42.21
[ par nav. fr.
75 francs
79.0
par nav. etr.
' 38 fr. 50 c. i 85 francs
42.8
i (Bourbon).
94.5
j par nav. fr.
L. 26 avril 1833
90 fr.
45 francs ) 100 francs
I par nav. fr.
50.0 111.0
jpar nav. étr.
. (Antilles).
42 fruucs 3 )72 fr. 60 c. î
71.6
I (Bourbon).
42.0
} par nav. ir.
L. 3 juillet 1840...
100 fr. 149 fr. 50 c.2 /93 fr. 80 c. 2
93.8
(Antilles).
49.5
jpar nav. étr.
42 francs ) 71 fr. 60 c.
49.4 84.2
I (Réunion). ) par nav. fr.
L. 28 juin 1856 3..
85 fr. I 45 fr. C0 c, 93 fr. 80 c.
53.7 110.0
(Antilles). (par nav. étr.
ι 44 francs
58.8
'par nav. étr
L. 7 mai 186i*.
"5 fr.
37 francs.
49.4
42 francs
56.0
par nav. fr.
L. 30 décembre 1875.
47 fr.
66 fr. 50 c.
65 fr. 50 c.
139.3 139.3
L. 29 juillet 1884...
33 fr.
45 fr. 80 c.
50 francs.
138.7 151.5
L. 11 janvier 1892 ..
39 fr.
57 fr. 90 c.
65 francs.
148.4 166.7
1 Le prix de la cassonade au marché de Beaucaire était de 430 fr.
1 Décimes compris.
3 Tirif applicable le 30 juin 1861.
* Tarif colonial applicable jusqu'au 1er janvier 1870 seulement.

(1) Cette tendance venait de se traduire par la loi du 12 juillet 1837,
qui autorisait la création d'entrepôts réels.

— 117 —
deloupe autorisant la sortie des sucres par tous pavillons et
pour toutes destinations.
111. A la Réunion, le régime des douanes était fixé d'une
manière peu précise; une ordonnance du 18 octobre 1846 le
régularisa en le mettant autant que possible en harmonie
avec celui des Antilles; les marchandises françaises, sauf les
eauX-de-vie, entrèrent en franchise de droit; l'exportation
directe, à l'étranger, du sucre, du café et du coton demeura
interdite.
Les réformes douanières n'ont été établies définitivement
que par l'ordonnance du 23 mars 1847, ordonnance qui ne fut
pas d'ailleurs soumise à l'approbation du Parlement.
112. On avait appliqué à la Guyane, depuis 1817, un régime
douanier très protecteur pour la marine française; les im-
portations payaient des droits de 4 0/0 sous pavillon national,
de 15 0/0 sous pavillon étranger; le tarif fut définitivement
fixé par l'ordonnance coloniale du 8 mars 1810, et un arrêté
du 2 janvier 1820 rendit applicables presque tous les règle-
ments douaniers métropolitains.
Au Sénégal, le régime douanier a été longtemps fixé par
des décrets des 8 février 1852 et 31 janvier 1855 (1); les
marchandises françaises étaient admises au taux de 2 0/0 ;
certaines marchandises étrangères étaient admises au même
taux quand elles arrivaient des ports et entrepôts français.
Les navires étrangers payaient à l'entrée un droit supplémen-
taire de 4, francs par tonneau. L'exportation était autorisée
uniquement par pavillon français, pour la France seule et ses
colonies. Gorée était considérée comme entrepôt.
Depuis une ordonnance du 14 novembre 1847, Sainte-Marie
de Madagascar, Mayotte (2), Nossi-Bé, Tahiti et Nouka-Hiva
jouissaient du régime accordé aux sucres, cafés, cacaos, gi-
(1) La perceplion de droits à l'importation au Sénégal parait remonter
à 1798; une lettre du ministre de la marine et des colonies du 29 ven-
tôse an X. adressée au sieur Mayrac, négociant à Bordeaux, parle d'un
droit de 10 0/0 d'importation; il semble que ce droit ait été établi peu

de temps auparavant.
(2; Un avantage tout spécial, l'admission en franchise, fut accordé par
décret du 26 septembre 1839 aux rhums et tafias importés directement
de Mayotte en France; mais cet avantage était limité ù une quantité à

déterminer chaque année par l'autorité locale.

— 118 —
rofles et colons importés de Bourbon; leurs autres produits
bénéficiaient d'une réduction de 20 0/0 sur les droits imposés
aux produits les plus favorisés, provenant des îles de la
Sonde.
113. La loi du 3 juillet 1861 détruisit le pacte colonial et
modifia radicalement cette situation ; les marchandises étran-r
gères furent admises clans les colonies avec les droits qu'elles
supportaient en France ; pour celles dont les similaires fran-
çais étaient frappées d'un droit de douane coloniale, la taxe
était égale à ce droit augmenté de celui fixé par le tarif
métropolitain, de manière à conserver la même protection
aux produits nationaux. Les colonies pouvaient exporter
leurs produits pour tous les pays. C'était, en quelque sorte,
une compensation à la suppression des détaxes accordées
jusqu'alors aux produits coloniaux sur les marchés métropoli-
tains.
La loi du 16 ma"i 1863 donna ( art. 27) la franchise de
droit dans la métropole à tous les produits coloniaux, im-
portés par les navires français, autres que les sucres, les mé-
lasses, les confitures, le café et le cacao (i).
Enfin, le sénatus-consulte du 4 juillet 1866 compléta ces
mesures; les conseils généraux, libres de régler leurs tarifs
d'octroi de mer, en firent de véritables tarifs de douane,
frappant les produits métropolitains. A la Martinique on vota,
le 30 novembre, la suppression des droits de douane; à la
Guadeloupe, on se contenta de suspendre, le 11 décembre 1866,
les droits de douane à l'importation, sauf en ce qui concerne
les produits coloniaux; à la Réunion enfin, une délibération
du H novembre 1867 arrêta un nouveau tarif de douane, mais
le 4 juillet 1873 le conseil général supprima à son tour tous
les droits, sauf sur les tabacs. Les uns et les autres d'ailleurs
firent passer à l'octroi de mer les produits qui cessaient d'être
soumis à la douane.
114. Depuis lors, un revirement s'est produit : en 1884 et 1885,
les conseils généraux de la Martinique, de la Guadeloupe et
de la Réunion avaient voté des tarifs de douane ; le nouveau
(1) Les produits de Gorée et du Sénégal ne profitèrent pas de cette
disposition.

— 119 —
régime douanier, établi par la loi du 11 janvier 1892, imposa
le tarif métropolitain. Des exceptions peuvent y être apportées
par décrets du Conseil d'État. Tous les produits provenant de
ces établissements sont exempts de droits en France, à l'excep-
tion des denrées coloniales proprement dites qui ne payent
que la moitié du tarif, c'est-à-dire les droits de consommation.
La loi du 12 juillet 1902 a spécialement modifié la législa-
tion douanière relative aux poivres importés de l'Indo-Chine
(n° 1037).
115. Le régime fiscal des sucres coloniaux a continué à
subir de nombreuses modifications. La loi du 30 décembre
1875, qui substitua les procédés saccharimétriques au régime
des types, avait aggravé la situation de la sucrerie coloniale ;
les avantages que la concurrence étrangère a obligé à faire
à la sucrerie métropolitaine par la loi du 29 juillet 1884
auraient été désastreux pour les colonies, si des mesures
spéciales n'avaient été prises en leur faveur par cette même
loi.
La convention de Bruxelles du 5 mars 1902, relative au
régime des sucres, promulguée suivant la loi du 27 janvier
1903, est applicable aux colonies et à l'Indo-Chine. Le dé-
cret du 28 mai 1903, intervenu pour la mise en vigueur du
nouveau régime a de même été rendu applicable aux colonies
et à l'Indo-Chine par décret du 21 août suivant (V. nos 1031
et suivants, le régime actuel).
116. Nous n'entreprendrons pas l'historique des droits de
douane dans les colonies autres que la Martinique, la Gua-
deloupe et la Réunion ; il suffira d'indiquer (V. n03 1 0 2 8 et
suiv.) la législation en vigueur. Nous signalerons toutefois les
modifications qui ont. été apportées peu à peu au Sénéga
pour faciliter les relations commerciales par le fleuve avec
l'intérieur de l'Afrique.
Un décret du 24 décembre 18G4, permettait l'introduction
par tout pavillon, à Saint-Louis et à Gorée, des marchandises
de toute nature et de toute provenance, et leur accordait pen-
dant un an le bénéfice de l'entrepôt fictif; ce décret maintenait
l'interdiction, toujours conservée depuis, de l'accès du fleuve
au-dessus de Saint-Louis aux navires étrangers ; il n'y avait
que des droits d'importation.

— 120 —
Des décrets successifs des 19 janvier 1868, 20 juin 1872,
20 janvier 1879, maintinrent ces principes, mais transformè-
rent peu à peu les droits. A Saint-Louis et dans le premier
arrondissement, il y eut des droits à l'importation ; dans le
second arrondissement, au contraire, comprenant des factore-
ries où la surveillance est beaucoup plus difficile, on préféra
établir des droits d'exportation. On revint.plus tard au régime
unique des droits à l'importation ; enfin, le décret du 22 mars
1880 établit la liberté du commerce des gommes de seul qui
fût encore réservé) sur tout le fleuve du Sénégal. Les per-
sonnes de nationalité française furent toutefois seules admises
à prendre part à ce commerce.
Ce régime commercial du Sénégal que des dispositions plus
récentes avaient complété en vue de protéger certaines mar-
chandises françaises, notamment les tissus, a été modifié par le
décret du 14 avril 1905, qui a déterminé les droits à percevoir
dans les différentes possessions dépendant du gouvernement
général de l'Afrique occidentale française. (N03 957 et suiv. )
Nous signalerons également les obligations internationales
qui résultent pour nous de stipulations diplomatiques. Il nous
faut citer tout d'abord l'acte de Berlin du 26 février 1885,
relatif à ta liberté de commerce dans le bassin du Congo et
l'acte général de Bruxelles du 2 juillet 1890 (1), complété par
le protocole de Lisbonne du 8 avril 1892, fixant les droits
maxima à percevoir dans ce même bassin, ainsi que les taxes
à établir sur les spiritueux dans les possessions européennes
des continents africains.
Plus récemment, la convention du 14 juin 1898, complétée
par la déclaration additionnelle du 21 mars 1899 a prévu, au
point de vue commercial, l'égalité de traitement la plus com-
plète entre les nationaux français et anglais dans deux zones
comprenant l'une certains territoires du golfe de Guinée,
notamment la Côte d'Ivoire et le Dahomey, l'autre les régions
comprises, du lac Tchad au Nil, entre les parallèles 5° et
14°20' (n° 1041).
Une convention en date du 8 juin 1899 a revisé le tarif des
droits à percevoir sur les spiritueux à leur entrée en Afrique,
(I) Voir également la déclaration annexée à cet acte général.

— 121 —
conformément aux dispositions de l'Acte général de Bruxelles
(n° 961}.
Un accord douanier établi en 1887 entre le Dahomey et le
Togo a été dénoncé en 1803; la convention de délimitation
franco-allemande du 23 juillet 1807 laisse à la France et à
l'Allemagne leur liberté d'action, au point de vue commercial,
dans leurs possessions respectives.
117. L'un des principes conservés avec soin pendant de
longues années a été l'attribution exclusive au pavillon français
des relations commerciales
avec les colonies
; l'acte de
navigation du 21 septembre 1793 le proclamait, la Constitu-
tion du 12 nivôse an VI le maintenait expressément, sauf dans
certains cas exceptionnels. Plus tard, on renonça peu à peu à
ce monopole, mais on continua à protéger la marine nationale
par une surtaxe de pavillon à l'entrée, par une taxe spéciale
à la sortie. Lors de la révolution commerciale de 1801, on
n'osa pas abandonner cette protection, et à celle époque encore
nous trouvons un décret du 20 octobre 1861, imposant une
surtaxe aux sucres importés des colonies sous pavillon étran-
ger. Mais il fut impossible de s'arrêter dans la voie où l'on
s'engageait; un décret du 24 décembre
1864 ouvrit aux
étrangers le port de Cayenne, toutefois avec une surtaxe de
pavillon et une taxe d'exportation. Le 11 juillet 1868, une loi
ouvrit à leur tour Saint-Louis et Gorée, mais celte fois sans
protection; le 19 mai 1869, un décret supprimales surtaxes à
Cayenne; enfin, le 9 juillet 1869, l'exportation put être faite
dans toutes les colonies également par tous les pavillons.
ARTICLE 4. — Régime du travail. Esclavage.
§ 1. Esclavage.
118. Nous ne nous étendrons pas sur la naissance dans nos
colonies et la réglementation, jusqu'à l'époque de la Révolu-
tion, de cette plaie sociale dont les décrets de 1848, rendus
sur l'initiative et réalisés grâce à la volonté persistante de
Schœlcher, parvinrent seuls à nous débarrasser. Nous rappel-
lerons seulement quelques faits, quelques dates qui serviront

— 122 —
d'étapes dans cette longue et triste histoire du régime du
travail aux siècles passés.
Les maîtres du sol, les conquérants ne pouvaient travailler
sous le climat brûlant des tropiques; les populations autoch-
tones, qu'on ne pouvait d'ailleurs à cette époque songer à uti-
liser par des contrats réguliers, furent réduites en esclavage ;
dès 1717, par exemple, il y avait à Bourbon 900 hommes
libres et 1,100 esclaves; mais ceux-ci ne suffisaient pas à la
culture et dans chaque île arrivèrent des indigènes de pays
plus peuplés, amenés volontairement ou non, qui furent sou-
mis au régime de l'esclavage.
Il ne faut pas croire d'ailleurs que celui-ci s'appliquait au
début à une race spéciale ; les personnes qui se rendaient
d'Europe aux Antilles, et ne pouvaient payer les frais de leur
passage, étaient retenues en esclavage ; il fallut l'arrêt du
Conseil du 27 février 1670 pour fixer une limite à la durée de
cette servitude.
119. Le régime de l'esclavage était des plus barbares : le
Code noir de mars 1683 (1) permettait aux maîtres d'appli-
quer aux esclaves les peines les plus sévères ; ils devaient
être baptisés (2), ne pouvaient rien posséder, ne pouvaient
ester devant les tribunaux. L'affranchissement était possible
pour les maîtres âgés de vingt ans; les affranchis jouissaient
des mêmes droits que les personnes libres.
La conduite des planteurs, armés de ce code vis-à-vis de
leurs esclaves, devint tellement odieuse, que le pouvoir souve-
rain fut obligé de réprimer ces cruautés. Certains maîtres ne
nourrissaient pas leurs esclaves, d'autres leur donnaient la
question ; l'ordonnance du 30 décembre 1712 punit de pareils
faits de 500 livres d'amendé. On est épouvanté quand on place
cette pénalité insignifiante en regard de colles prescrites par le
(1) Le Code noir ne s'appliquait qu'aux Indes occidentales; à Bourbon,
le Code des esclaves fut l'édit de décembre 1723, emprunté d'ailleurs,
pour la plus grande partie, au Code noir.
(2) Le Code noir prononçait l'expulsion des juifs des îles d'Amérique;
c'était une œuvre essentiellement de politique religieuse : la religion
catholique était seule autorisée comme exercices publics ; les catholiques
seuls pouvaient être commandeurs des nègres.

— 123 —
Code noir et par les édits successifs qui aggravèrent encore
€es dispositions. (Octobre 1717 (.1), février 1743.)
120. Une des questions importantes à cette époque était la
conservation d'esclaves en France : au début on n'eut pas le
triste courage de reconnaître que l'esclavage pouvait persister
sur la terre de France, mais l'édit d'octobre 1716 permit aux
habitants et fonctionnaires de conserver, sous certaines con-
ditions, leurs esclaves avec eux ; en 1776, à la suite de diffi-
cultés de toute nature résultant de cette violation de tous les
principes de notre droit national (2), cette autorisation fut
momentanément retirée ; un arrêt du Conseil du 8 septem-
bre 1776 appela une commission à préparer un règlement sur
la matière. Ce règlement du 9 août 1777 porte le titre de
déclaration pour la police des noirs ; la question de l'esclavage
passe en seconde ligne ; il est défendu d'amener en France des
noirs même libres, au delà du chiffre de deux domestiques (un
de chaque sexe) par habitant.
121. Le 13 mai 1791 l'Assemblée' constituante décida
qu'elle ne délibérerait jamais sur l'état politique des gens de
couleur qui ne seraient pas nés de père et mère libres, sans le
vœu préalable, libre et spontané, des colonies ; en ce qui con-
cernait les gens de couleur nés de père et mère libres, elle
leur accorda le droit d'admission dans les assemblées colo-
niales à l'égal des autres citoyens.
Mais elle fit bientôt un pas *en arrière en abandonnant,
le 24 septembre 1791, aux pouvoirs locaux sauf approbation
provisoire du gouverneur et sanction du roi, non seulement le
droit de faire des lois concernant l'état des personnes non
libres (il était probable — et en fait il paraît certain — qu'au-
cune colonie ne s'en occuperait, mais encore le droit de régler
l'état politique des nègres et hommes de couleur libres
auxquels six mois auparavant elle avait donné l'égalité
politique.
(1) Cet édit défendit tout affranchissement sans la permission de cer-
taines autorités.
(2) Ce principe, oublié alors, avait été nettement affirmé deux siècles et
demi plus tôt par François de Guise, répondant, lors du siège de Metz, à
un officier espagnol : « Quant à l'esclave, cet homme est devenu libre
« en mettant ses pieds sur une terre de France; je ne puis vous le rendre
« pour qu'il retrouve ses fers ; ce serait violer les lois du royaume. »


— 124 —
Aussi l'Assemblée législative par un décret du 28 mars 1792
(non applicable à la Réunion) rétablit la situation résultant du
décret du 15 mai 1791 et l'étendit même à tous les hommes
de couleur et nègres libres (1).
Le M août 1792 un décret supprimait la prime d'encoura-
gement pour la traite des noirs, accordée par l'arrêt du Con-
seil du 10 septembre 1786 (2). Le 27 juillet 1793 la Conven-
tion supprimait toutes les autres primes de même nature.
C'était un pas fait vers l'abolition de l'esclavage : celle-ci fut
proclamée le 16 pluviôse an II.
122. Mais cette mesure ne fut guère acceptée par les colo-
nies ; l'assemblée coloniale de Bourbon, qui se regardait
comme presque indépendante, se contenta de supprimer la
traite : c'est tout ce qu'elle consentit à faire. Aux Antilles la
loi fut appliquée à la Guadeloupe seulement, la Martinique
étant à celte époque occupée par les Anglais. L'expédition,
partie de l'île d'Aix le 23 avril 1794, sous la conduite du gé-
néral Àubert et des commissaires de la Convention, Hugues et
Chrétien, trouva à son arrivée nos deux colonies des Antilles
occupées par les Anglais ; elle porta ses efforts sur la Guade-
loupe et, grâce à l'énergie de Hugues, réussit à chasser les
étrangers. Le 7 juin celui-ci s'empara de la Pointe-à-Pitre et
fit immédiatement afficher le décret de la Convention : en
décembre les Anglais évacuaient le dernier port occupé par
eux, la Basse-Terre, et l'esclavage était aboli sur tout le
territoire de l'île et de ses dépendances.
Le pouvoir central persistait de son côté dans sa volonté
d'extirper la plaie de l'esclavage : la Constitution du 5 fruc-
(1) Le premier décret paraît en effet ne pas s'appliquer aux affranchis,
mais uniquement à leurs descendants.
(2) Un arrêt du Conseil du 28 juin 1783 avait, contrairement au principe
du privilège du pavillon français, autorisé les navires étrangers à amener
des cargaisons de noirs aux Antilles, sous la condition de payer 100 livres
par tête de nègre importé : ces sommes étaient versées dans une caisse
destinée à payer aux introducteurs français (en outre de la prime de
40 livres par lonneau) une prime spéciale de 60 livres par tète pour la
Martinique et la Guadeloupe,
160 livres pour Cayenne ( arrêt du 26 octo-
bre 1774): mais ces mesures ne furent pas suffisantes pour assurer le
recrutement des travailleurs coloniaux et l'arrêt du 10 septembre 1776

réduisit à 30 livres le droit d'importation par navire étranger en même
temps qu'il éleva à 160 livres la prime par navire français.

— 125 —
tidor an m déclare que les colonies sont soumises à la même
loi constitutionnelle que la métropole, par suite à l'article 15
de la déclaration des droits de l'homme : « Nul ne peut se
« vendre ni être vendu.» Le complément de la Constitution
pour les colonies du 12 nivôse an VI proclame (titre III) la
liberie des noirs.
123. Le gouvernement changea, et le 30 floréal an x l'es-
clavage fut rétabli. Le 14 mai 1804, cette loi fut proclamée à
la Guadeloupe. A la Martinique aucune promulgation ne fut
nécessaire, la colonie étant restée sous la domination anglaise
pendant tout le temps de la suppression de l'esclavage.
A partir de 1815 nous avons à suivre deux ordres de mesure
ayant pour but, l'une et l'autre, d'amener à l'abolition lente
et graduelle de l'esclavage, d'une part par la suppression de
la traite, de l'autre par les facilités données aux affranchis-
sements.
Napoléon, pendant les Cent-Jours, avait aboli la traite par
un décret du 29 mars 1815. Par un article additionnel au traité
du 20 novembre 1815, les parties contractantes s'engagèrent
à se concerter pour obtenir l'abolition entière et définitive de
ce trafic. L'ordonnance du 8 janvier 1817 prescrivit la confis-
cation de tout navire qui tenterait d'introduire des noirs de
traite dans les colonies : les noirs ainsi libérés ne l'étaient que
de nom : ils étaient placés, comme esclaves de l'État, dans des
ateliers coloniaux.
Les lois des 15 avril 1818, 25 avril 1827, 8 mars 1831, réa-
girent successivement contre la traite; cette dernière loi réalisa
un progrès des plus grands : les noirs trouvés à bord d'un
négrier étaient déclarés libres par le jugement qui condamnait
le fait de traite; ils étaient seulement soumis à un engagement
de sept ans vis-à-vis du gouvernement.
Les conventions avec l'Angleterre du 30 novembre 1831 et
23 mars 1833, établissant le droit réciproque de visite et de
capture vis-à-vis des navires rencontrés dans certaines zones
de l'Océan avec l'apparence d'un bâtiment négrier, eurent des
résultats considérables, mais les vexations des croiseurs anglais
firent abandonner ces traités et signer la convention du
29 mai 1845 qui a assuré la police des mers tout en restreignant
à de très faibles proportions la navigation des négriers.

— 126 —
124. A côté de ces mesures empêchant l'augmentation de
la population esclave par les introductions du dehors, il faut
ranger celles ayant pour but de la réduire par les affranchis-
sements : l'ordonnance du 28avril 1832, rétablissant les prin-
cipes de notre droit public, trop longtemps oubliés, déclara
libre de plein droit tout esclave amené en France dès qu'il
aurait débarqué; celle du 12 juillet 1832 réduisit les formalités
de l'affranchissement; la loi du 24 avril 1833 accorda la pléni-
tude des droits civils et politiques aux affranchis à compter
du jour de l'affranchissement. L'ordonnance du 11 juin 1839
créa certaines catégories d'affranchissement ipso facto, par
exemple en cas de mariage de l'esclave avec son maître ou sa
maîtresse, ou avec une personne libre du consentement du
maître, ou encore en cas d'adoption, lorsque l'adoptant faisait
de l'esclave adopté son légataire universel. Enfin l'esclave qui
avait rendu de grands services publics pouvait être affranchi
par décret colonial aux frais de la colonie.
125. En même temps le régime de l'esclavage s'humanisait
un peu : l'ordonnance du 30 avril 1833 abolit la peine de la
mutilation et la marque pour les esclaves; celle du 11 juin
1839, prescrivant un recensement général des quatre colonies,
établit l'état civil des esclaves; celle du 10 septembre 1841
réduisit à quinze, jours au maximum la durée de l'emprisonne-
ment qu'auparavant le maître pouvait infliger sans limite. Les
crimes commis par les propriétaires vis-à-vis de leurs esclaves
étaient jusque-là déférés à la justice ordinaire qui apportait
trop souvent en ce cas une indulgence regrettable ; la loi du
9 août 1847 chargea de ces affaires une cour spéciale compo-
sée de sept magistrats.
126. Enfin la loi du 18 juillet 1845 prépara les bases d'une
émancipation graduelle, devant être complète après un certain
nombre d'années : elle renferme à ce point de vue deux dispo-
sitions essentielles : la formation du pécule et le rachat forcé.
Le pécule (1) se constituait au début par l'affectation d'un jardin
à chaque esclave; le travail clans les habitations ne pouvait
excéder neuf heures et demie. Le conseil colonial fixait le
(1) Le pécule existait déjà à la Guadeloupe et à la Martinique; il y fut
réglementé en même temps qu'on l'étendait à la Réunion et à la Guyane.

— 127 —
minimum du salaire : les esclaves pouvaient posséder des
objets mobiliers ; ils avaient le droit d'exiger leur rachat.
Le gouvernement venait d'ailleurs en aide au rachat des
esclaves par un crédit annuel inscrit au budget s'élevant, en
1846, à 400,000 francs (1); par suite de ces ouvertures de
crédit, le domaine affranchit 126 noirs en 1846, 218 en 1847.
127. C'est dans ces conditions qu'éclata la révolution de 1848.
Le Gouvernement provisoire n'hésita pas à placer au premier
rang dp ses préoccupations l'abolition de l'esclavage et sut
choisir, pour la mener à bonne fin, l'illustre apôtre de l'éman-
cipation, Schœlcher. Un décret du 4 mars 1848 créa une com-
mission pour préparer dans le plus bref délai l'émancipation
immédiate; M. Schœlcher fut nommé sous-secrétaire d'État
chargé spécialement des colonies et des mesures relatives à
l'abolition de l'esclavage. Un décret du 27 avril réalisa enfin
cette mesure. La Constitution (art. 6) fit disparaître définitive-
ment ce souvenir de la barbarie.
Il y avait des mesures de transition à prendre soit pour les
esclaves, soit pour les propriétaires.
Le décret du 27 avril ouvrit des ateliers nationaux aux colo-
nies; en même temps un second décret du même jour édictait
des peines spéciales contre le vagabondage et la mendicité et
obligeait les condamnés à travailler au profit de l'État dans
des ateliers de discipline.
Les vieillards et infirmes devaient être conservés sur les
habitations dont l'atelier s'engageait à donner au propriétaire
une somme de travail représentant l'entretien, la nourriture et
le logement de ces vieillards. L'autorité locale intervenait pour
réglementer les sacrifices ainsi imposés aux affranchis.
Les vieillards abandonnés devaient être confiés à des familles
honnêtes moyennant une rétribution équitable.
128. La loi du 30 avril 1849 accorda une indemnité aux pro-
priétaires d'esclaves dépossédés : elle ouvrit pour cela un
crédit de 6 millions en numéraire et autorisa l'inscription de
4 millions de rente 5 0/0 : un décret du 24 novembre fixa le
mode de répartition de cette indemnité. Dans les trois grandes
colonies un huitième de la somme à répartir fut prélevé pour
(i) L. 19 juillet 1845

— 128 —
servir à rétablissement d'une banque de prêt et d'escompte:
c'est là l'origine des banques coloniales (V. n° 141). Le règle-
ment de l'indemnité fut définitivement arrêté par le décret du
14 août 1852, et les sommes restant libres furent acquises aux
caisses coloniales.
129. Si l'esclavage est aboli dans les lois françaises, il sub-
siste encore malheureusement en tant qu'institution indigène,
dans les régions où il nous est impossible de substituer immé-
diatement notre législation à la coutume locale. Tel est en
général le cas de nos possessions de l'Afrique occidentale et
du Congo. Dans la plus grande partie de ces territoires notre
domination s'exerce sous la forme du protectorat et c'est seu-
lement par une série de mesures progressives et d'accord avec
les chefs indigènes que l'esclavage pourra disparaître complè-
tement. 11 ne suffit pas en effet d'en effacer officiellement la
trace dans les institution's indigènes ; à ce point de vue déjà
l'autorité française se refuse partout à en sanctionner l'exis-
tence (1), et elle réprime quand elle en a l'occasion les razzias
de captifs et les ventes d'esclaves. Mais il faut, en outre, que
l'esclavage ne soit plus accepté dans les mœurs ; or, très sou-
vent, il revêt, parmi les populations indigènes, la forme relati-
vement douce d'un servage domestique qui le rend tolerable
pour l'esclave et semble le légitimer aux yeux du maître. Sous
cette forme atténuée même, la création de villages dits de
liberté, peuplés d'anciens esclaves, des libérations collectives
et des affranchissements individuels ont déjà beaucoup affaibli
dans nos possessions africaines l'importance de l'esclavage
considéré en tant qu'institution indigène.
En luttant contre l'esclavage, la France remplit la mission
que lui impose l'acte général de la conférence de Bruxelles
du 2 juillet 1890. Cette convention oblige les puissances signa-
taires, et, en particulier, la France, à contribuer à la répres-
(1) Les sanctions prévues dans ce but par la loi du 8 mars 1831 et le
décret du 27 avril 1848 étaient insuffisantes. — (Cf. en ce sens un arrêt
de la Cour de Cassation C. crim., du 6 avril 1905.) La loi de 1831 ne
réprimait que la traite sur mer et le décret de 1848 punissait seulement
de la perte de la qualité de Français tout fait d'esclavagisme constaté
sur terre. Un décret du 12 décembre 1905 édicte des peines plus sévè-
res contre tout acte ayant pour objet de disposer à titre gratuit ou
onéreux de la liberté d'une tierce personne.

— 129 —
sion de la traite des esclaves on Afrique. 11 a été ratifié en
France, par décret du 12 février 1892, sauf en ce qui concerne
la répression de la traite sur mer, certaines de ses dispositions
à cet égard paraissant impliquer la reconnaissance du droit
de visite. Mais sur terre, dans les possessions françaises
d'Afrique, les dispositions de l'acte général ont été rendues
exécutoires. Un bureau international institué à Bruxelles suit
les progrès de la répression de l'esclavage et, chaque année,
publie un recueil où sont insérés les principaux documents
produits sur la question par les Puissances adhérentes.
Au Cambodge, l'esclavage a été aboli par l'article 8 de la
convention du 17 juin 1884. Tousles individus esclaves à cette
époque ont été libérés en principe par la décision du gouver-
neur de la Cochinchine, du 28 octobre 1884, mais pour un
grand nombre d'entre eux (esclaves pour crimes et délits),
l'esclavage a été transformé en une peine d'emprisonnement;
pour d'autres (esclaves pour dettes), on a substitué à l'escla-
vage un engagement de travail au profit des créanciers.
La loi du 6 août 1896 déclarant que Madagascar est une
colonie Française a, par cela même, supprimé l'esclavage dans
la grande île : les mesures adoptées par le général Gallieni ont
permis de passer sans crise de l'ancien état de choses au nouveau.
La situation aux Comores est la même qu'à Madagascar;
l'application du tarif douanier métropolitain implique, en effet,
le titre et les obligations de colonie française.
§ 2. — Travail libre, immigration.
130. Dès les débuts de la colonisation, on reconnut que la
population autochtone, dans les colonies intertropicales, ne
se prêtait que très difficilement au travail : il fallut, pour se
procurer des bras, recourir à l'immigration et, à côté de l'es-
clavage, on trouve, presque aux premiers pas de chacune de
nos colonies, l'immigration libre, l'engagement réglementé.
Au début, la durée de l'engagement était de trois ans : un arrêt
du conseil la réduisit à dix-huit mois (28 février 1670).
Les habitants étaient forcés d'avoir au moins un engagé
pour vingt nègres, sans compter le commandeur (1).
(1) Règlement royal, 15 novembre 1728.
COLONIES, I.
9

— 130 —
On obligea les négociants envoyant des navires en Amé-
rique à y embarquer un certain nombre d'engagés (i), puis,
en raison des difficultés que la guerre créait au recrutement,
on les autorisa (2) à payer, aux lieu et place de chaque engagé,
une somme de CO livres. L'ordonnance du 3 août 1707 fixa
l'âge et la taille des engagés.
131. Après l'abolition de l'esclavage, on fût bientôt forcé
de se rendre compte que la population des Antilles, de la
Guyane et de la Réunion ne pourrait suffire, malgré sa den-
sité, aux exigences de la culture. Les habitudes des autochtones
s'étaient reproduites chez les nouveaux habitants qui, succes-
sivement, avaient été amenés aux colonies ; ils se contentaient
de très peu et quelques jours de travail, de temps à autre, suf-
fisaient pour leur assurer ce peu qui leur était nécessaire.
Aussi fut-il et est-il aujourd'hui encore indispensable d'ame-
ner des étrangers, liés par un contrat d'engagement, obligés
de travailler moyennant un salaire convenu d'avance. En ren-
dant ainsi possible la production agricole de nos établissements
d'outre-mer, on fait en même temps œuvre d'humanité : on
enlève à la famine des milliers d'hommes qui, sans cela,
mourraient de dénûment sur les bords du Gange ou des fleuves
de la Chine, et, quelque sévère que soit aux yeux des philan-
thropes le régime auquel ils se soumettent volontairement, on
ne saurait nier qu'il les rend bien plus heureux que le sort qui
les attendrait dans leur pays.
132. Le décret du 13 février 1852 régla les conditions dans
lesquelles se ferait dorénavant l'émigration des travailleurs
dans les colonies. 11 fixa les obligations des engagistes, les
règles relatives à la police rurale ou à la répression du vaga-
bondage qui, à cette époque, avait commencé à prendre une
extension effrayante dans les colonies. Ce décret ne s'applique
qu'aux ouvriers introduits à la suite d'un engagement, soit par
l'État, soit par la colonie : un second décret du 27 mars 1852
compléta le premier en déterminant les conditions de l'émi-
gration.
Nous examinerons plus tard (n03 1174 et suiv.) le régime de
(1) Ord. 19 février 1698.
(2) Ord. 17 novembre 1706.


— 131 —
l'immigration dans nos diverses colonies, les traités qu'il a
été nécessaire de passer avec certains pays, l'Angleterre, le
Portugal, pour obtenir l'autorisation de recruter des engagés
dans leurs possessions.
(Un décret du C mai 1903 est intervenu pour réglementer
l'immigration à Madagascar (n° 1201).
132. Le régime de travail dans plusieurs de nos colonies
comporte des dispositions particulières, tendant à protéger la
main-d'œuvre locale contre certaines fraudes ou certains abus.
Ainsi un décret du 19 décembre 1902 a promulgué à la
Guadeloupe le décret du 2 décembre 1888 relatif aux étrangers
résidant en France et à la protection du travail national
(n° 1172).
D'autre part, en vue d'éviter toute contrainte dans l'uti-
lisation de la main-d'œuvre indigène un décret du 11 mai 1903
a réglementé les
contrats de travail au Congo français
(n° 1209 bis).
Enfin, des décrets sont intervénus, en vue de restreindre
l'émigration des travailleurs indigènes hors des colonies d'où
ils sont originaires. Le 17 juin 1895 et le 12 janvier 1896 pour
le Sénégal; le 2 juillet 1901 pour le Congo français; le
25 octobre 1901 pour la Côte d'Ivoire ; le 1er février 1902 pour
Mayotte et les Comores; le 14 octobre 1902 pour le Dahomey ;
le 6 mai 1903 pour Madagascar (n° 1173).
ARTICLE 5. — Régime financier. Impôts. Régime monétaire.
Banques, etc.
§ 1. — Régime financier. Impôts.
133. Nous avons indiqué, au sujet de la constitution colo-
niale, les conditions dans lesquelles les colonies ont participé
soit à leurs charges spéciales, soit aux charges métropolitaines.
D'après la Constitution du 12 nivôse an VI, les contributions
directes et indirectes, les droits d'enregistrement, de patente,
etc., étaient les mêmes que dans la métropole. Les agents du
gouvernement étaient appelés à déterminer la distinction entre

— 132 —
les dépenses publiques et les dépenses locales; les adminis-
trations centrales et municipales acquittaient les dépenses qui
leur incombaient au moyen de centimes additionnels au prin-
cipal des contributions directes.
Λ cette époque et pendant tout le régime impérial, on se
préoccupait vivement de faire coopérer les colonies à leurs
dépenses ; une dépêche du ministre au gouverneur de la Mar-
tinique, du 13 octobre 1807, lui annonçant l'envoi d'un million
pour le service public, lui rappelle que le décret du 9 octobre
1807, qui met ces fonds à sa disposition, porte qu'il sera
pourvu au surplus des dépenses au moyen d'impositions lo-
cales. C'est dans ces conditions que l'on voit s'établir à la
Martinique une subvention extraordinaire de guerre sur les
patentes, la contribution personnelle, les encans, etc., le tout
devant produire environ 4 millions pour alléger les charges
métropolitaines.
134. Les impôts qui existent actuellement dans ces colonies
sont à peu près les mêmes que dans la métropole. Ce sont les
contributions directes, foncière, personnelle, mobilière, ta
contribution foncière étant souvent remplacée par un impôt de
sortie sur les produits fabriqués, la contribution des patentes,
les droits d'enregistrement, de timbre, d'hypothèques, les droits
de consommation et enfin l'octroi de mer, qui est perçu dans
grand nombre de nos établissements au profit des communes.
Nous indiquerons (n03 911 et suiv.) les conditions dans
lesquelles ces divers impôts sont établis et perçus.
135. En règle générale, chaque colonie possède un budget
distinct. Il peut arriver toutefois qu'une même colonie possède
deux budgets, comme le Sénégal ou le budget des pays de
protectorat est séparé du budget des territoires d'administration
directe, ou qu'un même budget soit commun à tout un groupe
de possessions. Ce dernier cas est celui de l'Indo-Chine, qui
a possédé du 17 octobre 1887 au 11 mai 1888 un budget
applicable, en recettes et en dépenses, aux différentes fractions
de son territoire, et pour laquelle un budget général a de
nouveau été institué par un décret du 31 juillet 1898 ; c'est
également le cas de l'Afrique occidentale française dans laquelle
un budget de gouvernement général distinct des budgets
locaux existe depuis le décret du 18 octobre 1904. Au Congo

— 133 —
français, le décret, actuellement en vigueur, du 29 décembre
1903 a prévu l'établissement de deux budgets locaux, corres-
pondant à deux colonies différentes, celle du Gabon et celle du
Moyen Congo : le budget du Moyen Congo comprend une
section spéciale où sont notamment inscrites les recettes et les
dépenses communes à l'ensemble de nos possessions (n03 908
et suivants).
(Les budgets locaux doivent en principe être établis en
monnaie française : par dérogation à cette règle le budget de
l'Indo-Chine est établi en piastres (Déc. 5 juillet 1885 ; 10 décem-
bre 1887) et celui de l'Inde en roupies (Déc. 17 octobre 1895.)
136. Le règlement des services financiers fut fait par un
décret du 26 septembre 1855; depuis cette époque, un décret
du 20 novembre 1882, tenant compte des modifications
apportées à l'organisation coloniale par les décrets des 15
septembre et 23 octobre 1882 (1), réorganisa ces divers ser-
vices d'une manière complète. Le ministre des finances con-
serva les attributions qu'il possédait antérieurement, notam-
ment en ce qui concerne le service de la trésorerie.
§ 2. — Régime monétaire.
137. Le premier acte relatif au régime monétaire des Antil-
les est, croyons-nous, un arrêt du conseil de la Martinique du
9 mai 1654, autorisant le cours de l'argent de France et fixant
la valeur des monnaies étrangères. Le 19 février 1670, une
déclaration royale porte qu'il sera fait une monnaie spéciale
pour les îles d'Amérique, et ordonne la frappe à la Monnaie
de Paris de 100,000 livres en espèces de 15 sols, 5 sols et en
doubles de cuivre (2).
(1) Ces décrets avaient ramené le commissariat colonial aux attribu-
tions qu'il exerce dans la métropole, concentré entre les mains du
directeur de l'intérieur, l'action sur les services civils compris dans le
budget de l'État, enfin, donne aux trésoriers-payeurs plus d initiative et
de responsabilité, au point de vue de la direction même du service du
trésor.

(2) Nous retrouvons encore de la monnaie d'argent spéciale aux îles
d'Amérique, frappée à la Rochelle en vertu d'un édit de décembre 1730.

— 134 —
Au début, ces monnaies avaient cours pour leur valeur
réelle, mais cette période fut de courte durée ; un arrêt du
Conseil du 18 novembre 1672 décide que la monnaie frappée
en 1670 aura cours pour 1/3 en plus de sa valeur; en 1691,
les louis ont cours pour 12 livres 10 sols, et en 1703 ils sont
portés à 14 livres; quelques années après (1716 à 1722), la
piastre étrangère est portée peu à peu de 3 livres 13 sous à
8 livres. Il y eut un moment de calme, puis la valeur nomi-
nale de la monnaie reprit sa marche ascensionnelle; en 1805,
la prime sur l'argent était de 66 0/0; elle s'élevait à 80 0/0
en 1817.
Une ordonnance du 30 août 1826 s'efforça de remédier à
cette situation; elle rendit la computation monétaire de la mé-
tropole applicable à la Martinique, avec cette exception que
certaines monnaies étrangères continueraient à être admises
dans la colonie et à y jouir d'un cours légal et forcé. Le cours
légal de ces monnaies étrangères cessa à la suite du décret
du 23 avril 1855.
138. A la Réunion, le premier acte qui règle le cours des
monnaies est un arrêt du Conseil du 8 février 1729. Dès
1736, on entra dans la voie du papier-monnaie représenté par
des marchandises existant dans les magasins de la compa-
gnie. Quand celle-ci tomba, ses billets furent remboursés et
supprimés enfin en 1767; le gouvernement, reconnaissant la
nécessité de recourir à la ressource du papier-monnaie dans
cette colonie, en créa immédiatement, pour remplacer celui
qui disparaissait; cette nouvelle émission fut remboursée en
1789. Enfin, le 11 avril 1793, l'assemblée coloniale créa du
papier-monnaie, puis revint aux bons de caisse, en échange
de denrées déposées dans les magasins. Seul, le général De-
caen ne voulut pas émettre de papier-monnaie, mais il recou-
rut à un procédé peu différent, la frappe d'une monnaie locale
à titre inférieur; c'était une réminiscense de ce qui avait été
fait en 1771, époque à laquelle le gouvernement envoya des
pièces de 2 sols, ayant un cours de 3 sols; plus tard, en 1779,
pour combattre l'exportation de la monnaie, on avait recouru
à l'emploi de monnaies particulières que l'on avait fait frap-
per en France. Ce régime, tout particulier à la Réunion, d'une
monnaie ayant une valeur inférieure à la valeur légale, se pro-

— 135 —
longea jusqu'en 1879, époque à laquelle un décret du 2 avril
promulgua toute la législation métropolitaine (1).
139. Un décret du 2 mai 1879, spécial à la Réunion, auto-
risa le gouverneur à émettre des bons de caisse représentés
par des fonds placés dans la caisse de réserve, avec cette
affectation spéciale. Cette mesure, qui avait pour but d'empê-
cher l'exportation de la monnaie, était la reproduction d'une
mesure analogue prise, pour les Antilles, par le décret du
23 avril 1855. Ces bons de caisse qui avaient cours forcé de-
vaient être remboursés à l'expiration d'un délai de trois ans :
ils ne purent l'être, et, par deux décrets des 3 mars 1858 et
2 juin 1863 (2), le remboursement fut successivement pro-
rogé au 31 mai 1863, puis au 31 mai 1868.
Les difficultés qui se produisent en 1884 dans le commerce
des Antilles, le développement exagéré, injustifié, donné aux
achats extérieurs par le commerce local, obligèrent à recou-
rir encore une fois à cet expédient, et un décret du 18 août
1884 étendit aux Antilles un régime presque identique à celui
de la Réunion.
Plus récemment l'émission des bons de caisse aux Antilles
et à la Réunion a fait l'objet de diverses dispositions. Des dé-
crets des 27 mars 1898, 31 décembre 1899 et 9 avril 1903
sont intervenus pour réglementer ou interdire la circulation
de ces bons à la Réunion, à la Martinique et à la Guadeloupe
(n° 1132 et suiv.).
La colonie de Tahiti possède également des bons de caisse
en vertu d'un décret du 9 mars 1880 : elle n'avait ni banque
d'émission, ni établissement de crédit; une caisse agricole
avait été autorisée à émettre des bons de caisse, mais ceux-ci
étaient insuffisamment garantis et ils furent remplacés en 1880
par des bons de caisse coloniaux.
140. A la Guyane, le système monétaire français a été mis
en vigueur par arrêté local du 2 février 1820.
(1) Ce décret démonétisa toute une catégorie de monnaies d'Autriche
d'une valeur réelle de 0 fr. 83, acceptées dans la colonie pour 1 franc,
appelées Kerveguen, du nom du propriétaire qui les avait importées en
1859.

(2) Ce second décret est postérieur à l'époque fixée pour le rembour
sement, 31 mai 1863.

— 136 —
Au Sénégal, il en est de même depuis 1826, époque à la-
quelle on frappa, pour cette colonie, des monnaies de cuivre
spéciales. La loi du 14 juin 1829, sur la démonétisation des
anciennes espèces duodécimales, fut rendue applicable immé-
diatement.
A Saint-Pierre et Miquelon, on a conservé pendant longtemps
comme monnaie d'échange la morue, à laquelle un arrêté lo-
cal du 18 mars 1823 avait reconnu ce caractère; cet arrêté
n'a pas été abrogé. L'usage des différentes monnaies est réglé
par un arrêté du 16 juin 1873.
Dans l'Inde, un hôtel des Monnaies créé à Pondichéry, en
1737, subsista j usqu'au 1er janvier 1840; il convertissait les
piastres en roupies et en fanons, le cuivre en caches. Le ré-
gime monétaire actuel a été établi par arrêtés des 9 avril
1847 et 12 novembre 1853, donnant cours légal à un certain
nombre de monnaies. Un décret du 31 mai 1898 a réglementé
la fixation du taux officiel de la roupie (n° 1137).
En Indo-Chine il existe une monnaie spéciale, la piastre
d'argent et ses divisions subdivisionnaires en cents. Un décret
du 14 avril 1898 a réglementé la frappe de la piastre dans
nos possessions indo-chinoises (n° 1138).
§3. — Banques. Crédit foncier colonial.
141. Antérieurement à la loi du 30 avril 1849, nous ne
pouvons guère citer que deux tentatives, sans succès d'ail-
leurs, de création d'établissements de crédit émettant des
billets. A la Guadeloupe, une ordonnance royale du 10 dé-
cembre 1826 autorisa la création d'une banque en lui accor-
dant un privilège de vingt ans ; cet établissement dut liquider
en 1831. A la Réunion, une caisse d'escompte avait été créée
par le Gouvernement en 1821 : devenue libre du contrôle de
l'État en 1823, elle fut reconstituée sous le titre de caisse
d'escompte et de prêts de l'île Rourbon par ordonnance
royale du 14 mai 1826 avec un privilège de vingt ans et le

— 137 —
droit d'émettre des bons de caisse. Après cinq ans, il fallut
mettre cette caisse en liquidation (1).
142. La loi du 30 avril 1849 avait, crée des banques colo-
niales à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Guyane, au
Sénégal et à la Réunion (V. n° 128); la loi du 11 juillet 1851
régla leurs statuts (2). Les décrets des 24 novembre 1849 et
22 décembre 1851 fixèrent les détails de leur organisation :
celle-ci fut complétée par le décret du 19 novembre 1852, qui
créa à Paris une agence centrale.
Aux termes du décret du 24 novembre 1849, ces banques
devaient être organisées avant le 1er octobre 1852; sinon elles
perdaient le bénéfice résultant pour elles du prélèvement de
1/8 sur l'indemnité des esclaves. Les banques de la Marti-
nique, de la Guadeloupe et de la Réunion, purent seules être
établies pour cette date : divers décrets prorogèrent pour les
deux autres colonies cette échéance jusqu'au 1er avril 1854.
La banque du Sénégal fut créée par décret du 21 décembre 1853,
celle de la Guyane par décret du 1er février 1854.
La banque du Sénégal, transformée suivant décrets des
29 juin et 21 décembre 1901, est devenue la banque de
l'Afrique occidentale.
143. Le privilège des cinq premières banques coloniales,
accordé pour vingt ans, a été prorogé par la loi du 11 sep-
tembre 1874 pour une durée de vingt ans, puis, par des
décrets successifs, jusqu'au 1er janvier 1902. La loi du 13 dé-
cembre 1901 a régularisé la situation en le prorogeant de
dix ans à partir du 1er janvier 1902.
Un décret du 21 janvier 1875 a institué, sous le titre de
Banque de l'indo-Chine, une banque d'émission, de prêt et
d'escompte, avec privilège de vingt ans pour l'émission des
billets, dans nos colonies de la Cochinchine et de l'Inde.
Un décret du 14 judlet 1874 avait créé à Nouméa une
banque avec privilège d'émission ; celte banque a fait de
mauvaises affaires.
Le 20 février 1888, la Banque de l'Indo-Chine a été auto-
risée à créer une succursale dans cette colonie.
(1) Déc. col. 23 décembre 1831.
(2) Modifies par la loi du 24 juin 1874.


— 138 —
Enfin, plus récemment l'organisation et le fonctionnement
de la Banque de l'Indo-Chine ont été profondément remaniés
par un décret en date du 1G mai 1900, complété par un décret
du 3 avril 1901 (n03 1055 et suivants).
144. Le crédit foncier colonial est une institution établie
par un décret du 31 août 1863 pour la Martinique et la Gua-
deloupe, et dont la sphère d'opérations fut étendue à la Réu-
nion par un décret du 7 octobre 1863.
La société de crédit foncier colonial, créée en 1860 comme
société de crédit colonial,
a pour but, aux termes des
nouveaux statuts approuvés le 31 août 1863, de venir en aide
à l'industrie sucrière et aux propriétaires fonciers. Les colo-
nies sont entrées elles-mêmes dans ces opérations en garantis-
sant un intérêt minimum. En échange de cette garantie,
l'État exerce un contrôle sur la gestion de la société qui a
reçu d'ailleurs un privilège de quarante ans, comme société de
crédit foncier.
|'4. — Poids et mesures.
145. C'est en 1671 que les poids e,t mesures de Paris furent
introduits à la Martinique ; ils restèrent en vigueur concur-
remment avec certaines mesures locales (1) : jusqu'au 1er jan-
vier 1825 à la Guadeloupe (Arr. loc. 15 juin 1824), jusqu'au
1er juin 1828 à la Martinique (Arr. loc. 7 août 1827) ; à cette
époque, le système métrique fut mis en vigueur.
A la Réunion, une ordonnance locale du 5 janvier 1821
avait prescrit l'application du système métrique à compter du
1er janvier 1822, mais elle ne put être appliquée, les nouvelles
mesures ayant fait défaut, et ce fut seulement le 1er jan-
vier 1841 que cette prescription fut suivie définitivement.
Dans les autres colonies, la mise en application du système
métrique remonte : pour la Guyane au 1er janvier 1821 (Ord.
loc. 3 septembre 1820), — pour le Sénégal au 1er janvier 1827
(1) Nous citerons, par exemple, le carré qui valait à la Martinique
1 hect. 21 et à la Guadeloupe 0 hect. 95 ; la mesure anglaise du gallon,
3 lit. 440; le baril de sirop, 103 lit. 200; le boucau de rhum, 392 lit. 160.


— 139 —
(Règl. 24 septembre 1818, 22 novembre 1820, 1S juin 1826,
— pour Saint-Pierre et Miquelon au 1er juillet 1824 (Arr. loc.
7 juin 1824) (1).
Dans l'Inde, l'application des règlements métropolitains en
matière de poids et mesures n'a pas encore été reconnue pos-
sible : on s'est contenté de faire fixer par une commission,
en 1836, le rapport entre les mesures métriques et les mesures
locales, variant dans chaque établissement, seules appliquées
aujourd'hui encore, même pour la perception des taxes,
§ 5. — Chambres de commerce.
146. 11 y avait, au siècle dernier, à Saint-Pierre (Marti-
nique) un organisme spécial, la commission de commerce,
créée par une ordonnance coloniale du 1er avril 1776 (approu-
vée par dépêche ministérielle du 3 août 1776) et composée de
quatre commerçants, élus : deux par les personnes s'occupant
du commerce intérieur, deux par les négociants pour l'expor-
tation.
Supprimée pendant la Révolution, cette commission fut
rétablie par le préfet colonial en 1805 : elle avait pour mis-
sion de remplir en quelque sorte le rôle d'arbitre entre le
commerce et le fisc. Elle disparut en 1820, lors de la création
du bureau de commerce.
147. Quant aux chambres de commerce proprement dites,
leur origine dans les colonies remonte à un mémoire du roi
du 7 mars 1777, servant d'instruction au marquis de Bouillé,
gouverneur de la Martinique (2); une assemblée d'habitants,
de négociants et de capitaines de navires français devait être
réunie lorsque les circonstances exigeraient de recourir à
l'étranger pour procurer à la colonie les objets nécessaires à
sa subsistance. Cette assemblée devait arrêter la liste et la
(1) Dans les colonies récentes, le système métropolitain des poids et
mesures a été appliqué dès la prise de possession, concurremment
d'ailleurs avec quelques mesures locales.
(2) On peut citer également une dépêche à la Guadeloupe du 22 fé-
vrier 1777, relative à l'institution des syndics des communes.

— 140 —
quantité des marchandises pouvant être importées. C'était là
le rudiment des chambres de commerce ; on les vit peu à peu
se développer.
A la Martinique, un arrêté du 17 juillet 18*20 constitua un
bureau de commerce, transformé en 1848 en chambre de
commerce, appelé à présenter ses vues sur les moyens d'amé-
liorer la situation des communes, de faire connaître au gou-
verneur les causes qui en arrêtaient le progrès, etc.
A la Guadeloupe, ce fut un arrêté local du 31 juillet 1832
qui supprima les syndics du commerce créés en
1 777, et
constitua deux chambres de commerce à la Basse-Terre et à
la Pointe-à-Pitre.
A la Réunion, un arrêté du 4 juillet 1829 avait créé un
bureau de commerce qui fut transformé l'année suivante en
chambre de commerce (1).
Dans les autres colonies anciennes, les chambres de com-
merce sont de création récente : Guyane, 31 août 1870; —
Sénégal, 29 décembre 1869 et 29 janvier 1892 ; — Saint-Pierre
et Miquelon, 1ER août 1878; — Inde, 13 août 1879.
Quant aux colonies nouvelles, les chambres de commerce
ont été constituées : en Cochinchine, le 30 septembre 1808;
au Tonkin, les 23 novembre 1884 et 3 juin 1886 ; à la Nou-
velle-Calédonie, le 29 octobre 1879.
Il existe, d'autre part, dans plusieurs de nos colonies, des
chambres d'agriculture. Enfin des comités du commerce et de
l'agriculture ont été constitués au Dahomey et au Congo (nos
1147 et suivants. — 1104 et suivants).
ARTICLE 0. — Organisation judiciaire et législation.
PREMIÈRE PARTIE. — Organisation judiciaire.
§ 1. — Antilles.
148. La déclaration du 1ER août 1045, basée sur la nécessité
(1) Arr. loc. 7 août 1»30.

— 141 —
de pourvoir de juges les nouvelles colonies des îles d'Amé-
rique, constitua comme juge le commandant de chaque île en
lui donnant pour assesseurs le nombre de gradués prévu
dans chaque cas par les ordonnances métropolitaines, ou, à
défaut de gradués, huit des principaux officiers ou habitants
de la colonie. En 1660, la compagnie établit des juges
seigneuriaux statuant en premier ressort; un conseil souve-
rain constitué par le roi devait connaître des appels ; on se
proposait d'avoir un seul conseil souverain pour les Antilles,
mais on commença par créer (Déclaration du 11 octobre 1664)
un conseil particulier pour la Martinique; ce tribunal jugeait
alors souverainement tous les procès civils et criminels.
Quelques années après, le règlement du 4 novembre 1671
composa le conseil souverain du lieutenant général, du gou-
verneur particulier, du directeur de la compagnie et de
quatre conseillers nommés par la compagnie (1). Les lettres
patentes du 1er avril 167!) modifièrent cette organisation et
portèrent à six le nombre des conseillers, en réservant au roi
leur nomination et en introduisant dans le conseil le juge de la
juridiction ordinaire (quand il n'y avait pas appel de sa juri-
diction) et surtout un intendant de justice, police et financ.es.
Ce personnage, le premier chef du service judiciaire aux
colonies, vit son importance augmenter peu à peu et contre-
balancer celle du gouverneur (V. n° 50). Dans une lettre du
11 juin 1680, le roi recommande au gouverneur d'être très
circonspect dans ses relations avec l'intendant, de ne rien
entreprendre en dehors de ses fonctions, de déférer aux obser-
vations de celui-ci en matière de justice, police et finances.
Ce ne fut qu'en 1681 (Ord. du 3 mai) que les conseils supé-
rieurs perdirent le droit de statuer souverainement; ils turent
rattachés au Conseil du roi et leurs arrêts durent être envoyés
à Paris pour être cassés s'il y avait lieu.
149. Cette organisation, avec tout le cortège des anciens
tribunaux, sénéchaussées, amirautés, etc., persista sans modifi-
cation importante jusqu'en 1790.
(i) Le conseil souverain avait des pouvoirs réglementaires ; il votait
les ordonnances de justice et de police, proposées par le procureur du
roi. (V. n° 50.)

— 142 —
Il y avait, en outre, un tribunal du gouverneur, composé
du gouverneur, de l'intendant et de trois conseillers, juge
d'appel des contestations sur les habitations (1). Un arrêté de
l'assemblée coloniale de la Martinique, sanctionné par le gou-
verneur, recevant par suite force de loi (2), supprima ce
tribunal par le motif que le gouverneur, représentant la per-
sonne du roi, ne pouvait exercer à la fois les pouvoirs exé-
cutif et judiciaire (3).
Pendant quelque temps les troubles empêchèrent les tribu-
naux de se réunir; ce fut le 26 mars 1791 seulement que le
conseil supérieur put être convoqué, mais il ne semble pas
qu'il fut réuni, et c'est sous l'occupation anglaise que la
justice paraît avoir repris son cours régulier (4).
Quant à la Guadeloupe, le conseil souverain réorganisé par
déclaration royale du 8 février 1768, les sièges d'amirauté,
les trois sénéchaussées de la Basse-Terre, de la Pointe-à-Pitre
et de Marie-Galante furent supprimés dès que Victor Hugues
eut chassé les Anglais; il ne resta plus qu'un seul tribunal,
celui des prises. La loi du 25 octobre 1797. créa un tribunal
civil à la Pointe-à-Pitre, chef-lieu du département, cinq tribu-
naux correctionnels à la Pointe-à-Pitre, à la Basse-Terre, au
Moule, à Marie-Galante et à Saint-Martin; celle du 1er jan-
vier 1798 autorisa la nomination d'un juge de paix par canton,
mais Victor Hugues refusa de publier ces lois de même que
la Constitution de l'an III ; son successeur, le général Desfour-
neaux n'obéit pas davantage, et les tribunaux ne furent re-
constitués qu'à l'arrivée des agents du Directoire, le 11 dé-
cembre 1799; des conflits surgirent bientôt entre eux et les
agents du Directoire. C'est à ce moment qu'éclatèrent dans
toute leur intensité les troubles qui rendirent impossible
toute action des corps judiciaires, modifiés constamment d'ail-
leurs dans leur organisation comme dans leur composition.
150. Après la paix d'Amiens, un arrêté consulaire du
(1) Ord. la octobre 1786.
(2) 21 juillet 1790.
(3) Le gouverneur avait cependant, presque dès la création du conseil
supérieur, renoncé en fait à exercer la présidence qui était dévolue par
suite à l'intendant.
(4) V. Arrêt du conseil souverain, 23 avril 1794.

— 143 —
29 prairial an x rétablit les tribunaux existant avant 1789.
Rien n'était modifié quant aux formes de procéder, aux lois
et règlements applicables; les noms seuls étaient changés : le
tribunal de 1re instance remplaçait les sénéchaussées, amirautés
et juridictions royales; le tribunal d'appel (1), le conseil sou-
verain. Il fallut cependant tenir compte de l'état troublé des
colonies, de la difficulté d'y rendre la justice, et une loi du
28 germinal an XI appela le tribunal criminel du département
de la Seine à connaître de tous les crimes commis dans les
colonies contre la sûreté générale de ces établissements, contre
le gouvernement français ou ses délégués, et contre les actes
émanés d'eux.
151. Dès la chute cle l'Empire, les gouverneurs reconsti-
tuèrent de leur propre initiative l'organisation antérieure à
la Révolution ; mais une ordonnance royale du 28 novem-
bre 1819 rétablit des cours royales et des tribunaux de pre-
mière instance. L'ordonnance du 24 septembre 1828 régla
le service judiciaire dans des conditions qui n'ont plus été
modifiées depuis d'une manière essentielle (2), que par la loi
du 27 juillet 1880 établissant le jury dans les trois anciennes
colonies. La situation des magistrats a été réglée par l'or-
donnance -du 28 juillet 1841 et le décret du 1er décembre
1858.
Dans les dépendances cle la Guadeloupe, le peu d'impor-
tance de la population en même temps que l'éloignement
du chef-lieu ont fait rechercher une organisation judiciaire
intermédiaire que l'on a imitée depuis dans un certain nom-
bre d'autres colonies ; ce sont les justices de paix à compé-
tence étendue, dont la première a été créée à Marie-Galante,
le 6 janvier 1873, en remplacement d'un tribunal de première
instance.
152. L'organisation judiciaire de la Martinique et de la Gua-
deloupe est actuellement réglée par la loi du 15 avril 1900
Elle doit comporter, dans chacune des Antilles françaises, une
cour d'appel et deux tribunaux de 1re instance. Mais, à la
(1) Un arrêté du grand juge du 18 vendémiaire an XIII changea le
titre de tribunal d'appel en celui de cour d'appel.
(2) V. Déc. 22 avril 1886.

— 144 —
Martinique, à la suite de l'éruption du mont Pelé, un décret
du 13 mai 1902 a rattaché, au point de vue judiciaire, l'arrondis-
sement de Saint-Pierre à l'arrondissement de Fort-de-France.
Il y a,en outre, à la Martinique et à la Guadeloupe des justices
de paix ordinaires, et, dans les dépendances de la Guadeloupe,
des justices de paix à compétence étendue (nos 7 42 et suiv.).
§ 2. Saint-Pierre et Miquelon.
153. Dès le début de l'occupation, on établit dans cette
petite colonie un juge royal et de l'amirauté. Jusqu'à 182G,
il n'exista qu'un juge unique; à cette époque, on créa un
conseil temporaire de justice, composé du commandant et de
deux habitants notables : un officier du commissariat remplis-
sait les fonctions du ministère public.
L'ordonnance du 26 juillet 1833 établit deux degrés cle
juridiction (en outre des tribunaux de paix cle Saint-Pierre et
de Miquelon) : un tribunal de première instance composé d'un
seul juge, et un conseil d'appel présidé par le commandant de
la colonie, et composé du chirurgien, du capitaine du port et,
dans certains cas, de quatre notables. Il était peu rationnel
d'une part de confier au chef d'une colonie la présidence d'un
tribunal ordinaire, d'autre part, de remettre l'appel des juge-
ments rendus par un magistrat à un tribunal dans lequel ne
siégeait aucun membre ayant fait des études spéciales ; une
ordonnance du 6 mars 1843 confia la présidence du conseil
d'appel à un magistrat; le chirurgien et le capitaine du port
furent plus tard remplacés par des officiers du commissariat.
Un décret du 4 avril 1868 donna une direction au service
Judiciaire de la colonie par la création d'un poste de procureur
impérial.
Avec quelques modifications, résultant pour la composition
du tribunal de lre instance, auquel a été adjoint un juge sup-
pléant, du décret du 11 mars 1902 et pour la composition du
conseil d'appel, des décrets des 26 septembre 1872 et 9 octobre
1874, cette organisation judiciaire est toujours en vigueur. Le
service de la justice à Saint-Pierre et Miquelon est placé sous
la direction d'un procureur de la République (nos745 et suiv.)

— 145 —
§ 3. Guyane.
154. Λ l'origine cle nos établissements, la justice etait ren-
due d'une manière fort irrégulière par les chefs des expédi-
tions, les seigneurs qui obtinrent des concessions et les com-
pagnies qui s'y succédèrent. On établit toutefois (1) une
juridiction royale dépendant du conseil supérieur de la Mar-
tinique, mais la difficulté de porter les appels devant ce con-
seil fit créer, par un édit du 7 juin 1701, un conseil supérieur
« connaissant en dernier ressort de tous les appels des procès
κ et différends des habitants de la colonie ». En 1714, on
établit un tribunal d'amirauté.
A la Révolution, l'assemblée coloniale substitua à l'orga-
nisation existante deux tribunaux indépendants l'un de l'autre,
remplissant alternativement, chacun pendant deux mois, les
fonctions de tribunal de première instance et de tribunal
d'appel (2); les juges étaient élus pour trois ans. Cette orga-
nisation, qui avait au moins le mérite de l'originalité, dura
peu; en 1792, 1794 et 1800, on vit s'établir de nouveaux
tribunaux composés tantôt cle magistrats, tantôt d'arbitres pu-
blics. Par application de l'arrêté consulaire de 29 prairial
an x, un décret colonial du 11 brumaire" an XI constitua un
tribunal de première instance et une cour d'appel Sous
l'occupation portugaise, ce régime subsista ; toutefois une
ordonnance du 31 mai 1810 prescrivit que les jugements et
arrêts ne seraient exécutoires qu'après la sanction de l'in-
tendant.
Enfin, à la Restauration, une cour prévotale fut établie pour
juger les esclaves et subsista jusqu'en 1825.
155. Au moment où le gouvernement de la Restauration
chercha à assurer aux diverses colonies une organisation
judiciaire complète, il régla celle de la Guyane par l'ordon-
nance des 27 août et 21 décembre 1828 : il y eut un tribunal
(1) Il ne nous a pas été possible de retrouver la date de cette création;
ledit de 1701 et l'historique de l'organisation judiciaire de Cayenne, ré-
digé en 183-2 par M. Quantin, conseiller auditeur à la Guyane à qui nous

avons emprunté ces renseignements, n'indiquent pas cette date.
(2) Déc. col. 13 mai 1791.
COLONIES, I.
10

— 146 —
de paix, un tribunal de première instance et une cour royale à
Cayenne. En 1832, on essaya de créer d'autres justices de
paix et une ordonnance du 31 octobre organisa la première
à Sinnamary; peu à peu, elles se développèrent et le décret
du 16 août 1854 fixa à sept le nombre des tribunaux de paix
existant hors de Cayenne et confiés aux commissaires comman-
dants des quartiers. Depuis lors, ces tribunaux ont été réduits
à trois, et on a institué des juges de paix spéciaux (1).
Cette organisation présentait l'inconvénient d'un petit nombre
de magistrats titulaires, de l'attribution directe des affaires
correctionnelles à la cour, de l'absence d'une chambre de mise
en accusation. Diverses modifications furent successivement
apportées à cet état de choses jusqu'à l'organisation actuelle
qui date du décret du 16 décembre 1896 complété par un
décret du 1er décembre 1900.
La colonie est divisée en deux arrondissements judiciaires,
l'un à Cayenne avec tribunal de lre instance et justice de
paix (2), l'autre à Saint-Laurent du Maroni, le juge président
faisant fonction de juge de paix (nos 747 et 748).
§ 4. Afrique occidentale française.
856. La justice fut rendue au Sénégal par les directeurs
de la compagnie selon leur bon vouloir, sans aucune règle
fixe, jusqu'à l'édit de décembre 1674 qui les obligea à appli-
quer autant que possible les lois de la métropole. A partir
de 1782 la justice fut rendue par les gouverneurs nommés par
le roi.
157. L'ordonnance du 7 janvier 1822 donna une organisa-
lion régulière à l'administration de la justice dans cette colo-
nie ; le tribunal de Gorée fut maintenu et composé du com-
mandant particulier, du principal employé de la marine et
d'un notable. On créa à Saint-Louis un tribunal composé
d'un juge, et de quatre notables, dont deux Européens et
deux indigènes; c'est là un cas, peut-être unique, où les
(1) Déc. 19 mai 1889.
(■2) Le juge de paix a 4 suppléants à Oyapock, Approuague, Kourou,
Sinnamary.

— 147 —
Français ont pu être jugés par des indigènes. L'appel des
jugements de première inslanee était porté devant un conseil
d'appel établi à Saint-Louis, composé du commandant pré-
sident, de quatre fonctionnaires et de deux habitants, il jugeait
en outre les affaires criminelles.
Le 13 juin 1830, celte organisation fut maintenue sans
changement important. Mais pour les motifs que nous avons
déjà indiqués, dès qu'il fut possible d'envoyer des magistrats
dans cette colonie, une ordonnance du 19 novembre 1840
constitua une cour d'appel à Saint-Louis en remplaçant par des
magistrats le gouverneur et les fonctionnaires. Des tribunaux
de première instance existaient à Saint-Louis et il Gorée de-
puis le 24 mai 1837.
L'ordonnance du 27 mars 1814 constitua La cour d'appel
avec un président, un conseiller, l'officier de l'état civil de
Saint-Louis et deux notables. La cour d'assises était composée
du président, du conseiller, de l'officier de l'état-civil, du chef
du service de santé et de trois assesseurs. A la suite de trans-
formations diverses, l'organisation judiciaire du Sénégal fut
réglée par les décrets du 13 mai 1889, du 31 janvier 1891 et
du 11 août 1899.
Un tribunal spécial pour les mulsulmans, créé par un
arrêté du 22 avril 1848, a été réorganisé par le décret du
20 mai 1857 qui a constitué en même temps un conseil d'appel.
l58. Hors du Sénégal, le décret du 15 mai 1899 avait insti-
tué une justice de paix à compétence étendue à Kayes.
Dans les établissements du golfe cle Guinée un décret du
11 septembre 1869 avait établi des tribunaux d'arrondisse-
ment à Grand-Bassam, à Assinie et à Dabon, ainsi qu'un tri-
bunal supérieur à Grand-Bassani. Les tribunaux d'arrondisse-
ment étaient composés d'un juge et d'un officier du ministère
public, le tribunal supérieur d'un président, de deux juges,
d'un procureur impérial et il était complété par deux asses-
seurs pour juger un criminel.
L'appel des contestations civiles était porté directement de-
vant la cour d'appel de Saint-Louis. Ces tribunaux ne purent
jamais fonctionner, et cette organisation, trop considérable
pour notre établissement, fut modifiée par les décrets des
1er juin 1878, 20 août 1879, 21 décembre 1881. Il n'y avait

— 148 —
plus de tribunaux supérieurs; tous les appels étaient portes
devant la cour de Saint-Louis qui connaissait également des
affaires criminelles.
Plus récemment cette organisation judiciaire fut modifiée
par le décret du 11 mai 1892, qui créa des justices de paix
à compétence étendue à Conakry et à Grand-Bassam, avec un
conseil d'appel à Conakry, et par le décret du 16 décembre
1896 qui institua à Grand-Bassam un conseil d'appel spécial à
la colonie de la Côte d'Ivoire. Au Dahomey, le décret du
26 juillet 1894 avait créé deux justices de paix à compétence
étendue à Porto-Novo et à Ouidah, avec conseil d'appel à
Porto-Novo.
Cette organisation a subsisté jusqu'aux décrets des 6" août
1901 et 15 avril 1902, qui ont constitué la Guinée française, la
Côte d'Ivoire et le Dahomey, en un ressort commun, avec uno
•cour d'appel à Conakry, des tribunaux de lre instance à Co-
nakry, à Bingerville et à Porto-Novo, et une cour d'assises
dans chacune des trois colonies.
159. Le décret du 10 novembre 1903 a fait disparaître la
dualité cle régime existant ainsi dans l'administration de la
justice pour l'ensemble des possessions de l'Afrique occiden-
tale française, celies-ci se trouvant dépendre, soit du ressort
du Sénégal, soit du ressort nouveau dont le chef-lieu était à
Conakry.
Ce décret a institué une cour d'appel de l'Afrique ©cciden-
tale française (1), dont la juridiction s'étend sur tous les terri-
toires des colonies du Sénégal, du Haut-Sénégal et Niger, de
la Guinée française, de la Côte d'Ivoire et du Dahomey, et
dont le siège est à Dakar. Des tribunaux cle lre instance sont
maintenus à Saint-Louis, à Dakar, à Conakry, à Bingerville et
à Porto-Novo, ce dernier siège étant provisoire et devant être
transféré à Cotonou. Des cours d'assises sont instituées dans
chacune des colonies du Sénégal, de la Guinée française, cle
la Côte d'Ivoire et du Dahomey. La justice d_e paix à com-
pétence étendue de Kayes est maintenue.
Le.décret du 10 novembre 1903 a organisé en outre la jus-
(1) La composition de cette cour d'appel est actuellement fixée par
un décret du 14 juin 190b.

— 149 —
tice indigène qui est rendue en Afrique occidentale par des
tribunaux de village, de province et de cercle ; une chambre
spéciale de la cour d'appel statue sur l'homologation des
jugements des tribunaux de cercle. Les juridictions indigènes
ont compétence dans les territoires non compris dans le res-
sort des tribunaux français. Dans les territoires compris dans
ce ressort, les tribunaux français sont seuls compétents à
l'égard des indigènes sauf à s'adjoindre en certaines matières
un assesseur indigène. Le décret du G novembre 1903 avait
supprimé au Sénégal la juridiction spéciale pour les musul-
mans instituée par le décret du 20 mai 1857. Cette juridiction
a été réorganisée par un décret spécial du 22 mai 1905
(n° 749 et suiv.).
§ 5. Congo français
160. Après un essai d'organisation tenté sans succès par le
décret du 11 septembre 1869, le décret du 1er juin 1878 avait
constitué à Libreville une juridiction civile et correctionnelle
avec appel devant la cour du Sénégal. Les administrateurs de
l'Ogooué, de Loango, de Franceville et de Brazzaville furent
investis, par décrets du 26 décembre 1881 et du 8 novembre
1889, des fonctions déjuge de paix avec la même compétence
que celle du tribunal cle Libreville.
Le service de la justice au Congo français a été complète-
ment réorganisé par les décrets du 19 décembre 1900 et du
17 mars 1903.
Ce dernier décret règle le fonctionnement de la justice
française et de la justice indigène.- La justice française est
assurée par un tribunal supérieur, par des tribunaux de
lre instance à Libreville et à Brazzaville, par des justices de
paix à compétence étendue dont le ressort territorial est déter-
miné par des arrêtés locaux et par une cour criminelle
(n° 756).
§ 6. Réunion. —Côte Somali.
161. Un édit du 7 mars 1711 constitua, dès la prise de
possession, un conseil provincial eomposé du gouverneur,

— 150 —
du directeur de la compagnie et d'an certain nombre d'habi-
tants ; il jugeait à trois membres en matière civile, à six mem-
bres en matière criminelle. L'appel de ces jugements était
porté en matière civile devant le conseil supérieur de Pondi-
chéry ; il pouvait en être de même en matière criminelle, mais
uniquement pour les gens libres.
Un édit de novembre 1723 supprima l'action du conseil
supérieur de Pondichéry et créa à Bourbon un conseil supé-
rieur jugeant dans les mêmes conditions que ceux des An-
tilles. Les habitants cessèrent d'en faire partie ; on le composa
des directeurs généraux de la compagnie, du gouverneur, de
six conseillers et d'un procureur général.
162'. Cette organisation subsista jusqu'en 1781; des édits
d'octobre et de novembre établirent alors deux degrés de juri-
diction : la juridiction royale, en première instance, com-
posée d'un juge, d'un lieutenant de juge et d'un procureur du
roi; le conseil supérieur, en appel, composé du gouverneur,
de l'intendant, de six conseillers titulaires, du procureur
général et de son substitut. On jugea bientôt utile de faire
rendre les jugements, même en première instance, par plu-
sieurs juges, et les lettres patentes de juillet 1776 portèrent à
trois le nombre des juges délibérant dans chaque affaire ;
mais en présence de la difficulté de recruter la magistrature,
on autorisa le juge unique à se faire assister par cinq habi-
tants notables. Plus tard, le gouverneur cessa de faire partie
du conseil supérieur.
163. Eu 1793, l'assemblée coloniale de la Réunion supprima
les juridictions existantes et les remplaça par un tribunal de
première instance et un tribunal d'appel ; tous les magistrats
furent élus par le peuple. Le jury fut établi l'année suivante.
Le 5 juin 1798, une nouvelle organisation fut votée par l'as-
semblée coloniale : il y eut deux tribunaux de première instance
composés chacun d'un seul juge et une cour d'appel de sept
membres. Tous les magistrats étaient élus par l'assemblée. Le
tribunal criminel, composé de cinq membres du tribunal d'ap-
pel, était complété par un jury d'accusation et un jury de juge-
ment.
La constitution coloniale du 12 nivôse an XI régla le fonc-
tionnement de l'ordre judiciaire, mais uniquement pour les

— 151 —
colonies des Antilles; la Réunion fut laissée à l'écart jusqu'à
l'arrêté consulaire du 5 germinal an XI.
164. Les tribunaux de la Réunion furent alors établis sur
le même pied qu'avant 1789 : les lois et les règlements appli-
cables, les formes de la procédure furent les mêmes ; les titres
seuls furent modifiés : la juridiction royale prit le titre de
tribunal de première instance, le conseil supérieur celui de
tribunal d'appel. On créa, en outre, le 10 brumaire, an XII, un
tribunal spécial criminel destiné à juger les crimes et délits
commis par les esclaves ; il était composé de trois magistrats,
trois militaires et trois citoyens. Ce tribunal subsista jusqu'en
1817.
A la Restauration, une ordonnance du 13 novembre 1817
établit un régime identique à celui des Antilles, puis l'ordon-
nance du 30 septembre 1827 régla l'organisation judiciaire. La
cour royale était à Saint-Paul, des assises se tenaient à Saint-
Denis et à Saint-Paul. Le tribunal de première instance unique
était établi à Saint-Denis. La division de l'île en deux arron-
dissements, le désir de réunir au chef-lieu tous les services
de la colonie firent créer le 10 juillet 1831 un second tribunal
à Saint-Paul et transporter à Saint-Denis le siège de la cour.
Plus tard, par suite de l'importance croissante de Saint-Pierre,
le tribunal de première instance de l'arrondissement fut trans-
féré dans cette ville ( Déc. 6 janvier 1857).
L'organisation judiciaire de la Réunion est aujourd'hui
réglée par la loi du 15 avril 1890. La cour d'appel de Saint-
Denis et Les tribunaux de première instance de Saint-Denis et
de Saint-Pierre ont été maintenus dans cette organisation.
Le service de la justice est, en outre, assuré par neuf justices
de paix, et, au point de vue répressif, par deux cours d'assi-
ses (n° 758).
165. Dès 1887, un décret du 2 septembre a institué à Obock
une justice de paix à compétence étendue, un conseil d'appel
composé du commandant et de deux assesseurs, se constituant
au besoin en tribunal criminel. La même organisation-a été
adoptée après le transfert du chef-lieu à Djibouti par le dé-
cret du 4 septembre 1894. Actuellement le service de la jus-
tice dans nos possessions de la côte des Somalis est organisé
par un décret du 4 février 1904. Il comporte un tribunal

— 152 —
du premier degré et un tribunal d'appel où siège un magistrat,
juge, président et chef du service judiciaire. Gomme juridic-
tions répressives, le tribunal du premier degré est à la fois
tribunal de police et tribunal correctionnel, le tribunal d'appe 1
se transforme en tribunal correctionnel (n° 757).
§ 7. — Madagascar. Mayotte et Comores.
166. L'ordonnance du 26 août 1847 constitua à Mayotte un
tribunal correctionnel, un tribunal civil et un conseil de jus -
tice. Le tribunal correctionnel était composé du commandant
du génie, du trésorier et du contrôleur; le tribunal civil, du
commandant supérieur, d'un officier d'administration et du
trésorier. Leurs jugements pouvaient être frappés d'appel de-
vant la cour de Bourbon. Les crimes commis soit par des
Français ou étrangers non indigènes, soit contre eux, étaient
déférés directement à cette cour.
Cette organisation a été complétée par des décrets, en date
des 30 janvier 1852, 29 octobre 1879, 5 novembre 1888 et 4 no-
vembre 1904. La justice française est actuellement assurée dans
les Comores par un tribunal de première instance, siégeant à
Mayotte, avec appel devant la cour de Madagascar (n° 759).
167. Les tribunaux institués à Nossi-Bé (depuis le 29 fé-
vrier 1860), à Sainte-Marie-de-.Madagascar (depuis le 30 jan-
vier 1852, à Diego-Suarez (depuis le 22 août 1887), modifiés
à plusieurs reprises depuis lors dans leur organisation comme
dans leur compétence, ont été fondus dans l'ensemble de
l'organisation judiciaire à Madagascar, lorsque notre autorité
s'est établie définitivement sur la grande île. Le 2 avril 1891,
une loi institua la juridiction française, mais c'est le 24 août
1892 qu'un décret organisa des tribunaux. Le 28 décembre
1895, une cour d'appel et plusieurs tribunaux furent créés,
mais cette organisation, trop considérable pour la colonie
naissante, fut modifiée par des décrets du 9 juin 1896, puis
des 16 mai 1897, 30 octobre 1898, 10 décembre 1900, 24 fé-
vrier 1902, 24 mars et 24 juillet 1903, 30 janvier, 2 mars,
24 mars et 20 décembre 1904 et 5 juin 1905. Un décret du

— 153 —
25 novembre 1898 a organisé à Madagascar l'administration
de la justice indigène (n08 760 et 761).
§ 8. Inde.
168. Il existait d'abord à Surate, depuis l'édit de janvier
1671, puis à Pondichéry depuis l'édit de février 1701, un con-
seil supérieur institué pour rendre la justice aux blancs. Des
conseils subalternes, chargés des mêmes fonctions dans les
autres établissements, furent supprimés par la déclaration du
30 décembre 1772 et leurs attributions conférées aux comman-
dants, sauf appel au conseil supérieur.
Un édit de février 1776 supprima le conseil supérieur et
créa un nouveau conseil analogue à ceux des autres colo-
nies (1).
Le tribunal particulier de la Chauderie, présidé par un
officier de justice, rendait la justice aux Malabars et aux
Indiens, mais uniquement quand aucun Européen n'était en
cause.
169. Cette organisation subsista jusqu'à l'époque où le
gouvernement de la Restauration s'occupa de régulariser l'or-
ganisation judiciaire des diverses colonies. Les ordonnances
royales des 7, 16 et 23 décembre 1827 supprimèrent le tri-
bunal de la Chauderie et soumirent tous les habitants à la
juridiction française; il y eut une cour royale à Pondichéry,
un tribunal de première instance et une justice de paix à
Pondichéry ; un tribunal de première instance dans les éta-
blissements de Karikal et de Chandernagor ; une justice de
paix à Karikal (Arr. loc. 28 octobre 1827).
Cette organisation fut uniformisée par une ordonnance du
7 février 1842. On constitua trois tribunaux de paix et trois
tribunaux de première instance : à Pondichéry, à Chander-
nagor, à Karikal : à Mahé et à Yanaon, le chef du comptoir
remplissait lés fonctions de juge royal. La cour royale fonc-
. (1) La composition était la suivante : le gouverneur, le commissaire
général de la marine, le plus ancien officier d'administration, sept con-
seillers titulaires et un procureur général.


— 154 —
tionnait comme cour d'assises avec deux assesseurs pris sur
une liste de vingt notables de Pondichéry.
Enfin, l'organisation actuelle résulte du décret du 31 mai
1873, modifié depuis lors en quelques points, en particulier
par la création à Mahé et à Yanaon de justices de paix à
compétence étendue (1).
§ 9. Indo-Chine.
170. La première organisation judiciaire de la Cochin-
chine date du décret du 25 juillet 1864 ; elle comportait des
tribunaux français et des tribunaux indigènes. Il y avait, à
Saigon, un tribunal de première instance et un tribunal
supérieur comportant trois magistrats : le procureur impérial,
chef du service judiciaire, un juge impérial et un juge pré-
sident. Le tribunal de première instance connaissait des délits
commis dans son ressort. Le tribunal criminel était composé
des deux juges et d'un membre du conseil de guerre, assistés
de. deux assesseurs tirés au sort sur une liste de dix notables ;
il connaissait des crimes commis par tout individu clans le
ressort ou par des Européens dans toute la colonie. Le recours
en cassation n'était pas ouvert contre ses jugements ; le gou-
verneur pouvait autoriser l'exécution des condamnations à la
peine de mort. Il pouvait d'ailleurs, ainsi que nous l'avons vu
pour le Gabon et Mayotte, déférer au conseil de guerre les
crimes et délits ayant un caractère politique ou insurrec-
tionnel.
La loi annamite continuait à régler les contestations civiles
et commerciales entre Asiatiques ; elle était appliquée par les
anciens tribunaux indigènes; les indigènes pouvaient d'ail-
leurs déclarer qu'ils entendaient se soumettre à la loi fran-
çaise. Au point de vue des crimes et délits, la loi annamite
subsistait également vis-à-vis des indigènes, sauf dans l'éten
due du ressort des tribunaux français, ou quand ils étaien
soit commis de complicité avec des Européens, soit par des
(1) Déc. 1er mars 1879. — 12 juin 1883. — 28 juillet 1887. — 27 avril
1895.

— 155 —
Asiatiques au préjudice d'Européens. Les délits et contraven-
tions commis par les Européens étaient jugés par l'inspec-
teur des affaires indigènes.
171. Cette organisation dura peu : déjà modifiée en quel-
ques détails (14 janvier 1865-10 novembre 1866), elle le fut
complètement par un décret du 7 mars 1868, qui substitua
une cour impériale au tribunal supérieur : un procureur
général devint chef du service judiciaire. L'importance tou-
jours croissante de la colonie fit créer à Saigon une justice
de paix (1).
Mais le moment était venu où nos formes judiciaires
devaient être introduites dans l'administration de la justice
indigène. Rendue depuis le 14 janvier 1865 par les adminis-
trateurs avec faculté d'appel devant le gouverneur, elle fut,
par un décret du 7 novembre 1879, attribuée dans chaque
inspection à un administrateur spécial, et la connaissance des
appels fut déférée à la seconde chambre de la cour d'appel
de Saigon, composée d'un magistrat et de deux inspecteurs
des affaires indigènes.
Enfin, les décrets du 25 mai 1881 établirent en principe le
régime actuel, en organisant la justice française dans les pro-
vinces comme elle l'était déjà à Saigon. Les administrateurs
conservent le droit de statuer, par voie disciplinaire, sur les
infractions commises par les Annamites non citoyens français
et leurs assimilés. L'appel de ces décisions fut porté devant
le gouverneur en conseil privé.
Depuis 1881, l'organisation a été bien souvent modifiée :
tantôt des tribunaux de première instance ont remplacé, dans
les provinces, des justices de paix à compétence étendue, ou
inversement ; tantôt la composition de la cour d'appel ou des
tribunaux a été modifiée. Le dernier acte ayant un caractère
général est un décret du 16 octobre 1896.
Des modifications partielles ont été depuis lors apportées
à l'administration de la justice en Cochinchine, notamment à
l'organisation des justices de paix à compétence étendue et à
celle du tribunal de Saigon, par des décrets des 12 juillet 1897,
(1) Déc. lu mai 1875.

— 156 —
17 août 1897, 9 décembre 1897, 25 mars 1899, 18 avril 1901
et 10 novembre 1903. Un tribunal de commerce mixte a été
créé à Saigon par un décret du 9 août 1898.
La cour d'appel de Saigon est devenue, depuis les décrets
du 8 août, du 1er novembre 1901 et du 31 août 1905, la cour
d'appel de l'Indo-Chine : elle comprend quatre chambres, la
première et la deuxième siégeant à Saigon, la troisième et la
quatrième siégeant à Hanoï (nos 764 et suiv.).
171 bis. Au Cambodge, c'est un décret du 4 février 1881
qui a organisé la justice française en créant un tribunal à
Pnom-Penh, tribunal toujours rattaché à la cour d'appel de
Saigon. Cette organisation a été complétée par un décret du
6 mai 1898 (n05 7 6 5 et suiv.).
172. Dès le début de l'extension de Taction de la France en
Indo-Chine, un décret du 17 août 1881 créa des tribunaux
français, relevant de la cour d'appel de Saïgon, sur les ter-
ritoires ouverts aux Européens dans le royaume d'Annam,
Par le développement de notre protectorat, ces tribunaux
prirent une telle importance qu'une cour d'appel spéciale fut
créée à Hanoï le 13 janvier 1894. La compétence de la juri-
diction française, son fonctionnement furent réglés par un
décret du 15 septembre 1896. En outre de la cour d'appel,
elle comportait l'existence de deux tribunaux de première
instance l'un à Hanoï, l'autre à Haïphong.
Cette organisation a été modifiée par le décret du 6 août 1898
qui a supprimé la cour d'appel d'Hanoï et institué une cour
d'appel de l'indo-Chine. En outre, un décret du 21 dé-
cembre 1898 a institué à Hanoï et à Haiphong des tribunaux
mixtes de commerce; des décrets postérieurs ont créé des jus-
tices de paix à Tourane et à Nam-Dinh.
La justice indigène au Tonkin a été organisée par un décret
du 1er novembre 1901.
Enfin un décret est intervenu le 1er décembre 1902 pour
fixer, en ce qui concerne l'exercice de la justice en Annam,
au Tonkin et au Laos, certaines règles de compétence et de
procédure (nos 767 et suiv.),

— 157 —
§ 10. — Nouvelle-Calédonie
173. L'organisation de la justice résultant du décret du
28 novembre 1866 était semblable à celle créée en Cochin-
chine par le décret du 25 juillet 1864 ; cette organisation
dura jusqu'au 27 mars 1879, époque à laquelle un décret
augmenta le nombre des magistrats de chacun des deux tri-
bunaux de Nouméa ; le tribunal criminel fut formé par les
trois membres du tribunal supérieur et quatre assesseurs
désignés par le sort sur une liste de trente notables dressée
chaque année par le gouverneur.
L'action de la justice française était jusqu'alors concentrée
à Nouméa ; en outre, le tribunal de première instance con-
naissait des affaires de simple police. Il fallut songer à
dédoubler ces attributions et, en outre, à mettre la justice
plus à portée des nouveaux centres de colonisation; un décret
du 28 février 1882 créa une justice de paix ordinaire à Nou-
méa et trois justices de paix à compétence étendue à Bourail
(transférée a Canala par décret du 10 février 1883), à Ouegoa
et à Chepenéhé (îles Loyalty).
Enfin, le 15 novembre 1893 l'organisation judiciaire fut
complétée et un procureur général fut placé à la tête du ser-
vice (n° 770 et suiv.)
§ 11. — Etablissements de VOcéanie.
174. Une ordonnance du 28 avril 1843 avait confié l'admi-
nistration de la justice civile aux Marquises à deux tribunaux
de première instance composés du commandant particulier et
de deux fonctionnaires; et à un conseil d'appel composé du
gouverneur, du chef de service administratif et du chirurgien
en chef. En matière pénale, le conseil de guerre connaissait
de tous les crimes et délits commis par les Français et étran-
gers ou contre eux par les indigènes ; dans les autres cas, les
indigènes étaient jugés d'après les usages locaux.
175. A Tahiti, le gouvernement indigène conserva seul l'ad-
ministration de la justice jusqu'en J 865 ; le 14 décembre 1865,

— 158 —
une ordonnance de la reine Pomaré attribua aux tribunaux
français la connaissance des crimes, délits, contraventions,
ainsi que les contestations civiles autres que celles relatives
à la propriété des terres ; le commissaire du gouvernement
crut, par suite, pouvoir, par un arrêté du 27 décembre sui-
vant, créer des juridictions confiées à des officiers, fonction-
naires et notables de l'établissement, trois justices de paix, un
tribunal de première instance et un tribunal supérieur. Un
décret du 18 août 1868 régularisa cette situation illégale (1);
deux justices de paix à compétence étendue furent établies à
Taravao et à Anaa ; le tribunal de première instance de Papeete
y fit fonction de tribunal de simple police. Un juge président
composa à lui seul le tribunal supérieur. Un tribunal criminel
fut composé du juge président, du juge de première instance,
d'un membre du conseil de guerre et de deux assesseurs. Tous
les crimes ou délits ayant un caractère politique, purent être
déférés au conseil de guerre sur l'ordre du commandant.
Enfin, le décret du 1er juillet 1880, complétant le tribunal
supérieur par l'adjonction de deux juges, régla la situation
jusqu'au décret du 9 juillet 1890 en vigueur actuellement.
La juridiction indigène qui avait était maintenue pour' les
questions relatives à la propriété des terres fut complètement
supprimée par une déclaration de Pomaré V du 29 décem-
bre 1887, mais, pour pouvoir procéder à la liquidation des
affaires en cours, on a conservé provisoirement les tribunaux
locaux, la haute cour tahitienne, et confié au tribunal supérieur
les attributions de la cour de cassation tahitienne.
176. Les juridictions établies en 1843 aux Marquises avaient
été supprimées. Le cours de la justice y fut rétabli par un dé-
cret du 6 octobre 1882, qui y créa une justice de paix. Deux
autres justices de paix furent créées en même temps à Mooréa
et aux Gambiers. Enfin une justice de paix à compétence éten-
due a été instituée à Raiatea par un décret du 17 sep-
tembre 1897 (nos 773et suiv.).
(1) La cour de cassation déclara les jugements de ces tribunaux enta-
chés d'une nullité radicale. (Cas. civ. 2 juin 1869.)

— 159 —
§ 12. — Tribunaux spéciaux.
177. Les juridictions administrative, militaire et commer-
ciale existent naturellement aux colonies comme dans la mé-
tropole.
Antérieurement à la Révolution, les affaires relatives au con-
tentieux administratif étaient portées devant une commission
prise dans le Conseil du roi, ayant également pour mission de
proposer des règlements sur les matières contentieuses (1).
Pendant la période impériale, l'organisation de la justice admi-
nistrative locale fut laissée de côté et l'on retrouve même, à la
date du 22 fructidor an XIII, une lettre de Decrès au préfet
colonial de la Martinique, qui avait proposé de créer un con-
seil de préfecture (2), repoussant complètement cette proposi-
tion par le double motif que les innovations aux colonies ont
été dangereuses, que celle-ci coûterait cher et que l'intention
du gouvernement est simplement de rétablir le régime existant
en 1789. La connaissance des affaires contentieuses se trouva,
par suite de la suppression du conseil du roi, directement
déférée aux ministres jusqu'aux ordonnances constitutives des
colonies de 1825 et 1827, qui investirent le conseil privé des
attributions du contentieux administratif, attributions réglées
plus tard par l'ordonnance du 31 août 1828.
Enfin deux décrets du 5 août 1881 (pour les anciennes colo-
nies) et du 7 septembre 1881 (pour les autres) ont établi
l'organisation actuellement en vigueur.
178. Un tribunal spécial, dit tribunal terrier, avait été créé
à Bourbon par ordonnance royale du 25 septembre 1766 : il
était composé du gouverneur ou de son représentant et de
quatre conseillers désignés dans son sein par le conseil supé-
rieur ; il avait pour mission de juger toutes les contestations
que pourraient faire naître les concessions de terrain.
Maintenu, avec quelques modifications dans sa composition,
par arrêté du 3 germinal an XI, il fut supprimé par suite de
(1) Arrêt du Conseil, 8 février 1761.
(2) Ce refus s'appliquait en même temps à la création d'un tribunal
de commerce.

— 160 —
l'ordonnance organique du 21 août 1825 qui confia ces attri-
butions au conseil privé.
179. La justice militaire avait existé de fait dans les colo-
nies antérieurement à son établissement régulier ; c'est ainsi
qu'aux Antilles, par exemple, des conseils de guerre fonction-
nèrent avant le sénatus-consulte du 4 juin 1858, qui parait être
le premier acte relatif à la justice militaire aux colonies.
Des conseils de guerre ont été établis à cette époque par
application de ce sénatus-consulte et du décret du 21 juin
suivant, puis dans les nouvelles colonies au fur et à mesure
de leur développement.
180. Le service de la justice militaire dans les troupes colo-
niales a été organisé par un décret en date du 23 octobre 1903.
Un décret est intervenu, en outre, le 8 juillet 1905, en vue
de l'application aux colonies du code de justice militaire pour
l'armée de mer (n03 7 79 et suiv.).
181. Nous signalons pour mémoire les juges de l'amirauté,
qui furent établis dans toutes les colonies par règlement du
17 janvier 1717, pour connaître des causes maritimes. Suppri-
més à la Révolution, ils furent rétablis provisoirement en 1815
aux Antilles.
182. La justice consulaire n'a jamais été organisée dans les
anciennes colonies ; on y a conservé aux tribunaux ordinaires
la connaissance des affaires commerciales (1), mais il n'en a
pas été de même dans les colonies nouvelles. En Cochinchine,
l'organisation de la justice, par le décret du 25 juillet 1864,
comprit un tribunal de commerce, supprimé temporairement
en 1879 par suite de la difficulté de le composer (2). A Nouméa,
le tribunal de commerce a été, ainsi qu'en Cochinchine, ins-
titué en même temps que les juridictions civile et pénale (3).
En outre, l'importance des affaires commerciales a fait créer
des tribunaux de commerce, le 24 février 1881 à Saint-Pierre
et Miquelon, et le 14 décembre 1865 à Tahiti. Mais en Océanie
et en Nouvelle-Calédonie la composition ordinaire des tribu-
naux de commerce fut modifiée (Tahiti, 1er juillet 1880, Nou-
(1) L. 7 décembre 1860, art. 3.
(2) Arr. loc. du 9 janvier 1879.
(3) Déc. 28 novembre 1866.


— 161 —
méa, 28 février 1382) de manière à y introduire, à côté des
négociants, un des membres de la magistrature.
Cette organisation a dans la suite encore été sensiblement
transformée. Les tribunaux de commerce de Saint-Pierre et
Miquelon et de Tahiti ont été supprimés. D'autre part des tri-
bunaux mixtes de commerce ont été institués à Saigon, à
Hanoï et à Haiphong par des décrets des 9 août et 21 décem-
bre 1898 (nos 742 et suiv.).
DEUXIÈME PARTIE. — Législation.
183. Antérieurement à la Révolution, les colonies étaient
régies par des actes aussi variés par leur forme que par leur
provenance. Un arrêt du Conseil du 19 décembre 1761 avait
prescrit l'établissement d'une commission pour codifier et
régulariser cette législation ; celle-ci vint se heurter à des diffi-
cultés presque insurmontables à cette époque. L'édit de 1634,
relatif aux Antilles, avait prescrit de juger suivant la coutume
de Paris ; l'édit de mars 1711, relatif à Bourbon, rendait
applicables : au civil, l'ordonnance de 1667 et la coutume de
Paris ; au criminel, l'ordonnance de 1670. Mais un certain
nombre de lois métropolitaines, et des plus importantes,
n'étaient pas suivies aux colonies (1).
D'autre part, les conseils souverains avaient, en vertu du
règlement du 4 novembre 1671, le droit de faire des règle-
ments et ordonnances de police, en entendant ce terme dans
une très large acception; plus tard ce droit passa aux gouver-
neurs, par l'ordonnance du 23 septembre 1683 ; dans le cas
où les conseils souverains s'opposaient à l'enregistrement, ces
ordonnances étaient provisoirement exécutoires jusqu'à déci-
sion royale; enfin, les ordonnances des 24 avril 1763 et
1er février 1766, augmentant encore les pouvoirs des gouver-
neurs, leur permirent de faire des règlements sans que les
conseils souverains pussent même faire des objections à l'en-
registrement.
(1) Par exemple, l'ordonnance de 1735 sur les testaments.
COLONIES, I.
1
1

— 162 —
84. 0n comprend qu'au milieu d'une législation émanant
d'autorités aussi diverses, il fût difficile d'établir un corps de
doctrine. Cette difficulté était d'autant plus grande que, dans
une même colonie, il y avait des lois différentes pour les gens
libres, les esclaves, etc. : dans l'Inde, les Français étaient
régis, en matière civile, par l'ordonnance d'avril 1667 ; en
matière pénale, par celle d'août 1670; les indigènes restaient
soumis à la loi de Manou,sauf en ce qui concernait les affaires
criminelles (1).
185. Lors de la publication en France des différents Codes,
on se préoccupa d'apporter la même régularité dans la légis-
lation coloniale ; c'est ainsi que le ministre, par une dépêche
du 17 ventôse an XIII, prescrivit au gouverneur de la Marti-
nique de rendre exécutoire le Code civil sous les réserves
qu'exigerait l'organisation de la colonie ; ce Code fut promulgué
le 16 brumaire an XIV, avec quelques modifications résultant
surtout de l'esclavage.
Λ la Guadeloupe, le Code civil fut rendu applicable, avec
des modifications, par arrêté des trois magistrats, le 7 bru-
maire an XIV ; les Codes de procédure civile et de commerce,
le 15 août 1808.
A la Réunion, les événements militaires avaient pris, dans
les préoccupations du gouvernement, le pas sur les questions
de législation, et ce fut le général Decaen qui, de sa propre
initiative, promulgua le Code civil, les 17 et 23 octobre 1805.
A la Guyane, le Code civil a été promulgué avec modifica-
tions par ordonnance coloniale du 1er vendémiaire an XIV;
les Codes de procédure civile, d'instruction criminelle et le
Code pénal ne furent promulgués qu'après 1820.
Au Sénégal et dans les « dépendances » du Sénégal, un arrêté
du gouverneur avait appliqué, en 1820, un Code de procédure
civile réduit à quelques articles ; en 1832, un nouvel arrêté
promulgua le Code civil avec de nombreuses modifications.
Quant aux Codes pénal et d'instruction criminelle, une ordon-
nance du 29 mars 1836 avait rendu applicable les modifica-
tions apportées, en 1832, à la législation métropolitaine ; mais
(1) Règl. 30 décembre 1769.

— 163 —
celle-ci, elle-même, n'ayant jamais été promulguée, il fallut
qu'une nouvelle ordonnance du 14 février 1838 vint régulari-
ser cette situation.
Dans l'Inde, une déclaration du gouverneur du 13 décem-
bre 1818, lors de la reprise de possession, avait promis aux
indigènes qu'ils conserveraient leur liberté religieuse. C'était
là un obstacle à l'application des lois françaises : aussi la pro-
mulgation des Codes, le 6 janvier 1819, fut-elle faite sous la
réserve : 1° que rien ne serait modifié aux prescriptions résul-
tant des règlements et édits en vigueur, ce qui restreignait
naturellement beaucoup l'application des Codes (1); 2° que les
Indiens chrétiens, maures, ou gentils, seraient jugés, comme
par le passé, suivant les lois, usages et coutumes de leur
caste.
A Madagascar, on a considéré que, du jour où l'île était
devenue colonie française, toutes les lois compatibles avec les
circonstances locales y étaient devenues applicables de plein
droit et sans promulgation spéciale (n° 2G7 bis).
A Madagascar du reste, comme dans nos possessions les
plus récemment acquises, cette application de nos différents
codes s'est trouvée confirmée par les décrets qui ont organisé
le fonctionnement de la justice française.
183. Le désir de rapprocher autant que possible la législa-
tion coloniale de la législation métropolitaine s'affirma dans
les premiers actes d'organisation du gouvernement de la Res-
tauration ; c'est ainsi que l'ordonnance du 22 novembre 1819
prescrivit de reprendre les travaux commencés relativement
à la mise en vigueur, dans les établissements d'outre-mer, des
dispositions des Codes, mais sans parti pris d'assimilation
complète, là où cela n'était pas possible.
Avant de déclarer
une loi applicable aux colonies, à toutes les colonies, on
• recherchait quelles pouvaient être les conséquences de cette dis-
position législative. L'ordonnance du 30 septembre 1827 rela-
tive à l'administration de la justice à Bourbon, déclarait que
la colonie serait régie par le Code civil, le Code de procé-
dure civile, le Code de commerce, le Code d'instruction cri-
(1) V., pour les dispositions anciennes encore applicables, Laude, Re-
cueil de législation, p. 12.

— 164 —
minelle, le Code pénal, modifiés et mis en rapport avec les
besoins.
187. Ce n'est que peu à peu que cette œuvre put être menée
à bonne fin; nous indiquons, dans le tableau ci-contre, les
dates des actes législatifs ou réglementaires qui ont rendu
successivement les Codes applicables aux colonies.
ARTICLE 7. — Instruction publique.
§ 1. — Instruction primaire.
188. On retrouve en 1684 la trace de la création d'écoles à
la Martinique; elles avaient, déjà, pris sans doute un certain
développement en 1718, car une ordonnance locale du 9 no-
vembre de cette année, voulant mettre l'instruction aux mains
du clergé, défend d'établir aucune école sans l'autorisation du
juge et l'acquiescement du curé. Des lettres patentes du 20 sep-
tembre 1768 établirent à Fort-Royal (Fort-de-France) une
école de garçons; enfin d'autres lettres patentes du 3 mars 1750
et un arrêt du conseil supérieur du 10 septembre 1764 orga-
nisèrent des écoles de filles.
C'étaient des établissements confiés, pour les garçons, à une
société de laïques; pour les filles, aux dominicaines et aux
filles de la Providence; ces dernières, association libre (1),
étant sous l'autorité du supérieur des capucins, la lutte entre
les deux ordres se continuait sur le terrain de l'enseignement.
Plusieurs des écoles étaient constituées comme des établisse-
ments d'utilité publique, gérées par un conseil d'administra-
tion.
A la Guadeloupe, il n'existait, avant la Révolution, que de
petites écoles élémentaires, régies par des ordonnances du
gouverneur général des 4 juin 1684 et 9 novembre 1718 : il y
avait des écoles différentes pour les enfants de race blanche et
de couleur; les esclaves ne recevaient que l'instruction reli-
gieuse. Toutes les écoles disparurent à la Révolution ; ce fut
(1) Les statuts de cette association sont très intéressants à étudier.
V. Dessalot, Annales du conseil souverain de la Martinique, t. n.


— 166 —
après 1830 seulement qu'on s'occupa de nouveau de l'instruc-
tion : une école primaire, dite école d'enseignement mutuel,
fut ouverte à la Basse-Terre pour les enfants des personnes
libres. Mais l'enseignement tomba bientôt entre les mains du
clergé, et, en 1838, les frères de Ploërmel (institutions de l'abbé
de Lamennais) arrivèrent à la Guadeloupe ; les premiers éta-
blissements pour les filles furent ouverts en 1840 par les sœurs
de Saint-Joseph de Cluny.
Λ la Réunion, le premier acte relatif à l'instruction est une
ordonnance du gouverneur, du 27 mars 1690, prescrivant
l'enseignement obligatoire, mais uniquement au point de vue
des connaissances religieuses (1). Un collège annexé au sémi-
naire fonctionna de 1759 à 1770; à sa suppression, on voulut
créer une école clans chacun des huit quartiers de l'île ; mais ce
projet ne fut réalisé, et pour peu de temps d'ailleurs, que dans
cinq d'entre eux. En 1817 des écoles publiques furent établies
à Saint-Benoît, à Saint-Denis, à Saint-Paul, puis à Saint-Pierre.
Quand à l'éducation des filles, en outre d'établissements privés
créés depuis 1790, une école fut organisée à Saint-Paul en
1817.
189. Le gouvernement républicain ne pouvait manquer de
rechercher les moyens de donner aux colonies l'instruction qu'il
s'efforçait de répandre si généreusement en France. La Cons-
titution coloniale du 12 nivôse an VI prescrivit aux agents du
Directoire d'organiser l'instruction le plus complètement pos-
sible, mais les progrès réalisés furent très lents.
Le gouvernement de juillet essaya de développer l'instruc-
tion aux colonies, mais c'est, ainsi qu'on le croyait nécessaire
à cette époque, à des religieux qu'il s'adressa; les frères de
Ploërmel et les sœurs de Saint-Joseph furent appelés dans nos
différents établissements, en nombre très restreint (2) ; le bud-
get métropolitain payait cette dépense. C'est à l'ordonnance
de 1846 qu'il faut arriver pour rencontrer un commencement
d'organisation ; cette ordonnance ne s'appliquait d'ailleurs
qu'aux jeunes esclaves et avait pour but plutôt le dévelop-
(1) V.. au sujet du développement de l'instruction à la Réunion, un
article de M. Brunet, procureur général (Revue mar. et col., 1884).
(2) V. rapport au roi, 6 novembre 1839 ( Ann. mar. et col., p. 1062).

— 167 —
pement de la religion catholique que celui de l'instruction.
Le décret du 27 avril 18 4 8 ordonna, comme conséquence
nécessaire de l'émancipation, la création, dans chaque com-
mune, d'écoles élémentaires et édicta l'obligation de l'instruc-
tion, avec sanction pour les pères de famille d'une pénalité de
un à quinze jours de prison. Une école normale des arts et
métiers dut être établie dans chaque colonie (1).
Les prescriptions de ce décret ne furent guère exécutées;
lors de la création des évêchés coloniaux, on voulut donner au
pouvoir ecclésiastique la haute main dans les questions d'ins-
truction et l'évêque eut entrée au conseil privé chaque fois que
ces questions y étaient évoquées.
Pendant cette période, le nombre des écoles augmenta très
lentement.
190. Mais le développement de l'instruction primaire dans
les colonies prit un essor rapide dès l'avènement du régime
républicain, et surtout depuis que la direction de cet important
service fut confiée à un chef spécial; c'est un progrès qui fut
réalisé dès 1880 à la Réunion, deux ans plus tard à la Martinique.
Le chef du service de l'instruction publique, devenu indépen-
dant du directeur de l'intérieur par les décrets des 2 mars 1880
(Réunion), 21 septembre 1882 (Martinique), put discuter en con-
seil privé les questions relatives au service de l'enseignement.
On retira aux évêques (2) le droit qui leur avait été accordé
en 1851 de prendre part à la discussion des affaires intéres-
sant l'instruction publique. Depuis, un décret du 24 juillet 1895
a supprimé les vice-recteurs, mais les proviseurs de lycée sont,
comme à la Guadeloupe, chefs du service de l'instruction
publique.
Des écoles normales primaires, ou des cours normaux d'ins-
tituteurs, furent créés à la Réunion par décret du 24 avril 1883,
à la Martinique et à la Guadeloupe par arrêtés locaux du
15 septembre 1883 et du 26 décembre 1891. L'école normale
primaire de la Réunion, dont les résultats n'avaient pas été
aussi satisfaisants qu'on le pouvait attendre, a été supprimée
(1; Une de ces écoles, la seule peut-être, fut établie à Cayenne ; sup--
primée en 1852, elle fut rétablie en 1873
(2) Déc. 25 mai 1882.

— 168 —
par un décret du 17 août 1897 et remplacée par un cours
normal institué au lycée de la Réunion.
Actuellement, le développement de l'instruction primaire, aux
Antilles et à la Réunion, se poursuit normalement. Un décret
3a date du 23 août 1902 a déterminé le texte des lois métro-
politaines sur l'enseignement primaire applicable à la Marti-
nique, à la Guadeloupe et à la Réunion. Des arrêtés ministé-
riels du 8 janvier 1903 et du 23 juillet 1904 ont complété cette
organisation.
Enfin le personnel des inspecteurs primaires, aux Antilles et
à la Réunion, a été réorganisé par un décret du 24 mai 1898
(nos 568 et suiv.).
191- Dans les autres établissements, le mouvement n'a été
ni moins rapide ni moins intéressant à suivre. A la Guyane, où
il n'existait guère autrefois qu'un collège religieux créé en 1848
et un pensionnat de jeunes filles organisé en 1830, la gratuité
de l'enseignement primaire a été proclamée le 31 décembre
1875 et huit écoles ont été successivement fondées, soit à
Cayenne, soit dans les communes. Le 30 octobre 1889 l'ensei-
gnement primaire y était complètement organisé.
Au Sénégal il existait, en 1817, à Saint-Louis, une école
fondée probablement sous l'occupation
anglaise; pendant
longtemps elle donna seule l'instruction à quelques enfants
d'Européens. Actuellement, au Sénégal et dans nos autres
possessions de l'Afrique occidentale, l'instruction publique est
organisée par un arrêté du Gouverneur général, du 24 novem-
bre 1903. Elle comporte un enseignement primaire, un ensei-
gnement primaire supérieur et un enseignement professionnel.
A Saint-Pierre et Miquelon les premières écoles communales
de garçons remontent à 1842 ; depuis cette époque on en a
créé, pour les garçons et pour les filles, à Saint-Pierre, à Mique-
lon et a l'ile aux Chiens : le 10 septembre 1891 la loi sur
l'obligation de l'instruction primaire.a été rendue applicable.
L'instruction primaire est actuellement organisée dans cette
colonie par un décret du 21 juin 1903.
Dans l'Inde où, dès 1827 (arrêté du 1er février), des écoles
gratuites avaient été ouvertes pour les natifs, le régime de
l'instruction publique fut fixé par une ordonnance royale du
30 septembre 1843, qui créa une commission spéciale dans chaque

— 169
établissement. L'obligation de l'enseignement primaire a été
étendue à l'Inde par le décret du 1er février 1893. Un décret
du 24 mai 1898 a complété cette organisation.
A Tahiti, les écoles établies par les missionnaires protestants
furent réorganisées par un arrêté du 20 août 1860; un arrêté
du 7 novembre 1857 avait créé une école de filles, où la
langue française seule pouvait être enseignée (1). Une com-
mission scolaire fut établie le 22 janvier 1863.
Mais c'est surtout dans les colonies nouvelles que ce mou-
vement s'est accentué dès le début de l'occupation. En Nou-
velle-Calédonie, dès 1859 (24 mai), des écoles publiques étaient
instituées pour les garçons et pour les filles; une école pro-
fessionnelle était établie en 1862 à la direction d'artillerie et,
le 19 novembre 1862, une décision du gouverneur faisait pré-
parer un projet d'organisation de l'instruction publique. Ce
projet fut appliqué peu à peu. Plus récemment, un décret du
23 août 1902 a réorganisé l'enseignement primaire en Nouvelle-
Calédonie.
En Cochinchine, dès 1862, on s'occupa d'organiser l'instruc-
tion publique en français; des écoles libres ecclésiastiques
s'étaient créées dans la colonie; des bourses furent accordées
aux jeunes gens indigènes à l'école franco-annamite de l'evêque
d'Adran (15 janvier 1862), et aux jeunes filles à l'école de la
Sainte-Enfance (30 janvier 1863). Enfin le 18 février 1868 une
institution municipale laïque fut ouverte à Saigon et l'organi-
sation scolaire fut complétée par la création d'une école
normale le 10 juillet 1871.
192. Les indigènes ne furent pas oubliés dans cette œuvre
de progrès. Nous avons déjà parlé de Tahiti et de la Nouvelle-
Calédonie; nous signalerons particulièrement la création d'é-
coles à Mayotte par arrêté du 19 février 1851, d'écoles musul-
manes au Sénégal par arrêté du 22 juin 1857.
En Cochinchine un arrêté du 31 mars 1863 avait organisé
l'instruction publique indigène sur les mêmes bases qu'avant
la conquête; un second arrêté du 16 juillet 1866 créa des
(1) Dès 1857, une loi tahitienne avait proclamé l'obligation de l'ensei-
gnement et prescrit les punitions à inlliger aux enfants absents des
classes.

— 170 —
écoles dites de caractères, où l'on enseigne la langue annamite
écrite en caractères français (Quoc-ngu) : le ο juin 1868 fut
décidée la rédaction d'une grammaire annamite-française. Ces
écoles de caractères furent un acheminement aux écoles fran-
çaises établies maintenant dans tous les centres importants de
la colonie.
Cette organisation de l'enseignement primaire ne cesse de
se développer de même dans nos autres possessions de l'Indo-
Chine, où une direction générale de l'instruction publique a
été instituée, ainsi qu'à Madagascar. Dans toutes nos pos-
sessions les divers services d'enseignement ont été laïcisés
(nos 568 et suiv.).
§ 2. — Instruction secondaire.
193. En 1793 on s'était préoccupé de l'instruction secondaire
aux colonies et on avait projeté la création d'un lycée à l'île
de France (1) : l'année suivante un collège national fut créé à
la Réunion, mais il n'eut qu'une courte existence et disparut
le 22 brumaire an VI, la colonie ne pouvant plus subvenir aux
dépenses. En 1818 une ordonnance locale du 24 décembre
organisa un collège royal qui a toujours prospéré depuis.
Dès 1842, un règlement du 19 septembre lui appliquait le
plan d'études de la métropole, et un arrêté ministériel du
22 août 1866 décidait que l'instruction y serait donnée par
des professeurs pris dans le corps enseignant métropolitain.
Λ la Martinique, une décision du gouverneur du 22 octobre
1810 avait autorisé un instituteur à créer un pensionnat colo-
nial à Saint-Pierre; le décret du 27 août 1848 avait prescrit
la création d'un lycée à la Guadeloupe, mais cette prescription
ne fut pas exécutée.
Des établissements privés d'instruction secondaire, des sémi-
naires-collèges existaient à la Martinique (2) et à la Guade-
(1) Lettre du ministre au président de la Convention, 23 mars 1793.
(2) Le collège Saint-Victor, fondé eu 1750, et où se donnait en partie
l'enseignement secondaire, avait été fermé do 1790 à 1810 et supprimé
définitivement le 18 juin 1818. 11 existait, avant l'organisation du lycée


— 171 —
loupe (1); un arrêté local du 6 décembre 1880 a créé un lycée
à Saint-Pierre (Martinique), et un décret du 17 mai 1833, un
lycée à la Pointe-à-Pitre (Guadeloupe). L'enseignement secon-
daire spécial a été organisé dans les trois colonies par un
décret du 24 août 1891. Plus récemment, deux décrets en date
du 17 septembre 1902 ont réorganisé l'enseignement dans les
lycées de la Guadeloupe et de la Réunion. Un décret du
1er avril 1903 a, en outre, depuis la catastrophe du mont Pelé,
reconstitué à Fort-de-France le lycée de la Martinique, qui était
établi à Saint-Pierre, où il avait pris le nom de lycée Schœl-
cher. Enfin un décret du 19 mai .1900 a organisé le régime
financier des lycées coloniaux (n03 559 et suiv.).
Des cours secondaires ont été organisés, par arrêtés locaux,
à la Guyane le 7 février 1881 (2), au Sénégal le 28 avril 1883,
à Saint-Pierre et Miquelon au mois de janvier 1872 (création
d'un collège) (3).
Dans l'Inde, un collège royal établi à Pondichéry par un
arrêté du 26 octobre 1826 fut organisé par l'ordonnance royale
du 30 septembre 1843.
Enfin des bourses dans les lycées de la métropole ont été
accordées depuis l'an VI aux jeunes créoles (4). Le budget
métropolitain (Instruction publique) supporte parfois une partie
de cette charge (5) ; c'est peut-être le seul cas où une dépense
coloniale ou locale soit payée par la métropole, sur un budget
autre que celui du ministère des colonies.
194. Les résultats des études faites dans les établissements
d'instruction secondaire coloniaux devaient pouvoir être cons-
quatre établissements libres d'instruction secondaire, mais le séminaire
seul, créé en 1832, la donnait complète.
(1) Un collège, dit pensionnat de Saint-François, avait existé à la
Basse-Terre de 1833 à 1837 ; en outre, les externats des frères de Ploër-
mel, au Moule et à la Pointe-à-Pitre (1858). un petit séminaire diocé-
sain (1852) furent, jusqu'à la création du lycée, les seuls établissements
d'instruction secondaire.
(2) Un décret du 4 janvier 1894 a transformé l'école d'enseignement
primaire supérieure de Cayenne en collège d'enseignement secondaire
moderne.
(3) Ce collège a été supprimé par un décret du 21 septembre 1899.
(4) L. 12 nivôse an VI, art. 86.
(5) V. Dec. 2 juillet 1878, créant trois bourses pour les jeunes créoles
du Sénégal.

— 172 —
talés sans obliger les jeunes créoles à venir passer des
examens dans la métropole. Un décret du 23 décembre 1857
créa dans les trois anciennes colonies (1) des commissions fai-
sant passer des examens identiques à ceux du baccalauréat.
Sur le vu des procès-verbaux d'examen, le gouvernement
délivrait des brevets de capacité ; ces brevets ne pouvaient
être transformés en diplômes universitaires, mais permet-
taient cependant au titulaire de prendre les quatre premières
inscriptions près les facultés de droit et de médecine. Un
nouvel avantage fut accordé aux créoles, par le décret du
26 octobre 1871, qui autorisa l'échange du brevet contre le
diplôme de bachelier dans certaines conditions. Dès 1875 (2)
l'examen dut être passé comme dans la métropole et les jurys
d'examen furent, le 27 août 1882, reconstitués de manière à
présenter une compétence suffisante (3).
§ 2. — Enseignement supérieur.
195. Les seuls établissements d'enseignement supérieur
existant aux colonies sont : 1° l'école de droit de Pondichéry,
créée par arrêté du gouverneur du 24 février 1876 et orga-
nisée par décret du 1er janvier 1880 ; 2° l'école préparatoire à
l'enseignement du droit de Fort-de-France, constituée par
décret du 20 janvier 1883. Nous indiquerons plus loin (n° 558)
le mode de fonctionnement de ces établissements et la manière
dont a été fixée l'équivalence des diplômes qu'ils délivrent.
Il y a lieu de mentionner, en outre, les cours de médecine
institués en Indo-Chine et à Madagascar, et l'école française
d'Extrême-Orient, organisée par un décret du 26 février 1901.
Cet établissement est institué dans un but archéologique et philo-
logique, sous l'autorité du gouverneur général de l'Indo-Chine
(1) Les dispositions de ce décret furent étendues à l'Inde le 10 no-
vembre 1863.
(2)
V. Déc. 2 avril 1875. — 11 décembre 1880.
(3) Certaines modifications, apportées aux épreuves écrites du bacca-
lauréat
de l'enseignement secondaire
classique,
ont été déclarees
applicables daus les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de
la Réunion par un décret du 24 janvier 1897 n° 567).

— 173 —
et sous le contrôle scientifique de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres (n° 538 bis).
ARTICLE 8 . — Cultes.
196. Lors de la création des colonies, l'un des buts pour-
suivis avait été de propager la religion catholique (1) ; l'édit
de mars 1642 relatif aux Antilles défendait l'exercice de toute
autre religion, aussi les missionnaires des divers ordres s'y
donnèrent-ils rendez-vous. Le 12 juillet 1635 le pape accordait
des pouvoirs spirituels aux dominicains pour évangéliser les
Antilles; les lettres patentes de mai 1650 établirent des reli-
gieux carmes; enfin d'autres lettres patentes de juillet 1651
accordèrent aux jésuites, arrivés à la Martinique depuis deux ans,
des avantages considérables, notamment une pension annuelle
de 5,000 livres et le droit exclusif de chasse et de pèche. Peu
de temps après on se préoccupa de constituer des évéchés; une
lettre du roi au comte de BlénaC, du 30 avril 1681, lui fait part
des démarches entreprises dans ce but auprès de la cour de
Rome ; ce projet échoua. Il est probable que la question d'ar-
gent en fut la cause, car dans cette même lettre le roi invite
le gouverneur à chercher les moyens de faire payer la dime
aux habitants en faveur du clergé ; on n'y parvint sans doute
pas.
Celte création d'un évêché français n'eût pas été pourtant
sans utilité, car les évêques étrangers voisins élevaient des
prétentions à exercer une action dans nos colonies ; mais le
clergé résista à ces prétentions (2) et les Antilles françaises
continuèrent à être dirigées, au point de vue ecclésiastique,
par des préfets apostoliques.
197. Le clergé des Antilles se signalait par des habitudes
de nature à produire un effet peu satisfaisant sur les popula-
(1) V. en particulier : Édit 28 mai 1664, art. 1.
(2) Notamment à la Martinique, en 1696, vis-à-vis de l'évêque des
Antilles espagnoles. En 1716, un mémoire royal rappelle que ces évêques
N'ont aucune juridiction, que les supérieurs de chaque orde
ont des
pouvoirs directs émanant du pape.

— 174 —
tions que l'on voulait catéchiser : le gouverneur fut invité à
y apporter ses soins : « Il empêchera, disent les instructions
« du roi au sieur de la Varenne, du 17 août 1716, autant
« qu'il pourra, les démêlés entre les religieux qui desservent
« les cures et qui vont quelquefois à un point (particulière-
« ment parmi les capucins) que cela scandalise les peuples
« qu'ils ne doivent au contraire chercher qu'à édifier. »
La constitution d'un pouvoir ecclésiastique relevant de l'au-
torité métropolitaine présentait de sérieuses difficultés ; le
gouvernement pontifical ne s'y prêtait pas volontiers et le
clergé régulier opposait une résistance qui se comprend aisé-
ment. Ce fut en 1763 seulement que ce projet put être réalisé :
des lettres patentes du 29 août 1763 prescrivirent que les fonc-
tions de préfet apostolique ne pourraient être exercées que
par un prêtre séculier ou régulier, né Français ; que les ecclé-
siastiques, nommés par le pape à ces fonctions, prendraient
des lettres d'attache du roi. Nul prêtre, même séculier, ne
pouvait exercer son ministère sans être agrégé à une mis-
sion.
Il y avait, au moment de la Révolution, quatre préfets apos-
toliques : un à Saint-Domingue, un à Saint-Pierre et Miquelon,
un à la Martinique (pour les îles du Vent), un à Cayenne.
Toutes ces préfectures furent supprimées le 10 septem-
bre 1792.
Quand en 1802 le culte catholique fut rétabli dans la métro-
pole, il le fut également aux colonies ; les préfets apostoliques
se réinstallèrent d'eux-mêmes. A la Martinique, il y en eut
deux : l'un de la mission des capucins, l'autre de la mission
des dominicains. On voulut, au commencement de l'Empire,
y supprimer le litre de préfet apostolique et le remplacer par
celui de supérieur ecclésiastique, confié à un seul prêtre, le
supérieur des dominicains ; à la mort du préfet apostolique des
capucins, en 1805, ce régime fut appliqué et il n'y eut plus dès
lors. qu'un seul supérieur ecclésiastique relevant de l'arche-
vêque de Paris.
198. A la Réunion, le culte catholique fut exercé par des
missionnaires de passage jusqu'en 1714, époque où une con-
vention fut passée avec les lazaristes : leur supérieur était
préfet apostolique et relevait de l'archevêque de Paris. Cette

— 175 —
situation se maintint sans difficulté jusqu'à la création de
l'évéché (1).
A la Guyane, les jésuites s'étaient, en vertu de lettres pa-
tentes de juillet 1651, installés dès 1653 et avaient pris une
influence considérable; le 1er janvier 1674 ils furent chargés
du service religieux de la colonie; en décembre 1731, la mis-
sion fut érigée en préfecture apostolique (2). A la suite de
l'arrêt du 6 août 1762 les jésuites furent dispersés (3); ils re-
vinrent en 1777 et partirent définitivement en 1790. Les prê-
tres du Saint-Esprit arrivèrent à la fin de 1775.
Dans l'Inde, les jésuites s'établirent dès 1691, et des lettres
patentes de mars 1695 prescrivirent aux officiers du roi de
leur donner aide et protection aussi complètes que possible.
Des capucins s'étaient parallèlement installés dans nos établis-
sements et les difficultés ne tardèrent pas à s'élever entre les
deux ordres. Le patriarche d'Antioche in partibns, légat du
pape dans l'Inde, crut avoir le droit de régler une contestation
entre eux: sur la réquisition du procureur général, le conseil
souverain décréta l'abus contre celte semonce. Ces rivalités
subsistèrent jusqu'à nos jours entre le préfet apostolique et
le vicaire apostolique de Pondichéry. A la suite d'un arran-
gement signé à Rome le 1er septembre 1886, un décret du
21 juin 1887 abrogea l'ordonnance du 11 mai 1828. La préfec-
ture apostolique fut supprimée et le vicariat transformé en
archevêché, mais il a été prescrit que le titulaire de cet arche-
vêché devrait toujours être Français.
(1) On trouve à la date du 7 prairial an XII un décret relatif aux mis-
sions étrangères qui donne au directeur des missions le titre de vicaire
général pour les îles de France et de la Réunion ; le chef de la mission
dans les îles était provicaire général. Cette situation ne paraît pas avoir
duré longtemps.

(2) V. Déc. 13 messidor an X.
(3) Nous n'avons pu retrouver la date exacte du départ des jésuites
en temps qu'ordre constitué ; toutefois, il semble que cette date doive
être fixée à 1766, époque à laquelle on cesse de trouver trace de cet
ordre dans les archives du conseil supérieur. Le 2 janvier 1764, en vertu

de lettres patentes du 3 juin 1763, leurs biens sont saisis au profit de
leurs créanciers de France; le 11 mars 1766, le couseil supérieur décide

que chacun d'eux recevra un capital de 15,000 livres ; mais ce même
acte constate que quelques jésuites restèrent dans la colonie et y rem-
plirent des fonctions ecclésiastiques.


— 176 —
A Saint-Pierre et Miquelon, le curé de Saint-Pierre reçut,
on 1772, le bref de préfet apostolique; lorsqu'on rétablit, le
31 octobre 1821 (pour la Martinique et la Guadeloupe), le ti-
tre de préfet apostolique, on ne prit aucune disposition spé-
ciale pour Saint-Pierre et Miquelon et le titre de supérieur
ecclésiastique est resté seul en vigueur.
199. Le régime concordataire fut-il appliqué aux colonies?
On trouve à ce sujet aux Archives un arrêté des consuls du
25 germinal an XI qui prescrit l'exécution de la loi du 18
germinal an X à la Martinique et à Sainte-Lucie. La minute
de cet arrêté est signée par les consuls, mais n'est pas contre-
signée par le ministre : il est donc probable qu'il n'a jamais
été promulgué. Ce qui tend d'ailleurs à faire supposer que ce
fut un projet abandonné, c'est que Decrès, le 20 ventôse an XI,
écrivant au préfet colonial de la Martinique pour lui faire
part des dispositions qu'il propose à ce moment au gouverne-
ment pour l'organisation religieuse, fait remarquer que la pro-
position de la colonie de créer un évéché lui paraît extrême-
ment délicate et qu'il l'ajourne.
En ce qui concerne la Guadeloupe, l'ordre de faire exécu-
ter le concordat se trouve dans une lettre du ministre au pré-
fet du 17 messidor an X.
200. Pendant la période impériale, l'organisation religieuse
résultant pour la Martinique et Sainte-Lucie de l'arrêté consu-
laire du 13 messidor an X, pour toutes les autres colonies de
l'arrêté du 12 frimaire an XI, comportait des supérieurs ecclé-
siastiques, séculiers ou réguliers, nommés par le gouverne-
ment, recevant du pape leur mission épiscopale et de l'arche-
vêque de Paris leur mission ordinaire, révocables par le gou-
vernement. Ils nommaient les curés, mais ces nominations de-
vront être agréées par le capitaine général : les curés étaient
an ovibles.
Ce régime subsista jusqu'à l'ordonnance du 31 octobre
1821 (t) qui rétablit le titre de préfet apostolique.
La congrégation du Saint-Esprit était chargée spécialement
du recrutement des prêtres du clergé colonial; rétablie par un
(1) Cette ordonnance fut publiée en France, seulement le 8 juin 1831.

— 177 —
décret du 13 vendémiaire an IV, supprimée en 1809, elle
avait été une seconde fois rétablie le 3 février 1816 pour assu-
rer, de concert avec les lazaristes et les prêtres des missions
étrangères (rétablis le 2 mars 1815), le service religieux des
colonies.
La période de réaction qui suivit de près la révolution de
1848 amena la création des évêchés que jusqu'alors on avait
toujours hésité à constituer. Le décret du 18 décembre 1850
établit trois évêchés : à Fort-de-France (1), à la Basse-Terre
et à Saint-Denis et les rattacha à l'archevêché de Bordeaux.
Le séminaire du Saint-Esprit continua à servir provisoirement
de grand séminaire pour les trois colonies.
201. La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation
des Églises et de l'Etat est applicable aux colonies, mais dans
des conditions qui seront déterminées par un règlement d'ad-
ministration publique.
ARTICLE 9. — Communications avec la métropole.
Paquebots. Postes. Télégraphes.
§ 1. — Paquebots.
202. Lorsqu'à la suite du traité de Paris, on chercha à don-
ner un nouvel essor à nos possessions d'outre-mer, le gou-
vernement se préoccupa d'assurer leurs communications avec
la métropole, et l'ordonnance du 25 mars 1763 prescrivit
(art. 19) que chaque mois il partirait de Rochefort un paquebot
pour les colonies. Un arrêt du conseil du 14 décembre 1786
développa ce service et un règlement du 10 novembre sui-
vant fixa le prix des passages (î). Après ta perte de la plus
(t) Transféré à Saint-Pierre ( Déc. 31 octobre 1853).
(2) Le paquebot des Antilles partait le 1er de chaque mois, alternati-

vement du Havre et de Bordeaux et touchait à Saint-Pierre (Martinique),
où il faisait une escale de cinq jours, et à la Basse-Terre (trois jours),

puis au cap Français (Saint-Domingue), et revenait par la même route;
il devait être de retour après quatre mois. Le passage à la table du
capitaine coûtait 600 livres. Pour Bourbon, le prix du passage, dans les

mêmes conditions, était de 1,200 livres.
COLONIES, I.
12

— 178 —
grande partie de nos colonies, on laissa de coté ces services
réguliers : les communications furent assurées par des navires
de guerre ou de commerce partant à intervalles indéterminés.
La loi du 16 juillet 1840 est le premier acte relatif à un
service de paquebots subventionnés reliant les colonies à la
métropole : des bâtiments à vapeur devaient être expédiés tous
les vingt jours de Bordeaux, tous les mois de Marseille, à des-
tination de la Martinique, la Guadeloupe et la Havane (1).
Une seconde ligne, partant tous les mois de Saint-Nazaire
pour le Brésil, devait desservir Gorée. Ce projet ne put
être réalisé ; on reconnut à la suite d'un voyage d'exploration
du Gomer que la loi était inexécutable, que les sacrifices
qu'elle imposait seraient hors de proportion avec les résultats
à en attendre; un deuxième projet déposé le 29 mars 1845 ne
put aboutir; un troisième présenté par le gouvernement le
17 février 1847 eut le même sort. La grande difficulté était la
rivalité existant entre les différents ports qui aspiraient tous à
être tête de ligne. Enfin un décret du 20 février 1858 (2) con-
céda la création d'une ligne de paquebots de Saint-Nazaire à
la Martinique avec annexe de la Martinique à la Guadeloupe
et à Cayenne : la ligne principale avait deux départs par mois,
les lignes annexes un seul départ. Cette concession faite à la
compagnie l'Union maritime a été rétrocédée le 11 octobre
1860 à la compagnie transatlantique qui a continué depuis
lors à assurer les communications avec les Antilles conformé-
ment à la loi du 3 juillet 1861 et à celle du 28 juin 1883.
En vue d'une prorogation provisoire des dispositions adoptées,
(1) Le point de vue colonial n'avait guère eu d'influence dans la pré-
sentation de cette loi ; elle est basée sur des considérations militaires
et sur des raisons commerciales d'ordre général. On ne se préoccupa
des colonies que pour réclamer l'installation à la Martinique, et non à
la Havane, des ateliers de reparation.

" On avait désiré comprendre Cayenne sur l'itinéraire des paquebots du
Brésil, mais il fallut y renoncer, et la marine de guerre dut assurer
les communications de cette colonie avec la Martinique par un aviso.

(2) Décret rendu en exécution de la loi du 17 juin 1857, qui autorisait
le ministre des finances à s'engager au payement d'une subvention de
14 millions au maximum pour
l'exploitation de trois lignes se dirigeant:
1° sur New-York ; 2° sur les Antilles, le Mexique, Aspinwal et Cayenne;
3· sur le Brésil et Buénos-Ayres. Cette subvention était
limitée à une
durée de vingt années.

— 179 —
une convention nouvelle a été conclue le 3 juillet 1901 pour
le transport des passagers et du matériel à bord des paquebots
de la Compagnie générale transatlantique pour les Antilles et
la Guyane.
203. La loi du 17 juin 1837 avait autorisé la création de
trois lignes de paquebots subventionnées se dirigeant vers
l'Amérique : la dernière ligne, celle du Brésil, concédée à la
compagnie des Messageries maritimes par le décret du
19 septembre 1857, assura les communications mensuelles
avec. Dakar et la colonie du Sénégal (1).
D'autre part, une loi du 15 mars 1889 assure le service
postal avec la côte occidentale d'Afrique (2), de manière à des-
servir l'ensemble de nos établissements jusqu'à Loango.
204. Pour les colonies de l'Indo-Chine et de l'Océan Indien,
un décret du 22 juillet 1861, rendu en exécution de la loi du
3 juillet 1861, concéda à la Compagnie des Messageries mari-
times un service postal direct sur la Cochinchine avec em-
branchements d'Aden sur la Réunion, de Pointe-de-Galles sur
Pondichéry et Chandernagor. Chaque ligne devait compter
douze voyages par an. Ces conditions ont été depuis modifiées :
la loi du 9 juillet 1895 a organisé le service de manière à des-
servir : 1° l'Indo-Chino tous les 1 ί· jours; Djibouti et les
établissements de l'Inde tous les 28 jours; 3° la Nouvelle Calé-
donie tous les 28 jours ; 4° Djibouti et la Réunion tous les mois.
205. Mayotte et Nossi-Bé ont été reliés à la Réunion par
un courrier mensuel depuis la Convention du Ier avril 1881
avec la compagnie Armange ; mais cette compagnie n'ayant pu
exécuter complètement son contrat, les Messageries maritimes
assurent le service postal de ces colonies par un paquebot
mensuel parlant de Marseille et desservant Djibouti, Zanzibar,
Mayotte, Nossi-Bé, Diego Suarez, Sainte-Marie de Madagascar,
Tamatave, la Réunion et Maurice.
Cette ligne correspond à Diego-Suarez et à Nossi-Bé avec
des paquebots desservant la côte orientale et occidentale de
Madagascar.
Un service postal mensuel entre Tahiti et San-Francisco
(1) V. L. 9 juillet 1895
(2) Compagnies Fraissinet et des Chargeurs réunis.


— 180 —
par navires à voiles a été créé en 1877 (traité du 20 juil
let 1877) : des tentatives réitérées ont été faites pour lui
substituer un service à vapeur : mais il n'existe encore qu'un
service étranger non subventionné.
Saint-Pierre et Miquelon sont desservis par des paquebots
anglais qui relient la colonie à Halifax et à Saint-Jean (Terre
Neuve).
Nous indiquerons (n° 602) la situation actuelle des services
de paquebots et les moyens de communication des colonies
qui ne sont pas desservies régulièrement.
§ 2. Communications postales.
206. Avant la Révolution, les correspondances coloniales
étaient expédiées par les navires de l'État ou du commerce ;
on profitait de toutes les occasions, mais de service laissait
beaucoup à désirer; une déclaration du roi du 14 décembre 1725
dut édicter des peines sévères contre ceux qui retiendraient
ou intercepteraient des lettres. Le premier tarif paraît remonter
à 1759.
La loi du 17 août 1791 fixa le prix des lettres et paquets à
destination ou en provenance des colonies au même taux que
pour les ports d'embarquement ou de débarquement, plus une
taxe fixe de deux sous représentant la somme payée au capi-
taine du navire chargé du transport. Depuis celte époque,
ceux-ci sont obligés de se charger des lettres et paquets qui
leur sont remis par l'administration des postes. Les lois des
23 juillet 1793-5 nivôse an V maintinrent ces dispositions;
celle du 27 frimaire an VIII porta à un décime par 30 grammes
la taxe sur les paquets qui jusqu'alors avait été indépendante
du poids.
La loi du 19 germinal an X empêcha le fonctionnement
des bureaux de poste particuliers qui, paraît-il, s'étaient éta-
blis dans les ports, affirma le monopole de l'État aux corres-
pondances expédiées de France à l'étranger, obligea les
capitaines de navires non seulement à se charger des paquets
que la poste leur remettrait, mais encore à l'avertir un mois
d'avance de leur départ et à se munir d'un certificat du direc-
teur, — ceci aux colonies comme dans la métropole.

— 181 —
La loi du 15 mars 1827, eu conservant le mode de payement
établi, fixa d'une manière uniforme pour Paris à 50 centimes
la taxe des lettres coloniales ; lorsque le port d'embarque-
ment n'était pas désigné sur l'adresse, les lettres payaient, en
outre des 50 centimes, la taxe jusqu'à Paris.
Ce môme principe (tarif du lieu d'expédition au port d'em-
barquement et taxe supplémentaire de 10 centimes) fut encore
maintenu par la loi du 3 mai 1853 à la suite de l'uniformisation
du prix pour les lettres échangées de bureau à bureau. Les
perceptions faites dans la métropole furent acquises à l'admi-
nistration des postes, celles faites dans les colonies, au trésor
local.
207. Il ne s'agissait jusque-là que des lettres échangées par
la voie des navires à voiles ; nos colonies n'étaient pas reliées
à la métropole par des paquebots à vapeur nationaux ; il fal-
lait recourir au pavillon étranger. Une convention avait été
conclue le 13 avril 1843 avec l'Angleterre, permettant de se
servir de la voie anglaise (1); un décret du 22 juin 1853 établit
un échange périodique et régulier de dépêches entre la France
et la Martinique, la Guadeloupe, le Sénégal et les établisse-
ments de l'Inde (2) ; la taxe des lettres était fixée à 25 centimes
(partagés entre les deux administrations métropolitaine et colo-
niale), plus une taxe de voie de mer s'élevant à 75 centimes
pour les Antilles et le Sénégal, 1 fr. 25 pour l'Inde. A la suite
d'une nouvelle convention postale avec l'Angleterre, du 24 sep-
tembre 1850, un décret du 26 novembre suivant étendit le
bénéfice des dispositions antérieures à la Réunion, Mayotte et
dépendances, Sainte-Marie de Madagascar, et abaissa nota-
blement le tarif. La taxe de voie de mer fut réduite à 30 cen-
times pour toutes les colonies, sauf l'Inde où elle s'élevait à
40 centimes; la taxe fixe, à 20 centimes pour les lettres affran-
chies, 30 centimes pour les autres (3).
(1) Une première application de cette convention pour nos établisse-
ments de l'océan Pacifique fut faite par l'ordonnance du 16 dé-
cembre 1843.

(2) Ce3 dispositions furent étendues à la Guyane et à Saint-Pierre et
Miquelon par un décret du 21 novembre 1853.
(3) Des décrets du 13 novembre 1859 et du 22 octobre 1862 firent pro-
fiter de ces dispositions les établissements de Tahiti et de la Nouvelle.
Calédonie. puis la Cochinchine.

— 182 —
208. Le régime postal des colonies fut modifié par le décret
du 7 septembre 1863. L'administration des postes métropo-
litaines fut seule chargée des redevances à payer aux offices
étrangers ; le produit des taxes postales, par suite, au lieu
d'être partagé également entre le trésor métropolitain et le
trésor colonial, fut réparti conformément à des bases nouvelles.
Des timbres-poste furent créés pour les colonies et vendus par
l'administration métropolitaine. Les tarifs furent réduits à
50 centimes pour les Antilles, 70 centimes pour la Réu-
nion (1).
209. A la suite de la création de l'Union générale des postes,
la situation fut un peu modifiée; la convention du 9 octobre 1874,
qui constitua l'Union, ne s'appliquait à aucune colonie, mais
son article 17 prévoyait l'admission des divers pays d'outre-
mer et laissait à chaque contractant le droit de régler ses rela-
tions avec les pays étrangers ; les colonies étant considérées
comme telles, un décret du 16 novembre 1875 modifia les
taxes postales et le fonctionnement du service.
Les colonies françaises furent admises dans l'Union postale
le 25 janvier 1876. La convention modifiée du 1er juin 1878
rappela cette situation qui donne aux colonies, considérées
comme un seul pays, le droit de représentation dans l'Union
postale universelle.
En Cochinchine, le service des postes était resté, jus-
qu'en 1881, sous la direction de la trésorerie; un décret
du 7 octobre 1881 le plaça, comme dans les autres colonies,
dans les services coloniaux, sous la direction du directeur de
l'intérieur.
Les taxes applicables aux colonies, fixées successivement
par les décrets des 16 novembre 1875 et 27 mars 1878, furent
réduites notablement par ce dernier décret, la métropole ayant
renoncé à la surtaxe à laquelle elle avait droit pour le trans-
port maritime (2).
(1) Les tarifs des Antilles furent appliqués à la Réunion, Mayotte,
Nossi-Bé et Sainte-Marie, par un décret du 25 juin 1864 ; ceux des éta-
blissements de
l'Océanie furent réduits par un, décret du, 23 no-
vembre 1865.
(2) Cette faveur fut étendue aux échanges entre les colonies par un
décret du 17 juin 1880; depuis 1859 (Déc. 19 mai 1859 ; Déc. 12 juin 1860),

— 183 -
Les colonies françaises ont été parties contractantes à la con-
vention postale universelle dont les dispositions ont été arrêtées
au congrès de Washington le 15 juin 1897. Cette conventiona
réglementé l'échange des correspondances entre les pays fai-
sant partie de l'Union postale universelle. Elle a maintenu
l'existence d'un bureau international à l'entretien duquel par-
ticipent les colonies et pays de protectorat français (nos 60S
et suiv.).
210. Quant aux postes locales, elles furent établies un peu
tardivement clans nos divers établissements d'outre-mer. A la
Martinique, elles avaient fonctionné assez irrégulièrement jus-
qu'en 1763, époque à laquelle elles furent supprimées, pour
être rétablies définitivement par ordonnance du gouverneur
du 4 mars 1766. A la Guadeloupe, le premier arrêté local sur
la poste est du 29 décembre 1816 ; un an plus fard elle était
mise en ferme ; l'organisation régulière date du 3 novem-
bre 1849. A la Guyane, lé bureau de Cayenne fut ouvert le
11 août 1819. A la Réunion, il n'y eut pas de poste aux
lettres avant décembre 1784, et même pendant longtemps
ensuite les habitants préférèrent recourir à des courriers par-
ticuliers. Depuis cette époque la plupart des dispositions légis-
latives ou réglementaires édictées pour l'exécution du service
postal dans la métropole ont été rendues applicables aux postes
locales de nos colonies (n03 606 et suiv.).
§ 3. — Communications télégraphiques.
211. Nos colonies, presque toutes du moins, sont reliées à
la métropole par des câbles télégraphiques ; la première fut
l'île de Saint-Pierre et Miquelon ; une convention passée avec
la compagnie télégraphique de l'Océan et approuvée par la
loi du 14 juin 1864 avait prévu l'établissement d'un câble re-
liant la France aux États-Unis, soit directement, soit en tou-
chant à Saint-Pierre et Miquelon. Celte concession avec privi-
lège n'eut pas de suite et on n'accorda plus, à partir de cette
époque, que des autorisations d'atterrissage. A la suite d'une
l'administration, métropolitaine se chargeait, moyennant un tarif réduit
de 80 centimes par lettre, de tous les échanges intercoloniaux.

— 184 —
convention du C juillet 1868, la compagnie du cable anglo-
américain, qui, depuis 1867, reliait Saint-Pierre à Terre-Neuve
et au Canada, lui ouvrit des communications directes, en
juin 1869, avec Brest, en juillet 1869, avec les État-Unis'.
Depuis, grâce à une seconde convention faite avec la compagnie
française du télégraphe du Havre à New-York, l'île est reliée
par un second fil avecBrest et les États-Unis (octobre 1879) (1).
Une convention du 16 mai 1864 conclue entre la France, le
Brésil, la République d'Haïti, l'Italie et le Portugal, plus tard
avec le Danemark (10 mai 1865), avait décidé l'établissement
d'une ligne télégraphique partant de Lisbonne ou Cadix, des-
servant Saint-Louis et Gorée, puis se bifurquant au cap Saint-
Roque : l'un des câbles se rendait à la Guyane et après avoir
desservi les Antilles, notamment la Martinique et la Guade-
loupe, aboutissait à la Nouvelle-Orléans. Le concessionnaire
ne put remplir ses engagements et la convention a été défini-
tivement dénoncée le 20 avril 1872.
Les Antilles ont été depuis lors reliées à Saint-Thomas et
aux États-Unis par suite d'une convention passée en 1871 avec
une compagnie anglaise; les communications furent ouvertes la
même année avec la Guadeloupe et avec la Martinique. Quant
à la Guyane, elle devait être rattachée à la même ligne et le
fut en effet le 5 juillet 1874, mais le 22 novembre 1876 le cable
se rompit. La Compagnie Française des télégraphes sous-marins
relia, en 1891, Cayenne à la Martinique, la Martinique et la Gua-
deloupe à son réseau (Venezuela à Haïti). Les Antilles ont, par
suite, une double communication avec le réseau interna-
tional.
Deux lois des 9 juillet 1883 et 5 juillet 1884 ont approuvé
les conditions de la concession à la compagnie Spanish na-
tional Telegraph d'un câble reliant le Sénégal aux Canaries et
de là à l'Espagne. Ce câble fut ouvert depuis le 8 décem-
bre 1884 ; il se prolongeait jusqu'au Cong o par le West african
telegraph qui desservait (1) Conakry, Grand Bassam, Kotonou
(1) Ces câbles devraient être maintenus en bon état d'entretien malgré
la pose du câble à immerger entre Brest et le Cap. c'est-à-dire jusqu à
la mise en service du câble supplémentaire prévu par la convention du

i juillet 1895 (L. 28 mars 1896).

— 185 —
et Libreville. Le rachat de ces tronçons et l'installation aux
frais de l'État d'une ligne directe entre Brest et Dakar (1) a,
depuis lors, assuré par voie les communications sous-marines
de la France avec ses colonies de la côte occidentale d'Afrique.
Quant à la Cochinchine, elle est en communication : 1° avec
Singapore et l'Europe depuis le % août 1872; 2° avec le Siam
par voie de terre depuis le 16 juillet 1883 (V. Déc. 17 août
1883) ; 3° avec l'Annam et le Tonkin depuis septembre 1884 (L.
22 décembre 1883) par un câble sous-marin que l'on a doublé
par une ligne terrestre. Enfin, la ligne de Cochincbine au Ton-
kin est prolongée jusqu'à Amoy, où elle] rejoint les câbles
de Chine en Europe par la mer des Indes ou par la Sibérie.
Les établissements de l'Inde sont desservis par les lignes
anglaises. Obock est reliée à Perim (L. 15 mars 1889) et la
Nouvelle-Calédonie à Bundaberg (Queensland) (L. 23 mars
1893). Les communications avec Madagascar sont assurées par
le cable de Mozambique à Majunga (L. 22 décembre 1896.)
Djibouti a été relié à Obock par un câble dont la pose a eu
lieu aux frais du budget de l'Etat. La Béunion, Mayotté, les
Comores, et les établissements français de l'Océanie sont les
seules de nos possessions qui actuellement ne soient pas reliées
au réseau international. Les télégrammes à destination de
Mayotte, des Comores et de la Béunion sont envoyés par poste
de Tamatave, de Majunga, de Zanzibar ou de l'île Maurice,
ou même, pour raisons d'économie, d'Aden. Les télégrammes
pour Tahïti et les archipels voisins sont dirigés sur Auckland
ou sur San-Francisco.-
212. — La Cochincbine, le Sénégal et la Nouvelle-Calédonie
ont été parties contractantes à la convention signée À Budapest
le 22 juillet 1899 et portant règlement du service télégraphique
international. Une nouvelle convention a été conclue dans le
même but à Londres le 10 juillet 1903, l'Indo-Chine, le Séné-
gal, Madagascar et la Nouvelle-Calédonie y ont été parties con-
tractantes (n° 614).
Outre les communications avec le réseau télégraphique
général, nos colonies ont des réseaux télégraphiques internes.
(1) L. 23 novembre 1903 et décret du 31 mars 1905.

— 186 —
Au Sénégal, une ligne était créée en mars 1862 entre Dakar et
Saint-Louis et se prolongeait peu à peu le long du fleuve. A la
Guyane une ligne était ouverte en 1875 entre Cayenne et
Kourou, prolongée en 1870 jusqu'à Sinnamary, enfin le 14 avril
1877, jusqu'au Maroni. A la Réunion un réseau télégraphique
s'étend de Sainte-Rose à Saint-Philippe, en passant par
Saint-Denis avec embranchements vers l'intérieur de l'île.
Ces réseaux télégraphiques internes de nos colonies sou-
vent complétés par des lignes téléphoniques, se sont considé-
rablement developpés en Indo-Chine, à Madagascar et en
Afrique occidentale, où le Sénégal se trouve relié par fils
aériens à Tombouctou et Say, à la Guinée française, à là
Côte-d'Ivoire et au Dahomey. Au Congo, une ligne télégra-
phique a été construite entre Loango et Brazzaville, une autre
entre Loango et Denis d'où, par câble, elle se prolonge jusqu'à
Libreville, une autre entre Libreville et N'Jolé ; une conven-
tion a été conclue avec le Congo belge pour relier cette ligne,
par un câble traversant le Stanley-Pool, au réseau de l'Etat
Indépendant.
Enfin, la plupart des dispositions législatives ou réglemen-
taires, applicables en France à l'exécution interne du service
télégraphique, ont été étendues à l'exécution du même ser-
vice dans l'intérieur de nos possessions (n03 613 et suiv.).
ARTICLE
10. Travaux publics. — Mines. — Chemins
de fer. — Législation domaniale.
213. La nécessité où la plupart de nos possessions se sont
trouvées de faire exécuter des travaux d'utilité générale (tra-
vaux d'édilité, ports, routes, etc.) a provoqué dans nos colo-
nies l'adoption de tout un ensemble de dispositions permettant
de délimiter exactement les droits des services publics et les
droits des particuliers. A ces préoccupations ont répondu les
mesures prises dans nos diverses possessions en vue de régle-
menter selon les principes adoptés dans la métropole l'expro-
priation pour cause d'utilité publique, la recherche et l'exploita-
tion des mines. On y peut rattacher également, car l'intérêt pra-
tique en est apparu tout aussitôt, la législation domaniale et
les dispositions adoptées dans nos colonies pour la concession

— 187 —
des terres, le régime des eaux et la préservation des riches-
ses forestières. Nous étudierons par ailleurs la législation
applicable en ces matières (Nos 617 et suiv. 883 et suiv.).
Depuis quelques années, les travaux d'utilité publique dont
l'importance parait s'ètre le plus particulièrement accrue ont
eu pour objet l'exécution de voies ferrées (chemins de fer et
tramways). Les plus anciennes de ces voies ferrées sont les
chemins de fer de la Réunion, de Dakar à Saint-Louis, de
Pondichéry, et de Saigon à Mytho. Mais ce réseau colonial a
pris dans la suite un développement considérable, en Indo-
Chine, en Afrique occidentale, à Madagascar, à la côte
des Somalis, etc. Nous examinerons les combinaisons suivant
lesquelles ces différentes lignes sont construites et exploitées
(nos 645 et suiv.).
ARTICLE 11. — Déportation. — Transportation. — Délégation.
213. Antérieurement à la Révolution, la peine de la dépor-
tation se rencontre dans un édit de décembre 1556, portant
envoi dans l'île de Corse des condamnés à la mort civile ou
au bannissement. Sous la régence du duc d'Orléans, le grand
nombre de vagabonds et de gens sans aveu réunis à Paris
nécessita des mesures exceptionnelles, et une déclaration du
8 janvier 1719 prononça la peine de la transportation aux
colonies contre les condamnés en rupture de ban (1) ; enfin
une ordonnance du 15 juillet 1763 prescrivit l'exportation à
la Désirade des jeunes gens dont la conduite serait irrégu-
lière.
Le Code pénal du 25 septembre 1791 prévoyait la peine de
la déportation (titre II, art. 1er), mais laissait à un décret
ultérieur le soin de déterminer le lieu où elle serait subie ;
c'était alors, dans la pensée des auteurs du Code, une situa-
tion analogue à la relégation actuelle, mais appliquée uni-
quement aux récidivistes de crimes.
Avec les décrets des 27 mai et 26 août 1792, la dépor-
tation, qui n'était autre alors que le bannissement, fut appli-
(1) L'application de celte déclaration et l'envoi des transportés à la
Louisiane donnèrent lieu, à plusieurs reprises, à des émeutes.

— 188 —
quée comme mesure de sûreté publique et de police générale -
aux prêtres insermentés. Le décret du 23 avril 1763, au con-
traire, applicable, d'une part, aux ecclésiastiques insermentés,
de l'autre à ceux condamnés pour incivisme par le directoire
départemental (1), prononce la déportation à la Guyane pour
les premiers, à la côte occidentale d'Afrique, entre les 23e et
28e degrés sud, pour les seconds (2).
En même temps, la peine de la déportation était déclarée,
par le décret du 10 mars 1793, applicable aux personnes
condamnées par le tribunal criminel extraordinaire, puis par
n'importe quel tribunal ( Déc. 7 juin 1793 pour crimes ou
délits non prévus par le Code ou les lois antérieures, et dont
l'incivisme ou la résidence sur le territoire de la République
serait un sujet de trouble public ou d'agitation. Il faut ranger
dans la même catégorie les personnes vivant sans rien faire,
convaincues par une commission populaire de s'être plaint de
la Révolution (Déc. 27 germinal an IL. La déportation pou-
vait, au début, être prononcée à temps ou à perpétuité ; le
décret du 5 frimaire an II supprima la possibilité do pro-
noncer la déportation à temps. La Guyane était désignée
comme lieu de déportation.
214. Enfin une troisième cause de déportation fut créee par
le décret du 24 vendémiaire an II pour l'extinction de la men-
dicité. Tout mendiant ayant un domicile, repris en troisième
récidive, tout vagabond repris une seconde fois, était con-
damné à la déportation (3), pour une durée de huit ans au
moins. Il devait, pendant celte période de temps, travailler
pour le compte de la nation et ne recevoir que le sixième de
son salaire ; à l'expiration de sa peine, il était mis en pos-
session d'un terrain et travaillait pour son propre compte. Le
décret du 11 brumaire an II fixa comme lieu de déportation,
(1) Un décret du 19 juillet 1793 rangea
dans la
même catégorie les
évêques qui apporteraient quelque obstacle au mariage des prêtres; un
autre décret du 22 germinal an II, les personnes qui recèleraient des
ecclésiastiques soumis à la déportation.
(2) Déc. 29 et 30 vendémiaire an II.
(3) Ce décret emploie le mot de transportation ; mais, quelques jours
après, le décret du 11 brumaire modifie ce terme et ne parle plus que
de déportation.

— 189 —
pour cette nouvelle catégorie de déportés, le fort Dauphin (1)
à l'île de Madagascar. Il assigna en même temps ce lieu de
déportation aux personnes condamnées en vertu des décrets
antérieurs (2). Les décrets relatifs aux émigrés furent, le
17 septembre 1793, déclarés applicables aux déportés et leurs
biens furent, depuis cette époque, soumis aux mêmes règles.
Les déportés qui abandonnaient le lieu de déportation et
étaient retrouvés en France étaient condamnés à la peine de
mort ou dans certains cas renvoyés en déportation (Déc. 25
brumaire et 12 floréal an III) ; toutefois une atténuation fut
apportée à cette règle par le décret du 20 fructidor an III
qui, en ce qui concerne les prêtres insermentés déportés,
et retrouvés en France, les condamnait uniquement au ban-
nissement et ne les traitait comme émigrés que s'ils étaient
repris une seconde fois.
215. Après les événements du 18 fructidor, les lois des 19 et
22 fructidor an Y prononcèrent la déportation dans un lieu à
déterminer par le Directoire exécutif d'un certain nombre
de membres des conseils, d'émigrés détenus à ce moment
dans les prisons et de journalistes royalistes. Le régime
applicable aux biens de ces déportés ne fut plus le même
que pendant la période précédente; la libre disposition de
leur fortune leur était remise dès qu'ils étaient arrivés dans
la colonie. La loi du 19 brumaire an VII assimila aux émigrés
les déportés qui quitteraient les lieux de déportation.
La Guyane fut désignée pour recevoir les condamnés poli-
tiques, mais un petit nombre s'y rendirent et un arrêté du
Directoire du 28 nivôse an VII interna provisoirement les
autres à File d'Oléron ; enfin, à la suite de la loi du 19 fruc-
tidor un VIII, tous les déportés de Cayenne furent ramenés en
France et internés dans les îles de Ré et d'Oléron.
216. Jusqu'en 1850 la déportation continua à figurer dans
le Code pénal, mais uniquement comme peine pouvant être
prononcée, et devant être remplacée dans l'exécution par la
(1) Ce même décret donnait à Fort-Dauphin le nom de Fort de la Loi.
(2) En /ait, la Guyane resta toujours le lieu de déportation.

— 190 —
détention à perpétuité, tant qu'un lieu de déportation ne
serait pas établi (1).
Après les événements de juin 1848, le décret du 27 juin dé-
cida que les individus alors détenus, qui seraient reconnus
avoir pris part à l'insurrection, seraient transportés dans les
possessions françaises d'outre-mer autres que celles de la Mé-
diterranée. Le mot transporté fut employé à dessein pour
indiquer qu'il s'agissait d'une mesure politique, toute différente
de la déportation prévue par le Code (2). Ce décret n'eut pas
de suite en ce qui concerne le point qui nous occupe unique-
ment, la déportation aux colonies ; une loi du 24 janvier 1830
prescrivit que la transportation se ferait en Algérie.
217. La peine de la déportation, qui était appliquée par le
Code pénal pour des faits presque exclusivement d'ordre poli-
tique (3), fut étendue par la loi du 8 juin 1850 à tous les crimes
politiques pour lesquels la peine de mort avait été abolie par
la Constitution. Dans ce cas la déportation dut être subie dans
une enceinte fortifiée ; la vallée de Vaïthau aux Marquises fut
affectée à cette destination. L'île de Noukahiva fut déclarée
lieu de déportation simple.
218. A la suite du coup d'État de 1851, un décret du
8 décembre déclara que tout individu placé sous la surveil-
lance de la haute police qui serait reconnu coupable de rup-
ture de ban, tout individu reconnu coupable d'avoir fait
partie d'une société secrète pourrait être transporté par
mesure de sûreté générale, pour une durée de cinq à dix ans,
dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie. Ce
n'était plus la déportation, ni la transportation de 1848, mais
une
véritable
peine se rapprochant des travaux forcés,
puisque les transportés étaient assujettis au travail. Un décret
du 31 mai 1852 soumit au même régime (en prescrivant leur
(1) En 18-20, le gouvernement se préoccupa de créer un établissement
à la Nouvelle-Zélande : le conseil d'amirauté proposa de confier à l'expé-
dition Dumont d'Urville le soin d'étudier ce projet,
surtout au point de
vue de la transportation, 4
mars 1826. (Sommaire des affaires déférées à
l'examen du conseil d'amirauté. Imprimerie nationale, 1826.)
(2) C'est pour ce motif que nous citons ici ce décret, réservant pour
l'historique de la transportation, uniquement ce qui se rapporte au sens
actuel de ce mode d'exécution de la peine des travaux forcés.
(.3) Sauf dans le cas de l'article 82.

— 191 —
envoi à Cayenne) les transportés de 1848 qui auraient été
condamnés en Algérie à une peine afflictive et infamante
pour insubordination ou toute autre cause
et ceux qui
se refuseraient au travail ou à l'obéissance.
La peine de la déportation continue à se subir à la Guyane,
aux îles du Salut. Un décret du 27 juillet 1897 a édicté des
dispositions spéciales sur les communications pouvant s'établir
par mer avec ces îles.
219. Enfin la répression de l'insurrection communaliste
de 1871 exigea la modification des articles 4 et 5 de la loi
du 8 juin 1850 fixant les lieux de déportation. On estima que
la Nouvelle-Calédonie était de beaucoup préférable aux éta-
blissements de l'Océanie, et la loi du 23 mars 1872 désigna,
comme lieu de déportation dans une enceinte fortifiée, la
presqu'île Dncos (1) et, comme lieux de déportation simple,
l'île des Pins et l'île Maré.
§ 2. — Transportation (2).
220. Le désir de supprimer les bagnes clans les ports de
France fit voter la loi du 30 mai 1854, d'après laquelle la
peine des travaux forcés dut être subie dorénavant dans des
établissements créés par décrets sur le territoire d'une ou
plusieurs colonies autres que l'Algérie. Mais antérieurement
à cette époque et en prévision d'une modification du Code
pénal, le gouvernement avait cru pouvoir, par un décret du
27 mars 1852, envoyer à la Guyane un certain nombre de
condamnés aux travaux forcés et régler le régime auquel ils
seraient soumis. Ils pouvaient, après avoir subi leur peine
pendant deux ans, soit en Europe, soit aux colonies, être
autorisés à travailler pour l'administration ou les habitants,
(1) Une loi du 9 février 1893 a déclaré les îles du Salut lieux de
déportation dans une enceinte fortifiée.
(2) Quoique la transportation prononcée par application du décret du
8 décembre 1851 fût une véritable peine, appliquée dans bien des cas
presque comme celle des travaux forcés, nous avons préféré, en raison

de son caractère politique exceptionnel, en rappeler l'historique au
sujet de la déportation. ( V. n° 218.)


— 192 —
se marier, obtenir des concessions de terre. Tout condamné
à moins de huit ans de travaux forcés devait, à l'expiration
de sa peine, résider dans la colonie pendant un temps égal à
la durée de sa condamnation : si la peine était de huit ans ou
plus, la résidence obligatoire à la Guyane était perpétuelle.
La transportation à la Guyane fut suspendue par un décret
du 23 décembre 1853 et rétablie le 5 décembre 1855.
221. La loi du 30 mai 1854 laissait à des décrets le soin de
fixer les lieux de transportation ; la Guyane fut considérée
comme désignée d'avance par le décret du 27 mars 1852 ; un
second décret du 2 septembre 1863 autorisa la création à la
Nouvelle-Calédonie d'un établissement analogue. Un bagne
fut constitué à Obock pour les Annamites le 22 octobre 1887
et supprimé le 11 août 1895.
Le régime disciplinaire des établissements de travaux
forcés devait,
aux termes de l'article 14 de la loi du
30 mai 1854, être déterminé par des règlements d'adminis-
tration publique; jusqu'en 1880 aucun règlement ne fut édicté
et on appliqua à ces condamnés le régime résultant d'un
décret du 29 août 1855 spécial aux condamnés politiques et
pourtant se rapprochant sur beaucoup de points de celui du
bagne. Quand, en 1880, le décret du 18 juin satisfit enfin aux
prescriptions de la loi, on fit pour les forçats ce que l'on
n'avait pas fait autrefois pour les condamnés politiques, et
on établit un régime inspiré par des considérations philanthro-
piques dont l'avenir seul permettra d'apprécier les consé-
quences. Ce régime a été, depuis lors, modifié par des dé-
crets successifs dont les plus récents sont du 19 décembre 1900
et des 13 janvier et 31 juillet 1903.
§ 3. — Relégation.
222. La loi du 27 mai 1885 organisa un régime nouveau,
celui de la relégation, applicable aux individus récidivistes
qui, dans un intervalle de dix ans, on encouru certaines
condamnations. Les relégués sont assujettis à l'internement
perpétuel sur le territoire des colonies ou des possessions
françaises. Le régime de la relégation a été défini par le

— 193 —
règlement d'administration publique du 26 novembre 1885.
Des décrets en date des 6 janvier 1899 et 23 février 1900
ont déterminé la sanction applicable au cas d'absence illégale
des relégués collectifs et les conditions dans lesquelles les
condamnés de celte catégorie pouvaient contracter des enga-
gements de travail auprès de particuliers. Le décret du 19 dé-
cembre 1900 sur les peines disciplinaires pouvant être infligées
aux transportés est également applicable aux relégués (n° 1210
et suiv.).
CHAPITRE II
RENSEIGNEMENTS GÉOGRAPHIQUES ET STATISTIQUES
SECTION PREMIÈRE
GÉOGRAPHIE
§ 1. Renseignements généraux.
223. L'empire colonial français comprend les établissements
suivants :
— En Amérique :
Les îles Saint-Pierre et Miquelon;
Aux Antilles : la Martinique; — la Guadeloupe et ses dépen-
dances : les Saintes, Marie-Galante, la Désirade, Saint-Barthé-
lemy et la partie française de Saint-Martin ;
La Guyane française.
— En Afrique :
Les possessions dépendant du gouvernement général de
l'Afrique occidentale française : le Sénégal ; la Mauritanie et
les territoires s'étendant vers le nord jusqu'à la limite du sud
algérien; le Haut-Sénégal et Niger ; la Guinée française ; a
Côte d'Ivoire et le Dahomey ;
Les possessions dépendant du Congo français : le Gabon, le
Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari, et le territoire militaire du
Tchad ;
COLONIES, I.
13

— 194 —
La colonie de la côte française des Somalis.
— Dans l'océan Indien :
La Réunion ; Madagascar et ses dépendances (Nossi-Bé et
Sainte-Marie) ; Mayotte et les Comores ; les archipels des îles
Kerguelen ; des îles Glorieuses ; des îles Saint-Paul-et-Amster-
dam (1).
— EN Asie :
Les établissements français de l'Inde ;
L'Indo-Chine.
Il y a lieu de mentionner, en outre, le territoire de Kouang-
tchéou-ouan, en Chine, cédé à bail à la France.
— En Océanie :
La Nouvelle-Calédonie et ses dépendances : l'île, des Pins,
les Wallis et les Loyalty (Li'fou, Mare, Ouvéa);
Les établissements de l'Océanie, comprenant : 1° les îles
Tahiti et Moorea ; 2° l'archipel des Marquises,composé de 11
îles ou îlots, chef-lieu Nukahiva ; 3° l'archipel des Tuamotus ;
(81 îles ou îlots), chef-lieu Anaa ; 4° l'archipel des Gambier,
Tubuaï, Raivavaé, Rapa, Rurutu et Rimatara; 5° les iles Sous-
le-Vent.
224. Nous indiquons dans le tableau ci-contre les éléments
géographiques, les noms des chefs-lieux (2) et l'étendue de ces
divers établissements.
(1) Les îles Kerguelen, que M. de Kerguelen découvrit en 1772 et dont
il prit possession au nom de la France eu décembre 1773, ne sont pas
occupées actuellement. Aucun établissement ou poste français n'existe
dans les îles Saint-Paul et Amsterdam. Aux îles Glorieuses, un Français
est chargé de la garde du pavillon.

(2) Nous avons indiqué la liste des chefs-lieux des colonies, tels qu'ils
sont établis dans la pratique. 11 a paru intéressant de rechercher les
actes législatifs ou réglementaires qui les ont déterminés.
Cette recherche a amené à reconnaître que, sauf en ce qui concerne:
1° la Guyane pour laquelle Cayenne est fixé comme chef-lieu par la loi du
ί brumaire an VI; 2° les colonies nouvelles de l'Afrique occidentale et
du Congo, il n'existe (nous n'avons, du moins, découvert nulle indication)
aucun texte déterminant les chefs-lieux, notamment pour la Martinique

et de la Réunion. La loi du 4 brumaire an VI fixe le chef-lieu de la
Guadeloupe à Port-de-la-Liberté, c'est-à-dire à la Pointe-à-Pitre. Comment

ce chef-lieu a-t-il pu être transporté à la Basse-Terre? Nous l'ignorons.
Peut-être, pourrait-on prétendre que les colonies ayant été, par la Cons-
titution du 22 frimaire an VIII, soumises à des lois spéciales, les dépar-
tements se sont trouvés supprimés ipso facto et la loi du 4 brumaire


— 195 —
Pour un grand nombre de ces établissements, les frontières
sont naturellement délimitées par leur situation insulaire. Nous
POSITION GÉOGRAPHIQUE DU CHEF-LIEU
SUPERFICIE
en hectares
Longitude
Latitude
Martinique
63°24 0 (Fort-de-France). 14°36' Ν
99,000
Guadeloupe et dépen-
dances
64. 4 0 (La Basse Terre). 16.0
Ν
195,000
Saint-Pierre et Miquo-
lon
58.30 0 (Saint-Pierre).
46.46 Ν
24,000
Guyane française.... 54.41 0 (Cayenne)..
4.56 Ν
1.309,000-
Sénégal
18.51 0 (Saint-Louis).
10. 1 Ν
Haut-Sénégal et Niger.
13.50 Ο (Kayes)1.
11.20 Ν
Guinée française
10. 4 0 (Conakry).
9.30 Ν
Côte d'Ivoire
1-2.24 0 (Grand-Bassani),
5.54 Ν
Dahomey
0.18 Ε (Porto-Novo).
6.29 Ν
Gabon
7. 6 Ε (Libreville).
0.24 Ν
Moyen-Congo
12.56 Ε (Brazzaville). '
4.17 S
C'ite française des So-
malis
40.48 Ε (Djibouti).
11Τ36 Ν
150.000?
La Réunion
55. 7 Ε (Saint-Denis).
20.52- S
260i000
Mayotte
42.59 Ε (Dzaoudzi).
12.47 S
36,000
Madagascar
45.11 Ε (Tananarive).
18.55 S
tablissem1" de l'Inde.
77.29 Ε (Pondlchéry).
11.35 Ν
50.000
Cochinchine...'.
104.22 Ε (Saigon).
10.47 Ν
6,000,000
Cambodge
102.39 Ε (Pnom-penh).
11.34 Ν 8.400.000?
Annam
Kt.'i. 14 Ε (Hué).
16.28 Ν
2,200,000 ?
Tonkin
103.29 Ε.(Hanoï).
21. 2 Ν 16,500,000
.Nouvelle-Calédonie et
^dépendances
101. 7 Ε (Nouméa).
22.16 S
1,970,000
Etablissements de l'O-
céanie
151.54 0 (Papeete).
17.32 S
924,000
Iles Kerguelen
49.1 Ε (Point central). 67.10 S
50,000?
Doit être transféré à Bamako.
Superficie du territoire érigé en communes.
an VI, abrogée, mais il semble difficile d'admettre cette conséquence
implicite.
La question de savoir quel est exactement, légalement, le chef-lieu
d'une colonie n'a pas seulement un intérêt historique; elle peut avoir
des conséquences pratiques, notamment au point de vue du conseil
général, du conseil du contentieux, etc. Pour ce dernier, en particulier,
le gouverneur aurait-il le droit de le réunir hors de la ville reconnue
comme chef-lieu de la colonie? Pourrait-il le faire siéger dans une autre
ville ou dans sa maison de campagne (Saint-Pierre ou Bellevue, à la
Martinique)? Les décisions rendues dans ces conditions seraient-elles
annulables en raison, par exemple, des difficultés que les avocats et

— 196 —
ferons connaître rapidement la contenance et la limite des
autres.
Les articles 34 et 35 de l'Acte général de la conférence de
Berlin du 26 février 1885 soumettaient à deux conditions les
acquisitions de territoires sur les côtes du continent africain.
La première consistait dans la notification de la prise de
possession à toutes les puissances signataires ; la seconde
obligeait à assurer l'existence d'une autorité suffisante pour
faire respecter les droits acquis. Les articles 34 et 35 ne
visaient que les prises de possessions futures et ne s'appli-
quaient qu'à la côte du continent africain. En réalité, ils ont
reçu une application beaucoup plus générale.
Le gouvernement a pris de même l'habitude de faire
approuver par décrets les traités conclus avec des chefs indi-
gènes pour rétablissement de la domination française sur un
territoire africain. Ces traités ne sont pas considérés comme
devant être soumis aux Chambres en tant que modifiant le sol
national, dans les conditions prévues par l'article 8 de la loi
constitutionnelle du 15 juillet 1875 ; la règle qui parait
aujourd'hui définitivement adoptée, c'est que, seules, les con-
ventions de délimitation intervenant entre la France et les
puissances européennes sont, par application de cet article 8,
présentées à l'approbation du Parlement. Les lois et les décrets
portant approbation de ces divers traités sont insérés dans les
recueils officiels. Aucune codification des traités concernant
spécialement les colonies françaises n'a encore été publiée.
§ 2. — Antilles. — Guyane.
225. L'île de Saint-Martin appartient à la France et à la
Hollande; la frontière, délimitée entre 1775 et 1781, part de
les parties auraient rencontrées pour se rendre au prétoire? Nous ne le
pensons pas : les actes qui constituent les conseils privés et, par suite,
les conseils du contentieux en font une annexe du gouvernement et
aucun texte n'indiquant le siège de celui-ci, c'est — dans l'état actuel
de la législation — au gouverneur qu'appartient le droit de le choisir.
Il. est évident que les erreurs qu'il pourrait commettre à ce point de
vue seraient réprimées par le pouvoir central; mais, en droit strict, il
nous semble que le ministre ne peut restreindre les droits du gouverneur
η cette matière que par ses instructions, au besoin par la révocation.

— 197 —
l'Étang aux Huîtres et, en suivant la direction de l'ouest, se
termine au Cul Picard : cette frontière est indiquée sur une
carte de 1775 conservé au dépôt géographique du ministère
des Affaires étrangères. Elle indique nettement que depuis le
traité de partage fait le *23 mars 1648, renouvelé en 1702, les
Hollandais, ont à plusieurs reprises, empiété sur notre terrain.
Il existait par suite, en 1775, trois territoires en litige sur la
frontière. Cette question ne paraît pas avoir été tranchée
depuis lors.
226. La Guyane est limitée :
A l'ouest, par le Maroni qui sépare notre colonie de la
Guyane hollandaise ;
Au sud et à l'est, par le Brésil.
Des difficultés existaient depuis plus de cent cinquante ans
sur la fixation de la frontière : un territoire considérable, d'une
étendue de 500,000 hectares, était réclamé par nous et par le
Brésil substitué aux droits du Portugal.
L'origine de cette contestation est dans l'article 8 du traité
d'Utrecht (11 avril 1713) : «Sa Majesté Très Chrétienne se
« désiste de tous droits et prétentions qu'elle peut et pourra
« prétendre sur la propriété des terres du cap Nord et situées
« entre la rivière des Amazones et celle de Yapoc, ou de Vin-
« cent-Pinson. » Qu'était cette limite ? Etait-ce, comme le
prétendait le gouvernement brésilien, l'Oyapock ou, comme
nous le soutenions, l'Arawari ou un de ses affluents, le Cara-
papouri.
Le but unique que se proposait évidemment le gouverne-
ment portugais, en 1713, d'éloigner de l'Amazone les fron-
tières de la colonie voisine, expliquait qu'il eût voulu laisser
entre l'Amazone et la Guyane, l'étendue des terres limitées
au cap Nord, mais non pas qu'il eût tenu à la porter à 50 lieues
plus loin.; c'était au cap Nord qu'était fixée la limite. L'exa-
men des cartes du siècle dernier corrobore cette opinion dont
la justesse a été attestée par les traités de 1797 à 1815. Le
traité de Paris du 10 août 1797 avait reconnu, comme étant
le fleuve sur le cours duquel gît la contestation, le Vincent-
Pinson ou Calcueune, qui se jette au-dessus du cap Nord, à
deux degrés et demi de latitude septentrionale. Le traité de
Madrid du 29 septembre 1801 (annulé par les articles secrets

— 198 —
du traité de Paris) nous accorda jusqu'au Carapanatuba qui
se jette dans l'Amazone à un tiers de degré environ de l'équa-
teur; c'était là évidemment une appréciation inexacte du traité
d'Utrecht, c'était une concession en notre faveur. Le traité
d'Amiens du 87 mars 1802, reproduisant sur ce point le traité
de Badajoz du 8 juin 1801, fixait la limite là où elle devait
l'être, à l'Arawari qui se jette au-dessus du cap Nord, près de
l'île de la Pénitence, à un degré un tiers environ.
Enfin l'article 10 du traité de Paris rendit à la France la
Guyane telle qu'elle existait au Ier janvier 1792, mais la con-
testation n'en subsistait pas moins; elle dut être réglée par un
arrangement amiable sous la médiation de l'Angleterre. Le plé-
nipotentiaire portugais protesta, s'en référa au traité d'Utrecht,
et le traite de Vienne du 9 juin 1815 déclara (art. 107) que le
Portugal céderait jusqu'à l'Oyapock, qui avait toujours été
considéré comme la limite et qu'on procéderait à l'amiable à
la fixation définitive des frontières conformément au sens
précis du traité d'Utrecht. Ces termes laissaient la question
entière ; aussi la Convention de Paris avec le Portugal, du
28 août 1817, constata seulement la remise immédiate de la
Guyane jusqu'à l'Oyapock
:
des
commissaires devaient
régler les limites dans le délai d'un an. Cette délimitation ne
fut jamais faite et la question ne fut pas résolue pendant
toute la durée du XIXe siècle.
Actuellement la frontière séparant la Guyane française et le
Brésil est définitivement constituée par le cours de l'Oyapock
et les monts Tumuc-humac. Cette ligne de démarcation est
celle qu'a adoptée l'arbitre désigné, conformément à une con-
vention conclue le 10 avril 1897, pour terminer enfin le diffé-
rend territorial qui divisait depuis si longtemps la France et le
Brésil au sujet des limites de la Guyane. C'est le 1er décem-
bre 1900 que le Président de la confédération helvétique,
arbitre choisi par les parties, a rendu sa sentence et mis fin à
la contestation.
A l'ouest, le traité d'arbitrage du 30 juillet 1889 a déterminé,
sur le Haut-Maroni, la frontière entre les Guyanes française et
hollandaise.

— 199 —
§ 3. Sénégal. — Mauritanie. — Haut-Sénégal
Niger. — Guinée française.
227. La colonie du Sénégal comprend, avec deux budgets
distincts, des pays annexés et des pays protégés ; elle s'étend
sur la côte, depuis la banlieue de Saint-Louis, formant la
limite méridionale de la Mauritanie, jusqu'à la frontière de la
Guinée portugaise (1) exception faite toutefois du territoire
dépendant de la colonie anglaise de la Gambie, tel qu'il a
été délimité par les traités du 10 août 1889 et du 8
avril 1904 (n° 19).
Les pays annexés se subdivisent en territoires de communes
constitués, dites communes de plein exercice et territoires dits
d'administration directe. Les communes de plein exercice sont
celles de Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque. L'autre frac-
tion des pays annexés, comprend les escales ou stations que
nous avons sur le fleuve Sénégal et sur la ligne du chemin de
fer de Dakar à Saint-Louis, ainsi que la voie ferrée elle-même,
sur une largeur de 100 mètres, et un district de la Casamance.
' Les pays de protectorat se répartissent en un certain
nombre de cercles, auxquels sont rattachés également les pays
d'administration directe non constitués en communes, savoir
les cercles de Bakel, de Matam, de Podor, de Dagana, de
Louga, de Tivaouane, de Thiès, de Kaolack, de Maka-Coliben-
tan et de la Casamance.
227 bis. La Mauritanie embrasse tous les territoires situés au
nord du Sénégal jusqu'à la limite séparant les sphères d'in-
fluence de l'Algérie et de l'Afrique occidentale française. Cette
limite, déterminée par un accord conclue le 7 juin 1903 entre
les ministres de l'intérieur et des Colonies, part du cap Noun
au sud du Maroc (2). Notre action ne s'exerce toutefois que
(1) Cette frontière, qui sépare la Guinée portugaise, d'une part, de la
Casamana, c'est-à-dire de la colonie du Sénégal, et. d'autre part, de la
colonie de la Guinée française, a été fixée par un traité du 12 mai 1886,
approuvé par la loi du 22 juillet 1887. Elle a été déterminée sur les

lieux par une commission mixte franco-portugaise (1903-1905).
(2) La France possède Wadnoun, sur la côte du Maroc, non occupé :
un traité du 29 juillet 1840 nous reconnaît un droit de police et de
pavillon ; la liberté du commerce français y est assurée.


— 200 —
sur les pays maures, trarza, brakna ou dowiches. Sur la côte,
la Mauritanie s'étend, au nord du Sénégal, jusqu'à la limite de
la colonie espagnole du Rio de Ouro, telle qu'elle a été défini-
tivement fixée par le traité du 27 juin 1900. Cette frontière
laisse à la France l'île et la baie d'Arguin, les salines d'Idjil
et l'Adras. Au sud, les limites séparant de la colonie du Séné-
gal le territoire de la Mauritanie sont, d'après un décret
du 25 février 1905, déterminées par la banlieue de Saint-Louis,
antérieurement constituée par un décret du 13 février 1904, et
par le fleuve Sénégal, à partir du marigot de Kassack jusqu'au
marigot de Karakoro.
227 ter. — La colonie du Haut-Sénégal et Niger est consti-
tuée principalement par des territoires dépendant de l'ancienne
colonie du Soudan français, et que le décret du 17 octo-
bre 1899, en démembrant celte colonie, avait rattachés au
Sénégal.
Ces territoires comprenaient les cercles de Kayes, de Bafour
labé, de Kita, de Satadougou, de Bamako, de Ségou, de
Djenné, de Nioro, de Goumbou, de Sokolo et de Bougouni. [1
fallait y ajouter en outre deux territoires militaires, comprenant
e premier les cercles ou résidences de Tombouctou, de Sumpi,-
de Goundam, de Bandiagara, de Dori et de Ouahigouya, et le
second les cercles ou résidences de San, de Ouagadougou, de
Léo, de Koury, de Sikasso, de Bobo Dioulassou et de Dje-
bougou. Un troisième territoire militaire, s'appliquant aux
territoires compris entre le Niger et le Tchad et ayant pour
chef-lieu Zinder, avait été constitué, dans des conditions ana-
logues aux deux premiers, par décret du 20 décembre 1900.
- Ces territoires ont été pour la plus grande partie conquis
par nos armes, dans les expéditions successives ou nos prin-
cipaux adversaires furent Ahmadou et Samory.
Après avoir été rattachés à la colonie du Sénégal, sous le nom
de pays du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger, puis incorporés
par le décret du 1er octobre 1902 dans la circonscription dite
de la Sénégambie-Niger, ils forment actuellement, depuis le décret
du 18 octobre 1901·, la colonie du Haut-Sénégal et Niger. Le chef-
lieu n'en est maintenu que provisoirement à Kayes et doit
être, aussitôt que les services du gouvernement pourront y
être installés, transféré à Bamako. La colonie ne comprend

— 201 —
plus qu'un territoire militaire, dit territoire militaire du Niger
et comprenant les premières circonscriptions des premiers et
troisièmes territoires militaires, tels qu'ils avaient été précé-
demment constitués. Les cercles dépendant du second de ces
territoires militaires ont été placés, en vertu du décret du
18 octobre 1904, sous le régime de l'administration civile (1).
228. La Guinée française comprend les bassins des divers
cours d'eau qui se déversent dans l'Atlantique, entre la fron-
tière de la Guinée portugaise, fixée parle traité du 12 mai 1886,
et celle de la colonie anglaise de Sierra-Leone, déterminée par
les accords successifs du 10 août 1889, du 26 juin 1891 et du
21 janvier 1895. De cette colonie dépendent également les îles
de Los, situées en face de son chef-lieu, Conakry, et cédées à
la France par le traité du 8 avril 1904.
Dans ses limites intérieures, la colonie de la Guinée fran-
çaise comprend le Fouta-Djallon. Un traité de protectorat a
été conclu avec les chefs de ce pays, le 6 février 1897, par
M. Chaudié, gouverneur général de l'Afrique occidentale fran-
çaise. 11 a été ratifie par décret du 13 janvier 1899. Enfin, le
décret du 17 octobre 1899, en démembrant la colonie du
Soudan français, a rattaché à la Guinée française les cercles de
Dinguiray, de Siguiri, de Kouroussa, de Kankan, de Kissi-
dougou et de Beyla.
Aux termes d'un décret du 24 mars 1901, l'île de Conakry,
avec une banlieue de 12 kilomètres de profondeur sur la terre
ferme, le plateau do Boké (Rio-Nunez) et le territoire de
Tantjé, ainsi que, dans la Haute-Guinée, les îles de Siguiri,
Kankan et Kouroussa, avec chacune une étendue de 500 hec-
tares, ont été déclarés pays annexés.
§ 4. Côte d'Ivoire. — Dahomey.
229. La limite entre la Côte d'Ivoire et la République de Libé-
(1) Les postes militaires établis dans les pays annexés ou protégés
sont des territoires français ; il eu est de même du territoire qu'ils
protègent et qui en constitue une dépendance nécessaire. Cass. crim.

23 février 1884, aff. Rolland.

— 202 —
ria a été fixée le 8 décembre 1892 par le protocole de Paris,
d'après le cours du fleuve Cavally, puis par des lignes géogra-
phiques. Les territoires de Garroway, de Grand-Bassam et de
Grand-Bootom, qui nous avaient cédés en 1838 et en 1842, ont
été abandonnés par l'article 3 de cet arrangement.
La limite à l'est, vers les possessions anglaises des Achan-
tis, est actuellement fixée par le traité du 14 juin 1898.
La Côte d'Ivoire comprend toute la côte entre Libéria et les
Achantis et notamment :
1° Dabou : placé sous notre protectorat par un traité du 10
octobre 1853, qui nous cède le terrain nécessaire pour cons-
truire un comptoir fortifié et des factoreries;
2° Piquini Bassam : le traité du 30 février 1852, approuvé
le 20 décembre 1883, nous cède la souveraineté pleine et
entière de ce petit Etat voisin de Grand-Bassam ;
3° Grand-Bassam : notre souveraineté sur la rivière de
Grand-Bassam est absolue et résulte des traités des 19 février
1842 et 7 mars 1844. A Grand-Bassam se rattachent : le ter-
ritoire compris entre Atacla et Grand-Bassam ( traité du 22 avril
1844, approuvé le 12 juillet 1884), le Debrimou, le Bouboury,
les Ebriés (traités du mois de décembre 1886 ), le Thiakba
(traité du 28 juin 1887), le Cosroë (traité du 19 décem-
bre 1887), etc.
4° Assinie ; la souveraineté de la France sur Assinie, résul-
tant du traité du 4 juillet 1843, fut réduite à un protectorat
par le traité du 26 mars 1844.
La Côte d'Ivoire comprend encore de nombreux protecto-
rats : ceux de : Bettié, Yacassé, Thiassalé, Indénié, les états
de Kong et les pays compris entre la' boucle du Niger et la
côte avec lesquels de nombreux traités ont été signés depuis
1888, au cours de diverses explorations, notamment celles de
MM. Binger (1888-89, 1891-92), Baud, Nebout, Wœlfel, etc.
La démarcation des zones d'influence de la France et de
l'Angleterre dans la région qui s'étend à l'ouest et au Sud du
moyen Niger a été fixée par les accords franco-anglais des
10 août 1889, 26 juin 1891, 12 juillet 1893, et finalement du
14 juin 1898. Ce dernier traité a consacré les droits de la
France sur le royaume de Bouna, sur une partie de Gourounsï
et sur le Lobi.

— 203 —
Le décret du 17 octobre 1899, en démembrant le Soudan
français, a rattaché à la Côte d'Ivoire les cercles ou rési-
dences de Djenné, de Kong et de Bouna.
229 bis. Le Dahomey a été constitué à la suite des deux
campagnes du général Dodds en 1892 et 1894. Créée par
décret du 25 juin 1894, la colonie nouvelle succédait à nos
anciens établissements du golfe de Bénin, devenus la colonie
du Bénin.
Les limites séparant le Dahomey, à l'ouest de la coloe
nie allemande de Togo ont été déterminées par les traités
du 24 décembre 1885 et du 23 juillet 1897. A l'est ta limite
entre nos possessions et les territoires anglais de la Nigeria a
été définitivement fixée par les conventions du 10 avril 1889
et du 14 juin 1898, ce dernier accord consacrant une délimi-
tation prévue par le traité du 15 janvier 1896. Ces divers trai-
tés, en assurant à notre colonie le Gourma, le Djougou, les
royaumes de Nikki et de Say lui ont permis de se prolonger
jusqu'au Niger.
Depuis le décret de réorganisation du 17 octobre 1899, la
colonie du Dahomey comprend les cantons de Kouala ou Nebba
au sud de Liptako et le territoire de Say, comprenant les
cantons de Djennaré, de Diongoré, de Folmongani et de Botou.
C'est par ces pays et par la région dite du Gourma, qu'il
embrasse également, que se trouve, au nord, limité l'arrière-
pays du Dahomey.
229 ter. La France ne possède aucun territoire sur les côtes
du continent africain entre le Dahomey et le cours de la Muny.
La partie du littoral située entre le Rio Campo et la Muny a
été reconnue à l'Espagne par convention du 27 juin 1900.
§ 5. — Congo français.
230. La colonie du Congo français comprend, sur la côte
occidentale d'Afrique, tout le territoire entre la rivière Muny
u nord et le Congo au sud ; les frontières de terre ont dû
re déterminées pour la plus grande partie par des lignes
déaies : l'article 3 de la convention du 5 février 1885 entre la

— 204 —
France et l'Associa lion internationale du Congo (1) les avait
tracées de manière à éviter autant que possible les contesta-
tions entre les deux pays.
Au nord, la limite avec la colonie allemande de Cameroun
est fixée par la convention du 15 mars 1894; à l'est, l'arran-
gement de Paris avec l'Etat libre du Congo du 14 août 1894 (2)
fixe comme frontière, à partir du point où l'Oubangui se jette
dans le Congo, d'abord le thalweg de l'Oubangui, puis celui
du M' Bomou. une ligne droite rejoignant la crête de partage
des eaux entre les bassins du Congo et du Nil, enfin cette crête
de partage jusqu'à son intersection avec le 27°40' E. (3).
Le Congo portugais, dans sa partie située au nord du
fleuve, est entouré par la colonie française; les limites sont
fixées par la convention de Paris du 12 mai 188G ( L. 22 juil-
let 1887).
231. Dans la partie nord du Gabon se trouvaient quelques
territoires et quelques petites îles dont la possession a été
longtemps disputée entre la France et l'Espagne. Les îles
étaient celles de Corisco et les deux Elobey situées à l'embou-
chure de la rivière Muny; elles commandaient l'entrée de l'es-
tuajre du Gabon et pouvaient par suite servir de point d'appui
à la contrebande; les droits des Espagnols, quelque contes-
tables qu'ils fussent, s'appuyaient sur l'occupation par eux
accomplit; depuis plusieurs années.
Quant à la rivière Muny elle-même, des difficultés étaient
également soulevées; des traités avaient été signés par les
deux pays avec des chefs différents et chacun invoquait des
titres nombreux, mais les actes passés par la France semblaient
antérieurs et la,possession de la rive gauche de la rivière tout
au moins ne pouvait nous être sérieusement disputée malgré
les prétentions espagnoles qui voulaient réclamer tout l'estuaire
de la rivière Mundah jusqu'à quelques kilomètres de Libreville.
Plus au nord, les Espagnols possédaient le cap Saint-Jean,
(1) Approuvée par la loi du 17 décembre 1883.
(2) Approuvé par la loi du 21 décembre 1894.

(3) L'État indépendant du Congo s engage d'ailleurs à n'exercer aucune
action à l'ouest et au nord d'une ligue brisée formée par le 27°-40' de
longitude E. et le 5°30' de latitude N., jusqu'au Nil.

— 205 —
mais il est non moins certain que nous avions des droits sur
d'autres parties de la côte, notamment dans le golfe de Biafra,
à l'entrée de la rivière Quaquo.
La convention du 27 juin 1900 a l'ait cesser ce différend terri-
torial en adoptant comme limite le cours de la Muny, Sur les
territoires qui lui ont été définitivement reconnus, l'Espagne
a réservé à la France un droit de préférence général pour le
cas où elle songerait à en faire abandon au profit d'une tierce
puissance.
232. Une partie de la colonie, dans les régions que le traité
du 5 février 1885 a reconnu nous appartenir, est soumise au
régime spécial créé par l'acte général de la conférence de
Berlin du 20 février 1885 (1); elle appartient à la zone franche
qui comprend de bassin du Congo et de ses affluents; tous les
pavillons y ont également libre accès et des droits de douane
ne peuvent y être perçus. C'est dans cette région que se trouve
Brazzaville.
Enfin c'est à la colonie du Congo que sont rattachées les
immenses régions que l'accord du 21 mars 1899, acte addi-
tionnel au traité du 14 juin 1898, a fait entrer dans la sphère
d'influence française, à l'est et au nord du Tchad. Il n'a encore
été fait acte d'occupation toutefois que dans le Baguirmi et à
l'entrée du Kanem.
§ G. — Établissements de la mer des Indes.
233. La colonie de la côte française des Somalis et dépen-
dances (2) comprend :
1° L'établissement d'Obock, situé dans le golfe de Tadjourah,
s'étendant sur la côte entre Ras Doumeïrah et Ras Ali (3) ; la
profondeur maximum de cette bande de terrain, d'après
(1) Approuvé par la loi du 17 décembre 1883.
(2) Déc. 20 mai 1896.
(3) La frontière, partant de Ras Douméïrah, et séparant les possessions
françaises et italiennes, a été déterminée à partir du littoral, et jusqu à
une distance d'environ 60 kilomètres dans l'intérieur du pays, par une
convention de délimitation conclue le 24 janvier 1900.

— 206 —
l'acte de délimitation du 15 mai 1884, est de 40 à 50 kilo-
mètres.
2° Le groupe des îles Suba ou des Frères, composé de sept
îlots rocheux situés en face de Périm;
3° Tadjourah, que nous possédons en vertu du traité du
21 septembre 1884 approuvé par décret du 18 décembre
1884;
4° Ras Ali, Sagallo et Rood. Ali, d'une part, la côte depuis
Adaléi jusqu'à Ambaddo, d'autre part, c'est-à-dire tout le Gubct
Karab, qui nous a été cédé par deux traités des 18 octobre
et 14 décembre 1884 passés avec les sultans de Tadjourah et
de Gobad approuvés par décret du 21 août 1885.
Enfin un Français est propriétaire, et la France est souve-
raine, depuis 1870, du territoire de Cheikh Saïd sur la côte
arabique en face de Périm.
Nos droits pourraient encore être revendiqués sur les points
suivants :
1° Ouano dans le golfe de Tadjourah (cédé en 1858 par le
sultan Abou-Bekr) ;
2° Le port et le territoire d'Edd (vendus à la compagnie
nanto-bordelaise le 12 septembre 1840, rétrocédés à la France
par M. Pastré en 1858) ;
3° La baie d'Amphila (traité de 1840 avec le roi d'Abys-
sinie) ;
4° La baie d'Adulis, l'île de Dissec et l'île d'Ouda (traité du
29 décembre 1859 avec le roi de Tigris).
234. Les établissements de Madagascar comprenaient, jadis,
en tant que pays de souveraineté, les territoires des Sakalaves (1 ).
D'autre part, le traité du 17 décembre 1885, approuvé
par la loi du 6 mars 1886, reconnaissait les droits de souve-
raineté de la reine des Hovas sur toute l'île, sous la réserve
d'un protectorat français, en ce qui concerne les relations
extérieures de Madagascar. Nous nous réservions seulement, à
titre de possession française, la baie de Diego-Suarez.
A la suite des difficultés survenues avec le gouvernement
(1) Les territoires des Sakalaves étaient soumis, non au protectorat, mais
à la souveraineté de la France (Dép. à la Réunion, 13 juin 1884, B. O.
Réunion, 1884, p. 332)


— 207 —
hova qui refusait d'exécuter le traité, et de l'expédition qui
amena nos troupes, sous les ordres du général Duchesne, jus-
qu'à Tananarive, le protectorat français fut définitivement
rétabli, et un décret du 11 décembre 1895 confia à un résident
général l'administration de l'île. Le budget devait être approuvé
par le ministre des Colonies.
Mais cette situation fut de suite jugée insuffisante, peu en
rapport avec les sacrifices faits par la France, et la loi du
6 août 189G déclara Madagascar colonie française.
- 234 bis. Mayotte avec les Comores forme actuellement un
gouvernement' particulier et dont l'organisation est actuelle-
ment réglée par un décret du 9 septembre 1899.
Le chef-lieu du gouvernement est à Dzaoudzi (Mayotte). Des
administrateurs remplissent les fonctions de résident dans
chacune des autres îles, la Grande Comore, Anjouan et Mohéli.
Chaque île a son budget indépendant et est administrée par le
résident avec le concours du Conseil des cadis à la Grande
Comorre, des sultans dans les deux autres îles.
235. Nos possessions de l'Inde, qui jadis constituaient un
vaste empire, sont aujourd'hui réduites à cinq villes, au terri-
toire qui les entoure et qui est composé de portions de terrain
(aidées) enchevêtrées au milieu du territoire anglais, et à dix
loges, petites enclaves des possessions anglaises (1).
Les cinq établissements sont :
Pondichéry, sur la côte Coromandel ;
Chandernagor, sur l'Hoogly. Les limites ont été déterminées
par une convention du 31 mars 1853, sauf en ce qui concerne
la juridiction sur la partie de l'Hoogly qui touche à la ville,
question encore non tranchée ;
Karikal, sur la côte Coromandel, près de l'embouchure de
l'Arselar ;
Yanaon, sur la côte d'Orixa, au confluent du Godavery et du
Coringuy ;
(1) La superficie du territoire autour de chaque ville est la suivante :
Pondichéry, 50,803 hectares ; Chandernagor, 940 hectares ;
Karikal,
13,515 hectares; Yanaon, 1,429 hectares; Mahé, 5,909 hectares.
La valeur des loges est estimée à 400,000 francs environ, mais ce n'est
pas la valeur de la propriété qui doit entrer en ligne de compte ■ leur
importance existe surtout au point de vue politique.


— 208 —
Mahé, sur la côte Malabar, à l'embouchure de la rivière de
M allé.
Les loges sont au nombre de dix :
1° Dans le Bengale : Balassore sur la côte Ouest. Notre pa-
villon a été réarboré eu 1816 (1) ; —Dacca à l'est du Bengale,
important établissement. La reprise de possession a eu lieu le
20 avril 1819 ; — Jougdia à l'extrémité est du Bengale ; —
Kazimbazar sur le Barigetty, branche du Gange. En 1817, en
présence de vexations des Anglais, on renonça momentané-
ment à relever le pavillon ; — Patna, sur le bord du Gange,
même observation ;
2° Sur la côte Malabar, Calicut, dans la ville indo-anglaise
de ce nom ;
3° Dans le Goudjerale, Surate, dans la ville indo-anglaise
de ce nom ;
4° Sur la côte d'Orixa, Mazulipatam et son annexe France-
peth que nous pouvons revendiquer. Nous avons renoncé le
31 mars 1853 au droit de fabriquer des alcools dans cette loge>
moyennant une redevance annuelle de 3,550 roupies.
Ces comptoirs ne sont pas occupés actuellement.
§ 7. — Indo-Chine.
236. Notre empire indo-chinois comprend, ainsi que nous
l'avons indiqué précédemment (n° 33 et suiv.) :
La Hasse-Cochinchine, avec les îles de : Poulo-Condore et
les îlots qui en dépendent dans la mer de Chine, — Poulo-
Panjang, Poulo-Obi près de la pointe de Camau, — Phuquoc
et ses annexes, — le groupe des Pirates, Honray, Hontri, le
groupe de Poulo-Dama dans le golfe de Siam ;
Le Cambodge ;
Le Laos ;
L'Annam.
Le Tonkin, avec les îles nombreuses qui bordent la côte
(1) Documents fournis par M. Haas, chargé d'une mission dans l'Inde.

— 209 —
depuis l'embouchure orientale du fleuve Rouge, jusqu'à la
frontière; de Chine et L'île de Bach-long-vi placée dans le
golfe du Tonkin à mi-distance entre l'embouchure occidentale
du fleuve et le détroit d'Haïnan.
L'Indo-Chine est séparée du royaume de Siam par une ligne
tracée à partir du golfe de Siam, jusqu'au Mékong, avec
lequel elle se confond ensuite de manière à laisser au Siam
Kantaboum et la province de Rattambang (Traités des 15 juil-
let 1867 ; 14 juillet 1870 ; 3 octobre 1893 ; 13 février 1904).
Au nord-ouest et au nord, la limite entre les possessions et
les zones d'influence française et anglaise est le thalweg du
Mékong depuis l'embouchure du Nam Huok jusqu'à la fron-
tière chinoise (1).
Au nord-est et à l'est, l'Indo-Chine est séparée de la Chine
par une ligne dont la délimitation a été terminée en 1895 (2)
et qui passe à Laokaï, à quelques kilomètres à l'est de That-Ke
et de Langson, rejoint la rivière Ngan-nan-Kiang et aboutit au
golfe du Tonkin à l'est du cap Paklung.
237. Les limites entre les diverses parties de l'Indo-Chine
sont :
Entre la Basse-Cochinchine et le Cambodge, une ligne par-
tant du golfe de Siam au nord de Hatien, se dirigeant à l'est
et suivant à peu près le canal de Yinh-té, le Rach Bassac, le
Rach Loubon, le Rach Cai-Co, remontant au nord pour enve-
lopper l'arrondissement de Tayninh, le pays des Mois ;
Entre la Basse-Cochinchine et l'Annam, le.pays des Mois,
puis une ligne passant un peu à l'est de Nui-ta-Kra sur la
route du Binhthuan, à l'est de Giaphu sur la route de Mantieh
et aboutissant à Cuni sur la mer de Chine.
Entre le Cambodge et l'Annam, des pays presque déserts où
l'on rencontre quelques tribus Stiengs.
Entre l'Annam et le Tonkin, la rivière Song-ma et le Lach
Kiao.
(1) Déclaration du 15 janvier 1896 signée à Londres.
(2) Conventions des 26 juin 1887 et 20 juin 1895 (V. Déc. 19 octobre 1896).
COLONIES, I.
14

— 210 —
§ 8. — Établissements de VOcéanie.
238. Les îles de Tahiti et Moorea, les archipels des Mar-
quises, des Tuamotus, des Gambiers et l'île Rapa ne donnent
lieu à aucune remarque.
Quant aux Tubuaï, deux des quatre îles qui les composent
nous ont appartenu tout d'abord : ce sont Tubuaï et Raïvavaé :
les deux autres, Rimatara et Rurutu, placées sous notre protec-
torat, étaient dirigées par des chefs indigènes et visitées de
temps en temps par les navires de la station. Ces dernières ont
été rattachées administrativement à. l'archipel des Gambiers
par décret du 18 novembre 1901.
L'île de Raïatea-Tahaa appartient au groupe des Iles sous le
Vent comprenant en outre Rorabora et Huahine. Par le traité
du 19 juin 1847, les gouvernements français et anglais s'étaient
engagés à ne pas prendre possession de cet archipel, mais à
la suite d'une demande des chefs de Raïatea du 6 avril 1880,
le protectorat français fut accordé à cette île sous la réserve
de l'annulation de la convention de 1847. Le 9 avril les cou-
leurs françaises ont été placées en yak dans le pavillon na-
tional de Raïatea. Depuis, le gouvernement allemand, par
l'arrangement du 24 décembre 1883, s'est engagé à ne rien
entreprendre qui puisse' entraver notre prise de possession
de Raïatea et des autres Iles-sous-le-Vent ; d'autre part, la
convention avec le gouvernement anglais du 16 novembre 1887
a consacré définitivement les droits de la France sur les Iles
sous ie Vent. La prise de possession a eu lieu le 16 mars 1888 ;
les îles ont été définitivement annexées au territoire français
en exécution de la loi du 19 mars 1898.
238 bis. Le gouvernement allemand a adhéré en principe,
par le protocole de Berlin, à la prise de possession éventuelle
par la France des Nouvelles-Hébrides ; mais, à la suite de
réclamations des colonies australiennes, cette prise de pos-
session a été ajournée et un arrangement est intervenu avec
le gouvernement anglais, le 16 novembre 1887, réglant les
conditions d'occupation de ces îles.
238 ter. Les îles Wallis avaient été placées sous le protec-
torat de la France par un traité du 4 novembre 1842; mais ce

— 211 —
traité n'ayant pas été ratifié, il en est intervenu un second, le
1!) novembre 1886, par lequel la reine accepte de nouveau le
protectorat de la France. Ce traité a été ratifié le 5 avril 1887,
et un décret du 27 novembre 1887 a rattaché ces îles, admi-
nistrativement et financièrement, à la Nouvelle-Calédonie. Le
résident dépend du gouverneur de la Nouvelle-Calédonie; son
traitement est payé par l'Etat. Quant au rattachement financier
mettant les dépenses à la charge du budget local en le faisant
bénéficier des recettes de ce petit établissement, c'est une mo-
dification au décret du 2 avril 1885, fixant les attributions du
conseil général de cette colonie.
L'île de Futuna (ou île Hoorn), située entre les Wallis et les
Fidji, s'est placée sous le protectorat de la France par une
déclaration du 29 septembre 1887, rappelant une déclaration
du 13 novembre 1842, l'une et l'autre ratifiées par un décret
du 16 février 1888.
SECTION II
DIVISIONS ADMINISTRATIVES
239. Les îles de la Guadeloupe et de la Réunion sont divi-
sées, au point de vue judiciaire seulement, chacune en deux
arrondissements : la Basse-Terre et la Pointe-à-Pitre, —Saint-
Denis (arrondissement du Vent) et Saint-Pierre (arrondissement
de Sous-le-Vent). La Martinique ne constitue, au point de vue
judiciaire, qu'une seule circonscription, un décret du 13 mai
1902 ayant après l'éruption du mont Pelé, rattaché l'arrondis-
sement de Saint-Pierre à celui de Fort-de-France. Les cantons
n'existent pas au point de vue de la représentation au conseil
général, mais uniquement au point de vue judiciaire.
Enfin le territoire est divisé en communes : Martinique 30,
Guadeloupe 32 (y compris les dépendances), Réunion 17 com-
munes et 2 districts ayant une organisation municipale.
240. Saint-Pierre et Miquelon et la Guyane sont divisés en

— 212 —
communes (3 à Saint-Pierre et Miquelon 14 à la Guyane,
non compris le territoire pénitentiaire).
241 A. Le gouvernement général de l'Afrique Occidentale
dont le siège est à Dakar comprend les colonies du Sénégal,
du Haut-Sénégal et Niger, de la Guinée française, de la Côte
d'Ivoire et du Dahomey, et le territoire de la Mauritanie.
Chacune de ces colonies est administrée, sous l'autorité du
gouverneur général, par un lieutenant-général. La Mauritanie
est placée sous la direction immédiate d'un commissaire du
gouvernement général.
Au Sénégal, 2 grandes divisions existent :
1° Les communes de plein exercice (Saint-Louis, Dakar,
Gorée, Rufisque) et les pays d'administration directe.
2° Les pays de protectorat divisés en 10 cercles, ceux de
Dagana, de Podor, de Matam, de Bakel, de Longa, de Tiva-
uane, de Thiès, de Kaolack, de Maka-Colibentan et de la
Cosamance. Chaque.cercle comprend des territoires d'adminis-
tration directe et des pays protégés.
241 B. La colonie du Haut-Sénégal se divise en deux ré-
gions, l'une placée sous le régime de l'administration civile,
l'autre constituant le territoire militaire du Niger s'étendant de
Tombouctou au nord jusqu'à Zinder et au Tchad, au sud.
La région civile se subdivise en 32 cercles, ceux de Kayes,
de Médine, de Bafonlabé, de Satagoudou, de Kita, de Ba-
mako, de Kati, de Koulikoro, de Banamba, de Bougouni, de
Ségou, de Sansanding, de Djenné, de Sokolo, de Goumbou,
de Nioro, de Yélimane, de Sikasso, de Bandiagara, de Mopti,
de Hombori, de Ouahigouya, de Niafunké, de Bobo-Dioulasso,
de Banfara, de Kantiala, de San, de Koury, de Boromo, de
Gaoua, de Djebougou, de Ouagadougou, de Leo et de Tenko-
dogo.
241 C. La Guinée française se divise en 3 régions, celles
de la Basse-Guinée, du Fonta-Djallon et de la Haute-Guinée.
La Basse-Guinée comprend, avec Conakry, les cercles les
plus voisins de la côte, notamment ceux de Boké, de Boffa,
de Dubréka, de Benti, de Ouassou et de Friguiagbé. Le Fou-
ta-Djallon comprend les cercles de Timbo, de Ditium, des
Timbis, du Labé, de Kadé et de Boussoura. La Haute-Guinée
comprend, répartis en plusieurs cercles, les territoires autre-

— 213 —
fois dépendant du Soudan français et dont les centres princi-
paux sont à Faranah, Siguiri, Kouroussa, Kankan, Kissidou-
gou et Beyla.
241 D. La côte d'Ivoire comprend, sur la côte ouest, tes
cercles de Cavally, de Bereby, de San-Pedro et de Sassandra;
sur la côte est, les cercles de Lahou, de Bingerville, de Da-
bou, de Grand-Bassam et d'Assinie.
Dans l'intérieur, les principaux postes sont établis dans les
régions de Thiassalé, de l'Indénie, du Baoulé, et dans ceux
d'Odjenné, de Kong et de Bouna, qui faisaient autrefois partie
du Soudan français.
La région du Baoulé
demeure actuellement placée sous
le régime de l'administration militaire.
241 E. Le Dahomey se divise en deux régions, celles du
Bas-Dahomey, et du Haut-Dahomey.
Le Bas-Dahomey comprend 8 cercles, ceux de Cotonou, de
Porto-Novo, de Ouidah, de Mono, d'Allada, d'Abomey, de
Zagnanado et de Savalou.
Le Haut-Dahomey comprend 5 cercles, ceux du Borgou, de
Djougou-Kouandé, du Moyen-Niger et du Gourma.
242. Le Congo français dont le siège est à Brazzaville se
divise en quatre terrritoires, ceux du Gabon, du Moyen-Con-
go, de l'Oubangui-Chari et du Tchad. Le Gabon et le Moyen-
Congo forment deux colonies distinctes, à la seconde des-
quelles sont rattachés administrativement les territoires de
l'Oubangui-Chari et du Tchad (1.
Le Gabon se subdivise en 4 cercles, ceux de Libreville, des
Oroungous, de l'Ogooué et du Fernan-Vaz.
Le Moyen-Congo comprend sept cercles, ceux du Bas-Con-
go, du Bas-Oubangui, du Moyen-Oubangui, de la Moyenne-
Sangha, de la Haute-Sangha, de Loango et de Mayumba (2).
Le territoire de l'Oubangui-Chari comprend trois régions,
celles de Bangui, de Mobaye et du Haut-Chari. La région de
Mobaye se subdivise en 4 cercles (ceux de Mobaye, de Ban-
(1) Ces territoires forment, depuis le décret du 11 février 1906, la co-
lonie de l'Oubangui-Chari-Tchad.
(2) Les cercles de Loango et de Mayumba se trouvent rattachés au
Gabon selon les nouvelles limites données à cette colonie par le décret
du 11 février 1906.

— 214 —
gassou, de Rafai et de Sémio), et la région du Haut-Chari en
deux cercles (ceux de Krebedjé et de Gribingui).
Le territoire militaire du Tchad comprend deux régions,
l'une dite région fétichiste, l'autre dite région musulmane. La
première se subdivise en 4 cercles (ceux du Bahr-Sara infé-
rieur, du Moyen-Chari, du Moyen-Logone et du sultanat de
Snoussi. La seconde se subdivise en 5 cercles (ceux du Bas-
Chari, du Baguirmi, du Dékakiré, du Débaba, et du Kanem.
243. Dans l'Inde, chacun des 5 établissements forme une
unité administrative. Le territoire de Pondichéry est divisé
en 4 communes, celui de Karikal en 3 ; chacun des autres
établissements constitue une commune.
*
244 Mayotte et les Comores sont placées sous la direction
d'un gouverneur assisté de trois administrateurs résidant à la
Grande-Comore, Anjouan et Mobéli.
Nossi-Bé et Sainte-Marie-de-Madagascar sont rattachées au
gouvernement général de Madagascar dont le siège est à
Tananarive. L'île est divisée en un certain nombre de cercles
groupés en plusieurs régions, celles de Majunga, de l'É-
myrne, de Tamatave, de' Fort-Dauphin et de Tuléar.
245. L'union indo-chinoise, constituée en un gouvernement
général dont le siège est à Hanoï comprend une colonie, la
Cochinchine et quatre territoires ou pays de protectorat, le
Tonkin, l'Annam, le Cambodge et le Laos (1).
La Cochinchine se subdivise en 20 arrondissements ; en
outre l'île de Ponlo-Condore forme une circonscription spéciale
et les communes de Saigon et de Cholon ont une administra-
tion séparée.
Le Tonkin comprend 21 provinces, l'Annam 13, le Cam-
bodge 11 et le Laos 14.
Enfin le territoire de Kouang-cheou-Ouan, cédé à bail par
la Chine, est rattaché au gouvernement général de l'Indo-
Chine ; il comprend 3 circonscriptions.
246. La Nouvelle-Calédonie forme 5 arrondissements
(Nouméa, Canala, Houaïlou, Touho, Ouegoa) ; de plus, le
(1) Les commandants supérieurs ont sous leurs ordres des commis-
saires du Gouvernement, et sur la rive droite du Mekong, des agents
commerciaux.

— 215 —
groupe des Loyalty forme une subdivision administrative
placée sous l'autorité d'un résident et rattachée au 1er arron-
dissement. Enfin la résidence des Wallis relève directement du
gouverneur.
247. Les établissements de l'Océanie constituent, en dehors
de Tahiti et Moorea, 4 groupes : Marquises, Tuamotu, Gam-
bier, et Iles-sous-le-Vent, placés chacun sous l'autorité d'un
administrateur ou résident. Chaque archipel est divisé en
districts à la tète desquels sont des chefs indigènes.
Une commune a été créée à Papeete par décret du 26 mai
1890.

— 216 —
TITRE II
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE COLONISATION.
CHAPITRE PREMIER.
POUVOIR
MÉTROPOLITAIN.
SECTION PREMIÈRE.
PRINCIPE DE SOUVERAINETÉ
248. La métropole, quelle que soit l'indépendance relative
quelle accorde aux colonies, conserve toujours vis-à-vis d'elles
la souveraineté avec les droits et les obligations qui en résul-
tent. Quelle est la limite de cette souveraineté? à quelle point
cesse-t-elle pour se transformer en un simple lien plus ou
moins tenu, plus ou moins facile à rompre, comme celui qui
rattache certaines colonies anglaises à la métropole'? La dis-
tinction peut être délicate : par le sénatus-consulte de l8G(i,
le gouvernement a abdiqué une grande partie de ses droits;
c'est ainsi que nous avons vu abandonner le droit de fixer les
impôts qui, autrefois, était considéré comme une prérogative
essentielle de la souveraineté (I). Cependant il est possible
d'énumérer les pouvoirs qui nous paraissent constituer le mi-
nimum des réserves métropolitaines : — droit, pour le Parle-
ment ou pour le Gouvernement suivant le cas, sans aucun
abandon aux assemblées locales, de faire les lois'et règlements
applicables aux colonies; — droit et obligation corrélative de
(1) « Le droit d'établir- des impositions, même volontaires, est un
« droit de souveraineté exclusivement dévolu au roi (Mémoire du roi du
« 25 septembre 1741, pour servir d'instruction aux gouverneurs). »


— 217 —
défendre ces établissements, d'où résulte la noh-existence de
troupes spéciales à telle ou telle colonie et relevant de son
gouvernement; —droit Exclusif de choisir les magistrats; —
droit de règler les relations avec les gouvernements étrangers.
L'abandon de l'un quelconque de ces quatre droits nous
paraîtrait impliquer la transformation de la colonie en un éta-
blissement autonome, appelé à rompre, à bref délai, tout lien
avec la métropole.
248 bis. On s'est demandé si la métropole, sans renoncer à
ses droits de souveraineté sur ses colonies, pourrait en aban-
donner l'exercice à des sociétés privées de colonisation. Cette
solution, vivement préconisée dans ces dernières années, a été
examinée par le conseil supérieur des colonies. Celui-ci avait
estimé qu'il était possible de déléguer, par décrets simples,
une partie de ses attributions aux sociétés de colonisation,
(séance du 6 juin 1891) ; mais le Gouvernement ne partagea
pas cet avis et présenta un projet de loi qui ne fut jamais dis-
cuté et qui l'autorisait à faire cette délégation de pouvoirs par
des décrets rendus en Conseil d'État (7. 0., Documents parle-
mentaires, Sénat, n° 170,49, juillet 1891, p. 432).
249. Nous examinerons, au sujet des pouvoirs des gouver-
neurs (n° 347) les conditions dans lesquelles des conventions
peuvent être passées entre nos colonies et les pays étrangers ;
nous rappellerons seulement que ces actes ne sont valables
qu'autant qu'ils ont été approuvés, soit par un décret, soit
par une loi, suivant les circonstances. C'est ainsi que les
conventions d'ordre purement financier, intéressant unique-
ment le budget local d'une colonie, doivent être cependant
ratifiées par l'autorité métropolitaine (1); parfois môme les
conventions intéressant les services locaux sont passées directe-
ment par le ministre (2).
250. Le droit de souveraineté d'un pays sur ses colonies
peut être momentanément suspendu par le fait d'une occupa-
(1) Conventions entre la Cochinchine et le Cambodge. 10 et 20 sep-
tembre 18S3, ratifiées par un décret du 31 décembre 1883.
(2) Contrat relatif à la concession du chemin de fer de Pondichéry
aux chemins de fer de l'Inde anglaise (L. 18 juin 1878). Contrat relatif
au câble reliant la Nouvelle-Calédonie à l'Australie (L. 23 mars 1893).


— 218 —
tion étrangère, mais cette situation ne pourrait avoir pour
effet de modifier le caractère de la possession (1), de faire de la
colonie un pays étranger, tant qu'un traité régulier ne serait
pas venu transformer l'occupation en une cession. Pendant
cette période, la loi primitive est toujours, et reste seule, ap-
plicable, sauf sur les points où elle a été modifiée par des rè-
glements de la puissance de fait, régulièrement promulgués.
La loi étrangère n'est nullement en vigueur de plein droit (2)
et les applications qui ont pu en être faites tombent d'elles-
mêmes le jour où cesse l'occupation ennemie; mais le béné-
fice des actes faits en vertu de ces règlements, des jugements
qui ont été rendus en les appliquant, soit par les tribunaux
spéciaux établis par l'étranger, soit par les tribunaux français
maintenus en fonctions, reste acquis aux personnes au profit
desquelles les actes ont été faits ou les jugements rendus.
SECTION IL
RÉGIME LÉGISLATIF.
ARTICLE PREMIER. — Législation coloniale.
§ 1. — Considérations générales.
251. Le régime législatif des colonies est fixé d'une manière
générale par le sénatus-consulte du 3 mai 1854, qui les a divi-
sées en deux catégories.
Pour les unes, la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion,
les articles 3 à 8 du sénatus-consulte déterminent, suivant
l'importance des matières, la* nature des actes législatifs : —
Sénatus-consultes (aujourd'hui remplacés par des lois) ; —
lois; — décrets en Conseil d'État; — décrets simples.
(1) V. Dalloz. Organisation coloniale, n° 40.
(2) Cf. Cass. req. 1« février 1837, aff. Magill.


— 219 —
Pour les autres, au contraire, l'article 18 les soumet exclu-
sivement au régime des décrets simples. Toutefois une modi-
ficalion a été apportée sur ce dernier point par les lois rela-
tives au régime douanier des colonies. La loi du 7 mai 1881
exige un décret en Conseil d'État pour la fixation des tarifs de
douane de ces établissements ; celte disposition a été mainte-
nue par la loi du 11 janvier 1892, dans les cas spéciaux où le
tarif métropolitain n'est pas applicable. En outre, cette der-
nière loi décide que les délibérations des Conseils généraux,
relatives au mode d'assiette, aux règles de perception et au
mode de répartition de l'octroi de mer, doivent être approu-
vées [tar un décret rendu dans la forme des règlements d'ad-
ministration publique.
Cette division de nos colonies en deux groupes nettement
délimités a donné lieu à beaucoup de critiques; plusieurs pro-
jets et propositions de lois ont été déposés pour modifier la
constitution coloniale (1).
252. 11 y a lieu de remarquer d'ailleurs que le régime lé-
gislatif ainsi déterminé peut toujours être modifié par voie
d'évocation du pouvoir supérieur. Ainsi pour les matières qui,
aux termes de l'article 7 du sénatus-consulte de 1854 pour les
anciennes colonies, de l'article 18 pour les autres, sont réglées
par des décrets simples, le gouvernement peut prendre l'avis
du Conseil d'Etat et les soumettre au même régime que celles
énumérées à l'article 6 (2). Mais il n'en résulte pas, selon
nous, qu'à partir de ce moment le régime des règlements
d'administration publique soit pour ces matières irrévocable-
ment substitué à celui des décrets simples.
Le Conseil d'État est, il est vrai, apppelé nécessairement (3)
(1) Voir au Journal officiel (Documents parlementaires du Sénat) les
projets d'organisation coloniale de M. le sénateur Isaac (η» 106, 23 fé-
vrier 1888, p. 38 ; — n° 146, 15 juillet 1890, p. 210 ; — n° 70, 30 avril
1891, p. 31) et le projet de loi déposé par le gouvernement sur l'organi-
sation politique et administrative des Antilles (Sénat. Sess. Ord. 23 juin
1891, p. 211).

(2) C'est ainsi que l'article 53 du décret du 20 novembre 1882, sur le
service financier des colonies, décide que les délibérations des conseils
généraux en matière d'emprunt doivent être approuvées par un décret
rendu dans la forme des règlements d'administration publique.

(3) L. 24 mai 1872, art. 8.

— 220 —
à donner son avis sur les règlements d'administration publi-
que et sur les décrets en forme de règlements d'admisnistra-
tion publique, mais les décrets rendus après délibération de
l'assemblée générale et qui doivent mentionner que le Con-
seil d'État a été entendu (1) ne 60nt pas nécessairement des
règlements d'administration publique. Il faut pour ceux-ci une
délégation du pouvoir législatif, et les décrets pour lesquels
cette délégation n'existe pas rentrent dans la catégorie des
affaires qui sont soumises au Conseil pour avis par le Prési-
dent de la République et les ministres : la possibilité de les
modifier, sans nouvel envoi à son examen, a été reconnue par
un arrêt du Conseil d'État du 30 juillet 1880 (2).
253. D'autre part le pouvoir législatif a toujours le droit
d'évoquer les questions déférées par la constitution coloniale
à des actes réglementaires. Les sénatus-consultes ont disparu
et la constitution coloniale est rentrée sous l'action des lois.
Le Parlement peut naturellement la modifier en tout ou en
partie; il peut plus — et c'est là que des difficultés d'applica-
tion se présentent — il peut, sans toucher à la constitution,
sans poser en principe que les questions d'une certaine nature
seront dorénavant résolues par voie législative, statuer sur un
cas particulier. C'est ainsi que la loi du 28 mars 1882 a étendu
à toutes les colonies sans exception, même à celles régies par
des décrets dans tous les cas, le principe de l'élection des
maires; que la loi du 5 avril 1884 a été déclarée applicable à
la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion, alors qu'aux
(1) L. 24 mai 1872, art. 13.
(2) ... Vu la requête... tendant à l'annulation, pour excès de pou-
voir... d'un décret. . par le motif.-.. ; 2° que ces décrets (20 septembre
1807 et 28 janvier 1811) ainsi que celui du 24 février 1858, que le même
article abroge également, ayant été rendus en Conseil d'Étal, ne pou-
vaient légalement être rapportés que dans les mêmes formes... ; - Sur
le moyen tiré de ce que, en tout cas, le décret attaqué serait illégal, en
ce qu'il n'aurait pas été rendu après avis du Conseil d'Etat; — Consi-
dérant que l'article 8 de la loi du 24 mai 1872 n'appelle le Conseil
d'Étal à donner nécessairement son avis que sur les règlements d'admi-
nistration publique et sur les décrets qu'une disposition législative
spéciale prescrit de rendre dans la forme des règlements d'administra-
tion publique et que le décret attaqué ne rentre point dans les cas
spécifiés par la loi présente du 24 mai 1872...
— Rejet (AIT. Facteurs
aux Halles de Paris, L. 80, ρ 703).

— 221 —
termes du sénatus-consulte de 1854 l'organisation municipale
(en dehors du principe de la division en communes, de l'exis-
tence d'un conseil municipal et de son mode d'élection, placés
par l'article 11 sous le régime des sénatus-consultes) est ré-
gie par des règlements d'administration publique; que la loi
du 15 avril 1890 a fait entrer dans le domaine législatif l'or-
ganisation judiciaire de la Guadeloupe, de la Martinique et de
la Réunion.
253 bis. Le Parlement a plus récemment exercé son droit
de modifier en tout ou en partie la constitution coloniale, au-
jourd'hui que les sénatus-consultes, celui du 3 mai 1854
en particulier, sont identifiés à des lois : · il a voté l'arti-
cle 33 de la loi des finances de l'exercice 1900 (1), qui
soumet à des dispositions nouvelles le régime financier des
colonies. D'après cet article, un décret en Conseil d'Etat est
désormais exigé dans certains cas où son intervention n'était
pas jusqu'alors obligatoire. En outre, a un autre point de vue,
la loi du 13 avril 1900, tout en maintenant, dans les budgets
des colonies pourvues de conseils généraux, la distinction
établie entre les dépenses- facultatives et les dépenses obliga-
toires, tend, pour le présent et pour l'avenir, à limiter étroi-
tement ces dernières. Dans les colonies d'Océanie et des con-
tinents d'Afrique et d'Asie notamment, l'article 33 ne recon-
naît de caractère obligatoire qu'à certaines dépenses dont il
détermine l'objet ainsi qu'à celles qui auront été « imposées
par des dispositions législatives ». Ces mots ont donné lieu à
une difficulté d'interprétation.
On pouvait se demander en effet si, parmi ces dépenses
ainsi « imposées par des dispositions législatives », devaient
figurer toutes celles que le pouvoir exécutif, agissant en vertu
de la délégation qu'il tenait du sénatus-consulte do 1854,
avait par des décrets, antérieurement au 13 avril 1900, décla-
rées obligatoires. Le Parlement, en d'autres termes, avait-il
rétroactivement effacé le caractère obligatoire de cette caté-
gorie de dépenses et, par là même, rétroactivement aboli la
force législative que les décrets intervenus, avaient à leur
(1) L. 13 avril 1900

— 222 —
origine, acquise légitimement? Malgré ce qu'une telle opinion
pouvait avoir de rigoureux, elle a paru finalement devoir
être adoptée ; le Conseil d'Etat, tenant compte de l'intention
du législateur, intention que les débats devant les Chambres
avaient clairement manisfesté, y a donné son entière adhésion.
C'est ce qu'établit un avis très concluant de la section des
Finances en date du 20 février 1901 (1). Il est à remarquer
que, selon les termes de cetavis, la loi du 13 avril 1900 doit
être considérée comme se trouvant nettement en opposition
avec le sénatus-consulte du 3 mai 1854, car elle a voulu,
mieux que ne l'avait fait le sénatus-consulte, séparer les attri-
butions de l'autorité exécutivé et celles de l'autorité légis-
lative.
253 ter. Il est évident que les points réglés par une loi ne
peuvent plus être dorénavant modifiés que de la même ma-
nière, que l'article 1G5 de la loi du 5 avril 1884, par exemple,
implique la modification, sur ce point, de l'article 6 du séna-
tus-consulte de 1854. Mais d'autres cas moins nets peuvent se
(1) C. d'Et. Fin. 20 février 1901. Considérant qu'il résulte, tant de
la littéralité de ses termes que de la discussion à laquelle elle a donné
lieu devant les Chambres (séances du 13 mars, à la Chambre des Députés,
et du 10 avril au Sénat), que la disposition sur laquelle porte la
demande d'avis a eu pour objet de substituer, dans la fixation des
dépenses obligatoires à la charge des colonies d'Océanie, de l'Afrique
continentale et d'Asie, l'intervention du législateur à celle du pouvoir
exécutif, qu'elle se motivait, d'après les déclarations de ses promoteurs,
par le désir de mettre fin à un régime qui, en multipliant les dépenses
obligatoires, immobilisait la majeure partie des crédits budgétaires, au
détriment du droit de contrôle et de disposition des corps élus ; — qu'à
cet effet la loi susvisée, après avoir repris, pour se l'approprier, dans
les décrets antérieurs, une portion de la nomenclature des dépenses
obligatoires, spécifie que les dépenses non dénommées devront, pour y
figurer, être imposées par des dispositions législatives ; — que cette
dernière expression ne saurait s'entendre des mesures par lesquelles le
chef du pouvoir exécutif régit en vertu de l'article 18 du sénatus-con-
sulte du 3 mai 1854, les colonies autres que celles des Antilles et de
la Réunion; — que si en effet, cet article confond, au profit d'une
autorité unique, les attributions executives et législatives, la disposition
nouvelle constitue précisément un essai de distinction entre ces pou-
voirs et qu'elle perdrait toute portée et toute signification à être inter-
prétée autrement ; — qu'il n'est pas davantage possible d'arguer du
principe de non-rétroactivité des lois, énoncé dans l'article 2 du code
civil, pour consolider à titre permanent l'énumération des dépenses
obligatoires telle qu'elle a été jusqu'ici dressée dans les budgets des
diverses colonies intéressées, et limiter l'effet de la loi du 13 avril 1900.

— 223 —
présenter ; une loi peut, en modifiant on en s'appropriant les
dispositions d'un décret rendu en exécution du sénatus-con-
sulte de 1854, donner à ce décret une valeur légale et sup-
primer par cela même le droit du gouvernement d'agir en
cette manière par voie réglementaire. Ce cas s'est présenté,
par exemple, en ce qui concerne la loi sur la contrainte par
corps. La loi du 8 janvier 1877 a, dans son article 6, main-
tenu le principe des ateliers de discipline et réglé certains
détails de fonctionnement de ces ateliers. Le Conseil d'Etat a
vu dans ce fait une évocation par le pouvoir législatif de la
répression du vagabondage et a estimé que les prescriptions
relatives à la contrainte par corps ne pouvaient plus doréna-
vant être modifiées que par voie législative (1).
233 quater. — D'autres difficultés peuvent encore se pré-
senter. Une loi déclarée applicable aux colonies, par l'un de
ses articles finaux, peut être modifiée ultérieurement par de
nouvelles lois, sans que le législateur spécitie expressément
que ces nouveaux textes s'appliquent aux colonies et le pro-
blème se pose alors de savoir si ces lois modificatrices ont
une valeur légale dans nos établissements d'outre-mer.
Une distinction paraît devoir s'imposer : si la loi modifi-
catrice substitue une rédaction entièrement nouvelle au texte
d'un ou plusieurs articles, elle s'incorpore entièrement dans
la loi primitive et rien ne fait obstacle à sa promulgation aux
colonies. Si, au contraire, la loi nouvelle, sans substituer
explicitement un texte nouveau au texte de la loi primitive,
édicte des exceptions aux principes préalablement posés par
le législateur, il semble qu'un décret soit impuissant à étendre
ces dispositions restritives aux colonies. La loi du 29 juil-
let 1881, sur la liberté de la presse, peut servir d'exemple, à
l'appui de cette doctrine. Cette loi, déclarée applicable aux
colonies par son article C9, a été moditiée depuis par les deux
(1)
Considérant, d'ailleurs, que la loi du 8 janvier 1877, tout en
modifiant le fonctionnement des ateliers de travaux publics, a maintenu
les décrets, règlements et arrêtés relatifs à la police du travail et à la
répression du

vagabondage,
ainsi
que l'article
10 du décret
du
16 août 1834 — qu'un ne saurait par un décret rendu en Conseil d'État,
prendre des dispositions contraires à une loi postérieure au sénatus-
consulte du 3 mai 1854


— 224 —
lois des 12 décembre 1893 et 28 juillet 1894, sans que le
législateur ait expressément déclaré ces lois applicables dans
nos établissements d'outre-mer. La loi du 12 décembre 1893
se borne à substituer un texte nouveau au texte des articles 24,
§ 1er, 25 et 49 de la loi primitive : le pouvoir exécutif doit
donc la déclarer applicable aux colonies. Au contraire, la loi
du 28 juillet 1894, sans modifier la rédaction des lois précé-
dentes, défère, dans certains cas spéciaux, aux tribunaux de
police correctionnelle, les infractions précédemment pour-
suivies devant la cour d'assises ; il semble que cette loi, qui
établit des exceptions aussi importantes aux règles posées par
les lois primitives, ne peut être promulgée aux colonies par
un simple décret, en présence de l'ignorance où le pouvoir
exécutif se trouve des intentions du législateur. 11 en est de
même de la loi du 13 avril 1850, relative à l'assainissement
des logements insalubres ; l'article 13, § 2, de cette loi édicte
des restrictions aux principes posés par les articles 60 et 61
de la loi du 3 mai 1841 sur l'expropriation; ces dernières
dispositions ayant été rendues applicables aux colonies par
le sénatus-consulte du 3 mai 185G, il n'a pas été possible de
promulguer par un simple décret une loi qui constitue une
telle dérogation aux règles établies par la loi de 1841.
Cette doctrine peut offrir certains inconvénients, en raison
surtout des retards qu'entraîne dans le règlement des affaires
coloniales la nécessité de recourir à une loi : mais ce n'est là
qu'une difficulté d'application et elle doit céder devant le prin-
cipe supérieur de la répartition des pouvoirs publics et l'im-
possibilité d'édicter des dispositions pouvant, à un moment,
susciter un conflit entre le pouvoir législatif et le pouvoir
exécutif.
254. Une seconde question très importante se présente à
propos de l'effet que peuvent avoir soit dans la métropole,
soit dans d'autres colonies, des actes ayant force légale, appli-
cables à une colonie déterminée. Leur effet est-il limité à cette
colonie? les droits qu'ils concèdent ne peuvent-ils être réclamés
partout ailleurs? Cette question se soulève surtout au point de
vue électoral et à celui de la nationalité. Les décrets qui éta-
blissent dans l'Inde des différences entre les natifs renonçant
ou non au statut personnel, ceux du 25 mai 1881, sur la natu-

— 225 —
ralisalion en Cochinchine, du 10 novembre 1882 sur la natu
ralisation à la Nouvelle-Calédonie, du 27 juillet 1887 sur la
naturalisation en Annam et au Tonkin, promulgués sous
l'empire de la loi du 29 mai 1874, ont été expressément main-
tenus, en ce qui concerne les indigènes de ces colonies, par le
règlement d'administration publique du 7 février 1897, pris
en exécution de l'article 5 de la loi du 26 juin 1889. Une
importante controverse, soulevée à plusieurs reprises, soit dans
la presse, soit par certaines réclamations, relativement à
l'effet de ces décrets, n'a reçu sa solution que dans ces der-
nières années.
La Cour de cassation a décidé qu'un acte ayant force legis-
lative dans une colonie, rendu conformément à la constitution
générale de cette colonie, est également valable soit dans la
métropole, soit dans une autre colonie, alors même qu'il n'a
pas été rendu dans les formes obligatoires pour la métropole
ou cette autre colonie.
Ainsi, en ce qui concerne en particulier la naturalisation,
l'Indien, qui a renoncé aux us et aux coutumes de sa caste et
à son statut personnel (1), cesse d'être sujet français, pour
devenir un citoyen français ; le décret du 26 février 1884, qui
dispose quo l'Indien renonçant est porté, dans l'Inde, sur une
liste électorale spéciale (2) et non sur la liste réservée aux
Européens, ne porte pas atteinte aux droits qu'il a acquis en
vertu du décret du 21 septembre 1881, d'être régi par les lois
civiles et politiques, applicables aux Français dans les autres
colonies, et ne fait pas obstacle à son inscription sur les listes
électorales, partout où la législation accorde les droits électo-
raux aux citoyens français ou naturalisés (Cass. 28 octobre 1885,
29 juillet 1889, 18 juin 1890, S.91.1.30).
(1/ Les formes de la renonciation des Indiens à leur statut personnel
ont été fixées par le décret du 21 septembre 1881. Auparavant, la
renonciation résultait, soit d'un acte de libre volonté dûment exprimé,
soit de l'accomplissement d'un acte incompatible avec la conservation
du statut personnel (Cass.
24 juillet 1888, aff. Tirouvingatapoullé,
S. 90.1.401).
(2) Les demandes d'inscription ou de radiation sur les listes électo-
rales peuvent être écrites dans l'Inde en langue native, sans être accom-
pagnées d'une traduction en langue française. Les commissions élec-
torales, et le juge de paix en appel, ont compétence pour se prononcer
sur ces demandes (Cass. 24 juin 1891, aff. Polichetty, S. 91.1.479)
COLONIES, t.
15

— 226 —
Inversement, un Indien non renonçant, des établissements
français de l'Inde, qui, en vertu des textes spéciaux à cette
colonie, y bénéficie d'un électorat spécial, ne peut jouir de
ses droits électoraux dans la métropole ou dans les autres
colonies, en Cochinchine, par exemple : il n'est pas citoyen
français dans l'acception complète de ce titre, il ne peut donc
exercer les droits politiques attribués aux seuls citoyens français
ou naturalisés ; et, comme les lois spéciales qui le régissent
n'ont pas été déclarées applicables aux autres colonies, ce
serait à tort qu'on l'y porterait sur les listes électorales (Cass.
3 janvier 1888, 29 juillet 1889, S. 90,1).
Celle doctrine de la Cour de cassation doit, selon nous,
être restreinte aux espèces spéciales qu'elle envisage ; nous
estimons qu'un décret spécial, rendu pour une colonie, ne peut
ni directement, ni indirectement, modifier une situation légale
établie, soit dans la métropole, soit clans les autres colonies,
par des textes spéciaux. Les décrets spéciaux, pris en vertu
des droits conférés au Gouvernement par le sénatus-consulte
du 3 mai 1854, de déclarer applicable dans une colonie une
loi promulguée en France, n'ont d'effet que dans la colonie.
255. Le régime légal d'une colonie n'est pas modifié par le
fait seul de son annexion à un autre établissement ; les lois
qui y sont promulguées restent en vigueur et les actes posté-
rieurs applicables à tout l'établissement y peuvent seuls être
appliqués. Une loi est nécessaire pour modifier cet état de
choses ; c'est par exemple ce qui a été fait pour Saint-Barthé-
lemy, lors de son annexion à la Guadeloupe (L. 2 mars 1878).
La colonie de Sainte-Marie de Madagascar est restée pen-
dant quelques années dans une situation anormale au point de
vue du régime législatif : le décret du 27 octobre 1876 avait
rattaché cette île à la Réunion comme dépendance, mais le
régime des dépendances de la Réunion, prévu par l'article 193
de l'ordonnance de 1825, n'avait pas été établi; le sénatus-
consulte de 1854 n'étant pas applicable à cet établissement,
en l'absence de tout texte législatif, il en résultait que Sainte-
Marie de Madagascar restait soumise au même régime qu'a-
vant son annexion à la Réunion. Cette situation a pris fin par
la promulgation du décret du 29 octobre 1887 qui a rendu
applicables à Sainte-Marie de Madagascar les lois, décrets et

— 227 —
ordonnances qui ont promulgué ou modifié à la Réunion la
législation civile, commerciale et criminelle en vigueur dans
la métropole. Depuis cette époque. Sainte-Marie a été rattachée
successivement à la colonie de Diégo-Suarez, puis à Mada-
gascar; les luis promulguées auparavant y sont toujours en
vigueur.
256. Enfin, il est une dernière question que peut soulever
l'étude de la législation en vigueur dans les différents établis-
sements d'outre-mer : c'est celle des lois et décrets qui
deviennent applicables aux colonies par le fait seul de leur
promulgation dans la métropole. Il est incontestable qu'il en
est ainsi des textes régissant certaines catégories de citoyens
qui ne cessent pas, par leur absence de France, de faire par-
tie de groupes auxquels ils appartiennent, groupes régis par
des textes spéciaux.
Ainsi, les dispositions relatives à la Légion d'honneur sont
applicables sans aucune promulgation aux colonies : le membre
de la Légion reste soumis à ses lois spéciales partout, hors de
France, aux colonies et môme à l'étranger. Il en est de même
des règlements particuliers à l'armée : le soldat emporte avec
le drapeau toute ta législation militaire. Ceci, d'ailleurs, n'est
pas applicable uniquement aux colonies : le fait d'être sur
une terre française ne présente à cet égard aucun caractère
particulier.
Mais, si les règlements militaires sont applicables ipso facto
aux colonies, c'est uniquement quand ils traitent de questions
exclusivement militaires. Du moment où un citoyen civil peut
y être intéressé, la promulgation doit se faire suivant les formes
ordinaires. Λ ce titre, on a pu critiquer la circulaire du 9 fé-
vrier 188 4 relative au décret sur le service des places, du
23 octobre 1883. On ne saurait admettre qu'un décret puisse
être rendu applicable par une circulaire, surtout dans ce cas
où certains articles concernent également les militaires et les
civils. L'application aux colonies aurait dù, il semble, être faite
par un décret (1).
(1) Il a été reconnu nécessaire de rendre applicable aux colonies le
Code de justice militaire par le sénatus-consuite du 4 juin 1838 et le
règlement d'administration publique du 21 juin 1838, parce que, dans
certaines de ces dispositions, il pouvait s'appliquer aux civils.

— 228 —
§2. — Colonies régies par le sénatus-consulte du S mai 1854.
257. Le sénatus-consulte du 3 mai 1854 a, dans ses articles
3 à 8, réglé les différentes compétences en matière législative
dans ces colonies, et réparti ces compétences entre les séna-
tus-consultes, les lois, les décrets rendus dans la forme des
règlements d'administration publique et les décrets simples. La
distinction, telle qu'elle a été établie a cette époque, existe
encore, sauf en ce qui concerne le régime de la presse, le
régime municipal, l'organisation judiciaire que les lois du 29 juil-
let 1881, 15 juillet 1889, 15 avril 1890 ont, pour certaines co-
lonies, fait passer dans le domaine législatif (1).
258. Les sénatus-consultes ont été supprimés en 1870 ; depuis
lors, et sans qu'aucune modification ait été apportée au sénatus-
consulte de 1854, on a admis que des lois leur étaient en tout
point substituées; la Constitution de 1875 a déterminé les
questions qui, seules, peuvent être soumises à un régime légal
particulier : pour les autres, des lois votées successivement par
les deux Chambres, promulguées par le Président de la
République, sont la seule expression de la volonté législative :
il devait en être de même pour les colonies.
259. L'énumération donnée par l'article 3 du sénatus-consulte
de 1854 et qui comprend uniquement les questions « impliquant
les principes mêmes de législation (2) » est limitative : la
jurisprudence a reconnu qu'on ne saurait l'étendre aux matières
qui n'y sont pas explicitement indiquées. Ainsi par les mots :
législation en matière criminelle, il convient d'entendre unique-
ment les dispositions pénales; quant à l'organisation judiciaire
en matière criminelle comme en toute autre matière, elle rentre,
aux termes de l'article 6, dans le régime des décrets (3). Les
mots : organisation judiciaire, d'ailleurs, s'appliquent évidem-
ment à toutes les juridictions, aux juridictions criminelles
comme aux juridictions civiles, aux juridictions militaires
(1) La loi du 11 janvier 1892 a fait rentrer dans le domaine législatif
le régime douanier qui en était sorti depuis le sénatus-consulte de 1806.
(2) C. d'Et. Fin. et Int. 1er juillet 1873.
(3) Cf. Cass. crim. 30 juin 1859, aff. Sogoder.


— 229 —
comme aux juridictions ordinaires. Aussi, quand on a voulu
rendre applicable aux colonies le Code de justice militaire pour
l'armée de mer, on a divisé l'acte en deux parties : les dispo-
sitions pénales (sénatus-consulte du 4 juin 1858) et les autr.es
dispositions du Code (règlement d'administration publique du
21 juin 1858, remplacé par le règlement d'administration
publique du 4 octobre 1889). Dans ces dernières années, ainsi
que nous l'avons déjà indiqué, une modification profonde a été
apportée par le législateur à ces matières ; la loi du 18 avril 1890
a fait entrer l'organisation de la justice civile et criminelle aux
Antilles et à la Réunion dans le domaine législatif.
En ce qui concerne les dispositions pénales en matière
criminelle, la compétence légale est absolue ; le Conseil d'État,
saisi de l'examen d'un projet de décret tendant à promulguer
par un règlement d'administration publique, avec quelques
modifications, les lois des 22 juillet 1867 et 19 décembre 1871
sur la contrainte par corps, a reconnu qu'une loi seule pouvait
faire cette promulgation (1) et le Parlement a sanctionné cette
théorie en élaborant la loi du 2 7 juin 1891.
260. Les questions relatives à l'état civil, la naturalisation,
en particulier, sont exclusivement du domaine législatif : la
naturalisation modifie l'état de l'étranger, elle lui confère l'exer-
cice des droits politiques; elle ne peut donc être réglementée
par des décrets et elle nécessite l'intervention du législateur.
(t) ... Considérant que les lois des 17 avril 1832 et 13 décembre 1848,
sur la contrainte par corps, ayant été promulguées et étant encore exé-
cutoires dans les colonies précitées, dans les dispositions qui n'ont pas
été modifiées par le décret du 6 décembre 1869 promulguant l'article 1er
de la loi du 24 juillet 1867, la promulgation intégrale de cette dernière
loi aurait pour effet de modifier la législation en matière criminelle.

Considérant en effet, que la contrainte par corps est, depuis la loi du
24 juillet 1867, un mode d'exécution de la peine de l'amende : la justifi-
cation de l'insolvabilité ne suffisant pas pour soustraire le condamné à
la contrainte par corps — celle-ci ne pouvant plus être reprise contre le
condamné, libéré comme insolvable et revenu à meilleure fortune ;

Considérant que l'amende est, aux termes de l'article 11 du Code
pénal, une peine commune aux matières criminelles et correction-
nelles ;

Est d'avis :
Que la question soulevée ne saurait être résolue que par la voie lé-
gislative.
C. d'Et. Fin. et Lég. 1« juillet 1884.

— 230 —
Cette intervention a donné lieu successivement aux lois du
29 mai 1874 et du 26 juin 1889, qui ont soumis nos anciennes
colonies au même régime que la métropole.
261. Les articles 4 et S du sénalus-consulte confiaient à des
lois, et, dans l'intervalle des sessions, à des règlements d'ad-
ministration publique devant être plus tard convertis en lois,
le régime commercial des colonies. L'article 2 du sénatus-
consulte du 4 juillet 1866 avait abrogé cette disposition, en
stipulant que les tarifs d'octroi de mer seraient votés définitive-
ment par les conseils généraux et que les tarifs de douane
seraient fixés provisoirement par ces assemblées sous la réserve
de l'approbation par un décret rendu en Conseil d'Etat. A la
suite de la loi du 11 janvier 1892, la Martinique, la Guadeloupe
et la Réunion ont perdu leur liberté douanière : le tarif métro-
politain est appliqué lors de l'introduction des marchandises
étrangères dans des colonies; cependant des décrets en Con-
seil d'Etat peuvent accorder des réductions de droits à certains
produite. D'autre part, les délibérations des conseils géné-
raux, relatives au mode d'assiette, aux règles de perception et
au mode de répartition de l'octroi de
mer, doivent être
approuvées par décrets rendus dans la forme des règlements
d'administration publique (1).
L'article 4 du sénatus-consulte de
1854 peut soulever
une controverse ; on doit se demander s'il ne s'applique
pas à toute la législation en matière commerciale, auquel
cas il serait encore en vigueur aujourd'hui, la loi de 1892
n'ayant statué qu'en matière de tarif. Dans ce sens, on
peut l'aire remarquer que l'article 4 ne contient aucune ex-
ception, que la compétence du Corps législatif en matière
commerciale devait être aussi complète à l'égard des colo-
nies qu'à l'égard de la métropole (2), que lors de la discus-
(1) L'article 3 du sénatus-consulle du é juillet 1866 et le règlement
d'administration publique du 11 août 1866 laissaient aux conseils géné-
raux des Antilles et de la Réunion le droit de fixer le mode d'assiette
et les règles de perception des droits de douane. Le Conseil d'État, con-

sulté par le sous-secrétaire d'Etat des Colonies, a émis l'avis que cette
faculté conférée aux conseils généraux avait été supprimée par la loi
du 11 janvier 1892 (C. d'Et. Fin. 17 janvier 1893).

(2) Rapport sur le sénatus-consulte de 1854.

— 231 —
sion du sénatus-consulte de 1866, M. Delangle indiquait
les octrois de mer et les tarifs de douane comme « Tune
des matières qui se rattachent au régime commercial ».
Cette théorie confond le régime commercial avec la lé-
gislation commerciale : si les règlements relatifs au com-
merce international et aux relations commerciales des co-
lonies avec la métropole ont été, en 1854, placés dans les
attributions du pouvoir législatif, le pouvoir exécutif a con-
servé toute latitude pour légiférer en ce qui concerne le
Code de commerce.
Cette interprétation
a toujours été
admise jusqu'à présent (1) et affirmée très nettement par un
avis du Conseil d'Etat sur la question de savoir si la loi
du -23 juin 1857 sur les marques de fabrique devait être
rendue applicable aux eolonies par une loi (2).
(1) Par exemple, la loi du 17 juillet 1856 sur la suppression de l'arbi-
trage forcé a été rendue applicable par le décret du 14 mai 1862.
(2) Considérant que l'intention expresse du Sénat lorsqu'il a usé, en
1854; du pouvoir constituant à l'égard des colonies, a été de diviser en
deux grandes catégories les matières soumises à l'action législative, de
réserver les unes au domaine, soit du séuatus-consulte, soit de la loi,
d'abandonner les autres au pouvoir exécutif, agissant par voix de dé-
crets simples ou de décrets rendus en la forme, des règlements d'admi-
nistration publique ;
Que le sénatus-consulte du 3 mai 1854 disposant à l'égard de la pre-
mière catégorie dans les articles 3, A et 5, y a compris exclusivement
les matières où sont impliqués les principes mêmes de notre législation,
et, quant au commerce, celles qui, par leur matière, affectent directement
les intérêts métropolitains ;
Que, — de même que dans l'article 3, il n'a pas fait entrer tous les
titres du Code-civil, et que le Code de procédure civile en a été nom-
me ment exclu. — dans l'article 1, l'expression « régime commercial des
eolonies » n'a pas été employée pour désigner l'ensemble des lois com-
merciales, mais seulement colles des dispositions legislatives qui con-
cernent les conditions économiques et fiscales des écbanges entre les
colonies et les autres pays ; que, par conséquent, le Code de commerce
et les lois relatives à l'organisation et à la police du commerce doivent
être considérés comme compris dans l'article 6 dudit sénatus-consulte;
Considérant que par son article 8, le sénatus-consulte du 3 mai 1854
accorde au pouvoir exécutif la faculté d'appliquer aux colonies, par des
décrets, les lois métropolitaines concernant les matières énumérées
dans l'article 6 ;
Sont d'avis :
Que le pouvoir exécutif peut rendre applicables aux colonies, par
simple décret, les lois en matière commerciale promulguées dans la
métropole.
C. d'Et. Fin. et Int. 1er juillet 1873.
Par suite de cet avis, un décret du 8 août 1873 a rendu applicable aux
colonies la loi du 13 juin 1857.

— 232 —
262. Les matières comprises dans rénumération des ar-
ticles 3 et 4 du sénatus-consulte de 1854 restent, dans tous
les cas, soumises au pouvoir législatif : les lois qui les
concernent, et qui sont applicables dans la métropole, ne
peuvent être promulguées aux colonies par acte réglemen-
taire, môme sans modification.
Toutes les matières, au contraire, non comprises dans
celte enumeration,
à l'exception de celles signalées au
n° 257, sont du ressort des décrets rendus, suivant les cas
avec ou sans le concours du Conseil d'Etat (1). L'article 5
détermine les points pour lesquels un décret délibéré en
Conseil d'État est nécessaire, mais il ne s'agit là que des
actes édictant des dispositions nouvelles ou apportant des
modifications aux lois métropolitaines que l'on se propose
d'appliquer aux colonies. Quand aucune modification n'y est
apportée, le concours du Conseil d'État n'est pas néces-
saire (2) et les lois métropolitaines concernant les matières
(1) Parmi les matières qui, dans le régime législatif des colonies
d'Amérique et de la Réunion, exigent l'intervention d'un décret en
Conseil d'Etat, il faut placer aujourd'hui la nomenclature et le minimum
des dépenses obligatoires inscrites aux budgets locaux ainsi que réta-
blissement des contributions et taxes locales. Ces regles nouvelles ont
été consacrées par l'article 33 de la loi de finances du 13 avril 1900
(N° 253 bis, p. 414 et suiv.).
(2) Considérant que la loi du 24 mai 1834 est déjà exécutoire à la
Martinique en vertu de la promulgation qui en a été faite dans cette
colonie, le 1er mai 1852, mais que son article 1er se borne à punir de
certaines peines « tout individu qui aura fabriqué, distribué ou débité
des armes prohibées par la loi ou par les règlements d'administration
publique » ainsi que « celui qui sera porteur desdites armes » et qu'il
ne contient, en lui-même aucune prohibition ;
Considérant que cette prohibition, sans laquelle la loi précitée reste-
rait lettre morte, résulte, en France, de la déclaration du roi du
23 mars 172S, des décrets du 2 nivôse an XIV et 12 mars 180G, ainsi que
de l'ordonnance royale du 23 février 1837, mais que ces déclarations, dé-
crets et ordonnance n'ont pas été promulgués à la Martinique ;
Considérant que si les pénalités édictées par la déclaration de 1728,
et qui ne sont plus en rapport avec notre législation, ont été remplacées
par celles que prononce l'article 1er de la loi du 24 mai 1834, les autres
dispositions de cette déclaration, confirmées par les décrets du 2 nivôse
an XIV et du 12 mars 1806. ont conservé force de loi en France ;
Considérant que, la déclaration et les décrets précités concernant des
matières énumérées dans l'article 6 du sénatus-consulte du 3 mai 1854,
il suffit, pour que ces actes acquièrent également force de loi à la Mar-
tinique, que la promulgation en soit ordonnée dans cette colonie par dé-
cret du Président de la République ;
Considérant qu'il n'y aurait lieu de procéder par voie de décret rendu

— 233 —
énumérées dans l'article
6 du sénatus-consulte de 1854
peuvent, en exécution de l'article 8, être rendues applicables
aux colonies par simple décret : à diverses reprises, le Gou-
vernement a usé de cette latitude pour promulguer en bloc
une partie de notre législation, non sans se heurter, dil-
leurs, à de grandes difficultés (1).
Mais, sur ce point, un problème se pose : le droit de
rendre ainsi les lois métropolitaines applicables aux colonies
par simple décret n'existe évidemment que dans le cas où
aucun changement n'est apporté au texte (2). La section
des Finances, consultée sur l'application à la Martinique des
articles 185 et 199 du Code forestier, a estimé, en effet,
qu'il n'appartenait pas au Gouvernement de promulguer en
partie seulement les lois métropolitaines, en n'en rendant
que quelques articles exécutoires aux colonies, et elle a
considéré comme plus conforme aux principes de la légis-
lation, de préparer un décret en forme de règlement d'ad-
ministration publique, par application de l'article 6 du sé-
natus-consulte précité (3).
dans la forme des règlements d'administration publique en exécution de
l'article 0 du sénatus-consulte, que s'il était nécessaire de modifier en
vue de leur application à la colonie les actes dont il s'agit, mais qu'il
n'est question que de les rendre exécutoires à la Martinique dans les
conditions où ils le sont déjà eu France ;
Est d'avis :
Que la promulgation proposée peut être l'aile par décret du Président
de la République, par application de l'article 8 du sénatus-consulte du
3 mai 1854.
C. d'Et. Fin. 25 juillet 1883.
(1) C'est ainsi : — qu'après avoir déclaré applicable aux colonies, le
27 avril 1848, le régime hypothécaire du Code civil, on dut proroger
pendant un an, puis pendant cinq ans ( Déc. 10 mai-8 juillet 1854), les
dispositions transitoires, — que les décrets du 22 janvier 1852 et 15 jan-
vier 1853 rendirent applicable aux colonies une loi déjà abrogée en
France (V. Déc. 19 mars 1853), etc.
(2) Considérant, en droit, que le projet de décret proposé tend à pro-
mulguer à la Martinique la législation métropolitaine relative à la taxe
municipale des chiens, mais sous réserve d'une modification au texte
des dispositions en vigueur dans la métropole ; que des doutes sérieux
peuvent exister sur la légalité d'une promulgation qui ne serait pas
pure et simple... (C. d'Ét. Fin. 18janvier 1888).
(3) D'autre part, si l'article 8 du sénatus-consulte de 1854 permet de
promulguer dans les colonies, sans modification, les lois métropolitaines,
ce droit ne pourrait exister pour une promulgation de quelques articles
seulement de ces lois : c'est donc, par application de l'article 6 du

— 234 —
Doit-on considérer comme un changement une dévolu-
tion d'attributions d'une autorité métropolitaine à une auto-
rité coloniale ? Le Gouvernement ne l'a pas pensé ; il a, en
effet, rendu par décret du 13 juin 1887, sans avis du Con-
seil d'État, la loi du 18 juin 1870 applicable à la Réunion,
en conférant au gouverneur certains pouvoirs des préfets
dans la métropole. Cette interprétation est discutable. Il y
a, en effet, même dans les dévolutions d'attributions, un
présence des conflits qui peuvent se produire dans les colo-
nies, des questions à trancher présentant des difficultés
assez sérieuses, pour que l'on exige l'accomplissement des
formalités prévues à l'article 6 du sénatus-consulte de 1854.
26 3. Les décrets du Président de la République sans con-
cours du Conseil d'Etat constituent d'ailleurs le régime nor-
mal de la législation coloniale, aux termes de l'article 7
du sénatus-consulte. La part des sénatus-consultes, des lois,
des décrets en Conseil d'Etat est faite par les articles 3, 4
et 6; celle des arrêtés des gouverneurs, par l'article 9 et
par la loi du 8 janvier 1877 (art. 3) qui leur permettent de
prendre des arrêtés pour régler les matières d'administra-
tion et de police et pour l'exécution des lois, règlements et
décrets promulgués dans la colonie. Ces arrêtés doivent être
d'ailleurs, dans certains cas, convertis en décrets, parfois
dans un délai déterminé (1).
En toute autre circonstance, ce sont des décrets simples qui
doivent régler la législation et l'organisation des trois an-
ciennes colonies.
Dans ces conditions, les arrêtés ministériels ne trouvent pas
leur place ; le ministre des colonies ne peut prendre d'arrêté
en dehors des cas pour lesquels une délégation spéciale lui
est donnée par des actes légaux ou réglementaires postérieurs
au sénatus-consulte de 1854. Pour les délégations résultant
d'actes antérieurs, il nous parait que l'abrogation contenue
dans l'article 19 du sénatus-consulte les a fait disparaître (?),
sénatus-consulte et non de l'article 8, que peut être rendu le décret
précité et par suite, le texte même des articles doit être substitué à
l'article 1er projeté, qui se borne à les rendre applicables (G. d'Ét. Fin.
30 octobre 1889).
(1) V. D. -20 septembre 1877. — V. n° 350.
(2) V. C. d'Ét. Cont. Aff. Salvarelli et Merlo. L. 1876, p. 892.

— 235 —
et que par conséquent un arrêté ministériel rendu dans ces
conditions serait illégal.
264. Il est enfin nécessaire de signaler le cas où une loi
déléguerait à un règlement émanant d'une autorité délibérante
locale le droit de statuer sur des matières réservées à la loi
par la constitution coloniale. Ce cas, analogue à celui des rè-
glements d'administration publique établis en exécution de
dispositions spéciales, et dont nous ne connaissons d'ailleurs
qu'un exemple, est celui de la loi du 14 février 1872 sur le
régime forestier de la Réunion : l'Assemblée nationale avait
donné au conseil général de cette colonie le droit de faire un
règlement édictant des pénalités pour les infractions relevant
du tribunal de simple police et du tribunal correctionnel. Ce
règlement devait être rendu provisoirement exécutoire par
arrêté du gouverneur en conseil privé : il devenait de plein
droit exécutoire si, clans le délai de six mois à dater du vote,
son exécution n'était pas suspendue ou prohibée par arrêté
du Président de la République rendu en Conseil des ministres.
Enfin, il avait définitivement force de loi, ne pouvait plus être
modifié que dans la forme législative si, dans le délai de trois
ans, il n'était pas modifié ou annulé par une loi. C'est ce qui
est arrivé : le règlement a été mis en application le 25 fé-
vrier 1874, et, aucune loi n'étant intervenue, il a acquis
force de loi : mais il ne faut pas oublier que la délégation
donnée au conseil général était unique et qu'il n'aurait au-
jourd'hui aucun droit pour modifier ce règlement (1).
Cette loi de 1872, spéciale à la Réunion, a été rendue ap-
plicable à la Martinique par un décret du 25 février 1873,
mais il est permis de discuter la légalité de cette mesure. Le
régime des eaux et forêts, sur lequel le conseil général se trouve
ainsi appelé à légiférer, ne comprend pas seulement la répres-
sion des délits forestiers; il peut encore édicter des mesures
portant une atteinte quelconque aux droits de propriété. A ce
titre, la réglementation rentre dans le nombre de celles ré-
servées au pouvoir législatif; c'est d'ailleurs pour ce motif
(1) La nécessité de l'intervention législative pour la modification de
ce règlement a été implicitement reconnue en 1894. Une loi a du être
promulguée pour modifier l'article 47 (L. 26 juillet 1894).

— 23G —
qu'une loi avait été reconnue nécessaire pour la Réunion. Or,
les lois concernant la métropole ou une colonie ne peuvent
être rendues applicables à un autre établissement par un dé-
cret simple que lorsqu'elles s'appliquent à des matières pour
lesquelles un décret en Conseil d'Etat aurait le pouvoir de
légiférer; c'est uniquement une simplification de formalités
qu'a voulu l'article 8 du sénatus-consulte, et non pas la substi-
tution, dans ce cas, du pouvoir exécutif au pouvoir législatif,
be décret du -25 février 1873 ne nous semble donc pas conforme
aux principes posés par la constitution coloniale; il est vrai
qu'il ne parait pas, quoique ayant été promulgué dans la co-
lonie (I), y avoir été suivi d'effet; nous n'avons trouvé aucune
trace du règlement que le conseil général était autorisé à
faire (-2).
§ 3. — Colonies soumises au régime des décrets.
2G5. La constitution de ces colonies est très simple : elle
réside uniquement dans l'article 18 du sénatus-consulte du
3 mai 1854 : « Les colonies autres que la Martinique, la Gua-
deloupe et la Réunion seront régies par décrets de l'empereur,
jusqu'à ce qu'il ait été statué à leur égard par un sénatus-
consulte. »
L'acte législatif prévu par cet article n'a pas encore vu le
jour, en sorte que le principe posé .en 1854 continue à rece-
voir son application. Cependant, dans la pratique, cette règle
a reçu plusieurs dérogations. Le Parlement a étendu un cer-
tain nombre de lois à l'ensemble de nos colonies (3) et a
(1) 10 avril 1873 ( B. 0. M. 1873, p. 249).
(2) Une commission avait été nommée par le conseil général le 1er dé-

cembre 1874. — U ne proposition de faire venir une mission forestière
fut repoussée le 12 novembre 1875 ; depuis, le projet parait avoir été
abandonné.

(3) Ces lois, postérieures presque toutes à l'année 1880, sont notam-
ment les suivantes : L. 9 août 1849 sur l'état de siège (pour les colonies
existant à celte époque : art. 4) ; L. 10 décembre 1850 sur le mariage
des indigents (art. 9) ; L. 29 mai 1874 sur la naturalisation (abrogée) ;

L. 3 avril 1880 étendant à toutes les colonies la loi du 15 juin 1872 sur
les titres au porteur ; L. 29 juillet 1881 sur la Presse (art. 69) ; L.

28 mars 1882 sur l'élection des maires et des adjoints (art. 3) ; L.
27 mai 1885 sur les récidivistes (art. 20); L. 14 août 1885 sur la libéra-

— 237 —
soumis d'autres matières au régime des décrets rendus dans
la forme des règlements d'administration publique (1).
Mais, hors de ces cas spéciaux, le décret simple conserve
tout son empire et le pouvoir exécutif reste le législateur de
droit commun pour les nouvelles colonies (2).
Ainsi des décrets fixent, à tous les points de vue, la légis-
lation et l'organisation de ces établissements ; il est reconnu
d'ailleurs que, bien qu'il n'ait pas été statué à cet égard ex-
plicitement et d'une manière générale, les gouverneurs pos-
sèdent, sans délégation spéciale par décret, les droits que les
gouverneurs des anciennes colonies tirent de l'article 9 du
sénatus-consulte
(ion conditionnelle (art. 11) ; L. 15 novembre 1887 sur la liberté des
funérailles (art. 6); L. 4 février 1888 relative aux fraudes sur les engrais
(art. 8); L. 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée (art. 81); L.
9 mars 1891 relative aux droits du conjoint survivant (art. 3, dans les
colonies où le Code civil a été promulgué) ; L. 11 juillet 1891 relative
aux fraudes sur les vins (art. 6) ; L. 11 janvier 1892 sur le régime doua-
nier (art. 2 à 8) ; L. 15 novembre 1892 sur la détention préventive
art. 3) ; L. 6 février 1893 sur le régime de la séparation de corps (dans
les colonies où le Code civil a été promulgué, art. 7) ; L. 5 novembre
1894, relative aux sociétés de crédit agricole (art. 7) ; L. 12 janvier 1895,
sur la saisie des salaires (art. 18) ; L. 25 mars 1896 sur la part des en-
fants naturels dans les successions (dans toutes les colonies où le Coda
civil a été promulgué (art. 10) ; L. 24 décembre 1896 sur l'inscription
maritime (art 63, à la Guyane et à Saint-Pierre et Miquelon seulement);
L.. 13 avril 1900 (art. 33) sur le régime financier des colonies; L. 7 juil-
let 1900 sur l'armée coloniale; L. 21 mars 1905 sur le recrutement de
l'armée, etc.
(1) Les lois qui remettent à des règlements d'administration publique
ou à des décrets en forme de règlements d'administration publique le
soin de régler certaines matières aux colonies, sont les suivantes :
L. 26 mars 1889 sur la nationalité (art. 2, Règl. d'adm. publ. 7 février 1897) ;
L, 11 janvier 1892 sur le régime douanier (art. 3 à 8) ; L. 13 avril 1900
sur le régime financier des colonies; L. 9 décembre 1905 concernant la
séparation des Églises et de l'État.
(2) Considérant qu'aux termes de l'article 18 du sénatus consulte
du 3 mai 1854, les colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe et
la Réunion sont régies par des décrets jusqu'à ce qu'il ait été statué à
leur égrad par un sénatus-consulte ;
Considérant que le décret attaqué, portant modification au régime des
mines en Nouvelle-Calédonie, a été pris, ainsi qu'il résulte notamment
du rapport du Ministre des Colonies qui précède ce décret et des visas
de ce texte, dans l'exercice de la délégation législative donnée au gou-
vernement par l'article précité du sénatus-consulte de 1854; que ce
décret n'est dès lors pas de nature à être déféré au Conseil d'État par
la voie du recours pour excès de pouvoir ; ... (C. d'Ét. cont. 16 no-
vembre 1894. L. p. 593).

— 238 —
Le sénatus-consulte ne mentionnait que les décrets comme
actes ayant force de loi dans ces établissements ; nous ne sau-
rions admettre que l'on attache la même valeur a des arrêtés
ministériels ou à de simples dépêches. Nous devons pourtant
faire remarquer que cette doctrine a été accueillie par la Cour
de cassation qui, dans un arrêt du 25 juin 1880, a considéré
un arrêté ministériel fixant le régime de la presse, dans
une colonie soumise au pouvoir réglementaire, comme ayant
pu modifier le régime établi antérieurement par un décret (1).
L'insuffisance d'un arrêté ministériel nous paraît résulter du
sénatus-consulte de 1854, quand il s'agit des matières sur les-
quelles il est statué pour la première fois; elle est encore
plus manifeste quand un acte du chef de l'État a déjà statué.
266. Le droit du pouvoir exécutif en ce qui concerne ces
colonies n'est limité en principe que parl'impossibilité d'enga-
ger les finances de l'État sans un vote du Parlement. Ainsi,
l'exécution d'un chemin de fer aux colonies, quand les finances
locales sont seules en jeu, peut être approuvée par un décret
simple (2). Au contraire, si, pour la construction ou l'exploita-
tion d'une voie ferrée aux colonies, l'État promet une subven-
tion ou une garantie d'intérêts, l'approbation législative est
absolument nécessaire (3). Il en est de même toutes les fois
que l'État, en prenant à sa charge les dépenses d'un service
public aux colonies, réserve au Parlement, par le vote du bud-
get ou de crédits spéciaux, un droit de contrôle et de décision(4).
En outre le Conseil d'État est obligatoirement consulté sur
les règlements de douane, qu'il s'agisse de mettre en vigueur
dans certaines colonies une tarification toute spéciale (5), ou de
rendre applicables dans certaines autres des exceptions au
(1) Cass. crim. 25 juin 1880. Aff. Phaure, D. P. 80.1.399.
(2) Chemin de fer de Saigon à Mytho ( Déc. du 24 août 1881). Chemin
de fer du Dahomey (Décret du 26 juin 1900). Encore convient-il de
remarquer que, si les dépenses de construction doivent être payées par
annuités successives, combinaison qu'on a pu assimiler à un emprunt
déguisé, l'intervention d'un décret simple doit être alors jugée insuffisante.
(3) Chemin de fer de Dakar à Saint-Louis (Loi du 29 juin 1882). —
Chemin de 1er de la Côte Somali (Loi du 6 avril 1902).
(4) Voir L. 23 mars 1893, relative au câble reliant la Nouvelle-Calédo-
nie à l'Australie.
(5) Voir L. du 7 mai 1881.

— 239 —
tarif général (1). Celle intervention du Conseil d'Étal s'impose
également, en ce qui concerne les colonies, lorsqu'il s'agit
d'emprunts. L'n décret simple, celui du 20 novembre 1882 sur
le régime financier des colonies, a prescrit (art. 53) que des
décrets dans la l'orme des règlements d'administration publique
approuveraient les délibérations des conseils locaux de toutes
les colonies en matière d'emprunt. Cette disposition pourrait
d'ailleurs être rapportée par un décret simple. Il peut arriver
du reste, dans le cas d'un emprunt à contracter par une colo-
nie, que l'intervention d'un décret en Conseil d'État soit elle-
même insuffisante. C'est ce qui se produit lorsque l'État
garantit le paiement des intérêts et le remboursement de
l'emprunt à contracter. Un engagement de cette nature doit
être consacré par le Parlement. Ainsi des lois se sont trouvées
nécessaires pour autoriser les gouvernements généraux de
l'Indo-Ghine, de .Madagascar et de l'Afrique occidentale fran-
çaise à contracter des emprunts avec garantie de l'État (2>.
Λ un autre point de vue, dans les colonies soumises au
régime des décrets, le droit du pouvoir exécutif a été limité,
sur certaines matières, par l'article 33 de la loi du 13 avril 1900,
en ce qui concerne celles de nos possessions d'Océanie et des
continents d'Afrique et d'Asie où des conseils généraux sont
établis. Non seulement, dans ces colonies, comme on l'a vu
(n° 253), une loi se trouve aujourd'hui nécessaire pour imposer
l'inscription aux budgets locaux de dépenses qu'on peut juger
utile de déclarer obligatoires, mais encore les délibérations
des conseils généraux sur le mode d'assiette, les tarifs et les
règles de perception des contributions et taxes autres que les
droits de douane doivent, pour être applicables, être approu-
vés par des décrets en Conseil d'État. C'est a ce double point
de vue une exception à la règle du décret simple qui se trouve
ainsi consacrée.
(1) Voir L. du 11 janvier 1892.
(2) Voir L. du 23 décembre 1898, du 14 avril 1900 et du 5 juillet 1903.

— 240 —
§ 4'. Pays de protectorat.
•267. Lorsqu'un État se place sous le protectorat d'une au-
tre puissance, il abdique complètement toute souveraineté ex-
térieure et abandonne entièrement la direction de sa politique
étrangère ; mais, pour ce qui concerne l'administration inté-
rieure du pays, l'État protégé se réserve, en général, la ges-
tion de ses propres affaires et conserve, avec ses institutions
et son gouvernement local, une indépendance plus ou moins
étendue. Selon les cas, l'action du peuple protecteur se fait
sentir faiblement ou énergiquement : tantôt l'État protégé
jouit d'une autonomie presque absolue ; tantôt, au contraire, il
est tenu dans une subordination étroite, par les liens d'un
protectorat, à la fois politique et administratif.
Ce régime est donc un système complexe, qui varie selon
les pays et la teneur des conventions diplomatiques, et qu'il est
impossible de définir par une formule précise : on ne peut
donc poser ici que des règles très générales, en indiquant les
traits caractéristiques, qui sont les suivants : 1° Abandon par
l'État protégé de la direction de sa politique étrangère avec
l'obligation corrélative pour l'État protecteur de le défendre
contre toutes les tentatives ; 2° Contrôle de l'État protecteur
sur l'administration intérieure du pays, contrôle entraînant la
garantie éventuelle des conventions financières passées par
l'État protégé et l'obligation pour ce dernier de payer les frais
de l'exercice du protectorat ; 3° Élaboration ou simplement
approbation par l'État protecteur des actes réglementaires les
plus
importants qui concernent le régime intérieur de
l'État protégé ; 4° Concession d'avantages particuliers dans
chacun des deux pays aux nationaux de l'autre.
11 résulte de là que le régime législatif des pays de protec-
torat est complexe. Nous trouvons, d'une part, pour les ma-
tières que les traités ont laissées dans les attributions des gou-
vernements locaux, des décrets émanant du souverain du
pays; d'autre part, pour les affaires dont l'État protégé a
abandonné la gestion, des actes réglementaires émanant de
l'autorité compétente de la puissance suzeraine. Mais quelle
est, en France, cette autorité compétente? Est-ce le Parlement

— 241 —
ou bien le Pouvoir exécutif? Cette question n'a jamais été
résolue en théorie; en fait, elle a été tranchée par le Gouver-
nement dans le sens du pouvoir exécutif. Il a estimé que les
pays protégés devaient être assimilés aux colonies soumises
au régime des décrets et, dans les nombreux textes qu'il a
mis en vigueur, il a toujours visé l'article 18 du sénatus-con-
sulte de 1854. On aurait pu aussi invoquer la délégation
accordée par les lois qui ont ratifié les divers traités de protec-
torat et qui ont chargé le gouvernement de faire exécuter ces
conventions.
Quoi qu'il en soit, bien qu'il existe une différence juridique
profonde entre le protectorat et l'annexion et qu'il puisse
paraître abusif d'étendre aux pays protégés le sénatus-consulte
de 1854, qui n'a point été fait pour eux, le régime actuellement
en vigueur n'a jamais soulevé de protestation au sein du Par
lement; il répond trop bien aux nécessités du moment pour
permettre de contester dans la pratique l'initiative prise par le
Pouvoir exécutif. Remarquons d'ailleurs que le Parlement est
toujours libre de soumettre au régime des lois les matières
qu'il croit les plus importantes, et il a déjà usé de ce pouvoir
pour étendre le tarif douanier métropolitain aux pays de protec-
torat de l'Indo-Chine (L. 11 janvier 1892, art. 3) et pour rendre
son consentement obligatoire pour tous les projets d'emprunts
intéressant la péninsule indo-chinoise (L. 10 février 189G, et
-25 décembre 1898) (1).
ARTICLE 2. — Mode de promulgation des lois et décrets.
. Arrêtés des gouverneurs et commandants.
268. Les lois et décrets relatifs aux colonies ne sont pas
(1) Les tribunaux français sont incompétents pour connaître d'une
demande formée contre un souverain étranger placé sous le protectorat
de la France. (Paris, 14 décembre 1893, aff. Bey de Tunis. S. 93.2.11).

Les actes de gouvernement des souverains placés sous le protectorat
de la France ne peuvent être discutés devant 'le Conseil d'État par la
voie contentieuse (C. d'Et. cont. 18 décembre 1891, aff. Vanddel. L. 9.1.764).

Le
résident général de la République française en Annam et au
Tonkin a competence pour expulser un Français' du territoire de ces
Etats, soumis au protectorat de la France, et cet arrêté d'expulsion ne
peut être discuté devant le Conseil d'État, par la voie contentieuse (C.
d'Ét. cont. 8 aoû 1888, aff. Richard. L. p. 88.723).

COLONIES I.
16

— 242 —
exécutoires de plein droit ; pour leur donner une valeur lé-
gale, il faut une promulgation spéciale (1). Pour bien étudier
le mécanisme de cette formalité essentielle, il est nécessaire
de distinguer trois cas.
1° Pour les lois que le législateur n'a pas expressément dé-
clarées applicables aux colonies, une double promulgation est
nécessaire : il faut, d'une part, un décret du Président de la
République, pour déclarer la loi applicable à la colonie et,
d'autre part, un arrêté du gouverneur, qui promulgue la loi
et le décret présidentiel (2).
2° Pour les lois faites spécialement pour les colonies ou
déclarées expressément par le législateur applicables aux
colonies, l'intervention spéciale du pouvoir exécutif est su-
perflue, puisque la loi ordonne elle-même son exécution dans
la colonie. Le décret du Président de la République est donc
inutile et il suffit d'un arrêté du gouverneur pour promulguer
la loi (3).
(1) Voir la note de M. Sarrut, avocat général près la Cour de cassation.
Dalloz, 18%, 1'° partie, p. 565).
(.) Attendu, d'autre part, que si, aux termes des articles 1er du décret
du 30 janvier 180" et 32 du décret du 12 décembre 1874, le gouverneur
de la Nouvelle-Calédonie statua sur l'assiette, le tarit', les règles de
perception et le mode de poursuites des contributions publiques, ces-
textes établissent une exception expresse à l'égard des droits de douane,
qui échappent aux pouvoirs du gouverneur et ne peuvent être réglés
par des décrets; que l'article 72, § 3 du décret susvisé du 12 décembre
1874 porte enfin que « les lois, ordonnances et décrets de la métropole
ne peuvent être promulgués dans la colonie qu'autant qu'ils ont été
rendus exécutoires par un décret du chef de l'État. — Attendu que
la législation douanière métropolitaine sur les pénalités n'a pas été ren-
due exécutoire à la Nouvelle-Calédonie par un décret du Président de
la République ; que le gouverneur de cette colonie ne pouvait donc
l'y promulguer ni en publiant intégralement le texte au Bulletin offi-
ciel, ni en déclarant sommairement dans un arrêté qu'elle y serait dé-
sormais applicable après avoir estimé qu'étant depuis longtemps publiée
eu France, il n'était pas utile de l'insérer textuellement au Journal offi-
ciel colonial...
(Cass. 27 avril 1891. S. 93.1.301).
(3) Considérant que ladite loi (L. 8 avril 1879) statuant directement
pour les colonies dont elle détermine le nombre des députés, toutes
ses dispositions sont devenues de plein droit applicables au Sénégal,
par le seul fait de sa promulgation par arrêté · du gouverneur en date
du 9 mai 1879, sans que le chef du pouvoir exécutif fût appelé à rendre
un décret l'y rendant exécutoire en vertu des pouvoirs, que lui confère
l'article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 à l'égard des colonies
autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion... (C. d'Ét. Fin.
29 mars 1892).

— 243 —
3° Pour les décrets, émanant du Président de la République,
la promulgation se fait, comme dans le cas précédent, au
moyen d'un arrêté du gouverneur.
L'accomplissement de ces formalités essentielles est abso-
lument indispensable dans chacun des cas, pour qu'un acte
réglementaire puisse obliger légalement les habitants de nos
possessions coloniales et la Cour de cassation a nettement
établi cette doctrine en refusant, par de nombreux arrêts, d'ap-
pliquer à nos colonies des textes dont la promulgation n'y
avait pas été faite, ou y avait été irrégulièrement faite (Cass.
27 décembre 1884, 11 février 1887, 9 novembre 1889, 2 mars
1893, 15 novembre 1894·, 16 mai 1895, 17 décembre 1895) (1).
Un décret, même déjà promulgué en France, ne peut être
rendu régulièrement applicable dans une colonie par le seul
fait de son insertion au Journal officiel de la colonie. Ce qu'il
faut en outre et surtout, c'est que cette insertion ail été précé-
dée d'un arrêté de promulgation pris par le gouverneur. Pour
la Cour de. cassation, cette dernière formalité est substantielle
et il ne saurait y être suppléé en aucune manière. Nulle con-
fusion ne doit être faite à cet égard entre la publication et la
promulgation des lois et règlements (2).
(1) Attendu qu'il est de principe que les lois et règlements en vigueur
en France ne sont pas, à moins d'une disposition spéciale applicables
aux colonies ; — Attendu que la loi du 30 août 1883 sur la réforme de
l'organisation de la magistrature, n'a statué que pour les cours et tri-
bunaux de la métropole, et, dans certaines seulement do ses disposi-
tions pour les cours d'appel et tribunaux de l'Algérie ; que l'article 1er
de cette loi. d'après lequel les magistrats des cours d'appel délibèrent
en nombre impair, n'a pas été l'objet d'une promulgation spéciale a la
Guadeloupe et qu'il n'est pas, dès lors, applicable à cette colonie (C.
Cass. 2 mars 1893. S. 93.1.273. — Voir, en sens inverse C. Cass.
21 novembre 1891. S. 93.1.273 .
Attendu qu'aux termes des décrets du 14 janvier 1885 et du 3 octobre
1883 susvisés, les lois, décrets, arrêtés et règlements, ne sont exécutoires
en Cochinchine et par suite au Tonkin (auquel la législation en vigueur
en Cochinchine a été étendue par le décret du 17 août 1881, art. 2. et,
à nouveau, par l'article 13 du décret du 8 septembre 1888), qu'après y
avoir été promulgués par le gouverneur général ; qu'il est constant que
le décret du 28 février 1890 uniquement promulgué et publié en France
n'a pas été promulgué au Tonkin, et qu'on ne saurait considérer comme
équivalent à une promulgation, ainsi que le soutient le pourvoi, le fait
que le gouverneur général ait postérieurement promulgué deux autres
décrets, dans les visas desquels le décret de 1890 figure... (C. cass.
16 mai 1895. S. 96.1.62).
(2) Cass. crim. 4 septembre 1902 (AIT. de la Villaners). — La Cour,

— 244 —
Ce qui devient applicable d'ailleurs, après la promulgation
locale, c'est seulement le dispositif de la loi ou du décret
promulgué. 11 ne suffit pas qu'un texte soit visé dans le préam-
bule de cette loi ou de ce décret pour qu'il puisse lui-même
de piano être appliqué dans la colonie (1). Cependant, lors-
qu'une loi, légalement promulguée dans une colonie, se réfère
expressément à certains articles d'une loi antérieure, non
promulguée, la Cour régulatrice a estimé que cette référence
a pour effet de rendre applicables dans la colonie les
articles cités, mais ces articles seuls, et elle a ainsi déclaré
exécutoires dans l'Inde les articles 1, i, 3 et 4 de la loi élec-
torale du 7 juillet 1874 auxquels se réfère expressément la
loi du 30 novembre 1875 (Cass. 5 juillet 1882).
Des principes que nous venons d'exposer, il résulte qu'un
gouverneur ne peut promulguer une loi ou un décret que sur
l'ordre du Président de la République ou sur l'injonction for-
melle du législateur. On trouve cependant, en vigueur dans
nos colonies, de nombreux textes métropolitains, pour la pro-
mulgation desquels cette procédure n'a pas été suivie. Mais on
est ici en présence d'un cas particulier nettement défini : le
gouverneur peut, sur les matières spéciales qui rentrent
dans ses attributions, mettre en vigueur dans la colonie un
texte de la métropole, sans que l'autorité supérieure ait rendu
ce texte obligatoire ; dans ce cas particulier, le gouverneur
s'approprie le texte, il en fait son œuvre personnelle, comme
s'il l'avait spécialement rédigé pour la colonie. Cette hypo-
attendu que cette formalité est substantielle et qu'il ne peut être suppléé
en aucune manière à une promulgation régulière fuite par arrêté du
gouverneur ; attendu qu'il est établi, en fait, que le décret du 19 sep-
embre 1900 a été publié dans le numéro du Journal officiel,
du
Protectorat de la côte française des Somalis et "dépendances du 1er fe-
vrier 1901, mais qu'il n'est pas justifié que cette publication ait été
précédée d'un arrêté de promulgation pris par le gouverneur ; d'où il

suit que le décret précité n'est pas exécutoire dans la colonie. Par ces
motifs, etc.

(1) Cf. en ce sens un arret du tribunal supérieur de Papeete en date
du 18 juin 1896. (Aff. Raoulx). 1). P. 97.2.225. — Considérant que s'il y
a, il est vrai, un décret du 9 mai 1892, portant institution d'un régime

douanier dans les établissements français de 1 Océauie qu vise dans son
préambule la loi du 11 janvier 1892, on ne saurait en tirer
con-
clusion
que la dite loi devenait, par cela même, applicable dans la
colonie.

— 245 —
thèse exceptée, il faut dénier absolument au gouverneur le
droit de promulguer de sa propre autorité un texte métropo-
litain (1).
Les gouverneurs, chargés, comme il vient d'être dit, de la
promulgation spéciale des lois aux colonies, en vertu des
actes relatifs à nos divers établissements, ne sont soumis à
aucune règle en ce qui regarde les délais de promulgation ; ils
ne sont, en ce cas, responsables que devant le ministre dont
ils doivent exécuter les ordres (2); mais il n'en résulte pas,
pour un gouverneur, le droit de promulguer une loi dont la
publication n'aurait pas eu lieu à temps et ne serait plus pos-
sible en présence de la nouvelle législation. C'est ainsi que le
gouverneur de la Martinique ayant, par un arrêté du 15 juin
1848, promulgué le Code de commerce (ce qui aurait dû être
fait en 1828), les tribunaux refusèrent de l'appliquer, l'arrêté
constituant une violation des art. 2, 4, et 5 de la loi du
24 avril 1833 alors en vigueur; le gouverneur rapporta son
arrêté.
269. Un décret du 15 janvier 1853, rendant applicables aux
colonies un certain nombre de lois, a déterminé les délais
dans lesquels les lois, décrets et arrêtés promulgués seraient
exécutoires : il les a fixés pour le chef-lieu au jour même de
la publication dans le Journal officiel local et a laissé à des
arrêtés des gouverneurs le soin de les régler pour les autres
localités. Mais le décret a ajouté que ces délais doivent être
fixés proportionnellement à la distance : c'est là une dispo-
sition inutile et même dangereuse, car un arrêté pris par un
gouverneur, en tenant compte des facilités de communication
et non pas uniquement des distances, pourrait être annulé
pour excès de pouvoir.
Ce sont également des arrêtés des gouverneurs qui déter-
minent, là ou il n'existe pas d'imprimerie ni de journaux, le
mode de promulgation des actes officiels; il résulte, d'ailleurs,
des termes du décret de 1853, l'obligation, pour les colonies,
(1) Voir la note 2 de la page iVi.
(2) C'est au minisire des Colonies qu'il appartient, en vertu des pou-
voirs généraux qui lui sont conférés à l'égard de ses subordonnés, de
prendre telles mesures que de droit, pour assurer la promulgation, en
temps utile, dans les colonies, des textes qui y sont applicables.

— 246 —
de publier un journal officiel, quand il existe une imprimerie.
Le décret du 15 janvier 1853 aurait pu être rendu applicable
à la Cochin chine, mais on avait reconnu l'inconvénient de ren-
dre les lois exécutoires au chef-lieu le jour même de leur
publication; un décret du 14 janvier 1865 fixa, pour la
Cochinchine, celte date au lendemain de la publication.
11 en est de même en Nouvelle-Calédonie par le décret du
12 décembre 1874 (art. 72; et en Océanie par le décret du
28 décembre f 885 (art. 59).
270. En exécution de ces décrois, les gouverneurs ont
pris, dans chaque colonie, des arrêtés fixant les délais dans
lesquels les lois qu'ils promulguent deviennent exécutoires ;
mais ont-ils perdu, par ce fait, le droit de publier les lois
par mesure d'urgence, si l'intérêt public le réclame ($) ?
Doivent-ils recourir à une autorisation préalable du chef de
l'État? Nous ne le pensons pas. Le décret du 13 janvier 1853
n'a pu modifier sur ce point les ordonnances organiques, et le
sénatus-consulte du 3 mai 1854 (art. 9) n'a apporté aucun
changement à la constitution antérieure. Cette opinion est
admise par la Cour de cassation, mais sous une double con-
dition : le gouverneur doit, par un arrêté spécial, déclarer
l'urgence (2) ; des mesures de publication exceptionnelle
doivent être prescrites de manière à tenir lieu de la présomption
de notoriété qui résulte des publications ordinaires (3). La
réunion de ces deux conditions est considérée par la Cour su-
prême comme indispensable pour couvrir une dérogation aux
règles du décret du 15 janvier 1853.
271. Aucune modification ne peut être apportée par l'es gou-
verneurs au texte officiel des lois métropolitaines qu'ils sont
appelés à promulguer. C'est là une prescription qui paraît
évidente, mais qu'il n'est pas moins utile de rappeler (4).
(1) Ce droit résulte des ordonnances constitutives (Antilles, art. 66,
ord. 9 février 1827, etc.)
(2) Cass. civ. 30 novembre 1864 ( aff. Fleurot), D. P. 1863.1.188.
(3) Cass. civ. 30 novembre 1864 (aff. Douane de la Martinique). D. P.
1863.1.186.
(4) Le décret du 2 mai 1848, par exemple, limitait le pouvoir du gou-
verneur à la promulgation des actes métropolitains déclarés exécutoires
en matière de presse ; le commissaire general de la Guadeloupe crut

— 247 —
Pour qu'un acte réglementaire devienne obligatoire pour les
habitants d'une colonie, il faut que l'arrêté de promulgation
du gouverneur soit publié dans la colonie. Mais il n'est pas
nécessaire que le texte de la loi ou de décret promulgué soit
intégralement inséré à la suite de cet arrêté : une simple ré-
férence est suffisante lorsque ce texte a déjà paru clans un
recueil de la métropole et c'est au gouverneur qu'il appartient
de décider si les actes réglementaires déjà publiés en France
doivent l'être à nouveau dans la colonie. Bien que celte façon
de procéder puisse sembler regrettable, car le texte de la loi
est, en réalité, plus utile à connaître que l'arrêté de promul-
gation, la Cour de cassation a toujours considéré cette publi-
cation restreinte comme suffisante. La jurisprudence paraît
aujourd'hui bien fixée dans ce sens et, de la règle ainsi établie,
il est fait aujourd'hui dans nos colonies l'application la plus
étendue (1).
pouvoir modifier quelques termes dans ces derniers ; l'arrêté tomba dans
son entier ; il fut déclaré ne pouvoir servir de base à une condamnation
(Cass. crim. 25 mai 1850. Aff. le Progrès),
(1) t;f. Cass. req. 31 décembre 1856) (aff. syndic Belloni). D.P.57.1.188.
— Cass. 13 mars 1803 (aff. Denis). S. 93.1.249.
Cf.
Cass.
Crim.
27
avril
1894.
(Aff.
Douanes contre Rio.) D. I'.
1890.1.563; Cass. Ch. réun. 7 décembre 1890. (Aff. Denis frères.) D. V.
4837.1.262 ; Cass. Civ. 31 octobre 1899. (Aff. Petrignani.) D.P.1900.1.124.
— La Cour de cassation, par ce dernier arrêt, a laissé subsister, sur un
point intéressant, un arrêt de la cour de Nouméa du
11 juillet 1896,
d'après lequel le décret du 3 janvier 1813 sur le régime minier éta i
applicable en Nouvelle-Calédonie. Or, la promulgation dans celte colouie
du décret du 3 janvier 1813 résultait uniquement d'un arrêté local du
1er octobre 1859, énonçant que le décret impérial du 6 mai 1811, la loi
du 21 avril 1810, ainsi que toutes les dispositions postérieures à la dite
loi étaient applicables aux mines, minières et carrières de la Nouvelle-
Calédonie.
Cf. également en ce sens un arrêt de la cour d'appel de Pondichéry,
du 23 mai 1901, sur renvoi de la Cour de cassation crim.) du 1er février
précédent : « La Cour, attendu que le premier juge a base la condam-
nation prononcée contre B... sur les articles 16 et 18 de lu loi du 30 no-
vembre 1892 sur lexercice de la médecine,
promulguée en France le
1er décembre de la même année au « Journal Officiel » de la République
française de ce jour ; attendu que l'article 34 de la loi
récitée édicte
que : « des règlements d'administration publique détermineront les
conditions d'application de la présente loi à l'Algérie et aux colonies et
fixeront les dispositions transitoires ou spéciales qu'il sera nécessaire
d'édicter ou de maintenir » ; qu'en exécution de cet article un décret
du 17 août 1897 a rendu applicable la dite loi aux colonies sous réserve
des dispositions prévues aux chapitres IV et V du décret précité ; que

— 248 —
Il est indispensable toutefois que l'arrêté de promulgation
pris par le gouverneur soit rendu dans les formes établies ;
ainsi la Cour de cassation a décidé que, dans les établissements
français de l'Océanie,le gouverneur, aux termes de l'article 109
du décret du 28 décembre 1889, devait, pour exercer son pou-
voir de promulgation, prendre l'avis du conseil privé (1). ..
272. Le texte des décrets relatifs aux colonies porte sou-
vent l'indication des publications officielles dans lesquelles
ces actes doivent être insérés ; la formule employée généra-
lement aujourd'hui comporte l'insertion au Bulletin des lois,
au Bulletin du ministère des Colonies, au Journal officiel de la
colonie, et, quand l'acte présente un intérêt général, au Jour-
nal officiel de la métropole.
Les bulletins publiés dans les colonies n'ont pas le caractère
du Bulletin des lois; ce sont les journaux officiels qui consti-
tuent le mode de publication réglementaire aux termes du
décret de 1853. L'insertion dans les différentes publications
indiquées par l'acte lui-même est obligatoire, mais si (ce qui
est le cas pour les lois et ce qui se présentait autrefois pour
les ordonnances ou décrets) l'acte ne porte aucune indication
à ce sujet, l'insertion au journal officiel de la colonie est seule
obligatoire ; quand il n'est exécutoire que dans la colonie, il
n'est pas nécessaire qu'il soit inséré au Bulletin des luis (2).
273. Les ordonnances constitutives des colonies de 1825-
1827-1828, en donnant aux: gouverneurs la mission de faire
enregistrer les lois et ordonnances, rappelaient un état de
choses existant depuis la création des conseils supérieurs.
par arrêté du gouverneur des établissements français de 1 Inde en date
du 7 avril 1898, et publié dans le « Journal ofliciel » de la colonie, du
15 avril 1898, le dit décret a été promulgué; que, bien que le texte
même de la loi irait pas été publié, il convient de considérer la promul-

gation de la loi comme régulière, légale, et faite en conformité du décret
du 15 janvier 1853 sur les formes et les délais de la promulgation des
lois aux colonies ; qu'il est, en effet, de doctrine et de jurisprudence
que la seule obligation imposée aux gouverneurs pour rendre exécutoires
les lois, décrets ou arrêtés, est de promulguer les documents législatifs
et qu'il leur appartient de décider si ces actes, déjà publiés en France,
doivent être de nouveau publiés dans le « Journal Ofliciel » de la colo-
nie, etc.

(1) Cf. Cass. civ. 13 juillet 1898 ( aff. Raoulx), D. P. 1898.1.572.
(2) Cf. Cass. crim. 1er· mai 1852 (aff. Figaro, I). P., 52, table, col. 101).

— 249

L'enregistrement des lois au conseil supérieur ou à la cour
d'appel était indispensable pour qu'elles devinssent exécu-
toires (1). Depuis, on est revenu sur cette jurisprudence, qui
s'expliquait en présence des pouvoirs tout spéciaux des con-
seils supérieurs, mais n'était plus justifiée par notre organi-
sation judiciaire et pouvait être considérée comme contraire
au texte de l'article 3 du décret du 15 janvier 1852. On a
admis que le dépôt au greffe du texte des lois promulguées
pouvait tenir lieu de l'enregistrement.
274. Lorsqu'on ne peut retrouver l'acte qui a rendu une
loi applicable aux colonies, on est naturellement obligé de
chercher dans l'organisation même de la colonie, dans l'ap-
plication de fait de la loi, la preuve de l'existence de cet acte.
I.a Cour de cassation a admis qu'il n'était pas indispensable
qu'il fût représenté et qu'on pouvait y suppléer par des
preuves indirectes (2).
ARTICLE 3. — Lois applicables aux colonies.
"275. En dehors des lois régulièrement rendues applicables
aux colonies, il en est un certain nombre que l'on doit consi-
dérer comme y étant en vigueur ipso facto. Parmi celles-ci,
on compte d'abord toutes les lois métropolitaines rendues sous
l'empire de la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1794)
et jusqu'à la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre
1799); pendant cette période, toute loi métropolitaine était de
plein droit, dès son origine, applicable aux colonies. Λ partir
de l'an VIII, ces lois n'ont pu être abrogées pour les colonies
que conformément à la législation en vigueur. Mais il est né-
(1) Cf. Cass. crim. 29 décembre 1827 (aff. Fabien). V. Dalloz. J. G.
(2) Attendu que cet état de choses (application constante au Sénégal
de la loi du 22 août 1791 sur les douanes) constaté par l'arrêt attaqué,
suppose qu'à une époque antérieure, que les changements survenus
dans la domination à laquelle cette colonie a été soumise ne permettent
pas de préciser, cette loi y a été rigoureusement mise en vigueur, puis-
que le principe même de son application a servi de base aux actes de
! autorité publique qui y ont organisé l'administration douanière...
(Cass. civ. 18 février 1878, aff. Pionnier) ; Arrêt semblable, Cass. crim.
7 janvier 1888, aff. Jacquelin, Gazette des tribunaux, 1888.

— 250 —
cessaire de remarquer qu'elles n'étaient applicables qu'aux
établissements restés possessions françaises au moment de
eur promulgation; il en résulte que la question ne présente
d'intérêt que pour la Guadeloupe, la Guyane, le Sénégal et la
Réunion.
D'autre part, on a admis que certaines lois pouvaient être
considérées comme applicables par le fait qu'elles ont été ap-
pliquées depuis 1814, époque de la rentrée des colonies sous
la domination française : c'est ce qui est arrivé notamment
pour les conseils de guerre antérieurement à la promulgation
du Code de justice militaire pour l'armée de mer (1).
27li. La question de l'extension des lois de la métropole
aux colonies a été parfois envisagée à un point de vue plus
général : on s'est demandé si les lois fondamentales de l'Etat
ne sont pas de plein droit applicables aux colonies. Sans doute,
on pourrait invoquer à l'appui de cette thèse la jurisprudence
de la Cour de cassation en ce qui concerne l'Algérie; elle a
admis, par exemple, que le Codé forestier y était devenu de
plein droit en vigueur par le fait seul de la conquête et sans
qu'il ait été nécessaire de recourir à une promulgation spéciale
— que la conquête et l'occupation de l'Algérie y ont introduit
virtuellement les lois générales de la métropole, alors exis-
tantes, destinées à protéger les Français dans leurs personnes
et leurs propriétés, dans la mesure où les circonstances du
temps en permettent l'application — qu'en ce qui concerne,
par exemple le Code forestier, les droits de l'Etat sur les forêts
devenues sa propriété n'ont pu demeurer sans une protectee
légale (2).
Mais il n'en est pas de même dans les colonies : le sénatus-
c onsulte de 1854 rappelle d'une façon précise la manière dont
les lois doivent y être promulguées, il en résulte que la pro-
mulgation est une condition essentielle de leur applicabilité (3)
i V. n° 253 et n° 268).
Une question très délicate est celle de savoir si une conven-
(1) Cf. Cass. crim. 21 septembre 1830 (aff. Castera).
(2) Cass. crim. 25 janvier 1883 (aff. Jaya Ould). D. P. 83.1.365; 17 no-
vembre 1865 (aff. Lixem). D. P. 66.1.95.
(3) Cf. Cass. crim. 27 décembre 1884 (aff. Houduce, 11 février 1887).

— 251 —
tion internationale qui a été ratifiée dans la métropole et que
le gouvernement français s'est engagé à faire observer dans
l'une ou plusieurs de ses colonies y est régulièrement appli-
cable, alors même qu'elle n'y a pas été l'objet d'une promul-
gation particulière. Ce défaut de promulgation locale ne saurait
être assurément opposé au gouvernement et aux nationaux de
la puissance avec laquelle la France a contracté. Mais nos
propres nationaux ou même, quand ils y ont intérêt, les natio-
naux étrangers, sont-ils, inversement, fondés à exciper contre
le gouvernement français de l'absence de cette promulgation?
La question s'est trouvée posée au Congo français, en ce
qui concerne l'Acte général de la Conférence de Berlin du
26 février 1885, approuvé par une ioi du 17 décembre suivant,
ratifié par décret du 30 avril 1886, et qui n'a été dans la colo-
nie l'objet d'aucun arrêté spécial de promulgation, il semble
qu'on puisse voir dans un traité de ce genre, après les actes
intervenus pour sa ratification, l'une de ces lois fondamentales
de l'État, qui se trouvent applicables de piano dans nos pos-
sessions. Appelé à se prononcer toutefois sur cette difficulté, le
tribunal de Libreville s'est attaché à établir que la promulga-
tion au Congo de l'Acte général de Bruxelles, qui complète à
certains égards l'Acte général de Berlin, avait implicitement
entraîné la promulgation de cette dernière convention. Mais il
a en même temps, dans des termes peut-être trop absolus,
proclamé la nécessité d'une promulgation spéciale pour l'ap-
plication d'un traité, même dûment, ratifie, dans l'une de nos
colonies (1). '
(1) Tribunal de Libreville. 28 juin 1902. — Attendu que les traités ne
sont obligatoires pour les citoyens que s'ils ont été promulgués ; que la
promulgation de l'acte de Berlin faite en France ne saurait suffire pour le
rendre exécutoire au Congo français, où la nécessité d'une promulgation
spéciale par arrêté du commissaire général du gouvernement résulte de
la combinaison des articles 2 et 23 du décret du 28 septembre 1897, 15 du
déc ret du 9 avril 1898 et SO § 1 de l'ordonnance du 7 septembre 1840; qu'à
s'en tenir à ces références l'acte de Berlin serait donc inapplicable au
Congo français ; mais attendu qu'il est de principe que, lorsqu'un acte

sert de base a un autre acte postérieur promulgué aux colonies et qui
lui apporte certaines modifications de détail, tout en respectant son
principe, le premier acte est lui-même exécutoire ; or. attendu que, par
arrêté du commissaire général du gouvernement en date du 21 mars 1892,
ont été promulgués dans la colonie du Congo français : 1° la loi du 29 dé-


— 252 —
276 bis. L'empire colonial de la France peut s'accroître,
soit par l'agrandissement d'une ancienne colonie, soit par
l'adjonction d'un nouvel établissement. Dans le cas de simple
déplacement de frontière, si la contrée annexée est suffisam-
ment petite pour être considérée comme une simple extension
du territoire auquel le rattachement a lieu, toute la législation
en vigueur dans le pays primitivement occupé y devient
applicable (Cass. Crim. 6 septembre 1877). Au contraire,
dans le cas d'annexion d'un territoire très étendu ou dans le
cas de fondation d'un nouvel établissement, la mise en vigueur
de la législation française ne résulte pas de la seule prise de
possession et il est indispensable de faire une promulgation
générale des lois essentielles. Ce principe a été explicitement
reconnu par le décret du 21 mars 1868, qui a rendu exécu-
toire en Cochinchine le code pénal militaire, précédemment
déclaré applicable à toutes les colonies (D. 21 juin 1838) et
par la loi du 2 mars 1878, qui a étendu à Saint-Barthélémy
toute la législation en vigueur à la Guadeloupe. Il a été ainsi
résumé dans l'exposé des motifs du projet de loi déclarant
Madagascar et les îles qui en dépendent possessions françaises.
« Selon le régime du droit commun, en matière coloniale, les
« lois françaises s'étendront désormais à l'île de Madagascar,
« mais, modifiées ou non, elles n'y entreront en vigueur qu'au
« fur et à mesure qu'elles auront fait l'objet d'une promulgation
< spéciale ». (J. 0. Documents parlementaires, Chambre,
n° 1906, page 370) (1).
On pouvait croire ainsi la question définitivement tranchée
cembre 1891 portant approbation : A, de l'acte général de la conférence de
Bruxelles du 2 juillet 1890 à l'exception des articles 21. 22 et 23 ainsi que
des articles 42 à 61 ; B, de la déclaration en date du même jour; 2° le
décret du 2 février 1892 qui prescrit la promulgation des actes précités;
que l'acte de Bruxelles a été signé manifestement pour compléter l'acte
de Berlin ; que ce dernier acte a été, de plus, modifié par la déclaration
de Bruxelles susvisée du 2 juillet 1890; que la promulgation de l'acte et
de la déclaration de Bruxelles supplée à la non-promulgation de l'acte
de Berlin, etc.

(1) « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire ne peut
avoir lieu qu'en vertu d'une loi » (paragraphe final de l'article 8 de la
loi constitutionnelle des 16-18 juillet 1873).

Au sujet de la législation pénale applicable pendant la conquête d'une
nouvelle possession, V. Cass. crim. 2i août 65, S. 1865.1.466.

— 253 —
pour Madagascar par l'exposé des motifs du projet de loi qui
déclarait l'île possession française. Elle s'est trouvée cependant
posée devant la cour de Tananarive et y a reçu, le 8 mai 1897,
une solution différente. D'après la cour, du jour ou Madagas-
car est devenue colonie française, toutes les lois de la métro-
pole compatibles avec les nécessités et circonstances locales y
sont devenues applicables de plein droit et sans promulgation
particulière. On peut se demander toutefois si cette opinion,
en embrassant indifféremment toutes les lois métropolitaines,
sous cette seule réserve qu'elles ne seront pas trop ouverte-
ment contraires à des circonstances de fait, n'expose pas à
des surprises et ne laisse pas dangereusement incertaine la
législation du pays annexé (I).
Il paraît plus facile d'adopter une solution analogue, c'est-à-
dire d'écarter toute une série de promulgations, lorsqu'il s'agit
d'un territoire nouveau, incorporé par voie d'adjonction à une
ancienne colonie. On peut alors, avec plus de précision,
admettre que ce territoire, du jour de son incorporation, se
trouve soumis à la législation générale en vigueur dans la
colonie à laquelle il est rattaché et dont il recule les limites.
11 en est ainsi des lois et règlements du Congo français, dans
le territoire militaire du Tchad, qu'a constitué, mais sans le
séparer administrativement de cette colonie, un décret du
5 septembre 1900; de même, la législation édictée pour le
Sénégal et ses dépendances a été étendue, dans son ensemble,
au territoire militaire qu'un décret du 20 décembre 1900, en
le rattachant à ces possessions, a créé entre le Niger et le Tchad.
(l) Attendu, sans qu'il y ait lieu d'interpréter les paragraphes 1 et 2
de l'article 2 du décret du 28 décembre 1895 ni l'article 38 du décret
du 9 juin 1896, qu'une loi du 9 août 1896 ayant déclaré Madagascar

colonie française, toutes les lois de la métropole, compatibles avec les
nécessités et circonstances locales, sont devenues de plein droit et

sans que leur promulgation soit nécessaire applicables à Madagascar;
— que notamment l'institution de la douane dans notre nouvelle colonie
a eu pour corollaire obligé, pour conséquence forcée, la promulgation
de nos lois douanières sans lesquelles l'institution n'aurait pu fonc-
tionner ; — qu'une promulgation deviendrait nécessaire seulement pour

restreindre ou modifier la législation générale en vigueur dans la métro-
pole, etc. — Tananarive, 8 mai 1897. (Aff. Geldart.) D. P. 1898.2.297. —
Voir également, à l'occasion de cet arrêt et en sens contraire, une note
de M. Sarrut.


— 254 —
277. Une dernière question est à examiner en ce qui con-
cerne les lois applicables aux colonies, c'est la force légale
des actes réglementaires émanant d'un gouvernement étran-
ger, lorsque l'occupation a pris tin; c'est là une question très
controversée (1), mais qui peut, il semble, se résoudre par
une distinction entre les actes qui sont ou non en contradic-
tion avec les principes et les règles générales *de notre droit
public. On reconnaît que le gouvernement de fait peut édicter
des règlements non seulement en vue de l'administration de
la justice, de la police mais encore en vue du règlement de
certains intérêts moins généraux (2), et que ces actes conser-
vent toute leur action après que l'occupation a pris fin ; on
n'admet pas, au contraire, qu'ils aient pu, pour l'avenir, porter
atteinte aux lois fondamentales du pays. Ainsi une ordonnance
d'un gouverneur anglais a été déclarée n'être plus applicable à
la Martinique par le motif qu'elle était contraire aux principes
du Code civil (3).
CHAPITRE II.
RAPPORTS ENTRE LA MÉTROPOLE ET LES COLONIES.
SECTION PREMIÊRE
ADMINISTRATION
CENTRALE.

CONSEIL
SUPÉRIEUR
DES COLONIES.
OFFICE
COLONIAL.
— JARDIN
COLONIAL.

ÉCOLE
COLONIALE.
— DÉPÔT DES ACTES DES COLONIES.
|i. —. Administration centrale. Conseil supérieur des colonies.
278. Le service des Colonies, constitué en administration
autonome par le décret du 11 janvier 1885 et rattaché tour
(1) V. notamment Dalloz, L. C. Lois n° 102 et suiv. Colonies.
(2) Par exemple l'établissement d'un bureau de bienfaisance. Cass.
req. 6 janvier 1873 (aff. Bauvar et).
(3) Cour d'appel Martinique, 13 juillet 1841.

— 255 —
à tour au ministère de la Marine et au ministère du Commerce,
a été érigé en ministère distinct par la loi du 20 mars 1894.
L'organisation de l'administration centrale de ce ministère a
été fixée en dernier lieu par le règlement d'administration
publique du 23 mai 1896 (1). Cette administration centrale
comprend, indépendamment du cabinet du Ministre, un secré-
tariat général et trois directions : dix bureaux concourent à
l'expédition des affaires, qui sont réparties, en général, non
d'après leur nature, mais d'après la situation géographique de
la colonie qu'elles concernent.
279. Les différents grades de la hiérarchie ont été ainsi fixés
par le décret du 23 mai 1896 : « Directeurs, sous-directeurs,
chefs de bureau, sous-chefs de bureau, rédacteurs répartis en
six classes dont une de stagiaires, expéditionnaires répartis
en six classes dont une de stagiaires » ; le règlement indique
en outre le nombre de ces fonctionnaires.
En principe, nul ne peut entrer, dans l'administration cen-
trale du ministère des colonies, que par l'emploi de stagiaire;
cependant une exception à celte règle est établie au profit
des commis expéditionnaires, des fonctionnaires coloniaux et
des officiers, qui, nommés à l'emploi de commis rédacteur,
entrent dans la classe correspondant au traitement dont ils
sont titulaires. Le décret précité fixe également les règles
d'avancement du personnel et établit les mesures de discipline
applicables aux fonctionnaires ou employés civils de l'admi-
nistration centrale.
Le décret du 23 mai 1896 a été complété par des décrets,
en date des 22 janvier 1898, 21 avril 1900, 44 janvier 1901,
9 juin et 9 décembre 1904. Ces décrets ont apporté quelques
modifications à la répartition des bureaux, aux règles de
recrutement et d'avancement du personnel de l'administration
centrale, et déterminé les conditions dans lesquelles ce person-
nel peut être détaché dans des services annexes.
280. Un conseil supérieur des colonies a été institué auprès
du ministère de la marine et des colonies par le décret du
(1) L'article 16 de la loi de finances du 30 décembre 1882 exige un
règlement d'administration publique pour modifier l'organisation de l'ad-
ministration centrale d'un ministère.

— 256 —
19 octobre 1883. Une commission permanente a été instituée au
sein de ce conseil par un décret du 19 octobre 1896. Nous
examinerons (n° 3 78) l'organisation et le mode de fonction-
nement de ce conseil.
§2. — Office colonial. — Jardin colonial.
281. Un arrêté du ministre de la marine du 23 octobre 1858
créa à Paris une exposition permanente des produits des colo-
nies
: on se proposait de répandre la connaissance des
ressources que notre commerce d'importation pourrait trouver
dans nos établissements d'outre-mer ; cet essai réussit pleine-
ment. Réunie avec l'exposition algérienne le 2 décembre 1838,
l'exposition coloniale reprit une existence autonome par un
arrêté ministériel du 25 juin 1861.
Installée au Palais de l'Industrie, et complétée, en vertu
d'un arrêté du 1er octobre 1894, par un service des renseigne-
ments commerciaux et de la colonisation qui fut ensuite
rattaché à l'administration centrale, l'Exposition permanente
des colonies se trouva dans l'obligation de déménager ses
collections quand fut décidée la démolition de l'immeuble
où elle était installée. Ce déplacement et les questions
d'ordre pratique qu'il souleva amenèrent le ministère des
Colonies à rechercher s'il n'y avait pas avantage à transformer
complètement l'Exposition permanente, en utilisant l'exemple
donné par les Etats voisins où des musées commerciaux,
notamment l' « Imperial Institute », de Londres, avaient rendu
et rendaient encore tous les jours d'inappréciables services
aux industriels et aux négociants. Dans celte même pensée
d'ailleurs, dans le but de mettre à la portée du public, de façon
plus directe et moins théorique, des éléments d'information,
le gouverneur général de l'Indo-Chine avait déjà, le 1er sep-
tembre 1898, créé à Paris un service spécial de renseignements,
mais il fut tout aussitôt convenu que cette institution parti-
culière disparaîtrait dès que serait établi l'organisme plus
complet dont on envisageait le fonctionnement.
Ce furent là les débuts de l'Office colonial, créé par un
décret en date du 14 mars 1899 et installé au Palais Royal à

— 257 —
Paris. L'Oftice colonial comprend : 1° un service de rensei-
gnements et d'émigration ; 2° une exposition permanente
contenant tous les échantillons des produits exportés des
colonies et des produits métropolitains susceptibles d'être
importés avec avantage dans les colonies ; 3° une bibliothèque
ouverte au public. C'est un établissement autonome, indépendant
de l'administration centrale, géré par un conseil d'adminis-
tration et fonctionnant sous la haute surveillance d'un conseil
de perfectionnement. 11 a son budget propre, alimenté par
des subventions, des dons et des legs, par le produit des
ventes auxquelles il aura procédé et par le produit des biens
qui lui sont affectés. 11 a un personnel particulier, nommé par
le ministre des colonies, et comprenant, d'après un arrêté en
date du lo mars 1899, un directeur, un fonctionnaire de l'ad-
ministration centrale adjoint au directeur et spécialement
chargé du service de la colonisation et de l'exposition perma-
nente; des agents auxiliaires recrutés et payés suivant les
formes usitées dans l'administration centrale. La composition
du conseil de perfectionnement a été réglée par un arrête
spécial en date du lo mars 1899 ; le conseil comprend les
membres du comité consultatif de l'agriculture, du commerce
et de l'industrie près le ministère des Colonies, les présidents
des principales chambres de commerce, le directeur de l'Office
national du commerce extérieur, le directeur de la banque de
l'Indo-Chine et l'agent central des banques coloniales; il est
présidé par le ministre des Colonies. Le conseil d'adminis-
tration, d'après le décret du 14 mars 1899, se compose de
quatre membres choisis dans le conseil de perfectionnement
. et de trois représentants du département des Colonies.
Une loi en date du 18 février 1904, a attribué la personnalité
civile à l'Office Colonial.
bis. C'est également dans un but de vulgarisation, c'est
pour mieux faire connaître au public les moyens de mettre en
valeur nos possessions en ce qui concerne l'agriculture que,
par un décret en date du 28 janvier 1899, a été créé près de
Paris un « jardin d'essais colonial ». Cet établissement, géré
par un conseil d'administration de sept membres et disposant
d'un budget particulier, devait à la fois aux termes du décret
qui l'instituait, centraliser des renseignements agricoles et
COLONIES, I.
17

— 258 —
fournir aux jardins d'essais établis dans les colonies les pro-
duits culturaux dont ils pouvaient avoir besoin. Mais les attri-
butions du « Jardin d'essais colonial », établi à Nogent-sur-
Marne, et qui prit alors le titre de « Jardin colonial » ont été
précisées par un décret du 5 mai 1900 ; il comprend aujourd'hui
trois services, un service des renseignements, un service des
laboratoires, un service des cultures. Le fonctionnement de
chacun de ces trois services a été réglé par un arrêté ministé-
riel en date du 7 mai 1900. Le directeur du Jardin colonial a
reçu du ministre des Colonies, le 6 novembre 1899, le titre
d'inspecteur général de l'agriculture coloniale.
Aux termes de l'article 2 du décret du 28 janvier 1899, les
fonctions de comptable du Jardin colonial sont exercés par le
directeur. La question s'est posée de savoir s'il ne serait pas
préférable de désigner un comptable particulier, placé sous la
dépendance du directeur. Le Conseil d'Etat, consulté a émis
sur ce point un avis défavorable, les recettes annuelles du
budget du Jardin colonial, n'ayant pas une importance suffi-
sante pour justifier cette création, et le nouvel agent ne
pouvant sans inconvénients centraliser, entre ses mains le
service de' la comptabilité deniers et celui de la comptabilité
matières (1).
Un arrêté du ministre des colonies en date du 29 janvier
1899, avait institué un conseil de perfectionnement des jardins
d'essais coloniaux. Ce conseil de perfectionnement a été aux
termes d'un décret du 28 mai 1902, remplacé par un conseil
technique de l'agriculture colonial, présidé par le ministre des
colonies et composé de 25 membres, auxquels il faut adjoindre
(1) Avis de la Section des Finances, etc., du Conseil d'Etat du 29 avril
1902. — Considérant qu'on ne saurait, sans motifs spéciaux, réunir dans
les mêmes mains le service de la comptabilité deniers et celui de la
comptabilité matières ; que dans l'espèce cette confusion ne saurait
d'autant moins être faite, qu'il ne parait pas que la comptabilité matières
du Jardin Colonial ait été jusqu'à présent réglementairement organisée;
que, par la diversité des services (cultures, laboratoire, expositions, etc.),

il semble même difficile a priori de pouvoir réunir toutes ces compta-
bilités entre les mains d'un seul agent ; que, d'autre part, la simplicité
du service de caisse du Jardin Colonial, notamment en ce qui concerne

les recettes, ne saurait pas justifier la création d'un comptable qui
n'aurait pas d'autres attributions, etc.

— 259 —
2 vice-présidents, dont l'un doit être le directeur du Muséum
d'histoire naturelle.
281 ter. Un décret en date du 29 mars 1902, a créé au
Jardin Colonial, un établissement d'enseignement agricole, '
sous le nom de « Ecole nationale supérieure d'agriculture colo-
niale ». L'école reçoit deux catégories d'élèves, des élèves
réguliers et des élèves libres. Les premiers doivent, pour être
admis, justifier de certains diplômes, les seconds sont autorisés
à suivre les cours de l'école, après avis du conseil d'adminis-
tration du Jardin colonial. A l'Ecole nationale supérieure
d'agriculture coloniale ainsi créée, un arrêté ministériel a
institué dix chaires de professeurs.
Une décision ministérielle du 3 mars 1903 (1) a défini la
situation en France du personnel de l'agriculture coloniale,
admis à suivre le même enseignement.
§ 3. — Ecole coloniale.
282. L'organisation, en principe, de l'école coloniale résulte
des dispositions du décret du 2 avril 1896 (2). Cette école, gérée
par un conseil d'administration dont les membres sont nommés
par le ministre des colonies, se compose : 1° de quatre sec-
tions administratives, 2° d'une section commerciale, 3° d'une
section indigène, 4° d'une division préparatoire.
Les sections administratives étaient au nombre de quatre,
celles du commissariat, des carrières indo-chinoise, des
carrières africaines, et de l'administration pénitentiaire. La
réorganisation de l'armée coloniale, a eu pour effet de sus-
pendre le fonctionnement de la section du commissariat. Mais,
d'autre part, un décret du 7 avril 1905, a institué une section
spéciale pour la préparation à la magistrature coloniale. En
outre, un arrêté ministériel du 6 septembre 1905 oblige les
adjoints des affaires indigènes, à suivre pendant une année
les cours de l'école coloniale*, avant de pouvoir être inscrits
(1) B. 0. C. 1903, p. 172.
(2) Complété par des décrets des
G juin 1897, 21 et 30 juillet
1898, 28 février et 28 mai 1902, et 7 avril 1905.

— 260 —
au tableau d'avancement en vue de leur admission dans le
cadre des administrateurs des colonies.
Les élèves des sections administratives sont reçus au con-
cours ; il n'y a pas d'examen d'entrée pour la section com-
merciale. La durée des études est fixée à deux ans pour les
sections administratives et à un an seulement pour la section
commerciale. L'école coloniale assure le recrutement des fonc-
tionnaires coloniaux; dans plusieurs des carrières coloniales,
un certain nombre d'emplois est réservé aux élèves qui ont
satisfait aux examens de sortie des sections administratives.
L'école coloniale constitue un établissement public (1) ayant
une existence autonome. En vertu de la loi des finances de
l'exercice 1901, les subventions qui jusqu'alors étaient versées
directement à l'école par diverses colonies sont payées par
l'intermédiaire du budget de l'Etat. Les budgets locaux versent
à l'Etat des contingents dont le montant vient s'ajouter aux
ressources générales du budget métropolitain, ainsi dédom-
magé de la dépense nouvelle dont il prend la charge.
§ 4. Dépôt des papiers publics des colonies.
Archives coloniales.
283. Dès la création du ministère de la marine et des colo-
nies, Colbert s'était préoccupé de conserver les principales
dépèches et instructions relatives au service des colonies, let-
tres envoyées et lettres reçues, dossiers individuels et carnets
de comptabilité. D'autre part, lors de l'évacuation de nos pos-
sessions canadiennes, en 1758, les archives locales (actes de
l'état civil, des greffes, du notariat) ayant été emportées et
réunies à Rochefort, on reconnut bientôt l'utilité d'étendre
cette mesure aux autres colonies, et les gouverneurs reçurent
en 17CG l'ordre d'envoyer à Rochefort un double des actes de
l'état civil (2). On voulait soustraire les dossiers aux causes
de destruction si nombreuses aux colonies ; on voulait en
outre se permettre de se procurer immédiatement en France
(1) L. 17 juillet 1889. — Déc. 23 novembre 1889.
(2) Notices statistiques sur les colonies françaises, 1883, p. 27.

— 261 —
des expéditions authentiques d'actes intéressant les colons ou
leurs ayants cause ; un édit de juin 177G établit à Versailles
un dépôt des papiers publics des colonies.
Ce dépôt devait comprendre et comprend encore aujour-
d'hui : 1° la collection des lois, des règlements des gouver-
neurs généraux, intendants et conseils supérieurs, les diffé-
rents actes légaux et réglementaires devant être dorénavant
versés à ce dépôt (1) ; les actes de l'état civil, les jugements
et arrêts, les actes de notaires (sauf les actes d'inventaires, de
partages ou de ventes sur inventaires), les actes d'affranchis-
sement, les registres des passagers arrivés de France et la
date de leur départ (2).
284. L'édit de 177G, qui est toujours en vigueur (3), pres-
crit les règles à suivre pour l'exécution des mesures ainsi
établies : les registres de l'état civil doivent être tenus dans
les colonies en triple expédition ; les actes reçus par les no-
taires le sont en double minute, au frais des parties : la minute
destinée au dépôt est visée sans frais par le juge du lieu; les
doubles expéditions des arrêts et jugements sont également
établies aux frais des parties (4). Des précautions minutieuses
sont prescrites pour le mode d'expédition en France de ces
divers actes.
Le dépôt des papiers publics des colonies, créé à Versailles
par l'édit de 1776, a été transféré à Paris, au ministère de la
marine et des colonies (après séparation, en 1791, des archives
maritimes et des archives coloniales), en 1837.
285. Les personnes qui ont intérêt à demander expédition
de quelques pièces faisant partie du dépôt doivent, aux termes
do l'édit de 1776, s'adresser au ministre, en justifiant de leurs
droits ou qualités, soit par des titres, soit par un certificat des
juges de leur domicile. Le dépôt des papiers publics des co-
lonies, étant assimilé aux dépôts analogues métropolitains, se
trouve soumis aux mêmes règles que ceux-ci, c'est-à-dire que :
(1) Édit juin 1776, art. 8.
(2) Cette mesure n'est plus exécutée en ce qui concerne les passagers,
(3) 11 a été rappelé notamment par une ordonnance du
17 décembre
1823 relative aux actes reçus par les anciens officiers publics de Saint-
Domingue.
(4) Edit juin 1776. art. 22.

— 262 —
1° toute personne peut, aux termes de l'article 45 du Code civil,
obtenir expédition des actes de l'état civil suffisamment dési-
gnés pour qu'on puisse faire la recherche et établir l'identité
de l'acte demandé ; 2° il en est de même, d'après l'article 853
du Code de procédure, pour les jugements et arrêts ; 3° enfin
pour les actes de notaire, les copies ne peuvent être délivrées
sans une ordonnance du juge ou sans avis donné aux intéressés
en nom direct (L. 25 ventôse an XI, art 23). Le ministre, dans
tous les cas, doit refuser communication des registres eux-
mêmes ; les recherches sont faites exclusivement par les agents
des archives (1).
286. L'article 37 de l'édit de 1776 porte que les expéditions
seront délivrées sans frais, sur papier commun. D'autre part,
l'article 37 de la loi du 7 messidor an II établit une taxe sur
les expéditions et extraits des pièces dans les dépôts. Cette
prescription s'étend-elle au dépôt des papiers publics des co-
lonies? Nous ne le pensons pas, car c'est là un établissement
d'une nature toute spéciale, dont le fonctionnement n'aurait
pu être modifié incidemment sans une volonté nettement
exprimée par le législateur (2). D'ailleurs, la loi de messidor
an II n'est pas applicable aux actes de l'état civil qui sont la
partie essentielle du dépôt ; c'est donc avec raison que le
Département des colonies continue à délivrer les expéditions
sans frais. 11 devrait également les fournir sur papier ordi-
naire, sauf aux parties intéressées à réclamer le visa pour
timbre à l'extraordinaire dans les cas où ce serait nécessaire :
c'est ainsi qu'agit le Département des affaires étrangères, mais
celui des colonies a cédé aux réclamations du ministère des
Finances et délivre les expéditions sur papier timbré, sauf dans
les cas où une exception a été prévue et autorisée (actes néces-
saires en matière de pensions, de secours, d'engagements vo-
lontaires, de droits électoraux, de mariage des indigents, de
caisses de secours de la vieillesse). Les actes ainsi délivrés
portent mention spéciale de leur destination.
(1) Code civil, art. 51. Règ. sur les archives de la marine et des colo-
nies. 25 mai 18G2, art. 18 ; — Ci'. Bordeaux, 30 août 1880.
(2) Cf. Comité du contentieux de la marine et des colonies, 13 mai
1877

— 263 —
287. Les archives coloniales contiennent en outre des re-
gistres présentant e sommaire des inscriptions, transcriptions
et radiations hypothécaires.
Ces documents sont destinés
principalement à fournir les éléments des statistiques, les
conservateurs des hypothèques pouvant seuls délivrer des ex-
traits réguliers des registres complets établis et conservés clans
les colonies.
Un décret du 20 juin 189G a créé au ministère des colonies
une commission chargée du classement des archives et un
arrêté ministériel du 14 mars 1895 a confié au service des
archives le soin de publier une revue coloniale. Pour préparer
la rédaction de celte revue, un comité a été institué par un
arrêté ministériel en date du 19 mai 1899.
SECTION II
GARDE ET DÉPENSE DES COLONIES
§ 1. Organisation militaire. — Commandants militaires. —
Directions d'artillerie.
288. Après avoir donné lieu, au sein du Parlement, à
des débats prolongés, l'organisation de l'armée coloniale
a été réglée, dans c*es principes fondamentaux, par une loi
en date du 7 juillet 1900.
Ce qui domine l'organisation nouvelle, c'est une tendance
vers l'unification et vers l'autonomie : unification en un
même corps, qui constitue l'armée coloniale, de toutes les
troupes et de tous les contingents européens ou indigènes
susceptibles de contribuer à la défense des colonies ; autono-
mie des troupes coloniales, qui sont distinctes des troupes de
l'armée métropolitaine. A ces deux principes il est possible
de rattacher les diverses dispositions de la loi.
288 bis. L'unification s'affirme dans l'article 4 qui com-
prend dans les troupes coloniales huit éléments diffé-
rents : 1° un état-major général ; 2° un service d'état-
major; 3° des troupes recrutées à l'aide d'éléments français
et des contingents fournis par les colonies soumises aux lois

— 264 —
de recrutement ; 4° des troupes recrutées à l'aide d'éléments
indigènes dans les diverses colonies et pays de protectorat ;
5° des états-majors particuliers de l'infanterie et de l'artillerie
coloniales; G0 un service de recrutement colonial, 7° un
service de la justice militaire ; 8° des services administratifs
et de santé. Ces troupes coloniales sont rattachées au minis-
tère de la Guerre, où, pour l'examen de toutes les questions
ayant trait à leur administration et a leur emploi, une direc-
tion spéciale est instituée; cette direction a été organisée par
deux décrets en date du 21 janvier 1901. Les troupes colo-
niales sont stationnées, les unes en France, en Algérie ou en
Tunisie, les autres dans les colonies autres que nos possessions
d'Algérie et de Tunisie ; les premières comprennent des
régiments d'infanterie et d'artillerie ainsi que des compagnies
d'ouvriers d'artillerie et d'artificiers; les secondes compren-
nent des régiments ou unités d'infanterie et d'artillerie, des
compagnies d'ouvriers d'artillerie ou d'artificiers, des régi-
ments ou unités recrutés à l'aide d'éléments indigènes. Pour
l'organisation immédiate de l'armée coloniale, l'article 22 de
la loi a incorporé dans celle-ci, dont elles devaient faire dé-
sormais partie intégrante, les troupes d'infanterie et d'artil-
lerie'de la marine, et les troupes indigènes déjà existantes;
tous les droits acquis, notamment pour le bénéfice d'une pension
de retraite, étaient d'ailleurs réservés. Quant au recrutement
futur des troupes coloniales, il est actuellement assuré, en
ce qui concerne les éléments français dans les conditions
prévues par l'article 37 de la loi du 21 mars 1905, c'est-à-
dire : 1° par l'application aux hommes des contingents des
Antilles, de la Guyane et de la Réunion, des lois sur le
service militaire ; 2° par voie d'engagements volontaires; 3°
par voie d'incorporation de jeunes gens « omis » sur les listes
des conseils de révision ou, s'il est nécessaire, d'hommes du
contingent métropolitain, qui toutefois ne sont pas appelés à
servir aux colonies, sans leur assentiment. Le recrutement
des troupes coloniales indigènes continue à être
assuré
d'après les règles en vigueur pour chacune d'elles et sauf
modification ultérieure par décret.
288 ter. L'autonomie des troupes coloniales, d'après l'arti-
cle 2 de la loi, se manifeste tout d'abord en ce qu'elles ont

— 265 —
leur régime propre et un budget distinct. Ce budget se divise
en deux parties, l'une formant une section spéciale du budget
du ministère de la Guerre et comprenant toutes les dépenses
afférentes aux troupes coloniales stationnées en France, en
Algérie, ou en Tunisie; l'autre, formant une section spéciale
du budget du ministère des Colonies et comprenant toutes les
dépenses à la charge « soit du budget métropolitain, soit des
budgets locaux », afférentes aux unités stationnées dans les
colonies. En outre, les troupes coloniales, demeurent sous le
commandement de leurs officiers ; même pour le personnel
militaire des missions et explorations, le ministre de la Guerre
ne peut faire appel qu'aux officiers des troupes coloniales, et
le passage des officiers des troupes coloniales dans l'armée
métropolitaine, ou réciproquement, ne peut s'effectuer que
par permutation.
A cette autonomie de l'armée coloniale, à celte complète
séparation des troupes coloniales et de l'armée métropolitaine
il est apporté cependant quelques atténuations. Hors de l'objet
pour lequel elles sont instituées, c'est-à-dire la défense des
colonies, les troupes coloniales, le cas échéant, coopèrent à la
défense de la métropole. Inversement, pour la défense des
colonies, les troupes coloniales peuvent être renforcées de
certaines unités empruntées à l'armée métropolitaine et limita-
tivement déterminées, savoir la légion étrangère, les bataillons
d'infanterie légère d'Afrique et les régiments de tirailleurs
algériens, la gendarmerie, et le personnel européen des armes
autres que l'infanterie et l'artillerie, qui peut être placé hors
cadres pour être affecté au service colonial. Enfin les officiers
généraux de l'armée coloniale peuvent être pourvus d'em-
plois et de commandements dans l'armée métropolitaine dans
une proportion déterminée par le ministre de la Guerre ; réci-
proquement les officiers généraux de l'armée métropolitaine
peuvent être pourvus d'emplois et de commandements dans
les troupes coloniales, après entente avec le ministre des
Colonies et à la condition que leur nombre ne dépasse pas le
quart de l'effectif prévu pour chacun des grad.es de général
de division et de général de brigade dans l'armée coloniale.
Mais ce sont là les seules exceptions au principe; la règle,
c'est que l'armée coloniale demeure séparée de l'armée métro-

— 266 —
politaine, c'est qu'elle a son autonomie, de même que, dans
son ensemble, avec son état-major spécial et son recrutement
spécial, elle constitue un organisme complet, une unité parti-
culière. C'est du reste dans cet esprit, c'est pour éviter toute
confusion entre les personnels métropolitains et les personnels
coloniaux qu'un décret du 11 juin 1901 a constitué
les
troupes coloniales stationnées en France en un corps d'armée
particulier, qui prend le nom de corps d'armée des troupes
coloniales.
Une difficulté s'est produite toutefois. D'après l'article 6 de
la loi du 7 juillet 1900, le ministre de la Guerre ne peut faire
appel, comme on l'a vu, pour le personnel militaire des
missions et explorations qu'aux officiers des troupes coloniales.
D'autre part, en vertu du même article § 1er, le personnel
européen des armes autres que l'infanterie et l'artillerie et
des divers services qu'il peut y avoir lieu de détacher dans
les colonies et pays de protectorat est fourni par l'armée
métropolitaine. Quelle est la véritable portée de cette dernière
disposition? Et les officiers ainsi détachés de l'armée métro-
politaine, se trouvant placés « en mission » au sens de la loi
du 1ί· avril 1832, ne sont-ils pas dans la situation même que
l'article G de la loi du 7 juillet 1900 a eu pour objet d'inter-
dire ?
Le Conseil d'Etat, appelé à se prononcer en assemblée
générale sur la contradiction apparente de ces doux disposi-
tions, a essayé, les 25 juillet et 1er août 1901, de les concilier
de la manière suivante : Le mot « mission » doit être entendu
dans le sens restreint « d'oeuvres se rattachant aux explora-
tions ». Quant aux services dont le personnel peut être emprunté
à l'armée métropolitaine, ce sont ceux-là seulement dont les
troupes coloniales n'ont pas été dotées (1). Il ne saurait donc
(1) Conseil d'État, 25 juillet et 1er août 1901. — Considérant qu'il ré-
sulte des travaux préparatoires et de la discussion de la loi susvisée,
d'une part, que les besoins coloniaux n'auraient pas justifié la création,
dans les troupes coloniales, d'armes et de services spéciaux et auto-
nomes autres que l'infanterie et l'artillerie ; que, par suite, les troupes
coloniales n'en ont pas été dotées et que, le cas échéant, elles devront,
sauf pour le service régimentaire proprement dit de l'infanterie et de
l'artillerie, emprunter aux troupes métropolitaines le personnel qui leur
sera nécessaire ; d'autre part, qu'il faut entendre le mot « missions »

— 267 —
s'agir du « service régimentaire proprement dit » de l'infante-
rie et de l'artillerie. Il semble bien, au contraire, que le Par-
lement, loin d'admettre ceUe interprétation extensive, entend
voir s'établir une séparation plus profonde entre le personnel
de l'armée métropolitaine et celui de l'armée coloniale, le
premier ne pouvant strictement être appelé à servir dans nos
possessions que dans les corps qui n'y ont pas été organisés,
le génie et la cavalerie, par exemple. C'est ce qui ressort des
délibérations qui ont eu lieu à la Chambre des députés, lors
de l'examen du budget de 1902.
288 quater. La loi du 7 juillet 1900 prévoyait, dans son
article 25, qu'elle entrerait en vigueur dans le délai de six
mois comptés à partir du jour de sa promulgation : avant
l'expiration de ce délai, le 28 décembre 1900, sont intervenus
deux décrets importants, portant organisation l'un de l'infan-
terie coloniale et l'autre de l'artillerie coloniale. Ces règlements,
que des actes postérieurs ont d'ailleurs completés et modifiés,
ont été préparés en exécution de l'article 5 de la loi, d'après
lequel la composition en hommes et en cadres des corps de
troupes de l'armée coloniale, ainsi que celle des états-majors
particuliers, sont déterminées par décret rendu sur le rapport du
ministre de la Guerre après entente avec le ministre des colo-
nies. Il n'est pas sans intérêt d'observer que cet accord du
ministre de la Guerre et du ministre des Colonies est exigé par
d'autres dispositions de la loi, notamment lorsqu'il s'agit de
pourvoir au commandement des troupes dans les colonies
(art. 9), d'organiser la justice militaire et les autres services
spéciaux (art. 11), d'organiser la relève (art. 12), de faire
appel à des engagements volontaires (art. 15), et d'assurer le
recrutement des troupes indigènes (art. 16). Le ministre des
Colonies, en d'autres termes, conserve une part d'influence
importante dans l'administration et l'emploi des troupes colo-
énoncé dans le § 4 de l'art. 6, dans le sens restreint « d'œuvres se rat-
tachant aux explorations » ; que, dès lors, aucune disposition de la loi
susvisée ne fait obstacle à ce que les ministres de la guerre et des
colonies s'entendent au sujet de la désignation du personnel militaire
qu'il conviendrait de détacher dans les services administratifs, poli-
tiques, ou des travaux publics, et le choisissent dans toutes les armes
ou services, y compris l'infanterie et l'artillerie métropolitaines, etc.

— 268 —
niales, bien que celles-ci soient rattachées au ministère de la
Guerre, et bien que le législateur ait eu l'intention, comme
l'attestent les débats parlementaires qui ont précédé le vote de
la loi, de ne pas transformer le ministère des Colonies en un
troisième département militaire. Enfin, ce qui peut accroître
encore cette part d'influence, c'est, on l'a vu, que les dépenses
des troupes stationnées dans les colonies forment une section
spéciale du budget du ministère des Colonies, et c'est aussi
que, dans chacune de nos possessions (art. 3;, le commandant
supérieur des troupes doit correspondre avec le ministre de la
Guerre par l'intermédiaire du gouverneur et du ministre des
Colonies.
Un décret du il juin 1901, que des actes postérieurs ont
complété, a précisé de même, pour l'administration des troupes
coloniales, les rôles respectifs du département de la Guerre et
du département des Colonies. L'administration des troupes
coloniales comprend le service de l'artillerie, le service du
commissariat et le service de santé, et le principe général qui
domine l'organisation de ces divers services, c'est qu'on y
distingue la direction, la gestion ou exécution, le contrôle. Le
contrôle, séparé toujours de la direction et de la gestion, est
exercé : 1° en France, en Algérie et en Tunisie par le corps du
contrôle de l'administration de l'armée sous l'autorité
du
ministre de la Guerre ; 2° dans les établissements de la métro-
pole organisés en vue des besoins des troupes et aux colonies,
par le corps de l'inspection des colonies sous l'autorité du
ministre des Colonies.
En France, en Algérie et en Tunisie, les services adminis-
tratifs des troupes coloniales sont dirigés respectivement par
le personnel des services de l'artillerie, du génie, de l'inten-
dance et de santé de la métropole et assurés par les officiers
et agents des troupes coloniales présents en France et employés
conformément aux dispositions arrêtées par le ministre de la
Guerre. Mais les services et établissements organisés en
France en vue des besoins des troupes aux colonies sont pla
cés sous l'autorité immédiate du ministre des Colonies.
Aux colonies, d'après le décret du
11 juin 1901,
on
retrouve dans l'administration militaire ce partage d'attribu-
tions entre le ministre de la Guerre et le ministre des Colonies.

— 269 —
Le directeur du commissariat est chargé de l'ordonnancement
des dépenses et reçoit du ministre des Colonies la délégation
des crédits par l'intermédiaire du gouverneur et du comman-
dant supérieur des troupes. Le commandant supérieur des
troupes est, d'autre part, sous l'autorité du gouverneur, le
chef responsable de l'administration militaire dans l'étendue
de son commandement. Il ne peut correspondre avec le
ministre de la Guerre et avec le ministre des Colonies que
par l'intermédiaire du gouverneur, et, de leur côté, les direc-
teurs des services administratifs ne peuvent correspondre avec
le ministre des Colonies que par l'intermédiaire du comman-
dant supérieur des troupes. Ces dispositions assez compliquées
ont eu pour but, selon le principe fondamental posé par le
décret, de maintenir une distinction entre les services de
gestion et la direction, qui, aux colonies, appartient au com-
mandant supérieur des troupes (nos 305-307 et 308 bis.)
281). Le décret du 28 décembre 1900 sur l'infanterie coloniale
embrasse l'organisation de toutes les troupes d'infanterie
appelées normalement à concourir à la défense des colonies,
celle des troupes stationnées en France comme celle des
troupes stationnées dans nos possessions.
L'expérience ne tarda pas à montrer que les dispositions
des deux décrets du 28 décembre 1900 sur l'infanterie et
l'artillerie coloniales ne correspondaient pas à toutes les
nécessités auxquelles on avait voulu pourvoir. Des modifica-
tions partielles furent jugées d'abord suffisantes (1); elles
devinrent bientôt assez nombreuses pour justifier un rema-
niement plus étendu. Ainsi furent préparés les deux décrets
signés le 19 septembre 1903 et dont le premier a pour objet
une réorganisation de l'infanterie coloniale. Celle-ci comprend
un état-major particulier des corps de troupe d'infanterie fran-
çaise et indigène ; un corps de discipline des troupes colo-
niales.
(1) Voir notamment, décrets du 30 juin 1901 créant un bataillon à la
Guadeloupe, du 30 mai 1902 créant un corps de tirailleurs cambodgiens,
du 2G octobre 1902 réorganisant le corps disciplinaire, du 26 mai 1903
répartissent en cinq groupes (Indo-Chine, Afrique occidentale, Afrique
orientale, Antilles et Pacifique), les forces militaires stationnées aux
colonies.

— 270 —
Dans l'état-major particulier, l'article 3 du décret admet
tous les officiers de l'arme affectés à un service d'état-major,
détachés à l'Ecole supérieure de guerre, à l'administration
centrale des ministères de la Guerre et des Colonies, et d'une
manière générale chargés de fonctions autres que celles qui
leur sont normalement destinées.
Les corps de troupes d infanterie coloniale française sont
stationnés en France et aux colonies. En France, ils com-
prennent 12 régiments de 3 bataillons à 4 compagnies, 1 sec-
tion de secrétaires d'état-major coloniaux, 1 section de télé-
graphistes coloniaux, 1 dépôt des isolés des troupes coloniales,
1 section de secrétaires et ouvriers militaires du commissariat,
1 section d'infirmiers coloniaux. Aux colonies, ils comprennent :
en Indo-Chine, 3 régiments à 3 bataillons de 4 compagnies et
1 régiment à 2 bataillons de 4 compagnies; en Afrique orien-
tale, 1 régiment à 3 bataillons de 4 compagnies et en outre
1 bataillon à 2 compagnies stationné à la Réunion; en Afrique
occidentale, 1 bataillon à 4 compagnies; aux Antilles et à la
Guyane, 1 bataillon à 5 compagnies; dans les possessions du
Pacifique, 1 bataillon à 3 compagnies.
Les corps d'infanterie indigène comprennent : 1° en Indo-
Chine, 4 régiments de tirailleurs tonkinois, dont 3 à 4 batail-
lons et 1 à 5 bataillons de 4 compagnies, 2 régiments
de tirailleurs annamites à 3 bataillons de 4 compagnies,
1 bataillon de tirailleurs chinois à 2 compagnies, 1 bataillon
de tirailleurs cambodgiens à 2 compagnies ; 2° en Afrique
orientale, 1 régiment de tirailleurs sénégalais à 4 bataillons
de 4 compagnies, 1 bataillon de tirailleurs sénégalais de
4 compagnies à Diégo-Suarez, 3 régiments de tirailleurs mal-
gaches à 3 bataillons de 4 compagnies; 3° en Afrique occiden-
tale, 2 régiments de tirailleurs sénégalais à i bataillons de
4 compagnies, 1 régiment de tirailleurs sénégalais à 2 batail-
lons de 4 compagnies, 1 bataillon de tirailleurs sénégalais à
Zinder, 1 régiment d'infanterie indigène à 2 bataillons au
Congo et au Tchad. Il peut, en outre, être créé en Indo-Chine
d'autres bataillons indigènes recrutés dans les régions fron-
tières.
Le corps de discipline des troupes coloniales comprenait,
d'après le décret du 19 septembre 1903 : en France, l'état-

— 271 —
major et 1 dépôt; aux colonies, 1 compagnie au Sénégal,
1 peloton en Indo-Chine et 1 section à Madagascar. Mais cette
organisation a été modifiée par un décret spécial en date du
20 juillet 1905. La compagnie du Sénégal a été supprimée.
Dans chacune de nos possessions du Tonkin, de la Cochinchine
et de Madagascar, il est désormais organisé dans un des régi-
ments d'infanterie coloniale qui y tiennent garnison, une sec-
tion de discipline destinée à recevoir aussi bien les soldats
d'artillerie que ceux d'infanterie coloniale. De plus, le décret
du 20 juillet 1905 a spécifié' que les compagnies de discipline
des troupes métropolitaines en garnison en Algérie et en
Tunisie, recevraient les militaires des troupes de l'armée colo-
niale dont les corps sont en garnison en France, aux Antilles,
à la Guyane, en Nouvelle-Calédonie et en Afrique occidentale.
Le décret du 19 septembre 1903 a prévu enfin que les corps
de troupes, français et indigènes, seraient groupés dans les
différentes colonies selon leur importance, « en brigades, divi-
sions ou corps d'armée ». En France, les 12 régiments d'in-
fanterie coloniale forment 3 divisions placées sous les ordres
d'un officier général commandant le corps d'armée des troupes
coloniales.
Les tableaux ci-annexés donnent la répartition de l'infanterie
coloniale en France et aux colonies.
290. Un second décret en date du 19 septembre 1903 a
réorganisé l'artillerie coloniale. Il a tendu surtout à répartir
selon de nouvelles bases les unités d'artillerie coloniale entre
nos différentes possessions, et à renforcer aux colonies les
directions d'artillerie.
Aux termes du décret du 19 septembre 1903, l'artillerie
coloniale se compose d'un état-major particulier et de corps
de troupes.
Les divers éléments de l'état-major particulier sont indiqués
par l'article 3 du décret. En France et aux colonies, le décret
y fait entrer le personnel de l'arme employé dans les direc-
tions d'artillerie coloniale, dans les services techniques de
l'artillerie navale et dans les chefferies du génie, les officiers
affectés au service d'état-major détachés à l'Ecole supérieure
de guerre, au ministère de la Guerre et au ministère des Colo-
nies, et, d'une manière générale, employés dans les colonies à

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des services ou mission dont il ne peuvent être chargés qu'à
titre exceptionnel.
Les troupes d'artillerie coloniale dans la métropole com-
prennent : 3 régiments comptant ensemble 36 batteries, dont
12 batteries montées, (i batteries de montagne et 18 batteries
à pied; 3 compagnies d'ouvriers d'artillerie coloniale; 1 com-
pagnie d'artificiers d'artillerie coloniale.
Les troupes d'artillerie coloniale hors de France com-
prennent : 1° en Indu-Chine, 2 régiments dont l'un, au Ton-
kin, à 8 batteries mixtes ; l'autre, en Cochinchine, à 10 batte-
ries mixtes et 2 compagnies mixtes d'ouvriers d'artillerie colo-
niale ; 2° dans l'Afrique occidentale française, 1 régiment com-
posé de 6 batteries mixtes, 1 section mixte de montagne dans le
territoire du Tchad et 1 compagnie de conducteurs indigènes,
et, en outre, 2 compagnies mixtes d'ouvriers; 3° dans l'Afrique
orientale française, 1 régiment de 8 batteries mixtes et 2 com-
pagnies mixtes d'ouvriers d'artillerie coloniale ; 4° aux Antilles,
1 groupe d'artillerie coloniale à 3 batteries à pied et 1 déta-
chement d'ouvriers; 5° dans les possessions
du Pacifique,
1 batterie à pied et 1 détachement d'ouvriers.
Les gardiens de batterie coloniaux et les gardes auxiliaires
d'artillerie ont été supprimés par voie d'extinction. Le décret
du 19 septembre 1903 a prévu, en outre, le rétablissement
des adjudants gardiens de batterie aux colonies.
Enfin l'artillerie coloniale comprend un personnel d'officiers
d'administration, d'ouvriers spéciaux et de conducteurs de
travaux, dont les effectifs sont actuellement fixés par un décret
du 6 juillet 1905.
290 bis. L'article 8 de la loi du 7 juillet 1900 a maintenu la
disposition de la loi du 30 juillet 1893, d'après laquelle la
légion étrangère peut coopérer au service colonial. Cette
faculté s'applique, comme il a été indiqué (n° 288 ter), non
seulement à la légion étrangère, mais encore aux bataillons
d'infanterie légère d'Afrique et aux régiments de tirailleurs
algériens. Des unités de ces corps peuvent être employées en
tout temps dans les colonies, sous la réserve qu'elles seront
alors en sus du minimum prévu par la loi du 13 mars 1875
Plus spécialement en Indo-Chine, l'organisation de la légion
étrangère a été réglée par un décret en date du 24 mars 1905,

— 276 —
Les quatre bataillons des régiments étrangers normalement
stationnés au Tonkin ont été répartis en deux groupes. Deux
bataillons, appartenant au 1er régiment étranger, forment un
régiment de marche ; deux autres bataillons, appartenant au
2e bataillon étranger, sont des bataillons de marche formant
corps.
290 ter. Ainsi qu'on l'a vu (n° 288 quater), d'après l'article
12 de la loi du 7 juillet 1900, un décret rendu sur les rapports
des ministres de la Guerre et des Colonies devait régler les
conditions dans lesquelles s'effectuerait là relève des hommes
et des cadres entre les troupes stationnées aux colonies et les
troupes stationnées dans la métropole. Ce décret est intervenu
et porte également la date du 28 décembre 1900. 11 est d'une
application très générale et concerne aussi bien les troupes de
l'artillerie coloniale que celles de l'infanterie coloniale, les
officiers et assimilés aussi bien que les sous-officiers, briga-
diers, caporaux et soldats.
Pour les officiers, des listes de tour de service colonial sont
établies par grade dans chaque arme. Ces listes sont publiées
chaque mois au Journal Officiel de la République française,
et le tour de départ, pour chacun des officiers inscrits, ne peut
être exceptionnellement avancé ou retardé que dans des cas
limitativement déterminés. La durée du séjour réglementaire
aux colonies est, selon la salubrité du pays, de trois ans, de
deux ans oude vingt mois.
Pour les sous-officiers et employés militaires assimilés, des
contrôles sont établis par arme, par service et par grade. Les
désignations coloniales, en dehors de quelques cas rigoureuse-
ment prévus, sont faites en suivant l'ordre des contrôles. La
durée réglementaire d'un premier séjour aux colonies, pour
les sous-officiers, est fixée d'après la date de leur libération,
sans pouvoir dépasser, selon les contrées, quatre ans, trois
ans, trente mois ou deux ans. A partir du deuxième séjour,
la durée réglementaire est la môme que pour les officiers.
Pour les brigadiers, caporaux et soldats, il est établi, dans
chaque corps de troupes et dans chaque service, des listes de
départ sur lesquelles les hommes du contingent qui n'ont pas
devancé l'appel ne figurent, conformément à la loi, que s'ils
ont demandé leur envoi aux colonies. Les durées réglemen-

— 277 —
taires de séjour sont les mêmes que pour les sous-officiers.
C'est seulement d'après les besoins de la relève signalés par
le département des Colonies que le ministre de la Guerre
prononce les affectations coloniales. Cette disposition, d'après
le rapport au Président de la République qui précède le décret,
doit « permettre au département des Colonies d'assurer un
« contrôle sur les cadres et les hommes mis à sa disposition ».
291. Ce contrôle du ministre des Colonies s'exerce encore,
(on l'a vu n° -288 quater), en ce que, dans chaque colonie,
d'après l'article 3 de la loi du 7 juillet 1900, le commandan
supérieur des troupes ne correspond que par son intermédiaire
et celui du gouverneur avec le ministre de la Guerre. Le gou-
verneur a, d'ailleurs, sous sa haute autorité, aux termes de ce
même article, le commandant supérieur des troupes qui est
responsable vis-à-vis de lui de la préparation des opérations
militaires, de leur conduite et de tout ce qui est relatif à la
défense de la colonie.
Dans le même esprit, le décret du 28 décembre 1900 réglant
le tour de service aux colonies des officiers, sous-officiers et
soldats de l'armée coloniale, a exigé, dans certains cas, l'in-
tervention du département des Colonies. Ainsi les comman-
dants des troupes, les commandants des places fortes, les
directeurs des services administratifs ne sont désignés dans
chaque colonie qu'après entente avec le ministre des Colonies;
il en est de même pour les officiers employés à des services
spéciaux ou occupant des situations politiques et administra-
tives. Enfin les officiers auxquels le ministre de la Guerre n'a
pas assigné d'emplois sont mis à la disposition du commandant
des troupes qui les répartit suivant les besoins du service,
mais seulement « après visa du gouverneur qui, en cas de
« désaccord, rend compte au ministre des Colonies ».
§ 2. — Corps de troupes spéciaux aux colonies.
293. Il existe aux colonies un certain nombre de corps de
troupes spéciaux, soit envoyés de fa métropole, soit recrutés
sur place; ce sont : la gendarmerie coloniale, le corps de dis-
cipline des troupes coloniales et les troupes indigènes.

— 278 —
D'après l'article 16 de la loi du 7 juillet 1900, le recrutement
des troupes coloniales indigènes continue à être assuré d'après
les règles en vigueur pour chacune d'elles. Cette disposition
laissait intacte l'organisation existante, propre à chacun des
corps indigènes en service aux colonies; mais la loi pré-
voyait que de nouvelles règles pourraient être appliquées à
cette organisation par décret rendu sur le rapport des mi-
nistres de la Guerre et des Colonies.
294. Le service de la gendarmerie aux colonies n'a pas été
modifié par la loi du 7 juillet 1900. La gendarmerie coloniale
est organisée de la même manière que la gendarmerie dépar
tementale : elle est régie comme celle-ci par le décret du
1er mars 1854. Quoique placé sous la direction du ministre des
Colonies, ce corps n'en reste pas moins soumis à l'autorité du
ministre de la Guerre; c'est, en effet, celui-ci qui fait les dési-
gnations et les mutations du personnel, qui accorde les avan-
cements; c'est sur son rapport, et simplement sur l'avis du mi-
nistre des Colonies, que sont rendus les décrets fixant le cadre
de lagendarmerie affectée à chaque établissement d'outre-mer
(n°s 93 et suiv.).
295. Le corps de discipline des troupes coloniales est actuel
lement, comme on l'a vu (n° 289), organisé par un décret en
date du 20 juillet 1905. Au Tonkin, en Cochinchine et à Mad a
gascar, ce décret a prévu la formation, dans l'un des régiments
d'infanterie coloniale qui y stationnent, d'une section de disci
pline. Cette section spéciale reçoit d'ailleurs aussi bien les
soldats de l'artillerie que ceux de l'infanterie coloniale. En
outre, d'après le décret du 20 juillet 1905, les compagnies de
discipline des troupes métropolitaines en garnison en Algérie
et en Tunisie doivent recevoir les militaires de l'armée coloniale
dont les corps stationnent aux Antilles, à la Guyane, en Nou-
velle-Calédonie et en Afrique occidentale.
Antérieurement au décret du 19 septembre 1903, un décret
du 26 septembre 1902 avait supprimé les compagnies de
disciplinaires des colonies.
295 bis. Un décret spécial en date du 28 décembre 1900 a
réglé la situation des exclus coloniaux. Il s'agit des individus
exclus de l'armée et assujettis au service dans les conditions
fixées par les lois
pour le recrutement de l'armée. D'après

— 279 —
Particle 21 de la loi du 7 juillet 1900, ces individus sont mis
à la disposition des départements de la Guerre et des Colonies.
Les hommes ainsi exclus de l'armée sont groupés en formations
spéciales et placés sous la surveillance d'un personnel mili-
taire appartenant au département de la Guerre. Ils sont répar-
tis en sections dites d'activité et sections dites de mobilisation;
ils ne sont pas armés. Ceux des hommes exclus qui se trouvent
aux colonies' sont mis à la disposition du ministre des Colo-
nies; dans cette catégorie sont compris les relégués collec-
tifs.
296, Avant l'organisation de l'armée coloniale, les tirailleurs
sénégalais étaient régis par les décrets des 21 juillet 1857,
8 février 1802, 5 avril 1883, 31 août 1884 et 5 juin 1889. Ils
formaient un régiment. Depuis le décret du 19 septembre 1903,
ils ont été répartis en 4 régiments, dont l'un en service à
Madagascar et 2 bataillons indépendants, l'un en service à
Diégo-Suarez, l'autre à Zinder.
Les officiers et sous-officiers européens sont fournis par
l'infanterie de marine ; il y a en outre un certain nombre de ti-
railleurs européens employés, soit comme ouvriers, soit comme
ordonnances.
Les dispositions légales et réglementaires concernant la
justice militaire, les récompenses militaires ef les pensions de
retraite, applicables dans les régiments d'infanterie de marine,
le sont également aux régiments des tirailleurs sénégalais.
Toutes les autres dispositions (service, police, discipline, etc.)
sont réglées par des arrêtés ministériels. Le recrutement des
indigènes se fait par la voie des engagements ou rengage-
ments volontaires, avec primes (1).
Les officiers indigènes, régis par le décret du 8 février 1862,
sont nommés par décret, mais n'ont pas droit au bénéfice de
la loi sur l'état des officiers. A grade égal, les officiers fran-
çais ont toujours le commandement : il en est de même des
sous-officiers français vis-à-vis des sous-officiers indigènes ;
le commandement, même par intérim, d'une compagnie, ne
peut être exercé que par un officier français.
(1) D. 14 novembre 1904. — B. 0. C. 1904, page 1092.

— 280 —
Le régiment de tirailleurs soudanais qu'avait créé un décret
du 7 mars 1894 n'a pas été maintenu dans la nouvelle organi-
sation.
297. Un décret du 13 janvier 1895 avait créé un régiment
de tirailleurs malgaches. Ce régiment comprenait 12 com-
pagnies formant 3 bataillons ; l'effectif de chaque compagnie
était de 254 hommes. Ce corps devait avoir des sous-officiers,
mais non des officiers indigènes; il était recruté par voie
d'engagement volontaire.
Le nombre des régiments de tirailleurs malgaches est
actuellement de 3, d'après, le décret du 19 septembre 1903
sur l'infanterie coloniale. Chacun de ces régiments se com-
pose de 3 bataillons de 4 compagnies (n° 289).
297 bis. Le décret du 19 septembre 1903 sur l'infanterie
coloniale a prévu la formation de corps spéciaux de troupes
indigènes : 1 régiment d'infanterie indigène à 2 bataillons au
Congo et au Tchad, 1 bataillon de tirailleurs chinois (1) à
2 compagnies,
1 bataillon de tirailleurs cambodgiens à
2 compagnies.
Avant le décret du 19 septembre 1903, ces corps de
troupes avaient été organisés déjà par des décrets en date
des 28 mai, 20 juin et (i octobre 1902. Ils sont recrutés par
voie d'engagement volontaire.
298. Le corps des cipahis de l'Inde est actuellement orga-
nisé par un décret du 11 mars 1901 ; il comprend une com-
pagnie à l'effectif de six officiers, dont trois officiers indi-
gènes, et de 1G0 hommes recrutés dans la colonie.
Les officiers indigènes, lieutenants et sous-lieutenants, sont
nommés au choix par décrets, mais fis ne jouissent pas du
bénéfice de la loi de 1834 sur l'état des officiers. Ils doivent,
par suite, comme les hommes, être soumis à la formalité de
l'engagement; ils peuvent être révoqués. Ils jouissent, comme
le reste du personnel, du bénéfice des lois sur les pensions
militaires de retraite.
(1) D'après une rectification au décret du 19 septembre 1903, rectification
qui porte la date du 12 juillet 1903, ce « bataillon de tirailleurs chinois»
doit être défini « un bataillon de tirailleurs de frontières à deux com-
pagnies ».

— 281 —
299. La nouvelle organisation des troupes coloniales com-
porte le maintien, en Cochinchine, du régiment de tirailleurs
annamites, recruté parmi les indigènes.
Ce recrutement n'est pas volontaire. Chaque année, le gou-
verneur fixe le chiffre du contingent, et le nombre d'hommes
que chaque commune doit fournir, la commune étant, confor-
mément à la coutume annamite', responsable de la présence
de son contingent sous les drapeaux. Les hommes présentés
par les communes doivent être âgés de 21 ans au moins et de
28 ans au plus, et ne donner lieu à aucune plainte au point de
vue de la santé ou de la moralité; les hommes renvoyés pour
inaptitude au service ou pour inconduite, par décision du
gouverneur, sont remplacés par les communes qui les ont
fournis.
Le recrutement s'opère par voie d'engagement volontaire et
de rengagement parmi les indigènes.
La durée du service est de 2 ans ; des rengagements suc-
cessifs peuvent être contractés chacun pour 3 ans, mais sans
que la durée totale des services puisse dépasser 15 ans. A ce
moment, les indigènes sont admis à la retraite, et ont droit à
une pension ; mais, contrairement à ce qui existe dans les
autres corps, et pour le même motif qui a fait laisser l'entre-
tien des tirailleurs à la charge de la colonie, c'est elle aussi
qui paye les pensions de retraite. Conformément à l'article 4
du décret du 2 décembre 1879, un arrêté du gouverneur du
27 juin 1883 a fixé le tarif et le règlement de ces pensions.
Le règlement est emprunté en grande partie à la loi du
11 avril 1831 ; les pensions sont incessibles et insaisissables. Le
temps passé dans la milice des arrondissements compte pour
la retraite sous la condition d'un temps de service de ti ans au
moins dans les tirailleurs. La pension est de CO piastres pour
les sous-officiers, de 36 piastres pour les caporaux et soldats ;
elle est augmentée de 1 piastre par campagne (1 piastre
et demie pour les sous-officiers) sans qu'il soit possible de
compter plus de 5 campagnes. Un arrêté du gouverneur de la
Cochinchine du 14 avril 1886 a réglé la justification du droit à
la pension des tirailleurs en cas de blessures ou d'infirmités.
Les compagnies de tirailleurs annamites sont formées
d'hommes appartenant à une même circonscription de recru-

— 282 —
tement et stationnent autant que possible dans cette partie du
territoire (1).
300. Les officiers indigènes, lieutenants et sous-lieutenants,
n'ont pas l'état d'officier; ils sont nommés par le ministre de
la Marine après un examen, et sur une liste d'avancement
établie par l'inspecteur général : le décret du 3 février 1894
les a supprimés par voie d'extinction.
Le règlement qui a prévu les conditions de la cassation et
de la rétrogradation des sous-officiers et caporaux indigènes
n'a rien prévu pour les officiers ; on les considère comme des
employés dont la situation dépend uniquement du ministre.
Alors que dans les cipahis, par exemple, le droit de com-
mandement appartient à l'officier français sur l'officier indi-
gène, seulement à égalité de grade et sans tenir compte de
l'ancienneté, c'est-à-dire qu'un sous-lieutenant français peut
être commandé par un lieutenant de cipahis, il n'en est pas
de môme pour les tirailleurs annamites : les officiers français
ont toujours, quel que soit le grade, le commandement sur
les officiers indigènes (2) ; ceux-ci ne peuvent d'ailleurs
iamais, même par intérim, exercer le commandement d'une
compagnie. La durée maximum du service, de 15 ans pour la
troupe, a été portée à 20 ans pour les officiers indigènes (3).
Les militaires indigènes de tous grades peuvent obtenir la
décoration de la Légion d'honneur ou la médaille militaire,
avec les avantages de traitement réservés aux corps mili-
taires. Ils sont assujettis aux règles de compétence, de pro-
cédure et de pénalité tracées par le Code de justice militaire
pour l'armée de mer, mais avec une modification, la possi-
(1) Les indigènes libérés du service actif restent pendant trois ans à
la disposition de l'autorité militaire ; la réserve ainsi constituée ne peut
être convoquée qu'en cas de guerre, sur un ordre du gouverneur général
(Arr. loc. 22 juillet 1888).
(2) 11 en est de même pour les sous-officiers français vis-à-vis des
sous-officiers indigènes.
(3) La pension de retraite, fixée pour quinze ans de service, a 120 piastres
pour les lieutenants, à 98 piastres pour les sous-lieutenants, peut s'ac-
croître, par suite, pendant ces cinq années de manière à atteindre le
maximum de 160 piastres pour les lieutenants, 128 piastres et demie
pour les sous-lieutenants. A ce chiffre s'ajoute le bénéfice des cam-
pagnes : 2 piastres par campagne, sans que l'on puisse en compter
plus de 5.

— 283 —
bilité de l'admission des circonstances atténuantes, alors même
que le Code de justice militaire ne les prévoit pas. Cette
innovation, que l'on rencontre en France dans la loi du
18 novembre 1875 (art. 17), pour un cas tout particulier, pou-
vait-elle être introduite d'une manière générale, en Cochin-
chine, par un règlement ministériel? Ce règlement a été
rendu en exécution de l'article S du décret du 2 décembre 1879·,
qui laisse au ministre le soin de déterminer provisoirement
les dispositions relatives au fonctionnement du corps, et en
particulier à la justice. Or, le régime légal de Cochinchine
étant celui des décrets, la délégation ainsi donnée est régu-
lière, et quelque regrettable que puisse être une modification
apportée au fonctionnement des conseils de guerre par un
arrêté ministériel, cette modification n'a pu donner lieu à
aucune critique de droit.
301. Un décret du 12 mai 1884 a créé deux régiments de
tirailleurs tonkinois dont le noyau existait, depuis le commen-
cement de l'occupation, clans un corps de volontaires indi-
gènes. L'organisation de ce corps était analogue à celle des
tirailleurs annamites.
Un décret du 2 avril 1883 a porté à quatre le nombre des
bataillons de chacun de ces régiments. En outre, un décret
du 28 juillet 1883 a créé un troisième régiment, qui a été
réduit à 13 compagnies par le décret du 19 mai 189G.
Plus récemment, un décret du 10 décembre 1897 a réduit le
3e régiment de tirailleurs tonkinois de quatre à trois batail-
lons et créé un 4e régiment, également à trois bataillons.
Cette organisation a encore été modifiée par un décret du 31
mars 1898, qui, «'appliquant à l'ensemble des 4 régiments de
tirailleurs tonkinois, en a déterminé ainsi la formation, main-
tenue depuis lors, savoir : le 1er régiment à 3 bataillons de 4
compagnies, le 2e régiment à 4 bataillons de 4 compagnies, le
3e régiment à 4 bataillons de 4 compagnies,le 4e régiment à
3 bataillons de 4 compagnies.
Le décret du 7 avril 1900, en dehors des règles générales
qu'il applique a tous les régiments de tirailleurs indigènes
stationnés en Indo-Chine (1), a prévu que les cadres de ceux
(1) Ce décret du 7 avril 1900, qui concerne l'organisation de tous

— 284 —
de ces régiments qui sont stationnés en Annam et au Tonkin,
comporteraient un colonel et un lieutenant-colonel (au lieu
d'un colonel ou lieutenant-colonel) et un adjudant de batail-
lons (emploi créé).
301 bis. Un décret du 1er novembre 1904, complété par un
décret du 14 mai 1905, a fixé le mode de recrutement des mili-
taires indigènes de race annamite au Tonkin et en Annam. Ce
recrutement s'opère par voie d'appel, par engagements volon-
taires, par rengagements; la durée du service actif et de cinq
ans.
Le recrutement par voie d'appel se fait suivant la coutume
annamite ; les détails en sont réglés par arrêté du gouverneur
général. Les opérations de recrutement par voie d'appel ont
lieu une fois par an. Les engagements volontaires peuvent être
reçus toute l'année par les chefs de corps ou les officiers délé-
gués, et, à l'époque du recrutement, par les commissions spé-
ciales alors constituées. Les rengagés ont droit à une prime de
rengagement et à une haute paye (n° 505).
302. Les spahis sénégalais formaient, à l'origine, un escadron
détaché du 1er régiment de spahis : c'était un corps dans lequel
le recrutement et l'avancement avaient lieu conformément aux
règles en vigueur dans l'armée de terre et qui était simple-
ment détaché au Sénégal ; le service des colonies n'était chargé
que de son administration.
L'organisation des spahis était réglée par le décret du G jan-
vier 1874; les engagements, pour les indigènes, étaient con-
tractés entre 18 ans et 40 ans; l'obligation de fournir un che-
val qui est imposée en Algérie, sauf dispense du général com-
mandant la division, n'était pas exigée au Sénégal.
C'est selon des règles analogues que des décrets des 26 dé-
cembre 1891 et 29 août 1893 avaient constitué deux esca-
drons de spahis soudanais. Un décret en date du 25 février
1897 a supprimé par raison d'économie le deuxième escadron.
Les deux escadrons de cavalerie ainsi constitués en Afrique
occidentale ont été réorganisés par un décret du 15 août 1902.
les régiments d'infanterie de marine et de tirailleurs indigènes station-
nés eu Indo-Chine, a introduit quelques changements dans la compo-
sition des cadres européens.


— 285 —
L'un et l'autre forment aujourd'hui, sous le nom de 1er et 2°
escadrons de spahis sénégalais, un corps de cavalerie complè-
tement indépendant. L'escadron détaché au Sénégal cesse de
compter au 1er régiment de spahis algériens. Les deux esca-
drons sont stationnés en principe en Afrique occidentale, mais
peuvent être employés, si les circonstances l'exigent, hors de
nos possessions de l'Ouest-Africain (n° 92).
302 bis. Le décret du 6 octobre 1902, relatif à l'organisation
des troupes au Congo français, avait prévu la constitution d'un
escadron de cavalerie indigène. L'effectif et les cadres de cet
escadron spécial à nos possessions du Congo ont plus récem-
ment, par un décret du 4 décembre 1903, été renforcés. L'orga-
nisation nouvelle comporte quatre emplois de maréchaux des
logis indigènes.
Un corps de cavalerie indigène a, de même, été organisé en
Indo-Chine par un décret en date du 10 décembre 1903. Sous
le nom d'escadron de cavalerie de l'Indo-Chine, ce corps est
recruté par là voie de l'appel et de l'engagement; le cadre
indigène comprend 8 brigadiers. Un peloton indigène de cava-
lerie de remonte a, d'autre part, été organisé par un second
décret en date du 10 décembre 1903; le cadre indigène com-
prend trois brigadiers.
303. Le décret du 19 septembre 1903 sur l'artillerie colo-
niale prévoit l'existence en Afrique occidentale de deux com-
pagnies mixtes d'ouvriers en service l'une dans le Bas-Sénégal,
l'autre dans le Haut-Sénégal et le Moyen-Niger. Des compa-
gnies ou détachements d'ouvriers sont affectés de même à nos
possessions de l'Indo-Chine, de l'Afrique orientale, des Antilles
et du Pacifique (n° 292). Un décret du 15 août 1902 avait spécia-
lement organisé la « compagnie mixte d'ouvriers et d'artificiers
d'artillerie coloniale du Tonkin ». Pour cette compagnie comme
pour les autres, les effectifs et les cadres sont aujourd'hui fixés
par les tableaux annexés au décret du 19 septembre 1903.
304. Un décret en date du 2 août 1881 a prévu la formation
d'une compagnie de conducteurs d'artillerie sénégalais, ratta-
chée au corps de l'artillerie de marine. Cette compagnie de-
vait comprendre un cadre européen fourni par l'artillerie de
marine (3 officiers, 1 vétérinaire et 22 hommes), un cadre
indigène (1 officier, lieutenant ou sous-lieutenant, 13 hommes)

— 286 —
et un nombre de conducteurs européens ou indigènes variable,
déterminé par arrêté ministériel suivant les besoins et d'aprés
les prévisions du budget.
Dans la compagnie ainsi constituée, le recrutement se fait
de la même manière que pour les tirailleurs sénégalais, par
engagements et rengagements. Les conducteurs indigènes
peuvent être renvoyés pour inaptitude ou mauvaise conduite :
cette mesure est prononcée par le commandant supérieur des
troupes. L'officier indigène est nommé par décret du Prési-
dent de la République ; jouit-il de l'état d'officier ? Le décret
d'organisation, contrairement à tous les autres, n'a pas précisé
ce point. Or, si d'une part les officiers indigènes des troupes
coloniales n'ont pas droit à l'état d'officier, il en est tout
autrement des officiers indigènes des troupes algériennes, et,
au Sénégal même, l'officier indigène de spahis possède l'état
d'officier dont ne jouit pas l'officier indigène de tirailleurs
sénégalais. Mais l'état d'officier, étant un avantage exception-
nel, ne peut résulter, selon nous, que d'une disposition expresse
et par conséquent l'officier indigène de conducteurs ne peut y
prétendre.
La compagnie de conducteurs sénégalais est chargée d'as-
surer non seulement le service de transports de matériel et de
munitions pour les besoins de l'artillerie, mais encore le ser-
vice des transports de vivres, bagages, ambulances, etc., né-
cessaires au ravitaillement des postes et des colonnes expédi-
tionnaires. Elle cumule donc les attributions du train des
équipages avec celles de l'artillerie.
Dans des conditions analogues, un décret du 29 août 1892
avait créé une compagnie de conducteurs soudanais. Une
compagnie mixte de conducteurs, rattachée au 1er régiment
d'artillerie de marine, avait de même été organisée par une
circulaire ministérielle en date du 26 mars 1895. Enfin,
pour l'expédition de Madagascar, il avait été formé des
compagnies de conducteurs sénégalais en môme temps
que des bataillons de marche de tirailleurs sénégalais ou
haoussas.
Toute cette organisation a été profondément modifiée dans
la constitution nouvelle des troupes coloniales. Le décret du
19 septembre 1903 ne prévoit plus l'existence que d'une seule

— 287 —
compagnie de conducteurs indigènes qui est affectée à l'Afri-
que occidentale (n° 292).
304 bis. Un décret du
novembre 1904 a prévu la création
de compagnies indigènes du génie en Indo-Chine, Le nombre
en est fixé d'accord entre le ministre de la Guerre et le minis-
tre des Colonies. Chaque compagnie comprend un cadre
français (3 officiers, 16 sous-officiers), et 124 indigènes (dont
4 sergents, 8 caporaux et 16 maîtres ouvriers).
Les indigènes de ces compagnies du génie sont recrutés sui-
vant les mêmes règles que les tirailleurs. Ils sont soumis, en
ce qui concerne l'avancement et la discipline, aux lois et règle-
ments en vigueur dans les troupes indigènes.
§ 3. Commissariat des colonies.
305. Le commissariat des colonies, chargé dans nos posses-
sions d'outre-mer de la direction des services administratifs
des troupes et de la marine, formait autrefois une section du
commissariat de la marine; le décret du 5 octobre 1889 l'a
érigé en corps autonome dépendant directement du ministre
des Colonies.
D'après l'article 11 de la loi du 7 juillet 1900, les officiers
du commissariat colonial devaient assurer les services admi-
nistratifs des troupes coloniales. L'article 11 ajoutait que
l'organisation de ce service administratif ferait l'objet d'un
décret spécial, portant règlement d'administration publique.
Celte même réglementation devait fixer l'effectif d'une section
de secrétaires et d'ouvriers du commissariat prévue par le dé-
cret du 28 décembre 1900 sur l'infanterie coloniale.
Le décret prévu par l'article 11 de la loi du 7 juillet 1900
a paru à la date du 11 juin 1901 (n° 288); il a été complété
par un décret du 6 mai 1904. Il réglemente dans son ensemble
l'administration des troupes coloniales, comprenant le service
de l'artillerie, le service du commissariat et le service de
santé. Il édicte des dispositions d'ordre général applicables à
ces divers services, et, pour ce qui concerne notamment le
commissariat, des règles plus particulières. Le titre II du
décret a trait tout spécialement au service du commissariat.
Le corps du commissariat des troupes coloniales a les attri-

— 288 —
butions administratives de l'intendance militaire, et, en outre,
aux colonies, l'ordonnancement et la vérification des dépenses
des services de l'artillerie et du service de santé. Sa hiérarchie
comprend des commissaires de 3e, 2e, et lre classes dont les
grades correspondent à ceux de sous-lieutenant, de lieutenant
et de capitaine, des commissaires principaux de 3e, 2e et lre
classes, dont les grades correspondent à ceux de chef de
bataillon, de lieutenant-colonel et de colonel, et des commis-
saires généraux dont le grade correspond à celui de général
de brigade.
Le corps du commissariat se recrute, pour le grade de com-
missaire de 3e classe, parmi les jeunes gens reconnus aptes
au service militaire, ayant suivi avec succès pendant deux ans
les cours de l'école coloniale et satisfait à certaines conditions
d'examen et de diplôme; parmi les officiers d'administration
de 3e classe du commissariat et des troupes coloniales, dans
la proportion d'un cinquième des places, et après concours ;
parmi les élèves de l'école polytechnique, dans la proportion
de deux places chaque année. Un quart des places vacantes
de commissaire de lre classe peut, en outre, être attribué, par
voie de concours, à des capitaines des troupes coloniales, à
des officiers d'administration de lre classe du commissariat et
du service de santé comptant au moins un an d'ancienneté de
grade. Un cinquième des places vacantes de commissaire prin-
cipal de 3e classe peut être attribué de même par voie de con-
cours à des chefs de bataillon, d'escadron ou majors des
troupes coloniales, à des officiers d'administration principaux
du commissariat et du service de santé et à des capitaines des
troupes coloniales, ainsi qu'à des officiers d'administration de
lre classe du commissariat et du service de santé comptant
quatre ans de grade et proposés pour l'avancement.
Les officiers du commissariat des troupes coloniales ont
sous leurs ordres des officiers d'administration du service du
commissariat répartis en deux sections, savoir : les officiers
d'administration des bureaux du commissariat et les officiers
d'administration comptables. Ces deux catégories d'officiers
d'administration ont une hiérarchie propre allant du grade
d'officier d'administration de 3e classe assimilé à sous-lieute-
nant, à celui d'officier d'administration principal assimilé à

— 289 —
chef de bataillon. Les officiers d'administration des deux sec-
tions jouissent du bénéfice de la loi du 19 mai 1834 sur l'état
des officiers.
Il a été créé enfin une section de secrétaires et d'ouvriers
militaires du commissariat qui est affectée aux travaux d'écri-
ure et d'exploitation. Cette section se recrute en France et
aux colonies dans les mêmes conditions que les troupes de
l'infanterie coloniale. Nul n'est admis dans le cadre européen
de la section s'il n'a satisfait au préalable à des épreuves pro-
fessionnelles.
Les propositions pour l'avancement au choix et pour les
décorations de la Légion d'honneur et la médaille militaire
sont classées, en ce qui concerne le personnel du commissa-
riat, par une commission constituée chaque année et composée
d'un général de division des troupes coloniales, désigné par
les ministres de la Guerre et des Colonies, président ; d'un
directeur du ministère des Colonies et d'un commissaire prin-
cipal de lre classe désignés par le ministre des Colonies; d'un
officier général ou supérieur et d'un commissaire général ou
commissaire principal de lre classe désignés par le ministre
de la Guerre.
306. Pour la première formation du corps du commissariat et
du corps de santé des troupes coloniales, il devait être fait appel,
aux termes du décret du 11 juin 1901, par option et de préfé-
rence, aux personnels similaires de la marine. Pouvait-il être
loisible aux officiers du commissariat et du service de santé de
la marine de n'opter définitivement pour les nouveaux corps
qu'après examen et classement de leurs titres comparativement
avec ceux des personnels coloniaux similaires ? La section
compétente du Conseil d'Etat, saisie de la question, a consi-
déré qu'en faisant appel aux personnels de la marine, l'article
25 du décret du 11 juin 1901 avait eu seulement pour but,
conformément à la loi du 7 juillet 1900, d'assurer la première
formation des nouveaux cadres, et que, par suite, cette dispo-
sition ne pouvait avoir pour effet de retarder la constitution
même de ces cadres (1). Il était impossible dès lors de subor-
(1) Conseil d'Etat, section des Finances, etc., 14 janvier 1902. — « Con-
sidérant qu'aux termes de l'art. 22 de la loi du 7 juillet 1900 portant
COLONIES, I.
19

— 290 —
donner l'option du personnelintéressé des services de la
marine à un examen comparatif de titres et à un classement
définitif auxquels il aurait été procédé par les commissions
compétentes.
Les officiers du commissariat colonial, étant depuis la loi
du 7 juillet 1900 incorporés dans l'armée coloniale, sont régis
au point de vue des pensions de retraite, non plus par la loi
du 18 avril 1831, relative à l'armée de mer, mais par celle du
11 avril 1831. Leurs services toutefois ne doivent être décomp-
tés d'après cette dernière loi que postérieurement à leur incor-
poration dans les troupes coloniales (1
D'après le décret du 11 juin 1901, le personnel des agents
comptables des matières et des agents du commissariat alors
en fonctions devait constituer un personnel nouveau, celui des
agents comptables et des agents du commissariat. Les commis
et magasiniers qui ne seraient pas compris dans la nouvelle
organisation seraient supprimés par voie d'extinction. Deux
décrets sont en conséquence intervenus : l'un à la date du
7 septembre 1902 pour-organiser le personnel des agents du
commissariat et des agents comptables du commissariat et du
service de santé des troupes coloniales ; l'autre à la date du
28 janvier 1903 (2) pour organiser le personnel des agents
civils du commissariat et des comptables des matières des
organisation des troupes coloniales « les personnels du service adminis-
tratif colonial et des services de santé des colonies seront versés dans
les troupes coloniales dont ils feront désormais partie intégrante»;
qu'aux termes de l'article H de la même loi, « l'organisation du service
de santé fera l'objet de décrets spéciaux portant règlement d'administra-
tion publique » ; que le décret du 11 juin 1901 a pourvu sur ce point à
l'exécution de la loi ; que depuis lors, le commissariat colonial et le ser-
vice de santé colonial sont constitués ; considérant que si, aux termes du
§ 2 de l'article 11 de la loi précitée « lors de la première formation des
cadres, il sera fait appel par option et de préférence aux corps similaires
de la marine » cette disposition a pour objet de fournir le complément
des cadres nouveaux pour lesquels l'effectif des personnels visés à l'ar-
ticle 22 de la loi eût été insuffisant ; qu'en conséquence le décret susvisé
(art. 25) a fait appel, pour les places de création nouvelle, aux fonction-
naires du département de la marine ; que cette disposition règle un détail
relatif à la première formation des cadres en ce qui concerne le complé-
ment des effectifs et ne peut avoir eu pour effet de retarder la constitu-
tion même de ces cadres, est d'avis, etc.
(1) Conseil d'Etat, cont. 1er janvier 1903 (affaire Labrousse).
(2) Complété par un décret du 30 mars 1904.

— 291 —
colonies. Plus récemment, le décret du 6 mai 1904 a transformé
en officiers d'administration les agents et les agents compta-
bles du commissariat et du service de santé (n° 305).
307. L'article 11 de la loi du 7 juillet 1900 dispose que les
officiers du commissariat colonial demeurent placés sous le
régime de la loi du 19 mai 1834. Ainsi se trouve tranchée
dans le sens de l'affirmative une question qui pouvait laisser
place à quelque doute : celle de savoir si les membres du corps
du commissariat colonial, dans leur ensemble, bénéficiaient de
la situation d'officier. C'est dans ce même sens du reste que le
Conseil d'Etat s'était lui-même prononcé, le 1er décembre 1899.
En rejetant une requête tendant à l'annulation, pour excès de
pouvoir, d'un décret qui avait prononcé la mise en non-acti-
vité pour retrait d'emploi d'un sous-commissaire des colonies,
il avait, en termes explicites, déclaré applicable aux officiers
du commissariat colonial fa loi du 19 mai 1834 (1).

§ 4. Hôpitaux coloniaux.
308. Soit aux frais de l'Etat, soit au compte des budgets
locaux, des hôpitaux et des infirmeries ont été établis et sont
entretenus dans nos diverses possessions.
Le personnel civil et militaire des diverses administrations
locales est traité dans les hôpitaux coloniaux ; dans certains
cas, et moyennant le remboursement des frais de traitement,
les familles des employés et même, quand il n'existe pas
d'hôpital civil, les habitants de la colonie le sont également,
Des arrêtés des gouverneurs fixent, lorsqu'il n'a pas été statué
par décret ou arrêté ministériel, le classement des personnes à
traiter dans les diverses catégories établies pour les hôpitaux
militaires, ainsi que les tarifs à payer par les malades n'ayant
pas droit au traitement gratuit.
308 bis. C'est, d'après la loi du 7 juillet 1900, le corps de
(1) Cons. d'Et. cont., 1er décembre 1899. — Considérant que, d'après
l'article 6 de la loi du 19 mai 1834, applicable aux officiers in commis-
sariat colonial, la mise en non-activité est prononcée par décret, sans
aucune formalité préalable autre que la proposition du ministre..., etc.

— 292 —
santé des colonies qui assure le service de santé des troupes
coloniales. L'article H le déclare placé sous le régime de la loi
du 19 mai 1834, tranchant en sa faveur la question de savoir,
comme pour le personnel du commissariat colonial, s'il était
en possession de l'état d'officier. L'organisation du service de
santé de l'armée coloniale devait d'ailleurs faire l'objet de
décrets spéciaux portant règlement d'administration publique.
Jusqu'alors, le corps de santé des colonies et pays de protec-
torat était organisé par un décret du 20 octobre 1896. Ce
décret avait été complété par un décret en date du 4 décem-
bre 1898, d'après lequel, dans les établissements pénitentiaires
et pour les services locaux, les officiers du corps de santé des
colonies devaient pourvoir à l'assistance médicale en restant
soumis à l 'autorité du chef de santé de la colonie.
Le décret du 28 décembre 1900, portant organisation de
l'infanterie coloniale, avait, en outre, prévu le maintien d'une
section d'infirmiers coloniaux (1). Cette section devait com-
prendre un dépôt en France et les troupes nécessaires aux
colonies.
Ces diverses dispositions ont été complétées ou modifiées par
le décret du 11 juin 1901 sur l'administration des troupes
coloniales. D'après ce décret, dont le titre III lui est consacré,
le corps de santé des colonies comprend des médecins et des
pharmaciens. Les médecins assurent le fonctionnement du
service dans les corps de troupes en France et aux colonies.
Ils sont assistés par les pharmaciens des troupes coloniales, par
les agents comptables, officiers d'administration, du service de
santé et par les infirmiers des troupes coloniales.
Les médecins et pharmaciens ont une hiérarchie propre dont
les grades correspondent à ceux de la hiérarchie militaire,
depuis celui de médecin ou pharmacien aide-major de 2e classe
correspondant à celui de sous-lieutenant jusqu'à celui de
médecin inspecteur correspondant à celui du général de bri-
gade, en passant par ceux de médecin ou de pharmacien aide_
major de 2e et de 1re classe, de médecin ou pharmacien prin-
cipal de 2e et lre classe.
(1) Le personnel des infirmiers coloniaux avait été créé par un décret
du 14 février 1889.

— 293 --
Les médecins et pharmaciens des colonies se recrutent :
1° parmi les élèves des écoles de santé qui sont nommés
aides-majors de 2e classe à leur sortie de ces écoles;
2° parmi les docteurs en médecine ou maîtres en pharmacie
admis comme stagiaires à la suite d'un concours. Les uns et
les autres suivent les cours d'une école d'application.
11 a été créé, pour concourir à l'exécution du service, un
personnel d'agents comptables du service de santé soumis aux
mêmes règles que le personnel des agents comptables du com-
missariat, et transformé de même, par le décret du 6 mai 1904,
en officiers d'administration ainsi qu'une section d'infirmiers
militaires des troupes coloniales comprenant des infirmiers
commis aux écritures, des infirmiers de visite et des infir-
miers d'exploitation du service général.
Les propositions pour l'avancement au choix et pour les
décorations de la Légion d'honneur et de la médaille militaire
sont classées par une commission constituée chaque année et
composée d'un général de division désigné par les ministres
de la Guerre et des Colonies, président; d'un directeur du
ministère des Colonies et d'un médecin inspecteur ou prin-
cipal de lre classe désigné par le ministre des Colonies; d'un
officier général ou supérieur et d'un médecin inspecteur
ou principal de lre classe désignés par le ministr
ae la
Guerre (1).
308 ter. En ce qui concerne l'organisation générale au ser-
vice de santé colonial, le décret du 11 juin 1901 a été com-
plété par un décret en date du 4 novembre 2903. Cette orga-
nisation générale comporte : 1° en France, le service de l'ad-
ministration centrale du département des Colonies et celui des
établissements relevant de ce département; 2° aux colonies,
(1) Pour la première formation du corps de santé des troupes colo-
niales, il devait être fait appel, par option et depréférence, au corps
similaire de la murine, en vue de l'attribution, conformément à un
tableau reproduit par le décret, des emplois nouvellement créés. Les
médecins et les pharmaciens auxiliaires des colonies déjà commissionnés
conservaient leurs droits acquis. Les infirmiers coloniaux étaient versés
dans la nouvelle section des infirmiers militaires coloniaux. Les ques-

tions qui se sont trouvées posées dans la reconstitution des cadres du
commissariat (n° 307) ont été soulevées également pour cette première

formation du corps de santé des troupes coloniales.

— 294 —
le service des troupes coloniales, le service des établissements
hospitaliers du service général ; les services de la police sani-
taire, des épidémies, de l'hygiène et de la santé publiques, le
service des personnels ou des établissements locaux, munici-
paux ou spéciaux (tels que les services pénitentiaires, etc.).
L'inspection générale des services de santé coloniaux, ins-
tituée au département des Colonies, est confiée à un médecin
inspecteur des troupes coloniales. Elle est placée sous l'auto-
rité exclusive du ministre des Colonies. L'inspecteur général
est assisté d'un médecin inspecteur ou d'un médecin principal
de lre classe. Un conseil supérieur de santé est également
institué à l'administration centrale du département des Colo-
nies.
Dans chaque colonie, le service de santé est dirigé par un
médecin du corps de santé des troupes coloniales qui prend
le titre de directeur du service de santé de la colonie. Cet
officier est désigné par le ministre de la guerre après entente
avec le ministre des Colonies. Il est assisté d'un conseil de
santé constitué sous sa présidence par le médecin et le phar-
macien les plus élevés en grade présents au chef-lieu. Le
directeur du service de santé relève du commandant supérieur
des troupes pour les services exclusivement militaires; il est
placé sous l'autorité immédiate du gouverneur pour ce qui
concerne ses autres attributions.
Le décret du 11 juin 1901 réglemente, d'autre part, les
intirmeries de garnison destinées à assurer le traitement des
hommes de troupe dont l'état n'exige pas l'envoi dans une for-
mation hospitalière, et les infirmeries-ambulances installées
dans les places ou postes dépourvus de services hospitaliers.
Il prévoit, en outre, que des hôpitaux militaires proprement
dits pourront être installés par décision du ministre des Co-
lonies, dans les cas où l'importance des garnisons et la répar-
tition géographique des établissements du service général jus-
tifieraient celte création. Enfin, il réglemente les établisse-
ments hospitaliers du service général destinés à assurer les
soins nécessaires à tout le personnel militaire et civil des colo-
nies. Ces établissements sont administrés selon les mêmes
règles que les établissements militaires. Le directeur du com-
missariat est ordonnateur des dépenses qui s'y rapportent. Les

— 295 —
autorités militaires peuvent visiter le personnel en traitement
et s'assurer des soins qu'il reçoit, mais elles ne peuvent s'im-
miscer dans le traitement ni donner aucun ordre dans le service,
g 5. Service de la marine dans les colonies.
309. Le service de la marine est assuré par une station
locale dans un certain nombre de colonies (Afrique occiden-
lale, Guyane, Tahiti, Nouvelle-Calédonie, Madagascar, Indo-
Chine). Cette station est, en général, placée sous les ordres de
l'officier qui se trouve le plus ancien parmi les commandants
des navires qui la composent; il reçoit les instructions du gou-
verneur sur les missions à remplir. Dans les colonies, cepen-
dant, où la division navale a une certaine importance, un
officier général ou supérieur prend le titre de commandant de
la marine. Il est nommé par décret.
Cet officier général ou supérieur, dont les attributions sont
réglées actuellement par un décret du 3 novembre 1905, est
membre du conseil de défense et peut faire partie du conseil
supérieur ou, selon le cas, du conseil privé ou d'administra-
tion. Il exerce son autorité sur tout le personnel et le matériel
appartenant au département de la marine existant dans la co-
lonie. En temps de guerre, toutefois, le personnel et matériel
affectés spécialement par le ministre de la Marine à la défense
des places, points d'appui de la flotte (voir n° 311), passent sous
l'autorité des commandants de la défense de ces places.
Le ministre de La Marine est seul chargé de la préparation
et de l'exécution des projets relatifs aux arsenaux maritimes
de ces places, points d'appui de la flotte. Toutefois les projets
d'ensemble, en ce qui concerne les emplacements des diverses
installations de la marine, sont arrêtés après entente avec le
ministre des colonies.
310. Le commandant de la marine relève exclusivement du
ministre de la Marine et correspond directement avec lui pour
tout ce qui concerne la direction et l'administration du per-
sonnel des approvisionnements et des établissements des arse-
naux maritimes, ainsi que le concours qu'il peut être appelé à
donner aux forces navales opérant dans la région. Il relève du

— 296 —
gouverneur en ce qui concerne la défense de la colonie ou sa
préparation. Sa correspondance à cet égard est adressée au
ministre de, la Marine sous le couvert du gouverneur qui y
joint ses observations, s'il y a lieu, et la fait parvenir par l'in-
termédiaire du ministre des Colonies. Inversement, le ministre
de la Marine adresse à son collègue des Colonies un double de
la correspondance qu'il fait parvenir au commandant de la
Marine ; les dispositions résultent de l'article 4 du décret du
3 novembre 1905.
311. LeGouvernement ayantdécidé de fortifier divers points
du littoral de nos possessions où notre marine de guerre pût
trouver un appui, un premier décret était intervenu dans ce
but, le 4 octobre 1898, sous le contreseing du ministre des
Colonies et du ministre de la Marine. 11 déclarait pointa d'ap-
pui de la flotte aux colonies Fort-de-France, Dakar, le cap
Saint-Jacques en Cochinchine, Port-Courbet dans la baie
d'Along au Tonkin, Nouméa, Diégo-Suarez, les Saintes, Port-
Phaéton à Tahiti, Libreville et Obock. Les commandants des
points d'appui devaient, selon les dispositions du décret, rele-
ver du ministre de la Marine, tout en étant placés sous l'auto-
rité immédiate du gouverneur pour l'administration de leurs
territoires de commandement. Il était en outre spécifié que
l'étendue de ces territoires serait déterminée par des décrets
spéciaux rendus sur la proposition des ministres de la Marine
et des Colonies. Plusieurs de ces décrets ne tardèrent pas à
paraître : ils définirent, les -22 novembre, 2 décembre, 9 dé-
cembre et 13 décembre 1898, l'étendue des territoires néces-
saires à ta défense de la place de Nouméa et de la "place de
Fort-de France ; à celle du point d'appui des Saintes ; à celle
des points d'appui de Libreville, de Goulet Kharab (Obock) et
de Dakar ; enfin de Diégo-Suarez et de Port-Phaéton. Certaines
dispositions do ces décrets offraient une gravité particulière ;
elles donnaien au ministre de la Marine, dans les régions
ainsi déterminées, les attributions que les lois, décrets et
règlements confèrent, dans les territoires civils de l'Algérie,
au ministre de la Guerre et au ministre de la Marine. Et les
zones placées sous ce régime particulier embrassaient notam-
ment l'île entière de la Martinique, le groupe des Saintes, l'île
entière de Tahiti.

— 297 —
Mais cette réglementation était excessive et prématurée : le
Gouvernement reconnut bientôt, conformément aux conclu-
sions de la Chambre des députés, que les points d'appui de la
flotte devaient continuer à être administrés par le département
des Colonies jusqu'à ce qu'une loi eût fixé leur régime, et
décida d'annuler, pour les remplacer par des dispositions nou-
velles, les décrets intervenus depuis la date du 4 octobre 1898.
Un décret, consacrant tout un régime nouveau dont les prin-
cipes sont indiqués dans l'exposé des motifs, fut signé le
1er avril 1899 sur la proposition des ministres de la Marine et
des Colonies.
Le décret tout d'abord limita le nombre des points d'appui.
On ne déclara points d'appui de la flotte aux colonies que Fort-
de-France, Dakar, Saigon et le cap Saint-Jacques, Port-
Courbet, Nouméa et Diégo-Suarez (1). Il était prévu toutefois
que l'on pourrait, par des décrets postérieurs, classer d'autres
points d'appui de la flotte, au fur et à mesure des besoins
constatés.
Ce qu'il était plus délicat de définir, c'étaient les situations
respectives du commandant du point d'appui et du comman-
dant supérieur des troupes. La question s'était déjà posée entre
le département de la Marine et celui de la Guerre pour la
place de Bizerte ; elle avait été résolue par le décret du 15 fé-
vrier 1898 qui avait institué un commandant de la marine
adjoint au gouverneur de la place et ayant sous son autorité
le personnel et le matériel de l'arsenal. Le décret du
1er avril 1899 s'est inspiré de ces dispositions, en les complé-
tant toutefois de manière à donner au département de la
Marine, ainsi qu'en témoigne l'exposé des motifs, « un supplé-
ment de sécurité ». En temps de paix, le commandant de la
marine relève directement du département de la Marine pour
tout ce qui touche la préparation de la défense navale, l'admi
nistration du personnel, du matériel flottant et des établisse-
(1) Les points d'appui de la flotte ont été classés dans l'ordre suivant
par le décret du 3 juin 1902 : Saïgon et le cap Saint-Jacques, Diégo-
Suarez, Dakar, Fort-de-France, Nouméa, Hon-Gay ou Port-Courbet au
Tonkin (point secondaire, ; le classement a été maintenu par un décret du
3 novembre 1905. Ayant trait spécialement aux points d'appui, le décret
ne fait pas mention toutefois de Port-Courbet.

— 298 —
ments de l'arsenal de marine, mais il. donne communication au
ministre des Colonies, par l'intermédiaire du gouverneur, de
la correspondance intéressant la défense ; pour tous les autres
services dont il est chargé comme adjoint au commandant de
la place, il relève du commandant supérieur des troupes. En
temps de guerre, afin d'assurer l'unité du commandement, le
commandant de la marine dont le point d'appui dépend direc-
tement du commandant supérieur des troupes de la colonie. Le
rapport au Président de la République qui précédait le décret du
1er avril 1899 ajoutait, d'ailleurs, que cette situation pourrait
être modifiée dans quelques années lorsque se serait développée
l'importance du point d'appui ; le commandant de la marine
aurait alors à jouer un rôle analogue à celui du préfet maritime
et deviendrait gouverneur de la place.
En ce qui concerne les travaux à exécuter au point d'appui
ou dans son voisinage immédiat, le principe consacré par les
articles 5 et 6 du décret est le suivant. S'il s'agit de travaux
n'intéressant que le ministère de la Marine, ce département
est seul compétent pour les préparer et les faire exécuter. S'il
s'agit de travaux intéressant, soit la défense générale de la
place, soit les divers services coloniaux, l'intervention du dépar-
tement de la Marine et du département des Colonies est néces:
saire. Des décrets rendus sur le rapport des deux ministres
intéressés doivent déterminer, conformément à l'article 7, la
zone des travaux mixtes à réserver ainsi autour de chaque
place, point d'appui de la flotte ; les dispositions qu'édicte à
cet égard l'article 7 sont inspirées de celles qu'a consacrées
pour la métropole le décret du 16 août 1853.
Enfin, d'après l'article 8, le budget de la Marine et celui
des Colonies doivent se partager la charge des dépenses du
point d'appui, le premier assumant toutes dépenses de per-
sonnel et de matériel se rattachant à la défense navale. Au
budget de la Marine comme au budget colonial, ainsi que
dans les comptes des deux ministères intéressés, les dépenses
du point d'appui doivent former des sections distinctes.
Ces dispositions ont été complétéespar le décret du 3 juin 1902,
aux termes duquel le commandant de la place coloniale déclarée
point d'appui de la flotte prend le titre de commandant de la
défense, et relève du commandant supérieur des troupes. En

— 299 —
outre, un officier supérieur de la marine, dans chaque place
coloniale, point d'appui de la flotte, devait exercer son auto-
rité avec le titre de commandant de la Marine. Il était adjoint
au commandant de la défense et relevait de ce dernier pour
toutes les questions relatives à la défense du point d'appui. Mais
il correspondait directement avec le ministre de la marine
pour tout ce qui concernait l'administration de l'arsenal.
Un décret du 3 novembre 1905 s'est attaché à faire dispa-
raître les inconvénients pouvant résulter ainsi de la subordina-
tion, même limitée aux questions intéressant la défense, du
commandant de la Marine vis-à-vis du commandant de la
défense. Il a prévu l'adjonction à ce dernier d'un officier de
Marine exerçant en temps de guerre le commandement sous
les ordres du commandant de la défense. Cet officier demeure,
jusqu'à la mobilisation, sous les ordres du commandant de la
Marine, mais il est mis à la disposition du commandant de la
défense chaque fois que sa présence est réclamée par celui-ci.
Un autre décret, paru à cette même date du 3 novembre 1905
a, comme on l'a vu (nos 309 et 310), défini, à un point de vue
plus général, les attributions du commandant de la Marine.
SECTION III
BUDGET COLONIAL.
— SUBVENTIONS ET CONTRIBUTIONS
312. Il y a quelques années encore, on pouvait poser en
principe que le budget métropolitain devait supporter, en ce
qui concerne les colonies, sous le titre de budget colonial, un
certain nombre de dépenses de souveraineté et de protection.
Le sénatus-consulte du 3 mai 1854 avait fixé, en ce qui concerne
la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, la liste de ces
dépenses de la manière suivante : « Dépenses de gouverne-
ment » ('c'était évidemment»plus que les dépenses de souverai-

— 300 —
neté et de protection) : « administration générale,justice, sub
« ventions, à l'instruction publique, travaux et services des
■< ports, agents divers, dépenses d'intérêt commun et géné-
« ralement les dépenses dans lesquelles l'Etat aura un intérêt
« direct. » Cette énumération avait été réduite, par l'article 5
du sénatus-consùlte du 4 juillet 1866, au traitement du gou-
verneur, au personnel de la justice et des cultes, au service
du trésorier-payeur, aux services militaires. Il en était de
même à Saint-Pierre et Miquelon (Déc. .2 avril 1885, art. 53),
à la Nouvelle-Calédonie (Déc. 2 avril 1885, art. 52), à Tahiti
(Déc. 28 décembre 1885, art. 52) et à la Guyane (Déc. 23 dé-
cembre 1878, art. 40).
Quant aux autres colonies, la métropole devait payer en
outre, pour le Sénégal (Déc. 4 février 1879, art. 40), le per-
sonnel des affaires indigènes ; pour l'Inde (Déc. 25 janvier 1879,
art. 35) (1), le traitement des chefs de service dans les dé-
pendances.
Au Gabon (décision ministérielle du 24 janvier 1881), la
métropole payait les traitements, du commandant, du chef du
service administratif faisant fonction de directeur de l'intérieur
et du trésorier-payeur.
A Sainte-Marie de Madagascar, elle était libérée de toute
dépense moyennant une subvention de 35,000 francs (Déc.
27 octobre 1876, art. 2).
A Mayotte et à Nossi-bé, elle supportait le traitement du
commandant et du secrétaire-archiviste, du trésorier, du
personnel du service des ports, de la justice et des cultes, les
dépenses des services militaires (solde, vivres, hôpitaux) ;
toutefois le service hospitalier était assuré aux frais de la
colonie au moyen d'une simple subvention de l'État.
En Cochinchine, la métropole ne supportait (Déc. 8 février
1880, art. 36) que les dépenses relatives au traitement du
gouverneur et du trésorier-payeur et aux services militaires ;
parmi ces derniers, d'ailleurs, la colonie devait subvenir à
tous les frais du corps des tirailleurs annamites (2).
(1) D'autre part, l'Inde supportait toutes les dépenses des hôpitaux
autres que la solde et les frais de voyage des officiers de santé (V.
n° 308).

(2) Le décret du 7 août 1896 a mis à la charge des colonies autres que

— 301 —
Les dépenses de souveraineté et de protection auraient dû
être les mêmes partout. Il était peu rationnel que le personnel
de la justice fût, en Cochinchine, payé sur les fonds de la
colonie, qu'une dépense essentiellement militaire, comme celle
des tirailleurs annamites, incombàt au budget local, alors que
partout ailleurs ces dépenses étaient à la charge de la métro-
pole. Cette inégalité ne subsistait du reste que dans la pra-
tique ; en effet, le Parlement, sur la demande du rapporteur
du budget des colonies pour l'année 1893 (1), avait affirmé
par un vote de principe que les colonies étaient tenues d'ac-
quitter intégralement toutes leurs dépenses locales, militaires
comme civiles, et de contribuer en proportion de leurs facul-
tés aux dépenses générales de l'État. Une contribution, qui
augmentait d'année en année, avait été imposée dans ce
double but, aux colonies, depuis 1893.
313. Le sénatus-consulte de 1866 et les différents décrets
que nous avons énumérés plus haut avaient reçu d'ailleurs
une certaine extension. Ainsi le budget colonial comprenait,
avec le traitement, les frais de secrétariat du gouverneur,
dépense très justifiée, car on ne pouvait le laisser à la volonté
des colonies ; mais on trouvait également, dans les colonies qui
n'ont pas de représentation locale constituée, les dépenses
du service des ports, les frais de justice et de procédure, etc. ;
la métropole supportait des mêmes dépenses de loyer.
D'autre part, l'arsenal de Fare Ute, établissement essentiel-
lement maritime, celui de Fort-de-France, avaient été mis à la
charge des colonies qui bénéficiaient par contre des recettes à
faire clans ces arsenaux.
314. La loi de fmances du 13 avril 1900 a, clans son article 33,
modifié, à partir du ler janvier 1901, le système budgétaire des
colonies. Elle a manifestement cherché, par une disposition
les Antilles et la Réunion les dépenses de logement de l'inspection
mobile des colonies. Les frais de personnel et de matériel des douanes
et les frais de représentation des gouverneurs ont été mis à la charge
des colonies par les articles 6 de la loi du
11 janvier 1892 et 17 de la
loi du 29 mars 1897.
(1) Voir rapport de M. Chautemps. Doc. parl. Chambre, session 1892,
p. 1873.

— 302 —
d'ordre général, à le simplifier dans ses règles essentielles;
elle a certainement, en outre, subi l'influence de cette opinion,
qui, depuis la discussion du budget de 1893, s'est constam-
ment affirmée au Parlement, à savoir que les colonies doivent,
dans l'intérêt môme de leur propre développement, supporter
aussitôt qu'elles le peuvent la charge de toutes leurs dépenses
quelles qu'elles soient, et sans qu'il y ait lieu d'examiner s'il
s'agit ou non de dépenses de souveraineté M).
La disposition nouvelle qu'a consacrée la loi du 13 avril 1900
s'analyse en l'énonciation des trois principes suivants, qui
constituent le § 1er de l'article 33 : 1° toutes les dépenses
civiles et de la gendarmerie sont supportées en principe par
les budgets des colonies ; 2° des subventions peuvent être
accordées aux colonies sur le budget de l'Etat; 3° des contin-
gents peuvent être imposés à chaque colonie jusqu'à concur-
rence du montant des dépenses militaires qui y sont assumées
par l'Etat. Ainsi, les colonies n'ont à compter sur l'aide finan-
cière de l'Etat qu'en cas de nécessité démontrée ; ce concours
ne s'impose nullement pour le maintien de la souveraineté
française, qui dans les rapports de la métropole et de ses
colonies demeure au-dessus de toute discussion, et ne saurait
dépendre, pour le moins, d'une simple question d'ordre
budgétaire. Telle est la doctrine nouvelle dont on s'inspire, telle
est la règle fondamentale qu'édicte le § 1er de l'article 33, et
cette disposition est d'une application immédiate en ce qui
concerne les dépenses civiles, tandis que de plus en plus on
dbit tendre à l'observer en ce qui touche les dépenses mili-
taires.
Progressivement les colonies entrent dans la voie ainsi
tracée par la loi du 13 avril 1900. L'Etat ne participe plus
aujourd'hui que dans une proportion relativement faible au
paiement de leurs dépenses civiles. Il alloue encore des
subventions, pour l'exercice 1905, aux budgets locaux de
onze colonies, la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion,
Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte, Tahiti, la Nouvelle-Calédo-
(1) Voir la discussion qui eut lieu à ce sujet à la Chambre des Dé-
putés le 13 mars 1900. — J. 0. du ii mars 1900, p. 867 et suivantes.

— 303 —
nie, la Côte française des Somalis, l'Inde et le Moyen-Congo,
mais ces subventions diminuent d'année en année.
Parmi les autres dépenses civiles, la plupart sont également
en décroissance ; ainsi celles du chemin de fer de Dakar à
Saint-Louis ( 126,400 francs en 1905, au lieu de 550,000 francs
en 1901), la subvention extraordinaire pour travaux publics
dans l'Inde, qui n'est plus inscrite que pour mémoire. D'autres
dépenses subissent une augmentation temporaire, ainsi la sub-
vention au budget annexe du chemin de fer de la Réunion
(2,062,722 francs en 1905 au lieu de 1,635,000 francs en 1901)
ou sont la conséquence d'engagements fmanciers assumés par
certaines colonies, sous la garantie de l'Etat, ainsi une sub-
vention extraordinaire de 500,000 francs au budget de la Côte
française des Somalis pour le paiement de l'annuité due à la
Compagnie des chemins de fer éthiopiens.
Les sacrifices que l'Etat s'impose encore pour ses colonies
sont atténués en partie, il est vrai, par les versements qui
sont effectués à son profit soit au compte de budgets locaux, soit
au compte de certaines exploitations. D'après l'article 21 de la
loi de finances du 22 avril 1905, la contribution des colonies
aux dépenses militaires qu'elles occasionnent est ainsi fixée,
pour l'exercice 1905, à la somme de 13,200,000 francs (1).
C'est dans une proportion chaque année un peu plus forte
que les colonies participent aux charges de l'Etat. La loi de
finances fixe également chaque année le montant de la contri-
bution des colonies aux dépenses d'entretien de l'Ecole colo-
niale. Celle-ci, pour l'exercice 1905,
s'élève au total à
107,000 francs. Enfin, il convient de tenir compte aujourd'hui
des sommes annuelles que la Compagnie du chemin de fer de
Dakar à Saint-Louis reverse à l'Etat en remboursement des
avances qu'elle a reçues antérieurement au titre de sa garantie
d'intérêts.
(1) Cette contribution est répartie de la manière suivante :
Indo-Chine
13,000.000 francs
Afrique occidentale
100,000

Madagascar
100,000

TOTAL égal
13,200,000 francs

— 304 —
315. Le budget colonial se subdivise, pour 1905, en 60 cha-
pitres et s'élève au total à 110,779,328 francs (1). Ces 60 cha-
pitres s'appliquent à des dépenses communes, à des dépenses
(1) Cette somme se décompose ainsi qu'il suit
MONTANT
NATURE DES DÉPENSES
dos
CRÉDITS
Dépenses communes.
francs
Traitement du Ministre et personnel de l'Admi-
nistration centrale
819,858
Matériel de l'Administration centrale
164,800
Frais d'impression, publication de documents et
abonnements
120,000
Frais du service télégraphique
144,500
Service central des marchés
102,274
Service administratif des Colonies dans les ports
de commerce de la métropole
Ï20.000
Inspection des Colonies
271 ;050
Secours et subventions
46,100
Subventions à diverses compagnies pour les câbles
sous-marins
424,500
Dépenses civiles.
10
Dépenses civiles à la charge de l'Etat
43.500
11
Inspection des travaux publics
53.100
1-2
Service des phares de Saint-Pierre et Miquelon..
31,300
13
Bourses et subventions à l'École coloniale
135,600
14
Subvention à l'Office colonial
51,184
15
Missions scientifiques et commerciales dans les
Colonies
75,000
15 bis Missions de délimitation dans l'Afrique occidentale
80,000
16
Etudes coloniales
4.000
17
Emigration de travailleurs aux Colonies
75,000
18
Onzième des quatorze annuités à payer à des
exploitations agricoles pour la mise en valeur
d'établissements français
360,000
19
Subvention au budget local de la Martinique....
420.000
20
Subvention au budget local de la Guadeloupe....
625,000
21
Subvention au budget local de la Réunion
200,000
22
Subvention au budget local de Saint-Pierre et
Miquelon
88,000
22 bis Subvention extraordinaire au budget local de
Saint-Pierre et Miquelon pour secours à la popu-
lation malheureuse
20,000
23
Subvention au budget local de Mayotte
10.000
24
Subvention au budget local de Tahiti
160,000
25
Subvention au budget local de la Nouvelle-Calé-
donie
'.
470,000
26
Subvention au budget local de la Côte française
des Somalis
190.000
26 bis Subvention extraordinaire au budget local de la
Côte française des Somalis pour le payement
A reporter
5,404,766

— 305 —
civiles, à des dépenses militaires, aux dépenses des services
pénitentiaires, aux dépenses des exercices clos et périmés.
MONTANT
NATURE DES DEPENSES
des
CRÉDITS
francs
Report
5,404,766
de l'annuité due à la compagnie des chemins
de fer éthiopiens
27
500.000
Subvention au budget local de l'Inde
27 bis
90,000
Subvention extraordinaire au budget local
de
l'Inde pour l'exécution de travaux publics
28
Mémoire
Subvention au budget local du Moyen-Congo (sec-
tion spéciale)
<
20
700,000
Subvention au budget annexe du chemin de 1er
et du port de la Réunion.
3O
2,062.722
Subvention au budget annexe du chemin de fer
de Rayes au Niger
31
668,600
Chemin de fer de Dakar à Saint-Louis
126,400
Dépenses militaires.
32
Troupes aux Colonies (groupe des Antilles, du
Pacifique et de Saint-Pierre et Miquelon)
33
1,417,724
Troupes aux Colonies (groupe de l'Afrique occi-
34
dentale, sauf le Congo français)
6,373.378
Troupes aux Colonies (groupe Indo-Chinois)
35
19,724,078
Troupes aux Colonies (groupe de l'Afrique orien-
tale)
36
8.247,691
Personnel du Commissariat.
37
2.176.042
Inscription maritime
38
' 98,275
Personnel du service hospitalier
39
1,952,871
Frais de route et de passade du personnel mili-
taire
40
7,021,115
Remonte et harnachement
41
823,337
Vivres et fourrages (groupe des Antilles et du
Pacifique, Saint-Pierre et Miquelon)
800,000
42
Vivres et fourrages (groupe de l'Afrique occiden-
tale, sauf le Congo français)
43
4.139,865
Vivres et fourrages (groupe Indo-Chinois)
44
61195,411
Vivres et fourrages (groupe de l'Afrique orien-
tale)
45
5,311,991
Matériel des hôpitaux
46
4,746,165
Habillement, campement et couchage
6,400,219
47
Loyers, ameublement et éclairage des bâtiments
48
militaires
972,012
Service de l'artillerie et des constructions mili-
taires (groupe des Antilles et du Pacifique, Saint-
Pierre et Miquelon)
49
600,000
Service de l'artillerie et des constructions mili-
taires (groupe de l'Afrique occidentale, sauf le
Congo français)
50
827,000
Service de l'artillerie et des constructions mili-
taires (groupe Indo-Chinois)
3,318,422
A reporter
90,697,484
COLONIES, I.
20

— 306 —
Les dépenses communes et les dépenses civiles ne représentent
total, dans l'ensemble du budget, que 9,649,691 francs.
316. En dehors des dépenses auxquelles il pourvoit directe-
ment pour l'entretien de services publics, civils ou militaires,
MONTANT
des
NATURE DES DÉPENSES
CRÉDITS
francs
Report
90,697,484
51 Service de l'artillerie et des constructions mili-
taires (groupe de l'Afrique orientale)
2.369,208
52 Défense des Colonies
7,000,000
53 Dépenses militaires des territoires du Congo fran-
çais
2,562,136
Services pénitentiaires.
54 Administration pénitentiaire (Personnel)
2.578,600
55 Administration pénitentiaire (Hôpitaux, vivres.
habillement et couchage)
3,453,000
56 Administration pénitentiaire (Frais de transport)..
1,050,000
57 Administration pénitentiaire (Matériel)
1 ,068,900
Dépenses des exercices clos et périmés.
58 Dépenses des exercices périmés non frappées de
déchéance
Mémoire
59 Dépenses des exercices clos
Mémoire
60 Rappels de dépenses payables sur revues anté-
rieures à 1905
Mémoire
110,779,328
TOTAL pour le Ministère des Colonies
Il peut être intéressant de comparer les dépenses du service colo-
nial telles qu'elles résultent des comptes depuis 50 ans (non compris les
dépenses des exercices clos) :
1845 (sans y comprendre une indemnité aux
fr.
colons de 5,198,063 francs)
13,829,697
1850
13.465,314
1855
15,025,507
1860
21,244.547
1865 sans compter les services spéciaux en
Cochinchine)
23,533.984
1870
26.563,122
1875
28,116,094
1880
32,059,567
1885 (Expédition du Tonkin)
112,849,556
1890
68,082,402
1895
77,856,636
1905 (Budget)
110,779,328, dont
plus des neuf dixièmes, il est vrai, sont des dépenses militaires.

— 307 —
l'Etat, on l'a vu (n° 314), accorde encore des subventions aux
budgets locaux de certains ocaux. Actuellement, il ne fait à
cet égard qu'user de la faculté que lui reconnaît l'article 33 de
la loi du 13 avril 1900. Antérieurement à cette loi, le sénatus-
consulte de 1866 avait prévu (art. 6) que des subventions pour-
raient être accordées sur le budget de l'Etat aux colonies
régies par cet acte ( Martinique, Guadeloupe, Réunion), que des
contingents pourraient, d'autre part, leur être imposés, mais
seulement jusqu'à concurrence des dépenses civiles mises au
compte de l'Etat et des suppléments coloniaux de la gendar-
merie et des troupes ; qu'enfin la quotité de la subvention ou
du contingent serait fixée chaque année par la loi de finances.
Des dispositions analogues avaient été prévues pour les
autres colonies par les décrets qui avaient constitué les con-
seils locaux (Guyane, 23 décembre 1878, art. 41) (Sénégal,
4 février 1879, art. 39). Il en était de même pour l'Inde (Déc.
1'.') janvier 1879, art. 36), sauf que rien n'obligeait, pour fixer
le montant des subventions ou contributions, à recourir à la
loi de finances : un décret simple suffisait.
Quant à la Cochinchine, il n'était pas question de subven-
tion ; le décret du 8 février 1880 (art. 37) ne prévoyait que les
contingents à réclamer à la colonie: ils devaient être fixés par
la loi de finances.
317. Ainsi, en vertu du sénatus-consulte de 1866, les colo-
nies ne pouvaient avoir dans aucun cas à payer la solde d'Eu-
rope, les frais de transport des troupes chargées de les gar-
der : partie intégrante de la métropole., elles ne pouvaient
jamais être obligées de participer aux charges de la dette
publique.
Cette inégalité se justifiait d'autant moins que les colo-
nies étaient représentées au Parlement et prenaient une
part directe aux affaires du pays. D'ailleurs, celte limitation
des charges locales, peu compréhensible pour les colonies
régies par le sénatus-consulte de 1866, était en réalité illé-
gale quand
s'agissait des autres colonies : en effet, les dif
fércnts décrets, en stipulant que la loi annuelle de finances
réglait la quotité de la subvention et des contingents, fixaient
pour ceux-ci un maximum ; il était inadmissible qu'un décret
pût limiter le droit du Parlement. Aussi, dans les décrets ins-

— 308 —
tituant des conseils généraux à Saint-Pierre et. Miquelon, à la
Nouvelle-Calédonie, à Tahiti, avait-on pris soin de supprimer
toute limitation.
Cette situation a été modifiée depuis 1892, en vertu des
principes affirmés par la loi du 28. avril 1893 et par la loi du
13 avril 1900 (n° 313). Chaque année, par suite, la loi de
finances détermine le chiffre de la contribution de chaque
colonie aux dépenses civiles et militaires et aux charges géné-
rales de l'Etat : cette mesure a été développée par la loi de
finances de 1897, qui a augmenté la contribution pour chaque
colonie du dixième des dépenses des cultes, de la justice et
de la gendarmerie, et par des lois postérieures, notamment la
loi de finances de 1901, qui a imposé une contribution aux
colonies de l'Indo-Chine, de l'Afrique occidentale et de Mada-
gascar pour l'entretien de l'Ecole coloniale, et une contribu-
tion particulière au Sénégal à titre de quote-part dans les
dépenses de la garantie d'intérêts du chemin de fer de Dakar
à Saint-Louis.
318. Les droits, produits et revenus dont la perception est
autorisée au profit de l'Etat, pour 1903, sont inscrits, en ce qui
concerne les colonies, sous les rubriques suivantes : Produits
de diverses exploitations; Produits divers du budget; Recettes
d'ordre (recettes en atténuation de dépenses).
Sous la première rubrique figurent les produits du câble du
Tonkin et de Majunga. Aux produits divers du budget sont
portés : le produit de la rente de l'Inde (1), les produits de la
vente des publications coloniales, le produit des cessions de
transports faits par l'artillerie dans les colonies, le produit du
travail des condamnés transportés à la Guyane et à la Nou-
velle-Calédonie, le remboursement des frais de contrôle et de
surveillance du chemin de fer de Dakar à Saint-Louis, les pro-
duits de locations et d'aliénations du domaine de l'Etat dans les
(1) La rente de l'Inde étant payée en argent et non en or, la somme
perçue varie chaque année suivant le cours du change.
On ne saurait d'ailleurs considérer comme un contingent ce qu'on
appelle la rente de l'Inde (610,000 francs environ), et qui est un verse-
ment fait par

ο gouvernement anglais à la suite d'un traité de paix et
d'une convention auxquels la colonie a été et reste nécessairement
étrangère.


— 309 —
colonies, les produits de locations et d'aliénations du domaine
pénitentiaire de l'Etat à la Nouvelle-Calédonie. Parmi les re-
cettes en atténuation de dépenses figurent : les retenues opérées
pour les pensions de retraite, le contingent à verser au Trésor
par les colonies dont les budgets se règlent en excédent de re-
cettes (1), la contribution des colonies aux dépenses militaires
do la métropole, la contribution de la colonie du Sénégal dans
les dépenses de la garantie d'intérêts du chemin de fer de Dakar
à Saint-Louis,la contribution des colonies aux dépenses d'entre-
lien de l'Ecole coloniale, le change perçu au droit de 1 0/0 en
vertu du décret du 30 septembre 1899 sur les mandats d'arti-
cles d'argent délivrés dans certaines colonies, le rembourse-
ment des frais de traitement dans les hôpitaux des colonies.
Les droits, produits et revenus dont la perception est auto-
risée au bénéfice des départements, des communes et des éta-
blissements publics comprennent, d'autre part, les droits
d'inscription et d'examen perçus au profit de l'Ecole colo-
niale (-2).
319. En dehors des subventions normales fixées chaque
année, les établissements d'outre-mer ont assez fréquemment
recours à la métropole pour obtenir soit des subventions indi-
rectes, soit des secours extraordinaires. Dans la première caté-
gorie, on peut classer : les lois des 23 juin 1877 et 19 décem-
bre 1884, relatives au chemin de fer et au port de la Réunion,
qui entraînent pour 1905 une dépense prévue de 2,062,722 fr. ;
— la loi du 29 juin 1882 relative au chemin de fer de Dakar à
Saint-Louis : la dépense portée au budget est, on l'a vu, pour
1905, de 126,400 francs— la loi du 18 juin 1878 qui accordait
à l'Inde une somme de 1,054,190 fr. 77 c. en 1878 et 1879, de
134,190 fr. 72 c, de 1880 à 1891 pour la construction du che-
min de fer reliant Pondichéry aux Indes anglaises — la loi de
finances du 13 avril 1898 (art. 35) autorisant l'Etat à affecter
pendant vingt-quatre ans une somme annuelle de 500,000 francs
à la construction du chemin de fer de Kayes au Niger — la loi
du 6 avril 1902 autorisant l'Etat à garantir le paiement à la
(1) Sénat, cons. 3 mai 1854, art. 15.
2) L. 17 juillet 1889, art. 51.

— 310 —
Compagnie des chemins de fer éthiopiens d'une subvention
annuelle de 500,000 francs pendant 50 ans, etc.
Dans la seconde catégorie, nous citerons les lois des 3 juin
1850 ( 100,000 francs); 12 juillet 1851 (170,000 francs;; 21 fé
vrier 1873 (1,000,000 de francs); 31 mai 1879 (500,000 francs)
accordant des subventions à la Réunion pour les ravages des
cyclones; 3 février 1877 (100,000 francs); 17 décembre 1877
(100,000 francs); 30 décembre 1884 (500,000 francs) et 4 août
1885 (500,000 francs) venant en aide aux établissements de
l'Inde ; 25 septembre 1879 (500,000 francs) remboursant à la
colonie du Sénégal les premières dépenses faites par cette co-
lonie pour la pénétration au Soudan, les crédits successifs ou-
verts pour les délimitations africaines, les subventions accordées
à la Martinique à la suite de la catastrophe du mont Pelé, etc.
320. Les perceptions faites pour la métropole aux colonies
sont, le plus souvent, très réduites pécuniairement, quel que
soit l'objet auquel elles s'appliquent (n° 318).
Les fruits du domaine de l'Etat dans les colonies ont été
abandonnés, en fait, jusqu'à présent, aux budgets locaux, à
titre de participation aux dépenses de colonisation. Des décrets
successifs ont dû toutefois, pour le légitimer, consacrer expres-
sément cet abandon (n° 883 et suiv.).
Quant aux retenues sur les traitements correspondant, en
partie du moins, aux pensions de retraite, elles ne pouvaient,
sauf à Saint-Pierre et Miquelon et en Nouvelle-Calédonie, anté-
rieurement à la loi du 8 août 1885, être perçues pour le
compte du Trésor qu'à l'égard des employés payés sur les res-
sources de celui-ci. Les autres retenues, qu'il s'agit d'employés
recrutés clans la colonie ou détachés du service métropolitain,
constituaient une ressource du budget local. Il n'en est plus
de même aujourd'hui (V. n° 534).
SECTION IV.
POUVOIRS DES GOU. VERNEURS REPRÉSENTANT L'AUTORITÉ
MÉTROPOLITAINE
§ 1. Considérations générales.
321. L'autorité métropolitaine est exercée dans chaque colo-
nie par un gouverneur, représentant le Président de la Répu-

— 311 —
blique. Les anciennes ordonnances constitutives des colonies en
faisaient le dépositaire de l'autorité du Chef de l'Etat; le dé_
cret du 12 décembre 1874, relatif à la Nouvelle-Calédonie, re-
produisait les mêmes termes sans tenir compte des modifica-
tions apportées dans la constitution même de la France ; le
décret du 28 décembre 1885, relatif aux établissements de
l'Océanie, a substitué : représentant de l'autorité du Président
de la République à dépositaire de cette autorité,mais cette ré-
daction ne répond pas plus que la première à la réalité des
faits. Dans notre constitution républicaine, parmi les pouvoirs
appartenant au Chef de l'Etat (i), ceux relatifs à la confection
et à l'exécution des lois, au droit de grâce, à la présidence des
solennités nationales, aux relations avec le Parlement, ne
peuvent évidemment être exercés que par le Président lui-
même; le droit de nomination à tous les emplois n'est exercé
par les gouverneurs que sous certaines réserves (V. n° 346);
enfin, le droit de disposer de la force armée n'appartient aux
gouverneurs que dans la limite des instructions qui leur sont
données par les ministres. U η gouverneur est en réalité aujour-
d'hui le chef supérieur de toute l'administration.
Sous les ordres du gouverneur, des chefs d'administration
ou de service dirigent les diverses branches de l'administration.
Un conseil privé, ou conseil d'administration consultatif, est
placé auprès de lui : il est composé d'un certain nombre de
hauts fonctionnaires et de membres civils désignés parmi les
habitants de la colonie. Un conseil de défense est chargé de
la préparation des mesures de protection à prendre dans la
colonie; un conseil de santé assiste le gouverneur pour les
questions d'hygiène, etc.
322. L'administration supérieure de l'Indo-Chine française
a été confiée à un gouverneur général, qui est dépositaire des
pouvoirs de la République (2); ce haut fonctionnaire a sous
ses ordres un lieutenant-gouverneur en Cochinchine (3), des
résidents supérieurs exerçant en Annam, au Cambodge et au
(1) L. 23 février 1875, art. 3, i et 5.
(2) Déc. 17 octobre 1887, 20 octobre 1887, 12 novembre 1887, 12 avril
1888, 21 avril 1891.
(3) Déc. 19 avril 1899.

— 312 —
Laos les pouvoirs déterminés par les traités de protectorat et
un commissaire du gouvernement au Laos. Auprès de lui se
trouvent le conseil supérieur de l'Indo-Chine, le conseil de
protectorat de l'Annam et du Tonkin (n° 369) et un conseil
de défense. De son côté, le lieutenant-gouverneur de la Cochin-
chine est assisté par un conseil privé.
Un décret en date du 5 janvier 1900 a chargé en outre le
gouverneur général de l'Indo-Chine de l'administration du
territoire de Kouang-Tchéou-Ouan, cédé à bail à la France
par la Chine suivant convention du 10 avril 1898.
Un décret du 20 janvier 1899 avait institué, au gouverne-
ment général de l'Indo-Chine, une direction des affaires civiles.
C'est le fonctionnaire placé à la tète de ce service qui devait,
en cas d'absence, remplacer le gouverneur général. Il semble
qu'on ait redouté de voir la gestion de ce service spécial ab-
sorber trop exclusivement le fonctionnaire ainsi appelé à
prendre par intérim le gouvernement général de l'Indo-Chine
et ne pas lui permettre de suivre d'assez près l'ensemble des
questions intéressant nos possessions. Telle est bien la raison
qui parait avoir conduit à supprimer la direction des affaires
civiles et à instituer un secrétaire général du gouvernement
général; c'est ce qui résulte de l'exposé des motifs du décret
du 18 octobre 1902 par lequel cette double mesure a été con-
sacrée (n° 79 bis). Le secrétaire général est sous les ordres
directs du gouverneur général et le seconde dans l'expédition
des affaires ressortissant aux divers services de l'Indo-Chine.
Il remplace par intérim le gouverneur général absent ou
empêché. Il fait partie du conseil supérieur de l'Indo-Chine et
de la commission supérieure de ce conseil; il peut les présider
par délégation spéciale du gouverneur général (n° 369).
322 bis. Un décret du 18 octobre 1904 a réorganisé le gou-
vernement général de l'Afrique occidentale française (1). Ce
décret ( n° 21 bis à 76) a supprimé une circonscription spéciale
dite de la Sénégambie-Niger placée sous l'autorité immédiate
du gouverneur général et formée des anciens pays de protecto-
rats du Sénégal et des territoires du Sénégal ayant fait partie
(1) Créé et organisé par décrets des 16 juin 1895, 26 septembre 1896,
17 octobre 1899 et 1er octobre 1903.

— 313 —
de l'ancienne colonie du Soudan français ou ayant prolongé
par Zinder cette colonie jusqu'au Tchad. En déchargeant le
gouverneur général de l'administration d'un territoire particu-
lier, il lui a donné la haute direction politique et administrative
de différentes possessions qu'embrasse l'Afrique occidentale
française : le Sénégal, la Mauritanie, le Haut-Sénégal-et-
Niger, la Guinée française, la Côte d'Ivoire et le Dahomey.
Dans l'ensemble de ces régions, le gouverneur général, d'après
l'article 2 du décret, est le dépositaire des pouvoirs de la Répu-
blique. Il a seul le droit de correspondre avec le gouverne-
ment. Il organise tous les services, il nomme à toutes les
fonctions civiles, à l'exception des emplois dont les titulaires
sont désignés par l'autorité métropolitaine. 11 est assisté d'un
secrétaire général et d'un conseil do gouvernement. Il a sa
résidence officielle à Dakar (n° 369 bis).
Les colonies du Sénégal, du Haut-Sénégal-et-Niger, de la
Guinée française, de la Côte d'Ivoire et du Dahomey, sont
placées chacune sous l'autorité immédiate d'un lieutenant-gou-
verneur. La Mauritanie est administrée par un commissaire
du gouvernement général. Le gouverneur général peut délé-
guer aux lieutenants-gouverneurs et sous sa responsabilité le
droit de nommer une partie du personnel.
C'est selon des principes analogues que le commissaire gé-
néral du gouvernement au Congo français exerce actuellement
ses attributions ( nos 22 et suiv. ). Il a vu fortifier ses pou-
voirs par les organisations successives de nos possessions du
Congo (1), en dernier lieu par le décret du 5 juillet 1902, qui a
supprimé le commissaire spécial du gouvernement dans la
région du Tchad et l'a remplacé par un administrateur. Plus
récemment, le décret du 23 décembre 1903 a défini à nouveau
les pouvoirs du commissaire général du gouvernement, auquel
il donne simplement le titre de commissaire général sans
autre détermination (2).
L'ensemble des possessions dépendant du Congo français
(1) Déc. 27 avril 1886, .28 juin 1886, 11 décembre 1888, 20 octo-
bre 1894, 28 septembre 1897.
(2) Le titre de commissaire général du gouvernement a été rétabli par
le décret du 11 février 1906 qui a réorganisé le Congo français (voir
page 31 i. note 1).

— 314 -
est placé par ce décret sous la haute autorité du commissaire
général. Dépositaire des pouvoirs du gouvernement de la
République, le commissaire général a, pour la nomination des
fonctionnaires, l'organisation des services, la détermination
des circonscriptions administratives, des pouvoirs identiques à
ceux du gouverneur de l'Afrique occidentale française. Il a
seul en principe, sauf dans les cas d'extrême urgence, le droit
de correspondre avec le gouvernement. Mais, au point de vue
administratif, le Congo français comprend désormais deux
colonies, ayant chacune son autonomie financière, le Moyen-
Congo et le Gabon, et le commissaire général n'a sous son
autorité immédiate que la première, dont le chef-lieu est Braz-
zaville. Dans l'étendue des régions dépendant du Moyen-Congo,
il est, en outre, représenté à Bangui par un délégué perma-
nent et, pour l'administration des territoires du Tchad, par
l'officier commandant les troupes stationnées dans ce terri-
toire. Quant au Gabon, il est placé sous l'autorité directe d'un
lieutenant-gouverneur résidant à Libreville.
Le commissaire général du Congo français est assisté d'un
conseil de gouvernement (n° 369 ter) ; c'est le lieutenant-gou-
verneur du Gabon qui le remplace par intérim.
Le lieutenant-gouverneur du Congo français, tel qu'il était
institué par le décret du 28 septembre 1897, a disparu dans
l'organisation que consacre le décret du 29 décembre 1903.
Le décret du .'> juillet 1902 avait créé un poste de commis-
saire spécial du gouvernement auprès des sociétés concession-
naires du Congo français, dont le titulaire pouvait par interim
remplacer le lieutenant-gouverneur du Congo français ( n° 242).
Le décret du 29 décembre 1903 a maintenu l'emploi, mais les
attributions et la solde du fonctionnaire désigné pour ce poste
doivent être fixées par arrêté du commissaire général approuvé
par le ministre ( n° 896) (1).
(1) Cette organisation vient d'être modifiée par le décret du 11 fé-
vrier 1906 qui distingue au Congo, sous la haute direction du commis-
saire général du gouvernement, trois colonies : le Gabon, le Moyen-
Congo et l'Oubangui-Chari-Tchad. Le Gabon et l'Oubangui-Cfiari-Tchad
sont placés sous l'autorité immédiate d'un lieutenant-gouverneur, et le
Moyen-Congo sous celle d'un administrateur en chef des colonies. Le
commissaire général de gouvernement est assisté d'un secrétaire gé-

néral.

— 315 —
323. Dans les colonies de peu d'étendue, rattachées à des
possessions françaises plus importantes, l'autorité est exercée
par un administrateur sous le contrôle du gouverneur dont il
dépend hiérarchiquement. Ces colonies sont les Comores, rat
tachées avec les Glorieuses au gouvernement de Mayotte (1) ;
les établissements français de l'Inde, autres que Pondichéry (8)
Nossi-Bé et Sainte-Marie de Madagascar et les îles françaises
de l'Océanie autres que Tahiti (V. n°360) (3).
324. Les gouverneurs des colonies ont été constitués en un
corps spécial par le décret du S septembre 1887 (4). Ils sont
nommés par le Président de la République, sans aucune con-
dition particulière : un décret du 16 pluviôse an III prescri-
vait, il est vrai, que les commissaires envoyés aux colonies
ne pourraient être choisis ni parmi les colons, ni parmi les
citoyens qui pourraient y avoir des intérêts personnels, mais
ce décret est tombé en désuétude.
Le décret du 5 septembre 1887 avait établi une heureuse
innovation en conférant aux gouverneurs des classes person-
nelles : cette mesure, abrogée en 1888, a été remise en vigueur
par le décret du 2 février 1890, qui a réorganisé le corps des
gouverneurs en les répartissant en quatre classes et en créant
pour eux la position de disponibilité avec traitement. Ce
même décret a accordé des garanties aux gouverneurs, en
décidant que la révocation ne peut être prononcée que par
décret et après avis motivé d'un conseil d'enquête. Les règles
qui président à l'avancement en classe ont été posées par le
décret du 14 mars 1893.
Ces principes sont maintenus dans l'organisation actuelle
du personnel des gouverneurs.
Un décret du 6 avril 1900, en effet, a réorganisé le person-
nel des gouverneurs des colonies. 11 distingue des gouver-
neurs généraux, des gouverneurs et des résidents supérieurs.
(1) Déc. 9 septembre 1899.
(2) Ord. 23 juillet 1840 et D. 28 juin 1886.
(3) Les îles de Saint-Pierre et Miquelon sont, depuis le décret du

4 février 1906, placées sous la direction, non d'un gouverneur, mais d'un
administrateur des colonies

(4) Ce décret et les suivants ne s'appliquent pas au gouverneur général
de l'Indo-Chine.

— 316 —
Les gouverneurs prennent ie titre de lieutenant-gouverneur
lorsqu'ils sont placés en sous-ordres.
Indépendamment de leurs indemnités de représentations, le
gouverneur général de l'Indo-Chine et le gouverneur général de
Madagascar reçoivent un traitement d'Europe de 30,000 francs
et un supplément colonial de 30,000 francs. Le gouverneur
général de l'Afrique occidentale française a, depuis un décret
du 2G janvier 1903, les mêmes émoluments que le gouver-
neur général de Madagascar. Les gouverneurs sont répartis
entre trois classes et reçoivent des traitements d'Europe fixés
à 15,000, 12,500 et 10,000 francs; les suppléments coloniaux
sontfixésaux mômes chiffres de 15,000,12,500 et 10,000 francs.
Le traitement d'Europe et le supplément colonial des résidents
supérieurs sont l'un et l'autre de 15,000 francs. Ces traite-
ments sont de même indépendants des indemnités de représen-
tations attribuées aux gouverneurs. Les classes de gouverneurs
sont personnelles et conférées par décret ; elles sont indépen-
dantes de la résidence. Les gouverneurs généraux, gouver-
neurs et résidents supérieurs, peuvent être en activité, en dis-
ponibilité, ou hors cadres. Il peut leur être accordé des trai-
tements de disponibilité, dont le maximum est de 10,000 francs
pour les gouverneurs généraux, de 8,000, G,000 et 5,000 francs,
selon la classe, pour les gouverneurs, de 8,000 francs poul-
ies résidents supérieurs. Les gouverneurs généraux, gouver-
neurs et résidents supérieurs, sont assimilés, au point de
vue de la retraite, aux commissaires généraux de la marine.
L'emploi de gouverneur de 4° classe a été supprimé par voie
d'extinction.
Les ordonnances constitutives des colonies (1) défendent au
gouverneur d'acquérir des propriétés foncières ou de se
marier dans la colonie pendant la durée do leurs fonctions
sans une autorisation du chef de l'État. Cette règle n'a pas
été étendue à nos possessions nouvelles, notamment a l'Indo-
Chine.
325. Les gouverneurs ont auprès d'eux, en dehors de leur
cabinet ou de leur secrétariat, un personnel spécial attaché à
(1) Ord. 2 février 1827, art. 87, etc.

— 317 —
leur personne, composé d'officiers qui portaient autrefois
titre d'aides de camp ou d'officiers d'ordonnance. Cette déno-
mination n'existe plus aujourd'hui que pour l'état-major des
gouverneurs, ayant le grade de général de division, ou de
brigade, de vice-amiral ou de contre-amiral; l'arrêté du 26 no-
vembre 1883 a, d'autre part, autorisé les gouverneurs ayant le
grade de colonel ou de capitaine de vaisseau à prendre des
officiers d'ordonnance. Les officiers mis à la disposition des
autres gouverneurs prennent le titre d'officiers détachés auprès
du gouverneur de telle colonie.
326. Lorsqu'un gouverneur vient à mourir, s'absente ou,
pour tout autre motif, est empêché de remplir ses fonctions,
les ordonnances et décrets organiques ont indiqué l'ordre dans
lequel les fonctionnaires de la colonie sont appelés à lui suc-
céder, à moins que le ministre n'ait prévu d'avance cette éven-
tualité et fait désigner par un décret la personne à laquelle, le
cas échéant, le gouvernement de la colonie doit être confié.
Cette désignation peut d'ailleurs être faite postérieurement
quand la nouvelle de l'empêchement du gouverneur est par-
venue en France.
Le décret du lu septembre 1882 avait désigné le directeur
de l'intérieur pour remplacer le gouverneur à la Martinique, à
la Guadeloupe et à la Réunion; quant aux autres colonies, le dé-
cret du 3 octobre 1882 avait prescrit que la succession au gou-
vernement aurait lieu conformément aux actes en vigueur, sous
la réserve que le chef du service administratif ne pourrait pas
y être appelé.
Depuis que le décret du 21 mai 1898 a supprimé les direc-
tions de l'intérieur aux colonies et les a remplacées par des
secrétariats généraux, c'est le secrétaire général qui occupe le
premier rang après le gouverneur. Il le remplace de plein
droit, à moins d'une désignation spéciale faite par le ministre.
En Indo-Chine, la succession du gouverneur général appar-
tient au secrétaire général de l'Indo-Chine (Déc. 25 février 1895
et 18 octobre. 1902) et en Cochinchine les attributions du
lieutenant-gouverneur sont dévolues, en cas d'absence, à un
administrateur de première classe des affaires indigènes,
désigné par le ministre sur la proposition du gouverneur
général de l'Indo-Chine (Déc. 29 septembre 1894). Il en est

— 318 —
de même pour les fonctions de résident supérieur, au Tonkin,
en Annam et au Cambodge. Le gouverneur général de l'Afrique
occidentale française est remplacé par le secrétaire général
du gouvernement général (Déc. 18 octobre 1904). Au Congo,
la succession du commissaire général est dévolue au lieutenant-
gouverneur du Gabon (Déc. 11 décembre 1888,28 septem-
bre 1897 et 29 décembre 1903) ι I .
Ces différents actes indiquent, sauf en Nouvelle-Calédonie
ou la succession est réglée d'une manière précise, une seule
personne, deux au maximum, pouvant être appelées à rem-
placer le gouverneur. Qu'arriverait-il si ces fonctionnaires
étaient eux-mêmes absents de la colonie ? Le droit de succéder-
au gouverneur appartiendrait-il à leurs intérimaires ? Cette
question nous semble tranchée par l'article 89, § 3, du décret
du 13 décembre 1874 relatif à la Nouvelle-Calédonie qui n'a
fait qu'appliquer le principe général de notre législation en
refusant aux.intérimaires les préséances que les titulaires ne
doiventqu'à leur rangpersonnel : les intérimaires ne peuvent être
appelés à remplacer le gouverneur qu'à défaut de chefs d'ad-
ministration ou de service titulaires, membres du conseil privé,
ou du conseil d'administration.
Les membres civils de ce conseil, habitants notables de la
colonie, ne peuvent être appelés au gouvernement.
327. Le gouverneur absent du chef-lieu de la colonie peut
déléguer ses pouvoirs à son successeur désigné, mais peut-il
n'en déléguer qu'une partie et conserver certaines de ses attri-
butions"? Nous pensons que ce droit ne peut lui être contesté,
mais à la condition que l'arrêté notifiant l'entrée en fonctions
de l'intérimaire détermine l'étendue de ses pouvoirs. On ne
saurait admettre que des arrêtés intéressant l'ensemble d'une
colonie puissent être pris le même jour par deux autorités
et d'une manière différente.
Les gouverneurs absents de la colonie ne conservent plus
aucune des attributions qui leur sont confiées par les décrets
constitutifs : s'ils peuvent, comme représentants de la colonie,
(1) Aux termes du décret du 11 février 1900, c'est le secrétaire géné-
ral du commissariat général du gouvernement qui remplace en cas d'ab-
sence le commissaire général du gouvernement au Congo français.

— 319 —
et eu vertu d'une délégation spéciale des conseils locaux, pro-
céder à certains actes dans l'intérêt de la colonie (1), il n'en
est nullement de même des fonctions qui leur appartiennent
comme représentants de l'Etat.
Une décision présidentielle du 10 mai 1896 recommande
aux gouverneurs intérimaires de se borner à l'expédition des
affaires courantes. Mais cette décision ne saurait être inter-
prétée dans un sens trop étroit. Si les actes d'un gouverneur
semblent dépasser les limites d'une expédition pure et simple
des affaires courantes, il ne saurait y avoir une présomption
d'illégalité (2).
328. Un cas qui ne s'est pas présenté, croyons-nous, jusqu'à
présent, mais qu'il faut prévoir, est celui où la santé d'un
gouverneur ne lui permettrait pas de conserver son autorité
sans qu'il s'en rendit compte lui-même. 11 est arrivé qu'un
gouverneur, convaincu par lui-même de l'impossibilité de rem-
plir ses fonctions, donnât une délégation au fonctionnaire
appelé à le remplacer, mais ceci était volontaire et rien
n'indique quelles mesures seraient à prendre en cas d'aliéna-
(1) Cons. d'Et. cont. 27 juin 1884 ( aff. tramways à vapeur de Cochin-
chine). L. 84.511.
(2) En ce sens : Cass. crim., 9 avril 1903 (Affaire Huong-Ping-Sing). —
« Attendu que, pour contester la régularité de la composition de la cour
criminelle, les demandeurs s'appuient sur une décision, en date du
10 mai 1896, résultant de l'approbation donnée par le Président de la
République à un rapport du ministre des colonies, dans lequel il est
spécifié que « les intérimaires, à moins d'ordres spéciaux émanant du
département ou d'une délégation bien déterminée, doivent se borner à
l'expédition des affaires courantes
et s'abstenir de toute décision
ou mouvement de personnel pouvant modifier le service » ; que toute-
fois « en cas de nécessité urgente, ils peuvent prendre d'office, sous
leur responsabilité, les mesures indispensables à charge d'en rendre
compte dans le plus bref délai » ; — qu'il est allégué par le pourvoi qu'en
vertu de la décision précitée, les désignations faites par le gouverneur
général par intérim ne sauraient être régulières qu'autant qu'elles ont
reçu l'approbation ministérielle et que rien n'établit que cette approbation
ait été obtenue, l'arrêté de nomination et l'arrêté attaqué ne renfermant à
cet égard aucune énonciation ; — mais, attendu que la, décision présiden-
tielle du 10 mai 1896 n'a pas eu pour effet d'enlever au gouverneur gé-
néral par intérim une partie des pouvoirs inhérents à la fonction ; qu'elle
en a seulement subordonné l'exercice à des conditions qu'elle déter-
mine ; qu'ainsi même, en admettant que la nomination de MM
rentre
dans les mouvements de personnel de nature à modifier le service
prévu par ladite décision, elle émane de l'autorité compétente, et qu'il
y a, par suite, présomption qu'elle a été faite régulièrement, etc.

— 320 —
tion mentale, par exemple. Il est certain que le successeur
désigné hésiterait à convoquer le conseil privé, que celui-ci ne
saurait prendre une responsabilité aussi grande que celle de
déposer le gouverneur. On se demande à quel titre, ou sur la
réquisition de quel fonctionnaire, le chef du service de santé
pourrait constater l'état mental du chef de la colonie. Certains
établissements ne sont pas reliés à la métropole par le télé-
graphe, et, même dans les autres, le successeur désigné
n'aurait aucun titre régulier pour signaler le fait au pouvoir
central. Il serait nécessaire que les règles à suivre en pareil
cas fussent fixées par un décret.
329. Les gouverneurs intérimaires ont tous les pouvoirs des
gouverneurs titulaires, sauf dans un cas : celui où, pendant
l'intérim, la sûreté intérieure ou extérieure de la colonie est
menacée; les mouvements des troupes, ceux des bâtiments de
guerre attachés au service de la colonie et tontes les mesures
militaires ne peuvent alors être prises qu'avec le concours
d'un conseil de défense dont les ordonnances et décrets cons-
titutifs fixent la composition.
330. Le gouverneur, disent les ordonnances constitutives,
exerce ses pouvoirs comme dépositaire de l'autorité du Chef
de l'Etat, mais sous les ordres du ministre chargé des colonies;
il est en réalité, par suite, sous l'autorité de celui-ci. Sans
doute il jouit d'un pouvoir propre quand il exerce l'autorité
civile avec ou sans la participation du conseil privé; mais la
subordination au ministre n'en subsiste pas moins, non seule-
ment pour les décisions prises dans un intérêt d'ordre public
et qui peuvent avoir ainsi le caractère d'actes de gouverne-
ment échappant à tout recours contentieux (1), mais encore
pour celles prises en vue de l'exécution de contrats passés par
la colonie. 11 en résulte que le ministre ne peut se refuser à
(1) C. d'Et. cont., 18 mars 1898 (désannexions de territoires). — Con-
sidérant que l'arrêté en date du 15 janvier 1890 par lequel le gouver-
neur du Sénégal a placé sous le régime du protectorat les territoires
du 1er arrondissement du Sénégal antérieurement annexés a été pris
en vertu des instructions et sous l'autorité du sous-secrétaire d'Etat aux
colonies, et qu'il se rattache à l'exercice de la puissance exécutive
dans les matières du gouvernement ; — qu'il suit de là que cet arrêté
n'est pas de nature à être déféré au Conseil d'Etat par la voie du con-
tentieux et que ce recours n'est pas recevable, etc.


— 321 —
statuer sur les recours formés contre un arrêté de gouverneur;
les décisions des autorités administratives sont, à moins
d'exceptions explicitement prévues, assujetties au recours des
parties intéressées devant l'autorité ministérielle (1) ; ce ne
sont pas les tribunaux administratifs qui doivent être saisis.
Lorsque le ministre, agissant comme supérieur hiérarchique
d'un gouverneur, annule un arrêté pris par celui-ci, sa décision
ne peut être déférée au Conseil d'Etat par la voix contentieuse ;
un seul recours est ouvert : c'est dans le cas où cette décision
serait entachée d'excès de pouvoir (2). Enfin si un gouverneur,
agissant dans la plénitude de ses attributions, prend une déci-
sion conforme à des instructions qu'il a reçues du ministre,
les mesures qu'il adopte ne sauraient être, de ce seul fait,
entachées d'illégalité (3).
331. Le gouverneur engage l'Etat par les décisions prises
dans l'exercice de ses pouvoirs et conformément aux règles
fixées par les lois et règlements; mais il ne faut pas oublier
que le gouverneur est à la fois le représentant de l'Etat et de
la colonie et que, par suite, les engagements pris par lui au
nom du service local, pour des sommes devant être payées
sur ce budget, ne peuvent être mis à la charge de l'Etat (4).
332. Les chefs d'administration et de service sont les agents
d'exécution du gouverneur pour les diverses parties du service;
ils préparent sa correspondance avec le ministre, mais cette
correspondance doit être considérée comme émanant de lui
seul et son avis, non pas celui du chef d'administration, doit
parvenir au ministre en cas de divergence d'opinion (S).
(1) C. d'Et., cont. 23 novembre 1883, aff. Société des mines d'or de la
Guyane. — Considérant qu'en vertu des dispositions susvisées (Ord. 28 août
1828 — 22 août 1833), et notamment de l'article 6 de l'ordonnance
du 27 août 1828, le gouverneur de la Guyane exerce ses fonctions sous
l'autorité du ministre de la marine et des colonies ; que, dés lors, ledit
ministre, en déclarant qu'il ne lui appartient pas de statuer sur la ré-

clamation formée par la Société requérante contre l'arrêté du gouver-
neur, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et que sa décision doit être
annulée de ce chef.

Cf. C. d'Et. cont. 7 janvier 1864 (aff. Amiel). L. 64.10.
(2) Cf. C. d'Et., cont. 5 août 1887 (aff. Malguy). L. 87.625.
(3) C. d'Etat, cont. 7 juillet 1905 (aff. Vittoriani).
(4) Cf. C. d'Et. cont. 12 juillet 1864 (aff. Sandou). L. 64.620.
(5) V. Circ. 26 janvier 1883. Certains gouverneurs signaient les lettres
COLONIES, I.
21

— 322 —
333. Le gouverneur peut être poursuivi pour trahison, con-
cussion, abus d'autorité ou desobéissance aux ordres du gou-
vernement; les peines en ce cas sont celles prévues par les
articles 7G à 81, 84, So, 174, 184 à 191, 197, 198 du Code
pénal.
La responsabilité du gouverneur disparaît lorsque les déci-
sions prises par lui en ce qui concerne l'administration de la
colonie l'ont été conformément aux propositions ou anx repré-
sentations des chefs d'administration ou de service. Celte dis-
position, qui n'existe pas d'ailleurs dans l'Inde, à Saint-Pierre
et Miquelon et en Cochinchine (l), ne peut évidemment s'appli-
quer à des actes de trahison ou de concussion, mais, même en
la réduisant aux cas d'abus d'autorité ou de désobéissance aux
ordres du gouvernement, on comprend difficilement que la
responsabilité du chef d'administration exonère complètement
le gouverneur qui n'a pu approuver ses propositions sans les
examiner.
334. Les poursuites contre le gouverneur sont suivies con-
formément aux règles en vigueur dans la métropole ; elles ne
peuvent être exercées qu'après son rappel en France; la règle
de l'article 84 de l'ordonnance des Antilles, qui est reproduite
pour les autres colonies, est générale : le gouverneur ne peut,
pour quelque cause que ce soit, être ni actionné ni poursuivi
dans la colonie pendant l'exercice de ses fonctions. Les actions
intentées contre lui doivent être portées devant les tribunaux
de France (2). Si le gouverneur a son domicile en France ou
dans une autre colonie, l'application de ce texte ne présente
aucune difficulté; il n'en serait pas de même dans le cas où le
gouverneur, originaire par exemple de la colonie, y aurait son
domicile. 11 nous semble que l'instance devrait être introduite à
préparées par les chefs d'administration, puis, dans un post-scriptum,
faisaient connaître leur avis personnel contraire à celui exprimé dans
la lettre.
(1) Rien n'est prescrit en ce qui concerne la responsabilité du gouver-
neur en Cochinchine.
(2) ... Attendu, quant au gouverneur lui-même, que la garantie parti-
culière organisée par les articles 59, GO et 61 de l'ordonnance du 7 sep-
tembre 1840 (relative au Sénégal) en vue des poursuites à exercer contre
ce haut fonctionnaire, comprend deux ordres distincts de dispositions;
que, d'après les articles 59 et 60 combinés, le gouverneur peut être

— 323 —
Paris où réside le ministre dont relève le fonctionnaire en cause.
Enfin, aucun acte, aucun jugement ne peuvent être mis en
exécution contre lui, et l'article 2 de la loi du 8 janvier 1877
punit de la dégradation civique tout juge, tout procureur
général ou substitut, tout officier de police judiciaire qui se
prêteraient à des actes de procédure ou d'exécution contre un
gouverneur.
Le décret du 2 décembre 1880, qui a abrogé pour les fonc-
tionnaires coloniaux les droits analogues à ceux dont jouis-
saient les fonctionnaires métropolitains par application de
l'article 75 de la Constitution de l'an VII n'a, à ces divers points
de vue, changé en rien la situation du gouverneur, les pres-
criptions de la loi du 8 janvier 1877 ne pouvant être modifiées
que par voie législative.
§ 2. — Pouvoirs militaires.
335. L'organisation des troupes coloniales et l'établissement
aux colonies de points d'appui de la flotte ont obligé l'auto-
rité centrale â préciser le rôle des gouverneurs de nos posses-
sions en tant que chargés de la garde et de la défense des ter-
ritoires placés sous leur direction. Les dispositions nouvelles
n'ont pas détruit l'unité de commandement dont le maintien
poursuivi pour trahison, concussion, abus d'autorité ou désobéissance
aux ordres du pouvoir exécutif, et que dans ce cas, soit que les poursuites
aient lieu à la requête du gouvernement, soit qu'elles s'exercent sur lu

plainte d'une partie intéressée, il y est procédé conformément aux règles
prescrites en France à l'égard des agents du gouvernement ; que, d'ail-
leurs, d'après les dispositions des divers paragraphes de l'article 61, le
gouverneur ne peut, pour quelque cause que ce soit, être ni actionné, ni
poursuivi dans la colonie, pendant l'exercice de ses fonctions, et que
toute action dirigée contre lui doit être portée devant les tribunaux de
France, suivant les formes prescrites par les lois de la métropole; —
Attendu qu'il résulte de cet ensemble de dispositions, lesquelles n'ont
point été abrogées par le décret du 16 décembre 1880, que. dans tous les
cas. soit qu'il s'agisse de poursuivre le gouverneur à raison de l'un des
faits énumérés dans l'article 59, suit qu'il y ait lieu de le poursuivre pour
tout autre fait,
il ne pourra être ni actionné, ni poursuivi dans la colonie
pendant l'exercice de ses fonctions, l'action ou la poursuite devant être
portée devant les tribunaux de France, conformément aux lois en vigueur
dans la métropole ; ... [Cass. crim. 13 juillet 1889 (aff. Genouille, ex-gou-
verneur du Sénégal;. S.1890.1.139.

— 324 —
en la personne du gouverneur est rendu nécessaire, au moins
actuellement, par la situation particulière de nos colonies. En
temps de paix, c'est par son intermédiaire et celui du
ministre des Colonies que le commandant supérieur des troupes,
conformémentàl'article 3 de la loi du 7 juillet 1900, correspond
avec le ministre de la Guerre. C'est également par ce même
intermédiaire que le commandant de la Marine, en exécution
de l'article 3 du décret du 1er avril 1899 et des décrets sub-
séquents, correspond avec le ministre de la Marine sur les
questions pour lesquelles il relève de son département. En
temps de guerre, le commandant du point d'appui dépend
directement du commandant supérieur des troupes, et celui-ci,
selon les termes de l'article 3 de la loi du 7 juillet 1900, est
alors responsable vis-à-vis du gouverneur de la préparation
des opérations militaires, de leur conduite et de tout ce qui
est relatif à la défense de la colonie (nos 291 et 311 bis).
Un décret du 9 novembre 1901 a plus minutieusement réglé,
en exécution de la loi du 7 juillet 1900, les relations entre les
gouverneurs et les commandants supérieurs des troupes aux
colonies. Un double principe domine toutes les dispositions de
ce décret; d'une part, le gouverneur est responsable, sous
l'autorité du ministre des Colonies, de la défense intérieure
et extérieure des colonies, d'autre part le commandement per-
sonnel des forces militaires, la direction des services et la
conduite des opérations militaires appartiennent au comman-
dant supérieur des troupes. Ce double principe entraîne cer-
taines conséquences. Aucune opération, sauf le cas d'urgence
ou s'il s'agit de repousser une agression, ne pent être entre-
prise sans l'autorisation du gouverneur qui en fixe le carac-
tère et le but. Les créations ou suppressions de postes mili-
taires ne sont ordonnées qu'après décision du gouverneur. La
correspondance du commandant supérieur des troupes, desti-
née au ministre de la Guerre ou au ministre des Colonies, est
adressée,
par
bordereau
séparé,
au gouverneur qui la
transmet
en
original
avec
ou
sans
observation.
Par
contre, le commandant supérieur des troupes répartit dans les
différentes unités et les divers services militaires les officiers
mis à sa disposition sans affectation spéciale. Il fait partie du
conseil de défense et, selon le cas, du conseil privé ou du

— 325 -
conseil d'administration. Enfin la conduite des opérations
reconnues nécessaires est laissée à l'autorité militaire.
Les conseils de défense ont été réorganisés par décret du
31 octobre 1902. Ils sont présidés par le gouverneur général
ou le gouverneur, et comprennent, comme membres, en
dehors du commandant supérieur des troupes, vice-président,
l'officier général ou supérieur le plus élevé en grade après
celui-ci, l'officier général ou supérieur commandant l'artillerie
le chef d'état major ou l'officier supérieur adjoint au comman-
dant supérieur. Le conseil de défense est, en outre, obligatoi-
rement ou facultativement assisté de chefs de service ou de
toutes autres personnes ayant voix délibérative ou consulta-
tive, dans les conditions qu'indique le décret.
336. Le gouverneur a seul le droit de déclarer l'état de
siège et de le faire cesser dans toute l'étendue ou sur une
partie du territoire de la colonie ; il peut prendre cette mesure
toutes les fois qu'un péril imminent, résultant d'une guerre
étrangère ou d'une insurrection à main armée, menace la
colonie.
Sous l'empire de la loi du 9 août 1849, qui prévoyait le
péril imminent pour la sécurité extérieure ou intérieure, ce
droit avait été étendu à une situation intérieure inquiétante, par
exemple des incendies réitérés (1). La loi du 3 avril 1878 a-t-
elle modifié cette situation? Nous le pensons; le législateur a
voulu nettement, en ce qui concerne l'état de siège politique,
réduire le droit de l'autorité aux cas explicitement indiqués.
Ceci ressort notamment des explications fournies par le rap-
porteur, M. Franck-Chauveau, dans la séance du 2 avril 1878
Les conséquences de l'état de siège sont celles déterminées
par la loi du 9 août 1849 (Art. 7 à 11).
Le gouverneur doit rendre compte immédiatement au gou
vernement de la déclaration de l'état de siège ; il a été entendu
que le mot immédiatement devait être compris dans le sens
de aussitôt que possible (2); cette distinction avait de l'impor-
tance surtout en 1849, où les moyens de communication
étaient peu développés et où on ne voulait pas obliger un
(1) Cf. Cass. crim. 12 juillet 1850 (aff. Isery). D. P. 50.1.254.
(2) Séance de l'Assemblée nationale du 9 août 1849.

— 326 —
gouverneur à se priver d'un navire de la station pour porter
une dépêche, alors que ce navire pouvait lui être nécessaire
pour la sécurité de la colonie.
337. La question des pouvoirs militaires se présente à
l'égard non seulement du gouverneur, mais encore des repré-
sentants de son autorité dans les différents centres des colo-
nies. Au Sénégal, en particulier, il a été nécessaire de régler
les attributions des commandants de cercle.
Des arrêtés
locaux des 22 janvier et 14 décembre 1883 leur ont donné
l'autorité supérieure sur les troupes composant la garnison en
ce qui concerne l'ordre, la sécurité publique, les mesures de
police, les mouvements de troupes, mais leur interdisent
d'exercer le commandement d'une manière effective et directe.
Le droit d'infliger les mêmes punitions qu'un commandant de
place, qui leur avait été accordé en 1862, leur a été retiré par
l'arrêté du 14 décembre 1883.
En Cochinchine, les commandants des différents postes
n'ont que l'autorité militaire et ne peuvent d'ailleurs l'exercer
en dehors de leur poste; ils ne peuvent ni mettre en marche,
ni même former une colonne sans un ordre du gouverneur trans-
mis par le commandant supérieur des troupes (1). Les articles
67 et 177 du décret sur le service des. places (2) indiquent
d'ailleurs les conditions dans lesquelles les chefs de poste
doivent obtempérer aux réquisitions de l'autorité civile. En
cas d'événements graves, des commandants supérieurs sont
nommés par le gouverneur et les administrateurs des affaires
indigènes perdent le droit de disposer des milices indigènes;
ils sont alors, au point de vue du déplacement et de l'emploi
des milices indigènes, subordonnés à l'autorité militaire (3),
ils continuent néanmoins à être chargés de la police de leurs
arrondissements.
En Nouvelle-Calédonie, les chefs d'arrondissement, repré-
sentant l'autorité supérieure, n'ont aucun pouvoir militaire.
(1) Circ. gouv. Cochinchine non datée. Β. 0. Coch. 1805, n° 47; Arr.
gouv., 21 août 1869, B. 0. Coch. n° 169.
(2) Ces articles ne sont pas, en droit, applicables dans cette colonie
ais on les considère comme raison écrite.
(3) Ordre général gouv. Cochinchine, 8 juillet 1885.

— 327 —
Ils peuvent, dans certains cas, adresser des réquisitions à l'au-
torité militaire; ces cas sont déterminés par l'arrêté ministé-
riel du 13 mai 1885.
§ 3. — Pouvoirs administratifs,
338. Les pouvoirs administratifs du gouverneur sont très
nombreux; les attributions personnelles qu'il possède sont
énumérées dans les différentes ordonnances réglant l'organi-
sation coloniale. Il ne parait pas nécessaire de reproduire ici
cette enumeration; nous examinerons d'ailleurs aux chapitres
relatifs aux conseils généraux ou locaux et municipaux ces
attributions, en ce qui concerne les budgets, les convocations
des conseils, etc. Nous signalerons seulement quelques points
intéressants.
Le gouverneur est chargé de la direction supérieure de
l'administration locale et les décisions qu'il prend à ce titre,
soit en l'absence de toute règlementation, soit en vertu d'at-
tributions personnelles qui lui ont été conférées, sont à l'abri
de toute critique. Ainsi le Conseil d'Etat a reconnu au gou-
verneur du Sénégal le droit d'écarter un adjudicataire, quels
qu'aient été d'ailleurs les motifs de sa décision, un texte par-
ticulier, l'article 7 du cahier des clauses et conditions géné-
rales des marchés du 25 mars 181)0, subordonnant les adjudi-
cations dans les colonies à l'approbation du gouverneur en
conseil privé (1).
Le gouverneur peut défendre l'exportation des grains,
légumes, bestiaux et autres objets de subsistance ; il prend,
en cas de disette, des mesures pour leur introduction en se
conformant aux lois, ordonnances et décrets sur la matière.
Aucun acte légal ou réglementaire spécial n'ayant été promul-
gué à ce sujet dans les colonies, les gouverneurs restent com-
plètement maîtres des mesures qui leur paraissent utiles pour
assurer l'approvisionnement et éviter les disettes.
339. Les lois sur l'instruction publique ne sont pas de plein
(1) C. d'Etat, cont. 11 février 1898 (Affaire Devès;.

— 328 —
droit applicables aux colonies, à l'exception des lois sur l'ins
truction primaire rendues applicables aux Antilles et à la
Réunion par l'article 68 de la loi du 30 octobre 1886; aussi,
le gouverneur a conservé, dans les autres colonies, les droits
en vertu desquels aucune école ne peut être ouverte sans son
lutorisation.
11 ne peut de lui môme, en ce qui concerne les cultes, auto
riser la publication d'un bref de la cour de Rome. Le pou-
voir métropolitain s'est réservé le pouvoir de statuer en cette
matière et de donner ses ordres au gouverneur.
En ce qui concerne les dispenses de mariages, il est substi-
tué au Chef de l'Etat pour les dispenses d'âge et la levée des
prohibitions entre alliés ou collatéraux.
Pour la Cochinchine, ce droit résulte uniquement d'un
arrêté local du 2 septembre 1865 approuvé par le ministre
de la marine et des colonies. On pourrait discuter la valeur
de cet acte.
Chargé de pourvoir à la sûreté et à la tranquillité de la
colonie, de maintenir les habitants dans la fidélité à la France
et l'obéissance aux lois, le gouverneur a le droit de prendre
des mesures de haute police. Malgré l'élasticité de ce terme,
on a jugé convenable de donner une sorte d'énumération d'un
certain nombre des pouvoirs de haute police : droit pour le
gouverneur de mander devant lui tout individu qui se trouve
dans l'étendue de la colonie, de faire arrêter tout individu à
charge de l'interroger ou de le faire interroger et, dans les
vingt-quatre heures, de le faire élargir ou remettre entre les
mains de la justice.
Le gouverneur, lorsqu'il prend un arrêté en vertu de ses
pouvoirs de police, n'agit pas comme représentant de la
colonie, et celle-ci ne peut être rendue responsable des consé
quences de la mesure qui a été prise. Le Conseil d'Etat s'est
prononcé en ce sens dans une espèce où des circonstances de
fait pouvaient donner à l'affirmation du principe une portée
particulièrement grave. Le gouverneur de la Martinique avait
rendu libre le commerce de la boulangerie, jusqu'alors exercé
par un nombre déterminé de personnes. Celles-ci, lésées par
une libre concurrence qu'elles avaient pu ne pas envisager,
prétendaient rendre la colonie responsable du préjudice qui

— 329 —
leur était causé. Le Conseil d'Etat a rejeté leurs préten-
tions (1).
340. Les pouvoirs du gouverneur, du moment où ils s'ap-
pliquent à des décisions qui ne peuvent être prises que dans
la colonie même, devraient produire effet, même en dehors de
cette colonie; c'est ainsi, par exemple, que, pour l'application
de la loi du 27 mai 1885 relative aux interdictions de rési-
dence, les gouverneurs devraient pouvoir prendre des arrêtés
applicables même dans la métropole. Il nous semble en effet
que, l'arrêté d'interdiction étant unique, le Gouverneur, repré-
sentant du Gouvernement, dépositaire des pouvoirs du Prési
dent de la République, aurait qualité pour le prendre avec
toutes les conséquences qu'il peut avoir. Cette opinion n'a pas
été admise par la jurisprudence qui ne reconnaît pas aux gou-
verneurs le droit de prendre des arrêtés pouvant produire
effet en dehors de leur colonie (2)
341. Dans l'Inde, le gouverneur a été de tout temps le grand
juge et même le législateur en matière de castes : le décret
du 18 septembre 1877 lui a laissé ce pouvoir : il autorise les
associations ou réunions ayant pour but de s'occuper d'affaires
de caste et de religion; il peut prendre toutes les mesures
nécessaires dans l'intérêt de la paix publique.
342. Le gouverneur général de l'Indo-Chine dépositaire des
pouvoirs de la République, jouit, en vertu du décret du 21 avril
1891, de l'autorité la plus étendue en matière administrative.
Ses pouvoirs ne sont limités, hors de la Cochinchine, que par
l'obligation de consulter dans certains cas le conseil supérieur
de l'Indo-Chine ou le conseil du protectorat de l'Annam Tonkin.
Le gouverneur général de l'Afrique occidentale française et
le commissaire général du gouvernement au Congo français
(1) C. d'Et. cont., 13 décembre 1895 (AIT. Carassus et Magallon). — Con-
sidérant, d'une part, qu'en prenant l'arrêté du 13 mai 1887 le gouverneur
de la Martinique a agi dans l'exercice des pouvoirs de police qui lui
sont conférés par l'article 9 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 et non
comme représentant de la colonie; que, par suite, la colonie ne peut
être à aucun titre responsable du préjudice pouvant résulter, pour les
négociants, de cet arrêté, et que, dès lors, c'est avec raison que le con-

seil du contentieux administratif de la Martinique a rejeté comme non
recevable l'action en indemnité dirigée contre la colonie, etc.
(2) Cf. C. d'Et. 12 juillet 1864 (Aff. Sandon). L. 64.620.

— 330 —
ont de même, aux termes des décrets des 18 octobre 1904 et
29 décembre 1903, les pouvoirs administratifs les plus étendus.
Ils sont tenus toutefois, en certaines matières, de consulter le
conseil de gouvernement pour les questions d'ordre général
concernant l'ensemble des territoires placés sous leur direction
(nos 322 bis, 362 et suiv.).
§ 4 — Pouvoirs des gouverneurs relatifs à l'administration
de la justice.
343. Les attributions du gouverneur en cette matière se
réduisent à un droit de surveillance sur la libre et prompte
distribution de la justice; il se fait rendre compte périodique-
ment par le chef du service judiciaire de la situation des
affaires, il transmet ce document au ministre. Il fait prêter
main-forte, lorsqu'il en est requis, à l'exécution des jugements
et arrêts en matière civile. Il ordonne en conseil privé l' exé-
cution des arrêts en matière criminelle, ou prononce le sursis
lorsqu'il croit devoir recourir à la clémence du chef de l'Etat ;
il est d'ailleurs obligé de surseoir à l'exécution des condam-
nations capitales, lorsque deux membres du conseil privé en
font la demande (1).
Le gouverneur remplace provisoirement les magistrats dé-
cédés ou régulièrement absents (2), mais il n'a pas qualité
pour modifier, en quoi que ce soit, l'organisation judiciaire,
même dans les colonies où n'existe aucun texte spécial relatif
à ses attributions (3).
Le gouverneur n'a pas le droit de prescrire au ministère
public d'exercer des poursuites, ni de s'opposer aux pour-
suites que celui-ci voudrait exercer. Le seul cas où il remplit
(1) Déc. imp. 28 octobre 1868. — Pour la Cochinchine, Déc. 3 avril 1880
art. 8.
(2) Cass. 26 avril 1880 (aff. Société d'assurances la Créole), S. 81.1.5,
18 mai 1881 (aff. Sauger et Veyrières), S. 82.1.57.
(3) Notamment en Cochinchine, il a été jugé que le gouverneur ne
pouvait décider qu'un administrateur des affaires indigènes remplace-
rait, à la cour d'appel de Saigon, un inspecteur des affaires indigènes.
Cass. civ. 25 février 1884 (aff. Tran-Thi-Miang). D. P. 84.5.80.


des pouvoirs analogues à ceux du ministre de la justice clans
la métropole, en matière de surveillance de l'action publique,
est celui où il s'agit d'affaires intéressant l'Etat: dans ce cas,
le procureur général est tenu, sur la réquisition du gouver-
neur, et conformément à ses instructions, de faire les actes
nécessaires pour saisir les tribunaux (1).
Le gouverneur peut faire surseoir aux poursuites ayant pour
objet le payement des amendes, lorsque l'insolvabilité des
contrevenants est reconnue, mais il doit rendre compte de cette
décision au ministre
qui statue définitivement. Ce droit
n'existe pas à la Réunion (2). En ce qui regarde la Cochin-
chine, l'article pi de l'ordonnance des Antilles, compris parmi
ceux pour lesquels l'avis du conseil privé est nécessaire, a été
promulgué par l'arrêt local du 20 novembre 1869.
C'est au gouverneur enfin qu'il appartient de présenter un
déclinatoire de compétence devant les tribunaux judiciaires.
Ce droit peut être exercé en appel, sans l'avoir été en pre-
mière instance; il subsiste tant que la cause n'a pas reçu au
fond une solution définitive (3).
344. La légalisation de tous les actes à transmettre hors de
la colonie devrait être faite par le gouverneur, mais il a été
admis (et le décret du 12 décembre 1874 a régularisé pour la
Nouvelle-Calédonie cette situation de fait) que le gouverneur
pouvait déléguer cette attribution au chef de son secrétariat.
Une circulaire du 1er septembre 1874, rappelant que toutes les
pièces envoyées hors de la colonie doivent être légalisées par
le gouverneur ou son délégué, a été considérée dans divers
établissements comme donnant le droit de faire une délégation
(1) V. n° 736. Circ. min. 15 octobre 1883.
(2) L'article 51 de l'ordonnance des Antilles n'a pas de similaire dans
l'ordonnance de la Réunion.
(3) En ce sens, Cour d'appel du Sénégal, 15 mars 1901. — « Attendu
qu'aucune opposition n'a été faite à la recevabilité du déclinatoire pré-
senté; que c'est un droit que tient le gouverneur général de l'ordonnance
du 1er juin 1828, rendue applicable au Sénégal par le décret du 5 août

1881, sur l'organisation et la compétence du contentieux administratif de
la colonie; que, aux termes de l'article 4 de cette ordonnance, il peut
être proposé une declaration même eu appel, s'il ne l'a pas été en pre-

mière instance; que ce droit existe tant que la cause n'a pas reçu au
fond une solution définitive... »


— 332 —
régulière et des arrêtés locaux ont été pris pour son applica-
tion. Ce que l'on peut dire de cette situation, c'est qu'elle n'a
pas soulevé d'objection jusqu'à présent.
§ S. — Pouvoirs à l'égard des fonctionnaires et des agents
du gouvernement
345. Le personnel de toutes les administrations, employé
dans la colonie à quelque degré de la hiérarchie que ce soit,
est soumis à l'autorité du gouverneur; cette autorité s'exerce
directement en ce qui concerne les chefs d'administration et
les chefs de service ne dépendant d'aucune administration;
par l'intermédiaire de ceux-ci, pour les autres fonctionnaires
et employés.
Elle s'exerce, en ce qui concerne les magistrats, sous la
forme d'un droit de surveillance, de réprimande et de dis-
cipline conformément aux prescriptions des ordonnances
organiques ; en ce qui concerne les ecclésiastiques salariés par
l'État conformément aux décrets en vigueur, mais sans que
le gouverneur puisse s'ingérer dans les actes de surveillance
spirituelle et de discipline ecclésiastique qui sont du ressort
des évêques, préfets et vicaires apostoliques.
Le gouverneur tranche les différends qui peuvent se soule-
ver entre les fonctionnaires des divers services, sous la réserve
du droit qui appartient à tout fonctionnaire, après s'être sou-
mis à sa décision, d'en appeler au ministre. Autrefois, certains
fonctionnaires étaient obligés d'obtenir l'autorisation du gou-
verneur pour contracter mariage. Le décret du 8 décembre
1887 a supprimé cette obligation.
Un gouverneur peut révoquer, à raison de faits qui se sont
passés en France, pendant une période de congé par exemple,
les agents des services locaux que les textes en vigueur lui
donnent le droit de nommer et de licencier. Il suffit que la
révocation ait lieu dans les formes, et, pour l'appréciation
des faits allégués, soit entourée des garanties prévues par les
règlements. Bien que la question ne puisse donner lieu à des
doutes vraiment sérieux, il n'est pas sans intérêt de constater

— 333 —
qu'elle a été résolue nettement en ce sens par le Conseil
d'État statuant au contentieux (1).
345 bis. Les décisions prises par un gouverneur à l'égard
d'un des agents placés sous ses ordres peuvent n'être pas
ratifiées par le ministre. Le fonctionnaire se retrouve alors
exactement placé dans la situation où il serait si la mesure
annulée n'avait pas été prise. Ainsi, un fonctionnaire qui est
simplement mis à la retraite par le ministre, après avoir été
suspendu par mesure disciplinaire, puis révoqué par le gou-
verneur , n'a droit à aucune solde depuis sa suspension. Celle-
ci subsiste et produit ses effets jusqu'à l'admission à la re-
traite , comme si la révocation, annulée implicitement par la
décision du ministre, n'avait pas été prononcée (2).
A un autre point de vue, il peut arriver que, par suite de
circonstances particulières, un agent dont la désignation et la
révocation sont normalement dans les attributions du gouver-
neur, soit nommé par le ministre. Le gouverneur n'eu conser-
ve pas moins le droit de révoquer, dans les formes prescrites,
l'agent ainsi nommé, sans que celui-ci soit fondé à prétendre
que le ministre seul ait le droit de lui retirer l'emploi auquel
il l'a lui-même appelé (3).
346.
Les nominations définitives à tous les emplois que
l'administration supérieure ne s'est pas réservés, les nomina-
(1) C. d'Etat, cont. (Affaire Joleau), 11 juillet 1902.
(2) C. d'Et. cont.. 4 juin 1897 (Aff. Baptistide). -- Considérant qu'il
résulte de l'instruction que, par arrêté en date du 3 août 1893, le lieu-
tenant gouverneur de la Cochinchine, agissant par délégation du gou-
verneur général de l'Indo-Chine, a suspendu le sieur Baptistide de ses
fonctions en attendant qu'une décision définitive ait été prise à son
égard; que, si deux arrêtés du gouverneur général des 26 août et
25 octobre 1893 ont prononcé, le premier la mise à la retraite d'office
et le deuxième la révocation du requérant, ces mesures ont été impli-
citement annulées par la décision ministérielle du 20 octobre 1894; que,
par suite, jusqu'à cette décision qui a définitivement réglé la situation
de ce fonctionnaire, l'arrêté du 3 août 1893 qui avait prononcé sa sus-
pension doit être considéré comme n'ayant pas cessé de produire son
plein et entier effet, etc.
(3) C. d'Et. cont.. ο août 1892 (Aff. d'Auriac). — Considérant que si,
par suite de circonstances particulières, c'est par décision du sous-
secrétaire d'Etat aux colonies que le sieur d'Auriac a été nommé ins-
pecteur de 2e classe de la garde civile du Bénin, sa situation n'en était
pas moins régie par les dispositions de l'arrêté réglementaire du

— 334 —
tions temporaires en cas de vacances, appartiennent au gou-
verneur. C'est lui qui est, en principe, appelé à faire toutes
les nominations; telle est la règle, et les exceptions (soit parce
que le Président de la République ou le ministre se sont ré-
servé le droit d'y pourvoir, soit parce qu'en raison du peu
d'importance, les décrets d'organisation ont confié des attri-
butions aux chefs de service) sont explicitement indiquées.
Aucun emploi ne peut d'ailleurs être créé par le gouverneur,
sauf en exécution d'une délibération du conseil général pour
des services dont celui-ci peut fixer l'importance.
§ G. — Relations avec les gouvernements étrangers
347. Les gouverneurs sont autorisés à communiquer, en ce
qui concerne les colonies qu'ils administrent, avec les gouver-
nements d'un certain nombre de pays étrangers. Pour la
Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, cette autorisation
comprend les gouvernements du continent et des îles de l' Amé-
rique,
c'est-à-dire de l'Amérique du Nord et du Sud et des
Antilles;—pour la Réunion, les gouvernements de tous les
pays au delà des caps,
c'est-à-dire des mers des Indes, de
Chine et du Pacifique; — pour Saint-Pierre et Miquelon, les
gouverneurs des possessions voisines, ce qui doit s'entendre
de tout le dominion canadien; — pour l'Afrique occidentale,
les gouvernements des possessions étrangères en Afrique et les
chefs des différents tribus ou peuples de l'intérieur ;
— pour
l'Inde, les gouverneurs généraux et particuliers des possessions
étrangères dans l'Inde ;pour la Nouvelle-Calédonie, les gouver-
neurs des pays et colonies de l'Australie, de la mer des Ind.s,
de la Malaisie, des mers de la Chine, du Japon et de l'Océanie,

— pour l'Océanie, les gouverneurs des pays et colonies de
l'Australie, de la mer des Indes, de la Malaisie, des mers de
la Chine, du Japon et de VOcéanie.
8 novembre 1894; — considérant qu'aux termes de cet arrêté, approuvé
par le ministre des colonies, la révocation du personnel européen de
la garde civile est prononcée par le gouverneur après avis d'une com-
mission d'enquête devant laquelle le β coupable » est admis à exposer
ses moyens de défense, etc.

— 335 —
Aucune règle n'est fixée pour l'Indo-Chine, toutefois, le gou-
verneur général ne peut engager aucune négociation diploma-
tique en dehors de l'autorisation du gouvernement. En Afrique
occidentale, c'est le gouverneur général qui a le plus souvent
la charge personnelle des relations avec le gouverneur des pos-
sesions voisines : un des agents placés sous ses ordres est du
reste maintenu à poste fixe à Monrovia où il remplit les fonc-
tions de vice-consul auprès de la République de Libéria
Rien n'est expressément prévu pour le Congo français et la
Côte Somali. Mais, en fait, le commissaire général du gouver-
nement au Congo français correspond fréquemment avec les
gouverneurs des colonies étrangères voisines de nos possessions,
et avec le gouverneur général de l'État Indépendant du Congo.
Un traité spécial a, du reste, réglé les rapports du Congo fran-
çais et du Congo belge au point de vue particulier de l'extra-
dition. Quant au gouverneur de la Côte Somali, on conçoit
qu'il puisse être amené à entretenir des relations de voisi-
nage avec les autorités anglaises du Somaliland et d'Aden, les
autorités italiennes de l'Erythrée et les représentants au Harrar
de l'empereur d'Ethiopie. ·
Le droit de correspondance directe des gouverneurs a été étendu
pour d'autres colonies par suite des conventions d'extradition.
Celle du 3 août 1860 ( Déc. 18 octobre 1860) avec les Pays-
Ras accorde aux gouverneurs des possessions françaises et
hollandaises dans les Indes Occidentales (Surinam d'une part,
la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane d'autre part), le
droit de demander ou d'accorder directement l'extradition
des malfaiteurs. Les conventions des 14 août 1876 avec l'An-
gleterre, 28 mars 1877 avec le Danemark (L. 1er avril 1878),
reconnaissent aux gouverneurs le droit de réclamer directe-
ment l'extradition des malfaiteurs réfugiés en pays anglais
et danois et d'accorder les demandes qui leur sont adres-
sées.
Un décret en date du 28 février 1901 a confié au gouver-
neur de la Nouvelle-Calédonie le soin d'exercer les fonctions
de commissaire général de la République dans les îles du
Pacifique. En celte qualité, le gouverneur de la Nouvelle-Ca-
lédonie est chargé de protéger les Français qui résident ou
trafiquent dans les îles de l'Océan Pacifique ne faisant pas

— 336 —
partie du domaine colonial de la France et n'appartenant à
aucune autre puissance civilisée.
348. Les gouverneurs peuvent être appelés à préparer les
conventions commerciales, postales, télégraphiques et autres,
mais ils doivent pour cela obtenir uneautorisation spéciale
du gouvernement métropolitain. Ces conventions ne sont d'ail-
leurs valables qu'après ratification dans les formes exigées
par la loi métropolitaine.
§ 7. Pouvoirs des gouverneurs à l'égard de la législation
coloniale.
349. Nous avons indiqué ( nos 268 et suiv.) les attributions
des gouverneurs en matière de promulgation des actes légis-
latifs et réglementaires; ce droit de promulgation ne peut
s'exercer qu'en vertu des ordres de l'autorité métropolitaine ;
un gouverneur ne saurait, sans commettre un excès de pou-
voir, promulguer de lui-même une loi métropolitaine qui lui
paraîtrait utile. Une pareille promulgation devrait être rap-
portée par arrêté du gouverneur : les tribunaux ne pourraient
d'ailleurs en appliquer les dispositions.
350. Les gouverneurs peuvent faire, en conseil, les règle-
ments d'administration et de police ; ils ne sont pas obligés
d'ailleurs de se conformer aux mêmes règles que dans la
métropole. C'est ainsi qu'un gouverneur a pu comprendre
dans la liste des établissements insalubres des établissements
qui en France n'étaient pas considérés comme tels (1) ; c'est
ainsi qu'un gouverneur peut, sans violer le principe de l'éga-
lité des citoyens devant la loi, ni celui de la liberté du com-
merce (laquelle n'existe que sous la réserve des règlements
légalement faits par l'autorité compétente), interdire aux indi-
gènes de la colonie l'usage des boissons spiritueuses et défen-
dre qu'il leur en soit délivré sans une autorisation adminis
trative (2).
(\\) G. d'Et. cont. 21 avril 1848 (aff. Joly de Sabla). L. 48.183.
(2) Cass. crim. 7 décembre 1895 (aff. Teissier). S. 96.1.205.

— 337 —
Les arrêtés pris par les gouverneurs dans la limite de leurs
attributions sont exécutoires sans qu'aucune approbation du
ministre soit intervenue: toutefois le ministre, supérieur hié-
rarchique, peut prescrire au gouverneur de rapporter l'arrêté.
Les dépêches d'approbation qui interviennent parfois ne
devraient pas être insérées aux bulletins officiels des colonies.
La loi du 8 janvier 1877, relative aux Antilles et à la Réu-
nion, et trois décrets du 6 mars 1877 relatifs aux autres colo-
nies ont donné aux gouverneurs le droit de sanctionner les
arrêtés et décisions, pris par eux pour régler les matières
d'administration et pour assurer l'exécution des lois et décrets
promulgués dans la colonie, en édictant des pénalités pouvant
s'élever à quinze jours de prison et 100 francs d'amende (1).
Tant que les peines édictées par le gouverneur n'excèdent pas
celles de droit commun en matière de contraventions, c'est-à-
dire cinq jours de prison et 15 francs d'amende, les arrêtés
sont définitifs. Mais au delà de ces peines les arrêtés doivent
être soumis à l'approbation du pouvoir métropolitain : si dans
un délai de quatre mois pour l'Inde, le Sénégal, Saint-Pierre'
et Miquelon, la Guyane ( Déc. 6 mars 1877), de six mois pour
la Cochinchine, Mayotte et Nossi-Bé (Déc. 20 septembre 1877),
de huit mois pour la Nouvelle-Calédonie et l'Océanie (Déc.
20 septembre 1877), cette approbation n'est pas parvenue
dans la colonie, sous forme d'un décret du Président de la
République, l'arrêté est caduc et les peines ne peuvent plus
être appliquées.
Cette caducité s'applique seulement aux arrêtés rendus en
matière de police ou d'administration. Quant aux arrêtés par
lesquels le gouverneur détermine l'assiette, le tarif, les règles
de perception et le mode de poursuite des taxes et contribu-
tions publiques, ils doivent être soumis immédiatement à l'ap-
probation du ministre, mais aucun délai n'est imparti à cet
égard et ils sont provisoirement exécutoires (2). Les arrêtés,
(1) Le gouverneur seul peut prendre ces arrêtés; les chefs d'adminis-
tration ne jouissent aucunement de ce droit. (Dépêche à la Guadeloupe,
30 septembre 1882. B. O. Guad. 1882, p. 653).

(2) Trib. confl. 7 avril 1884 (aff. Jablin). S. 86.3.9. — Cass. crim. 24 dé-
cembre 1887 (Bull. crim. u° 446) ; 10 février 1893 (aff. Pavadéchetty)
COLONIES, I.
22

— 338 —
pris en matière fiscale, doivent viser, à peine de nullité, une
délibération du conseil général (une délibération de la com-
mission coloniale ne serait pas suffisante) (1); ils ne peuvent
établir des peines afllictives, mais seulement des amendes,
qui sont moins une peine que la réparation du préjudice causé
au Trésor par la fraude (2).
§ 8. — Pouvoirs extraordinaires.
351. Les ordonnances de 1825, 1827 et 1833 avaient ac-
cordé aux gouverneurs des pouvoirs extraordinaires, à l'égard
tant des habitants libres que des fonctionnaires ; ils pouvaient
« exclure d'un des cantons, ou mettre en surveillance, dans
« un canton déterminé, les individus qui compromettent ou
« troublent la tranquillité, expulser, pour un temps ou pour
« une durée illimitée, les personnes coupables d'actes ten-
« dant à attaquer le régime constitutif de la colonie, refuser
« aux individus signalés par leur mauvaise conduite le droit
* de tenir des boutiques, échoppes ou cantines, à moins
« qu'ils ne fournissent une caution suffisante; enfin refuser
« l'admission, dans la colonie, des individus dont la présence
« est jugée nuisible. » Ces mesures, d'un autre âge, contraires
à tous les principes en usage dans la métropole, ont été abro-
gées par le décret du 7 novembre 1879, pour les trois colo-
nies régies par le sénatus-consulte de 1854, par le décret du
15 novembre 1879, pour l'Inde, la Guyane et le Sénégal, par
celui du 26 février 1880, pour les autres possessions.
352. Le droit commun confère d'ailleurs aux gouverneurs
des pouvoirs suffisants dans presque tous les cas pour qu'on
ail pu sans crainte les priver de ces droits exorbitants. En
matière de haute police, ils peuvent exerçer toutes les attribu-
tions du ministre. Les actes d'ailleurs qu'ils accomplissent
S. 9b.1.253. — Ibid ; 15 juin 1894 (aff. Nguyen van Umh). S. 96.1.301.
Cass. civ. 7 janvier 1896 (aff. Dartie). S. 96.1.409.
(1) Cass. civ. 7 janvier 1896 (aff. Dartie). S. 96.1.409.
(2) C. d'Et. avis des sections réunies des finances et de législation :
28 mai 1891 ; avis de la section des finances : 26 mars 1895.

— 339 —
dans la limite de leurs pouvoirs sont des actes administratifs
dont la censure échappe à la justice civile et relève unique-
ment de la compétence administrative (1). La législation sur
l'état de siège leur permet : 1° d'éloigner les repris de justice
et les individus qui n'ont pas leur domicile dans la colonie :
-2° d'ordonner la remise des armes et des munitions, do procé-
der à leur recherche et a leur enlèvement ; 3° d'interdire les
publications et les réunions qu'ils jugent de nature à exciter ou
à entretenir le désordre.
Les gouverneurs sont consultés sur les demandes de natu-
ralisation, ils ont le droit d'expulser les étrangers dans les
conditions déterminées par la loi du 3 décembre 1849 (2),
mais, pour les étrangers admis à domicile, l'obligation de
faire retirer l'autorisation par décret dans un délai de deux
mois rend presque impossible l'usage de ce droit.
Ils ne peuvent plus, il est vrai, refuser l'entrée de la colo-
nie à qui que ce soit, mais les pouvoirs précédents peuvent au
besoin leur suffire, le plus souvent, pour débarrasser la colonie
d'un hôte dangereux.
Enfin, lorsque le décret de 1879 a été promulgué, la légis-
lation métropolitaine sur les débits de boissons, rendue en
même temps applicable aux colonies, exigeait l'autorisation
préalable pour l'ouverture des établissements de cette nature;
le gouverneur possédait des droits suffisants pour empêcher
le développement de ce commerce dangereux. 3Iais, depuis
lors, est intervenue la loi du 17 juillet 1880 qui a été rendue
applicable aux colonies, et les gouverneurs sont aujourd'hui
peu armés contre l'invasion de
ce
véritable
fléau, plus
désastreux peut-être encore dans les colonies que dans la
métropole (V. n° 350).
353. Quant aux fonctionnaires, le gouverneur pouvait autre-
fois, non seulement prononcer leur suspension provisoire,
mais encore leur interdire la résidence du chef-lieu ou leur
assigner le canton de la colonie dans lequel ils devaient rési-
der pendant le temps de leur suspension. A l'égard des chefs
d'administration, des membres de l'ordre judiciaire et des
(1) Trib. Conf, 22 avril 1882. 'aff. Soleillet). L. 82, p. 373.
(2) L. 29 mai 1874.

— 340 —
chefs de corps qui pouvaient se trouver dans ce cas, il avait
fallu limiter les droits du gouverneur, et celui-ci ne pouvait
prononcer la suspension qu'après leur avoir fait connaître les
griefs existant contre eux et offert les moyens de passer en
France pour rendre compte de leur conduite au ministre.
Les facilités de communication avec la métropole
ne
rendent plus nécessaires des pouvoirs aussi considérables;
l'éloignement du chef-lieu ou l'internement du fonctionnaire
sont des mesures dont on n'a guère usé d'ailleurs et qui
devaient disparaître de notre législation. Le décret du 7 no-
vembre 1879 les a supprimés en conservant toujours aux gou-
verneurs le droit de suspension. Les dispositions relatives
aux chefs d'administration et aux membres de l'ordre judi-
ciaire ont été maintenues, mais elles n'ont pas été conservées
pour les chefs de corps. La suspension prononcée définitive-
ment par le gouverneur seul ne peut excéder une durée de
deux mois, mais la suspension provisoire avec suppression de
moitié du traitement, prononcée en
conseil privé par le
gouverneur jusqu'à ce que le ministre ait statué, dure, en
vertu des dispositions du décret du 16 juillet 1884, jusqu'à la
décision du ministre (1.
En ce qui concerne les inspecteurs des colonies, le gouver-
neur ne peut intervenir en aucune façon; ils relèvenl unique-
ment du ministre.
354. Les décisions prises par les gouverneurs en ces
matières peuvent être déférées au contentieux par la voie du
recours pour excès de pouvoir: les actes de gouvernement,
c'est-à-dire du pouvoir discrétionnaire, n'échappent pas à
cette voie de recours lorsque l'on n'a pas suivi les formalités
prescrites par la loi ou qu'ils sont appliqués par des autorités
incompétentes. Le Conseil d'Etat est donc compétent — et
seul compétent — pour connaître de ce recours ; il peut annu-
ler les arrêtés d'expulsion ou autres pris par les gouverneurs,
mais il ne saurait dans ces circonstances accorder des dom-
mages-intérêts à ceux qui ont pu en souffrir (2): le droit à
(1) C. d'Et. cont. (aff. Chaila). L. 87, p. 716.
(2) C. d'Et. cont. 12 décembre 1884 (aff. Puech) : — Considérant... que

si l'arrêté du 8 janvier 1875, prononçant l'expulsion du sieur Puech

— 341 —
indemnité n'existerait que s'il y avait eu non seulement excès
de pouvoir, mais encore détournement de pouvoirs dans un
but financier et fiscal.
Le pouvoir qui appartient au gouverneur ne peut d'ailleurs
être exercé par le ministre; sans doute l'article 79 de l'ordon-
nance du 27 août 1828 donne au ministre le droit de révoquer
les arrêtés d'expulsion, d'infirmer les arrêtés du gouverneur,
mais il ne saurait, omisso medio, évoquer directement une
question sur laquelle il ne doit se prononcer qu'en appel.
Si, d'ailleurs, un arrêté ministériel ne peut provoquer
l'expulsion d'un citoyen, il n'en est pas de même d'une déci-
sion présidentielle; dans les colonies autres que la Martinique,
la Guadeloupe et la Réunion, un décret simple pouvant modi-
fier la législation, on doit reconnaître à un acte de même
valeur le droit de statuer dans des circonstances déter-
minées.
355. On avait cru nécessaire, au Sénégal comme en Cochin-
chine, d'armer le gouverneur, vis-à-vis des indigènes non
citoyens français, de pouvoirs plus considérables que ceux
résultant du décret du (i mars 1877, et un décret du 30 sep-
tembre 1887 avait autorisé le gouverneur à prendre des
arrêtés pour réprimer, par voie disciplinaire, les infractions
commises par ces indigènes. Les pénalités qui pouvaient être
édictées étaient celles prévues en 1877 ; mais il n'était pas néces-
saire qu'un décret intervint dans un délai de quatre mois
pour les approuver; en outre l'application de ces arrêtés était
confiée à l'autorité administrative.
Le gouverneur pouvait ordonner l'internement des indi-
gènes non citoyens français et de ceux qui leur sont assimilés
Déc. 30 sept. 1887). Cette indication d'indigènes assimilés,
qui avait sa raison d'être dans le décret du 25 mai 1881,
relatif à la Cochinchine (1) et qui avait été probablement
hors de la Nouvelle-Calédonie, a été pris sans la participation du conseil
d'administration, l'omission de cette formalité n'est pas de nature à
engager la responsabilité pécuniaire de l'Etat... L. 84.891.

(i) Il y a lieu, d'ailleurs, de remarquer qu'en 1881 le décret disait :
« qui leur seront assimilés » tandis que le décret de 1887 parle des
indigènes « qui leur sont assimilés a ce qui s'explique plus difficilement.

— 342 —
reproduite par erreur pour le Sénégal, y laissait place à la
plus grande ambiguïté.
Le gouverneur pouvait également ordonner le séquestre de
leurs biens.
Ce régime spécial a été successivement étendu à la Nou-
velle-Calédonie (1), aux Iles-sous-le-Vent (2), à Madagascar et
à Mayotte (3). Mais il a été profondément modifié en Indo-
Chine et en Afrique occidentale. Un décret du 6 janvier 1903
l'a supprimé sur tout le territoire de la Cochinchine. Des
arrêtés du gouverneur général de l'Indo-Chine pris sur la
proposition du lieutenant-gouverneur et du procureur général
chef du service judiciaire déterminent actuellement etpunissent
des peines de simple police les infractions spéciales aux indi-
gènes non prévues par le code pénal. 11 a paru, en effet,
après avis du gouverneur général, que la sécurité de la
Cochinchine était assez complète pour permettre sans danger
ce retour au droit commun. La recherche et la poursuite
des contraventions spéciales aux indigènes appartient aux tri-
bunaux ordinaires, ou, en l'absence de ces tribunaux, aux
administrateurs. Ces derniers conservent encore, d'ailleurs,
provisoirement il est vrai, le droit d'appliquer par voie disci-
plinaire aux Annamites non citoyens français et aux Asiatiques
qui leur sont assimilés la peine de l'emprisonnement et celle
de l'amende, pour retard non justifié dans le payement de
l'impôt, et, en général, des sommes dues au village, à la pro-
vince et à la colonie. La durée de l'emprisonnement ne peut,
en aucun cas, excéder cinq jours et le maximum de l'amende
est de quinze francs. Mais les décisions disciplinaires des
administrateurs peuvent être attaquées par la voie du recours
en conseil privé quand elles prononcent un emprisonnement
de plus de deux jours ou une amende de plus de cinq francs.
En Annam et au Tonkin, le régime de l'indigénat a été
1 objet de décrets du 5 février 1897 et du 11 octobre 1904
L'internement des indigènes non justiciables des tribunaux
français et le séquestre de leurs biens ne peuvent être pro-
(1) Déc. du 18 juillet 1887 et du 12 mars 1897.
(2) Déc. du 27 juin 1897.
(3) Déc. du 7 juillet 1901.


— 343 —
nonces que clans des cas déterminés et pour une durée qui ne
peut être supérieure à dix ans. Ces mesures spéciales font
l'objet d'arrêtés du gouverneur général pris en commission
du conseil supérieur, sur la proposition du résident supérieur
compétent et après avis du chef du service judiciaire. Des
règles analogues ont été appliquées aux territoires dépendant
du gouvernement général de l'Afrique occidentale française
par un décret du 21 novembre 1904.
SECTION Y
CHEFS D ADMINISTRATION ET CHEFS DE SERVICE.
CIRCONSCRIPTIONS ADMINISTRATIVES.
§ 1. — Chefs d'administration et de service.
356. Auprès du gouverneur et sous sa direction, étaient
autrefois placés un certain nombre de chefs d'administration
et de service placés chacun à la tête de l'une des branches de
l'administration. C'étaient :
Le commandant supérieur des troupes (Cochinchine, Séné-
gal, Guyane, Nouvelle-Calédonie) ;
Le commandant de la marine (Cochinchine, Gabon, Séné-
gal) ;
Le directeur de l'intérieur, ordonnateur des dépenses ci-
viles (1);
Le chef du service judiciaire (procureur général aux An-
illes, à la Réunion, dans l'Inde, en Indochine, à Madagascar,
en Nouvelle-Calédonie, au Sénégal, en Guyane; procureur de
la République à Saint-Pierre et Miquelon et à Tahiti; juge
unique au Gabon) ;
Le chefdu service administratif, ordonnateur des dépenses
militaires (1);
(1) Le lieutenant, gouverneur de la Cochinchine, s'était vu conférer ces
attributions.

— 344 —
Le directeur du service pénitentiaire à la Nouvelle-Calédo-
nie et a la Guyane;
Ces fonctionnaires avaient le titre de chefs d'administration
et faisaient partie du conseil privé.
Le directeur d'artillerie;
Le chef du service de santé;
Le trésorier payeur;
Le chef du service religieux (évêque aux Antilles et à la
Réunion; préfet apostolique à la Guyane, au Sénégal, dans
l'Inde; supérieur ecclésiastique à Saint-Pierre et Miquelon.
En Cochinchine, en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti, dans nos
colonies africaines, il existait des vicaires apostoliques n'ap-
partenant pas à l'administration);
Le proviseur du lycée à la Martinique, la Guadeloupe et la
Réunion;
Le protecteur des immigrants à la Réunion.
A cette liste des principaux chefs d'administration et de
service et à leurs attributions, bien des modifications ont été
apportées.
356 bis. Tout d'abord tenant compte de la situation présente
de nos colonies, administrées aujourd'hui par des gouverneurs
civils, et reliées à la métropole par des câbles télégraphiques,
un décret du 21 mai 1898 a supprimé dans nos possessions
les fonctions de directeur de l'intérieur et celles de secrétaire
général des directions de l'intérieur. Le gouverneur exerce
maintenant, à titre d'attributions propres, outre celles qui
lui sont personnellement conférées par les textes en vigueur,
celles qui étaient autrefois confiées au directeur de l'intérieur.
Le gouverneur est assisté d'un secrétaire général qui
occupe le premier rang après lui et le remplace en cas d'ab-
sence, et qui le représente au sein du conseil général et de la
commission coloniale, mais qui n'est toujours que son repré-
sentant ou son délégué. D'après l'article 4 du décret, le gou-
verneur exerce à l'égard du secrétaire général les mêmes pou-
voirs qu'envers les chefs d'administration.
En outre, dans la nomenclature des chefs d'administration
et de service, il y aurait lieu de faire figurer aujourd'hui le
secrétaire général du gouvernement général de l'Indo-Chine,
le secrétaire général du gouvernement général de l'Afrique oc-

— 345 —
cidentale française, les chefs de services généraux (agriculture,
instruction publique, et travaux publics) de l'Indo-Chine, de
l'Afrique occidentale française, et, dans certaines colonies
(Sénégambie-Niger, Guinée française, Côte d'ivoire, Dahomey,
Madagascar), le directeur du chemin de fer ; dans toutes les
autres colonies, le chef du service des travaux publics, le di-
recteur du contrôle financier en
Indo-Chine et à Mada-
gascar, etc.
Enfin, l'application aux colonies du régime de la sépara-
tion de l'Eglise et de l'Etat ne permettra plus de considérer
dans aucune de nos possessions l'èvêque, le vicaire aposto-
lique, ou le supérieur ecclésiastique, comme chef d'un service
public et comme revêtu d'une qualité officielle.
357. Nous n'entrerons pas dans le détail des attributions de
chacun des chefs d'administration et de service; ces renseigne-
ments sont donnés par les ordonnances ou les décret organiques
de chaque colonie; nous nous contenterons d'indiquer quelques
règles génerales relatives à la situation des uns et des autres.
Les chefs de service, relevant directement du gouverneur,
sont dans une situation semblable à celle des chefs d'adminis-
tration, sauf en ce qui concerne le droit de faire partie du con-
seil privé; ils y sont appelés, avec voix consultative seulement,
quand on y traite des affaires rentrant dans leurs attributions.
Ils peuvent contresigner les arrêtés du gouverneur; ils pou-
vaient élever le conflit sous l'empire de l'ordonnance du -23 juil-
let 1840 (1).
Ils sont les uns et les autres directement responsables des
actes de leur administration, à moins de justifier, soit qu'ils
ont agi en vertu d'ordres formels du gouverneur, et après lui
(1) C. d'Et. cont. 18 mai 1808. Considérant qu'aux termes de l'ar-
ticle 108 de l'ordonnance royale du -23 juillet 18i0, le conflit d'attribu-
tions peut être élevé par les chefs d'administration, chacun en ce qui

le concerne, qu'il résulte des articles 2 à 62 de la même ordonnance,
que le commissaire de la marine à Pondichéry est chef du service ad-
ministratif, et que l'affaire dans laquelle il a élevé le conflit rentrait
dans ses attributions; que, dès lors, le contlit a été régulièrement

élevé...
Aujourd'hui, le droit d'élever le conflit appartient au gouverneur
seul, Ainsi jugé par le tribunal des conflits le 22 juillet 1890, dans une
affaire où le conflit avait été élevé par l'administrateur en chef de
Diégo-Suarez.


— 346 —
avoir fait sur ces ordres des représentations non accueillies,
soit qu'ils ont proposé au gouverneur des mesures qui n'ont
pas été adoptées. Ils adressent au ministre copie de ces repré-
sentations ou propositions lorsqu'elles ont été repoussées.
358. Le remplacement des chefs d'administration ou de ser -
vice, quand ils quittent la colonie en congé, ou ne peuvent
remplir leurs fonctions, se fait suivant les règles spéciales rela-
tives à chaque administration.
Pour ceux qui appartiennent à des corps constitués militai-
rement (commandant des troupes, commandant de la marine,
chef du service administratif, directeur d'artillerie, chef du
service de santé), la succession appartient à l'officier le plus
élevé en gracie.
Pour la direction de l'intérieur, les ordonnances organiques
présentaient une rédaction un peu bizarre, le successeur devait
être désigné d'avance par décret mais uniquement parmi les
conseillers privés, tandis que, si aucun décret n'était intervenu,
le gouverneur pouvait choisir l'intérimaire parmi les conseillers
privés ou les différents fonctionnaires. On avait admis que le
gouvernement avait a fortiori les mêmes droits. Le décret du
23 décembre 1875 sur les directions de l'intérieur désignait le
secrétaire général comme remplaçant, en principe, le directeur
quand aucune autre désignation n'était faite par le gouverne-
ment métropolitain ou le gouverneur (1). Au Sénégal, le décret
du 2 octobre 1882 ne permettait pas au gouverneur de désigner
un autre fonctionnaire. Il en est de même dans l'Inde et en
Nouvelle-Calédonie où le secrétaire général remplace de droit
le directeur de l'intérieur (2).
369. Pour la justice une distinction est faite dans certaines
colonies selon que la cessation de service doit être de longue
durée ou simplement momentanée. Dans le premier cas le
remplaçant est désigné parmi les magistrats du ressort par dé-
oret, ou, à défaut, par arrêté du gouverneur.
Dans le second cas, la règle est la même dans l'Inde, en
(1) Une circulaire ministérielle, du 19 février 1884, rappelait aux gou-
verneurs et commandants qu'ils devaient adresser des propositions pour
l'intérim des fonctions de directeur de l'intérieur, pour qu'un décret

pût pourvoir à cette éventualité.
(2) Déc. 28 mai-i juin 1884.

— 347 —
Cochinchine et en Nouvelle-Calédonie. Au contraire à la Mar-
tinique, à la Guadeloupe, à la Réunion, à la Guyane, le chef
du service judiciaire est remplacé dans ses fonctions adminis-
tratives, de droit, par un officier du ministère public; au Sé-
négal par le conseiller près la cour d'appel, et à Saint-Pierre
et Miquelon parle président du conseil d'appel.
Pour le directeur de l'administration pénitentiaire et les
chefs de service, la désignation provisoire du remplaçant ap-
partient au gouverneur, à moins qu'il n'ait été pourvu d'avance
par décret à ce remplacement.
§ 2. Représentants du pouvoir central en dehors du chef-lieu.
Circonscriptions administratives
360. Les gouverneurs ont sous leurs ordres des fonction-
naires placés à la tête des diverses dépendances des colonies
ou chargés de l'administration des circonscriptions constituées
dans certaines de nos possessions. Ces fonctionnaires, qui
portaient autrefois les titres les plus divers, ont été groupés en
un seul corps par le décret du 2 septembre 1887. Le corps des
administrateurs coloniaux, ainsi constitué, est actuellement régi
par les décrets des 6 avril 1900 et 19 septembre 1903, qui ré-
glementent (n° 522 bis) le recrutement, l'avancement et les me-
sures disciplinaires.
Les administrateurs résidant dans les dépendances éloignées
du chef-lieu (V. n° 323) sont chargés d'une partie des attribu-
tions des gouverneurs : ils sont placés en dehors de l'action
des chefs d'administration ou de service; les ordres qui leur
sont transmis sont préparés par les différents bureaux, mais
signés par le gouverneur. Cependant, dans l'Inde, les admi-
nistrateurs, tout en restant sous la dépendance directe du gou-
verneur, sont devenus, depuis le décret du 13 juillet 1887, les
agents d'exécution des chefs d'administration ; en Océanie, les
résidents relèvent non du gouverneur, mais du directeur de
l'intérieur.
A la Guadeloupe, les dépendances les plus éloignées n'ont
pas de représentant spécial de l'autorité : depuis les décrets
des 23 août 1879 et 20 avril 1881, les quatre fonctionnaires

— 348 -
qui existent dans chacune d'elles relèvent directement de leurs
chefs dans la colonie. Il a été seulement spécifié que le juge
aurait le premier rang, mais sans autorité sur les autres fonc-
tionnaires.
Les administrateurs, au contraire, placés à la tète des cir-
conscriptions administratives des colonies relèvent du directeur
de l'intérieur et jouent vis-à-vis de lui un rôle analogue à celui du
sous-préfet vis-à-vis du préfet. Leurs attributions, dans les
diverses colonies, sont déterminées par le décret du 4 mai 1881
pour la Cochinchine, par les arrêtés locaux des 28 juin 1879,
26 juillet 1880 et 10 janvier 1883 pour la Nouvelle-Calédonie,
par le décret du 22 septembre 1887 pour le Sénégal.
361. Dans les pays de protectorat de l'Indochine, des rési-
dents sont placés auprès des autorités locales pour contrôler
leurs actes et prendre toutes les mesures nécessaires pour
assurer l'ordre et la sécurité dans leur circonscription. Le
personnel des résidences, dont les pouvoirs sout définis par
la circulaire du résident général, en date du 30 août 1886, a
été réorganisé par le décret du 14 septembre 1896.
Un décret en date du 16 septembre 1899 a réuni en un
même corps le personnel des résidences, le personnel des
affaires indigènes et du secrétariat général de la Cochinchine,
les comptables de l'Annam, du Tonkin et du Cambodge, et le
personnel des commissariats du Laos. Le personnel ainsi fu-
sionné a pris le titre de personnel des services civils de l'Indo-
Chine (nos 543-548).
A Madagascar, le décret du 28 décembre 1895 avait orga-
nisé le service des résidences comme en Indo-Chine. L'an-
nexion de l'île a eu pour effet de faire verser le personnel de
ces résidences dans le corps des administrateurs coloniaux
(Déc. 4 juillet et 12 septembre 1896).
SECTION VI
CONSEILS PRIVÉS ET CONSEILS D'ADMINISTRATION
362. Le gouverneur est assisté dans chaque colonie d'un

— 349 —
conseil privé ou conseil d'administration (1). Ce conseil, qui
le seconde dans les actes les plus importants, qu'il est obligé
de consulter dans un certain nombre de cas, mais dont les
avis ne sont jamais obligatoires pour lui (2), se transforme
par l'addition de magistrats en conseil du contentieux, tribu-
nal administratif analogue aux conseils de préfecture.
Le conseil privé est composé dans toutes les colonies (3) :
du gouverneur ou lieutenant-gouverneur, président, du secré-
taire général ou chef du service de l'intérieur (4), du chef du
service judiciaire, du chef du service administratif, de deux
habitants notables, conseillers privés, sauf à Saint-Pierre et
Miquelon ou il n'y a qu'un conseiller privé. 11 comprend en
outre, en vertu du décret du 2 juin 1899, le directeur des tra-
vaux publics ; en Nouvelle-Calédonie, le chef du service de
santé et le chef du service des domaines et de la colonisation
(décret du 7 février 1900); au Sénégal, l'officier le plus an-
cien dans le grade le plus élevé après le commandant supé-
rieur des troupes (Décret du 13 juin 1903).
Un secrétaire-archiviste est attaché au conseil; il est nommé
par le ministre sur la proposition du gouverneur.
Les conseils d'administration de la Guinée française, de la
Côte d'Ivoire et du Dahomey sont organisés, selon des prin-
cipes communs, par des décrets en date du 11 octobre 1899 et
du 4 mars 1903.
En dehors du lieutenant-gouverneur président, ils se com-
posent : 1° de trois membres choisis parmi les fonctionnaires;
2° de trois membres choisis parmi les habitants notables. Les
fonctionnaires membres du conseil sont désignés par le gou-
verneur dans l'ordre de préférence suivant : 1° le secrétaire
général; 2° le chef du service judiciaire ; 3° un fonctionnaire
(1) Le titre de conseil privé est remplacé par celui de conseil d'ad-
ministration dans les colonies de la Côte Somali, de Mayotte, de la Guinée,
du Haut-Sénégal et Niger, du Dahomey, de la cote d'Ivoire, du Gabon,
du Moyen Congo, des établissements français de l'Océanie et de Mada-

gascar.
(2) Sauf l'exception indiquée au n° 368.
(3) Le Conseil d'administration de Madagascar ne comprend pas de
conseillers privés (Déc. 3 août 1896).
(i) A Saint-Pierre et Miquelon. Déc. du 3 janvier 1899 et 4 avril 1900.

— 350 —
désigné par le gouverneur (chef du service des douanes, chef
de bureau ou administrateur).
La composition des conseils d'administration du Gabon et
du Moyen-Congo (4), du Haut-Sénégal et Niger (2), de Mayotte (3)
de Madagascar (4) et de la Côte Somali (5) est soumise à des règles
plus ou moins différentes. Λ Saint-Pierre et Miquelon, depuis
un décret en date du 25 juin 1897, le conseil privé se trans-
forme en conseil d'administration par l'adjonction du maire
de la ville de Saint-Pierre et du président de la Chambre decom-
merce. Dans les établissements français de l'Océanie, le conseil
d'administration est organisé par le décret du 19 mai 1903 qui a
supprimé le conseil général de Tahiti et groupé, en une colo-
nie homogène toutes les îles placées sous notre influence
dans les mêmes parages du Pacifique.
363. Les membres civils du conseil privé ou du conseil
d'administration sont choisis parmi les habitants notables de
la colonie. Aux Antilles, à la Réunion et à la Guyane, ils
doivent être âgés de trente ans révolus et être domiciliés dans
la colonie depuis cinq ans au moins. Au Sénégal et à Saint-
Pierre et Miquelon, ils doivent être citoyens français, âgés de
trente ans révolus et résider dans la colonie depuis cinq ans
au moins. Partout ailleurs, aucune condition d'âge, de séjour,
quelquefois même de nationalité, n'est exigée, de telle sorte
que le conseil privé appelé à connaître des questions poli-
tiques les plus graves, le conseil du contentieux appelé à
appliquer la loi française, pourraient, sans illégalité, com-
prendre des étrangers dans leur sein.
La substitution dans les récents décrets de la condition de
résidence à celle de domicile a pour cause la nécessité dans
laquelle on peut se trouver d'appeler aux fonctions de con-
seiller privé des citoyens conservant leur domicile dans la
métropole et appelés dans les colonies par leurs intérêts com-
merciaux.
(1) Déc. du 29 décembre 1903.
(2) Déc. du 18 octobre 1904.
(3) Déc. du 9 septembre 1899.
(4) Déc. du 12 novembre 1902.
(5) Déc. du 28 août 1897.

— 351 —
Les conseillers privés ou membres civils des conseils d'ad-
ministration sont nommés par décret du Président de la
République dans toutes les colonies, sauf à Mayotte, à la Côte
Somali, à Madagascar, en Afrique occidentale, au Congo, et
au Gabon, où ils sont désignés par le gouverneur ou le gouver-
neur général. La durée de leurs fonctions est partout de deux
ans, sauf à la Réuion où l'ordonnance du 29 octobre 1843 a
porté cette durée à trois ans, et en Cochinchine où le décret
du 22janvier 1887 a fixé cette durée à quatre ans. Ils peuvent
être d'ailleurs nommés de nouveau à l'expiration de chaque
période.
Dans les colonies de la Guyane, du Sénégal, de l'Inde et
de la Nouvelle-Calédonie, il y a incompatibilité entre les fonc-
tions de conseiller privé et de conseiller général. Cette
incompatibilité n'existe pas dans les autres colonies.
Des conseillers privés suppléants existent dans chaque colo-
nie en nombre égal à celui des conseillers titulaires (1) : ils
les remplacent en cas d'absence et d'empêchement; le mode
de nomination, les conditions, la durée des fonctions, etc.,
sont les mêmes pour eux que pour les titulaires. Il en est
ainsi pour les membres civils des conseils d'administration.
364. Les conseillers privés titulaires étaient chargés par les
ordonnances constitutives des Antilles, de la Réunion et de la
Guyane, de certaines fonctions spéciales d'inspection (2) ; ils
ne pouvaient donner aucun ordre, arrêter ni suspendre aucune
opération ; leurs attributions se bornaient à signaler les abus
où irrégularités, à présenter des propositions d'amélioration.
Quoique les prescriptions réglementaires à ce sujet n'aient pas
été modifiées (3), elles sont devenues, en fait, presque sans
objet, par suite de l'extension des pouvoirs des conseils
généraux.
Dans ces quatre mêmes colonies, les conseillers privés titu-
(1) Le décret du 23 octobre 1893 a fixé leur nombre à 3 en Cochin-
chine.
(2) Ord. 21 août 1825, art. 169 et 170; 9 février 1827, art. 185 et 186;
27 août 1828, art. 174 et 175.
(3) Sauf en ce qui concerne les banques pour lesquelles les fonctions
de censeur légal sont remplies par un officier du commissariat ou un
fonctionnaire désigné par le gouverneur (Déc. 3 février 1891, art. 2).

laires, qui cessent leurs fonctions après huit ans de service,
peuvent obtenir le titre de conseillers honoraires.
365. Le conseil privé doit appeler dans son sein — avec voix
délibërative à dans l'Inde, en Nouvelle-Calédonie — et a
Saint-Pierre et Miquelon avec voix consultative dans les autres
colonies — les chefs de service ainsi que certains fonction-
naires, lorsqu'il est traité de matières rentrant dans leurs attri-
butions. Pour chaque colonie, les. ordonnances constitutives
donnent la liste des fonctionnaires qui doivent être ainsi appelés
à prendre part momentanément aux travaux du conseil. En
outre, celui-ci peut demander à entendre toutes les personnes
qu'il croit en mesure de l'éclairer : le gouverneur décide s'il
sera fait droit à cette demande.
Quoique cette dernière mention n'existe pas pour Saint-
Pierre et Miquelon, que l'on puisse par suite prétendre qu'à
contrario le conseil est en droit d'appeler devant lui certaines
personnes sans l'autorisation du gouverneur, nous ne saurions
admettre cette interprétation. Les termes mêmes du 1er para-
graphe « le conseil peut demander à entendre... » impliquent
par eux-mêmes (et sans qu'il soit nécessaire d'ajouter la faculté,
pour le gouverneur, d'acquiescer ou non à cette demande;,
l'impossibilité pour le conseil de réclamer ceci comme un droit.
D'autre part, cet article a été supprimé dans le décret,
relatif à la Nouvelle-Calédonie : on ne se rend pas facilement
compte de cette suppression, mais elle nous paraît modifier
complètement la situation : il ne saurait appartenir ni à un
gouverneur ni à un conseil d'appeler devant celui-ci qui que ce
soit sans une autorisation expresse; celte autorisation, en
Nouvelle-Calédonie, n'existe (à l'état d'obligation d'ailleurs)
que pour les fonctionnaires explicitement désignés à l'article
153 du décret du 12 décembre 1874.
Le décret du 15 octobre 1902 donne accès au conseil privé
du Sénégal aux directeurs des services militaires. Ceux-ci sont
entendus à titre consultatif pour les questions concernant leurs
services respectifs et avec voix deliberative pour toutes celles
qui se rattachent aux fonctions civiles dont ils sont investis.
Aucune disposition de ce genre n'existe pour ceux des chefs de
service civils qui n'ont pas accès permanent au conseil,
En Guinée française, à la Côte-d'Ivoire et au Dahomey, le

— 353 —
chef du servie de santé, le chef du service des travaux publics
et tous autres chefs de service peuvent, aux termes du décret
du 4 mars 1903, siéger au conseil avec voix consultative. Il
s'agit certainement dans ce cas, bien que le décret n'ait rien
spécifié, de les appeler à se prononcer sur des matières ren-
trant dans leurs attributions. Ils peuvent également remplacer
avec voix délibérative les membres titulaires du conseil en
l'absence de ceux-ci.
A Madagascar, d'après le décret du 12 novembre 1902 (art. 3),
lorsqu'il s'agit de questions intéressant les services militaires,
les directeurs de ces services ne peuvent être entendus en
séance du conseil d'administration qu'à titre consultatif. L'arti-
cle 9 du décret prévoit, il est vrai, le cas où les directeurs de
ces mêmes services sont appelés à siéger au conseil « avec
voix délibérative » à raison des fonctions civiles dont ils sont
investis. Aucune disposition de ce genre n'est appliquée par le
décret aux chefs des services civils n'ayant pas accès perma-
nent au conseil. Toutefois, d'après l'article 6 le conseil « peut
demander à entendre », à titre de renseignement, tous fonc-
tionnaires européens ou indigènes et autres personnes qu'il
juge utile de consulter. Il est évident que le conseil ne peut se
prévaloir de cette disposition comme d'un droit pour obliger
les fonctionnaires, et d'une manière générale les habitants, de
la colonie à comparaître devant lui.
Enfin, et là même apparaît l'incertitude des principes à ce
point de Vue, les décrets du 19 mai et du 29 décembre 1903
n'ont prévu dans aucune de leurs dispositions la présence,
avec voix consultative, délibérative ou à litre de renseigne-
ments, des chefs de services civils ou militaires ou de toutes
autres personnes, dans les conseils d'administration des éta-
blissements français de l'Océanie du Gabon et du Moyen-
Congo (1).
366. Le conseil est présidé par le gouverneur, et, en son
absence, d'après l'article 3 du décret du 21 mai 1898, par le
sécrélaire général.
Les différents décrets règlementent la tenue des séances et la.
(1) Cette observation s'applique également au décret du 3 mars 1906,
qui a réorganise les conseils d'administration du Congo.
COLONIES, I.
23

— 354 —
formes des délibérations. Nous signalerons seulement l'obliga-
tion du serment imposé aux membres du conseil et au secré-
taire lorsqu'ils siégent pour la première fois, obligation étendue
aux fonctionnaires qui assistent à ces délibérations même avec
voix consultative (2). Les ordonnances et décrets, ne prescri-
vant le serment que pour les membres du conseil, ne paraî-
traient pas s'appliquer à ces fonctionnaires; mais ils ajoutent
« lorsqu'ils siègent ou assistent » : les membres du conseil ne
pouvant simplement assister aux séances, on doit en conclure
que l'obligation du serment s'étend à toute personne qui, à un
titre quelconque, prend part aux délibérations.
La présence de tous les membres du conseil est obligatoire
pour que celui-ci puisse valablement délibérer; les membres
qui, par suite d'un empêchement absolu, ne peuvent assister
aux séances, doivent se faire remplacer par leurs suppléants
hiérarchiques (3). Le gouverneur seul peut se dispenser, sans
être remplacé, d'assister aux séances; cette faculté toutefois lui
est refusée quand le conseil siège comme tribunal du conten-
tieux.
La voix du gouverneur est prépondérante en cas de par-
tage, mais ce droit n'appartient pas au fonctionnaire présidant
en cas d'absence du gouverneur. Dans ce cas, la décision doit
être ajournée jusqu'à ce que le gouverneur puisse départager
le conseil.
3G7. Les attributions du conseil privé et du conseil d'admi-
nistration sont de deux ordres : 1° il juge comme tribunal ad-
ministratif; nous indiquerons ( nos 777 et suiv.) son mode de
fonctionnement et les pouvoirs qu'il exerce à ce titre; 2° il est
conseil consultatif placé auprès du gouverneur; 3° enfin, à la
Guyane, il jouit d'un pouvoir propre dans certains cas parti-
culiers.
Le gouverneur peut demander l'avis du conseil sur toutes
les affaires qui lui paraissent réclamer son concours; il est
en outre obligé de provoquer cet avis dans un certain nombre
(2) Cette obligation existe également pour l'inspecteur des services
administratifs et financiers (Circ min. 13 mai 1884).
(3) A Madagascar, en cas d'empêchement d'un fonctionnaire, son sup-
pléant est désigné par arrêté spécial du gouverneur général.

— 355 —
de cas déterminés par les ordonnances organiques. Aucune
affaire de la compétence du conseil ne doit lui être soustraite;
les membres titulaires pourraient en ce cas présenter des ob-
servations. Les avis du conseil ne lient d'ailleurs nullement le
gouverneur ; celui-ci n'est obligé que de les provoquer : toute-
fois, en cas d'exécution capitale, le sursis est de droit quand il
est demandé par deux membres du conseil privé.
Les membres titulaires du conseil peuvent, en séance, sou-
mettre au gouverneur les propositions ou observations qu'ils
jugent utiles au bien du service : le gouverneur décide s'il en
sera délibéré ; en l'absence du gouverneur, de pareilles pro-
positions ne peuvent être déposées.
Le conseil privé ne peut correspondre avec aucune autorité.
Les procès-verbaux des séances doivent être envoyés au
ministre ; autrefois cet envoi était fait en double expédition :
d'une part, par le gouverneur; de l'autre, par l'inspecteur des
services administratifs et financiers (1) ; une dépêche ministé-
rielle du 19 juillet 1883 a dispensé les administrations colo-
niales de l'envoi de cette seconde expédition.
368. L'article 164 de l'ordonnance du 27 août 1828 relative
à la Guyane reste seul en vigueur des anciennes dispositions,
qui, antérieurement à 1854, accordaient aux conseils privés une
action directe dans les affaires coloniales. Les conseils privés
des Antilles et de la Réunion possédaient, eux aussi, le droit
de statuer en certaines matières ; mais le sénatus-consulte du
3 mai 1854, en déclarant que les conseils privés étaient con-
sultatifs dans ces colonies, a abrogé les articles 175-179 des
ordonnances qui les régissent. La Guyane, étant soumise au
régime des décrets simples, ne s'est pas trouvée comprise
dans cette mesure et, aucun décret n'ayant modifié le fonction-
nement de son conseil privé, l'article 164 reste toujours en
vigueur, accordant au conseil privé un droit propre, celui
de statuer, d'une manière définitive, dans un certain nombre
de cas.
369. Le gouverneur général de l'Indochine a auprès de lui le
conseil supérieur de l'Indochine, institué par décret du 17 oc-
(1) Ord. 9 février 1827, art. 166.

— 356 —
tobre 1887 et réorganisé par décret du 8 août 1898, et le
conseil de protectorat de l'Annam Tonkin, institué par décret
du 21 septembre 1894.
Le premier de ces conseils n'est composé que de hauts fonc-
tionnaires de l'Indochine ; dans le second siègent à la fois de
hauts fonctionnaires et des notables désignés chaque année
par le gouverneur général, notables indigènes et délégués de
chambres de commerce ou d'agriculture. Le conseil supérieur
de l'Indochine est chargé d'éclairer le gouverneur sur les
questions qu'il veut bien lui soumettre; cependant, son avis doit
être obligatoirement pris en matière budgétaire. Le conseil du
protectorat a un rôle analogue à celui d'un conseil privé : il
donne nécessairement son avis sur un certain nombre d'af-
faires, et facultativement sur toutes les questions que le gou-
verneur soumet à son examen ; enfin, il se transforme, par
l'adjonction de deux membres de l'ordre judiciaire, en conseil
du contentieux administratif.
369 bis. Le gouverneur général de l'Afrique occidentale
française avait auprès de lui, outre le conseil privé du Séné-
gal, un conseil supérieur institué par décret du 15 septembre 1895.
Ce conseil avait un rôle purement administratif : il donnait
son avis sur toutes les questions que le gouverneur lui soumet-
tait, mais il devait être obligatoirement consulté en matière
budgétaire.
Ce conseil a été remplacé par un conseil de gouvernement,
actuellement organisé par un décret du 18 octobre 1904. Il
comprend comme membres la plupart des hauts fonctionnaires
ainsi qu'un certain nombre d'habitants notables. Il est présidé
par le gouverneur général, ou, en son absence, par le secrétaire
général du gouvernement général. C'est un conseil consultatif,
mais le gouverneur général est obligé de prendre son avis sur
un certain nombre de matières, lorsqu'il s'agit notamment
d' « arrêter » les budgets, de « statuer » sur les emprunts de
« fixer » les contributions des colonies de l'union aux dépenses
d'intérêt commun, et de « déterminer » les circonscriptions
administratives. Ces expressions doivent s'entendre d'ailleurs
seulement en ce sens que le droit de décision appartient au
gouverneur général le conseil de gouvernement entendu.
Le conseil de gouvernement de l'Afrique occidentale fran-

— 357 —
çaise se réunit au moins une fois L'an, sur la convocation du
gouverneur général qui fixe également le lieu de la réunion;
une commission permanente du conseil donne son avis clans
l'intervalle des sessions.
Un conseil de gouvernement, dont la composition et le rôle
ont été déterminés par décret du 29 décembre 1903 (1), a été ins-
titué de même pour nos possessions du Congo. 11 siège à
Brazzaville, se réunit au moins une fois par an, est présidé par
le commissaire général, et se compose : du lieutenant-gouver-
neur du Gabon ou de son représentant, du délégué du commis-
saire général à Bangui ou de son représentant, du commandant
du territoire du Tchad ou de son représentant, enfin de tous
les membres du conseil d'administration du Moyen-Congo. Les
chefs des divers services civils, militaires ou maritimes peuvent
y être admis avec voix consultative lorsqu'il y est traité d'affaires
de leur compétence. C'est également avec voix consultative que
l'inspecteur des colonies, chef de mission, ou son représentant,
peut assister aux séances du conseil.
Le conseil de gouvernement du Congo français est un conseil
consultatif. Il donne son avis sur toutes les questions qui lu
sont soumises. C'est toutefois obligatoirement en conseil de
gouvernement que le commissaire général arrête les budgets
du Gabon et du Moyen-Congo (n03 77 et 910 bis).
SECTION VII.
INSPECTION DES COLONIES.
370. La nécessité a été reconnue de tout temps de placer à
côté des officiers et fonctionnaires chargés aux colonies de
l'action administrative ou des services financiers, d'autres fonc-
tionnaires chargés de les contrôler, de s'assurer de la régularité
de leurs opérations, de l'exécution des lois, décrets et règle-
ments (2). Ce système, imité de celui qui existe dans la marine
(1) Complété par le décret du 3 mars 1906.
(■2) Il y avait sous l'ancien régime des contrôleurs de la marine aux


— 358 —
depuis l'ordonnance du 15 avril 1689 ( liv. XII, tit. IV), a donné
de bons résultats, mais des variations considérables se sont
produites dans son mode d'application.
Doit-on conserver des contrôleurs à poste fixe"? Est-il préfé-
rable d'avoir recours, comme dans les services financiers métro-
politains, à des inspections intermittentes"? Ces contrôleurs
doivent-ils appartenir aux corps coloniaux, ou être simplement
détachés d'un corps métropolitain"? Ces différentes solutions
ont été tour à tour jugées les meilleures.
Sous le régime des ordonnances de 1827 et 1828, le contrôle
était exercé dans chaque colonie par un officier du commissariat
colonial, le second par ordre d'ancienneté (le plus élevé en grade
étant ordonnateur).
On pensa qu'il était préférable de recourir à un contrôle
intermittent exercé par une inspection mobile composée d'of-
ficiers généraux à la disposition du ministre, de laisser aux
ordonnateurs locaux le contrôle sur les comptables justiciables
de la Cour des comptes, au directeur de l'intérieur le contrôle
snr les comptables justiciables du conseil privé, et le décret
du 15 avril 1873 constitua une inspection mobile dont les
membres étaient détachés du commissariat colonial. Cette orga-
nisation dura peu : un décret, en forme de règlement d'admi-
nistration publique, en date du 23 juillet 1879, lui substitua un
système nouveau; l'inspection coloniale fut rattachée à l'inspec-
tion des services administratifs et financiers de la marine; le
contrôle préventif et permanent fut exercé par des inspec-
teurs en résidence dans nos principaux établissements d'outre-
mer et l'inspection inopinée fut confiée à deux inspecteurs en
chef mobiles.
Mais bientôt le désir d'assurer l'autonomie du service colonial
fit introduire de nouvelles et profondes modifications dans cette
organisation. L'inspection coloniale a été de nouveau séparée
de l'inspection des services administratifs de la marine par les
décrets des 20 juillet et 24 août 1887, et confiée à un corps
spécial, organisé par les décrets des 25 et 26 novembre 1887,
9 août 1889 et 3 février 1891. Ce corps, formé au début par
colonies exerçant les mêmes fonctions que dans les ports (Règl. roy
24 mars 1703, art. 55, Code de la Martinique).

— 359 —
des inspecteurs de la marine, se recrute désormais au conr
cours parmi les commissaires coloniaux et les fonctionnaires
de l'administration centrale, des secrétariats généraux du
service pénitentiaire.
Les inspecteurs des colonies sont des fonctionnaires civils,
ayant une hiérarchie propre; ils ne peuvent être révoqués que
par décret, après avis d'un conseil d'enquête, cet avis ne pou-
vant être modifié qu'en faveur de l'inculpé. Les règles qui pré-
sident à l'avancement et les peines disciplinaires ont été fixées
par les décrets d'organisation.
Le décret du 20 juillet 1887 avait laissé subsister à la fois
l'inspection permanente et l'inspection mobile; le décret du
3 février 1891 a définitivement supprimé l'inspection perma-
nente. Cependant, des arrêtés ministériels peuvent créer aux
colonies des missions permanentes d'inspection mobile.
370. La loi de finances du 31 mars 1903, dans ses articles
80 et 81, a complété l'organisation du corps de l'inspection des
colonies, à laquelle avait précédemment eu trait l'article 34 de
la loi de finances du 25 février 1901.
Le corps de l'inspection des colonies est assimilé au corps
du contrôle de l'administration de 1 armée en ce qui concerne
le régime disciplinaire, les honneurs et préséances, la décora-
tion de la Légion d'honneur et généralement l'ensemble du
statut personnel. 11 se recrute par la voie d'un concours au-
quel peuvent prendre par les auditeurs au Conseil d'Etat et à
la Cour des comptes, les fonctionnaires civils du département
des colonies ayant un traitement d'Europe d'au moins 3,500
francs et pourvus du diplôme de licencié en droit ou ayant au
moins quatre ans de séjour aux colonies, et les officiers des
troupes coloniales ayant le grade de capitaine ou assimilé. Le
corps comporte, d'après loi, un nouveau grade, celui d'ins-
pecteur adjoint, auquel est afférent un traitement d'Europe
de 5,000 francs et qui est assimilés pour la pension de retraite
à celui de commissaire de 1re classe des troupes coloniales.
Les inspecteurs adjoints accomplissent dans ce grade un stage
minimum de trois années A titre transitoire, la loi a spécifié que
les adjoints à l'inspection des colonies ayant déjà satisfait aux
obligations du concours prévu par le décret du 23 février 1898
seraient assimilés aux inspecteurs adjoints, le temps déjà ac-

— 360 —
compli par eux dans leurs fonctions actuelles devant compter
dans les trois années de stage. Enfin des réglements d'adminis-
tration publique déterminent le cadre du corps et les condi-
tions des concours qui doivent en permettre le recrutement.
L'article 23 de la loi de finances du 30 décembre 1903 amis
à la charge des budgets locaux les indemnités, les frais de
voyage, les frais d'écrivains, de logement, d'ameublement et
le gardiennage occasionnés par les missions mobiles de l'ins-
pection des colonies.
En tenant compte de ces dispositions les règlements d'admi-
nistration publique du 15 septembre 1904 et du 16 avril 1905
ont fixé l'organisation définitive du corps de l'inspection des
colonies.
371. Les attributions des inspecteurs des services administra-
tifs et financiers aux colonies rentrent dans deux catégories :
ces fonctionnaires sont : 1° inspecteurs des service financiers
( rôle identique à celui de l'inspecteur des finances, que nous
traiterons à propos du Trésor) ; 2° inspecteurs des différents
services administratifs et militaires (loi du 25 février 1901 ).
Les fonctions de censeurs des banques coloniales et de com-
missaires du gouvernement près les conseils de contentieux,
confiées autrefois aux inspecteurs des colonies, sont exercées,
tantôt par des commissaires des colonies, tantôt par des se-
crétaires généraux.
372. Les inspecteurs en mission aux colonies doivent se con-
former aux instructions qu'ils reçoivent, directement du mi-
nistre des colonies pour ce qui touche aux services administra-
tifs, et du ministre des finances, par l'intermédiaire du ministre
des colonies, pour ce qui touche aux services financiers.
Le fonctionnaire de l'Inspection, chef de mission, ne relève
que du directeur du contrôle sous l'autorité du ministre : les
fonctionnaires en sous-ordre ne relèvent que de leur chef de
mission. Les inspecteurs peuvent se faire présenter toutes les
pièces dont ils ont besoin de prendre connaissance, et aucun
renseignement ne peut leur être refusé par les chefs de ser-
vice : ils peuvent se faire assister par des fonctionnaires dési-
gnés par l'autorité locale et ils ont le droit d'assister à toutes
les opérations administratives qui s'accomplissent dans le ser-
vice qu'ils contrôlent. Ils ne peuvent diriger, empêcher ni

— 361 —
suspendre aucune opération, mais ils peuvent fermer provi-
soirement les mains aux comptables et apposer les scellés sur
les pièces qu'ils vérifient; ils doivent donner immédiatement
avis de ces mesures au gouverneur qui statue par écrit sur les
mesures à prendre.
373. Un service central de l'inspection constitué au Minis-
tère des colonies est chargé de centraliser toutes les opérations
de l'inspection aux colonies et de remplir vis-à-vis des divers
services de l'administration centrale des attributions analogues
à celles du contrôle central de la marine. Le fonctionnement
de ce service est réglé par arrêté ministériel.
La partie des rapports des inspecteurs qui concerne les ser-
vices financiers est transmise au ministre des finances par l'in
termédiaire du ministre des colonies.
CHAPITRE III.
REPRÉSENTATION DES COLONIES SOIT AUPRÈS DU GOUVERNEMENT
MÉTROPOLITAIN, SOIT DANS LE PARLEMENT.
§ 1.
Délégués des colonies-
374. Avant d'étudier les règles de la représentation des
colonies dans le Parlement métropolitain, il convient de rap-
peler l'historique de cette représentation et en même temps
du droit accordé aux colonies, lorsque cette représentation
n'existait pas, de faire entendre leur voix auprès du gouver-
nement.
Aux Antilles, la première trace de cette représentation est
un arrêt du conseil du 10 décembre 1759, constituant à la
Martinique une chambre mi-partie d'agriculture et de com-
merce, imitation de ce qui existait déjà pour les chambres
de commerce métropolitaines: cette chambre avait à Paris,
au bureau de commerce, un député choisi par le secrétaire
d'Etat de la marine, sur une liste de trois candidats élus par
la chambre. Ce député, payé tout d'abord par le Trésor métro-

— 362 —
politain, le fut ensuite par la colonie. Plus tard l'ordonnance
"du 17 juin 1787 accorda à chacune des deux colonies de la
Martinique et de la Guadeloupe un député à Paris, correspon-
dant avec l'assemblée coloniale, nommé par le roi sur une liste
de trois noms.
A la Réunion, aucune ordonnance royale ne concéda le droit
d'envoyer des représentants dans la métropole, mais à trois
reprises, en 1730, 1765 et 1769, les habitants envoyèrent des
délégués chargés de défendre leurs intérêts auprès du gouver-
nement et de la Compagnie des Indes.
L'existence des délégués prit fin avec l'ancien régime : les
colonies eurent entrée au Parlement; mais le principe d'une
simple représentation près de l'Assemblée législative se re-
trouve dans la Constitution du 3 septembre 1791.
375. Sous l'empire de la législation du 23 ventôse an XI,
chacune des six chambres d'agriculture coloniale élisait un
député : ces députés se réunissaient auprès du ministre de la
marine et des colonies.
'
L'ordonnance du 22 novembre 1819 enleva le droit d'élec-
tion aux chambres d'agriculture; chacun des comités consul-
tatifs créés à la Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion,
à la Guyane (1) eut seulement le droit de présenter une liste
de trois candidats sur laquelle le roi nommait le député au
conseil des colonies (2).
Il en fut de môme, le 21 août 1825, quand les conseils géné-
raux furent substitués aux comités consultatifs, mais l'ordon-
nance du 23 août 1830 rendit le droit d'élection aux conseils
généraux.
Le conseil supérieur des colonies fut maintenu par la loi du
24 avril 1833 (art. 19); il avait comme attributions de fournir
au gouvernement des renseignements sur les intérêts généraux
des établissements d'outre-mer et de suivre auprès de lui l'effet
des délibérations et des vœux des conseils locaux.
Ce conseil supérieur prit fin en 1848 par suite de la nomi-
nation des députés coloniaux : un décret du 27 avril 1848, qui
(1) L'ordonnance du 7 septembre 1810 accorda un délégué au Sénégal.
(2) La durée des fonctions des députés fut fixée à 5 ans (Ord. 13 a
t
1823).

— 363 —
supprima les conseils coloniaux de la Martinique, de la Gua-
deloupe, de la Réunion, de la Guyane, les conseils généraux
du Sénégal et de l'Inde, fit disparaître en même temps leurs
représentants, les délégués.
376. Après la période de 1848, un comité consultatif des
colonies fut rétabli par le sénatus-consulte du 3 mai 1854; il
comprit des délégués de chacune des trois anciennes colonies
et quatre membres nommés par l'empereur, chargés de rem-
plir l'office de délégués pour les autres établissements.
Les attributions de ce comité furent déterminées par un décret
du 26 juillet 1856 : il était purement consultatif; rien n'obli-
geait à lui soumettre les projets de sénatus-consultes, de lois
ou de décrets relatifs aux colonies. Il ne pouvait prendre aucune
initiative; ses délibérations étaient secrètes; le ministre statuait
sur la suite à donner à ses avis et sur l'usage à en faire près
des corps constitués.
Lorsqu'on organisa en 1858 le ministère de l'Algérie et des colo-
nies, on créa (1) à côté du comité consultatif, auquel rien ne
fut modifié, un conseil supérieur de l'Algérie et des colonies.
Les membres étaient nommés par décret pour une année. Ce
conseil, purement consultatif, disparut avec le ministère.
Quant au comité consultatif des colonies, il subsista jus-
qu'en 1870 : aucun acte ne prononça sa dissolution; il cessa
d'exister par le fait du rétablissement de la deputation colo-
niale.
377. L'introduction en 1871 des représentants coloniaux dans
le Parlement réduisait considérablement le rôle d'un conseil
spécial des colonies; cependant on reconnut la nécessité de
consulter sur les questions coloniales, en même temps que les
représentants élus des établissements d'outre-mer, des per-
sonnes appartenant à la métropole, membres du Parlement,
administrateurs, négociants, et des représentants des colonies
auxquelles leur organisation ou leur importance ne permettait
pas d'élire des députés ou des sénateurs.
C'est dans cet ordre d'idées que fut constituée la commis-
sion supérieure des colonies le 23 décembre 1878. Institution
(1) Déc. 21 novembre 1838.

— 364 —
temporaire et douée d'attributions limitées, elle était seule-
ment chargée de procéder à l'étude des réformes qui pour-
raient être apportées dans l'organisation des colonies et de
rechercher les moyens de rapprocher le plus possible cette,
organisation de celle de la métropole.
Les travaux de cette commission prirent fin en 1881; elle
les termina en émettant le vœu qu'il fût créé un conseil supé-
rieur des colonies; ce rouage nouveau de l'administration cen-
trale fut institué par le décret du 19 octobre 1883,
378. L'organisation actuelle du conseil supérieur des col o-
nies résulte des dispositions combinées des décrets des 29 mai
1890, 19 septembre et 17 octobre 1896. 11 comprend, sous la
présidence du ministre des colonies : les sénateurs et députés
des colonies, 12 délégués élus pour 3 ans dans les colonies (1),
21 membres de droit (hauts fonctionnaires représentant le
Conseil d'Etat et les différents ministères), des membres en
nombre illimité nommés par arrêté ministériel et choisis parmi
es personnes ayant des connaissances spéciales en matière co-
loniale, 8 délégués des chambres de commerce, 5 délégués des
sociétés de géographie, 4 directeurs d'établissements finan-
ciers.
Le conseil supérieur est divisé en 4 sections correspondant
aux quatre groupes principaux des colonies françaises. Les
présidents de ces 4 sections et les 2 vice-présidents du conseil
sont nommés par le décret.
Une commission permanente a été instituée au sein du con-
seil par le décret du 19 octobre 1886 : elle comprend 2 séna-
teurs et 2 députés désignés par le ministre et des membres
de droit, les délégués élus notamment, depuis un décret du
1er juin 1899 : elle est présidée par le ministre ou par un vice-
président nommé par arrêté ministériel.
Les douze délégués sont élus dans chaque colonie par les
citoyens français, âgés de 21 ans, jouissant de leurs droits
civils et politiques, et résidant dans la colonie depuis six mois
(1) Ces colonies sont : la Nouvelle-Calédonie, les établissements fran-
çais de l'Océanie, Saint-Pierre et Miquelon, la Guinée française, le Haut-
Sénégal et Niger, la côte d'Ivoire, le Dahomey, le Congo français, Mayotte
et ses dépendances, Madagascar, l'Annam-Tonkin, le Cambodge.

— 365 —
au moins. Les délégués doivent être citoyens français, et âgés de
23 ans; ils doivent jouir de leurs droits civils et politiques;
leur mandat ne peut se cumuler avec une fonction publique
rétribuée; ils peuvent recevoir une indemnité de leur colo-
nie (1). Aucune loi n'a établi de règles pour ces élections;
un décret peut les fixer de manière à tenir compte des condi-
tions spéciales au pays, par exemple autoriser le vote par cor-
respondance.
Les contestations auxquelles peuvent donner lieu les élections
des délégués doivent, suivant nous, être portées en première
instance devant le ministre et non devant le conseil du conten-
tieux de la colonie. Le conseil du contentieux n'a reçu à cet
égard aucune compétence, et c'est au ministre, juge de droit
commun, qu'il appartient d'en connaître. L'opinion contraire a
prévalu à Saint-Pierre et Miquelon (2); mais, depuis, la com-
pétence ministérielle a été affirmée au sujet de l'élection de la
Nouvelle-Calédonie (3).
Il suffit, pour qu'un candidat soit élu au premier tour, qu'il
(1) Les colonies qui accordent des indemnités à leurs représentants
sont celles de la Réunion (4,000 francs au sénateur et aux députés),
de la Cochinchine (3,000 piastres au député), de la Nouvelle-Calédonie
(13,000 francs au délégué), de l'Océanie (9,000 francs au délégué) du Haut
Sénégal et Niger, de la Guinée française, de la Côte d'Ivoire, du Daho-
mey et du Congo (6.000 francs au délégué).
(2) Arr. Cons. cont. Saint-Pierre et Miquelon, 9 mai 1884.
(3) La section des finances du Conseil d'Etat, sans affirmer la compé-
tence ministérielle, s'est également prononcée contre la compétence du
conseil du contentieux local à propos de l'élection du délégué de Tahiti.
« ...Considérant que les contestations auxquelles peut donner lieu l'élec-
tion d'un délégué au conseil supérieur des colonies ne peuvent être
assimilées aux litiges qui forment le contentieux administratif de la
colonie; que, par suite, il n'appartient pas au conseil du contentieux
d'en connaître, que ces contestations doivent être portées devant la
juridiction compétente de la métropole... » (C. d'Et. 7 juillet 1883).
Dans le même sens Cons. d'Etat, cont., 7 août 1897 ( Aff. Faymoreau).
— « Considérant que si, en vertu des dispositions combinées de l'ordon-
nance du 21 août 1823 et des décrets des 3 août et 7 septembre 1881, les
conseils du contentieux administratif sont juges de droit commun en
matière administrative aux colonies, leur compétence ne porte que sur
le contentieux administratif local et ne s'étend pas aux affaires qui inté-
ressent 1 administration centrale du département des colonies; — que
notamment, en matière électorale, s'il appartient aux conseils du con-
tentieux administratif de statuer sur les protestations contre les élections
des conseillers généraux locaux, municipaux et des maires et adjoints,
aucun texte de loi ou de règlement ne leur a attribué compétence pour

— 366 —
obtienne la majorité absolue (1). Le ministre ne peut que se
borner à notifier l'élection; il n'a pas à prendre d'arrêté.
Le conseil est purement consultatif : il donne son avis sur
toutes les questions coloniales que le ministre soumet à son
examen: il doit présenter annuellement au-ministre un rap-
port sur ses travaux ; ce rapport est imprimé et distribué aux
Chambres. La commission permanente n'a également qu'un rôle
purement consultatif.
§ 2. Représentation des colonies.
379. La représentation des colonies dans le Parlement me-
tropolitain a eu quatre périodes distinctes : du 4 juillet 1789
au 27 mars 1792; du 28 mars 1792 au 22 frimaire an VIII ; du
5 mars 1848 au 2 février 1852; depuis le 8 septembre 1870.
Antérieurement au décret du 28 mars 1792, la deputation
coloniale avait eu une existence de fait. L'assemblée nationale,
en effet, dans sa séance du 4 juillet 1789, avait admis, à la
suite de longues et intéressantes discussions, 6 députés de Saint-
Domingue, quoique ce fût la première fois que des colonies
voulussent se faire représenter aux états généraux et que les
pouvoirs des élus de Saint-Domingue parussent fort contes-
tables (2).
Cette mesure fut étendue ensuite à d'autres colonies : la Mar-
tinique le 14 octobre 1789, la Guadeloupe le .7 juillet 1790.
Malgré cela, l'Assemblée n'admettait nullement le droit des
colonies d'être directement représentées et la Constitution du
3 septembre 1791 dit simplement que les colonies pourront
entretenir des représentants auprès du Corps législatif. (Tit. III,
chap. Ier, sect. Ire, art. 1er.)
connaître des protestations formées contre l'élection des délégués au
conseil supérieur des colonies; — que oe conseil placé auprès du ministre
des Colonies et siégeant à Paris, fait partie de l'administration centrale ;
que c'est au ministre des Colonies qu'il appartient de statuer sur les
contestations auxquelles ces élections donnent lieu... »
(1) Cons. d*Elat, cont. (Affaire Armandin). 6 mars 1903.
(2) La colonie avait nommé 37 délégués.

— 367 —
380. Le décret du 28 mars 1792, applicable aux Antilles et
à la Guyane, reconnaît en principe à ces colonies le droit d'é-
lire des représentants; le 29 mars 1792, les députés de l'île
Bourbon furent admis ; un décret du 22 août 1792 étendit ce
droit à toutes les colonies et fixa le nombre des représentants.
Étaient électeurs les citoyens libres, de quelque état, condition
ou couleur, domiciliés depuis un an au moins dans la colonie,
à l'exception de ceux qui se trouvaient en état de domes-
ticité.
La loi du ο fructidor an III n'attribuant plus de député que
pour 40,000 citoyens, Bourbon fut privé de toute représentation :
mais la colonie avait déjà nommé des députés : un d'eux seu-
lement, M. d'Etcheverry, partit et arriva à la Convention le
4 octobre 1795; en vertu de la loi du 1er vendémiaire an IV,
il entra au Conseil des Cinq-Cents et y resta jusqu'en 1798.
Quant aux députés des Antilles, deux d'entre eux firent partie
de ce Conseil.
La loi du 27 pluviôse an V, qui fixa à nouveau le nombre
des membres du Corps législatif, accorda 10 représentants aux
colonies dont 4 pour le Conseil des Anciens et 6 pour le Con-
seil des Cinq-Cents.
La Constitution du 22 frimaire an VIII supprima en fait la
représentation coloniale; la Constitution de l'an X affirma cette
suppression et les lois postérieures maintinrent nettement ce
principe (1), très justifié tant que les colonies sont soumises à
un régime spécial et ne participent pas à tous les droits, ;
toutes les charges de la métropole.
381. Dès le 5 mars 1848, le droit de représentation fut
reconnu aux colonies par un décret qui accorda en bloc 16
représentants aux établissements d'outre-mer.
Une instruction du 27 avril réserva 4 députés à l'Algérie et
répartit entre les colonies les 12 autres députés de la manière
suivantes ; Martinique, 3 ; Guadeloupe, 3 ; Guyane, 1 ; Réu-
nion, 3; Sénégal, i; Inde, 1.
Les colonies pouvaient nommer des représentants suppléants
au nombre de 2 pour la Martinique, la Guadeloupe, et la Réu-
(1) V. L. 24 avril 1833. Rapport de M. Gérard à la Chambre des pairs

— 368 —
nion, 1 pour chacune des autres colonies. Ils ne siégeaient
qu'en l'absence des titulaires et recevaient dans ce cas une
indemnité.
La Constitution du 4 novembre 1848 maintint la représen-
tation coloniale, mais, par suite de la réduction à 750 du
nombre des députés, la loi électorale du 8 février 1849 fixa à
8 le nombre de ceux des colonies : l'Inde n'eut plus de repré-
sentant.
Enfin le décret-loi du 2 février 1852 supprima la représen-
tation de l'Algérie et des colonies.
382. Le décret du gouvernement de la Défense nationale du
8 septembre 1870 avait convoqué les collèges électoraux pour
le 16 octobre à l'effet d'élire une assemblée nationale consti-
tuante : l'élection devait se faire au scrutin de liste, confor-
mément à la loi du 15 mars 1849. On interpréta cette réfé-
rence comme rétablissant la députation coloniale; seulement,
par un décret du 10 septembre, les élections aux colonies
furent ajournées au 1er décembre qui suivait la clôture des
listes électorales. Puis parut le décret du 15 septembre, qui
fixa le nombre des députés dès colonies.
C'est conformément à ce décret que fut composée la repré-
sentation coloniale à l'Assemblée nationale de 1871.
383. La Constitution de 1875 et la loi du 24 décembre 1875
accordèrent à chacune des colonies de la Martinique, de la
Guadeloupe, de la Réunion et de l'Inde, un sénateur et un
député. Depuis, la loi du 8 avril 1879 a rétabli la représenta-
tion du Sénégal et de la Guyane, et celle du 28 juillet 1881 a
accordé un député à la Cochinchine et doublé le nombre des
députés des trois anciennes colonies.
Les représentants des colonies sont élus dans des conditions
identiques à celles de la métropole ; un certain nombre d'entre
eux reçoivent des indemnités au compte des budgets locaux
(V. n° 378, note) (1).
384. Il peut être intéressant de connaître à chaque époque
(1) Le Conseil d'Etat, consulté par le Ministre des Colonies, a émis
l'avis que les municipalités d'une colonie ne pouvaient voter des indem-
nités en faveur des sénateurs et des députés de cette colonie. (C. d'Et,
Fin. 10 juin 1896.)


— 369 —
le nombre des représentants des colonies et de le comparer
avec le chiffre total des membres du Parlement. Le tableau
suivant donne celte comparaison.
< X
g
£
H
H
H -
Ο -
H
1
I). 28 mai 1791
3
2
757
D. 22
août 1792
4
2
1
»
»
12
L. 27 pluviôse an V...
4
2
1
»
1
»
10
750
3
1
1
1
»
12
900
Inst. 27 avril 1848
3
Const. 8 février 1849 .
2
2
2
1
1
12
750
L. 2 i février 1875 ...
2
2
2
8
840
L. 24 décembre 1875..
L. 16 juin 1885
3
3
3
1
1
2
1
14
884
COLONIES, I.
24

— 370 —
TITRE III.
ORGANISATION POLITIQUE.
SECTION PREMIÈRE,
ASSEMBLÉES LOCALES. — LEURS POUVOIRS
385. Les assemblées locales dans les colonies, conseils gé-
néraux ou coloniaux, ont une importance beaucoup plus grande
que dans les départements métropolitains : dotés de pouvoirs
considérables par le sénatus-consulte du 4 juillet 186G en ce
qui concerne les Antilles et la Réunion, et par les différents
actes qui les ont créées, en ce qui concerne les autres colonies,
elles constituent de véritables parlements locaux. Elles ne peu-
vent certainement pas faire de règlements, mais appelées à
voter les crédits destinés au personnel des différents services,
sauf celui de la justice et des cultes, elles exercent ainsi une
action très sérieuse sur l'administration. Elles ont, en outre,
en matière d'impôts, des droits qui peuvent paraître incompa-
tibles avec la représentation des colonies dans les assemblées
métropolitaines.
Il y a là une organisation hybride, qui n'est ni le rattache-
ment ni l'autonomie et qu'il y aurait intérêt à remplacer par
un régime plus précis.
Cette situation particulière de nos possessions envers la mé-
tropole et la nécessité, sinon la simple convenance, où l'on
peut être de faire approfondir en France une question exami-
née déjà dans une colonie ont donné lieu parfois à une cir-
constance toute spéciale et qu'il peut sembler d'abord assez
difficile d'apprécier. Il est arrivé que le conseil général d'une
colonie a delégué soit au gouverneur venant en France, soit
môme au ministre, le droit de régler lui-même certaines ma-

— 371 —
tières sur lesquels l'assemblée locale a pouvoir de se pronon-
cer. Ce mandat est-il correct, cette délégation est-elle admi-
sible? Le gouverneur ou le ministre peut-il, avec l'assenti-
ment du conseil général, modifier une convention que ce der-
a précédemment adoptée, considérer comme non avenue en
tout ou partie, hors des modes de rejet prévus par la loi, une
délibération prise légalement et déjà peut-être rendu défini-
tive'? Nous ne le pensons pas. Si l'on veut que l'institution
d'un conseil général se justifie clans son principe, il est néces-
saire que l'assemblée exerce elle-même les attributions qui lui
sont dévolues et qu'elle ne puisse les abdiquer au profit de
l'autorité exécutive ; il importe que le pouvoir délibérant,
pour conserver sa raison d'être et son utilité, demeure tou-
jours distinct du pouvoir agissant.
ARTICLE PREMIER. — Martinique, Guadeloupe, Réunion,
1. — Composition des conseils généraux.
386. Les conseils généraux de la Martinique, de la Guade-
loupe et de la Réunion, sont composés de 36 membres. Le
décret du 7 novembre 1879, qui fixe ce nombre, confie à un
arrêté du gouverneur, rendu en conseil privé, le soin de dé-
terminer les circonscriptions électorales, à la différence du dé-
cret du 3 décembre 1870 qui avait fait du canton la circons-
cription légale. En fait, les gouverneurs ont continué à suivre
la règle fixée par ce dernier décret en modifiant seulement le
nombre des conseillers à élire clans chacun des cantons; mais
on peut se demander si un sectionnement différent, par exem-
ple la division de ces colonies en 36 circonscriptions élisant
chacune un conseiller, aurait été légale.
La question s'élève même plus haut et c'est la légalité du
décret du 7 novembre 1879 qui doit être examinée; le décret
du 3 décembre 1870 émanant du gouvernement.de la Défense
nationale a-t-il le caractère d'un décret-loi abrogeant sur ce
point le sénatus-consulte de 1854, et se substituant à lui"?
Nous ne le pensons pas ; il suffit de lire l'article 3 pour se con-
vaincre que le gouvernement de la Défense nationale n'a pas

— 372 —
voulu faire, à ce propos, acte de législateur, qu'il a maintenu
le nombre des conseillers et des circonscriptions et que, par
suite, la délégation donnée au pouvoir administratif par l'ar-
ticle 12 du sénatus-consulte de 1854, de régler les questions
dn cette nature par décrets en Conseil d'État reste entière. Le
décret du 7 novembre 1879 est donc légal et toute constitution
de circonscription électorale faite, en dehors du canton, par
application de ce texte l'eut été également.
Il y a lieu de rechercher en outre, à ce sujet, si les gouver-
neurs, par les arrêtés pris en exécution de ce décret, (1) ont
épuisé leur droit de sectionnement et si ces arrêtés ont pu (2),
ou peuvent dans l'avenir, être modifiés dans les mêmes for-
mes. Il nous semble que ce droit a été épuisé par le premier
arrêté et qu'il ne pourrait renaître que par une modification
de la population, constatée par un recensement officiel. Après
ce recensement, le gouverneur aurait le droit de modifier le
nombre des conseillers dans chaque circonscription et même
le nombre des circonscriptions. L'arrêté qu'il prendrait devrait,
sous peine d'être entaché d'excès de pouvoir, tenir compte,
dans la fixation du nombre des conseillers à élire, du chiffre
de la population.
387. Une dernière question se pose au sujet de la réparti-
lion des conseillers généraux entre les diverses circonscrip-
tions. Les décrets de 1870 et 1879 portant qu'elle doit être
faite d'après le chiffre de la population ; que faut-il entendre
par population. Est-ce la population française ou la population
totale en y comprenant, par exemple, les immigrants, ce qui à
la Réunion, en particulier, peut entraîner de très grand chan-
gements dans la représentation locale? Dans la métropole, où
la question, d'ailleurs, est sans intérêt en raison de la faible
proportion d'étrangers, le mot population a été interprété
jusqu'à une époque récente comme devant comprendre les
étrangers : il en a été de même aux colonies. Mais depuis la
loi du 16 juin 1885 la situation a été modifiée et il y aura
(1) Arr. 10 décembre 1879 (Martinique); 5 octobre 1880 (Guadeloupe),
7 janvier 1880 (Réunion)
(2) A la Guadeloupe, par exemple, un premier arrêté du 6 février 1880
a été rapporté et modifié le 5 octobre suivant.

— 373 —
lieu évidemment d'appliquer le même principe aux colonies.
Si on donnait aujoud'hui une interprétation différente, on con-
tinuerait à représenter, non les personnes, mais les intérêts ;
or, si ce principe, quelque discutable qu'il fut, était admis-
sible en présence d'un texte précis et d'une jurisprudence
conforme, il serait imposible de l'admettre encore aujour-
d'hui.
388. Le régime électoral est celui qui existait en France
en 1870 (1), c'est-à-dire celui fixé par les lois des 22 juin 1833,
7 juillet 1852, 23 juillet 1870 et le décret du 2 février 1852.
Les éléctions ont toujours été faites sur les listes politiques et
non sur les listes municipales, ainsi que cela a eu lieu en
Franceen exécution de la loi du 10 août 1871. Les communes
peuvent être divisées en section électorales par arrêté du gou-
verneur. Les règles pour la convocation des électeurs, la du-
rée du scrutin et le dépouillement, sont celles de la loi de
1871 (2).
Si le délai franc de quinzaine entre la date de l'arrêté du
gouverneur couvoquant les électeurs et le jour de l'élec-
tion n'a pas été observé, les élections peuvent être annu-
lées (3).
Quant aux conditions d'éligibilité, elles sont encore celles
fixées par la loi du 22 juin 1833, modifiée par le décret du
3 juillet 1848. Les éligibles doivent avoir vingt-cinq ans
accomplis, être domiciliés dans la colonie ou y payer une con-
tribution directe; il ne leur suffit pas, dans ce cas (ainsi que
cela existe pour les conseils généraux de la métropole), de
justifier qu'ils devaient être inscrits au 1er janvier au rôle d'une
des contributions, ou qu'ils ont hérité depuis cette époque d'une
propriété foncière dans la colonie.
Le maximum du nombre des conseillers généraux non domi-
ciliés dans la colonie est, comme dans la métropole, fixé au
quart.
Le nombre de voix nécessaire pour l'élection au premier et
(1) Déc. 3 décembre 1370, art. 2.
(2) Déc. 15 février 1882 appliquant aux Antilles les dispositions do

l'article 12 de la loi du 10 août 1871.
(3) C. d'Et. cont. 17 mai 1890. Martinique

— 374 —
au second tour de scrutin est celui fixé par l'article 14 de la
loi de 1871 (1).
389. Jusqu'en 1886 les cas d'inéligibilité et d'incompatibin
lité étaient ceux de la loi de 1 833. Un décret du 20 août 1886
a complètement modifié cet état de choses, qui donnait lieu à
bien des difficultés provenant des désignations insérées dans
la loi de 1833 et qui ne visait que des fonctionnaires métro-
politains. Actuellement, les catégories d'inéligibles se trouvent
désignés d'après le titre des fonctions coloniales.
Il est inutile de reproduire ici l'énumération du décret du
20 août 1886; nous nous bornerons seulement à faire connaître
3a jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat sur les cas d'inéli-
gibilité et d'incompatibilité qu'elle a eu à examiner.
Le décret de 1886 déclare inéligibles les juges de paix; il a
été jugé que la personne qui remplit provisoirement cette fonc-
tion sans en être titulaire peut siéger au conseil général (2). Il en
est de même du ministre du culte qui n'exerce pas les fonc-
tions paroissiales, mais seulement celles de directeur d'une
école (3).
Le directeur d'une compagnie subventionnée sur le budget
de la colonie a été considéré comme tombant sous le coup de
la disposition qui déclare incompatibles avec le mandat de con-
seiller général les fonctions rétribuées ou subventionnées sur
les fonds de la colonie (4).
Le service de recrutement ayant été organisé à la Réunion,
le Gouvernement, en prenant un décret en date du 21 juillet 1897,
a envisagé le cas « peu probable, il est vrai, » — selon l'ex-
posé des motifs, — mais « possible », où un membre de l'as-
semblée locale refuserait, comme il y est appelé, à faire partie
des conseils de révision. D'après le décret du 29 juillet 1897,
tout membre du conseil général de la Réunion qui, sans excuse
valable, aura ainsi formellement refusé de remplir une des
fonctions qui lui sont légalement dévolues sera déclaré démis-
sionnaire, et ne pourra être réélu avant le délai d'un an. Le
(1) Déc. 30 avril 1892.
(2)
G. d'Et. cont. 7 mars 1891. Guadeloupe.
(3} C. d'Et. cont. 6 janvier 1888. Tahiti.
(4) G. d'Et. cont. 16 décembre 1893. Guadeloupe.

— 375 —
Conseil d'Etat, saisi à cet effet par le ministre des Colonies,
doit se prononcer sur l'application de ces dispositions ; la con-
testation est instruite et jugée dans le délai de six mois.
390. Les citoyens pourvus d'un conseil judiciaire sont éligibles
aux colonies; le décret de 188G est, en effet, muet en ce qui
les concerne et ne reproduit pas l'exclusion contenue dans la
loi du 10 août 1871 (art. 7).
391. Les élections au conseil général peuvent être arguées
de nullité par tout électeur du canton ou par le gouverneur.
Les membres du conseil général n'ont pas ce droit, comme
ceux des conseils généraux de France. (L. 31 juil. 1875). Les
réclamations, au lieu d'être portées directement au Conseil
d'Etat, sont jugées par le conseil du contentieux de la colonie,
sauf recours au Conseil d'Etat. Les questions d'état sont aupa-
ravant jugées par les tribunaux d'arrondissement, sans
appel (1).
Les pourvois contre les élections aux conseils généraux, étant
régis par le décret du 5 août 1881 (art. 70), n'étaient pas suspen-
sifs et, en cas d'annulation, il était nécessaire de procéder à de
nouvelles élections pouvant devenir sans effet, par suite d'un
arrêt contraire du Conseil d'État. Aussi a-t-on jugé utile d'ap-
pliquer aux colonies la même règle que dans la métropole (Déc.
20 déc. 1887). Le conseiller général, dont l'élection est annulée
par le conseil du contentieux, reste en fonctions jusqu'à ce
que l'arrêté soit devenu définitif.
§ 2. — Fonctionnement des conseils généraux.
392. Si les règles relatives à l'élection des conseils généraux
ont été fixées, par le décret du 3 décembre 1870, conformément
aux lois métropolitaines existantes, il n'en est pas de même de
celles qui concernent le fonctionnement même du conseil; ici
nous sommes en présence d'une législation spéciale résultant
des sénatus-consultes des 3 mai 1854 (art. 12), 4 juillet 1866
( art. 11), des décrets des 26 juillet 1854, 3 décembre 1870,
16 février 1877 et 12 juin 1879.
(1) L. 22 juin 1833, art. 50 et suiv.

— 376 —
Les membres du conseil sont nommés pour six ans, renou-
velés par moitié tous les trois ans et indéfiniment rééligibles.
Après toute élection générale, le conseil se partage de lui-
même en deux séries : c'est le gouverneur en conseil privé et
non le conseil général qui procède ensuite au tirage au sort
pour déterminer la première série à renouveler (1).
Les conseils généraux n'ont qu'une session ordinaire. La
durée de cette session est d'un mois; le gouverneur peut la
prolonger; il peut également convoquer le conseil en session
extraordinaire par un arrêté qui fixe en même temps la durée
de la session. Les membres du conseil ne peuvent provoquer
d'eux-mêmes une session extraordinaire; mais celle-ci est obli-
gatoire quand il y a conflit entre l'administration et la com-
mission coloniale, et quand, l'administration jugeant que
celle-ci a outrepassé ses pouvoirs, ses actes doivent être sou-
mis à l'assemblée locale (2).
Les conseils généraux sont maîtres de leur ordre du jour
pendant les sessions extraordinaires comme pendant les ses-
sions ordinaires. On peut invoquer contre cette opinion l'ar-
gument que le gouverneur, étant libre de convoquer ou de ne
pas convoquer le conseil, peut mettre à sa convocation telles
conditions qu'il juge à propos; mais nous estimons que les
droits de surveillance que l'administration possède sur les
séances des conseils ne peuvent être étendus à des dispositions
restrictives (3) qui ne sont pas spécifiées formellement par le
législateur. Rien n'empêche les conseils, bénéficiant du silence
(1) Déc. 26 juillet 1854, art. 5.
(2) Déc. 26 juillet 1854, art. 7; 12 juin 1879, art. 17.
(3) C. d'Et., fin. 16 décembre 1873. — Considérant qu'il résulte du

décret du 26 juillet 1854, sur l'organisation des conseils généraux aux
colonies, que les sessions extraordinaires de ces conseils ne peuvent
avoir lieu que dans des conditions déterminées et pour une durée égale-
ment déterminée; qu'en outre, les délibérations de ces conseils généraux,
tant dans les sessions ordinaires que dans les sessions extraordinaires,
ne peuvent porter que sur des objets légalement compris dans leurs
attributions; — Mais que, dans cette limite des attributions des conseils

généraux aux colonies, aucune disposition de loi ou de décret n'interdit
les délibérations, en session extraordinaire, sur des questions étrangères
à celles qui auraient motivé la convocation; — Que si, en ce qui con-
cerne les conseils municipaux, il est formellement prescrit, par l'arrêté
du 12 novembre 1848, sur l'organisation municipale de la Réunion, qu'en
cas de réunion extraordinaire, le conseil ne peut s'occuper que des


— 377 —
de la loi à ce sujet, de sortir des limites du programme indiqué
par la convocation ; c'est, d'ailleurs, en ce sens que le Conseil
d'État interprète la législation coloniale.
Un décret du 1er août 1886 a appliqué aux conseils généraux
des Antilles et de la Réunion les dispositions législatives qui
permettent aux conseils généraux de la métropole de siéger
valablement, danscertains cas, malgré l'insuffisance du nombre
des membres présents. En vertu de ces dispositions, si le
quorum n'est pas atteint, soit à l'ouverture de la session, soit
en cours de session, les délibérations sont renvoyées dans le
premier cas au lundi suivant, dans le second au surlendemain.
Dans l'une et l'autre hypothèses, on doit admettre qu'au jour
fixé pour la reprise des délibérations celles-ci sont valables,
quel que soit le nombre des votants ou des présents, et qu'elles
peuvent se continuer dès lors régulièrement, que le quorum
soit ou non atteint, pendant tout le reste de la session. Le
Conseil d'Etat s'est prononcé très nettement en ce sens (1).
392 bis. Nous avons signalé ( n° 224), la question de savoir
s'il y a dans les différentes colonies un chef-lieu légal et quel
objets pour lesquels il a été spécialement convoqué, aucune disposition
analogue n'existe en ce qui concerne les conseils généraux; — Qu'on
doit en conclure que les décrets susvisés n'ont pas limité les questions
susceptibles d'être examinées par les conseils généraux des colonies,
pendant les sessions extraordinaires :
Est d'avis que le conseil général de
la Réunion peut,
en
séance
extraordinaire, délibérer sur tous les objets légalement compris dans
ses attributions.
(1) Conseil d'Etat, sections réunies des Finances et de l'Intérieur, etc.,
23 juin 1903. — Les sections, etc., — considérant que les décrets des
1er août 1886 et 1 juillet 1887 qui ont appliqué aux colonies la loi du
31 mars 1880, tout en substituant pour les convocations le directeur de
l'intérieur au préfet, n'ont apporté aucune modification à ses disposi-
tions; — considérant que la loi du 10 août 1871, dans son article 30, en
établissant que le Conseil général ne peut délibérer si
la moitié des
membres dont il est composé n'est présente, n'a pas prévu le cas où,
faute du quorum nécessaire, les délibérations ne pourront avoir lieu;
— considérant que la loi du 31
mars 1886 est venue
combler
cette
lacune en complétant l'article 30 de la loi du 10 août 1871 ; qu'elle a
voulu assurer le fonctionnement régulier des conseils généraux sans
imposer aux membres de ces assemblées les charges d'un séjour pro-
longé au chef-lieu
ou de déplacements fréquents et inutiles; qu'aux
termes de la loi de 1886, si le Conseil général
ne se réunit pas
au
jour fixé par la loi ou par le décret de convocation en nombre suffisant
pour délibérer, la session est renvoyée de plein droit au lundi suivant;
si en cours de session
les
membres
présents ne
forment pas
la

— 378 —
est ce chef-lieu. Il est nécessaire d'examiner quelles peuvent
être les conséquences de cet état de choses, au point de vue
des conseils généraux.
Dans la métropole, la règle est formelle : le conseil gé-
néral doit se réunir au chef-lieu du département; bien que
ce principe ne résulte d'aucune prescription légale explicite,
on peut le déduire :
1° De la loi du 28 pluviôse an VIII (art. 2) qui, en mettant
fin au régime des administrations centrales et des commissaires
du gouvernement, a fait des préfets, du conseil de préfecture
et du conseil général, des parties d'un même organisme qu'il
n'est pas possible de séparer.
2° De l'arrêté du 17 ventôse an VIII, rendu pour l'applica-
tion de cette loi : l'article 3 porte en effet : «...ces maisons (celles
affectées jusque-là au service des commissaires du gouver-
nement et des administrations centrales) serviront à la de-
meure des préfets
et à la réunion du conseil général du
département. »
3° De la loi du 15 février 1872 qui, en prescrivant qu'en
cas de dissolution des Chambres, les conseils généraux pour-
ront se réunir sur un point quelconque du département, si le
lieu habituel de leurs séances ne leur parait pas offrir des ga-
ranties suffisantes pour la liberté de leurs délibérations, a,
par cela même, rappelé qu'un conseil général ne peut. sauf
ce cas, se réunir qu'au chef-lieu du département.
Un préfet pourrait-il, en raison de circonstances particulières,
convoquer un conseil général hors du chef-lieu du départe-
ment"? nous ne le pensons pas. Le conseil général doit être
convoqué là où est la résidence officielle du préfet, et il fau-
drait que celui-ci eût été obligé de quitter celte résidence, par
exemple par une occupation étrangère, pour qu'une dérogation
à cette règle fût légale. Une épidémie au chef-lieu ne nous
majorité du conseil, les délibérations sont renvoyées au surlendemain;
que dans les deux cas, la loi dispose expressément que les délibérations

seront alors valables, quel que soit le nombre des membres présents ou
des votants; qu'il suit de là que les conseils généraux

pourront
continuer à délibérer valablement pendant tout le reste de la session
sans que l'absence du
quorum puisse entraîner de nouveau le renvoi
des discussions ou des scrutins
à une date ultérieure, sont d'avis, etc.

— 379 —
paraîtrait pas un motif suffisant pour justifier celte dérogation,
car le siège de la préfecture n'est pas changé pour cela.
Dans les colonies, les actes que nous venons de rappeler
ne sont pas en vigueur et on pourrait d'autant moins appliquer
les règles métropolitaines, qu'il n'y a pas (nous le croyons du
moins), sauf à la Guyane, de chef-lieu légal de la colonie.
Aussi, considérons-nous comme un droit absolu pour un gou-
verneur de réunir le conseil général dans la ville où il croit
sa présence le plus utile ou devant entraîner le moins de
dérangement pour les membres qui en font partie. Ce droit
n'a comme limite que celui du pouvoir central d'obliger le
gouverneur à modifier la convocation ou de le révoquer.
393. Le conseil général de la Réunion élit son bureau dans
les conditions prévues à l'article 25 de la loi du 10 août 1871 (1).
A la Guadeloupe et à la Martinique, les dispositions du décret
du 3 décembre 1870 (art. 4) sont encore en vigueur (2).
L'ouverture de chaque session est faite par le gouver-
neur.
Le directeur de l'intérieur aujourd'hui par délégation du
gouverneur le secrétaire général, a entrée aux séances et est
entendu quand il le demande ; les autres chefs d'administration
ou de service peuvent être autorisés par le gouverneur à en-
trer au conseil pour y être entendus sur les matières qui
rentrent dans leurs attributions (3); c'est, pour l'administration,
un droit qui n'existe pas dans la métropole.
Les règles relatives à la police de l'assemblée, à la publicité
et aux procès-verbaux des séances sont les mêmes que dans la
métropole. Toutefois les comptes rendus sommaires et officiels
à délivrer à la presse ne sont pas obligatoires (4).
394. Les délibérations prises par les conseils généraux hors
du temps de leurs sessions, hors du lieu de leurs séances, ou
en dehors de leurs attributions légales, sont nulles (5) ; c'est
là une disposition analogue à celles des articles 33 et 34 de la
(1) Déc. 30 avril 1892.
(2) déc. 3 décembre 1870.
(3) Déc. 26 juillet 1854, art.9 et 10.
(4) Déc. 16 février 1877.
(5) Déc. 26 juillet 1834, art. 13.

— 380 —
loi de 1871. Le droit de déclarer la nullité appartient au gou-
verneur en conseil privé, mais le gouvernement n'est pas, pour
cela, dessaisi du droit qu'il possède de maintenir les corps
électifs dans les limites du domaine légal de leurs attributions.
La délégation donnée au gouverneur, en prévision de cas ur-
gents, par l'article 13 du décret du 26 juillet 1854, pour
déclarer la nullité des délibérations, n'a pas privé le gouver-
nement du droit d'exercer également ce pouvoir par un décret
rendu en Conseil d'État, quand le gouverneur n'a pas de lui-
même prononcé la nullité, soit qu'il ne l'ait pas jugé utile,
soit qu'il ait pensé que la délibération du conseil général
rentrait dans les cas d'annulation prévus à l'article 1er du sénatus-
consulte de 1856. C'est du moins en ce sens que paraît fixée
la jurisprudence (1).
La déclaration de nullité prononcée soit par un arrêté du
gouverneur en conseil privé, soit par un décret rendu en Conseil
d'État, présente avec l'annulation cette différence considérable
que l'effet de la première remonte à la date même de l'acte,
tandis que l'annulation ne peut produire d'effet qu'à partir du
décret même qui la prononce.
(1) C. d'Et. 16 janvier 1872. — Le Conseil... qui a pris connaissance
d'un projet de décret annulant, par l'application de l'article 1er du
sénatus-consulte du i juillet 1866, la délibération du 4 juillet 1871, par
laquelle le conseil général de la Réunion décide: 1° Qu'il lui appartient
de voler sur le maximum des centimes additionnels que les communes
sont autorisées à s'imposer; 2° Qu'il délègue aux communes, pour cette

année, le soin de déterminer elles-mêmes le maximum de leurs centi-
mes additionnels; — Considéraut que, pour proposer l'annulation de
cette délibération, le ministre se fonde sur la disposition finale de
l'article 1er susvisé, relative a la procedure d'annulation d'une délibéra-

tion illégalement prise par le conseil, sur l'une des matières limitati-
vement énumérées audit article 1er; mais que, dans l'espèce, l'excès de
pouvoir consiste précisément dans l'examen d'une question d'intérêt

purement municipal, dont la connaissance n'est réservée au conseil
général ni par cet article 1er ni par aucun autre article du senatus-
consulte de 1866; — Considérant dès lors, que si la nullité de la délibéra-

tion doit incontestablement être déclarée, elle ne peut l'être que par
application de ce principe général, que le gouvernement a pour devoir
de maintenir les corps électifs dans les limites du domaine légal de
leurs attributions :
Est d'avis qu'il y a lieu d'approuver le projet de décret modifié con-
formément aux observations qui précèdent.
Cf. Déc. 31 janvier 187-2, déclarant nulle une délibération du conseil
général de la Réunion; 16 novembre 1884, déclarant nulle une délibé-
ration du conseil général de la Martinique.


— 381 —
Les déclarations de nullité prises par les gouverneurs sont
susceptibles de recours : quoique ce soient des actes politiques
intéressant l'action gouvernementale et que le gouverneur
représente le Chef de l'Etat, on ne peut oublier qu'il agit sous
le contrôle du ministre, d'où résulte la possibilité de faire
appel au ministre, ou, omisso medio, au Conseil d'État (1).
395. Aucun article des sénatus-consultes ou des décrets
d'organisation n'a reconnu aux conseils généraux le droit de
faire leur règlement, droit qui résulte pour ceux de la métro-
pole de l'article 26 de la loi du 10 août 1871 ; on ne pourrait,
pourtant, il semble, le leur contester, s'ils se conforment aux
prescriptions, légales ou réglementaires, notamment à l'article
11 du décret du 26 juillet 1854 relatif aux voles. Le scrutin
public est la règle ; il est vrai qu'à cette époque les noms des
membres qui avaient pris part aux discussions et, par suite,
aux votes ne pouvaient être mentionnés au procès-verbal. Le
scrutin secret est obligatoire dès que quatre membres le
réclament.
En fait, des règlements particuliers ont été adoptés par les
assemblées coloniales : pour la Martinique le 13 février 1871,
pour la Guadeloupe le 28 novembre 1866 (2), pour la Réunion
le 17 mars 1871.
396. Le gouverneur peut dissoudre ou proroger le conseil
général par un arrêté rendu en conseil privé : en cas de dis-
solution, il est procédé dans le délai de trois mois à une nou-
velle élection (3). La durée de la prorogation n'est pas fixée;
toutefois on ne saurait considérer ce droit que comme s'appli-
quant à une suspension de courte durée. Le gouverneur doit
en référer naturellement au pouvoir métropolitain, à qui,
d'ailleurs, aucune limite n'est imposée, pour faire cesser la
prorogation, de telle sorte que les colonies anciennes peuvent
être légalement privées de la représentation locale pour une
durée indéterminée.
(1) Ç. d'Et. cont., 8 mars 18G6 (conseil général de la Martinique). L.
186C p. 22).
(2) Le règlement adopté est celui qui avait été voté par l'ancienne
assemblée coloniale le 13 janvier 1834.
(3) Déc. 26 juillet 1854, art. 15.

— 382 —
3. Pouvoirs des conseils généraux. — Décisions.
397. Les conseils généraux des colonies prennent des déci-
sions ou des délibérations, émettent des avis ou des vœux,
votent enfin le budget des recettes et des dépenses, les impôts,
etc. Nous examinerons successivement ces cinq natures d'at-
tributions.
Les pouvoirs de décision des conseils généraux résultent de
l'article 1er du sénatus-consulte du 4 juillet 1866. « Le conseil
général statue.... ». Suit l'énumération d'un certain nombre
de matières; il est seulement utile de signaler les points
principaux par lesquels cet article diffère de l'article 46 de
la loi du 10 août 1871.
Le conseil général statue sur l'acquisition, l'aliénation,
l'échange, le changement de destination ou d'affectation des
propriétés de la colonie quand elles ne sont pas affectées à un
service public,
et non, comme dans la métropole, à l'un des
services à la charge du département.
Ceux-ci sont nettement
déterminés ; il n'en est pas de même aux colonies et on a dû
se demander par exemple si l'aliénation de l'hôtel affecté au
secrétaire général peut être prononcée par le conseil gé-
néral. Dans ce cas particulier, le Conseil d'État a reconnu
que le conseil général n'avait pas le droit de décider, qu'il
lui appartenait seulement de délibérer, cette délibération de
vant être, dans les formes ordinaires, soumise à l'approba-
tion de l'autorité supérieure (1).
D'autre part, une maison de campagne, résidence hors ville
du gouverneur, n'est pas considérée comme affectée à un ser-
vice public, et le conseil général peut en ordonner la vente
sans excéder ses pouvoirs : le classement dans les dépenses
obligatoires du loyer, de l'ameublement et de l'entretien du
mobilier du gouverneur ne peut recevoir une pareille extension
et créer pour une colonie l'obligation de conserver au gou-
verneur une double résidence (2).
Les droits du conseil général en matière de propriété colo-
(1) Cons. d'État. 11 janvier 1872.
(2) Cf. C. d'Et. 8 janvier 1874.


— 383 —
niale ou de travaux à exécuter ne peuvent d'ailleurs s'exercer
d'une manière réglementaire ; le conseil ne peut statuer que
sur les affaires spéciales dont il est saisi (1).
398. Le conseil général statue sur les actions à intenter ou
a soutenir au nom de la colonie; toutefois, en cas d'urgence,
le gouverneur peut intenter toute instance ou y défendre sans
délibération préalable du conseil général. Le décret du
12 juin 1879 qui a créé les commissions coloniales aux Antilles
et à la Réunion n'a pas modifié cette situation : les commis-
sions ne sont donc pas substituées au gouverneur sur ce
point, et, conformément à la jurisprudence métropolitaine, le
conseil général ne pourrait leur déléguer ses attributions d'une
manière constante.
Dans les actions ainsi intentées ou soute-
nues, le gouverneur a seul qualité pour représenter la colonie
en justice.
Le sénatus-consulte de 1866 n'a pas prévu le cas où les in-
térêts de la colonie seraient en opposition avec ceux de l'État.
Il nous semble que par analogie avec ce qui est prescrit pour
les conseils généraux métropolitains (L. 10 août 1871, art. 54),
il serait sage de conférer le droit de représentation de la colonie
à un membre de la commission
coloniale désigné par
celle-ci.
Le gouverneur peut seul défendre aux actions : ce droit
n'appartient pas au ministre et la colonie aurait toujours le
droit de faire opposition à un arrêt du Conseil d'État rendu
sur un simple avis du ministre, sans que le gouverneur ait
exposé ses moyens de défense en vertu d'une délibération du
conseil général et par le ministère d'un avocat au Conseil (2).
399. Le conseil général peut se pourvoir contre les actes
du gouverneur, pour excès de pouvoir, etc. (3); mais ce
(1) Cous. d'Et. fin. 28 janvier 1875. — Considérant que si. aux termes
de l'article 1er § 4, du sénatus-consulte de 1866, le conseil général statue
sur les baux de biens donnés ou pris à ferme ou à loyer, quelle qu'en
soit la durée, cette disposition limite exclusivement la compétence du
conseil général, en matière de baux, au droit de statuer sur les affaires
particulières qui lui sont soumises... — Même avis en matière de
concession de travaux d'intérêt colonial, 21 juillet 4885.
(2) Cf. Cons. d'Et. cont. 9 avril 1875 (colonie de la Réunion). L. 75.288.
(3) Cf. Cons. d'Et. cont. 8 mars 1866 (conseil général de la Martinique),
L. 66.219.

— 384 —
pourvoi ne peut pas être formé par le président du conseil
sans délibération spéciale (1).
La délibération du conseil est nécessaire : elle peut être
prise à la majorité des voix et confier au président, ou même,
croyons-nous, à un mandataire spécial, le soin d'agir en son
nom.
400. En matière d'acceptation ou de refus de dons ou legs,
les conseils généraux des colonies ne peuvent statuer définiti-
vement (comme les conseils généraux métropolitains avant la
loi de 1871), que lorsque les dons ou legs sont faits sans
charges ni affectation immobilière et qu'ils ne soulèvent pas de
réclamation de la part des héritiers.
401. Le conseil général statue encore sur la part contribu-
tive de la colonie dans les dépenses des travaux à exécuter par
l'État et qui intéressent la colonie. La rédaction de cet article
est la même que dans la métropole; il doit être entendu dans
ce sens que si le gouvernement estime que la somme contri-
butive voté par le conseil général est insuffisante, la délibé-
ration ne doit pas avoir de suite. La colonie ne peut être con-
trainte à verser une somme plus élevée ; l'État a la ressource
de ne pas entreprendre le travail projeté.
402. Les projets, plans et devis des travaux exécutés sur
les fonds de la colonie sont approuvés dans les mêmes con-
ditions par le conseil général; mais son droit ne va pas jusqu'à
régler le mode d'exécution des travaux et le mode de récep-
tion; ces attributions appartiennent exclusivement à l'adminis-
tration qui tient cette prérogative des ordonnances constitutives
des colonies, non modifiées en ce point par les sénatus-consultcs
de 1854 à 18GC. La loi du 10 août 1871, où pourtant les pou-
voirs des conseils généraux en cette matière ont été augmen-
tés par ces mots : « et désignation des services auxquels ces
travaux seront confiés », ne donne nullement le droit aux
conseils de s'écarter des règles générales de l'administration
des travaux, ni de se soustraire aux prescriptions réglemen-
taires imposées pour l'exécution desdits travaux. Les conseils
généraux des colonies, pour lesquels, d'ailleurs, cette exten-
(1) Cf. Cons. d'Et. cont. 10 novembre 1882 (conseil général de la Mar-
tinique), L.
2.847.

— 385 —
sion de pouvoir n'existe pas, ne sauraient revendiquer, en
matière de travaux, d'autre droit que celui d'examiner les
projets contenant les plans et devis et de les approuver ou
de les modifier.
Celte opinion a contre elle une décision du Conseil d'État
statuant au contentieux (1); il ne nous paraît pas cependant
possible de considérer comme attributions légales du conseil
général d'autres attributions que celles qui lui ont été expli-
citement données; si le droit de désigner le mode d'exécution
des travaux de route n'a pas été conféré au conseil — et la
décision ne se prononce pas sur ce point — il ne rentre pas
dans ses attributions légales.
L'opinion que nous soutenons a d'ailleurs été acceptée de-
puis cette époque par le décret du 16 novembre 1884 décla-
rant nulle une délibération du conseil général de la Martinique,
également en matière de travaux de route (2).
403. Le conseil général vote les taxes et contributions
(1) Cons. d'Et. cont. 10 novembre 1882 (Conseil général de la Marti*
nique. — Considérant que l'article 1er, n° 18, du sénatus-consulte du
4 juillet 1866 autorise le conseil général de la Martinique à statuer sur
les projets, plans et devis des travaux exécutés sur les fonds de la
colonie; — Qu'en admettant que le droit de désigner le mode d'exécution
de ces travaux n'ait pas été conféré au conseil général par l'article pré-
cité et qu'en prenant la délibération du 11 mars 1880 par laquelle le
conseil général a décidé que les routes seraient entretenues à l'entre-

prise, cette assemblée n'ait pas statué dans la limite de ses pouvoirs,
cette délibération n'est pas de celles qu'aux-termes de l'article 13 du

décret du 26 juillet 1854 il appartient au gouverneur d'annuler en conseit
privé, comme ayant été prise par le conseil général en dehors de ses
attributions légales; — Que le gouverneur n'aurait pu en demander

l'annulation que dans le délai et dans les formes prescrites par l'article 1er
du sénatus-consulte du 4 juillet 1866; — Que dès lors, en prenant
l'arrêt attaqué du 7 mai 1880, le gouverneur de la Martinique a excédé

la limite de ses pouvoirs. (Arrêté annulé.)
(2) Considérant que l'article 1er du sénatus-consulte du 4 juillet 18C6
limite exclusivement la compétence du conseil général, en matière de
routes, au classement, a la direction et au déclassement, à l'acceptation

des offres de concours — en matière de travaux exécutés sur les fonds
de la colonie, aux projets, plans et devis; — Considérant que le conseil
général de la Martinique, en statuant, dans sa séance du 6 décembre 1883,
sur le mode de réception des travaux exécutés sur les routes coloniales,

est sorti des attributions qui lui appartiennent, en vertu du sénatu s
consulte susvisé :

... La délibération ci-dessus visée du conseil général de la Martiniqu e
est déclarée nulle et non avenue.
COLONIES, I.
25

— 386 —
nécessaires pour l'acquittement des dépenses de la colonie;
ses pouvoirs sont actuellement fixés sur ce point par l'article
3393 de la loi de finances du 13 avril 1900. Nous reviendrons
plus loin (nos 414 et suiv. ) sur les droits des conseils généraux
en cette matière, mais nous devons, dès à présent, faire re-
marquer que les pouvoirs des conseils ne vont pas jusqu'à
leur permettre de voter des taxes destinées à l'acquittement de
dépenses ne se rapportant pas aux obligations de la colonie, de
dépenses municipales par exemple (1).
404. Les délibérations prises sur les matières énumérées à
l'article 1er du sénatus-consulte de 1866 sont définitives et de-
viennent exécutoires si, dans le délai d'un mois à partir de la
clôture de la session, le gouverneur n'en a pas demandé l'an-
nulation pour excès de pouvoir, pour violation d'un sénatus-
consulte, d'une loi ou d'un règlement d'administration publi-
que. L'annulation est prononcée sur le rapport du ministre des
colonies, par décret rendu dans la forme des règlements d'ad-
ministration publique.
Le gouverneur ne peut déclarer nulle de plein droit une
délibération qui doit être ainsi frappée d'annulation par
décret (2). Mais inversement il ne faut pas oublier que l'an-
nulation ne peut être prononcée que pour les délibérations prises
sur les matières explicitement indiquées dans cet article 1er :
dès que la délibération porte sur un sujet qui n'est pas expli-
citement porté sur cette liste, et ne rentre dans aucune des
attributions du conseil général, ce n'est pas l'annulation qui
doit la frapper, mais la déclaration de nullité. C'est ce qui
doit arriver si, par exemple, un conseil général déclare qu'il
lui appartient de voter sur le maximum des centimes addi-
tionnels que les communes sont autorisées à s'imposer : aucun
texte ne donnant compétence en cette matière au conseil
général qui s'immisce dans les pouvoirs du gouverneur et des
conseils municipaux, la délibération ne peut qu'être déclarée
nulle et non avenue.
405. On a quelquefois soutenu que lorsqu'un conseil général,
(1) Cf. Déc. 20 avril 1882, annulant une délibération du conseil géné-
ral de la Réunion.
(2) C. d'Et. cont. 18 janvier 1900 (conseil général de la Réunion).

— 387 —
par erreur ou de propos délibéré, méconnaissant l'étendue de
ses attributions, se servait d'expressions impropres et décidait
comme s'il s'agissait d'une affaire comprise dans l'énumé-
ration de l'article 1er du sénatus-consulte, au lieu de délibérer
simplement comme cela est prescrit par l'article 3, le gouver-
nement n'était pas obligé de procéder par voie d'annulation,
qu'il pouvait se contenter de ne pas approuver la délibération
dans les conditions prescrites par le décret du 11 août 1866.
Cette délibération tombait alors d'elle-même; Nous ne parta-
geons pas cette opinion : la délibération, bien ou mal fondée,
existe; elle devient exécutoire, en vertu même de la forme
que le conseil général lui a donnée, si le gouvernement ne la
fait pas tomber par une annulation ou une déclaration de nullité.
L'opinion contraire à la nôtre a, dans une espèce récente,
prévalu au Conseil d'Etat (1).
406. Le gouverneur doit demander l'annulation dans le dé-
lai d'un mois à partir de la clôture de la session; le délai en
Erance est de vingt jours seulement et a le même point de
départ. Le délai d'un mois peut être, dans certains cas, trop
court, car les conseils généraux des colonies n'ont pas, comme
dans la métropole, l'obligation d'établir dans les quarante-huit
heures un compte rendu sommaire et officiel de leurs séances.
Le gouverneur, ne pouvant demander l'annulation que quand
il est en possession d'un texte officiel de la délibération, peut
se trouver désarmé si le bureau du conseil général fait
attendre trop longtemps la remise de ses procès-verbaux (2).
(1) Cons. d'Et. fin., 3 septembre 1903. -- Le Conseil d'Etat, sur le renvoi
qui lui a été fait par le ministre des colonies d'un projet de décret
annulant

par
application de l'article 1er du sénatus-consulte du
4 juillet 1866 la délibération du 10 décembre 190-2, par laquelle le conseil
général de la Guadeloupe a décidé que le sieur C, acquéreur d'une
propriété de la colonie dite... serait admis à se libérer par acomptes
annuels de 1 000 francs au lieu de 2 000 francs; — considérant que si
le conseil général avait le droit d'exprimer son opinion sur cette mesure-
d'exécution. sa délibération n'est relative à aucun des objets sur lesquels
il appartient aux conseils généraux de statuer définitivement en vertu
de l'article 1er du sénatus-consulte du 4 juillet 1866 et qu'il n'y a dès lors
pas lieu de procéder par voie · d'annulation dans les conditions de
l'article, etc.

(2) Une modification du point de départ des délais serait d'autant plus
nécessaire qu'il a été décidé (Cons d'Et. cont. 8 mars 1866, conseil géné-
ral de la Martinique) qu'une déclaration de nullité prononcée par le gou-

— 388 —
Le sénatus-consulte de 1866 n'exige pas que le recours du
gouverneur soit notifié au président du conseil général et au
président de la commission coloniale.
Aucun délai n'est imparti au gouvernement pour rendre le
décret d'annulation.
§ 4. Pouvoirs des conseils généraux. Délibérations.
407. L'article 3 du sénatus-consulte du 4 juillet 1866 énu-
mère un certain nombre de matières sur lesquelles les délibé-
rations du conseil général ne sont pas définitives et ont besoin,
pour devenir exécutoires, de l'approbation du pouvoir exécu-
tif; c'est un régime semblable à celui établi dans la métropole
par l'article ο de la loi du 10 mai 1838, auquel l'article 49 de
la loi du 10 août 1871 a substitué la suspension par décret
dans un délai de trois mois. Aux colonies, la liste des matières
sur lesquelles le conseil général n'a que le pouvoir de délibé-
rer, sous réserve d'approbation, est beaucoup plus étendue que
dans la métropole : c'est pourquoi il est d'autant plus néces-
saire de déterminer la valeur de ces délibérations. Si on rap-
proche le mot délibérer de celui statuer employé à l'article 1er,
il est évident que les assemblées coloniales ne sauraient avoir
la môme action souveraine clans le second cas que dans le
premier; c'est, en effet, le but qu'a voulu atteindre l'approba-
tion exigée à l'article 3. Mais ce but peut-il être atteint dans
tous les cas ? La solution de cette question dépend de la signi-
fication et de l'extension que l'on donne au mot approbation
employé par les rédacteurs du sénatus-consulte.
Le pouvoir reconnu compétent pour approuver la délibéra-
tion doit-il l'homologuer ou la rejeter purement et simplement,
ou peut-il la modifier en tout ou en partie ? Si, après un
premier
renvoi,
l'assemblée
locale
persiste
dans
son
opinion,
à qui
restera le
dernier mot ? Il est évident
que le législateur n'a pas eu en
vue
de
créer une
verneur sur un compte rendu n'ayant pas un caractère légal, et dont le
eonseil général conteste l'exactitude, constitue un excès de pouvoir.


— 389 —
confusion de pouvoirs; qu'en accordant
au pouvoir exé-
cutif le droit d'approuver, ce qui implique la faculté de reje-
ter, il a eu l'intention de lui reconnaître celui d'amender; ce-
pendant les termes qu'il a employés prêtent à l'équivoque, et
c'est à la législation générale qu'il est nécessaire de se repor-
ter pour rechercher dans chaque cas particulier la limite des
attributions du pouvoir central et des pouvoirs locaux. Le
Conseil d'État paraît avoir incliné vers une opinion plus absolue
que la nôtre en se prononçant sur une contestation qui mettai
en cause, non pas à vrai dire, le droit du pouvoir exécutif lui-
même, mais celui de son représentant dans la colonie, le gou-
verneur. Il a décidé qu'une délibération du conseil général de
la Guadeloupe sur le mode de concession d'un service de
bateaux à vapeur, si elle devait être approuvée ou rejette, ne
pouvait par contre être modifiée dans ses conclusions; le gou-
verneur n'avait pas le droit de substituer un mode de conces-
sion différent (1).
408. En ce qui concerne les dons et legs, le conseil géné-
ral délibère sur l'acceptation, le refus, les conditions de l'ac-
ceptation, mais en cette manière le droit du pouvoir exécutif
est très étendu : le décret qui statue sur cette délibération ne
peut évidemment modifier les conditions de l'acceptation,
prescrire une réduction du legs, mais il peut refuser l'approba-
tion et même, ainsi que les sections des finances et de l'intérieur
du Conseil d'État l'ont reconnu dans un avis du H avril 1883 (2),
prescrire l'acceptation ou le refus d'un legs contrairement à
l'avis du conseil général.
<1) C. d'Et. cont., 8 août 1896 (compagnie des bateaux à vapeur et
conseil général de la Guadeloupe). — Considérant que si, dès lors, le
gouverneur pouvait refuser son approbation, il ne lui appartenait pas,
sans provoquer une nouvelle délibération du conseil général, de subs-
tituer un autre mode de concession du service des bateaux à vapeur à
celui qui avait été adopté par cette assemblée dans la délibération
précitée; qu'ainsi les décisions du gouverneur en date des 24 mai et
8 octobre 1894 devront être annulées pour excès de pouvoir, etc.

(2) Cons. d'Et. fin. et int. 11 avril 1883. — 1° En matière de dons et
legs : — Considérant que l'ordonnance du 30 septembre 1827 qui a fixé
les règles à suivre dans les colonies pour l'acceptation des dons et legs
en faveur d'établissements publics n'a fait que reproduire, en les appro-
priant aux colonies, les dispositions des lois métropolitaines sur la
matière; — Que si le sénatus-consulte de

1866 a
transféré du gou-

— 390 —
409. Le conseil général est investi du droit de délibérer sur
le mode de recrutement et de protection des immigrants, mais
ce droit est nécessairement très limité. D'une part, quand il est
intervenu un traité international, le conseil général ne saurait
prendre une décision qui lui soit contraire ; les questions
d'immigration présentent un intérêt politique et social qui va
au delà des limites d'une colonie particulière. Le gouvernement,
d'autre part, ne saurait abandonner son droit de concilier les
intérêts plus étendus dont il a la garde avec les vœux de la
colonie; il peut seul statuer d'ailleurs sur la législation correc-
tionnelle et de simple police (1). Un décret peut, par suite,
verneur au conseil général le droit de délibérer sur l'acceptation des
dons et legs, le même droit a été donné par la loi du 10 août 1871 aux
conseils généraux de la métropole; — Que par suite la jurisprudence en
vigueur dans la métropole.doit continuer à s'appliquer aux colonies; et
qu'ainsi aucune délibération des conseils généraux des colonies sur les
matières du deuxième paragraphe de l'article 3 du sénatus-consulte de
1866 n'est exécutoire sans l'approbation du chef de l'Etat; l'approbation
d'une acceptation peut être totale ou partielle, et en cas de refus, le
chef de l'Etat a le pouvoir de prendre, par un règlement d'administra-
tion publique, une décision en sens Contraire (arrêt du Conseil d'Et. du
14 avril 1864); mais qu'aucun texte de loi n'autorise le gouvernement
a modifier autrement les dispositions adoptées par le conseil général;
2° En matière de recrutement et de protection des immigrants : — Con-
sidérant que l'article 3 du sénatus-consulte du 4 juillet 1866, en appelant
le conseil général à délibérer sur le mode de recrutement et de protec-
tion des immigrants, n'a pas eu pour but et ne pouvait avoir pour effet
de priver le gouvernement du droit résultant pouf loi de l'article 6 du
sénatus-consulte du 3 mai 1854, do statuer par décrets rendus dans la
forme des règlements d'administration publique sur la législation en
matières correctionnelle et de simple police ;
Sont d'avis qu'il y a lieu de répondre au ministre de la marine et des
colonies dans le sens des observations qui précèdent.
(1) Cons. d'Et. cont. (aff. Chapp). — Considérant qu'aux termes de l'ar-
ticle 36 du décret du 27 mars 1832 a les gouverneurs pourvoient par
des règlements spéciaux à toutes les mesures que pourra réclamer la
situation des immigrants; » — Que si l'article 3 du sénatus-consulte du
4 juillet 1866 appelle le conseil général à délibérer « sur le mode de
recrutement et de protection des immigrants » et si le décret du 11 août
suivant décide que le régime de l'immigration aux colonies fera l'objet
de décrets rendus en la forme de règlements d'administration publique,
ces dispositions ne font pas obstacle à ce que, en 1 absence d'une régle-
mentation générale, le gouverneur exerce le droit que lui confère
l'article 36 du décret précité du 27 mars 1852, de faire les règlements
spéciaux concernant les mesures de protection qu'exige la sécurité des
immigrants; — Qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés
à contester la légalité de l'arrêté du 16 janvier 1877; Considérant
dès lors que la décision du 5 octobre 1830 a été prise par le gouverneur

— 391 —
conformément ou contrairement aux délibérations des conseils
généraux, statuer sur les pénalités en matière d'immigration.
Le
conseil général de
la
Réunion
a usé
ainsi
du
droit de faire un règlement sur la protection des immi-
grants : le gouvernement, se reconnaissant le droit tout au
moins d'extraire certaines parties de ce règlement, a approuvé
seulement les premiers articles par le décret du 30 mars 1881.
Les gouverneurs restent investis du pouvoir réglementaire
qui résulte pour eux du décret du 27 mars 1852 (1), pouvoir
qu'ils conserveraient, d'ailleurs, même après l'adoption de
règlements, généraux, à la condition de ne pas prendre des dis-
positions contraires à celles de ces règlements.
410. Le sénatus-consulte du 4 juillet 1866 laissait à un
règlement d'administration publique le soin de déterminer le
mode d'approbation des délibérations des conseils généraux ;
ce règlement porte la date du il août 1866. Suivant l'impor-
tance de ces délibérations, les actes d'approbation varient ; ce
sont :

1? Des règlements d'administration publique en matière
d'emprunts, de dons et legs, de recrutement et de protection
des immigrants;
2° Des décrets simples en matière d'assiette et de règles de
perception des contributions et taxes ;
3° Des arrêtés du gouverneur en conseil privé dans tous les
autres cas.
§ 3. Avis et vœux des conseils généraux.
411. Le conseil général, d'après l'article 1 du sénatus-con-
sulte de 1866, donne son avis sur les changements à apporter
dans l'exercice des pouvoirs spéciaux qui lui sont attribués par les
décrets et arrêtés ci-dessus visés; —Que d'ailleurs il n'est pas allégué
qu'il ait fait de ce pouvoir un usage autre que celui en vue duquel il
lui appartenait; — qu'il suit de là qu'il n'appartenait pas au conseil
privé et, qu'il n'appartient pas davantage au Conseil d'Etat, statuant,
soit par voie de recours contre la décision dudit conseil, soit par appli-
cation des lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872, de prononcer l'an-
nulation de la décision susvisée du gouverneur de la Guadeloupe...

(1) Idem.

— 392 —
à la circonscription des arrondissements, cantons et communes,
sur la désignation des chefs-lieux, sur les difficultés relatives
à la dépense des travaux qui intéressent plusieurs communes,
enfin, en général, sur toutes les questions d'intérêt colonial
dont la connaissance lui est réservée par les règlements et sur
lesquelles il est consulté par le gouverneur.
412. Le conseil peut adresser directement au ministre des
colonies, par l'intermédiaire de son président, les réclamations
qu'il aurait à présenter dans l'intérêt spécial de la colonie,
ainsi que son opinion sur l'état et les besoins des différents
services publics qui y fonctionnent. Ces observations peuvent
naturellement revêtir la forme de vœux, mais il n'en résulte pas
l'extension aux assemblées coloniales du droit que les assem-
blées départementales tiennent de l'article 51 de la loi du 10
août 1871, d'émettre des vœux sur les questions économiques
et d'administration générale. Les vieux qu'ils peuvent émettre
sont absolument limités aux questions intéressant leur propre
colonie.
§ G. — Budgets. Impôts.
413. Le budget de la colonie est délibéré par le conseil géné-
ral et arrêté par le gouverneur.
Les recettes comprennent, outre la subvention qui peut être
accordée par l'État, toutes les perceptions faites dans la colo-
nie, sauf le produit de la vente ou de la cession d'objets payés
sur les fonds généraux de l'État et les retenues sur les traite-
ments inscrits au budget de l'État. Ainsi les ventes du matériel
militaire faites par le domaine, ainsi que celles des produits de
démolition des forts et batteries, ont lieu pour le compte du
trésor public, mais les fruits du domaine public ont été laissés
aux colonies.
La réserve des cinquante pas géométriques sur tout le
littoral, qui appartient au domaine public, par exemple, produit
des fruits qui entrent dans la caisse locale, mais le conseil
général n'a pas le droit d'établir ou de modifier les rede-
vances à percevoir sur cette réserve ; il appartient au gou-

— 393 —
vernement seul, et, par délégation, au gouverneur, de les
fixer (1).
414. Les ressources de la colonie comprennent, en dehors
des produits du domaine et des subventions de l'État, les
produits des contributions et des taxes.
Depuis
la
loi de finances du 13 avril 1900, lors-
que les conseils généraux,
dans les diverses colonies
où ils sont institués, délibèrent sur les contributions et taxes
dont les produits seront compris dans les recettes des budgets
locaux, les conditions dans lesquelles ces délibérations de-
viennent exécutoires sont aujour'hui les mêmes, qu'il s'agisse
du mode d'assiette, des tarifs et des règles de perception. Les
délibérations, dans tous les cas, d'après l'article 33 § 3 de la
loi de finances du 13 avril 1900, ne sont applicables qu'après
avoir été approuvées par des décrets en Conseil d'Etat.
415. Le Conseil d'État, quand ces délibérations lui sont sou-
mises, peut se montrer favorable ou hostile à l'approbation.
S'il est d'avis de ne pas approuver, le conseil général est ap-
pelé de nouveau à se prononcer. Quelle est exactement la
portée de cette disposition? L'opinion du Conseil d'État est à
ce point de vue très libérale. La haute assemblée n'est pas
d'avis de renvoyer au conseil général, dans son intégralité, une
délibération qu'elle a peut-être désapprouvée en partie seule-
ment. Le conseil général ne doit se prononcer à nouveau que
sur celle des innovations que le Conseil d'État se refuse à ad-
mettre. Et les tarifications nouvelles doivent être considérées
comme validées de piano dans la limite des chiffres que le
Conseil d'État a acceptés (2).
(1) Sén.-cons. 4 juillet 1866, article 5.
(2) Conseil d'Etat. Fin., 7 juillet 1903. — Considérant que si cette dispo-

sition de l'avant-dernier alinéa du paragraphe 3 de l'article 33 de la loi
de 1900 était prise dans son acception littérale, le Conseil d'Etat devrait

renvoyer, pour modifications, aux assemblées locales, toute délibération
qu'il désapprouverait, soit en totalité soit en partie; mais qu'une telle
procédure, étant donné le grand éloignement de la plupart des colonies
et l'unicité de session ordinaire de leurs conseils généraux, aurait le
sérieux inconvénient de laisser en vigueur, pendant des périodes pro-

longées des impôts dont le principe aurait été condamné; qu'il paraît,
dans ces conditions, que la disposition doit être entendue dans ce sens
que le Conseil d'État a qualité pour donner force exécutoire à toutes


— 394 —
Les taxes votées par le conseil général ne peuvent être;' en
aucun cas, modifiées par le gouverneur, alors même qu'il s'agis-
sait, comme sous l'empire de l'ancienne législation, de pour-
voir à l'acquittement des dépenses obligatoires (n° 421).
416. Les termes de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900
excluent complètement pour le gouverneur la faculté que lui
reconnaissaient la législation précédente et notamment le décret
u 11 août 1866, les nouvelles taxes et contributions. La ques-
tion ne saurait faire doute en présence du texte de l'article 33
et l'opinion du Conseil d'État est sur ce point très formelle (1).
417. Le conseil général vote, dans les conditions spéciales
fixées par la loi du 11 janvier 1892, les droits de douane; la loi
du 13 avril 1900 n'a rien innové sur ce point (nos 1028 et suiv.).
418. Les emprunts ne peuvent être approuvés que par de-
crets rendus en la forme des règlements d'administration pu-
blique approuvant également les garanties pécuniaires con-
senties par le conseil général. Il est utile de remarquer à ce
sujet que les emprunts coloniaux, comme ceux de l'État, ne
doivent être gagés par aucune contribution spéciale. Il n'en
est pas ici comme pour les communes : les dettes de la colo-
nie sont exigibles dès qu'elles ont été créées régulièrement, et
les délibérations qu'il a admises, les conseils généraux n'étant appelés
à revenir que sur celles des innovations votées par eux qui auraient

provoqué ses critiques; que cette façon de procéder emporte, par voie
de conséquence, la validation
de piano des tarifications nouvelles dans
la limite des chiffres acceptés par le Conseil d'État,, l'excédent seul se
trouvant frappé de caducité, etc.

.
*
(1) Conseil d'État. Fin., 7 juillet 1903. — Considérant que le droit que
les gouverneurs tenaient du décret du 11 août 1866 de rendre provisoi-
rement exécutoires, en attendant l'approbation du pouvoir central, les

délibérations des conseils généraux relatives au mode d'assiette et aux
règles de perception des contributions et taxes n'étant astreint, quant à
son exercice, à l'observation d'aucun délai, avait motivé dans diverses

colonies, faute de sanctions définitives, des perceptions irrégulières;
que cet état de choses avait donné lieu à des critiques au sein de la

commission
extra-parlementaire chargée de l'étude des réformes à
apporter dans les budgets locaux; qu'il y a été donné satisfaction dans
le paragraphe final de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 portant que

« jusqu'à l'approbation du Conseil d'Etat, la perception se fait sur les
bases anciennes », qu'aucun doute n'est possible, étant donné le mot
bases qui désigne non seulement le taux numérique, mais les modalités

d'application de l'impôt, sur la volonté du législateur de mettre fin, dans
toutes applications, au droit de mise à exécution provisoire dont jouis-
saient les gouverneurs.

— 395 —
le sénatus-consulte de 1866 en classe alors l'acquittement
parmi les dépenses obligatoires à prélever sur les ressources
de tout ordre de la colonie. Le vote d'un conseil général por-
tant affectation spéciale à la garantie d'un emprunt n'a pas le
caractère d'un engagement pris envers des tiers; c'est une
simple indication du conseil général vis-à-vis de ses succes-
seurs.
419. Le budget des dépenses, qui doit satisfaire à tous les
besoins de la colonie autres que le traitement du gouverneur,
du personnel de la justice et des cultes, le service du trésorier-
payeur et les services militaires, est divisé en deux sections
comprenant : la première les dépenses obligatoires, la seconde
les dépenses facultatives.
L'article 7 du sénatus-consulte de 18GG donnait la liste des
dépenses obligatoires ; ces dépenses étaient d'abord celles pré-
vues pour les budgets départementaux (1), mais l'obligation
s'étendait en outre aux frais de la direction de l'intérieur (2), à
ceux du secrétariat du gouverneur, du matériel des cultes, du
personnel et du matériel des ateliers de discipline et des pri-
sons, à la part afférente à la colonie (3) dans les dépenses de
l'instruction publique, de la police générale, des enfants assistés
et des aliénés, au rapatriement des immigrants à l'expiration
de leur engagement, enfin aux contingents mis par le budget
de l'Etat à la charge de la colonie. Cette enumeration était
longue, mais n'aurait pu être restreinte, les colonies disposant
de toutes leurs recettes et devant faire, par suite, face à des
dépenses qui, dans la métropole, incombaient à l'État.
Le chiffre minimum auquel devaient s'élever les crédits
ouverts par le conseil général pour chacune de ces dépenses
obligatoires était déterminé par le ministre, sur la proposition
du gouverneur en conseil privé, sauf en ce qui concernait celui
(1) Les dépenses du matériel de la direction de l'intérieur, de loyer,
ameublement et entretien du mobilier de l'hôtel du gouverneur, du
matériel de son secrétariat, correspondant au loyer, mobilier et entre-
tien des hôtels de préfecture, etc.
(2) Pour les directions de l'intérieur, un décret fixait le minimum des
dépenses du personnel et du matériel que le conseil général devait s'im-
poser.

(3) Le reste étant à la charge des communes.

— 396 —
des frais du personnel de la direction de l'intérieur qui était
fixé par décret. (Sén. cons. i juillet 1886, art. 7.)
419 bis. L'article 33 de la loi de finances de l'exercice 1900
a modifié ces règles. Pour toutes nos colonies, il a posé en
principe que les dépenses civiles et celles de la gendarmerie
seraient supportées par les budgets locaux, et que, dans leur
ensemble, les dépenses inscrites à ces budgets seraient divisées
en dépenses obligatoires et en dépenses facultatives, pour celles
de nos possessions où des conseils généraux sont établis. Plus
particulièrement, dans les colonies d'Amérique et à la Réunion,
d'après les dispositions nouvelles, la nomenclature et le ma-
ximum des dépenses obligatoires doivent être fixés par décret
en Conseil d'Etat; le montant de ces mêmes dépenses, dans la
limite du maximum, est déterminé, s'il y a lieu, par le ministre
des colonies. 11 n'a d'ailleurs été apporté aucune modification
aux règles existantes en ce qui concerne les dépenses faculta-
tives.
On s'est demandé si les maxima fixés par décrets en Con-
seil d'Etat constituaient une limite impérative, non seulement
pour le ministre en cas de rétablissement de crédits, mais
encore pour le conseil général lui-même. Pour répondre à
cette question, il suffit de considérer que les maxima sont
institués uniquement afin que les dépenses obligatoirement
imposées aux colonies soient calculées de la façon la plus stricte.
Mais rien n'empêche les conseils généraux de voter spontané-
ment des crédits qui dépassent les maxima; l'excédent cons-
titue alors, non plus une dépense obligatoire, mais une dépense
facultative (1).
420. Le budget doit comprendre également, au titre des
dépenses obligatoires, un fonds de dépenses diverses et impré-
vues dont le ministre détermine chaque année le minimum et
(1) Conseil d'Etat. Fin., 7 juillet 1903. — Considérant que les maxima...
ont été prévus dans l'intérêt des colonies afin d'arrêter aux chiffres stric-
tement nécessaires la dotation des services dont la charge leur était

imposée; qu'il s'ensuit que ces maxima ne constituent une limite que
pour le droit d'inscription d'office et qu'il est loisible aux conseils géné-
raux de les dépasser, l'excédent revêtant alors le caractère facultatif

avec toutes les conséquences qu'y attachent en particulier les articles
8 et 9 du sénatus-consulte du ί juillet 18G6.

— 397 —
qui est mis à la disposition du gouverneur. C'est avec ce
fonds que le gouvernement pourvoit provisoirement à l'acquitte-
ment des dépenses obligatoires qui n'auraient pas été votées
ou qui auraient été insuffisamment dotées par le conseil géné-
ral. Un arrêté, pris en conseil privé, constate l'absence ou
l'insuffisance des crédits pour les dépenses obligatoires et le
chapitre des dépenses imprévues y subvient momentanément.
Si ce chapitre lui-même n'a pas été voté par le conseil
général, nous ne voyons guère comment le gouverneur, si la
colonie n'est pas reliée par le télégraphe à la métropole et si
le budget est voté au dernier moment, pourrait assurer les
divers services sans une violation de la loi. On pourrait ce-
pendant prétendre que, le budget formant un tout complet,
l'absence d'un des chapitres obligatoires doit être considérée
comme entraînant la nullité du vote par lequel le conseil gé-
néral aurait arrêté le budget et que l'on se trouverait dans le
cas prévu par l'article 10 du sénatus-consulte, c'est-à-dire du
refus de voter le budget (V. n° 423).
421. D'après les articles 8 et 9 du sénatus-consulte du
4 juillet 1860, il était pourvu à l'acquittement des dépenses
obligatoires omises ou réduites par le conseil général par une
augmentation du tarif des taxes, s'il était impossible de recou-
rir à une imputation sur les fonds libres ou à une réduction
des dépenses facultatives. Une question assez délicate était
celle de savoir si le gouverneur pouvait encore, sous l'empire
de la nouvelle législation, relever ainsi le tarif des taxes pour
créer des ressources nouvelles en vue de pourvoir à l'acquit-
tement de dépenses obligatoires inscrites d'office par le minis-
tre. Le Conseil d'Etat s'est prononcé nettement pour la néga-
tive, le régime institué par l'article 33 de la loi du 13 avril
1900 qui laisse au conseil général un simple droit de délibé-
ration sur les tarifs des taxes ne pouvant se concilier à ce
point de vue avec le système mis en vigueur par le sénatus-
consulte de 1866 qui rendait l'assemblée locale maîtresse ab-
solue de ces mêmes tarifs. La prérogative reconnue en l'es-
pèce au gouverneur s'expliquait dans ce second régime; elle
ne se justifierait pas dans le premier, l'intervention du Con-
seil d'Etat pouvant toujours permettre de corriger dans la
mesure nécessaire les délibérations de l'assemblée locale en

— 398 —
matière de tarifs, et la perception des taxes se faisant sur les
bases anciennes jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été
prise. Dans cette opinion, le rôle du Conseil d'Etat, lorsqu'il
examine les délibérations des conseils généraux en matière de
taxes et contributions, se trouve défini par voie de conséquence.
La haute assemblée ne doit pas seulement apprécier si les déli-
bérations sont justifiées quant à l'assiette, à l'incidence, aux
modalités d'application des nouvelles taxes; elle doit en même
temps rechercher si celles-ci, s'ajoutant aux autres éléments
de recette du budget, permettront de pourvoir à toutes les
dépenses, inscrites d'office ou votées par le conseil général ( 1).
422. Aux Antilles et à la Réunion, le conseil général peut régler
comme il lui convient le budget des dépenses facultatives;
mais ici se présente une question très importante, celle
des
pouvoirs du conseil général en matière de fixation
des cadres et des traitements. Le sénatus-consulte de 1866
nous paraît avoir voulu accorder aux assemblées locales
(1) Conseil d'Etat. Fin., 7 juillet 1903. — Considérant que l'article 8 du
sénatus-consulte de 1800 dispose qu'à la suite de l'inscription d'office
par le ministre des dépenses obligatoires
omises ou réduites par le
conseil général, il est pourvu à leur acquittement au moyen, soit d'une
réduction des dépenses facultatives, soit d'une imputation sur les fonds
libres, soit, à défaut, d'une augmentation du tarif des taxes; considérant
que cette dernière procédure suppose que le conseil général n'a pas
seulement relevé le montant des dépenses facultatives d'un chiffre égal
ou supérieur à la réduction des
dépenses obligatoires, ce
à quoi
le
pouvoir de régler le budget conféré au gouverneur obvie suffisamment,
même au cas où le conseil général aurait en même temps majoré les
recettes, la jurisprudence reconnaissant au chef de la colonie le droit
de rectifier les estimations en conseil privé, mais encore, que cette
assemblée a abaissé le tarif des taxes; que, sous l'empire du sénatus-
consulte de 1866 qui rendait (art. 1 et 2 ) le conseil général maître absolu
des tarifs, la prérogative du gouverneur en cette matière répondait à
une nécessité absolue; qu'il D'en est plus ainsi aujourd'hui, l'article 33
de la loi du 13 avril 1900 n'ayant laissé à l'assemblée locale qu'un simple
droit de délibération, sous réserve de l'approbation du pouvoir central ;
qu'il y a lieu d'en conclure que le pouvoir donné au gouverneur par
l'article 8 du sénatus-consulte de 1866, et devenu sans objet, a été impli-
citement abrogé par le texte précité; qu'on ne saurait tirer argument
contre cette interprétation des retards préjudiciables que peut comporter
l'examen des délibérations par le Conseil d'Etat, les inconvénients qui
eussent pu en résulter pour les services intéressés étant prévus par la
disposition de l'avant-dernier alinéa du § 3 de l'article 33, d'après lequel
la perception des taxes se fait sur les bases anciennes jusqu'à ce que
la décision du Conseil d'Etat soit intervenue.

— 399 —
le
droit de
déterminer
l'importance
qu'elles
enten-
daient donner aux différents services, mais laisser à l'adminis-
tration la possibilité de se mouvoir dans la limite des crédits
ainsi déterminés et de fixer les cadres et les traitements; le
principe de la séparation des pouvoirs, en matière administrative
comme en matière politique, nous semble exiger que l'admi-
nistration, responsable de l'exécution des services, soit libre
de les faire fonctionner comme elle le juge préférable. On
comprend d'ailleurs quelle source de désorganisation pourrait
être, en présence des difficultés locales, le droit pour un
conseil général de supprimer le traitement et, par suite, la
fonction d'un agent déterminé.
Un arrêt du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, en date
du 10 novembre 1882 (1), a été parfois interprété comme
reconnaissant en cette matière le droit absolu du conseil gé-
néral, mais tel ne saurait être le sens de cet arrêt; il déclare
seulement que le gouverneur ne pouvait modifier les alloca-
tions votées par le conseil général, ainsi que l'avait fait celui
de la, Martinique, qui no s'était pas contenté de se mouvoir
dans les limites du crédit fixé pour un service, mais avait mo-
difié le chiffre total affecté à ce service.
Dans un arrêt du 17 février 1882 (2), les pouvoirs de
l'administration avaient été d'ailleurs déjà reconnus : le gouver-
(1) Cous. d'Et. cont. 18 novembre 1882 (aff. Conseil général de la
Martinique). L. 82.848. — Considérant... que l'article 9 du sénatus-con-
sulte dispose que les dépenses facultatives votées par le conseil général
ne peuvent être changées ni modifiées par le gouverneur, à moins que
l'assemblée coloniale n'ait pas satisfait aux nécessités des dépenses
obligatoires ou que les dépenses facultatives n'excèdent les ressources
ordinaires de l'exercice; — Qu'il n'est pas contesté que le gouverneur
a modifié les allocations votées par le conseil au budget des dépenses
facultatives et relatives au traitement des agents des contributions
directes, des ponts et chaussées et des ports et rades; — Que, par
suite, en changeant d'affectation plusieurs crédits votés par le conseil
général de la Martinique, le gouverneur a méconnu les prescriptions de
l'article 9 du sénatus-consulte du G juillet 18G0.

(2) Cons. d'Et. cont. 17 février 1882 (aff. Veyrières), L. 82.169 : — Con.
sidérant que la disposition dont il s'agit (art. 5 du sén.-cons. du i juil-
let 1866) n'a pas innové en ce qui touche la fixation du taux de ces trai-

tements et qu'ainsi il appartient au gouverneur de déterminer ce taux
dans les formes prescrites par la législation antérieure et sauf à l'admi-
nistration à se renfermer, pour l'ordonnancement et le payement des
aitements, dans la limite des allocations budgétaires


— 400 —
neur peut déterminer le traitement des divers employés)
dans l'espèce modifier le tarif des remises allouées ou tréso-
rier-payeur et fixer la répartition entre celui-ci et le receveur
particulier. Plus nette encore a été la décision du Conseil
d'État en date du 7 juin 1889, par laquelle il a reconnu que
si le conseil général a le droit de fixer la somme totale affectée
au personnel de chaque service, et si le gouverneur est tenu
de se mouvoir clans la limite des crédits votés à cet effet par
l'assemblée coloniale, il appartient exclusivement à ce fonc-
tionnaire de fixer ou de modifier les cadres et le traitement
du personnel des divers services (1).
Le principe qui résulte de ces arrêts a été rappelé dans
l'article 50 du décret du 20 novembre 1882 sur le service finan-
cier des colonies (2).
423. Dans le cas où le conseil général ne se réunirait paâ
ou se séparerait sans avoir voté le budget, l'article 10 du
sénatus-consulte du 4 juillet 1866 donne au ministre le droit
de l'établir d'office, sur la proposition du gouverneur en
conseil privé. Quoique le sénatus-consulte ne soit pas sur ce
point aussi précis que les décrets constituant les conseils
généraux des autres colonies, le ministre ne pourrait établir
de nouveaux impôts, ni modifier les tarifs votés par le conseil
général pour le budget précédent. Il appartient, en effet, au
conseil général seul de voter les taxes et contributions de
toute nature, sauf le cas particulier que nous avons examiné
(n° 421), et ce cas ne se présenterait pas si le budget n'était
pas voté, puisque les dépenses obligatoires seraient naturelle-
ment les premières inscrites.
Le conseil général ne peut se contenter d'arrêter le budget
des recettes seul en votant les douzièmes provisoires pour
les dépenses, ou.de voter les douzièmes provisoires sur l'un
et sur l'autre budget : les budgets locaux comprennent les re-
cettes et les dépenses de l'exercice, et, par conséquent, tant que
(1) Cons. d'Ét. cont. 7 juin 1889; Cons. gén. Martinique, L. 89.
(2) Des arrêtés des gouverneurs, rendus en conseil privé, fixent ou

modifient, dans la limite des crédits votés par le conseil général, les
cadres des divers services publics dans la colonie, ainsi que les traite-
ments et allocations auxquels ont droit les agents désignés dans ces
cadres.

— 401 —
le conseil n'a pas arrêté le budget complètement et pour
l'exercice entier, ses votes sont purement préparatoires. Il ne
peut, dans ce cas, être considéré comme ayant voté le budget,
et, par conséquent, le ministre a le droit d'arrêter celui-ci.
11 en serait de même si le conseil général avait voté unique-
ment le budget des recettes : les recettes et les dépenses
forment un tout indivisible; le budget se compose de deux
parties qui doivent s'équilibrer, et, d'autre part, le droit de
consentir librement les contributions est corrélatif de celui
d'en régler l'emploi : l'un et l'autre doivent être exercés
simultanément.
En pareil cas, d'ailleurs, si le conseil général avait votè
des modifications aux taxes existantes, aligné ainsi le budget
des recettes et voté seulement des douzièmes provisoires pour
les dépenses, le ministre ne pourrait, dans le budget qu'il
arrêterait, reproduire les taxes nouvellement votées; elles
tombent naturellement avec les "autres votes du conseil.
§ 7. — Commissions coloniales.
424. Un décret du 12 juin 1879 a établi aux Antilles et à
la Réunion des commissions permanentes du conseil général,
commissions coloniales ayant des attributions un peu moins
étendues que les commissions départementales métropolitaines.
Il est certain que la création de ces commissions a permis aux
conseils généraux de déléguer une partie de leurs attributions,
de réduire la durée de leurs sessions, de faire régler rapide-
ment des affaires qui autrement ne pourraient l'être qu'après
un an ou exigeraient une session extraordinaire : mais on ne
saurait se dissimuler que les attributions des commissions colo-
niales ne sont pas nettement définies et que celles-ci peuvent
devenir un pouvoir considérable, institué à côté du gouverneur,
capable dans certains cas d'entraver le fonctionnement des
services C'est là, d'ailleurs, une crainte qui ne s'est pas justi-
fiée jusqu'à présent.
Une délibération de la commission coloniale ne saurait rem-
placer dans tous les cas une délibération du conseil général,
et le gouverneur ne peut viser l'une ou l'autre indifféremment,
COLONIES, I.
26

— 402 —
à l'appui d'un arrêté qu'il juge opportun. La cour de cassation
s'est prononcée dans ce sens le 7 janvier 1896; il s'agissait,
dans cette circonstance, de la commission coloniale des établis-
sements français de l'Océanie, mais le principe admis alors est
d'une application très générale (1).
425. Le fonctionnement et les attributions des commissions
coloniales sont les mêmes que dans la métropole, sauf les diffé-
rences ci-dessous :
Les sénateurs ne peuvent être membres des commissions
coloniales. Si la loi métropolitaine ne s'est occupée que des
députés, c'est qu'en 1871 le Sénat n'existait pas encore.
La commission coloniale n'a pas à examiner les emprunts
communaux et les contributions communales extraordinaires.
Depuis le vote de la loi municipale du 5 avril 1884, les conseils
généraux des colonies fixent le maximum des centimes extraor-
dinaires que les communes peuvent s'imposer, mais aucune
attribution normale de fonctions n'a été donnée en cette matière
à la commission coloniale.
Enfin, par suite de l'absence aux colonies du régime vicinal,
les commissions coloniales n'ont pas à exercer les attributions
les plus importantes des commissions départementales, celles
qui résultent pour elles des articles 81-1°, 86, 87 et 88 de la loi
départementale de 1871 en matière de vicinalité.
§ 8. — Intérêts communs à plusieurs colonies.
426. Le décret du 12 juin 1879 a étendu aux conseils géné-
raux des Antilles et de la Réunion le droit existant pour les
assemblées départementales, en exécution du titre VII de la loi
(1) Ç. de Cass., Civ., 7 janvier 1896 (Aff. Darsie). — D. P. 1898.1.361;
— Attendu en fait que, si l'arrêté du 3 janvier 1887 qui, d'après son
intitulé, a pour objet de régler les conditions de perception des droits
d'octroi de mer, vise une délibération de la commission coloniale en
date du 26 décembre 1886, il ne vise aucune délibération du conseil
gééral; que, d'autre part, il n'est pas justifié qu'il ait été transmis
pour approbation à l'autorité centrale et qu'il a été déclaré purement
et simplement exécutoire par le gouverneur; — Attendu, dès lors qu'il
est entaché d'illégalité, etc.
Voir, en sens contraire, dans Dalloz, sur cet arrêt, la note de

— 403 —
du 10 août 1871, de provoquer entre eux une entente sur les
objets d'utilité commune compris dans leurs attributions. Le
décret a limité les matières sur lesquelles peut porter cette
entente : 1° aux relations postales et télégraphiques; 2° aux con-
trats financiers ayant pour objet le recrutement des travailleurs,
la création d'établissements d'enseignement public, hospitaliers
et pénitentiaires. Il était facile de prévoir que cette disposition
resterait lettre morte en ce qui concerne les relations entre
la Réunion et les Antilles; entre la Guadeloupe et la Marti-
nique elle-même, elle est restée jusqu'à présent sans effet.
Les questions doivent être débattues par correspondance entre
les présidents des conseils généraux dûment accrédités à cet
effet, ce qui est contraire au principe que le président du conseil
général n'a de fonctions que pendant les sessions, et à la mis-
sion donnée à la commission coloniale de représenter le conseil
dans cette période. Elles peuvent l'être encore, mais exception-
nellement, par des commissions spéciales.
L'obligation d'aviser les gouverneurs, le droit pour les direc-
teurs de l'intérieur d'assister aux réunions des commissions
spéciales, l'obligation d'une ratification définitive par les conseils
généraux, le droit pour le gouverneur de mettre fin aux pour-
parlers dans le cas où des questions autres que celles indiquées
plus haut viendraient à être traitées, sont les mêmes que dans
la métropole.
ARTICLE 2. — Saint Pierre et Miquelon.
427. L'organisation et le fonctionnement du conseil général
de Saint-Pierre et Miquelon avaient été réglés par le décret du
2 avril 1885, modifié par ceux des 10 juin 1890 et 15 mai 1895.
Ces textes se rapprochaient autant que possible de la loi du
10 août 1871 relative aux conseils généraux de la métropole.
Le conseil de Saint-Pierre et Miquelon appartient main-
M. Le villain. — Si la commission coloniale peut, au sujet des contribu-
tions et taxes a créer dans les colonies, prendre une délibération au
lieu et place du conseil général, le gouverneur a qualité pour rendre
cette délibération provisoirement exécutoire, comme il aurait qualité
pour rendre exécutoire celle de ce dernier (D. P. 1898.1.362, note,

colonne 1).

— 404 —
tenant au passé, et nous n'avons pas à analyser les règles selon
lescpielles il était constitué. Le 25 juin 1897, en effet, a été
signé un décret « modifiant le décret du 2 avril 188.") sur le
conseil général de St-Pierre et Miquelon. » Sous cette appa-
rence discrète une réforme très importante a été réalisée. Le
décret du 25 juin 1897 n'a pas simplement « modifié » l'orga-
nisation, il a supprimé l'existence du conseil général de
Saint-Pierre et Miquelon ; d'après son article 1er, en effet, les
attributions dévolues au conseil général et à la commission
coloniale sont exercées aujourd'hui par le gouverneur en con-
seil privé, constitué en conseil d'administration par l'adjonc-
tion du maire de la ville de St-Pierre et du président de la
chambre de commerce ou de leurs représentants légaux. Le
long exposé des motifs précédant le décret justifie cette mesure
par des circonstances de fait, par la situation spéciale de
notre possession, qui n'est ni une colonie de peuplement ni,
à proprement parler, une colonie d'exploitation, mais une
simple station de pêche, et dont la population est presque
tout entière agglomérée au chef-lieu. D'autre part, il a semblé
légitime de faire participer à la question des affaires de la
colonie les représentants des intérêts métropolitains engagés
à Saint-Pierre et Miquelon. La question se trouvait ainsi
ramenée à rechercher les moyens d'établir la « collaboration
de l'administration, représentant la mère patrie et les intérêts
particuliers métropolitains, avec les délégués de la population
sédentaire ».
428-442. Sous ce régime nouveau, le conseil local de Saint-
Pierre et Miquelon n'est plus qu'une assemblée consultative
dont l-'avis doit être pris, par le gouverneur, dans tous les cas
où le conseil général aurait dû se prononcer, en vertu du
décret du 2 avril 1885 (St-Pierre et Miquelon). Les décisions
prises par le gouverneur, en conseil d'administration, sur les
matières mentionnées sous les numéros 1,2, 3 et 4 (1) de
(1) Ces matières concernent : la part contributive à imposer a la
colonie dans les travaux exécutés par l'État et qui intéressent la colonie ;
les emprunts; l'acceptation ou le refus des dons et legs; le mode d'as-

siette et les règles de perception des contributions et taxes. Ces matières
étaient de celles sur lesquelles le conseil général était appelé à « déli-
bérer )> par le décret du 2 avril 188ϋ.


— 405 —
l'article 44 du decret du 2 avril 1885 doivent, pour être défi-
nitives, être approuvées par décret. Mais le gouverneur peut
rendre provisoirement exécutoires, conformément aux pres-
criptions du décret du 30 janvier 1867, les délibérations sur
le mode d'assiette et les règles de perception des taxes et
contributions.
ARTICLE 3. — Guyane.
443. Le conseil général a été institué à la Guyane par un
décret du 22 décembre 1878 : son fonctionnement, ses attribut
tions sont à peu près les mêmes qu'aux Antilles : nous nous
bornerons à signaler les différences existant entre les deux
organisations.
Le nombre des membres du conseil est de seize : les circons-
criptions électorales et la réparation entre elles du nombre des
conseillers à élire sont actuellement fixées par un décret du
19 août 1899. Neuf sièges sont attribués à la ville de Cayenne
qui constitue la première circonscription.
Nous avons examiné (n° 388) les conditions de l'électorat.
Quand aux conditions de l'éligibilité, elles sont, depuis le dé-
cret du 24 février 1885, au nombre de deux : 1° être inscrit
sur les listes électorales ou justifier qu'on devrait y être ins-
crit au jour de l'élection; 2° être âgé de vingt-cinq ans
accomplis.
Il est nécessaire d'être domicilié depuis un an dans la colo-
nie pour être inscrit sur les listes électorales; il l'est, par suite,
pour être élu. C'est là une différence importante avec les
Antilles, où un certain nombre de conseillers généraux peu-
vent ne pas être domiciliés dans la colonie.
Les citoyens pourvus d'un conseil judiciaire sont inéligibles;
on a appliqué à ce point de vue, lors de la création du conseil
général de la Guyanne, les règles applicables à ce moment dans
la métropole.
L'inéligibilité prononcée par l'article 34 de la loi du 10 août
1871 contre les membres des conseils généraux qui seraient
condamnés pour avoir pris part à une réunion illégale, inéli-

— 406 —
gilibité qui n'existe pas aux Antilles, a été étendue à la
Guyane (1).
444. Les cas d'inéligibilité sont plus nombreux qu'aux
Antilles; ils sont presques identiques à ceux établis dans la
métropole par la loi de 1871, sauf l'exclusion complète des
conseils des militaires et marins de tous grades, qui est
édictée dans la colonie et n'existe pour les conseils généraux
des départements que depuis la loi du 23 juillet 1891.
Les entrepreneurs de services ou travaux publics rétribués
ur le budget de la colonie ne peuvent siéger au conseil géné-
ral, mais cette exclusion ne s'étend pas aux entrepreneurs
de services ou de travaux exécutés aux frais de l'État (travaux
de fortification, entreprises dans les hôpitaux militaires, etc).
Les fonctionnaires, employés et agents de tout grade de
l'administration pénitentiaire, qui, antérieurement au décret
du 24 février 1885, ne pouvaient faire partie du conseil général
et qui avaient été omis dans l'énumération de l'article 3 de ce
décret, ont été de nouveau déclarés inéligibles par le décret
du 23 novembre 1887.
L'incompatibilité existe entre le mandat de conseiller géné-
ral et celui de conseiller privé, ou avec les fondions de tout
ordre, salariées ou subventionnées sur les fonds de la colonie.
On n'a pas voulu que les personnes recevant quoi que ce soit
sur le budget pussent être appelées à le voter.
Les élections peuvent être attaquées devant le conseil du
contentieux, soit par tout électeur de la circonscription, soit
par le directeur de l'intérieur, aujourd'hui le gouverneur,
avec faculté de pourvoi devant le Conseil d'État (2).
445. Le conseil général est divisé, comme partout ailleurs,
pour le renouvellement, en deux séries; c'est lui qui fait le
partage et qui ensuite (contrairement à ce qui a été adopté
pour les Antilles; procède au tirage au sort pour déterminer
la première série à renouveler.
Le conseil général règle l'ordre de ses délibérations : il
fait son règlement intérieur. Les compte rendus sommaires
et officiels sont établis comme dans la métropole : les règles
(1) Déc. 23 décembre 1878, art. 33.
(2) Déc. 23 décembre 1878, art. 14 et 15.


— 407 —
relatives à leur insertion dans les journaux sont également les
mêmes.
446. Les attributions du conseil général de la Guyane ont
été copiées sur celles des conseils généraux des anciennes
colonies. Nous devons toutefois noter une différence : c'est le
droit, que possède ce conseil et que n'ont pas les autres, de
délibérer sur l'acquisition, l'aliénation, l'échange et le chan-
gement des propriétés de la colonie affectées à un service
public. Les délibérations, sur ce point, sont approuvées, par
un arrêté du gouverneur.
Le mode d'approbation des délibérations est différent ; les
colonies, autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion,
étant soumises au régime des décrets simples, ce sont des
actes de cette valeur qui sont substitués aux décrets en forme
de règlements d'administration publique pour l'approbation
des délibérations en matière d'emprunts, de dons et legs, et
d'immigration.
447. Les attributions du conseil général en ce qui concerne
le budget et les impôts, la classification des dépenses obliga-
toires et les règles qui leur sont applicables sont les mêmes
qu'aux Antilles et à la Réunion. L'interprétation donnée par
le conseil d'Etat à l'article 33 de la loi de finances du 13 avril
1900 s'applique aux pouvoirs financiers du conseil général de
la Guyane ( nos 415, 410, 419, 421).
448. Le Conseil général peut, aux termes du décret précité,
charger un ou plusieurs de ses membres de recueillir sur les
lieux, dans le cours de sa session, les renseignements qui
lui sont nécessaires pour statuer sur les affaires placées dans
ses attributions; mais ce droit de faire des enquêtes sur place
est sans aucun intérêt aujourd'hui par suite de la création
d'une commission permanente.
Le décret du 28 avril 1882, qui a créé une commission colo-
niale, lui a donné des attributions identiques à celles des com-
missions coloniales des anciennes colonies.
Le conseil général de la Guyane ne peut pas établir avec
les conseils généraux des autres colonies l'entente prévue
pour les Antilles et la Réunion par l'article 18 du décret du
12 juin l879. On avait reconnu le peu d'intérêt de cette
mesure, les différentes colonies n'étant guère disposées, par

— 408 —
exemple, à faire des sacrifices pour une institution qui ne
serait pas établie sur leur propre territoire.
ARTICLE 4. — Sénégal, Haut-Sénégal et Niger,
Guinée française, Côte d'Ivoire, Dahomey.
449. Le conseil général du Sénégal a été créé par un dé-
cret du 4 février 1879 dans des conditions à peu près identi-
ques à celles de la Guyane; c'était une extension donnée au
principe adopté en 1872 d'appeler les habitants du Sénégal
à la discusion des intérêts de la colonie soit dans les conseils
municipaux, soit dans le conseil d'administration, où des dé-
légués des communes prenaient part à l'élaboration du budget
local. Un décret du 12 août 1885 est venu compléter cette
organisation par la création d'une commission coloniale. L'or-
ganisation, le fonctionnement, les attributions du conseil gé-
néral du Sénégal ne diffèrent de ceux du conseil général de
la. Guyane que par les points suivants :
450. Les conditions d'éleclorat sont les mêmes que pour
les conseils amunicipaux, c'est-à-dire que les habitants des
communes régulièrement constituées sont seuls électeurs. Nul
ne peut être élu s'il ne sait parler, lire et écrire le français :
c'était une condition essentielle dans une colonie où des indi-
gènes, peu habitués à la vie française, peuvent prendre part
aux élections.
Le mandat de conseiller général est gratuit comme partout
ailleurs; toutefois, on a cru utile d'insérer dans le décret
d'organisation l'obligation, pour la colonie, de pourvoir aux
moyens de transport des membres du conseil qui ne résident
pas au chef-lieu. C'est là une mesure pratiquée de longue
date, à la Guadeloupe par exemple, mais qu'il n'était pas
moins utile d'imposer comme dépense obligatoire au nouveau
budget.
Depuis un décret du 17 avril 1897, le conseil est com-
posé de 20 membres : 10 pour chacune des deux circonscrip-
tions.
En vertu d'un décret du 11 mai 1903, le conseil général du
Sénégal se réunit chaque année en session ordinaire sans que

— 409 —
l'époque de cette session soit à l'avance irrévocablement fixée.
Le compte rendu sommaire et officiel des séances doit être
inséré au Journal Officiel de la colonie.
Les prescriptions du décret du 1er août 1886 relatives aux
mesures à prendre dans le cas où un conseil général des
Antilles ou de la Réunion ne se réunirait pas ou se trouverait
en nombre insuffisant pour délibérer, ont été, par un décret
du 2 juillet 1887, étendues à tous les conseils généraux des
colonies.
451. Le budget local que vote le conseil général du Sénégal
s'applique seulement aux pays annexés de la colonie. Les pou-
voirs du conseil en matière de taxes et contributions sont réglés
par l'article 33 § 3 de la loi du 13 avril 1900. Depuis le décret
du 18 octobre 1904, qui a réorganisé le gouvernement général
de l'Afrique occidentale française, le conseil général du Sénégal
n'a plus à se prononcer sur les droits qui frappent les marchan-
dises à l'entrée et à la sortie de la colonie, le produit de ces
taxes étant attribué au budget général.
Sous ces réserves, et dans l'ensemble, le conseil général du
Sénégal a les mêmes attributions que le conseil général de la
Guyane sauf en ce qui concerne l'établissement, le changement
et la suppression des foires, marchés et escales au sujet des-
quels il émet un simple avis. La nécessité de maintenir sur le
cours du Sénégal les traités passés avec les populations rive-
raines, l'influence que le choix des centres d'échange peut
avoir sur la politique coloniale et sur la diminution des postes
militaires, font une nécessité au Gouvernement de conserver le
droit d'intervention directe en ces matières.
Comme tous les budgets de l'Afrique occidentale française,
le budget local du Sénégal est, conformément au décret du
18 octobre 1904, arrêté en conseil de gouvernement et approuvé
par décret.
i.V2. D'après l'article 33 § 2 de la loi du 13 avril 1900, les
dépenses obligatoires inscrites au budget local du Sénégal ne
peuvent se rapporter que :
1° Aux dettes exigibles ;
2° Au minimum du traitement du personnel des secrétariats
généraux, ainsi qu'aux traitements des fonctionnaires nommés
par décret;

— 410 —
3° Aux frais de la gendarmerie et de la police et à ceux de
la justice ;
4° Aux frais de représentation du gouverneur; au loyer, à
l'ameublement et à l'entretien de son hôtel, aux frais de son
secrétariat et aux autres dépenses imposées par des dispositions
législatives.
Nous avons vu (n° 253) comment ces derniers mots excluent
toutes les dépenses déclarées obligatoires, antérieurement à la
loi, par simples décrets, alors même que ceux-ci avaient à
l'origine, en vertu du sénatus-consulte de 1854, reçu force
législative.
Ces dispositions ne sont pas spéciales au Sénégal; l'article
33 de la loi du 13 avril 1900 les applique à toutes les colonies
d'Océanie et des continents d'Afrique et d'Asie où des conseils
généraux se trouvent institués. La loi ajoute, d'autre part, que,
dans ces mêmes colonies, l'initiative des propositions de
dépenses est réservée au gouverneur.
On a pu se demander si la loi du 13 avril 1900 avait ainsi
retiré aux conseils généraux de ces colonies la faculté de re
lever les crédits proposés dans le projet de budget soumis à leurs
votes. La question se posait aussi de savoir si celte disposition
visait à la fois les dépenses facultatives et les dépenses obliga-
toires.
Le Conseil d'Etat consulté interprète dans le sens le plus
étroit et le plus rigoureux le droit que sur ces deux points la
loi de 1900 laisse aux conseils généraux des colonies d'Océanie,
d'Asie et d'Afrique, spécialement à celui du Sénégal. 11 s'auto-
rise en particulier des travaux préparatoires de la loi, où s'est
manifestée clairement l'intention « d'arrêter le flot des dépen-
ses dans des établissements encore en voie d'organisation ».
Et le but ne serait pas atteint, selon lui, si le conseil général,
dans ces colonies, restait maître des crédits du budget local,
à la condition de les appliquer à des dépenses obligatoires ou
à des dépenses facultatives dont le gouverneur aurait pris l'ini-
tiative. Il s'ensuit que le conseil général n'a pas la faculté
d'augmenter les crédits proposés dans le projet de budget et
que le droit d'initiative du gouverneur s'applique de la manière
la plus générale à toute catégorie de dépenses. Le conseil
général peut seulement maintenir, réduire ou supprimer les

— 411 —
dépenses facultatives; là s'arrêtent ses pouvoirs sous l'empire
de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 (1).
453. Une commission coloniale a été créée par décret du
1*2 août 1885; son organisation et ses attributions ne dif-
fèrent pas de celles des commissions coloniales des anciennes
colonies.
453 bis. Le Sénégal est la seule de nos colonies du continent
africain où, jusqu'à présent, un conseil général ait été institué.
En Guinée française, dans le Haut Sénégal et Niger, à la Côte
d'Ivoire et au Dahomey, le lieutenant gouverneur est assisté
d'un conseil d'administration ( nos 362 et 363). Le conseil est
purement consultatif, le gouverneur n'est pas lié par son avis,
mais il est tenu de le prendre sur toutes les questions pouvant
engager les finances de la colonie et notamment pour la pré-
(1) Conseil d'Etat, fin, 7 juillet 1903. Considérant qu'en édictaut dans
son paragraphe premier le principe que toutes les dépenses civiles et
de la gendarmerie, dans les colonies, seraient dorénavant supportées
par celle-ci, l'article 33 de la loi du 30 avril 1900 a entendu à la l'ois
délimiter avec précision la charge qu'il leur imposait et en assurer la
stricte exécution ; qu'il a, dans ce but, divisé les colonies en deux
groupes, le premier comprenant nos possessions d'Amérique et la Réu-
nion, pour lesquelles il a commis à un décret en Conseil d'État le soin
de déterminer la nomenclature et
le maximum des dépenses obliga-
toires, sans rien changer au régime des facultatives,
tel qu'il résulte
en particulier du sénatus-consulte du ί juillet 1866, articles 7 à 9
: le
second englobant les colonies d'Océanie et des continents d'Afrique et
d'Asie; que, pour ces dernières, le législateur a fixé lui-même les ser-
vices auxquels seuls pouvaient se rapporter les dépenses obligatoires
et réservé au gouverneur l'initiative des propositions de dépenses sans
distinguer entre elles; que la dualité de régimes qui s'ensuit pour ces
groupes respectifs s'explique par la différence d'origine des deux dispositions
dont la première seule figurait au projet de loi
de finances et s'éten-
dait alors à l'ensemble des colonies pourvues de conseils généraux, et
dont la seconde a été introduite en cours de discussion sur l'initiative
d'un député, et motivée par la nécessité d'arrêter le flot des dépenses
dans des établissements encore en voie d'organisation, et d'en protéger
les ressources tout à la fois contre les exigences du gouvernement et
les entraînements des assemblées locales; que si la détermination des
dépenses obligatoires par un texte législatif répond
à la
première de
ces préoccupations, le droit d'initiative exclusive confié au gouverneur
satisfait à la seconde, mais qu.'il perdrait toute son efficacité s'il était
restreint aux dépenses obligatoires, les conseils généraux restant maîtres
souverains des crédits; qu'il en faut conclure que, dans ce groupe de colo.
nies, les pouvoirs des assemblées locales, en matière de fixation de
dépenses, se réduisent au maintien, à la réduction et à la suppression
des dépenses facultatives.

— 412 —
paration annuelle du budget local qui est arrêté ensuite en
conseil de gouvernement et approuvé par décret, conformément
au décret du 18 octobre 1904 (n° 910 bis).
ARTICLE 5 — Congo français.
454. C'est dans des conditions identiques que fonctionnent les
conseils d'administration du Gabon et du Moyen Congo. Ces
conseils sont purement consultatifs. Les budgets du Gabon et du
Moyen Congo leur sont obligatoirement soumis, mais ils sont
arrêtés en conseil de gouvernement et approuvés par décret,
conformément au décret du 29 décembre 1903 (n° 910 bis).
ARTICLE 6. — Côte Somali. Madagascar et Comores.
454 bis. Le conseil d'administration de la Côte Somali
n'a de même que des attributions consultatives. Créé par le
décret du 28 août 1898, ce conseil a été remanié dans sa com-
position par le décret du 11 octobre 1899 ; il n'a pas été modi-
fié dans son fonctionnement. C'est en conseil d'administration
que le gouverneur chaque année arrête le budget local.
455. Le conseil d'administration de Madagascar a été réor-
ganisé par le décret du 12 novembre 1902 (nos 362 et suiv.).
L'article 5 de ce décret spécifie que le gouverneur général
dresse chaque année en conseil d'administration le budget de
la colonie.
Le décret du 9 septembre 1899 portant organisation de la
colonie de Mayotte et des protectorats des Comores a prévu
pour l'ensemble de ces possessions l'existence d'un conseil
d'administration, présidé par le gouverneur, et consulté obli-
gatoirement sur la préparation des budgets. Lorsque le conseil
discute des questions de budget ou d'impôts intéressant l'un
des protectorats des Comores, l'administrateur et un habitant
de ce protectorat, nommé ainsi que son suppléant par le
ministre, prennent part à la délibération avec voix délibéra-
tive.
L'assiette et la quotité des taxes autres que les droits de

— 413 —
douane nécessaires à l'acquittement des dépenses de Mayotte,
de la Grande-Comore, d'Anjouan et de Mohéli sont, confor-
mément à un décret du ο juillet 1901, fixées par arrêtés du gou-
verneur pris en conseil d'administration (n° 911).
ARTICLE 7. — Inde.
§ 1. — Conseil général.
456. Le conseil général de l'Inde a été créé par le décret
du 25 janvier 1879, dans des conditions presque identiques à
celles du conseil général de la Guyane, en ce qui concerne son
fonctionnement et ses attributions, mais très différentes pour
la composition et le mode d'élection. Ceux-ci eux-mêmes ont
été d'ailleurs modifiés : 1° par le décret du 26 février 1884, qui
règle d'une manière nouvelle la représentation des races et
des intérêts groupés dans nos établissements de l'Inde; 2° par
le décret du 24 février 1885, sur les cas d'inégibilité et d'in-
compatibilité.
Une modification a été apportée au décret du 25 janvier 1879
par un décret du 35 mars 1898 en ce qui concerne le renouvel
ement partiel des conseils électifs dans l'Inde. En cas de mort,
de démission ou de déchéance d'un conseiller local ou géné-
ral, il est pourvu à son remplacement dans le délai de trois
mois. S'il s'agit de remplacer un conseiller démissionnaire ou
déchu, le délai court seulement du jour où la démission ou la
déchéance est devenue définitive.
457. Le conseil général est composé de 30 membres élus :
12 par Pondichéry, 8 par Karikal, 4 par Chandernagor, 3 par
Yanaon, et 3 par Mahé ; dans chaque établissement, le nombre
des conseillers à élire est partagé entre les trois listes d'élec-
teurs (1) : Européens et descendants d'Européen, Indiens re-
nonçants et Indiens non renonçants, de manière à assurer dans
le conseil lui-même une représentation égale à chacun de ces
trois éléments de la population. Nous examinerons (n° 496 et
(1)
éc. 26 février 1884, art. 2.

— 414 —
suiv.) le régime électoral tout spécial qui résulte de cette or-
ganisation, créant des catégories d'électeurs mais non comme
autrefois des catégories d'éligibles, les électeurs de chaque
liste pouvant choisir leurs représentants sur n'importe quelle
liste.
Les conditions d'éligibilité sont les suivantes : 1° être inscrit
sur les listes électorales ou justifier du droit à l'inscription
avant le jour de l'élection ; 2° être âgé de vingt-cinq ans ;
3° parler, lire et écrire le français.
Les conditions d'inéligibilité et d'incompatibilité sont les
mêmes qu'à la Guyane.
Lorsque le conseil général se constitue,il est procédé par
la voie du tirage au sort à sa division en deux séries de quinze
membres. Cette division porte également sur chacune des re-
présentations spéciales, c'est-à-dire que les dix conseillers élus
par chaque catégorie d'électeurs sont divisés également entre
les deux séries. Un second tirage détermine ensuite la série
sortant après trois années.
438. Les fonctions de membre du conseil sont en principe
gratuites, mais le décret de 1870, allant beaucoup plus loin
que celui relatif au Sénégal, et adoptant un principe qui a été
suivi pour Saint-Pierre et Miquelon, accorde aux conseillers des
établissements autre que Pondichéry (outre le droit au trans-
port gratuit comme au Sénégal) une indemnité journalière de
8 francs. Les motifs que le rapport à l'appui du décret in-
voque en faveur de cette exception, et qui ne nous paraissent
guère fondés, pourraient s'appliquer, d'ailleurs, à presque
toutes nos autres colonies.
Le décret du 25 janvier 1879 prévoyait que le conseil géné-
ral de l'Inde se réunirait chaque année en session ordinaire
dans le quatrième trimestre sur la convocation du gouverneur.
Avec les délais nécessaires que comportent l'application de
l'article 33 de la loi du 13 avril 1900 et l'intervention du Con-
seil d'Etat pour l'approbation des taxes nouvelles, il y avait.de
graves inconvénients à ce que le conseil général se prononçât
seulement à la fin de l'année sur le budget de l'exercice sui-
Aant. Aussi un décret du 5 avril 1903 a-t-il laissé au gouver-
neur la faculté de fixer à son gré la convocation du conseil
général en session ordinaire.

— 415 —
Le lieu des séances est lui-même déterminé; le conseil doit
se réunir à l'hôtel de ville de Pondichéry.
Le bureau du conseil général est composé d'un président,
de deux vice-présidents et de trois secrétaires. Le Conseil
d'Etat a jugé qu'il était compétent en appel, comme le conseil
du contentieux de la colonie l'était en première instance, pour
connaître d'une protestation formée par des membres du con-
seil général contre l'élection du président. Il y aurait d'ailleurs
des raisons indentiques pour que cette compétence s'étendît à
toutes contestation de celte nature intéressant les conseils gé-
néraux d'autres colonies (1).
Depuis un décret du 28 août 1890, qui a rendu applicables
aux établissements français de l'Inde les articles 28 et 29 de
la loi du .10 août 1871, les séances du conseil général sont
publiques et le président a seul la police de L'assemblée.
Les délibérations ne peuvent avoir lieu qu'en français et les
procès-verbaux doivent être rédigés dans la même langue.
459. Les attributions des conseils généraux de l'Inde et de
la Guyane différent par les points suivants : le conseil général
de l'Inde a, en matière de routes, des pouvoirs notablement
plus considérables, car il statue non seulement sur le classe-
ment, la direction et le déclassement, sur les projets, plans et
devis, mais encore sur l'ordre d'exécution des travaux. Il en
est de même pour toutes les entreprises autres que celles des
routes (art. 32, n° 13). Les questions que nous avons étudiées à
propos des Antilles ne pourraient se présenter dans ce cas.
Au lieu de statuer sur les offres de concours uniquement en
matière de travaux, le conseil général peut statuer quand il
s'agit de concourir à des dépenses quelconques d'intérêt colo-
nial, c'est-à-dire dans tous les cas d'offres de concours. Il peut
enfin statuer sur les encouragements à la production coloniale ;
cette différence est plutôt de forme que de fond, car les en-
couragements sont presque uniquement des subventions, et à
la Guyane comme dans l'Inde, le conseil général est maître
des dépenses facultatives.
Les attributions du conseil général de l'Inde en matière de
(1) Cons. d'Et. cont. 7 juillet 1899 (M. Chanemongam et consorts).

— 416 —
taxes et contributions sont réglées par l'article 33, §3 de la loi
du 13 avril 1900 (nos 414 et suiv. 452).
Il n'a pas le droit de s'occuper des affaires de culte et de
caste; ces questions irritantes sont exclusivement réservées au
gouverneur.
Les pouvoirs du conseil général de l'Inde quant à l'inscrip-
tion des dépenses à prévoir au budget local sont aujourd'hui
déterminés comme au Sénégal par l'article 33, § 3, de la
loi du 13 avril 1900 (n° 452)
461. Le conseil général ne peut correspondre avec les con-
seils locaux. Les vœux politiques, les proclamations et adres-
ses lui sont interdits.
Le gouverneur a le droit de le proroger, de le suspendre ou
de le dissoudre ; la durée de la suspension ou de la proroga-
tion, qui est illimitée à la Guyane, est, au contraire, dans l'Inde,
fixée à trois mois au maximum.
Il n'existe pas de commission coloniale.
462. Le décret du 25 janvier 1879 comprend, en outre des
matières relatives au conseil général, quelques dispositions
particulières à l'Inde résultant du caractère spécial de la
population. Il a fallu prévoir certaines formalités de nature à
restreindre les actions judiciaires contre la colonie. On a,
d'autre part, reconnu le droit aux habitants, non seulement des
établissements mais aussi des loges et factoreries, d'adresser
des pétitions, les premiers aux conseils locaux ou au conseil
général, les seconds au conseil général, ces conseils devant les
transmettre ensuite avec leur avis au gouverneur, qui statue
sur la suite à leur donner. Toutefois on a dû imposer comme
restriction au droit de pétition ou d'adresse, soit aux conseils
électifs, soit au Président de la République, au Sénat, à la
Chambre des députés, au gouverneur, l'obligation pour les
pétitionnaires d'en déposer une copie au secrétariat de la
direction de l'intérieur à Pondichéry, à celui du chef de ser-
vice dans les autres établissements. Cette copie doit être dé-
posée avant la mise en circulation.
§ 2. — Conseils locaux.
463. Les conseils locaux ont été créés, comme le conseil
<

— 417 —
colonial (devenu en 1879 conseil général), par le décret du
13 juin 1872; ils sont actuellement régis par les décrets des
25 janvier 1879 et 26 février 1884.
Ils se composent de 12 membres à Pondichéry, de 9 mem-
bres à Chandernagor et Karikal, et de 6 membres à Mahé
et Yanaon. Chacune des listes d'électeurs dont nous avons
indiqué le fonctionnement (h° 457) élit le tiers des membres
de chaque conseil local. Les conditions d'éligibilité, la durée
des fonctions, le mode de renouvellement, sont les mêmes que
pour le conseil général ; toutefois il faut de plus une résidence
de six mois dans l'établissement que l'on est appelé à repré-
senter.
Le décret du 15 mars 1898 sur le renouvellement des
conseils électifs dans l'Inde s'applique aux conseils locaux com-
me au conseil général (n° 456).
464. Le président est nommé par le gouverneur parmi les
membres du conseil; celui-ci élit son secrétaire(1).
Un délégué de l'administration a toujours entrée au con-
seil local et est entendu quand il le demande; les fonc-
tionnaires chargés
de la
direction des divers services
peuvent être autorisés par les chefs de service à entrer
aux conseils pour y être entendus sur Les affaires placées
dans leurs attributions. Les dispositions relatives au règle-
ment, à la tenue et à la publicité des séances, au mode de
délibération, sont communes aux conseils locaux et au conseil
général.
Les conseils locaux se réunissent chaque année en session
ordinaire; la durée de la session est de quinze jours. Aux
termes d'un décret du 1er juin 1904, le gouverneur a toute
liberté pour fixer l'époque de la session ordinaire, de façon
que les conseils locaux puissent se prononcer sur le projet
de budget local avant que celui-ci soit soumis au conseil
général.
Ils peuvent être prorogés, suspendus ou dissous dans les
mêmes conditions que le conseil général, et, en outre, en de-
hors du chef-lieu, ils peuvent être suspendus provisoirement
par l'administration à la charge d'en rendre compte immé-
(I) Dec. 25 janvier 1879, art. 18.
COLONIES, I.
27

— 418 —
diatement au gouverneur, qui maintient ou annule cette déci-
sion par arrêté pris en conseil privé.
Les conseils locaux ne peuvent communiquer ni avec le
conseil général, ni entre eux. Les vœux politiques, les procla-
mations et adresses leur sont interdits.
465. Les attributions des conseils locaux, le mode d'appro-
·
bation de leurs délibérations, les ressources appelées à ali-
menter le budget de chaque établissement, devaient, aux ter-
mes de l'article 24 du décret du 25 janvier 1879, être fixés par
un décret ultérieur. Ce décret est intervenu à la date du 12 juil-
let 1887. La création des municipalités avait rendu inutile la
constitution d'un budget spécial par établissement; aussi les
conseils locaux étaient-ils devenus sans objet. On aurait pu les
supprimer sans inconvénient, mais on a pensé qu'ils pour-
raient donner des avis sur certaines questions locales, que,
d'ailleurs, leurs membres constituaient en partie le corps élec-
toral sénatorial; c'est pourquoi le décret de 1887 a déterminé
le rôle qu'ils peuvent jouer dans le fonctionnement adminis-
tratif de la colonie.
ARTICLE 8. Cochinchine.
§ 1. — Conseil colonial.
466. Il existe en Cochinchine, depuis le décret du 8 fé-
vrier 1880, un conseil colonial ayant des attributions peu dif-
férentes de celles des conseils généraux des autres colonies.
Le changement de titre ne s'explique guère; sans doute les
droits de ce conseil en matière de vote du budget sont moins
étendus que ceux des conseils généraux, mais ce n'est pas là
une raison suffisante, et il faut plutôt attribuer ce changement
au fait que la composition du conseil est tout à fait spéciale, et
qu'il ne comprend pas uniquement des citoyens français.
467. En Cochinchine, le nombre des citoyens français est
très peu élevé; d'autre part, les indigènes sujets français ont
des intérêts considérables, de la gestion desquels on ne sau-
rait les déposséder entièrement, et, tout au moins jusqu'à ce
que le nombre des Annamites qui se seront fait naturaliser

— 419 —
permette de considérer la population autochtone comme entrée
dans le courant de nos lois et de nos mœurs, il est juste
d'appeler un certain nombre de sujets indigènes à faire partie
du conseil colonial. Enfin on a jugé utile d'assurer une repré-
sentation spéciale aux intérêts commerciaux et de permettre,
en outre, à l'administration, de faire entrer au conseil des
citoyens qui, par leur situation, leurs connaissances spéciales,
lui ont paru les plus dignes de représenter les habitants dans
le conseil privé.
Le conseil général se compose, par suite, de 16 membres :
6 citoyens français ou naturalisés; 6 membres asiatiques, su-
jets français; 2 membres civils du conseil privé, nommés par
décret; 2 membres délégués par la chambre de commerce et
élus dans son sein.
La durée du mandat est de quatre ans au lieu de six; le con-
seil se partage comme tous les autres en deux séries, la pre-
mière étant renouvelée après deux ans.
468. Le lieutenant gouverneur, en conseil privé, détermine
les circonscriptions électorales; elles peuvent être différentes
pour les citoyens français et les membres indigènes; chacune
d'elles peut élire un ou plusieurs conseillers. L'arrêté pris en
cette matière n'est pas susceptible de recours ; aucune règle de
proportionnalité à la population n'étant édictée par le décret
d'organisation, des arrêtés successifs (1) peuvent modifier les
circonscriptions et la répartition fixées une première fois, le
10 mai 1880, pour les membres annamites, le 24 juin 1880,
pour les membres français.
469. L'élection des membres français du conseil colonial est
faite au scrutin secret par le suffrage universel et direct. Les
conditions de l'électorat sont les mêmes qu'à la Guyane; quant
aux conditions d'éligibilité, on exige comme temps de domicile
dans la colonie deux ans au lieu d'un an. Les conditions de
domicile se comptent : pour l'électorat, au jour de la convoca.
tion des électeurs, pour l'éligibilité, à celui de l'élection ; or, si
pour l'éligibilité c'est la règle générale qui ne soulève aucune
difficulté, il n'en est pas de même de l'électorat. Dans toutes
(1) V. Arr. 24 mai 1883.

— 420 —
les autres colonies, comme dans la métropole, les conditions
d'éleclorat se comptent avant la clôture définitive de la liste
électorale, En Cochinchine, comme partout où le décret du
2 février 1852 sur la revision annuelle de la liste électorale
est applicable, on ne peut établir une liste supplémentaire au
moment de la convocation des électeurs. Les termes employés
dans le décret du 8 février 1880 l'ont donc été probablement
par erreur; la disposition prescrite est inexécutable. Il ne
parait pas, d'ailleurs, qu'il y ait jamais eu de contestation à
ce sujet.
470. Les conditions d'inéligibilité sont les mêmes qu'au Séné-
gal en ce qui concerne les fonctionnaires ou agents recevant
un traitement quelconque de la métropole ou de la colonie.
Les officiers ne sont pas compris dans cette exclusion : on
avait pensé sans doute qu'ils ne pourraient être portés sur les
listes électorales et ne seraient, par suite, pas éligibles; mais
rien n'empêche un militaire de réclamer le bénéfice de l'article
106 du Code civil et d'établir son domicile en Cochinchine :
il pourrait donc réclamer son inscription sur les listes électo-
rales et être élu conseiller colonial.
Le petit nombre des citoyens français non intéressés aux
entreprises publiques en Cochinchine avait, sans doute, empê-
ché d'inscrire dans le décret du 8 février 1880 la prescription
qui, dans les autres colonies, exclut du conseil les entrepre-.
neurs de services ou de travaux publics rétribués sur le budget
de la colonie. Cette faveur spéciale a cessé depuis le décret du
29 juin 1886, qui a été confirmé par un autre décret en date
du 6 octobre 1887.
471. Les membres indigènes sont élus, dans chaque cir-
conscription, par un collège composé d'un délégué de chacune
des municipalités désigné par le suffrage des notables. On sait
que la commune annamite comprend, sous ce titre de notables,
un certain nombre d'habitants désignés par les citoyens actifs
( ceux qui sont inscrits sur le livre de population), et parmi
eux, et formant un conseil chargé de l'administration de la
commune. Les délégués reçoivent une indemnité dont le taux
a été fixé, conformément à l'article 17 du décret du 8 février
1880, par un arrêté du gouverneur du 10 mai 1880.
Aucune condition spéciale d'éligibilité n'est fixée en ce qui

— 421 —
concerne les conseillers indigènes: ils doivent être seulement
sujets français, sans condition d'âge, et parler le français. Ils
ne peuvent être citoyens français; la naturalisation leur fait
perdre tout droit à représenter leurs compatriotes n'ayant pas
encore renoncé au statut personnel (V. n° 830). De même que
les conseillers français, ils ne peuvent être choisis parmi les
fonctionnaires et agents coloniaux ou locaux, et perdraient
leur situation s'ils venaient, pendant la durée de leur mandat,
à être pourvus d'un emploi.
La condition de parler français n'a pas été imposée jusqu'au
décret du 19 juin 1886 ; d'après ce décret, elle devait être
exigée à partir de 1892. Cette date a été reportée à 1898 par
un décret du 28 janvier 1892. Jusqu'à cette époque, les indi-
gènes ont pu choisir, pour les représenter au conseil colo-
nial, des citoyens français remplissant les conditions d'éligibi-
lité définies à l'article 5 du décret du 8 février 1880 et non
encore pourvus du mandat de conseiller.
L'article 19 du décret, rédigé d'une manière différente des
articles correspondants dans les autres colonies, peut donner
lieu à quelques difficultés par le fait qu'il n'y est question que
des cas d'incomptabililé survenus pendant qu'un conseiller est
en possession de son mandat, comme pouvant le faire déchoir
de celui-ci. Il n'est pas question des cas d'inéligibilité ; il paraî-
trait étrange qu'un citoyen, pourvu d'un conseil judiciaire,
continuât à faire partie du conseil colonial, mais nous ne
voyons aucun texte qui puisse le priver de son mandat.
Des oublis analogues en ce qui concerne, par exemple, la
manière dont une démission est donnée et acceptée, le rem-
placement des conseillers généraux en cas d'option ou après
une élection multiple, peuvent donner lieu à des con-
testations dont la solution ne manque pas de présenter
quelques difficultés.
472. Les membres du conseil colonial reçoivent, comme au
Sénégal, une indemnité de déplacement dont le taux est fixé
par un arrêté du gouverneur du 27 septembre 1880: mais ils
n'ont aucun droit aux indemnités de séjour qui sont accordées
aux conseillers généraux de l'Inde et de Miquelon.
473. Le mode de fonctionnement du conseil colonial est
identique à celui du conseil général de la Guyane, sauf les

— 422 —
modifications suivantes : fa durée normale de la session est
de vingt jours au lieu d'un mois; rien n'est déterminé en. ce
qui concerne : le droit pour le conseil de faire son règle-
ment (1) — le droit pour le président d'exercer la police de
l'assemblée — le mode de rédaction et de publication des pro-
cès-verbaux, en un mot, les matières réglées par les articles
28, 30 et 31 du décret relatif à la Guyane. On pourrait con-
tester au conseil colonial-les droits accordés par ces arti-
cles.
414. Les délibérations du conseil colonial ne sont valables
qu'autant que la moitié plus un des membres ont pris part
aux votes et qu'elles ont réuni la majorité absolue des suf-
frages ; mais ici on n'a pas tenu compte de la différence d'ori-
gine des conseillers, et on n'exige pas, comme dans l'Inde, la
présence de la moitié des citoyens français ou des indigènes.
Les délibérations ont lieu et sont rédigées en langue française;
un interprète commissionné traduit aux indigènes les dis-
cussions et les propositions. Les procès-verbaux sont publiés
en français et en quoc-ngu (annamite écrit en caractères
français).
475. Lors de la création du conseil colonial, son président
était nommé par le gouverneur ; on n'accorda pas à ce prési-
dent le droit de transmettre directement au ministre les récla-
mations que le conseil aurait à présenter dans l'intérêt général
de la colonie, droit qui existe pour les conseils généraux.
Lorsque le décret du 12 mars 1881 a donné au conseil colonial
le droit d'élire son président, cette disposition n'a pas été
modifiée. C'est donc toujours par le lieutenant gouverneur que
doivent passer les pétitions adressées au ministre.
476. De même que les conseils généraux, le conseil colo-
nial statue, délibère ou émet des avis. Ses attributions étaient
autrefois à peu près les mêmes que celles du conseil gé-
néral de la Guyane; elles ne différaient que sur quelques
points.
Un décret du 6 octobre 1887 a réduit notablement ses pou-
voirs. Son droit de statuer ne s'étend plus que sur les questions
(1) En fait, le conseil colonial a voté un règlement le 20 octobre 1880.

— 423 —
relatives aux propriétés coloniales non affectées à un service
public. Les autres matières sur lesquelles il statuait autre-
fois (actions à intenter ou à soutenir, transactions, alignements
des routes, offres de concours des communes, concessions,
part contributive de la colonie dans la dépense des travaux à
exécuter par l'Etat, projets de travaux, assurances des pro-
priétés coloniales) n'ayant pas été, sauf l'acceptation des dons
et legs, reportées à l'article 33 concernant les points sur les-
quels le conseil peut délibérer, il ne peut plus émettre que
des avis. Le vote des tarifs des taxes et des contributions doit
être soumis à l'approbation du Président de la République, et,
en cas d'urgence, à celle du gouverneur.
La question s'est posée de savoir si les dispositions de l'ar-
ticle 33 §§ 2 et 3 de la loi du 13 avril 1900 s'appliquaient au
conseil colonial de la Cochinchine. Le ministère des Colonies
a tranché dans le sens de la négative cette difficulté que les
travaux préparatoires de la ioi n'aident nullement à résoudre;
il a considéré comme étant stricti juris et comme résistant à
toute interprétation extensive les principes posés par l'article
33 et dont la tendance paraît avoir été de limiter les droits
des assemblées locales. Or, la loi ne vise ou, plus exactement,
ne mentionne que les conseils généraux des colonies, et le
conseil colonial de la Cochinchine n'est pas, à proprement
parler, un conseil général.
477. La colonie de Cochinchine supporte toutes ses dépenses
autres que celles relatives au traitement du gouverneur et du
trésorier-payeur et aux services militaires ; encore, pour ces
derniers, paye-t-elle comme dépense obligatoire la solde, le
casernement, l'habillement et la nourriture du corps des tirail-
leurs annamites.
Les dépenses du personnel de la justice et des cultes, payés
partout ailleurs sur le budget de l'Etat, sont ici à la charge
de la colonie.
478. Les dépenses obligatoires comprennent toutes celles
prévues pour la Guyane, et, en outre, les fonds secrets, le
remboursement des prélèvements faits sur la caisse de pré-
voyance, les dépenses des tirailleurs annamites, enfin, d'une
manière générale, les dépenses du personnel et du matériel,
non
seulement
du
secrétariat
général,
mais
encore

— 424 —
de tous les services publics, telles qu'elles sont fixées par
décret.
Aux dépenses obligatoires résultant de l'organisation an-
cienne, le décret du G octobre 1887 a ajouté les dépenses du
matériel de tous les services publics de la colonie et les dé-
penses d'entretien des ports, rades et phares.
Des décrets du Président de la République ne sont plus
indispensables pour fixer les dépenses des divers services
publics. Le décret laisse ce droit, en ce qui concerne le per-
sonnel, à des décisions ministérielles, mais il n'indique pas
l'autorité appelée à fixer le minimum des dépenses du maté-
riel. Il y a là, évidemment, un oubli qui peut donner lieu à
certaines difficultés. Le décret enlève, il est vrai, au conseil
colonial, le droit de délibérer sur la fixation des frais du ma-
tériel de la justice, de l'instruction publique, etc. ; mais ce
droit est-il passé au lieutenant gouverneur, au gouverneur
général, au ministre, ou même le Président de la République
se l'est-il réservé? Dans le silence du décret, nous estimons
qu'au Président de la République seul appartient le droit de
statuer en cette matière.
479. Enfin, il y a lieu de signaler ce point, que les dépenses
notées par le conseil général peuvent être modifiées par le
gouverneur (sans que d'ailleurs une décision ultérieure du
ministre vienne approuver ces modifications), non seulement
quand des dépenses obligatoires sont omises, mais encore
quand les projets se rapportant aux dépenses votées paraissent
exiger un complément d'étude ou une nouvelle délibération.
Ainsi, en cas d'omission d'une dépense obligatoire, le gou-
verneur statue définitivement ; dans le second cas, au contraire,
le gouverneur n'a pas de pouvoir propre : c'est le ministre
qui lui prescrit de modifier les dépenses votées par le conseil
général.
Le décret du G octobre 1887 exige que pour toutes les dé-
penses ayant le caractère d'une disposition libérale à titre
gratuit (subventions, bourses, secours, gratifications), l'appro-
bation du ministre intervienne sur la proposition du gouver-
neur en conseil privé.

— 425 —
§ 2. Conseils d'arrondissement.
480. il y a en Cochinchine depuis longtemps des con-
seils d'arrondissement, mais l'existence légale de ces assem-
blées pouvait être regardée comme contestable, puisqu'elles
n'étaient organisées qu'en vertu d'arrêtés locaux, dont le dernier
portait la date du 12 mai 1882. Aujourd'hui, tous les cloutes
doivent disparaître et les conseils d'arrondissement de Cochin-
chine ont reçu la consécration législative que le pouvoir exé-
cutif de la métropole pouvait leur donner. Le décret du
5 mars 1889 les a complètement réorganisés.
D'après ce décret, il existe un conseil par arrondissement.
Chaque canton élit un membre choisi par les notables sur les
listes que dressent les administrateurs. Sont éligibles, tous les
indigènes inscrits, habitant le canton, n'ayant subi aucune
condamnation à une peine criminelle ou bien à une peine
correctionnelle pour rébellion, piraterie ou vol (1).
Les conseils d'arrondissement ont deux sessions ordinaires,
l'une en août, l'autre en février. La durée des sessions est de
huit jours et les séances ne sont pas publiques.
Quant aux attributions des conseils, elles sont déterminées
par les articles 20 à 27 : il résulte de ces articles que les con-
seils d'arrondissement ne prennent que des délibérations sou-
mises à l'approbation du gouverneur général de l'Indo-Chine,
mais aucune mesure touchant les intérêts propres d'un arron-
dissement ne peut être décidée sans avoir été, au préalable,
votée par le conseil.
481. Le projet de budget de l'arrondissement, rédigé eu
quoc-ngu et en français, est préparé par l'administrateur,
délibéré par le conseil d'arrondissement et définitivement
arrêté par le gouverneur général en conseil privé.
Les recettes se composent du produit des centimes addition-
(1) Le décret du 5 mars 1889 ne déterminait pas l'âge que doivent
avoir les indigènes pour être éligibles. Il a été complété sur ce point
par décret du 13 novembre 1903, d'après lequel nul ne peut être élu
s'il n'est âgé de 30 ans révolus et s'il n'a rempli pendant deux ans au
moins des fonctions de notable


— 426 —
nels, dont le nombre est fixé annuellement par le gouverneur
sur le vote du conseil colonial, des subventions du budget
local, des subventions des communes, etc.
Avec ces ressources, les arrondissements doivent subvenir
aux frais des petits canaux, des chemins vicinaux de grande
communication, des écoles de canton, du service des facteurs
à domicile, du personnel de la caisse et de la comptabilité,
de l'entretien des propriétés de l'arrondissement, des dépenses
d'utilité publique qui lui sont spéciales.
Ces dépenses sont les seules que l'arrondissement doive
nécessairement supporter; les autres dépenses incombent au
budget local ou aux communes.
ARTICLE 9. — Nouvelle-Calédonie.
482. Le conseil général institué en Nouvelle-Calédonie par
le décret du 2 avril 1882 est organisé sur des bases à peu
près identiques à celles adoptées pour le conseil général de
Saint-Pierre et Miquelon, créé à la même date.
Le conseil se compose, depuis un décret spécial du 27 mai
1898, de 19 membres répartis dans 9 circonscriptions.
Outre les conditions d'éligibilité ordinaires, on exige encore
à la Nouvelle-Calédonie la condition du domicile dans la colo-
nie ou de l'inscription au rôle d'une des contributions directes (1).
C'est le régime métropolitain ; il a l'inconvénient d'évoquer
l'idée de domicile, question difficile à résoudre dans une
colonie.
L'inéligibilité au conseil général a été étendue par le décret
du 23 novembre 1887 à tout le personnel de l'administration
pénitentiaire.
L'intervalle minimum entre la date de l'arrêté de convoca-
tion des électeurs et le jour de l'élection est, en raison de
l'étendue de la colonie et de la difficulté des communications,
porté de quinze jours à un mois. De même le délai pour se
pourvoir contre le résultat des élections est porté de dix jours
(1) Le nombre des conseillers généraux non domiciliés dans la colonie
ne peut dépasser le quart du nombre total des conseillers.

— 427 —
à un mois. Ces réclamations sont jugées, non par le Conseil
d'État en premier et dernier ressort comme dans la métro-
pole, mais par le conseil du contentieux de la colonie avec
pourvoi devant le Conseil d'État.
Le motif indiqué en faveur de celte différence a été l'éloi-
gnement de la Nouvelle-Calédonie, mais il est sans intérêt réel
en raison du droit de recours.
C'est le directeur de l'intérieur, aujourd'hui le gouver-
neur, qui est investi du droit de se pourvoir au nom de
l'administration; ce changement tient à la différence de juri-
diction.
Les chefs d'administration et de service ont entrée au con-
seil général après autorisation du gouverneur.
D'après le décret du 10 août 1895, l'ouverture de la session
budgétaire du conseil général de la Nouvelle-Calédonie avait
lieu de plein droit le 3 novembre de chaque année. Comme
dans l'Inde, et pour les mêmes raisons (n° 458), il a paru que
cette époque était tous les ans trop tardive pour que les
réformes fiscales dont l'examen et le vote du budget pou-
vaient être l'occasion fussent en temps utile rendues définitives.
Un décret spécial en date du 5 avril 1903 a modifié, en con-
séquence, le décret du 10 août 1895. D'après les dispositions
nouvelles, le conseil général se réunit deux fois chaque année
en session ordinaire sur la convocation du gouverneur. Mais
les dates de l'une et l'autre sessions ne sont pas fixées à
l'avance, et le gouverneur a toute latitude pour les déterminer
lui-même en tenant compte, notamment, des délais qu'exige
la procédure prévue pour la mise en vigueur des dispositions
de l'article 33 de la loi du 13 avril 1900. Dans l'une des sessions
dont la durée ne peut excéder un mois, le budget est délibéré;
la durée de l'autre session ordinaire ne peut excéder quinze
jours.
483. Le gouverneur peut dissoudre le conseil général; dans
ce cas, il est obligé de convoquer les électeurs dans un délai
de quatre semaines.
En cas de pourvoi du gouverneur en annulation d'une déli-
bération définitive (art. 41), aucun délai n'est prévu pour la
promulgation du décret d'annulation.
Les attributions du conseil général de la Nouvelle-Calédonie

— 428 —
en matière de taxes et contributions sont réglées par l'article
33 § 3 de la loi de finances du 13 avril 1900 (n03 4 14 et suiv.),
et ses pouvoirs quant à l'inscription des dépenses à prévoir au
budget local sont déterminés par l'article 33 § 2 de la même
loi (n° 452).
ARTICLE 10. — Établissements de l'Océanie.
484. Un conseil général créé en Océanie par un décret du
28 décembre 1885 avait été constitué sur des bases presque
identiques à celles adoptées pour la Nouvelle-Calédonie par
le décret du 2 avril 1885.
Tenant compte, d'autre part, de la négligence avec laquelle
les intérêts des îles Marquises, Tuamotu, Gambier, Tubuaï et
Rapa étaient le plus souvent traités au sein du conseil géné-
ral, un décret en date du 10 août 1899 avait donné à ces
archipels une organisation indépendante. Il en avait fait
autant d'établissements distincts parmi les établissements fran-
çais de l'Océanie. Les budgets des recettes et dépenses de
chaque archipel notamment étaient arrêtés et rendus exécu-
toires par le gouverneur en conseil privé.
Nous nous bornons à mentionner cette organisation aujour-
d'hui profondément modifiée.
485. Un décret du 19 mai 1903 en effet a supprimé le con-
seil général de Tahiti et institué un conseil d'administration
commun aux différents archipels (nos 362 et suiv.). Le décret
a créé, en outre, une commission permanente du conseil, qui
peut être appelée à donner son avis sur toutes les questions
susceptibles d'être soumises au conseil, le budget excepté.
486. Le budget des établissements français de l'Océanie est
arrêté et rendu exécutoire chaque année par le gouverneur en
conseil d'administration; les comptes sont arrêtés dans la
même forme (n° 910 ter).
Il est statué, en matière de taxes et contributions, par arrêtés
du gouverneur pris en conseil d'administration, sauf en ce
qui concerne les droits de douane et d'octroi de mer.
Ces arrêtés ne sont exécutoires qu'après avoir été approuvés
par le ministre des colonies (n° 911).

— 429 —
SECTION II.
ATTRIBUTIONS DES GOUVERNEURS CONSIDÉRÉS COMME AGENTS EXECUTIFS
DES POUVOIRS LOCAUX.
487. La création, dans la plupart des colonies, de conseils
généraux dotés de pouvoirs parfois considérables, a donné,
dans certains cas, aux gouverneurs, des attributions analogues
à celles des préfets dans la métropole.
La loi du 10 août 1871 a chargé le préfet de l'instruction
préalable des affaires qui intéressent le département, ainsi que
de l'exécution des décisions du conseil général et de la com-
mission départementale, conformément aux dispositions de la
loi. Ce principe, quoiqu'il ne soit pas explicitement rappelé
dans le sénatus-consulte ou les décrets relatifs aux conseils
généraux des colonies, même ceux établis postérieurement à
la loi de 1871 (sauf pour Saint-Pierre et Miquelon et la Nou-
velle-Calédonie), n'en existe pas moins dans nos établissements
d'outre-mer. Le gouverneur seul a le pouvoir exécutif; seul,
il peut donner suite aux délibérations prises par les conseils
généraux en vertu de leur pouvoir de statuer et devenues
définitives. Il ne saurait appartenir au conseil de charger un
de ses membres de l'exécution d'un de ses votes, du mandat
d'intenter ou de soutenir par exemple une action au nom de
la colonie.
C'est d'une manière générale d'ailleurs que les gouverneurs
sont chargés du pouvoir exécutif dans les colonies; il n'est
pas besoin d'un texte spécial pour le lui conférer. Ce principe
avait son application alors même que des dispositions particu-
lières attribuaient des pouvoirs personnels aux directeurs de
l'intérieur. A plus forte raison a-t-il toute sa validité, main-
tenant que les directeurs de l'intérieur sont remplacés par des
secrétaires généraux n'ayant de pouvoirs que ceux dont ils
reçoivent délégation expresse du gouverneur (1). Une des
(1) Conseil d'Etat, Cont. 23 novembre 1900 (Affaire Jean). — Considé-
rant qu'en l'absence d'un texte spécial les gouverneurs sont cbargés du

— 430 —
conséquences de ce principe, c'est que les gouverneurs ou les
agents placés sous leurs ordres ont qualité pour instruire les
affaires soumises au conseil général.
Un conseil général ne pourrait, sans outre-passer ses pou-
voirs, déléguer à la commission coloniale le droit qui appar-
tient ainsi à l'administration d'instruire certaines catégories
d'affaires (1); cette instruction préalable est d'ailleurs indis-
pensable dans un certain nombre de cas, et dans ces circons-
tances, le conseil général ne saurait statuer qu'après elle (2).
Dès que la première instruction a été faite, rien n'empêche le
conseil général de la faire compléter dans l'intervalle des ses-
sions par la commission coloniale (3).
Le gouverneur, on l'a vu, a seul le pouvoir exécutif dans
les colonies; à ce titre, c'est lui seul qui peut donner suite aux
décisions des conseils généraux et coloniaux. Son rôle envers
ces assemblées se trouve défini d'après des règles analogues
à celles qui régissent en France les pouvoirs respectifs des
préfets et des conseils généraux. Il en est ainsi notamment
pour la répartition des crédits votés par un conseil général
pour subventions, secours ou gratifications en faveur de parti-
culiers ou de fonctionnaires. Une assemblée locale ne pourrait,
sans excès de pouvoir, procéder elle-même à cette répartition
qui rentre dans les attributions de l'autorité exécutive, c'est-à-
dire des préfets en France, et des gouverneurs aux colonies.
Le Conseil d'Etat, consulté sur la question, a émis dans ce
sens un avis très concluant le 18 février 1897 (4).
pouvoir exécutif dans les colonies ; que ce principe trouve sa confirma-
tion en ce qui concerne la Guyane française dans l'article 22 du décret

ci-dessus visé, du décret du 23 décembre 1878, portant qu' « en tout ce qui
n'est pas prévu par le présent décret les attributions conférées dans la

métropole au préfet sont exercées par le directeur de l'Intérieur » ; qu'il
suit de là qu'il appartient à l'administration d'instruire préalablement
les affaires soumises au Conseil général, etc.

(1) Ces questions n'ont pas été traitées spécialement à propos des
conseils généraux des colonies, mais les solutions relatives aux conseils
généraux de la métropole sont dans ce cas applicables à ceux des colo-
nies. V. Dec. 2 juillet 1874. C. G. Gard.
(Les Conseils généraux, Berger-
Levrault, 1878.)

(2) Déc. 16 janvier 1875. C. G. Isère. Ibid.
(3) Avis du ministre de l'Intérieur, 21 août 1776. Ibid.
(4) C. d'Et., 18 février 1897. — Considérant que les gouverneurs sont
chargés du pouvoir exécutif dans les colonies et qu'à ce titre il leur

— 431 —
488. Mais le gouverneur a le devoir de faire exécuter les déci-
sions prises par le conseil dans la limite de sa compétence, de
faire procéder à l'instruction des projets qui lui sont transmis
par l'initiative du conseil : un refus ou une persistance non
ustifiée à ne pas répondre autoriserait évidemment le conseil
énéral, après une mise en demeure restée sans succès, à
faire instruire l'affaire par une commission. Si, après l'instruc-
tion ainsi faite, il prenait une décision, il paraîtrait peu pro-
bable que le Gouvernement annulât cette délibération par le
motif qu'il n'a pas été procédé à une enquête préalable par
les soins du gouverneur.
En Nouvelle-Calédonie, le décret sur le conseil général est
explicite au sujet de ces attributions ; le gouverneur est chargé
de l'exécution des décisions du conseil général et de la com-
mission coloniale, mais les décrets ont supprimé, dans la loi
de 1871 que l'on reproduisait autant que possible, la mention
relative à l'instruction préalable des affaires. Cette suppres-
sion a eu uniquement pour but de laisser le gouverneur clans
ses véritables attributions : c'est aux chefs de service que ce
soin appartient.
489. La nécessité de ne pas obliger le gouverneur à rem-
plir des fonctions parfois assujettissantes, parfois un peu infé-
rieures au rôle qui lui appartient de représentant de la puis-
appartient d'instruire préalablement les affaires soumises aux délibéra-
tions des conseils généraux et coloniaux, ainsi que de pourvoir à
l'exécution des décisions de ces assemblées; — qu'ils ont dès lors, au
regard des conseils généraux et coloniaux, des attributions analogues à
celles des préfets dans la métropole, et qu'il y a lieu de suivre dans
les colonies les mêmes règles que celles qui régissent les pouvoirs
respectifs des préfets et des assemblées départementales en France ; —
qu'il est de jurisprudence constante que la répartition individuelle des
crédits votés par les conseils généraux de la métropole pour subven-
tions, secours, gratitications, en faveur de particuliers ou de fonction-
naires est un fait qui, par sa nature, rentre exclusivement dans les
attributions de l'autorité exécutive; — considérant que si les conseils
généraux et coloniaux des colonies ont la faculté d'inscrire, dans la
2e section de leurs budgets, des dépenses qui ne peuvent être chan-
gées ni modifiées que dans le cas où il n'aurait pas été pourvu aux
dépenses obligatoires, il ne saurait être admis que cette faculté puisse
porter atteinte aux droits et pouvoirs des gouverneurs; est d'avis, etc.
Cf. aussi la question et à l'occasion de cet avis une circulaire du
ministre des colonies en date du 18 mai 1897 (Β. 0. C. 1897, p. 480).

— 432 —
sance métropolitaine, a fait, dans un certain nombre de cas,
décider qu'il serait remplacé par le directeur de l'intérieur, au-
jourd'hui, après délégation expresse, par le secrétaire général
(1), dans ses relations avec la représentation locale, par exemple
aux séances du conseil général ou de la commission coloniale.
SECTION III.
RÉGIME ÉLECTORAL.
§ 1. — Electoral. Listes électorales.
490. Nous indiquons au sujet des conseils généraux et
municipaux, ainsi que du conseil supérieur des colonies, les
conditions spéciales d'électorat et d'éligibilité; il suffit d'exa-
miner actuellement les conditions générales de formation des
listes électorales et les règles principales applicables en
matière d'élections dans les colonies, les règles spéciales
applicables aux élections des sénateurs et des députés.
Les règles d'éligibilité à la Chambre des députés et au
Sénat sont les mêmes dans les colonies que dans la métro-
pole. Aux colonies toutefois les candidats ne sont pas, comme
en France, soumis à la condition spéciale prévue par la loi du
20 juillet 1895 sur les obligations militaires des membres du
Parlement. La disposition de cette loi, d'après laquelle nul ne
peut siéger au Parlement s'il n'a satisfait définitivement aux
prescriptions légales concernant le service actif, n'est pas appli-
cable aux Français ou naturalisés Français résidant aux
colonies. L'article 1er § 2 exige seulement que ces derniers
soient en règle avec les obligations que leur impose le titre VI
de la loi du 15 juillet 1889 sur le recrutement de l'armée.
Un décret du 7 avril 1902 a rendu applicable aux colonies
la loi du 30 mars précédent sur la répression des fraudes en
matière électorale.
(1) Décret du 21 mai 1898.

— 433 —
491. Dans toutes les colonies, sauf dans l'Inde (V. n° 496),
la liste électorale, unique depuis la loi du 5 avril 1884, ser-
vant pour les élections à la Chambre des députés, au conseil
supérieur des colonies, aux conseils généraux, aux conseils
municipaux, est établie comme dans la métropole : les condi-
tions exigées pour y être inscrit sont les mêmes (1), sauf en
ce qui concerne la durée du domicile. Ceci résulte des lois
des 7 juillet 1874 et 30 novembre 1873, applicables aux élec-
tions législatives (et par assimilation aux élections des délé-
gués au conseil supérieur des colonies), des décrets spéciaux
relatifs aux conseils généraux, et enfin de la loi municipale
du 5 avril 1884 rendue applicable, sur ce point, à toutes les
communes d'outre-mer.
La durée de domicile exigée pour l'inscription sur les listes
électorales est exactement la même que dans la métropole
(six mois), sauf en ce qui concerne le conseil général de la
Guyane et le conseil colonial de la Cochinchine, pour lesquels
la durée de domicile exigée est d'un an. Il est donc nécessaire,
clans ces deux colonies, d'avoir de doubles listes électorales,
la durée de domicile exigée étant, à l'inverse de ce qu'on
avait voulu autrefois dans la métropole, plus grande pour le
conseil colonial ou général que pour les conseils munici-
paux.
Il peut se présenter au Sénégal quelques difficultés en ce
qui concerne les inscriptions sur les listes électorales, diffi-
cultés résultant cle l'instruction du Gouvernement provisoire
du 27 avril 1848, qui, clans son article 6, dispense de toute
preuve de naturalisation les habitants indigènes du Sénégal
et dépendances, justifiant d'une résidence de plus de cinq
années dans cette colonie. Nous ne croyons pas que le béné-
fice de cette disposition puisse être encore réclamé aujour-
d'hui. L'instruction du 27 avril 1848 a été rendue en exécu-
tion de l'article 11 du décret du 6 mars précédent; il ne
(1) Il ne s'agit ici que do la représentation des citoyens français ;
quand, dans certains cas (conseil colonial de Cochinchine et conseils
d'arrondissement dans cette même colonie), des sujets français sont ad-
mis à une représentation, des règles spéciales sont édictées pour l'élec-

torat (V. nos 457 et 467).
COLONIES, I.
28

— 434 —
s'agissait dans le décret que des élections à la Constituante, et
l'instruction ne pouvait légiférer que pour ce cas particulier :
les conditions de justification de l'âge, de la nationalité, de
la résidence sont donc les mêmes au Sénégal que dans les
autres colonies et dans la métropole. Cette opinion est con-
forme à la doctrine d'un avis de la section des Finances du
Conseil d'État en date du 29 mai 1892 : consultée sur la double
question de savoir si le Gouvernement pourrait faire table rase
des listes existantes pour les remplacer par de nouvelles (1),
et soumettre les indigènes à un régime spécial en matière
d'électorat, elle a émis l'avis que la promulgation au Sénégal
de la loi du 30 novembre 1875 avait eu pour effet d'étendre à
cette colonie l'application des règles établies dans la métro-
- pole pour l'inscription sur les listes électorales (V. n° 494).
Il en résulte cette double conséquence que l'inscription se
trouve avant tout subordonnée à la jouissance de la natio-
nalité française, et que le chef de l'État ne pourrait au Sénégal,
même en vertu du sénatus-consulte du 3 mai 1854, modifier
par décret les conditions générales de l'électorat, toute ré-
forme de ce genre constituant une atteinte à la loi du 30 no-
vembre 1875 (V. n° 253). La section des Finances a ajouté
que l'administration locale pouvait seulement, dans les formes
ordinaires, procéder à la radiation des indigènes non natura-
lisés (2). Actuellement, dans la colonie, la délivrance des cartes
(1) Les listes électorales (Sénégal) comprennent un très grand nombre
d'indigènes dont ni l'état civil ni la nationalité n'ont jamais été éta-
blis.
(2) Cons. d'Et. fin. 29 mars 1892. Considérant que la loi du 30 no-
vembre 1875 sur l'élection des députés, complétée en ce qui concerne
le Sénégal et la Guyane par la loi du 8 avril 1879, subordonne dans son
article 1er, sous forme de référence à l'article 5 de la loi du 7 juillet
1874, aujourd'hui remplacé par l'article 14 de la loi du 5 avril 18S4, l'ins-
cription sur les listes électorales politiques à la jouissance de la natio-
nalité française; que, ladite loi statuant directement pour les colonies
dont elle détermine le nombre des députés, toutes ses dispositions sont
devenues de plein droit applicables au Sénégal par le seul fait de sa
promulgation par arrêté du gouverneur en date du 9 mai 1879 sans que
le chef du pouvoir exécutif fût appelé à prendre un décret l'y rendant
exécutoire en vertu des pouvoirs que lui confère l'article 18 du sénatus-
consulte du 3 mai 1854 à l'égard des colonies autres que la Martinique,
la Guadeloupe et la Réunion; qu'il s'ensuit que la délégation générale
donnée au chef du gouvernement pour ces colonies n'ayant pas eu à

— 435 —
électorales doit être rigoureusement subordonnée à la justifi-
cation par les requérants de leur identité individuelle.
Dans les établissements français de l'Océanie, la question
s'est également posée de savoir si les indigènes des îles Mar-
quises, Gambier et Rapa, pouvaient être régulièrement inscrits
sur les listes électorales, prendre part à l'élection des conseils
locaux, et, par voie de conséquence, en vertu d'un décret du
13 juillet 1894, à la délégation au conseil supérieur des colo-
nies. Les habitants cle ces archipels, ceux pour le moins des
îles Marquises et Gambier, échappaient complètement autrefois
à l'autorité de Pomaré V, et n'ont pu bénéficier de la loi du
30 décembre 1880 conférant la nationalité française à tous les
anciens sujets du roi de Tahiti. Il semblerait donc (Y. n° 484)
que ces indigènes ne devraient pas, sans une naturalisation
individuelle, être inscrits sur les listes électorales. Le Conseil
d'État inclinait vers celte opinion, au moins lorsqu'il s'agissait
de la délégation au conseil supérieur des colonies et alors que
les délégués, aux termes d'un décret du 19 octobre 1883,
étaient élus par les citoyens français (1).
Mais le décret du 13 juillet 1894 n'a pas reproduit sur ce
point le texte du décret du 19 octobre 1883 ; il fait participer
à la désignation des délégués tous les électeurs inscrits sur les
listes dressées pour la nomination des membres des conseils
généraux ou d'administration. Dès lors, il s'agit seulement de
s'exercer dans cette circonstance, celui-ci ne saurait, sans excéder sa
compétence, édicter au Sénégal des dispositions modifiant la loi du
30 novembre 1875, par exemple en substituant à la nationalité française
telle condition de garantie jugée par lui équivalente; que la même so-
lution s'impose en fait en ce qui concerne l'électorat municipal — bien
que la loi du 5 avril 1884 n'ait pas statué directement pour la colonie,
et ait dû y être étendue par le décret du -20 juin 1884, à raison de la
règle de l'unité de liste; que par suite l'administration locale a le droit
et le devoir de procéder, mais seulement dans les formes instituées par
le décret réglementaire du 2 février 1852, entré de plein droit en vi-
gueur au Sénégal avec la loi organique sur l'élection des députés, dont
il est le complément nécessaire, à la radiation des indigènes non natu-
ralisés; qu'il lui est loisible d'éviter des vices de forme de nature à
entraîner l'annulation éventuelle des opérations électorales effectuées
conformément à la liste ainsi rectifiée en procédant à cette radiation
successivement, au fur et à mesure de l'acquisition de données précises
sur l'état civil des indigènes.
(1) Cous. d'Ét. cont. 24 avril 1891,

— 436 —
savoir si, d'après le décret du 28 décembre 1885 instituant un
Conseil général à Tahiti, sont électeurs indistinctement, pour
l'assemblée locale, tous les habitants des îles constituant les
établissements français de l'Océanie, qu'ils soient Européens ou
indigènes. En admettant que telle fût la portée de ce règlement,
à considérer le texte môme du décret, le rapport qui l'accom-
pagne et les travaux préparatoires auxquels il a donné lieu, la
question se trouverait tranchée en faveur du droit électoral des
indigènes habitant les îles Marquises, Gambier et Rapa, pourvu
toutefois que ceux-ci remplissent les conditions générales d'ap-
titude établies par les textes organiques.
492. On s'est demandé si les militaires en service dans les
colonies avaient le droit de réclamer leur inscription sur les
listes électorales, et celui de prendre part à un vote. Sous l'em-
pire cle la loi du 12 juillet 1872, la réponse ne nous paraissait
pas douteuse (1); en principe, les militaires conservaient leur
résidence comme leur domicile au lieu de leur tirage au sort,
mais ceci n'excluait pas leur droit de faire une déclaration do
résidence électorale conformément aux prescriptions des para-
graphes 2 et 4 de l'article 5 de la loi du 7 juillet 1874. En
Nouvelle-Calédonie, comme dans la métropole, rien n'empê-
chait un militaire de réclamer ce droit, et, dans cette colonie
où la loi du 30 novembre 1875 n'avait pas dû être promulguée,
il avait le droit de prendre part aux élections.
Mais la loi du 15 juillet 1889, et depuis celle cle 1905, ont
précisé les restrictions que l'exercice du droit électoral com-
porte pour les militaires. Ceux-ci, d'après l'article de la loi
nouvelle, sont exclus du droit de vote quand ils sont présents
à leur corps au moment de l'élection. S'ils se trouvent alors,
au contraire, en résidence libre, en non activité ou en posses-
sion d'un congé, ils peuvent être régulièrement inscrits sur les
listes électorales et prendre part au vote. Ces dispositions s'ap-
pliquent aux colonies comme en France. Il nous parait égale-
ment hors de doute que les jeunes gens dispensés dans certaines
(1) La suspension du droit de vote ne résultait, pour les militaires, que
de l'article 2 de la loi du 30 novembre 1875 et de l'article 5 de la loi du
12 juillet 1872 sur le service militaire, qui n'a pas été promulguée dans
les colonies.


437 —
de nos possessions de la présence effective sous les drapeaux
par application des articles des lois nouvelles, peuvent, en vertu
de l'article, si d'ailleurs ils réunissent les conditions générales
requises à cet effet, être valablement inscrits sur les listes élec-
torales, alors que leur âge les soumettrait, soit en France,
soit dans une autre colonie, aux obligations du service actif.
493. Nous rappellerons, au sujet du droit électoral dans les
colonies, ce que nous avons dit (V. n° 254) des conséquences
des décrets de naturalisation de sujets français, etc., quand il
s'agit de faire valoir les conséquences de ces décrets dans la
métropole ou dans des colonies autres que celle pour laquelle
ils ont ('té rendus. Ajoutons d'ailleurs que la Cour de Cassation
s'est ralliée a une opinion différente en reconnaissant l'effet le
plus étendu, en matière de droits électoraux, aux décrets du
25 mai 1881 et du 21 septembre 1881, qui ont réglé la condition
des Annamites naturalisés de Cochinchine et des Indiens renon-
çants (1).
494. L'établissement et la revision des listes électorales ont
été faits pendant longtemps conformément aux prescriptions de
la loi du 15 mars 1849; on n'avait pas tenu compte, dans les
colonies où la loi du 30 novembre 1875, fixant le nombre des
députés, avait été promulguée (2), que celte loi porte dans son
article 1er : l'élection se fera sur les listes dressées en exécu-
tion de la loi du 7 juillet 1874. C'était donc cette loi qui deve-
nait applicable par le fait même de la mise-en vigueur de la
loi de 1875. A la suite d'un arrêt de la Cour de cassation affir-
mant très nettement ce principe (3), une circulaire ministérielle
du 18 novembre 1882 prescrivit aux administrations de toutes
les colonies représentées au Parlement de promulguer la loi du
7 juillet 1874 et les dispositions corrélatives du décret orga-
nique du 2 février 1852 et du décret réglementaire de la même
date.
Il était utile que la loi électorale fût la même dans toutes
(1) Cass. Civ. 29 juillet 1889 (aff. Adicéam et consorts), et 18 juin 1890
(aff. Marius Sère).
(2) Martinique, Guadeloupe, Inde et Réunion, puis, par les lois des
8 avril 1879 et 28 juillet 1881, Guyane, Sénégal et Cochinchine.
(3) Cass. civ. 5 juillet 18S2. 1). P. 82.1.429. V. également Cass. civ.
6 mars 1883 D. P. 83.1.308. Gass. civ. 7 novembre 1883. D. P. 84.5.188.

— 438 —
les colonies, et un seconde circulaire du 31 août 1883 pres-
crivit la substitution du régime de la loi de 1874 et des dé-
crets de 1852 à celui de la loi de 1849, dans tous les autres
établissements d'outre-mer pour lesquels la loi de 1875 n'en
avait pas fait une obligation. Des arrêtés des gouverneurs,
rendus en exécution de cette circulaire, ont définitivement
assimilé le régime électoral des colonies à celui de la métro-
pole. Dans les établissements français de l'Océanie, le décret
réglementaire du 2 février 1852 a été rendu applicable par un
décret en date du 12 décembre 1889 pour toutes les questions
de détail que provoquent l'inscription d'office et la radiation
sur les listes électorales.
Il en est de même des formes des élections.
Il n'appartient en aucun cas aux gouverneurs et, d'une ma-
nière générale, aux autorités locales, de modifier les règles
prescrites par ces lois et décrets (1).
495. La colonie de l'Inde se trouve, au point de vue élec-
toral, dans une situation toute particulière; si pour les élec-
tions législatives il existe une seule liste, il n'en est pas de
même des élections au conseil général, aux conseils locaux
et aux conseils municipaux, pour lesquelles on établit trois
listes d'électeurs. Les questions que soulève l'établissement
soit de la liste unique, soit de trois listes, sont de deux
ordres (2) : elles se rapportent : 1° au droit des Indiens non
renonçants d'être inscrits sur les listes électorales; 2° au droit
des Indiens renonçants d'être portés sur la môme liste que
les Européens d'origine.
496. On sait que la population française de l'Inde se com-
pose de trois éléments distincts : 1° les Européens et descen-
dants d'Européens provenant de familles, soit françaises, soit
étrangères, mais ayant acquis droit de cité par un long séjour
dans notre colonie ; 2° les Indiens qui, usant d'un droit très
ancien, mais réglementé par le décret du 21 septembre 1881,
(1) Cons. d'Ét. cont. 30 janvier 1885 (aff. Laporte).
(2) La question que nous avons traitée au sujet du Sénégal (n° 491) se
soulèverait également au sujet de l'Inde à laquelle s'appliquait l'instruc-
tion du Gouvernement provisoire du 27 avril 1848, et devrait être résolue
de la même manière.

— 439 —
ont renoncé au droit, reconnu'à leurs compatriotes par l'arrêté
local du 6 janvier 1819, d'être régis par les lois, usages et
coutumes de l'Inde, et se sont soumis à toutes les exigences
de la vie civile française; 3° les Indiens qui persistent à se
prévaloir du droit qui leur a été reconnu lors de la rentrée
de cette colonie sous la domination française.
Ces derniers ont-ils le droit de prendre part aux opérations
électorales? Sont-ils électeurs et éligibles au Parlement, aux
assemblées locales, aux conseils municipaux? Quelque anor-
mal que ce droit puisse paraître (1), il n'en existe pas moins,
et il nous semblerait impossible de le contester avec quelque
motif dans l'état actuel de la législation. Ils sont Français,
ils jouissent cle leurs droits civils dans le sens de la loi élec-
torale; aucune restriction n'a été apportée à la jouissance de
ces droits; les lois et décrets des 15 mars 1849, 2 février 1852,
3 novembre 1875, ont été promulgués sans modification ni
réserve. Cette opinion, conforme à la jurisprudence de la
Cour de cassation (2), a été accueillie :' par le Gouvernement,
qui a déclaré (3) que le décret du 21 septembre 1881 n'avait
nullement pour but d'enlever aux non renonçants les droits
qu'ils possédaient, par le Parlement lui-même, qui s'est associé
à cette interprétation du décret en validant les élections de
l'Inde au Sénat et à la Chambre des députés.
497. Jusqu'au 26 février 1884, les élections aux différents
conseils de l'Inde se faisaient sur deux listes, comprenant :
l'une les Européens et descendants d'Européens, l'autre, les
autochtones. Les Indiens ayant renoncé au bénéfice du statut
personnel réclamèrent leur inscription sur la première liste ;
c'était là un droit difficilement discutable clans l'état de la légis-
lation à celte époque ; le décret du 21 septembre 1881, en effet,
prescrit qu'ils seront, non pas soumis aux lois françaises, mais
régis par ces mêmes lois; c'est donc une assimilation complète.
La section des Finances du Conseil d'Etat (4), consultée à ce sujet,
(1) « ... 11 serait étrange qu'un sénateur ne voulant pas se plier aux
« lois françaises pût être appelé à discuter leur adoption... » Rapport de
la 8e commission des pétitions du Sénat, estimant qu'il y a
eu de
modifier l'état de choses actuel. (J. 0. 23 mai 1885.)
(2) Cass. civ. 6 mars 1883 (aff. Savery). D. P. 83.1.308.
(3) i. 0. 4 novembre 1881.
(4) Cons. d'Et. fin. 21) décembre 1883.

— 440 —
et la Cour de cassation, appelée à juger sur un appel en
matière de confection de listes électorales, n'hésitèrent pas à
se prononcer dans ce sens; il suffira de reproduire l'arrêt (1)
de la Cour pour rappeler les motifs de celle décision, à laquelle
s'associèrent d'ailleurs les commissions des pétitions du Sénat
(2) et de la Chambre des députés (3).
498. Mais tel n'avait pas été le but poursuivi par le Gou-
vernement; la rédaction du décret de 1881 n'avait pas rendu
ses intentions, et cette question fut soumise au conseil supé-
rieur des colonies, qu'on appela à choisir entre les quatre so-
lutions suivantes : réunir sur une même liste d'électeurs et
d'éligibles les citoyens français appartenant aux trois caté-
gories; — imposer à cette liste unique d'électeurs l'obligation
de choisir des élus appartenant dans une certaine proportion
à chaque origine ; — établir des catégories spéciales d'électeurs
pouvant porter leur choix sur n'importe quel eligible; — éta-
blir deux ou trois listes d'électeurs obligés de désigner leurs
représentants dans leur propre sein. Le conseil supérieur des
colonies adopta la troisième solution (4), en séparant les Indiens
renonçants des Européens. Un décret du 26 février 1884,
partant de ce principe, le complétant sur certains points,
régla le régime électoral de l'Inde en ce qui concerne les
différents conseils de la colonie.
Le système électoral ainsi inauguré a été complètement
modifié par un décret du 10 septembre 1899. Il a supprimé
(1) Cass. civ. 7 novembre 1883 (aff. Lamontagne) : — Attendu qu'on ne
saurait contester que, parmi les droits politiques applicables aux Fran-
çais non indigènes résidant dans la colonie, se trouve compris le droit
d'être inscrit sur celles des listes électorales locales et municipales qui
comprennent les Européens et descendants d'Européens; — que, par con-
séquent, l'indigène qui, par le fait de sa renonciation à son statut per-
sonnel, s'est créé un état civil et des intérêts nouveaux, semblables en
tous points à ceux des Français européens d'origine, et se trouve, d'après

les termes formels du décret du 21 septembre 1882, régi par les lois ci-
viles et politiques des Français dans la colonie, est fondé à réclamer
son inscription sur la liste électorale qui comprend les Français euro-
péens ou descendant d'Européens...

(2) Rapport de la 5e commission du Sénat.
(3) Rapport de la 15e commission des pétitions de la Chambre des
députés.
(4) V. Rapport au ministre sur les travaux du conseil supérieur des
colonies en 1884.

— 441 —
la liste des renonçants, ne la maintenant qu'au cas où le
nombre de ceux-ci atteindrait au moins la moitié de celui des
non-renonçants. C'est sur l'expérience acquise que le rapport
précédant le décret appuyait la nécessité de la réforme. Il
rappelait que le système des trois listes avait trop souvent
permis à deux listes réunies, en se coalisant, de former une
majorité telle que la minorité était forcément sacrifiée ; il ajou-
tait que le privilège politique attaché à la renonciation avait
complètement dénaturé le caractère de celle-ci, inspirée dès
lors presque toujours par des considérations électorales.
Depuis le décret du 10 septembre 1899, les élections aux
divers conseils de l'Inde sont faites sur deux listes : la pre-
mière comprenant les électeurs européens ou assimilés, la
deuxième comprenant les natifs, et sauf à constituer une liste
spéciale le jour où le nombre des renonçants devient égal ou
supérieur à la moitié des non-renonçants. Exceptionnellement,
les natifs ayant renoncé à leur statut personnel depuis quinze
ans au moins et justifiant de conditions spéciales (diplômes,
fonctions ou mandats électifs exercés, décorations, etc.) sont
inscrits sur la première liste. Dans les élections pour les divers
conseils locaux, la première et la deuxième liste élisent chacune
la moitié des membres attribués à l'assemblée, sous réserve
de quelques modifications, par les décrets en vigueur. Enfin,
lorsque, pour une élection dans un établissement ou une com-
mune, la première liste comprend moins de vingt électeurs
inscrits, le conseil est élu par l'ensemble des électeurs sans
distinction de liste.
D'après l'article 4 du décret du 10 septembre 1899, les
natifs de l'Inde, pour être inscrits sur la première liste élec-
torale, doivent, entre autres conditions, justifier de la connais-
sance de la langue française. Mais le décret ne spécifie pas
par quels moyens de fait cette justification doit avoir lieu.
C'est, par suite, aller au delà des conditions imposées par la
législation existante que d'alléguer, pour ordonner la radia-
tion d'un électeur de la première liste, l'impossibilité où il est,
non pas d'entendre le français, mais de lire et d'écrire le
français (1).
(1) En ce sens, Cass. civile, 23 juin 1902.

— 442 —
498 bis. Pour rendre la fraude plus difficile dans l'établis-
sement des listes, un décret en date du 8 avril 1898 a spécia-
lement réglementé le mode d'établissement et de distribution
des cartes électorales. D'après ce décret, les cartes électo-
rales, établies par les soins des maires, sont distribuées par
leurs délégués sous le contrôle d'interprètes désignés par l'admi-
nistration. Pour les natifs, les cartes indiquent la filiation et
la caste et sont traduites en langue indigène. Les cartes sont
signées par le délégué du maire et par l'interprète ainsi que par
l'électeur, ou, s'il déclare ne savoir signer, par deux témoins.
Le décret prévoit, en outre, que l'administration peut délé-
guer auprès des bureaux de vote des interprètes chargés d'éclai-
rer les membres du bureau et les électeurs sur la loi élec-
torale et les détails de son application. Ces interprètes, qui
veillent à la régularité des opérations du scrutin, sont officiers
de police judiciaire.
499. La légalité de ces divers décrets n'est pas douteuse.
L'Inde est une des colonies soumises au régime des décrets,
en matière électorale comme en toute autre, lorsqu'il s'agit
du moins d'élections au conseil général, aux conseils locaux
et municipaux ; nous donnerions en effet une solution diffé-
rente pour les élections législatives, les formes prescrites
par la loi du 30 novembre 1875 et les décrets de 1852 ne pou-
vant être modifiés que par une loi. Mais une question de
rétroactivité a pu se poser en ce qui concerne les Indiens ayant
renoncé à leur statut personnel antérieurement au décret de
1884, ayant eu par suite le droit d'être inscrits sur la même
liste électorale que les Européens et descendants d'Européens.
Ils sont régis par les lois civiles et politiques applicables aux
Français dans la colonie; le décret nouveau a pu implicitement
abroger celui du 21 septembre 1881, en ce qui concerne les
personnes qui, postérieurement à la disposition nouvelle, ont
renoncé à leur statut personnel ; mais peut-il avoir eu un effet
analogue sur les anciens renonçants ? Celte question est tran-
chée d'une manière générale par la jurisprudence en ce qui
concerne les lois politiques (1): or, on ne saurait méconnaître
ce caractère au décret du 26 février 1884 : elle l'a été d'ailleurs
(1) V. Dalloz. J. G. Lois. 193.

— 443 —
d'une manière formelle, pour ce cas particulier, par un arrêt
de la Cour de cassation (1).
§ 2. — Élections au Sénat.
500. Les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe, de
la Réunion et de l'Inde nomment chacune un sénateur : les
élections ont lieu comme dans la métropole, conformément
aux lois des 2 août 1875 et 8 décembre 1884.
Le collège électoral se compose, aux Antilles et à la Réu-
nion, des députés, des conseillers généraux et de délégués
nommés par les conseils municipaux dans les proportions
indiquées par l'article 5 de la loi du 8 décembre 1884; dans
l'Inde, il se compose du député, des membres du conseil géné-
ral et des conseils locaux et de délégués des conseils muni-
cipaux élus à raison de δ pour Pondichéry, 3 pour Karikal,
1 pour chacune des autres communes.
501. Des modifications dans la composition des conseils
généraux, locaux ou municipaux entraînent naturellement un
changement dans la composition du corps électoral sénatorial.
Dans la métropole, ces modifications ne peuvent être faites
que par une loi, sauf en ce qui concerne les suppressions ou
réunions de communes, sans changement à la circonscription
d'un canton, auquel cas un décret en Conseil d'État et même,
dans certaines circonstances, une délibération du conseil géné-
ral sont suffisants (2).
Aux Antilles et à la Réunion, le nombre des conseillers
généraux est fixé par décret, en Conseil d'État (3); l'organisa-
tion municipale est réglée, comme dans la métropole, par la
loi du 5 avril 1884.
Dans l'Inde, le nombre des conseillers généraux et locaux,
celui des communes et le chiffre des conseillers municipaux,
(1) Cass, civ. 28 octobre 1885 (aff. Canoussamy-Dumont).
Une requête analogue soumise au Conseil cl État a fait l'objet d'un dé-
sistement (16 mars 1886).
(2) L. 5 avril 1884, art. 5 et G.
(3) Déc. 7 novembre 1879 rendu par application de l'article 12 du
sénatus-consulte du 3 mai 1854.

— 444 —
sont déterminés par décret, en exécution du sénatus-consulte
du 3 mai 1854, article 18.
On s'est demandé si les chiffres fixés antérieurement à la
loi électorale du Sénat de 1875 pouvaient être, modifiés actuel-
lement, si le corps électoral n'était pas, depuis lors, déterminé
par la loi ou plutôt même par la Constitution, et si des décrets
pouvaient dorénavant modifier indirectement aux colonies le
corps électoral sénatorial, en apportant des changements à la
composition des différents conseils. Il nous paraît incontestable
(que la loi de 1875 n'a pu arrêter d'une manière immuable et
par une sorte de réaction la composition des assemblées colo-
niales. Elle ne pouvait l'aire plus pour les colonies que pour
la métropole ; or, dans celle-ci, cette loi, d'ordre constitu-
tionnel à l'époque où elle a été rendue, laissait à des lois ordi-
naires, à des décrets, à de simples délibérations des conseils
généraux, la faculté de modifier le corps électoral sénatorial :
a fortiori pour les colonies, elle ne pouvait implicitement
abroger les sénatus-consultes de 1854 et 1806 etles actes ren-
dus en exécution de cette constitution de nos établissements
d'outre-mer. C'est ce qu'a pensé la section des Finances du
Conseil d'État (1), puis le Conseil d'Etat lui-même, quand il
a émis un avis favorable au décret du 7 novembre 1879, por-
tant augmentation du nombre des conseillers généraux aux
Antilles et à la Réunion.
502. Les élections sénatoriales se font au chef-lieu de la
colonie ; toutefois dans l'Inde, en raison des difficultés des com-
munications, elles ont lieu au chef-lieu de chaque établissement.
La loi n'a pas indiqué quelle autorité exercerait, dans ce cas, la
présidence du collège électoral : par analogie avec les prescrip-
tions de l'article 12 de la loi du 2 août 1875, elle doit appar-
tenir au président du tribunal de première instance a Karikal,
au juge président à Chandernagor, au juge de paix à compé-
tence étendue à Yanaon et à Mahé,
C'est d'ailleurs, pour les élections sénatoriales, aux colonies
comme en France, le décret organique du 2 février 1852 qui
demeure applicable, lorsqu'il s'agit de déterminer les cas d'in-
(1) Cous. d'Ét. fin. 8 janvier 1879.

— 445 —
dignité et d'incapacité, et la juridiction compétente pour les
délits électoraux. Celle-ci se trouve être aujourd'hui le tribu-
nal correctionnel; ainsi l'a reconnu la Cour de cassation par
un arrêt en date du 29 octobre 1891 (1).
Les protestations relatives aux élections des délégués sont
ugées par le conseil privé, sauf recours au Conseil d'Etat. La
loi n'a pas indiqué à qui appartient, dans les colonies, le droit
de demander l'annulation des élections des délégués; dans la
métropole, ce droit appartient au préfet; il semble donc ration-
nel qu'il soit exercé aux colonies par le gouverneur. Pourtant,
la mission d'établir la liste électorale, qui appartient au préfet,
a été dévolue par l'article 9 au directeur de l'intérieur. On pour-
rait donc prétendre qu'en matière d'élections sénatoriales, les
attributions préfectorales ont passé du gouverneur au directeur
de l'intérieur; mais, d'autre part, il ne faut pas oublier que le
décret sur l'organisation des conseils du contentieux accorde
aux gouverneurs seuls le droit d'introduire les affaires devant
le conseil en matière de contravention (2) ; il nous semble donc
que ce droit leur est également réservé en matière d'élections
de délégués sénatoriaux. La question ne se pose plus d'ailleurs
depuis (que le décret du 21 mai 1898 a supprimé le directeur
de l'intérieur.
503. L'article 17 de la loi du 2 août 1875 laisse à un règle-
ment d'administration publique le soin de déterminer le mode
(1) V. Dalloz, 92.1.198. — Attendu que l'article 27 de la loi électorale
du 2 août 1875 porte : « Sont applicables à l'élection au Sénat les
« dispositions de la loi électorale relatives : 1° aux cas d'indignité et
« d'incapacité ; 2° aux délits, poursuites et pénalités ; 3° aux forma-
« lités de l'élection en tout ce qui ne serait pas contraire aux disposi-
« tions de la présente loi ; que ce texte vise une seule loi électorale
« applicable en France et sur le territoire des colonies de la Martinique,
« de la Guadeloupe, de la Réunion et des Indes françaises, qui, d'après
« la disposition de l'article 2 de la loi du 24 février 1875, élisent cha-
« cune un sénateur ; que cette loi et manifestement le décret du 2 fé-
« vrier 1852, en vigueur en France au moment où la loi du 2 août 1875
« a été rédigée ; attendu qu'après avoir expressément disposé en son
« article 2 que les quatre colonies auxquelles il a été accordé un séna-
« teur nommeront chacune un député, la loi du 30 novembre 1875 vise
« le décret du 2 février 1852 comme devant régir l'élection des députes
« à l'exception du § 11 de l'article 15 dudit décret qui est abrogé;
« etc. »
(2) Déc. 5 août 1881, art. 99.

— 446 —
de taxation et de payement de l'indemnité de déplacement
accordée aux délégués. Le règlement relatif aux colonies, du
4 janvier 1876, est semblable à celui du 26 décembre 1875,
sauf en ce qui concerne le taux de l'indemnité établi, confor-
mément au décret du 21 août 1869 sur les frais de justice en
matière criminelle, à un taux égal à celui de l'indemnité des
jurés. Au lieu de 2 fr. 50 par myriamètre parcouru par terre
ou par mer indifféremment, le taux de l'indemnité est élevé à
5 francs par voie de terre, à 8 francs par voie de mer.

TITRE IV.
ORGANISATION ADMINISTRATIVE, JUDICIAIRE ET MUNICIPALE.
SECTION PREMIÈRE.
ORGANISATION ADMINISTRATIVE.
ARTICLE PREMIER. Recrutement. Milices. Inscription maritime.
§ 1.
Recrutement.
504. Les lois sur le service militaire ont été pendant long-
temps inapplicables aux colonies : il s'ensuivait que les jeunes
gens dont les parents conservaient leur domicile aux colonies
et qui venaient dans la métropole n'étaient pas astreints au
service. Il n'en est plus de même aujourd'hui. Déjà, la loi sur le
recrutement de l'armée, en date du 15 juillet 1889, contenait
un titre spécial, consacré aux obligations militaires des
citoyens des colonies. La loi du 7 juillet 1900 sur l'armée co-
loniale avait également prévu l'appel sous les drapeaux des
Français domiciliés dans les colonies. D'après son article 14,
le recrutement des troupes coloniales devait être assuré en
partie par l'application aux hommes des contingents des diverses
colonies de la loi du 15 juillet 1889 et des lois relatives à
l'application du service militaire dans nos possessions.
Actuellement, la loi du 21 mars 1905 sur le recrutement de
l'armée est, dans l'ensemble, applicable à la Guadeloupe, à la
Martinique, a la Guyane et à la Réunion. Elle l'est également,
mais sous certaines réserves, dans les autres colonies et pays
de protectorat. Les Français et naturalisés français résidant
dans ces possessions sont incorporés dans les corps les plus
voisins et, après une année de présence effective sous les dra-

— 448 —
peaux, au maximum, ils sont envoyés en congé. S'il ne se
trouve pas de corps stationnés clans un rayon fixé par arrêté
ministériel, ils sont dispensés de la présence effective sous les
drapeaux (1).
505. Plusieurs décrets sont intervenus déjà pour appeler
sous les drapeaux à la Réunion les hommes de différentes
classes. Provisoirement, les jeunes gens nés à la Réunion de
parents hindous introduits dans l'île sous le régime de l'immi-
gration ont été maintenus dans leurs foyers.
505 bis. L'article 18 de la loi du 7 juillet 1900 a prévu l'or-
ganisation dans chaque colonie de réserves indigènes. En
conformité de cette disposition, des décrets ont réglé la cons-
titution des réserves indigènes, à Madagascar, le 24 sep-
embre 1903, en Indo-Chine le 1er novembre 1904, et en
Afrique occidentale le 14 novembre 1904. A Madagascar, les
Malgaches libérés sont à la disposition de l'autorité militaire
en qualité de réservistes pendant quatre années. En Indo-Chine
les militaires indigènes font tous partie de la réserve pendant
un temps égal à la différence entre quinze ans et la durée de
leur service effectif. Il y a en outre une garde sédentaire. En
Afrique occi- dentale, la durée du service dans la réserve est
de cinq ans pour les militaires indigènes retraités, ainsi que
pour les indigènes âgés de vingt ans au moins et de trente ans
au plus et classés dans la catégorie des réserves auxiliaires.
Pour les militaires non retraités, elle est telle que la durée
totale du service à accomplir dans l'armée active et dans la ré-
serve soit de quinze ans.
§ 2. — Sapeurs-pompiers. Milices et gardes civiques.
506. Certaines colonies, la Martinique, la Guadeloupe, la
Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, la Réunion, ont conservé
de leurs anciennes milices des corps de pompiers. Partout
ailleurs, le service d'incendie est assuré par la garnison et la
police.
(1) Articles 89 et suiv. de la loi.

— 449 —
Les corps de pompiers sont constitués par des arrêtés des
gouverneurs.
Λ la Martinique, c'est un arrêté du 5 avril 1869 qui règle
encore leur organisation : les compagnies relèvent de l'autorité
municipale et sont soumises aux prescriptions du décret du
13 octobre 1863, en ce qui concerne le service de la garde
nationa'e. Les punitions sont infligées par les supérieurs hié-
rarchiques et les maires. Les officiers sont nommés par
le gouverneur, les sous-officiers et les caporaux par les
maires.
A la Guadeloupe, en exécution d'arrêtés des 19 mars 1880
et 6 février 1883, les corps de pompiers ne relèvent pas des
municipalités, mais du gouvernement de la colonie : ils peu-
vent recevoir des armes, participer même au service militaire,
mais ne doivent se réunir en armes qu'avec l'assentiment de
l'autorité militaire. Les officiers sont nommés et révoqués par
le gouverneur, les sous-officiers et caporaux par les chefs de
corps. Pour obtenir l'organisation d'un corps de pompiers, les
communes doivent s'engager à subvenir, pendant l'y ans, à
toutes les dépenses que cette création peut entraîner. Elles peu-
vent accorder aux pompiers (excepté aux officiers) une solde
de présence pour les réunions et exercices auxquels ils pren-
nent part. Les pompiers se recrutent par engagement volon-
taire (1); ils sont soumis aux peines disciplinaires prévues par
un arrêté du 1er mars 1882 ; ils peuvent encore être punis
de l'emprisonnement par l'officier commandant la compa-
gnie (2).
A la Guyane, l'arrêté local du 7 avril 1881 a donné aux
pompiers une organisation à peu près identique à celle de la
Guadeloupe.
A Saint-Pierre et Miquelon, il y a une compagnie à Saint-
Pierre avec une section à l'île aux Chiens. Celle compagnie,
régie par les arrêtés des 17 février 1868, 7 octobre 1871,
19 avril et 22 août 1873, est placée sous les ordres du maire;
les sous-officiers, caporaux et soldats signent un engagement
(1) L'n arrêté du 8 janvier 1884 accorde aux pompiers la remise de la
contribution mobilière et de celle des patentes.
(2) Arr. loc. G février 1884.
COLONIES, I.
29

— 450 —
de deux ans et reçoivent un traitement de la municipalité
(40 francs par an). Les sous-officiers et caporaux sont nommés,
suspendus et révoqués par le maire sur la proposition du capi-
taine, les officiers par le gouverneur de la colonie, sur la pro-
posilion du maire.
Λ la Réunion, les pompiers sont soumis, sauf certaines modi-
fications (1 ), à l'ancien régime de la milice : les officiers, sous-
officiers et caporaux sont nommés par le gouverneur.
507. Il existe à Saint-Barthélemy une milice spéciale créée
sous le gouvernement suédois et maintenue, lors de l'annexion,
avec son ancienne organisation; elle est chargée de la garde
du fort et de l'entretien du matériel; les hommes de service
sont, en outre, affectés au service du port (surveillance du
sémaphore, mouillage, quarantaine) et chargés de la police de
la ville et de la campagne; à ce titre, ils sont tous assermentés.
Placés sous les ordres du maréchal des logis de gendarmerie,
ils sont commandés par un premier caporal et des caporaux
choisis parmi eux. Les miliciens ne reçoivent, en dehors de l'in-
demnité d'habillement et d'une allocation de tabac, qu'une solde
de présence les jours où ils sont de garde (2). Ils ne sont pas
casernés et ne contractent qu'un engagement verbal, sans fixa-
tion de durée de service. Les seules punitions sont la privation
de l'allocation de tabac, les arrêts au fort et le renvoi du corps.
Ces miliciens ne peuvent
être considérés comme mili-
taires.
507 bis. La loi du 7 juillet 1900 sur l'armée coloniale con-
sacre l'un de ses articles, l'article 19, aux milices indigènes
dont les dépenses sont payées par les budgets locaux. D'après
les dispositions de la loi, l'autorité militaire ne demeure pas
absolument étrangère à l'organisation comme à l'emploi de
ces milices. C'est après avis du ministre de la Guerre, par
décrets rendus sur le rapport du ministre des Colonies, que
ces milices doivent être organisées. En outre, si elles sont
normalement à la disposition des gouverneurs, encore ceux-ci
ne peuvent-ils les utiliser que pour des opérations de police
(1) V. Arr. 12 novembre 1840; 14 juin 1842; 13 mai 1845 (Delabarre de
Nanteuil, t. III) ; 17 novembre 1884, relatif à la discipline (B. 0. Réunion.)
(2) Les caporaux seuls reçoivent un traitement fixe.

— 451 —
intérieure. La loi prévoit enfin que ces troupes pourront parti-
ciper à des opérations militaires, mais en passant alors sous le
commandement de L'autorité militaire.
508. Ces milices ont été organisées dans nos possessions de
l'Afrique occidentale, au Congo français et à la Côte Somali,
sous le nom de garde civile, garde régionale, etc. Elles consti-
tuent avant tout, et sous réserve de l'application de l'article
19 de la loi du 7 juillet 1900, une force de police à la dispo-
sition des gouverneurs et des administrateurs.
509. En Indo-Chine, les milices ont été complètement réor-
ganisées, sous le nom de garde indigène, par un décret du
31 décembre 1904. La garde indigène de l'Indo-Chine se com-
pose d'un personnel européen et d'un personnel indigène. Le
personnel européen, dont les cadres sont fixés par arrêté du
gouverneur général comprend des inspecteurs et des gardes
principaux; le personnel indigène comprend des adjudants,
des sergents, des caporaux et des gardes de 2e classes. Le
personnel européen est placé, au point de vue des retraites,
sous le régime du décret du 5 mai 1898 portant création d'une
caisse de retraites en Indo-Chine.
A Madagascar un corps de police indigène, constitué dans des
conditions analogues par décret du 16 avril 1902 et par arrêtés
du gouverneur général du 5 juin suivant, a été définitivement
organisé par un décret du 23 juillet 1903 sous le nom de
« garde indigène ».
§ 3. — Inscription maritime.
510. Le décret du 3 mai 1848 portant institution aux colonies
de l'inscription maritime ee fut pas promulgué et resta sans
application. Il n'en a pas été de même de deux décrets du
16 août 1856, relatifs au fonctionnement de l'inscription mari-
time à la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre
et Miquelon, le Sénégal et la Réunion : ces deux textes y fu-
rent, en effet, appliqués avec une certaine rigueur, mais peu
à peu ils sont tombés en désuétude et les engagements volon-
taires ont fourni le personnel des marins créoles nécessaire
aux équipages des stations navales. Des arrêtés ministériels

— 452 —
nombreux, notamment ceux des 26 janvier, 11 avril, 22 juin
et 11 juillet 1886 règlent les conditions de solde, d'avancement,
de retraite de ces matelots.
Le personnel des marins indigènes du Sénégal avait fait
l'objet d'une réglementation spéciale consignée dans les décrets
des 29 avril 1881, 25 août 1886 et 30 octobre 1887. Dans ce
dernier décret, on a renoncé à imposer l'obligation de l'ins-
cription à tous les indigènes qui se livrent au cabotage et qui,
se pliant difficilement aux obligations de cette nature, préfé-
reraient peut-être renoncer à l'industrie maritime. Mais on l'a
maintenue pour ceux qui ont le rang d'officiers mariniers et
qui, ayant déjà servi pendant de longues années, sont habitués
à nos règlements.
Un arrêté ministériel du 3 août 1887 a organisé provisoire-
ment le personnel des marins indigènes de la Cochinchine et
créé une sorte d'inscription maritime. Le service est de deux
ans et les indigènes peuvent parvenir au grade de maître.
La loi du 24 décembre 1896, sur l'inscription maritime, con-
tient des dispositions qui vont modifier certainement ce régime.
C'est ainsi que l'article 63 stipule que les dispositions qui ré-
gissent l'inscription maritime dans la métropole sont applica-
bles aux colonies de la Martinique, la Guadeloupe, la Réunion,
la Guyane et Saint-Pierre et Miquelon. Dans les autres colo-
nies, le régime de l'inscription maritime sera, lorsqu'il y aura
lieu, institué et réglé par des décrets contresignés par les
ministres chargés des services de la marine et des colo-
nies.
510. Les dispositions de la loi du 20 juillet 1897 sur le
permis de navigation maritime et l'évaluation des services don-
nant droit à la pension dite demi-solde sont applicables aux ins-
crits coloniaux, en vertu de l'article 63 de la loi du 24 décembre
1896.(1).
Pour l'application de la loi du 28 janvier 1898 qui a modi-
fié le paragraphe 3 de l'article 81 de la loi du 24 décembre 1896
sur l'inscription maritime,le ministre de la Marine a déter-
(1) Cf, circulaire du ministre de la marine du 17 août 1897 (B. O. C.
1897, p. 846).

— 453 —
miné (1) quelle est l'autorité compétente aux colonies pour
infliger une punition de prison aux inscrits maritimes définitifs
qui n'ont pas fait, en se déplaçant pour plus d'un mois, les
déclarations prévues. Là où la Marine entretient une division
navale permanente QU une station locale, le droit d'infliger
ces punitions appartient au chef de la division navale et au
commandant de la Marine. Dans nos autres possessions, ce
droit est dévolu d'abord au commandant d'un bâtiment de
l'Etat présent sur rade, à défaut, au commandant des troupes,
à défaut enfin au chef du service de l'inscription maritime.
Deux décrets en date du 13 février 1900 ont réglé la cons-
titution et la composition de la commission spéciale qui, en
exécution des lois du H avril 1881 et 21 avril 1898, est chargée,
aux colonies, de la visite des inscrits maritimes, sollicitant une
pension, soit sur la caisse des invalides, soit sur la caisse de
prévoyance.
ARTICLE 2. — Personnel colonial.
§1. Situation des fonctionnaires aux colonies.
Création d'emplois.
511. Les différents services dans les colonies sont assurés
au moyen soit de corps constitués, uniquement affectés au ser-
vice colonial, soit d'agents appartenant aux administrations
métropolitaines, soit d'agents locaux. Dans la première caté-
gorie rentre le personnel des secrétariats généraux des
affaires indigènes de Cochinchine, des résidences, des protecto-
rats de l'Indo-Chine, des administrateurs coloniaux, des agents du
commissariat ; la plupart des autres services comprennent simul-
tanément des agents locaux et des agents appartenant aux
administrations métropolitaines; nous indiquerons (nos 521, 523
et suiv.) la situation spéciale de chacune de ces catégo-
ries.
512. Les créations d'emplois ne peuvent être faites que par
(1) Cf. circulaire du ministre de la marine du 21 juin 189S (B. 0. C.
1898, p. 490).

— 454 —
décret du Président de la République; c'est le principe qui
résulte des ordonnances organiques (1). Cependant, par suite de
l'extension des pouvoirs accordés aux conseils généraux, il a
été nécessaire de laisser aux gouverneurs le droit de fixer, par
des arrêtés, rendus en conseil privé, les cadres des divers ser-
vices dans la limite des crédits votés par le conseil général (2).
En principe, les nominations ne peuvent émaner que du
Gouvernement métropolitain; par application de ce principe,
nettement affirmé par l'arrêté consulaire du 30 vendémiaire
an XI toujours en vigueur, les décrets ou arrêtés de création
fontconnaître, pour chaque emploi, si le Gouvernement se réserve
le droit de pourvoir aux vacances ou s'il abandonne ce droit
aux gouverneurs, et même aux chefs d'administration et de
services.
Le gouverneur peut pourvoir, à titre intérimaire, aux em-
plois réservés au pouvoir central, mais uniquement à titre
temporaire et sans que le fonctionnaire, ainsi nommé, puisse
réclamer le titre et le traitement de l'emploi qu'il occupe, jus-
qu'au moment où cette désignation est confirmée par l'autorité
métropolitaine (3). Cette règle a été modifiée, pour quelques
cas particuliers, par diverses ordonnances résumées dans l'ar-
ticle 10 du décret du 1er juin 1875, qui a rappelé, d'ailleurs,
d'une manière générale, que l'intérimaire ne peut, en principe,
recevoir que le traitement de l'emploi dont il est titulaire.
Il arrive parfois que, par suite de l'insuffisance de candidats
dans une colonie, le ministre pourvoit à des vacances d'em-
plois dont la nomination appartient au gouverneur, mais il
n'agit qu'au lieu et place de celui-ci, et les fonctionnaires ainsi
nommés ne pourraient se prévaloir de l'investiture ministérielle
pour réclamer, s'ils étaient plus tard révoqués par arrêtés
locaux.
Nous avons indiqué (n° 345) les pouvoirs disciplinaires du
gouverneur à l'égard des fonctionnaires des différents ordres.
(1) Ord. 21 avril 1825, art. 55; 9 février 1827, art. 62; 27 août 1828,
art. 67.
(2) Déc. 20 novembre 1882, art. 50.
(3) Cf. Cons. d'Et. cont. 29 mai 1822 (aff. Minuty), L. 22.512; 26 août 1824
aff. Froidevaux). L. 24.540; 16 novembre 1832 (aff. Hermé-Duquesne),
L. 32.624.

— 455 —
513. Quand l'administration des colonies appartenait au
ministre de la marine, les fonctionnaires civils, employés aux
•colonies, étaient, aux termes du décret du 3 août 1808, obligés
de demander au ministre l'autorisation de se marier. Pendant
le passage des colonies au ministère de l'Algérie et des colo-
nies, la séparation de la marine rendait sans effet l'action du
décret de 1808; aussi une circulaire ministérielle du 23 sep-
tembre 1838 avait-elle indiqué que cette formalité n'était plus
nécessaire; mais la rentrée des colonies sous l'autorité du
ministre de la marine avait fait revivre le décret de 1808.
Deux décrets du 8 décembre 1887 ont définitivement aboli
cette formalité, qui n'aurait plus d'ailleurs aucune raison d'être,
aujourd'hui que les colonies sont sous la direction d'un ministre
exclusivement civil. Mais l'autorisation du mariage reste exi-
gée pour les droits à la pension des veuves dont le mariage a
eu lieu antérieurement à 1887.
514. Les fonctionnaires métropolitains envoyés aux colonies
conservent leur domicile dans la métropole, à moins qu'ils
n'aient fait constater le transport de leur domicile dans la
colonie (1).
515. Antérieurement à 1880, les poursuites contre les fonc-
tionnaires étaient soumises à des entraves analogues à celles
établies pour la métropole par l'article 7·') de la Constitution
de l'an VIII. Le décret du 19 septembre 1870, abrogeant cet
article, était resté sans effet aux colonies où l'article (il de
l'ordonnance du 0 février 1827 pour les Antilles, et des dis-
positions analogues pour les autres colonies laissaient au gou-
verneur en conseil privé le soin de statuer sur les autorisa-
tions de poursuites contre les agents du gouvernement qui
•étaient indispensables, sauf dans le cas de flagrant délit. Le
ministre de la marine et des colonies statuait sur les réclama-
tions des parties. Les colonies furent — par les décrets des
2 et 10 décembre 1880 et par la circulaire du 30 décembre 1880
relative aux colonies de la Cochinchine, de Mayotte, de Nossi-
Bé, de Tahiti et du Gabon, qui n'étaient pas régies par des
ordonnances organiques — soumises au régime métropolitain;
(1) Cf. Cass. civ. 10 mai 1880 (aff. Garrido). D. P. 80.1.459.

— 456 —
les fonctionnaires peuvent maintenant être poursuivis sans
autorisai ion pour crimes et délits commis dans l'exercice de
leurs fonctions.
516. Les traitements des fonctionnaires devraient toujours
être réglés par décrets : dans l'administration coloniale, on s'est
parfois écarté de celle règle, on a même modifié, par simple
dépêche ministérielle, des traitements déjà fixés par décret.
Celte irrégularité était, croyait-on, couverte par le fait que le
traitement nouveau était celui prévu dans les développements
de la loi de finances. C'est là une erreur qu'il est important
de relever; la loi de finances, en effet, ne contient comme
prescriptions que les chiffres volés pour les différents chapitres
et les articles additionnels. Quant aux indications contenues
dans l'exposé des motifs, lus rapports, les déclarations à la
tribune, elles engagent évidemment le Gouvernement, mais
ce ne sont que des prévisions, qui doivent être ensuite trans-
formées, sous la forme de décrets en prescription, par le
pouvoir administratif.
517. Les fonctionnaires des services coloniaux peuvent, de
même que les officiers en service à la mer ou aux colonies,
consentir des délégations, c'est-à-dire souscrire en faveur des
personnes de leur famille ou autres, des prélèvements sur leur
solde, prélèvements payés sans frais par l'administration aux
délégataires dans la métropole ou dans les colonies. Les
décrets sur la solde ont fixé les conditions dans lesquelles
les délégations sont souscrites et payées, les limites maxi-
ma qu'elles peuvent atteindre, etc.
2. — Uniforme.
518. L'uniforme, obligatoire au point de vue des honneurs
. qui peuvent être rendus (1), est plus nécessaire encore aux co-
lonies que dans la métropole. En ce qui concerne les fonction-
naires supérieurs, il est déterminé par deux décrets des 1 et
(1) Une dépêche ministérielle du ί avril 1887 a rappelé aux gouver-
neurs qu'aucun honneur ne leur est dû, s'ils ne sont pas revètus de
eur uniforme.

— 457 -
22 novembre 1883 (i) ; peur les autres, on s'en réfère aux
règles en usage dans la métropole et, plus souvent, encore à
des usages locaux (2).
Aucun texte ne prescrit la fixation des uniformes par voie
de décret. Après avoir été réglée par des décrets de l'Assemblée
constituante et de la Convention, par des lois, puis par des
arrêtés consulaires, celte matière est passée en 1804 sous le
régime des décrets et la marine l'y a toujours conservés, alors
qu'au ministère de la guerre elle est réglée tantôt par décrets,
tantôt par simples arrêtée ministériels. Il a été jugé, d'ail leurs (3),
que ces questions n'étaient pas de nature à être déférées au
contentieux administratif. L'administration des colonies, depuis
la constitution du ministère spécial, a l'ait régler par décret
l'uniforme d'un certain nombre de fonctionnaires, ceux du
commissariat et du corps de santé, par exemple.
3. — Préséance ci correspondance de rang.
519. Le personnel employé aux colonies appartient à des
corps si divers, les uns militaires, les autres civils, qu'il est
nécessaire, en même temps très difficile, de déterminer par
des règles un peu précises le rang relatif que chaque officier
ou fonctionnaire doit occuper, les honneurs qui doivent lui
être rendus : celle question, un peu secondaire dans la métro-
pole, acquiert malheureusement souvent une importance con-
sidérable sous le climat des colonies et donne naissance à des
conflits très nuisibles à la marche du service.
Dans le but d'améliorer, au point de vue de la retraite,
la situation de certains fonctionnaires civils des colonies, on
suit pour eux (V. n° 527) des règles identiques à celles élablies
pour les militaires et marins, et on a par suite établi une cor-
respondance au point de vue du taux de la pension entre ces
(1) Jusqu'y ces décrets, les uniformes étaient encore déterminés par
des ordonnances de 1826 à 1823.
(2) Pour l'administration pénitentiaire, l'uniforme est fixé par un arrêté
du 9 juin.
(3) Cons. d'Et. cont. 13 novembre 1885 (aff. Sevigny). L. 85.829.

— 458 —
fonctions civiles et les grades militaires, mais ceci n'implique
nullement une correspondance égale au point de vue de la
préséance : retraite et préséance sont deux éléments de la
situation d'un fonctionnaire qui n'ont aucun lien entre eux.
On ne saurait davantage trouver de droit à une préséance
quelconque dans les décisions ministérielles qui ont fixé le
classement des fonctionnaires civils, soit à bord des navires,
soit dans les salles des hôpitaux. Ce sont de simples indica-
tions dont le ministre peut utilement s'inspirer lorsqu'il y a
lieu de trancher une question de cette nature, mais qui ne
peuvent servir de règles.
D'autre part, le décret du 24 messidor an XII n'ayant pas été
promulgué dans les colonies, aucune base précise n'existe, en
dehors de quelques ordonnances spéciales à certains corps, à
certaines colonies, en ce qui concerne les honneurs à rendre (1).
§ 4. — Fonctionnaires des services coloniaux.
521. Nous avons indiqué aux n03 293 et suivants, 305, 308,
l'organisation du commissariat colonial, du service de santé.
Nous traiterons aux nos 732 et suivants de l'organisation du
personnel de la magistrature, et au n° 1211 de celle du per-
sonnel de l'administration pénitentiaire.
Les gouverneurs sont nommés par décret. Depuis le décret
du 2 février 1890, modifié par celui du 14 novembre 1893, ils
sont répartis en quatre classes, qui sont personnelles et indé-
pendantes de la résidence. Pour obtenir un avancement de
classe, il faut qu'ils aient séjourné deux ans dans la classe
précédente.
Les positions des gouverneurs sont celles de l'activité et de
la disponibilité. Cette dernière position ne peut durer que trois
ans pour ceux qui ont 15 ans de service et deux pour les autres.
(1) En particulier, les ordonnances des 12 février 1826, 19 mars 1826,
30 septembre 1827, 24 septembre 1828. 21 décembre 1828, 14 janvier 1820,
7 février 1842, et les décrets des 18 juin 1863 , 28 décembre 1807. En
outre de nombreuses dépêches ministérielles, en opposition parfois avec
les dispositions résultant des ordonnances ou décrets, ont réglé des cas
particuliers.


— 459 —
522. Les trésoriers-payeurs sont nommés par décret du
Président de la République rendu sur la proposition du ministre
des finances (1), qui désigne lui-même les trésoriers particu-
liers. Le ministre des colonies est préalablement appelé à don-
ner son avis sur la nomination de ces divers comptables, pour
lesquels, d'ailleurs, aucune condition n'est prévue en ce qui
concerne la nomination et l'avancement.
Le service de la trésorerie en Cochinchine est, conformé- '
ment au décret du 15 mai 1874, fourni par la trésorerie d'Al-
gérie. Les agents des différentes classes sont nommés par le
ministre des finances; le trésorier-payeur seul est nommé par
décret du Président de la République rendu sur la proposition
du ministre des finances. Les cadres du personnel sont arrêtés
entre les deux ministres des colonies et des finances.
Le personnel de la trésorerie de l'Algérie est également
employé en Annam et au Tonkin. Il peut être appelé à servir
de même à Madagascar et dans le Haut-Sénégal, conformé-
ment aux décrets des 5 janvier 1897 et 16 août 1900 (n° 1027 bis).
522 bis. Jusqu'en 1887, les fonctionnaires placés sous l'au-
torité des gouverneurs aux colonies et chargés en sous-ordre
de l'administration de nos établissements d'outre-mer portaient
des titres très différents qu'il a paru nécessaire d'unifier. C'est
ainsi qu'à côté des chefs de service dans les établissements
secondaires de l'Inde figuraient des commandants particuliers
à Porto-Novo, à Grand-Popo, dans l'Ogooué, à Loango, aux
îles Loyalty, des commandants de cercle au Sénégal, etc. On
a réuni tous ces agents sous une dénomination unique, celle
d'administrateurs coloniaux.
La situation des administrateurs coloniaux, créés par le dé-
cret du 2 septembre 1887, est régie aujourd'hui par les décrets
du 6 avril 1900 du 19 septembre 1903 et du 27 juin 1905. Le
corps comprend des administrateurs stagiaires, des adminis-
traters adjoints et des administrateurs de trois classes, des
administrateurs en chefs de deux classes : c'est un arrêté du
ministre des colonies rendu sur la proposition du gouverneur
général ou du gouverneur, qui fixe dans chaque colonie le
(1) Déc. 20 novembre 1882, art. 154 et suiv.

— 460 —
cadre des administrateurs. Nul administrateur ne peut être
inscrit au tableau d'avancement pour la classe ou l'emploi
supérieur s'il ne compte, AU minimum, deux années d'ancien-
neté dans la classe ou l'emploi immédiatement inférieur. Il
doit, en outre, avoir accompli aux colonies, dans cette période,
un temps de service minimum dont la durée varie elle-même,
selon nos possessions, de dix mois à deux ans.
Quant aux peines disciplinaires, elles consistent dans la
réprimande, le blame, la suspension des fonctions, la radiation
du tableau d'avancement, la rétrogradation et la révocation :
elles sont prononcées, suivant les cas, par le gouverneur ou
par le ministre sur la proposition du gouverneur. Toutefois, la
rétrogradation et la révocation ne peuvent être prononcées
que par décret, après un rapport motivé du gouverneur et
avis d'une commission d'enquête pour la révocation.
Les pensions auxquelles les administrateurs coloniaux ont
droit sont fixées conformément aux dispositions du décret du
6 avril 1900.
Λ coté et sous les ordres des administrateurs, le décret du
G avril 1900 a organisé en outre un personnel local nommé
par les gouverneurs généraux et les gouverneurs et qui prend
le titre de ■> personnel des affaires indigènes ». Il répartit ce-
personnel entre deux classes d'adjoints et quatre classes de;
commis.
§ 5.
Fonctionnaires des services locaux, détachés,
des administrations métropolitaines.
523. Plusieurs départements ministériels mettent à ïa dis-
position du ministère des colonies des fonctionnaires et agents
qui, tout en continuant à appartenir a leurs administrations,
viennent prêter un concours momentané aux services locaux;
ces agents sont payés par les colonies et relèvent pendant
cette période de l'autorité du ministre des colonies, sous la
réserve des pouvoirs maintenus aux chefs de leurs adminis-
trations par les règlements et arrêtes qui les mettent à la
disposition du service colonial. Ils peuvent obtenir dans
la hiérarchie coloniale des grades tout différents de ceux

— 461 —
qu'ils possèdent dans leur administration, mais ces grades
ne leur constituent aucun droit quand ils rentrent dans la
métropole; ils ne jouissent alors que des avancements qui ont
pu leur être accordés, conformément aux règles propres à leur
service et par le ministre dont, ils relèvent.
Les différents ministères peuvent être ainsi appelés à mettre
des agents à la disposition des colonies; dans chaque cas par-
ticulier, les autorisations spéciales fixent les conditions de ce
détachement. Mais pour un certain nombre de services qui
emploient ce personnel d'une manière régulière, on a jugé
utile d'établir des règles générales : nous les indiquerons en
traitant de l'organisation de ces servie» s : Instruction publique
(n° 533); Douanes(n° 1057); Postes et télegraphes (nos 611 et
616); Travaux publics (n° 676 bis).
Les fonctionnaires et agents détachés aux colonies, ainsi
que les fonctionnaires des services coloniaux, c'est-à-dire tous
ceux qui peuvent être appelés a changer de colonie, conser-
vent, quand ils sont licenciés ou mis à la retraite, leur droit
au rapatriement pendant une année, à compter du jour où ils
sont mis en possession de leur brevet de pension ou de la
notification de leur licenciement (I).
§ 6. — Fonctionnaires des services locaux, non détachés
des administrations métropolitaines.
524. Chaque colonie possède, pour ses services locaux, des
cadres particuliers dont la réglementation, soit comme nombre
de fonctionnaires, soit connue hiérarchie, traitement, etc., est
faite par le gouverneur après avis, suivant le cas, du conseil
général (V. n° 422).
Dans chaque colonie et pour chaque catégorie de fonction-
naires, il existe des règlements particuliers : les administra-
tions locales sont libres de se conformer ou non, en ce qui
les concerne, aux règles en usage dans les services colo-
niaux (2).
(1) V. Cire. min. 14 juillet 1868.
(2) Cons. d'Ét. fin. 29 octobre 1884. — Considérant
que tes décrets
du 1er juin 1875 et 7 mai 1879 (sur les congés des officiers et fonction-

— 462 —
525. fi est nécessaire, d'ailleurs, de remarquer que le fait
d'être employé dans un service local n'implique pas nécessai-
rement le droit d'être considéré comme un fonctionnaire de la
colonie; ce point a été reconnu par le Conseil d'Etat au sujet
d'agents assermentés, payés sur le budget local, ayant supporté
une retenue au profit de la caisse des invalides, mais qu'une
disposition spéciale de l'arrêté d'organisation plaçait en dehors
de l'administration à laquelle ils étaient rattachés (1).
§ 7. Pensions des fonctionnaires du service colonial
et des services locaux.
526. Les pensions des fonctionnaires employés dans les co-
lonies, auxquels le trésor public doit une retraite, sont régies
par des dispositions absolument différentes, selon que ce per-
sonnel est assimilé ou non à l'armée de mer; mais, pour les
uns comme pour les autres, une règle domine tout le débat,
c'est celle qui a été posée par l'arrêté des consuls du 30 ven-
démiaire an XL Les grades, titres et appointements donnés
ou reconnus par le Gouvernement peuvent seuls motiver un
règlement de décompte, c'est-à-dire ouvrir les portes du trésor
public à titre de traitement ou de pension. Il en résulte que
les fonctionnaires et employés des services exclusivement
locaux dont les cadres sont fixés par le gouverneur, en exé-
cution des crédits ouverts par les conseils généraux, pour les-
quels les nominations émanent du gouverneur sans approba-
tion, sans contrôle de l'administration supérieure, ne devraient
pas pouvoir prétendre à une pension de l'Etat.
Aucune loi ultérieure n'est venue modifier ce principe : la
loi du 18 avril 1831, en admettant à la pension les fonction-
naires civils des colonies, exigea qu'ils fussent rétribués sur
les deniers publics; or, à cette époque, les mots deniers
naires de la marine et des colonies) sont applicables aux fonctionnaires
des services coloniaux rétribués sur les fonds du budget de l'État, mais
que les administrations locales ne sont pas liées par ces décrets pour
les fonctionnaires appartenant à des services rétribués sur leurs budgets
propres et qu'elles ont elles-mêmes organisés....

(1) Cons. d'Et. fin. 29 octobre 1884.

— 463 —
publics ne pouvaient s'entendre des budgets locaux des colo-
nies (1).
La loi du 9 juin 1853 n'est applicable qu'aux fonctionnaires
et employés directement rétribués par l'État et à ceux rétri-
bués sur d'autres fonds, mais ne cessant pas d'appartenir au
cadre permanent d'une administration publique, c'est-à-dire à
la nomination du Président de la République, des ministres
ou de leurs delégués directs (2).
La loi du 5 août 1879 ne vise que les fonctionnaires colo-
niaux dont l'assimilation est réglée par les décrets organiques,
c'est-à-dire qui appartiennent à des corps constitués par le
Chef de l'État, et dont le personnel est nommé par lui ou par
délégation directe.
Le principe de l'arrêté consulaire du 30 vendémiaire an XI
reste donc entier.
527. Les pensions militaires, ou plus exactement à forme
militaire, puisque, aux colonies, par exemple, elles s'appli-
quent à des fonctionnaires civils, se distinguent essentiellement
des pensions civiles en trois points principaux : 1° elles sont
calculées non d'après le traitement moyen de l'intéressé pen-
dant une certaine période, mais uniquement d'après l'emploi
dont il est titulaire au moment de sa retraite (3) ; 2° elles ne
sont pas liées au versement d'une retenue quelconque, tandis
que le droit à une pension civile est corrélatif d'une retenue
prélevée régulièrement, pendant toute la durée du service, au
profit du trésor; 3° les veuves ont un droit propre, indépen-
dant de celui du mari (4); le chiffre de leur pension n'est pas
(1) Les dépenses du service intérieur des colonies, acquittées par le
produit d'impositions locales, ne sont pas passibles de la retenue au
profit de la caisse des Invalides de la marine. Conseil d'Amirauté, 8 juin
1830. (Sommaire des affaires déférées à l'examen du Conseil d'amirauté,
Paris, 1862.)

(2) « Le droit à pension n'appartient qu'aux fonctionnaires qui reçoi-
« vent leur institution de 1 État et sont payés par lui. » (Exposé des
motifs du projet de loi sur les pensions civiles). Mon. off. 1853, Supp. A.
(3) Dans certains cas, de l'emploi immédiatement inférieur dans la
hiérarchie, quand bien même on ne l'aurait jamais occupé.
(4) La veuve d'un officier mort à 26 ans de service a droit à pension,
quelle que soit la cause de la mort; le mari n'aurait eu droit à pension,
en se retirant du service, que s'il avait été atteint d'infirmités résultant
de ce service.


— 464 —
fonction du chiffre de celle que le mari aurait pu obtenir (1).
La loi du 18 avril 1831 n'avait accordé aucune pension à
forme militaire au personnel colonial autre que celui fourni
par les différents corps de la marine. Un décret du 12 juin
1851, relatif au personnel des directions de l'intérieur, entra
le premier dans une voie différente. Le législateur de 1831
avait évidemment voulu accorder à ces fonctionnaires des pen-
sions civiles; c'est ce qui ressort nettement de la comparaison
entre les deux paragraphes de l'article 24 : le premier, pres-
crivant pour les magistrats coloniaux les règles de retraite en
vigueur pour les magistrats métropolitains; le second, décla-
rant que les mêmes règles d'assimilation s'appliqueraient aux
fonctionnaires civils des colonies; il s'agissait là évidemment
d'assimilation à des fonctionnaires analogues et nullement à
des militaires. C'est ce qu'oublia le décret du 12 juin 1851, et,
à sa suite, deux autres décrets assimilèrent à des militaires les
directeurs de l'intérieur (15 septembre 1851) et les chefs de
service dans l'Inde (19 janvier 1856).
528. La loi du 26 juin 1861 survint alors, et, avec l'inten-
tion bien arrêtée de couper court aux décrets ou arrêtés minis-
tériels d'assimilation (2), de déterminer exactement le per-
sonnel ayant droit aux pensions à forme militaire, elle arrêta
un tableau absolument limitatif : les ecclésiastiques coloniaux
furent ajoutés à l'ancienne énumération ; la mesure ne se jus-
tifiait pas plus pour eux que pour les autres.
Lors de la discussion de la loi eu 5 août 1879, le texte pro-
posé par la commission portait uniquement le maintien de la
situation résultant de la loi de 1861, avec augmentation des
tarifs; mais, à la séance du 14 juin, M. de Mahy proposa un
amendement étendant cet avantage aux fonctionnaires et agents
assimilés du service colonial, et, sur la déclaration du ministre
(1) Pour les pensions militaires proprement dites il y a en outre une
difference essentielle, le droit à la pension quand le militaire réunit les
conditions d'ancienneté de service exigées, tandis que -le fonctionnaire
civil (et même celui pouvant obtenir une pension à forme militaire) doit
tout d'abord être admis à faire valoir ses droits à la retraite, ce qui
dépend du ministre.

(2) « Les agents de toutes sortes figureront désormais au tarif, et la
«situation se trouvera pleinement régularisée. » (Exposé des motifs.)

— 465 —
de la marine qu'il ne s'agissait que des officiers du cadre co-
lonial qu'on pouvait assimiler aux divers officiers du cadre
métropolitain compris dans le tarif n° 1 de la loi (huit à dix
officiers seulement chaque année), la Chambre adopta le texte
de l'amendement de M. de Mahy, conférant le bénéfice de la
loi à tous les fonctionnaires et agents du service colonial,
d'après leurs assimilations avec le personnel métropolitain,
telles qu'elles sont établies par les décrets organiques.
529. Le mode de liquidation des pensions militaires s'ex-
plique parfaitement pour les corps hiérarchisés, où l'on passe
régulièrement d'un grade au suivant, où l'on peut, par suite,
prendre le dernier grade obtenu comme représentatif des
services rendus par l'officier; mais il en est tout autrement
quand il s'agit d'un fonctionnaire civil qui peut obtenir n'im-
porte quelle situation sans services antérieurs. La différence
de traitement qui existe, par suite, entre des fonctionnaires
métropolitains et coloniaux ayant des situations identiques,
différence de traitement qui ne se justifie pas, est plus sur-
prenante encore quand on compare deux fonctionnaires colo-
niaux soumis à des régimes différents, un procureur de la
République, celui de Fort-de-France, par exemple, et le se-
crétaire de son parquet. Tous deux sont atteints d'infirmités
graves provenant de l'exercice de leurs fonctions : le premier
ne peut obtenir de pension parce qu'il n'a pas soit vingt ans
de service, soit cinquante ans d'âge; le second l'obtient sans
aucune difficulté. Tous deux meurent à leur arrivée dans la
colonie, d'un accident de service, ne comptant pas de service
antérieur : la veuve du procureur de la République obtient
une pension de 250 francs égale au 1/36 du traitement de son
mari; celle du secrétaire du parquet, une pension de 400 francs
supérieure au 1/5 du traitement de son mari (1).
Ces exemples, qu'il serait facile de multiplier, montrent
combien est peu justifié le régime des pensions accordées à la
plus grande partie des fonctionnaires coloniaux.
(1) La pension de la veuve du procureur de la République ayant
9,000 francs d'appointements coloniaux est calculée a 1/18 du traitement
métropolitain correspondant (4,500 francs), soit 250 francs; la pension
de la veuve du secrétaire du parquet est fixée à 400 francs, alors que le
mari reçoit un traitement colonial de 1,750 francs.

COLONIES, I.
30

— 466 —
530. La loi de 1879 avait laissé aux décrets organiques des
différents corps, pour lesquels une assimilation serait jugée
nécessaire, le soin de faire cette assimilation. Un décret du
21 mai 1880 la régla pour un nombre considérable de fonc-
tionnaires : personnel des directions de l'intérieur, de l'émi-
gration, des affaires indigènes, des parquets, des administra-
tions pénitentiaires, de la colonisation, des cultures, des sub-
sistances, vivres, matériel, hôpitaux, du pilotage, des impri-
meries, interprètes, ouvriers des diverses professions (1).
Tout ce personnel figure dans le tableau annexé au décret;
on était loin des huit à dix officiers dont il avait été question
dans la discussion de la loi. Ce décret a été complété par plu-
sieurs actes postérieurs qui ont tenu compte de situations
nouvellement créées, notamment un décret du 27 février 1889
qui. a fixé des assimilations pour divers agents du Congo, du
Tonkin et de l'Annam, et un décret du (i septembre 1896 qui
a accordé le bénéfice des pensions à forme militaire au
personnel européen de la garde indigène de l'Annam et du
Tonkin. Ce dernier décret a été rendu en Conseil d'État.
Un décret du 30 avril 1899 a réglé, d'autre part, l'assimilation
pour la pension de retraite du personnel comptable de
Cochinchine; cette assimilation a été déterminée d'une manière
plus générale pour le personnel des affaires civiles de l'Indo-
Chine par le décret du 16 septembre 1899 qui a consacré la
fusion, en un même corps, des agents de divers services de
L'Annam-Tonkin, du Laos, de la Cochinchine et du Cambodge
(n° 361).
Le décret du 6 avril 1900, qui a réorganisé le corps des
administrateurs coloniaux, a fixé de même à nouveau l'assi-
milation de ce personnel pour le calcul des pensions de
retraite. Ce décret, comme celui du 16 septembre 1899 sur
le personnel des affaires civiles de l'Indo-Chine, a d'ailleurs
été pris après avis de la section compétente du Conseil d État.
On pourrait opposer à ces différents actes réglementaires
les termes mêmes de la loi de 1879 (art. 14) « les tarifs sont
appliqués » opposés à ceux des autres articles où le futur est
(1) Le décret n'a pas indiqué de quels ouvriers il s'agit.

— 467 —
usité, qui semblent par suite exclure la possibilité d'étendre le
bénéfice de la loi à de nouveaux emplois.
Le décret du 21 mai 1880 peut-il être considéré comme
tenant lieu des décrets organiques des différents corps exigés
par la loi, alors qu'il s'applique à des agents, ceux des hôpi-
taux, par exemple, n'appartenant à aucun corps constitué?
Nous ne le pensons pas. Le Conseil d'Etat parait cependant
avoir admis la solution contraire dans un arrêt qui a reconnu
à un pilote de la Nouvelle-Calédonie le droit d'obtenir une
pension à forme militaire (1).
En d'autres termes, les fonctionnaires dont l'assimilation
avec le personnel métropolitain est réglée par le décret de
1880 pourraient, d'après cet arrêt, prétendre à une pension à
forme militaire, alors même qu'ils n'appartiendraient pas à des
corps constitués. Cette opinion, qu'a confirmée plus récemmen
un nouvel arrêt en date du 29 mars 1901, mais que nous jugeons
contestable, se trouve en contradiction avec des avis de la
section des tinances, etc., du Conseil d'État, qui, à plusieurs
reprises (30 novembre 1892, 28 février 1893, 9 novembre 1898
et 2 mai 1899 ), a refusé d'approuver des propositions de pen-
sions établies en faveur d'agents appartenant à des corps
organisés par des arrêtés locaux. La section des finances, etc.,
semble elle-même cependant ne pas avoir persisté dans celte
opinion et s'être finalement ralliée à l'interprétation admise au
contentieux (2).
(1) Cons. d'Ét. cont. 20 juillet 1805 (aff. Beauvilliers). L. 95. p. 601. _
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la ioi du 5 août 1877. les
tarifs annexés à cette loi sont appliqués aux fonctionnaires et agents
du service colonial d'après leurs assimilations avec le personnel métro-
politain telles qu'elles sont établies par tes décrets organiques; consi-
dérant, d'une part, que le décret du 21
188 ) mai rendu par applicationde l'ar-
ticle 14 de la loi du 5 août 1877 a déterminé le personnel métropolitain
auquel devraient être assimilés les pilotes des colonies; que, d'autre

part, le service du pilotage à la Nouvelle-Calédonie a été organisé par
deux arrêtes du gouverneur de cette colonie en date du 16 juin 1866 et

du 12 juin 1875; que ces deux arrêtés ont été régulièrement pris par
le gouverneur en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés ; que, dans
ces circonstances, les conditions imposées par l'article 14 de la loi du
5 août 1879 sont remplies et que le sieur Beauvilliers est fondé
à
demander qu'il lui soit alloué une pension à forme militaire
(2) Conseil d'État, finances, etc. — 26 juillet 1903 — Considérant
qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 5 août 1879, les tarifs annexés

— 468 —
531. Contrairement aux principes qui nous paraissent ré-
sulter des bases mêmes de l'organisation actuelle des colonies,
le décret de 1880 comprend, dans sa nomenclature, des fonc-
tionnaires payés par les budgets locaux. L'observation que
nous aurons lieu de présenter plus loin au point de vue de la
retenue,
en ce qui concerne les fonctionnaires retraités
conformément à la loi du 9 juin 1853, ne se pose pas ici;
ainsi que nous l'avons fait remarquer, les pensions à forme
militaire peuvent être obtenues sans qu'aucune retenue n'ait
été prélevée sur le traitement; il n'y a donc pas lieu de se
préoccuper des perceptions faites, régulièrement ou non, par
le trésor public.
53 2. Les décrets rendus en exécution de la loi du 5 août
1879, décrets organiques et décret du 21 mai 1880, détermi-
nent le personnel qui peut être régi par les lois des 18 avril
1831, G juin 1861, 5 août 1879. En dehors de cette énuméra-
tion limitative, les fonctionnaires coloniaux rentrent sous
l'empire de l'article 24 de la loi du 18 avril 1831 ; leurs pen-
sions sont réglées conformément aux lois sur les pensions
civiles, c'est-à-dire à la loi du 9 juin 1853. Quels sont donc
les fonctionnaires du service colonial ou des services locaux (1)
qui peuvent obtenir une pension dans ces conditions? Nous
avons déjà indiqué qu'une nomination par le Président de la
République, ou en vertu de sa délégation directe, nous pa-
raissait indispensable; mais, parmi les fonctionnaires qui se
à cette loi sont appliqués aux fonctionnaires et agents du service colo-
nial d'après leurs assimilations avec le personnel métropolitain, telles

qu'elles sont établies par les décrets organiques; — considérant, d'une
part, que le décret du 21 mai 1880 rendu par application de l'article 14

de la loi du 5 août 1879 a déterminé le personnel métropolitain auquel
devraient être assimilés les pilotes des colonies; d'autre part, que le
service du pilotage a la Réunion a été organisé par deux arrêtés en date

des 30 septembre 1871 et 25 mars 1878, pris par le gouverneur en vertu
des pouvoirs qui lui ont été conférés par l'article 9 du sénatus-consulte

du 3 mai 1854; que, dans ces circonstances, les conditions imposées par
l'article 14 de la loi du 5 août 1879 sont remplies et que la dame veuve

R
est fondée à demander que la pension de son mari soit liquidée
par application des lois sur les pensions militaires de la marine, est
d'avis, etc.
(1) C'est à tort que l'on emploie parfois les mots de fonctionnaire colo-
nial pour désigner un fonctionnaire appartenant au service local d'une
colonie; ce terme doit être exclusivement réservé aux fonctionnaires

de l'État.

— 469 —
trouvent dans ce cas, ceux-là seuls peuvent obtenir une pen-
sion, qui sont rétribués sur les fonds du budget colonial, ou
qui, bien que payés par les budgets locaux, sont détachés des
administrations métropolitaines (1).
533. La loi du 9 juin 1853 est formelle à cet égard; elle
exige la rétribution directe par l'Etat, ou le fait d'appartenir
au cadre permanent d'une administration publique. Mais on
peut objecter qu'en ce qui concerne les pensions des colonies,
la loi du 9 juin 1853 règle uniquement le mode d'établisse-
ment des pensions et que le droit des fonctionnaires résulte de
l'article 24 de la loi du 18 avril 1831, qui s'applique à tous
les fonctionnaires civils des colonies rétribués sur les deniers
publics. Il nous paraît impossible d'admettre cette opinion; la
loi de 1831 ne s'appliquait, en effet, qu'à des fonctionnaires
rétribués sur les fonds de l'Etat, qu'aux différents corps de la
marine; ceci résulte, en particulier, du rapport, de l'amiral
Duperré, à la Chambre des pairs, le 7 avril 1831 : on voulait
appliquer aux corps de la marine, au personnel du départe-
ment de la marine, les principes de la loi sur les pensions de
l'armée de terre ; il n'était nullement question d'agents locaux.
Cette ioi n'admettait pas de nouveaux pensionnaires; or,
auparavant, les fonctionnaires rétribués sur les fonds de
l'Etat (2) pouvaient seuls être tributaires de la caisse des In-
valides, puisque l'article 42 de l'ordonnance du 17juillet 1816
sur celte caisse charge les payeurs de la marine seuls d'exer-
cer la retenue de 3 0/0.
534. D'autre part, la loi de 1853 a bien eu en vue les
fonctionnaires civils des colonies; ceci résulte des termes de
l'article 10 : supplément à titre de traitement colonial; on
s'est donc proposé de rémunérer les services rendus dans les
colonies.
Or, cette loi a posé, dans son article 3. le principe de l'obli-
gation du versement de certaines retenues comme corrélatif
(1) Les magistrats en Cochinchine rentrent évidemment dans cette caté-
gorie, quoiqu'ils n'appartiennent pas à une administration métropolitaine.
Le terme : administration métropolitaine s'entend d'une administration
de l'État, dans l'espèce, du corps de la magistrature coloniale.

(2) V. Ord. 12 mars 1826, A. M. et C. p. 403. — Edit, juillet 1720,
Tit. 3, art. 1.

— 470 —
du droit à pension et, pour le personnel rétribué sur les fonds
des budgets locaux, ce versement était jusqu'en 1886 impos-
sible, depuis le sénatus-consulte du 4 juillet 1866 pour les
anciennes colonies, depuis les décrois instituant les conseils
généraux pour les attires établissements d'outre-mer. Comment
pouvait-on admettre que la caisse des invalides de la marine,
dont, aux termes de l'ordonnance du 22 mai 1816, les fonds
sont uniquement destinés à la récompense des services des
officiers civils et militaires... du Département de la marine,
que le trésor public, qui lui est substitué aujourd'hui, fussent
appelés à payer des pensions à des fonctionnaires pour lesquels
aucune retenue n'aurait pu être perçue"? Ce dernier point
était d'ailleurs hors de doute : l'article 5 du sénatus-consulle
du 4 juillet 1866 ne réservait à l'État que les retenues sur les
traitements inscrits au budget de l'État (1). Aucune autre
perception ne pouvait être faite, et le projet de budget de
la caisse des invalides pour 1886 le rappelle à propos des
retenues sur les dépenses du matériel des colonies : « Sup-
« pression de la retenu»' de 3 0/0 sur les dépenses du matériel
« comme étant contraire à l'article S du sénatus-consulle du
« 4 juillet 1860 (2). »
53.5. Mais la loi de finances de 1886 a inscrit au budget des
recettes une prévision correspondant aux retenues exercées
sur les traitements payés par les budgets locaux. Cette loi
constitue une abrogation implicite du sénatus-consulte de 1866,
et par suite l'objection tirée du non-versement ou d'une percep-
tion illégale des retenues (3) a disparu.
La question restait cependant entière au point de vue des
fonctionnaires qui n'appartiennent pas à des cadres constitués.
On ne pouvait invoquer en leur faveur le versement de retenues
à la caisse des invalides ou au trésor public ; un prélèvement
(1) Les mêmes termes se retrouvent dans tous les décrets. relatifs aux
conseils généraux, sauf à Saint-Pierre et Miquelon, à la Nouvelle-Calé-
donie et à Tahiti, où l'État se réserve la perception de toutes les re-
cettes effectuées conformément aux règlements eu vigueur.

(2) Ceci n'est exact que pour les trois anciennes colonies.
(3) La perception des retenues prescrite par le décret du 13 juillet 1880

ne soulève pas de difficultés pour les colonies régies par des décrets,
mais elle a été illégale jusqu'au 1er janvier 188(1 pour les colonies
régies par le sénatus-consulte de 1800.


— 471 —
fait à tort au profit d'une caisse de retraite sur les sommes
payées à une personne comme rémunération de ses services ne
saurait lui constituer un droit à une pension (1).
11 nous semblait donc, malgré la jurisprudence en vigueur,
que les fonctionnaires dos services locaux qui ne sont pas em-
pruntés aux services métropolitains n'ont pas droit à pension
sur le trésor public. C'était là d'ailleurs ce qu'avait rappelé le
décret du 8 février 1880 (art 38,5°) en ce qui concerne la Co-
chinchine.
536. Cette question a été tranchée par le législateur par une
disposition de la loi de finances de 1896. Aux termes de l'ar-
ticle 42 de cette loi, les pensions auxquelles peuvent prétendre,
sous la condition d'être entrés en fonctions antérieurement
au
1" janvier 1886, les fonctionnaires, employés et agents des
services coloniaux organisés par arrêtés locaux, seront basées
sur la moitié du traitement moyen dont les intéressés auront
joui pendant les six dernières années de leur activité. La
seconde moitié de ce traitement est considérée comme formant
le supplément colonial.
Il résulte de là : 1° que les fonctionnaires et agents des ser-
vices coloniaux organisés par arrêtés locaux, entrés en fonctions
postérieurement au 1er janvier 1886, n'ont pas droit au béné-
fice de la pension de l'État, le législateur ayant reconnu que
ces employés étaient des agents locaux au même titre que ceux
des communes et des départements; 2° que, pour les employés
entrés en fonctions antérieurement au 1er janvier 1886, la
pension sera basée sur la moitié du traitement moyen des six
dernières années de leur activité, l'autre moitié de ce traitement
étant considérée comme formant le supplément colonial.
536 bis. C'est dans des conditions analogues qu'a été élaboré
un décret du 6 avril 1900 sur le personnel des bureaux des
secrétariats généraux des colonies, décret dont l'article 10 ad-
met les commis des secrétariats généraux à bénéficier de la loi
du 9 juin 1853 sur les pensions de retraite. La pension deces
commis est calculée d'après leur solde d'Europe.
Il peut arriver que le traitement d'un agent colonial, retraité
(1)
Cf.
Cons.
d'Et. fin. Avis 29 octobre 1884; Cons. d'Ét. cont.
12 décembre 1881 (aff. Descamps). L. 81.902.

— 472 —
d'après la loi du 9 juin 1853, ne puisse se décomposer en une
solde d'Europe et un supplément colonial. Dans ce cas, la pen-
sion doit être liquidée d'après le traitement total moyen dont
l'agent retraité a joui pendant ses six dernières années de ser-
vice (1).
537. Pour les magistrats et les fonctionnaires détachés des
services métropolitains, ainsi que pour les fonctionnaires aux-
quels le Gouvernement a cru devoir admettre un droit à
pension, le calcul de celle-ci est fait d'après les décrets
d'assimilation de la magistrature et d'après un décret du
13 juillet 1880 (2) donnant les parités d'office, et prescrivant
que le ministre de la marine et des colonies fixerait les soldes
d'Europe servant au calcul de la pension pour tout le person-
nel colonial non compris dans le tableau annexé au décret. Ici
encore, on a évidemment étendu à tous les agents locaux le
titre de personnel colonial. Les termes du décret ne peuvent
prévaloir contre les actes législatifs et ne nous semblent pas
de nature à modifier notre opinion.
538. C'est aux colonies qu'il appartient d'assurer les retraites
de leurs fonctionnaires particuliers, ainsi que le font les dépar-
tements de la métropole, qui ont pourtant une autonomie bien
moins grande. D'ailleurs, le régime des caissés de retraites co-
loniales a existé et n'a pas été abrogé. Dans l'Inde, par exem-
ple, l'arrêté du 5 février 1857, approuvé par dépêche minis-
térielle du 24 avril 1857, prescrit le mode de pavement des
pensions des cipahis au compte du budget local. A la Réunion,
l'arrêté du 18 mars 1829 (art. 24), accorde des pensions, sur
le trésor local, au proviseur et aux professeurs du lycée.
Un décret du 20 juin 1893 a approuvé une délibération du
conseil général de la Guyane créant une caisse de retraite pour
(1) Modifié en certains points par les décrets des 29 août 1884 et ο fé-
vrier 1885.
(2) C. d'Et. cont., 20 mai 189S (Aff. D'Cruz). — Considérant..., qu'il
n'est pas établi par l'instruction que le traitement annuel perçu par le
sieur D'Cruz en sa qualité d'écrivain du service des contributions dans
l'Inde renfermât un élément correspondant au supplément colonial tel
qu'il est prévu et défini par la loi du 9 juin 1853 et le règlement d'ad-
ministration publique du 9 novembre suivant; qu'il suit de là que la
pension du requérant doit être liquidée d'après le traitement total moyen
dont il a joui pendant ses six dernières années de service, etc.


— 473 —
les employés de la colonie des communes, n'ayant pas droit à
une pension de l'Etat. Cette approbation a été donnée, (quoique
le conseil général eût statué définitivement), sur la demande de
la caisse des dépôts et consignations.
Certaines perceptions sont faites par les colonies en vue des
pensions qu'elles servaient autrefois et auxquelles elles n'ont
plus à faire face : à la Réunion, par exemple, l'ordonnance du
16 avril 1837, toujours en vigueur, autorise une retenue de
27, 50 0/0 sur les saisies, devant être versée, aux termes de la
loi du 9 fructidor an V, a la caisse des pensions des employés
des douanes. Ceux-ci recevant actuellement des pensions de
l'État, c'est le trésor public et non le budget local qui devrait
profiter de celle perception.
538. bis Des dispositions toutes particulières, et qu'il convient
de mentionner sont celles qu'un décret du 31 juillet 1897 a con-
sacrées afin de constituer des pensions de retraite au personnel
auxiliaire des magasins du service colonial en France. Des ver-
sements à la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse
sont, en vertu de ce décret, effectués au profit des auxiliaires
commissionnés, même s'ils sont déjà titulaires d'une pension
civile ou militaire. 11 s'agit, en effet, ici, d'une retraite assurée,
non par le Trésor public, mais par un établissement particulier,
et l'on n'est pas en presence d'un cas de cumul de pensions,
tel qu'ont pu les envisager les lois du 26 décembre 1890 et du
31 décembre 1897. Les versements à la Caisse nationale des
retraites pour la vieillesse proviennent d'un prélèvement de
4 o/o opéré sur les appointements des auxiliaires commission-
nés, et d'une part contributive de l'État fixée à la même quotité.
Un décret, en date du 5 mai 1898, a créé, d'autre part, une
caisse de retraite spéciale aux agents des services locaux de
l'Indo-Chine. Cette création était, d'ailleurs, la conséquence de la
loi de finances du 13 avril 1898 dont l'article 43 relirait à partir
du 1er janvier 1899, aux agents des services locaux de l'Indo-
Chine, placés sous le régime de la loi du 9 juin 1853, le béné-
fice d'une pension de retraite sur le Trésor public. La loi pré-
voyait la création, en faveur de ses agents, d'une caisse de
retraite spéciale entretenue par les divers budgets locaux de
l'Indo-Chine, et laissait aux agents des services civils placés
sous le régime de la loi de 1853, et déjà en fonctions, dans nos

— 474 —
possessions d'Extrême-Orient, la faculté d'opter en faveur du
régime nouveau.
La caisse de retraite locale de l'Indo-Chine, ainsi créée par le
décret du 5 mai 1898, est alimentée par une retenue de S o/o
opérée sur la totalité du traitement (traitement colonial, solde
d'Europe ou demi-solde) payé aux fonctionnaires, employés et
agents qu'elle doit pensionner, et par un versement de 4 o/o
sur la totalité du même traitement effectué par le budget local.
Les pensions à la charge de la caisse sont des pensions pour
ancienneté de service (après vingt-cinq ans de service, dont
vingt ans au moins en Indo-Chine, congés compris) ; des pen-
sions proportionnelles; des pensions pour blessures et infir-
mités ; des pensions de veuves et d'orphelins.
Les décisions du gouverneur général de l'Indo-Chine relatives
aux pensions liquidées sur la caisse de retraite locale ne peu-
vent être attaquées que devant le conseil de contentieux de la
colonie ou du protectorat. Le Conseil d'État ne peut être saisi
directement, alors même qu'une dépêche du ministre des colo-
nies serait intervenue, en refusant par exemple de soumettre
au Conseil Supérieur de Santé une demande tendant à une
liquidation nouvelle de la pension (1).
539. En dehors des pensions payées par l'État ou par les co-
lonies, celles-ci peuvent encore améliorer le sort de leurs fonc-
tionnaires au moyen de caisses de prévoyance qui reçoivent les
versements effectués, soit par les fonctionnaires, soit en leur
faveur par le trésor local. Cette organisation, qui a été spécia-
lement prévue par les décrets relatifs aux conseils généraux
de Saint-Pierre et Miquelon cl de la Nouvelle-Calédonie, a été
réalisée en Cochinchine.
La caisse de prévoyance créée en Cochinchine par les décrets
des 10 février 1873 et 2 juin 1876, et qui ne s'appliquait alors
qu'aux inspecteurs et administrateurs des affaires indigènes,
étendit par le décret du 4 juillet 1876 ses effets sur tous les
employés des services locaux, non asiatiques et non détachés
des administrations métropolitaines régies par des règlements
spéciaux ; cette dernière exclusion portait sur les services du
(1) Cons, d'Ét. cont. (aff. Calvez). — 21 juillet 4905.

— 475 —
trésor, des postes et des télégraphes. La caisse était alimentée
uniquement par le budget local ; les fonctionnaires eux-mêmes
n'y faisaient aucun versement. La colonie versait au compte de
chaque fonctionnaire ou employé 20 0 0 des appointements;
le compte de prévoyance ainsi constitué n'était pas productif
d'intérêts. Après six ans de services effectifs en Cochinchine, le
fonctionnaire avait le droit de réclamer la liquidation et la
remise de ce compte. Les fonds versés à la caisse de prévoyance
au compte de chaque fonctionnaire n'étaient pas sa propriété ;
ils ne lui appartenaient que le jour où il avait réalisé les con-
ditions prévues par les règlements.
540. La caisse et le compte de prévoyance ont été supprimés
par un décret du 29 septembre 1887. Les comptes ont été ar-
rétés au 1er janvier 1888. Les tributaires ont été admis à en
toucher le montant seulement au moment où ils ont terminé la
période de dix ans réglementaire.
Plus récemment, il est vrai, un décret du 24 juin 1893 a ins-
titué un compte d'assistance pour le personnel européen des
services locaux de la Cochinchine. Des dispositions analogues
ont été prises par un décret du 4 avril 1897 en faveur du per-
sonnel des services locaux de l'Annam, du Tonkin et du Cam-
bodge. Venant après ces deux réglementations, dont il a main-
tenu les bases principales, un décret du 2G février 1898 a créé
pour le personnel des divers services locaux de l'Indo-Chine,
y compris le Laos, un compte d'assistance unique, alimenté
par des contributions inscrites, comme dépenses obligatoires,
aux budgets locaux de nos possessions.
540 bis. Un décret du 27 juin 1897 a créé une caisse de pré-
voyance en faveur du personnel des services locaux du Soudan
français, exclu du bénéfice des pensions de retraite.
ARTICLE 3. — Administrations locales. Secrétariats généraux
§ 1, — Secrétariats généraux dans les colonies autres que
l'Indo-Chine. Personnel.
541. Le service de l'administration intérieure, dans les colo-
nies autres que l'Indo-Chine, était, jusqu'en 1892, assuré par

— 476 —
un corps unique : celui des directions de l'intérieur. L'avance-
ment, d'après le décret du 16 juillet 1884, portait sur toutes
les colonies. Chacun, à son tour, était appelé à servir dans
les établissements considérés comme moins sains, moins
agréables à habiter; mais celte obligation était liée au droit,
pour le fonctionnaire, de renoncer à l'avancement. Nul n'était
obligé à quitter la colonie où il servait, mais à la condition
que, jusqu'à ce qu'il ait consenti à rentrer dans le tour de rou-
lement, il n'obtiendrait pas d'avancement.
542. Un décret du H octobre 1892 modifie complètement
ce régime, mais un décret du 21 mai 1898 ayant supprimé
les directeurs de l'intérieur (n° 326) et les ayant remplacés
par des secrétaires généraux, quelques jours après, le 24 mai,
le personnel des bureaux des secrétariats généraux de colo-
nies fut organisé par un décret spécial. Ce décret, aujourd'hui
complété par un décret du 6 avril 1900, divise le personnel
des bureaux des secrétariats généraux en deux catégories : le
personnel du cadre général qui est composé des chefs et sous-
chefs de bureau, et celui des cadres locaux qui comprend les
commis de toutes classes. Les soldes, aussi bien pour les fonc-
tionnaires du cadre général que pour ceux des cadres locaux,
sont fixées par l'article 2 du décret du 6 avril 1900.
Les fonctionnaires du cadre général sont nommés et peuvent
être rétrogradés et révoqués par le ministre; ils peuvent être
suspendus par le gouverneur. Ils sont envoyés d'une colonie
dans une autre selon les besoins du service.
Les commis des secrétariats généraux forment, dans chaque
colonie, un cadre local. Les règles de leur recrutement et de
leur avancement, leur nombre et leur supplément colonial,
sont fixés par arrêté du gouverneur en conseil privé ou en
conseil d'administration, sous réserve de l'approbation du
ministre des Colonies.
542 bis. Quant aux conditions dans lesquelles les secrétaires
généraux des colonies sont nommés (n° 326), elles ont été
déterminées par des décrets du 11 octobre 1903 et du 20 jan-
vier 1906. Les secrétaires généraux de 2e classe sont recrutés
exclusivement, après avis du conseil des directeurs du minis-
tère auquel deux gouverneurs sont adjoints, parmi les fonc-
tionnaires de l'administration centrale ayant rang de sous-chef

— 477 —
de bureau depuis un an au moins, parmi les fonctionnaires
des administrations coloniales ayant une solde d'Europe d'au
moins 5000 francs, 33 ans d'âge et 10 ans de services, parmi
les officiers supérieurs des troupes coloniales, et parmi les
citoyens français ayant accompli aux colonies une mission
rétribuée dont la durée aura été d'une année au moins.
§2. — Personnel des services civils de l''Indo-Chine.
543. Le décret du 11 octobre 1892 n'était pas applicable à
l'Indo-Chine : il en résulta que les services correspondants à
ceux des directions de l'intérieur furent placés en Cochinchine
sous un régime spécial. L'ancienne direction de l'intérieur
(Déc. 4 mai 1881 et 7 septembre 1882) fut transformée en
secrétariat général (Déc. 2 mars 1889), puis en secrétariat du
gouvernement (Déc. 29 septembre 1894), enfin reprit la déno-
mination de secrétariat général (Déc. 25 février 1897).
544. Un décret du 1G septembre 1899 (n° 361) a réuni en
un personnel unique, qui a pris le titre de « Personnel des
services civils de l'Indo-Chine » les fonctionnaires, employés
et agents du secrétariat général et des affaires indigènes de la
Cochinchine, des résidences de l'Annam, du Tonkin et du Cam-
bodge, du corps des comptables de l'Annam et du Tonkin, du
corps des comptables du Cambodge, des commissariats du
Laos.
545. La hiérarchie nouvelle comprend des inspecteurs des
services civils dont le traitement colonial est de 20,000 francs,
des administrateurs répartis en cinq classes et dont le traite-
ment colonial varie de 7,000 à 18,000 francs, des administra-
teurs stagiaires, au traitement colonial de 6,000 francs, des
commis répartis en trois classes et dont le traitement colonial
varie de 6,000 à 4,000 francs.
546. Le personnel des services ainsi fusionnés qui se trou-
vait en fonctions a été classé dans la nouvelle hiérarchie
selon les indications d'un tableau annexé au décret. Les règles
de recrutement et d'avancement, ainsi que les peines discipli-
naires applicables au personnel, sont fixées par le décret du
16 septembre 1899. Les inspecteurs et les administrateurs

— 478 —
des quatre premières classes sont nommés par décret ; les admi-
nistrateurs de 3e classe, les administrateurs stagiaires et les
commis sont nommés par arrêté du gouverneur général. Les
commis de 3e classe doivent avoir vingt ans au moins, trente
ans au plus et être bacheliers ; ils peuvent être promus adminis-
trateurs par avancement hiérarchique. Il en est de même des
élèves de l'Ecole coloniale qui, après avoir satisfait aux concours
de sortie, sont nommés administrateurs stagiaires. Des candi-
dats de l'extérieur, justifiant de certaines conditions de grades,
de diplômes ou de services, peuvent, en outre, être nommés
aux divers emplois de la hiérarchie, jusques et y compris celui
d'administrateur de 2° classe, à l'exception toutefois de celui
d'administrateur stagiaire réservé aux élèves de l'Ecole coloniale.
547. Le personnel des services civils de l'Indo-Chine est
chargé d'assurer le fonctionnement des services d'administra-
tion générale, soit clans les bureaux, soit clans les provinces
et dans les arrondissements. Les administrateurs remplissent
dans les pays de protectorat les fonctions de résident ou de
vice-résident, dans les bureaux celles de chef ou de sous-chef
de bureau.
548. Les peines disciplinaires applicables au personnel des
services de l'Indo-Chine sont, d'après le décret du 16 sep-
tembre 1899, le blâme avec inscription au dossier, la suspen-
sion de fonctions, la rétrogradation et la révocation. Elles sont
prononcées par le gouverneur général en ce qui concerne le
personnel dont la nomination lui appartient. En ce qui con-
cerne le personnel nommé par décret, le blâme et la suspen-
sion sont prononcés par le gouverneur général ; la rétrograda-
tion et la révocation sont prononcées par décret.
5i8 bis. Les secrétaires annamites, naturalisés citoyens fran-
çais, sont admis, d'après le décret du 4 mai 1881, à concourir
pour tous les emplois. Cette disposition, qu'on ne comprend
pas très bien, doit être sans doute interprétée dans ce sens
qu'elle les dispense des conditions d'âge et de diplôme pres-
crites pour les candidats européens. Les traitements qu'ils
obtiennent lorsqu'ils passent dans le cadre européen sont in-
férieurs de 33 0/0 à ceux fixés par les décrets; cette différence
représente l'indemnité coloniale de vivres et de logement
accordée aux Européens.

— 479 —
ARTICLE ί. — Instruction publique.
§ 1. — Dispositions générales.
549. Les colonies n'ont pas, en ce qui concerne l'instruction
publique, une organisation uniforme. Tandis que la Martinique
possède des établissements de tous les degrés d'enseigne-
ment, d'autres n'ont que l'enseignement primaire et secon-
daire, ou même l'enseignement primaire.
Le proviseur du lycée à la Martinique, à la Guadeloupe et
à la Réunion (Déc. 24 juillet 1895), le principal du collège
à la Guyane (Déc. 30 octobre 1895), est chef du service de
l'instruction publique dans la colonie, ayant en cette qualité
entrée au conseil privé, chaque fois qu'il y est question d'af-
faires de son service. Il dirige tout le personnel enseignant
et possède à peu près toutes les attributions dévolues en
France aux recteurs.
Ces pouvoirs sont ailleurs exercés par le secrétaire gé-
néral, sauf dans l'Inde, où ils ont été transférés à l'inspec-
teur primaire par un décret en date du il mars 1898. De plus,
en Afrique occidentale, à Madagascar et en Indo-Chine, tous les
services de l'instruction publique sont placés sous l'autorité
d'un fonctionnaire de renseignement qui prend le titre de di-
recteur ou de directeur général.
550. La Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, en exé-
cution du § 4 de l'article 6 du sénatus-consulte de 1854, ont
vu leur régime scolaire organisé par des décrets en Consei
d'État : partout ailleurs des décrets simples et même des
arrêtés locaux ont suffi. Les gouverneurs tiennent, dans ce
cas, leurs pouvoirs des ordonnances ou décrets constitutifs
qui leur confient la surveillance de tout ce qui a rapport à
l'enseignement, soumettent à leur autorisation la création des
collèges et des écoles et leur permettent de nommer les
boursiers qui doivent y être admis et de proposer au ministre
les candidats aux bourses clans les établissements de la mé-
tropole. Quoique les ordonnances constitutives contiennent
les mêmes dispositions en faveur des gouverneurs de la Gua-
deloupe, de la Martinique et de la Réunion, ceux-ci n'ont

— 480 —
plus, depuis 1854, que des attributions de surveillance et ils
ne sauraient, par simples arrêtés, pénétrer dans le domaine
de l'organisation : nous avons, par suite, les plus grands
doutes sur la légalité d'un arrêté du gouverneur de la Marti-
nique, en date du 10 février 1886, par lequel celui-ci a orga-
nisé un conseil supérieur de l'instruction publique, appelé à
donner son avis sur les questions soumises à son examen par
le gouverneur et consulté obligatoirement sur les créations
d'écoles et la surveillance des écoles privées.
551. Les ordonnances contiennent une disposition qui a
certainement cessé d'être en vigueur, au moins en partie
pour la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion
: c'est
celle qui donne au gouverneur le droit d'autoriser l'ou-
verture d'établissements libres d'instruction publique. Si,
pour les enseignements supérieur et secondaire, il est certain
que le régime de l'autorisation subsiste encore, il n'en est pas
de même pour l'enseignement primaire depuis la loi de 1886,
rendue applicable à ces colonies par le législateur lui-même
(art. 68). En etfet, d'après cette loi, l'ouverture d'une école
privée n'est plus soumise au régime de l'autorisation, mais à
celui de la déclaration par le directeur de l'école, sauf à l'ad-
ministration à exercer son droit d'opposition conformément
aux prescriptions de la loi appropriées à l'organisation admi-
nistrative des Antilles et de la Réunion.
( 552. Dans presque toutes les colonies, des bourses sont
accordées, soit pour suivre les cours des établissements locaux,
soit pour être admis en France dans des lycées ou collèges,
s.oit pour suivre les cours de l'enseignement supérieur dans les
facultés de droit ou de médecine.
Les bourses sont dites nationales, coloniales ou mixtes,
selon qu'elles sont accordées entièrement par le ministre de
l'instruction publique, ou par la colonie, ou qu'elles sont payées
moitié par l'État, moitié par la colonie.
553. Le personnel de l'instruction publique affecté aux colo-
nies comprend les trois degrés d'enseignement; mais, tandis
que celui qui est affecté à l'enseignement secondaire est com-
plètement emprunté au ministère de l'instruction publique, le
personnel des écoles de droit et des écoles primaires est recruté
presque entièrement sur place.

— 481 —
Les professeurs de l'enseignement secondaire, à raison de
la situation spéciale dans laquelle ils se trouvent, ne peuvent
recevoir d'avancement que du ministre de l'Instruction publi-
que et d'après les règles adoptées en France. Un décret du
30 novembre 1902 a du reste précisé les conditions dans les-
quelles les membres du personnel de l'instruction publique
autres que les instituteurs et les institutrices sont détachés
aux colonies. Ce personnel conserve ses droits à l'avancement
et à la retraite. Il est inscrit dans le cadre auquel il appartient
et y est promu par le ministre de l'instruction publique sur la
proposition de son collègue des colonies.
Il convient de mentionner, au même point de vue, un décret
du 10 juin 1899 sur les droits à l'avancement et à la retraite
des instituteurs et institutrices exerçant dans des établissements
publics ne relevant pas du ministère de l'instruction publique.
553 bis. Un comité supérieur consultatif de l'instruction
publique des colonies a été institué au ministère des Colo-
nies par décrets des 18 janvier et 20 mars 1895. C'est au mi-
nistre des Colonies qu'il appartient, en vertu d'un décret du
18 juin 1897, de régler par arrêté la composition de ce conseil.
§ 2. — Enseignement supérieur.
554. La science du droit est la seule de celles qui appar-
tiennent à l'enseignement supérieur qu'on enseigne normalement
dans nos colonies : il y a une école de droit à la Martinique,
des cours juridiques à la Guadeloupe et dans les établissements
français de l'Inde. Signalons cependant les cours de médecine
professés dans cette dernière colonie, en vertu d'un arrêté
du 13 avril 1803, et comprenant la pathologie, l'hygiène, la
physiologie, la physique, la chimie, La toxicologie, l'histoire
naturelle, l'anatomie; le cours d'obstétrique institué à la Réu-
nion en vue de former des élèves sages-femmes par un décret
du 11 mai 1905; les cours de médecine et d'obstétrique créés
à l'usage des indigènes à Madagascar par des arrêtés locaux;
enfin l'école de médecine de l'Indo-Chine organisée par décret
du 12 août 1905 avec mission de former des médecins indigènes
et des sages-femmes indigènes (nos 724 et suiv.).
COLONIES, I.
31

— 482 —
L'école de droit de la Martinique est établie à Fort-de-France,
en vertu d'un décret du 20 janvier 1883 : l'enseignement
qu'elle donne porte sur toutes les matières exigées en France
pour obtenir les grades de bachelier et de licencié : on y a
joint un exposé et un historique de la législation coloniale.
Les programmes, les études, les inscriptions et les examens
sont établis conformément aux règlements généraux de la
métropole, auxquels le décret d'institution ne déroge pas.
Les maîtres chargés de l'enseignement se répartissent en
professeurs, en chargés de cours et en maîtres de conférences.
Ce personnel n'est pas fourni par la métropole : il est'direc-
tement nommé par le gouverneur sur la proposition du vice-
recteur et choisi parmi les personnes justifiant au moins du
grade de licencié en droit. Le choix du gouverneur peut se
porter sur des magistrats, des avocats et des officiers ministé-
riels : dans ce cas, il doit demander l'avis du procureur géné-
ral.
555. L'administration de l'école est confiée à un directeur,
nommé pour trois ans, et pris par le gouverneur parmi les
professeurs. C'est l'assemblée générale des professeurs, des
chargés de cours et des maîtres de conférence qui arrête le
règlement intérieur; ce règlement est soumis à l'approbation
du gouverneur après avis du procureur général.
Quant aux droits d'examen, de certificat et de bibliothèque,
ils sont fixés par le conseil général, parce qu'Us constituent une
recette exclusivement locale. Ils ne peuvent toutefois excéder
les droits perçus dans les facultés de la métropole.
L'établissement de Fort-de-France n'est qu'une école pré-
paratoire, délivrant uniquement des certificats de capacité ;
ceux-ci ne peuvent être convertis en diplôme qu'en France; le
candidat doit subir, devant une faculté, un examen spécial, à
la suite duquel est accordé le grade de bachelier et de licencié
en droit. Le titulaire d'un certificat de licence, d'ailleurs, n'a
pas besoin de faire convertir en diplôme de bachelier le pre-
mier certificat qu'il a obtenu et ne doit subir que l'examen
spécial exigé pour la licence.
556. Ne peuvent être inscrits parmi les élèves de l'école
que : les personnes munies du diplôme de bachelier ès lettres
ou du certificat de capacité équivalent (Déc. 26 octobre 1871),

— 483 —
les notaires, les avoués et autres officiers ministériels, les
employés ou fonctionnaires en service à la Martinique ou y
ayant exercé pendant trois ans. Cependant, les aspirants aux
certificats de capacité en droit, ou d'études administratives
ou commerciales, peuvent se faire inscrire en justifiant seu-
lement qu'ils sont âgés de seize ans révolus et qu'ils ont
terminé leurs études primaires. Des dispenses peuvent être
accordées par le ministre des colonies.
557. Les cours de la Guadeloupe ont été institués par arrêté
du 14 mars 1884 : ils portent sur le droit civil et commercial,
le droit criminel, le droit public et administratif, les notions
usuelles d'administration nécessaires pour l'admission dans
les bureaux des directions de l'intérieur. Ces cours n'abou-
tissent pas, comme ceux de Fort-de-France, à la délivrance
de certificats susceptibles d'être convertis en diplômes de
bacheliers ou de licenciés, car ils ne sont destinés qu'aux
jeunes gens qui veulent acquérir les connaissances élémentaires
pour exercer une fonction ou une profession exigeant une
certaine expérience des matières juridiques. Toutefois, les
jeunes gens qui assistent régulièrement aux cours organisés à la
Guadeloupe peuvent prendre leurs inscriptions à l'école de la
Martinique et se présenter aux examens qu'on y subit.
A la Guyane, un arrêté local du 29 juillet 1892 a créé une
école de droit, mais cette institution n'a pas d'existence régu-
lière ; elle ne peut être considérée que comme une annexe de
l'école de la Martinique.
558. Les cours de droit institués à Pondichéry par un arrêté
local en date du 5 juin 1838, ont été réorganisés d'abord par un
arrêté du 20 mars 18G7, puis par un arrêté du 24 février 1879,
encore en vigueur. Il existe des cours de même nature à
Karikal et à Chandernagor.
A Pondichéry, le nombre des cours professés est de seize,
se répartissent en trois années d'étude, sauf le cours de droit
hindou et musulman qui est commum aux trois années. Les
cours sont faits par des magistrats : il en est de même à
Karikal et à Chandernagor. En vertu du décret du 1er juil-
let 1880, les élèves pourvus du diplôme de bachelier ès lettres
qui justifient, par des certificats d'inscription, avoir suivi pen-
dant trois ans les cours de Pondichéry, peuvent être admis au

— 484 —
grade de licencié par une faculté de la métropole après un
examen spécial.
558 bis. Un décret du 26 février 1901, confirmant et com-
plétant des mesures que le gouverneur général de l'Indo-
Chine avait déjà prises en instituant une mission archéologique
permanente, a organisé l'École française d'Extrême-Orient.
Cette école, placée sous l'autorité du gouverneur général et
sous le contrôle scientifique de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres, a pour objet de travailler à l'exploration archéo-
logique et philologique de la presqu'île indo-chinoise et de
contribuer à l'étude érudite des régions et des civilisations
voisines, Inde, Chine, Japon, Malaisie, etc. L'école a pour
chef un directeur nommé par décret pour six années et dont
le mandat est renouvelable. Le directeur s'entoure, dans la
mesure des ressources mises à sa disposition, des répétiteurs
européens OH orientaux dont le concours lui est indispensable.
11 est en outre attaché à l'école, sur la désignation de l'Aca-
démie des inscriptions, et en nombre variable, des pension-
naires qui y demeurent pendant un an au moins.
§ 3.
Enseignement secondaire.
559. L'enseignement secondaire est plus complètement
organisé dans nos colonies que le précédent. 11 est donné à la
Martinique, à la Guadeloupe, à la Réunion et dans l'Inde.
Aux Antilles et à la Réunion, il existe dans des conditions
presque aussi complètes qu'en France.
Un décret du 19 mai 1900 a réorganisé le régime finan-
cier des lycées coloniaux. D'après ce décret, le gouverneur,
par des arrêtés en conseil privé, statue sur la forme du budget
et de la comptabilité du lycée conformément aux principes
en vigueur pour les lycées de la métropole. Les attributions
conférées pour ces derniers à la cour des comptes et au
ministre de l'instruction publique sont respectivement rem-
plies, dans la colonie, par le conseil privé et le gouverneur.
Le décret, d'autre part, laisse aux économes des lycées colo-
niaux le soin d'assurer le recouvrement des créances de ces
lycées, recouvrement confié jusqu'alors au service des contri-
butions directes.

— 485 —
560. A la Guadeloupe, l'enseignement secondaire est donné
dans un lycée, actuellement organisé par un décret du 17 sep-
tembre 1902.
Ce lycée reçoit des élèves pensionnaires, demi-pensionnaires,
et des externes libres ou surveillés. Il compte également des
élèves boursiers de la colonie et des communes. Les bourses
ne peuvent être attribuées qu'à des enfants de nationalité fran-
çaise, et ayant subi avec succès un examen spécial. Les bourses
ou fractions de bourse, sur les fonds de la colonie, sont accor-
dées par arrêté du gouverneur après avis d'une commission
chargée du classement des candidatures. Les boursiers des
communes sont nommés par les conseils municipaux avec
approbation du gouverneur.
Le lycée de la Guadeloupe comprend : 1° une division d'en-
seignement primaire ; 2° une division d'enseignement secon-
daire, correspondant à renseignement donné dans les lycées
de la métropole; 3° une division d'enseignement pratique pré-
parant aux carrières industrielles, agricoles et commerciales;
4° un cours normal, dont l'enseignement correspond à celui
que donnent les écoles normales de la métropole et qui est
destiné à assurer le recrutement des instituteurs de la colonie.
Il est créé un comité de patronage de la division d'enseigne-
ment pratique du lycée destiné notamment à veiller aux inté-
rêts matériels des élèves à leur sortie du lycée et à s'occuper
de placer les plus méritants.
Un décret spécial, portant également la date du 17 sep-
tembre 1902, a réglé l'organisation et le classement du per-
sonnel du lycée. Les membres de ce personnel sont nommés
par le ministre, à l'exception des commis d'économat, répé-
titeurs, instituteurs et institutrices primaires et des maîtres de
gymnastique.
561. Le lycée de la Martinique avait été établi à Saint-
Pierre par un arrêté local en date du G décembre 1880;
un décret du 7 mai 1890 en avait régularisé la situation.
L'enseignement classique y est donné conformément aux plans
d'études adoptés dans la métropole. Il avait reçu le nom de
lycée Schœlcher.
Il existait, en outre, un pensionnat de jeunes filles créé à la
suite d'un vote du conseil général du 25 septembre 1883,

— 486 —
dans lequel on donnait un enseignement identique à celui qui
avait été arrêté pour les lycées de filles en France. Ce pension-
nat, établi à Saint-Pierre, avait été réorganisé par un décret
du 15 septembre 1901.
562. Le lycée et le pensionnat colonial de Saint-Pierre n'ont
pas survécu à la catastrophe du 8 mai 1902. Mais un décret du
1er avril 1903 a reconstitué le lycée Schœlcher à Fort-de-France.
Le fonctionnement général du lycée de Fort-de-France, son
enseignement, son personnel, sont organisés sur les mêmes
bases qu'à la Guadeloupe (n° 560). Le décret du 1er avril 1903
contient, en outre, un chapitre spécial sur le régime financier
du lycée.
563. La Réunion possède également un lycée, institué par
une ordonnance du 24 décembre 1818, et qui a pris, en vertu
d'un décret du 2 juin 1897, le nom de lycée Leconte de l'Isle.
Ce lycée a été réorganisé complètement sur les mêmes bases
que le lycée de la Guadeloupe et par les mômes décrets en
date du 17 septembre 1902 (n° 560).
564. Outre le lycée, il existe dans la colonie trois collèges
communaux, à Saint-Pierre, à Saint-André et à Saint-Paul.
Ces établissements sont organisés sur le modèle de nos collè-
ges communaux.
Quant à l'enseignement libre, il est représenté par un
petit-séminaire établi à Saint-Denis, sous le patronage de
l'autorité diocésaine et une institution libre à Saint-Benoît.
565. Dans l'Inde, il n'y a qu'un collège colonial dirigé par
les pères de la congrégation du Saint-Esprit et subventionné
par la colonie. L'enseignement n'y est pas abandonné à la
direction exclusive de la congrégation, car il est intervenu
entre elle et le ministre de la marine et des colonies des con-
ventions d'après lesquelles l'enseignement doit suivre les
méthodes et les programmes de l'Université. Les cours com-
prennent, répartis en 22 chaires : 1° l'instruction élémentaire;
2° renseignement secondaire classique; 3° les arts d'agré-
ment. La colonie entretient trente bourses d'externes et douze
demi-bourses distribuées par l'administration d'après les résul-
tats des concours ouverts annuellement et les titres des
familles.
La présence de ce collège n'a pas empêché la congrégation

— 487 —
d'établir, depuis 1844 une maison d'instruction libre où on
donne un enseignement secondaire presque aussi complet que
dans le collège colonial.
566. A la Guyane, à la Nouvelle-Calédonie et en Cochin-
chine il existe des collèges coloniaux qui sont bien plutôt des
établissements d'enseignement primaire supériour que des
établissements d'enseignement secondaire. Des cours secon-
daires ont été institués d'autre part à l'école Faidherbe, à
Saint-Louis du Sénégal, et dans les écoles préparatoires de
Tananarive et de Tamatave.
567. Les jeunes gens qui sortent des lycées et collèges colo-
niaux peuvent obtenir des certificats, qui, la plupart du temps,
n'ont d'autre valeur que d'attester leur séjour clans ces établis-
sements. Toutefois, à la Réunion et aux Antilles, l'équivalence
des études avec celles de la métropole a été reconnue et un
décret du 23 décembre 1857 a autorisé la délivrance dans ces
colonies do brevets de capacité ès sciences et ès lettres; ces
certificats peuvent être échangés (Déc.
26 octobre 1871)
contre des diplômes de bachelier correspondant, après revision
des épreuves par la Faculté de Paris.
La composition des jurys d'examen est aujourd'hui déter-
minée par un décret du 27 août 1882; les jurés sont pris sur
une liste de huit membres ainsi composée : le chef du service
de l'instruction publique, quatre professeurs ou anciens pro-
fesseurs agrégés, docteurs ou licenciés, deux de l'ordre des let-
tres, deux de l'ordre des sciences, désignés par le gouver-
neur; trois membres non professeurs, titulaires de grades uni-
versitaires, également désignés par le gouverneur.
Le jury d'examen est composé de trois membres pour le
brevet de capacité littéraire et de quatre membres pour le
brevet de capacité scientifique. 11 comprend pour tous les exa-
mens : le chef du service de l'instruction publique, président;
pour les examens à chacune des épreuves du brevet de capa-
cité littéraire, un professeur et un membre non professeur;
pour les examens au brevet de capacité scientifique, deux pro-
fesseurs et un membre non professeur. Les membres de cha-
que catégorie sont appelés à tour de rôle à faire partie de
jurys d'examen; ils sont remplacés à chaque session. En cas
d'empêchement du chef de service de l'instruction publique,

— 488 —
on appelle un professeur et la présidence est dévolue à un
membre non professeur. Un examinateur spécial est adjoint,
s'il y a lieu, pour les langues vivantes.
Les matières et les formes de l'examen sont les mêmes que
pour le baccalauréat en France. Les dispenses de conditions
d'âge sont accordées par le ministre des colonies. La déli-
vrance du brevet de capacité est faite par le gouverneur sans
aucun frais.
Un décret du 31 juillet 1896 ayant modifié le nombre et la
composition des épreuves écrites de la 1re série de la 2e par-
tie du baccalauréat de l'enseignement secondaire classique, ces
dispositions ont été, par décret du 24 janvier 1897, déclarées
applicables dans les colonies de la Martinique, de la Guade-
loupe, de la Réunion et des établissements français dans
l'Inde.
§ 4. — Enseignement primaire.
568. C'est cette branche de l'enseignement qui est la plus
répandue dans nos colonies. A la Guadeloupe, à la Martinique
et à la Réunion sont applicables : la loi du 16 juin 1881 sur les
titres de capacité, l'article 1er de la loi du 16 juin 1881 sur la
gratuité, la loi du 18 mars 1882 sur l'obligation et, enfin, celle
du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement pri-
maire. Il s'ensuit que, dans ces colonies, renseignement pri-
maire est obligatoire et gratuit, que le personnel enseignant
doit être laïque et avoir les brevets de capacité exigés par la loi.
Les personnes qui veulent y ouvrir des écoles privées sont
soumises aux mêmes obligations que si elles se trouvaient en
France. Il n'y a donc plus sur ce point aucune différence entre
la législation métropolitaine et celle des Antilles et de la
Réunion.
A la Martinique, la laïcisation était déjà faite en vertu
d'arrêtés locaux antérieurs à 1886. La Guadeloupe avait
adopté le régime congréganiste ; elle a dû, par conséquent,
pour obéir aux prescriptions de la loi de 1886, transformer le
personnel, tout au moins celui qui est affecté aux écoles de
garçons. La Réunion se trouvait sous un régime mixte, car'

— 489 —
à côté d'un grand nombre
d'instituteurs et d'institutrices
laïques, il y avait les frères des écoles chrétiennes et les
sœurs de Saint-Joseph de Gluny.
569. Nous n'avons pas besoin d'insister plus longtemps sur
l'enseignement primaire dans ces trois colonies, puisqu'en
réalité, il se trouve assimilé à celui de la métropole, qu'il en
suit toutes les régies, et qu'il suffit, pour en connaître le régime
de se reporter aux lois de la France.
Signalons seulement le décret du 26 septembre 1890, qui
met en harmonie les dispositions de la loi de 1886 avec l'or-
ganisation des Antilles et de la Réunion. Il institue notamment
un comité central de l'instruction publique destiné à tenir lieu
du conseil départemental de la métropole. Ce comité est com-
posé du gouverneur, président, du proviseur ou du secrétaire
général, vice-président; de qualre conseillers généraux élus
par leurs collègues, d'un fonctionnaire du lycée désigné par le
gouverneur, sur la proposition du directeur de l'école normale,
d'un inspecteur primaire, de deux instituteurs et de deux ins-
titutrices élus respectivement par les instituteurs et les institu-
trices publics de la colonie.
Le décret stipule, dans son article 19, que les attributions
conférées dans la métropole par les lois des 28 mars 1882 et
20 octobre 1886 au conseil départemental, seront exercées
par ce comité, celles du ministre de l'instruction publique par
le ministre des colonies, celles du préfet par le gouverneur,
celles do l'inspecteur d'académie par le chef de service de
l'instruction publique ou aujourd'hui, le secrétaire général.
Un autre décret, portant également la date du 26 septem-
bre 1890, a organisé le personnel de l'inspeclion primaire et
fixé les traitements des instituteurs et des institutrices. Les
dispositions qu'il contient se rapprochent sensiblement des
prescriptions insérées dans notre législation par les lois du
15 juillet 1889 et 25 juillet 1893 sur les dépenses de l'ensei-
gnement primaire.
L'expérience ayant démontré qu'une adaptation plus précise
encore de la législation métropolitaine était nécessaire, un
décret du 23 août 1902 déclare que les lois du 16 juin 1881
sur la gratuité, du 16 juin 1881 sur les titres de capacité, du
28 mars 1882 sur l'obligation, et du 30 octobre 1886 sur

— 490 —
l'organisation de l'enseignement primaire seront appliquées à
la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion avec certaines
modifications de détail résultant de la situation spéciale de ces
colonies et prévoit l'institution dans chaque commune d'une
commission scolaire et dans chaque colonie d'un conseil de
renseignement primaire (1).
En exécution de ce décret, un arrêté du ministre des colo-
nies en date du 8 janvier 1903, complété par un arrêté du
25 juillet 1904, a réglé le fonctionnement des établissements
publics et privés d'enseignement primaire, et la délivrance
des titres de capacité. Il a complété enfin le décret du 23 août
1902 en ce qui concerne le rôle des commissions scolaires et
des conseils de l'enseignement primaire.
569 bis. Le décret du 26 septembre 1890 n'avait établi dans
les colonies où la loi du 30 octobre 1886 a été appliquée,
c'est-à-dire à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion,
que trois classes d'inspecteurs primaires, alors qu'il en existe
cinq dans la métropole. Un décret du 24 mai 1898 a adopté
pour les inspecteurs primaires de ces colonies un classement
semblable à celui de la métropole. Ils sont répartis en cinq
classes, avec un traitement d'Europe qui varie de 3,000 à
5,000 francs et un supplément colonial égal au traitement
d'Europe; ils reçoivent en outre une indemnité annuelle de
déplacement.
569 ter. Une école d'arts et métiers a été créée à Fort-de-
France par arrêté local du 6 décembre 1852. Réorganisée par
arrêté du 23 octobre 1888, elle constitue une annexe de la
direction d'artillerie. Le nombre des élèves est de 26, admis
au concours.
570. Dans les colonies où la loi du 30 octobre 1886 n'est
pas applicable, l'organisation varie et se trouve réglée par des
(l)Ce dernier conseil est composé comme suit : 1° le chef du service de
l'instruction publique, président; 2» l'inspecteur primaire, vice-président;
3° le chef du service de santé; 4e deux conseillers généraux élus par
leurs collègues; 5° le directeur de l'école normale d'instituteurs, ou, à
défaut, un professeur du cours normal désigné par le chef du service
de l'instruction publique, lu directrice de l'école normale ou du cours

normal d'institutrices; 0° deux instituteurs et deux instituUices élus par
leurs collègues. Aucun membre ne peut se faire remplacer.

— 491 —
arrêtés locaux. Il en est ainsi notamment à la Guyane, ainsi
qu'à Saint-Pierre et Miquelon, où un collège d'enseignement
primaire a été supprimé par un décret du 21 septembre 1899
et remplacé par une école primaire publique.
La Chambre des députés ayant, dans sa séance du 22 jan-
vier 1903 (1) voté une résolution invitant le ministre des
colonies à laïciser tous les services dépendant de son dépar-
tement, un décret du 21 juin de la même année a spécifié
qu'à partir de la rentrée scolaire de septembre suivant, l'ensei-
gnement primaire dans les écoles publiques de garçons serait
exclusivement confié à des instituteurs laïques dans la colonie
de Saint-Pierre et Miquelon (n° 191).
571. Le service de l'enseignement a été complètement
réorganisé dans les colonies et territoires de l'Afrique occi-
dentale française par un arrêté du gouverneur général en
date du 24 novembre 1903, selon des conditions essentielle-
ment pratiques et remarquablement adaptées au pays.
L'enseignement donné dans les écoles créées ou à créer
dans l'Afrique occidentale française comprend : 1° un ensei-
gnement primaire élémentaire ; 2° un enseignement profes-
sionnel; 3° un enseignement primaire supérieur et com-
mercial ; 4° une école normale commune à toute l'Afrique
occidentale française ut destinée à assurer le recrutement des
instituteurs indigènes.
L'enseignement primaire élémentaire est donné dans les
écoles de village, dans les écoles régionales et dans les écoles
urbaines. Les écoles de village sont dirigées en principe par
des instituteurs indigènes; le programme de l'enseignement
y comprend essentiellement la langue française parlée. Les
écoles régionales sont établies dans les chefs-lieux des cercles
ou dans les centres importants ; les directeurs sont Français,
la durée des études est de trois ans et les élèves, à leur sortie,
reçoivent un certificat portant la mention « agriculture » ou
« travail manuel». Les écoles urbaines ont en principe un
per-
sonnel européen et l'enseignement y correspond à celui des
(1) Cl. circulaire du Ministre des Colonies, du 41 février 1903. B. O.
C., 1903, page 124.

— 492 —
écoles primaires de
la métropole. L'enseignement donné
dans les écoles régionales se distingue, au contraire, par cer-
taines particularités. Il comprend la langue française, la
langue arabe (en pays musulman), la lecture, récriture, les
éléments du calcul, de la géométrie, de l'histoire de France
dans ses rapports avec l'Afrique occidentale, des sciences natu-
relles dans leurs rapports avec l'hygiène, l'agriculture et les
industries locales: en outre, à chaque école régionale est
annexée une section d'agriculture et, chaque fois que les res-
sources locales le permettront, une section de travail manuel.
L'enseignement professionnel est donné dans des écoles élé-
mentaires professionnelles, constituées dans les centres ou
existent des ateliers de l'industrie privée, de la colonie ou de
l'Etat, et dans une école supérieure professionnelle, constituée
à Dakar sous le nom d'école « Pinet-Laprade ». Celte école a
pour but de former des maîtres-ouvriers des différents métiers ;
elle est divisée en trois sections correspondant au travail du
bois, du fer et de la pierre. Les élèves, dont le nombre est
fixé chaque année par le gouverneur général et qui doivent
avoir la ans au moins et 18 ans au plus, sont choisis parmi les
jeunes gens pourvus, dans une école élémentaire, du certi-
ficat d'études avec mention « travail manuel ». L'enseignement,
dont la durée est de trois ans, comprend une instruction pri-
maire et une instruction technique données par le personnel
enseignant de l'école, et une instruction pratique ou appren-
tissage dans un atelier de l'industrie privée, de l'Etat, ou de
la colonie, à Dakar. Un conseil de surveillance et de perfec-
tionnement est chargé d'arrêter le programme d'enseignement
de l'école et de surveiller son fonctionnement.
L'enseignement primaire supérieur et commercial est donné
dans une école primaire supérieure ouverte à Saint-Louis sous
le nom d'école Faidherbe. L'enseignement y est donné dans
une division préparatoire destinée à compléter les notions ac-
quises à l'école primaire élémentaire; dans une section admi-
nistrative préparant aux emplois coloniaux des travaux publics,
des douanes, des postes et des secrétariats généraux; dans une
section d'études secondaires dont l'objet est de mettre les élèves
en mesure de suivre les classes supérieures des lycées et col-
lèges de la métropole. L'école reçoit des internes et des externes.

— 493 —
Le personnel de l'école comprend 1 directeur, 5 professeurs
et
surveillants. L'école est administrée par le directeur sous
le contrôle d'un conseil d'administration. Il est institué, en
outre, près de l'école, un comité de patronage et de surveil-
lance composé de fonctionnaires et de commerçants notables
désignés par le lieutenant-gouverneur du Sénégal.
L'école normale, établie à Saint-Louis, comprend deux divi-
sions,
i première prépare aux fonctions d'instituteur dans
les écoles indigènes de l'Afrique occidentale française. La
seconde, subdivisée en trois sections, assure le recrutement des
interprètes, des cadis et des chefs. Le régime de l'école est
l'internat; la durée des études est de trois ans. Le personnel
de l'école comprend 1 directeur, des professeurs de lettres et
de sciences, 1 professeur arabe, des maîtres spéciaux, des sur-
veillants.
Enfin l'arrêté prévoit que l'enseignement des filles, à
mesure que le développement social de chaque colonie le
permettra, sera donné dans des écoles de village, des écoles
ménagères et des écoles urbaines. Une section normale, des-
tinée à former des institutrices indigènes, est annexée à l'école
laïque de filles de Saint-Louis.
571 bis. Il n'y a encore d'écoles au Congo français que
celles des missions catholiques et protestantes. Toutefois les
instructions générales du ministre des colonies du 11 février 1906
prévoient l'ouverture prochaine d'écoles laïques dans les prin-
cipaux centres de la colonie.
572. L'instruction primaire a été réglementée à Mayotte par
un arrêté du gouverneur, du 12 mai 1886. L'enseignement
est gratuit et obligatoire de 6 à 13 ans; l'obligation est sanc-
tionnée par des peines de simple police; il doit y avoir, au
moins, une école par quartier. Les instituteurs doivent être
Français.
A Nossi-Bé, un certificat d'études primaires élémentaires a
été créé en 1886, et un arrêté local du 25 janvier 1887 a régle-
menté le service scolaire qui est gratuit, mais n'est pas obli-
gatoire. Une commission d'instruction publique et un inspec-
teur primaire surveillent les écoles.
572 bis. L'enseignement primaire laïque à Madagascar n'a
encore été que partiellement organisé. Il repose sur une dis-

— 494 —
Unction entre l'instruction donnée aux enfants d'origine euro-
péenne et l'instruction donnée aux enfants d'origine indigène.
Pour les premiers, des arrêtés en date du 27 janvier 1903
ont créé à Tamatave et à Tananarive des écoles laïques de
garçons, dites écoles préparatoires. Ces écoles comprennent
deux divisions, la seconde se subdivisant en 4 sections : section
d'enseignement général, sections agricole, commerciale et indus-
trielle. L'instruction donnée y est, en somme, une combinaison
d'enseignement primaire, d'enseignement primaire supérieur,
d'enseignement professionnel et d'enseignement secondaire.
Pour les indigènes, un arrêté plus général est intervenu le
13 juin 1903. Aux termes de cet arrêté, complété par un arrêté
du 25 janvier 1904, l'enseignement est donné à Madagascar
dans des écoles officielles et des écoles privées, réparties au
point de vue de la surveillance pédagogique entre 4 cironscrip-
tions. Il est institué au chef-lieu de la colonie un conseil de
l'enseignement. L'instruction est obligatoire dans les faritany
où existe une école officielle. L'enseignement officiel est donné
dans des écoles régionales d'apprentissage industriel et agricole,
dans des écoles professionnelles de jeunes filles et dans des
écoles primaires rurales. L'arrêté mentionne en outre l'institu-
tion d'une école de médecine indigène organisée à Tananarive
par arrêté du 11 décembre 1894, d'une école professionnelle
organisée à Tananarive par arrêté du 30 décembre 1897, et
prévoit, en outre, la création d'une école d'agriculture et d'é-
coles administratives et commerciales.
573. Un décret du 24 mai 1898 a organisé l'enseignement .
primaire dans les établissements français de l'Inde. 11 l'a
déclaré obligatoire pour les enfants des deux sexes âgés de
six ans révolus à treize ans révolus. Les établissements d'en-
seignement primaire de tout ordre peuvent être publics, c'est-
à-dire fondés et entretenus par la colonie, ou privés, c'est-à-
dire fondés et entretenus par des particuliers ou des asso-
ciations. Toute commune doit être pourvue au moins d'une
école primaire publique centrale et d'un certain nombre d'é-
coles publiques de section rattachées, pour la direction, à une
école centrale. Dans les écoles publiques de tout ordre, le
personnel enseignant masculin est exclusivement laïque. Les
congrégations enseignantes établies dans la colonie peuvent

— 495 —
continuer à fournir des institutrices pourvues du brevet élé-
mentaire aux écoles publiques de filles. Les religieuses natives
destinées à enseigner le français dans les écoles de tilles
indiennes doivent, tant qu'elles seront maintenues, être pour-
vues au moins d'un certificat d'études primaires. L'enseignement
du français est obligatoire dans toutes les écoles publiques
ou privées de la colonie.
574. Le décret a, en outre, organisé l'inspection des établis-
sements d'instruction primaire publics ou privés. Les disposi-
tions du décret qui, à la môme date (n° 569 ), a réglé, au point
de vue du classement et du traitement, la situation des inspec-
teurs primaires aux Antilles et à la Réunion sont, d'ailleurs,
également applicables aux inspecteurs primaires de l'Inde
française.
Enfin, il a été institué au chef-lieu de nos possessions un
conseil colonial de l'instruction publique (1). Ce conseil veille
à l'application des programmes, des méthodes et des règlements
établis dans la colonie ainsi qu'à l'organisation de l'inspection
médicale, et, d'une manière générale, donne son avis sur toute
mesure pouvant contribuer au développement de l'instruction
primaire dans nos possessions.
575. L'organisation de l'enseignement primaire en Cochin-
chine est assez complète ; d'ailleurs, cette colonie possède un
régime d'instruction publique très développé qui embrasse
tous les degrés de l'instruction primaire.
Les écoles primaires se répartissent en écoles de premier,
de second et de troisième degrés, et on y donne un enseigne-
ment qui s'élève môme au delà de notre enseignement pri-
maire supérieur, sans pouvoir être cependant classé dans
l'enseignement secondaire.
Les écoles de premier degré sont de véritables écoles pri-
(1) Ce conseil est composé du gouverneur, président ; du chef du ser-
vice de l'instruction publique, vice-président; du chef du service de
santé: du principal du collège Calvé. école primaire supérieure établie

à Pondichéry. aux frais de la famille Calvé; du principal du collège
colonial; d'un magistrat nommé par le gouverneur; d'une directrice et
de trois directeurs d écoles centrales nommés par le gouverneur pour
trois ans; de quatre membres, dont deux natifs, nommés par le gou-
verneur, en conseil privé, pour trois ans.


— 496 —
maires: elles existent au chef-lieu de chaque arrondissement.
La durée des cours est de quatre ans. 11 faut, pour y entrer,
déjà savoir lire, écrire le quoc-ngu, et compter. Le programme
comprend la langue française, l'arithmétique, le système mé-
trique, le dessin, la géographie, la morale, le quoc-ngu, les
caractères chinois, des notions sur les sciences.
La colonie accorde, chaque année, un grand nombre de
bourses, et les élèves boursiers composent les 2/3 au moins
de la population scolaire; les enfants sont instruits, logés,
nourris et vêtus gratuitement. A la fin de la quatrième année,
ils passent un examen, et ceux qui le subissent avec succès
obtiennent un certificat d'études primaires ou sont admis aux
collèges du deuxième degré.
576. Les établissements du deuxième et du troisième degré
n'existent qu'à Saigon et à Mytho. Les cours du deuxième de-
gré durent également quatre ans, et les programmes compren-
nent les matières déjà enseignées dans les écoles du premier
degré, mais plus développées et auxquelles on a ajouté la
littérature, la cosmographie, l'algèbre, l'arpentage, le dessin
graphique et d'ornement, les sciences physiques et naturelles.
Les élèves obtiennent, à la sortie, un brevet élémentaire qui
leur donne la possibilité d'exercer les fonctions d'instituteur
de quatrième classe et certains emplois dans les administra-
tions publiques.
Ceux-là seuls qui ont obtenu ce brevet peuvent entrer dans
les écoles du troisième degré, dont les cours n'ont qu'une
durée de deux ans et comprennent la trigonométrie, la géo-
métrie descriptive et le dessin artistique. Les études se ter-
minent par l'obtention du brevet supérieur.
Les écoles communales de Saigon dépendent uniquement
de la municipalité, notamment en ce qui concerne le per-
sonnel enseignant, le maire, aux termes du décret du 8 janvier
1877, nommant à tous les emplois rétribués sur le budget de
la ville. Le gouverneur général de l'Indo-Chine et le lieutenant
gouverneur de la Cochinchine ne sauraient, en l'état actuel
de la législation, exercer eux-mêmes, à l'égard des instituteurs
et institutrices de ces écoles, les pouvoirs disciplinaires et les
droits de nomination ou de révocation attribués au maire.
577. Dans tous ces établissements, ainsi que dans toutes les

— 497 —
écoles primaires établies en Indo-Chine, spécialement en Annam
et au Tonkin, l'enseignement est confié à des maîtres français
et annamites. Le personnel français se compose d'un directeur
général de l'enseignement, d'un inspecteur des écoles françaises,
d'un inspecteur des écoles de caractères français, des directeurs
des collèges et écoles, de professeurs des différentes classes.
La hiérarchie comprend des professeurs stagiaires et quatre
classes de professeurs.
Nul n'est nommé professeur stagiaire s'il n'est muni du
brevet métropolitain pour l'enseignement primaire ou d'un
diplôme de bachelier. La durée de stage exigée pour être
nommé à la quatrième classe est d'un an de service dans la
colonie. Aucun professeur ne peut passer d'une classe infé-
rieure à une classe supérieure s'il n'a enseigné pendant deux
ans au moins en Indo-Chine et s'il ne justifie de la connais-
sance de la langue annamite. L'avancement est accordé par le
gouverneur général, après avis du directeur général de l'en-
seignement.
Les directeurs des collèges et écoles sont choisis parmi les
professeurs ; ils jouissent de la solde de la classe à laquelle
ils appartiennent comme professeurs et d'une indemnité sup-
plémentaire.
Le personnel indigène comprend des professeurs divisés en
quatre classes et des instituteurs également divisés en quatre
classes, qui doivent justifier de leur moralité et remplir les
conditions de capacité exigées par les règlements locaux.
Outre les écoles publiques, il existe encore en Indo-Chine
des écoles libres dirigées par des missionnaires appartenant
à des congrégations françaises et même, dans certaines par-
ties de l'Indo-Chine, à des congrégations espagnoles.
578. En Nouvelle-Calédonie, l'enseignement primaire est
bien organisé: presque tous les centres possèdent,des écoles
à la tète desquelles se trouvent des instituteurs et des institu-
trices recrutés dans la colonie.
Un décret du 2G septembre 1902 a fixé dans ses lignes
générales l'organisation de l'enseignement primaire en Nou-
velle-Calédonie. Cet enseignement est donné dans des écoles
de centres, dans des écoles maternelles, dans des écoles de
section instituées là où il n'existe pas de population agglomé-
COLONIES, I.
32

— 498 —
fée, dans des écoles privées et dans des écoles indigènes
destinées à propager l'usage du français et à initier les indi-
gènes à des métiers manuels. La gratuité et la laïcisation de
l'enseignement primaire sont absolus dans les écoles de centre
et dans les écoles maternelles.
Il y a, enfin, des écoles primaires dans les établissements
de l'Océanie, où on trouve une école pour garçons et filles,
dirigée par des instituteurs et des institutrices laïques. L'en-
seignement primaire ordinaire est presque entièrement entre
les mains d'instituteurs libres, appartenant au culte réformé.
579. Les décrets des 17 septembre 1902 et 1er avril 1903
(n03 5 6 0 et 561) ont prévu l'existence dans les lycées de la
Guadeloupe, de la Réunion et de la Martinique d'un cours
normal destiné à assurer le recrutement des instituteurs de ces
colonies.
On a vu de même (nos 571 et 571 bis) que le service de
l'enseignement dans les possessions dépendant de l'Afrique
occidentale française comprenait l'institution d'une école nor-
male établie à Saint-Louis et assurant le recrutement des
instituteurs indigènes, ainsi que celle d'une section normale
annexée à l'école laïque de filles de Saint-Louis en vue de
permettre la formation d'un cadre d'institutrices indigènes.
ARTICLE 5. — Cultes (1).
580. L'administration des cultes aux colonies repose sur le
principe du libre exercice de tous les cultes, sous la surveil-
lance du gouverneur. La France n'a pas imposé aux popu-
lations qu'elle soumettait, l'abandon de leurs croyances, même
de celles qui sont les plus opposées à ses moeurs, comme les
cultes hindous dans les Indes et le fétichisme de certaines peu-
plades africaines.
Les principaux cultes que l'on trouve aux colonies sont les
(1) La loi du 9 décembre 1905 sur
la séparation des Eglises et de
l'Etat est, en principe, applicable aux colonies, mais le régime qu'elle
établit ne doit y être mis en vigueur qu'après l'intervention d'un règle,
ment d'administration publique actuellement à l'étude

Nous reprodui-
sons donc l'article tel qu'il a paru dans les précédentes éditions.

— 499 —
cultes catholique, protestant, musulman, brahmanique et boud-
dhiste (1).
§ t. — Culte catholique.
581. En ce qui concerne le culte catholique, les colonies se
divisent en deux groupes: le premier comprend celles qui
sont pourvues d'un évèché, c'est-à-dire la Martinique, la Gua-
deloupe et la Réunion; dans le second sont groupées toutes
les autres colonies.
Les Antilles et la Réunion ont une organisation religieuse à
peu près identique à celle qui est réglée pour la France, par
le Concordat. Cette organisation date des décrets du 18 dé-
cembre 1850 et du 3 lévrier 1851, qui ont créé, puis organisé,
les évêchés de chacune de ces colonies
582,. L'article 1er du décret du 3 février 1851 dispose que
les évôchés des Antilles et de la Réunion sont organisés con-
formément aux lois canoniques et civiles et autres actes ap-
pliqués en France. On s'est demandé si le Concordat était
applicable : il résulte nettement de la législation coloniale
qu'il n'y a jamais été régulièrement promulgué, malgré les
instructions ministérielles [tour les Antilles, malgré l'arrêté du
12 frimaire an XI, pour la Réunion; mais on s'accorde pour
considérer les décrets de 1850 et de 1851 comme comportant
promulgation. En effet, si on rapproche les termes cités plus
haut de l'article 1er du décret de 1851 de ceux du décret de
1850, qui fait des évèques de ces colonies des suffragants de
l'archevêque de Bordeaux, on ne saurait nier qu'il en résulte
la preuve que l'intention du gouvernement était de soumettre
les Antilles et la Réunion au régime concordataire.
583. Les évèques sont nommés dans les mêmes conditions
que les évèques de France. Ils traitent directement avec le
gouverneur des affaires de leur diocèse. Ils sont membres
de droit, du conseil privé, chaque fois qu'il y est question
d'affaires relatives aux cultes (2) ; ils peuvent correspondre
(1) Il y a des mormons AUX Tuamotus.
(2) Dec. du 25 mai 183-2, art. 1er : « Sont abrogées, en ce qui concerne
les affaires de l'instruction publique, les dispositions de l'article 13 du
décret du 3 février 1851, concernant les évèchés.


— 500 —
directement avec le gouvernement métropolitain, mais sous
la condition d'adresser copie de cette correspondance au gou-
verneur, dans les cas où l'intervention de celui-ci est re-
quise.
584. Les mandements et les lettres pastorales peuvent être
imprimés, sans qu'il soit besoin d'une autorisation du gou-
verneur, mais sous réserve, toutefois, que deux exemplaires
soient remis à l'administration.
Les évêques exercent sur l'impression, la réimpression et
la publication des livres d'église, d'heures et de prières, clans
leur diocèse, les mêmes pouvoirs que les évêques de France
tiennent du décret du 18 germinal an X.
Ils peuvent être assistés par un vicaire général nommé
dans les mêmes conditions qu'en France. Le vicaire général
qui gouverne pendant la vacance est en possession des pou-
voirs attribués aux évêques, mais il n'a droit ni aux préroga-
tives de préséance ni aux mêmes honneurs.
585. Le recrutement du clergé est assuré par le séminaire
du Saint-Esprit, qui pourvoit à l'éducation ecclésiastique et à
l'entretien des élèves boursiers, au moyen de la subvention
qu'il reçoit du gouvernement.
La congrégation du Saint-Esprit avait déjà, avant la Révolu-
tion de 1789, des établissements dans plusieurs de nos colo-
nies; un décret du 13 germinal an XII la chargea du service
religieux dans toutes nos possessions ; des ordonnances des
3 février et ο avril 1816, 23 juillet et 3 septembre 1817,
confirmèrent le privilège de la congrégation et lui accor-
dèrent une subvention. Le 21 décembre 1819, une somme de
106,000 francs fut accordée à la congrégation pour le rachat
de l'immeuble affecté au séminaire, sous la condition « que
« dans le cas où le séminaire du Saint-Esprit viendrait à
« cesser d'exister, pour quelque cause que ce soit, ou d'oc-
« cuper personnellement, pour l'usage spécial auquel il
est
« affecté, les bâtiments dont il s'agit, l'État entrerait immédia-
« tement en toute propriété en possession de l'immeuble ».
Les arrangements passés avec la congrégation furent portés
à la connaissance des gouverneurs des colonies par une cir-
culaire du 10 mai 1820 dans laquelle on lit le passage suivant:
« Jusqu'à ce que la congrégation soit en état de suffire, par

— 501 —
« des sujets sortis de son sein, à tous les besoins du service
« religieux dans nos établissements des deux Indes, il sera
« pourvu aux vacances qui surviendront à l'aide de prêtres
« tirés des divers diocèses; mais ces ecclésiastiques ne seront
« envoyés à leur destination qu'après avoir passé un certain
« temps au séminaire du Saint-Esprit. »
Une dépêche ministérielle du 24 décembre 1823 avait fixé à
1,200 francs la prestation annuelle de chacun des six direc-
teurs professeurs et à 500 francs l'indemnité allouée pour
chaque élève entretenu effectivement, le tout jusqu'à concur-
rence de 50,000 francs. Après diverses tentatives faites en vue
de se passer du concours de cet établissement, une décision
du 14 novembre 1850 a fixé ainsi le cadre; 1 supérieur, à
2,000 francs; C directeurs à 1,500 francs, 55 élèves (1) à
700.francs. Les allocations attribuées au supérieur et aux pro-
fesseurs n'ont pas varié; mais le montant de la pension des
élèves a été porté à 825 francs (net 800 francs), par décision
ministérielle du 28 décembre 1874; ce qui a porté la subven-
tion à la somme netto de 66,447 francs.
Tous les élèves ne persistent pas dans la carrière qu'ils
embrassent; il en résulte des éliminations parfois nombreuses.
Lorsqu'elles ont pour cause le défaut de santé, le Département
des colonies ne peut que les subir; mais il arrive quelquefois
que des élèves, soit en cours d'étude, soit après leur ordina-
tion, se refusent à suivre leur destination coloniale par irréso-
lution, caprice ou mauvaise volonté. Ils sont tenus, dans ce
cas, de rembourser le montant des frais occasionnés par leur
séjour au séminaire.
586. Le clergé colonial ne comprend pas de curés; il n'y
a que des desservants qui sont nommés par le ministre des
colonies sur la présentation du séminaire du Saint-Esprit.
Dans la pratique, la colonie fait connaître au ministre les
vacances produites dans le cadre des desservants: le ministre
adresse une demande au séminaire et inscrit au cadre les
ecclésiastiques qui lui sont désignés.
Les desservants ne peuvent être suspendus, révoqués ou
(1) Chiffre porté à 70 en 1854.

— 502 —
renvoyés en France par le gouverneur, que d'accord avec
1'évêque. Leur traitement peut être suspendu et supprimé par
mesure disciplinaire. Cette faculté est reconnue au gouver-
nement par un avis du Conseil d'État en date du 30 avril
1885 (1).
Un membre du clergé colonial ne peut être renvoyé d'une
de nos possessions que d'accord avec l'évêque. Cette règle ne
lie pas seulement le gouverneur; elle s'impose également au
ministre, qui ne peut envoyer un desservant d'une colonie
dans une autre, sans avoir obtenu l'assentiment de l'évèque.
La jurisprudence du Conseil d'Etat, qui s'autorise des termes
du décret du 3 février 1851, est très nettement établie dans
ce sens (2).
587. Le régime des fabriques est réglé par le décret du
3 février 1851 (art. 19) et par celui du 31 octobre 1860. En
principe, ce sont les dispositions du décret du 30 décembre
1809 qui sont appliquées; cependant, depuis 18GG, les pouvoirs
réservés au chef de L'État, aux ministres de l'intérieur et des
cultes, aux préfets et aux conseils de préfectures, sont exer-
cés par le gouverneur en conseil privé. Par exception, le
directeur de l'intérieur était investi, quand il existait, des attri-
butions dévolues aux préfets par les articles G, 10, 553, 93,
94, 95 et 97 du décret de 1809, et par les articles 5 et G de
l'ordonnance du 12 janvier 18 22.
Les articles 38, 39, 40 et 9G du décret de 1809 ne sont point
applicables aux colonies, en ce qui concerne l'intervention des
conseils municipaux pour l'établissement et le payement des
vicaires.
588. Ainsi que nous venons de le dire plus haut, c'est en
principe le gouverneur, en conseil privé, qui a mission d'ap-
pliquer les textes qui régissent les fabriques: il détermine,
dans les mêmes conditions, les dépenses ou prestations spé-
ciales qui doivent, être payées par les fabriques, conformé-
ment aux usages locaux.
Cette législation a-t-elle pour effet de modifier ou d'abroger
les dispositions spéciales des ordonnances organiques ? Celles-ci
(1) Cons. d'Et. 30 avril 1885.
(2) C. d'Et., 14 janvier 1898 (Aff. Lancelot

— 503 —
portent que le directeur de l'intérieur a, dans ses attributions
l'examen des budgets des fabriques, la surveillance de l'em-
ploi des fonds qui leur appartiennent, la vérification et l'apu-
rement des comptes. Ces attributions n'appartiennent pas aux
préfets et il convient d'ajouter que si elles ont été données
aux directeurs de l'intérieur par les textes précités, cela tient
sans doute à ce que, lors de leur publication, aucune des dis-
positions du décret de 1809 n'était en vigueur dans les colo-
nies et que le chef du clergé était un préfet apostolique et
non un évèque; le législateur avait dû conférer à un chef
d'administration, gui ne pouvait être que le directeur de
l'intérieur, les pouvoirs en question.
Aujourd'hui c'est à l'évèque qu'appartiennent la surveillance
du budget, la vérification et l'apurement des comptes, en
vertu des textes empruntés à notre législation de 1809. Il est
bon de faire observer que ce régime reste encore applicable aux
colonies; celles-ci, en effet, échappent aux prescriptions du
décret de 1893 qui a transporté de l'évèque au conseil de pré-
fecture l'apurement des comptes. Est-ce à dire que l'autorité
administrative n'intervienne jamais? Non, car lorsqu'il s'agit
des suppléments de ressources dues aux fabriques pur les
communes, aux termes des articles 92 et 93 du décret de 1809,
le budget de la fabrique doit être porté au conseil municipal
qui délibère sur le moyen de faire face aux obligations qui lui
sont imposées. La délibération du conseil municipal est
adressée au gouverneur de l'intérieur qui la communique pour
avis à l'évèque ; en cas de dissentiment, le conflit est porté
devant le conseil privé.
589. Les communautés et congrégations religieuses ne peu-
vent s'établir aux Antilles et à la Réunion qu'en suivant les
règles établies pour la France ; toutefois, l'évèque peut, d'ac-
cord avec le gouverneur, les autoriser provisoirement. Quand
l'autorisation définitive est accordée, les congrégations sont
soumises au même régime que dans la métropole.
590. Dans les colonies du second groupe, c'est-à-dire dans
celles qui ne sont pas pourvues d'évèchés, le culte catholique
n'est pas complètement organisé : néanmoins il est, dans la
plupart, dirigé par un prêtre qui porte le titre de préfet apos-
tolique. Cet ecclésiastique n'a pas des pouvoirs aussi étendus

— 504 —
que les évèques, car il ne peut pas conférer les ordres sacrés,
mais le Saint-Siège lui donne le droit d'administrer le sacre-
ment de la confirmation. Quant à son action administrative,
elle est à pen près identique à celle des évèques : toutefois,
d'après les arrêtés des 13 messidor an X et 12 frimaire an XI, il
est révocable par le gouvernement et les nominations de des-
servants qu'il fait doivent être agréées par le chef de la colonie.
591. Au Sénégal, le préfet apostolique a été autorisé à ac-
cepter, sous le titre d'évêque in parlibus, la direction du
culte catholique dans les dépendances du Sénégal, mais les
deux juridictions restent bien distinctes, quoique réunies dans
la même main.
Dans l'Inde, à la suite d'une entente avec le Saint-Siège, la
préfecture apostolique de Pondichéry a été supprimée et ses
pouvoirs transmis à un vicaire apostolique qui a été en même
temps nommé archevêque. Un décret du 24 juin 1887 a, par
suite, abrogé l'ordonnance du 11 mai 1828 sur le service du
culte catholique dans les établissements de l'Inde. Le budget
ne paye plus que les curés de Chandernagor, Mahé et Yanaon.
L'archevêque doit toujours être choisi parmi les membres
français du séminaire des missions étrangères de Paris; mais
son choix échappe au gouvernement français.
A la Guyane, le service du culte est, en principe, placé
sous la direction d'un préfet apostolique, mais par suite de
difficultés survenues entre le ministre des colonies et la congré-
gation du Saint-Esprit, au sujet de la désignation du titulaire,
l'emploi a été longtemps vacant et géré par un supérieur
ecclésiastique.
592. Quant a nos autres possessions, elles sont sous la di-
rection religieuse des représentants de la congrégation du
Saint-Esprit ou de missionnaires qui sont subventionnés : tou-
tefois au Congo, à Madagascar, en Nouvelle-Calédonie, il y
a des évoques in parlibus. D'après une dépêche ministé-
rielle du 31 octobre 1873, applicable à la Nouvelle-Calédonie,
les rapports entre les gouverneurs et ces ecclésiastiques doivent
être établis conformément au décret du 3 février 1851, sans
que cela implique la reconnaissance en tant qu'institution
ecclésiastique des vicariats apostoliques.
En Cochinchine, la séparation de l'Église et de l'État est un

— 505 —
fait accompli : depuis 1881, la subvention allouée jusqu'alors
à la mission a été supprimée : la colonie ne pourvoit qu'aux
dépenses de matériel et d'entretien de l'évêché de Saigon. C'est
également sous le régime de la séparation que se trouvent
placées les autres possessions d'Indo-Chine.
§ 2. — Culte protestant.
593. Le service du culte protestant n'est assuré par la mé-
tropole que dans trois colonies, à la Guadeloupe où deux pas-
teurs protestants sont entretenus, à la Nouvelle-Calédonie qui
possède également deux pasteurs protestants (un à Nouméa
et le second aux îles Loyally) et enfin à Tahiti.
Dans cette dernière colonie où la presque totalité des habi-
tants est protestante, le service du culte a été réglementé par
un décret du 23 janvier 1884, portant organisation des églises
protestantes dans les établissements français de l'Océanie.
D'après ce texte, dans chaque district de Tahiti et de Moorea,
il y a une église et une paroisse protestantes, placées sous le
ministère d'un pasteur protestant indigène, qui préside un
conseil de direction, composé de quatre à douze diacres, sui-
vant l'importance des paroisses.
Tahiti et Moorea sont divisés en trois arrondissements diri-
gés chacun par un conseil composé de trois délégués de chaque
district, le pasteur et deux diacres, désignés par le conseil de
chaque paroisse.
Il y a, en outre, un conseil supérieur composé : 1° de tous
les pasteurs ou ministres français, résidant dans les établisse-
ments et ayant charge de paroisses ou direction d'écoles;
2° de cinq délégués élus par chaque conseil d'arrondissement.
594. Chacun de ces conseils a des attributions spéciales.
Le conseil de paroisse maintient l'ordre et la discipline dans
l'église, veille à l'entretien des édifices religieux, administre
les biens de la paroisse, accepte les dons et legs, règle l'em-
ploi des fonds et nomme aux emplois subalternes. Il désigne
aux électeurs les candidats au ministère pastoral et a sur les
paroissiens des droits de discipline ecclésiastique. Il doit tenir
l'enregistrement des baptêmes et des mariages.
Le conseil d'arrondissement contrôle l'administration des

— 506 —
paroisses et prononce en appel sur les décisions de leurs con-
seils. Il statue sur la suspension et la révocation des diacres
sous cette réserve qu'en cas de dissentiment avec le conseil
paroissial, la décision appartient au conseil supérieur. Il sou-
met l'élection des pasteurs à la confirmation du gouverneur.
Quant au conseil supérieur, il préside à l'établissement et au
maintien de la discipline ecclésiastique et religieuse dans les
paroisses. Il surveille et contrôle l'administration des conseils
d'arrondissement et statue en dernier ressort sur toutes les
affaires qui lui sont déférées. Il émet un avis sur les demandes
des conseils de paroisse à l'effet d'accepter ou de refuser les
dons et legs, d'ester en justice, etc. Il ordonne la consécration
des candidats au ministère religieux et soumet à l'approba-
tion du chef de la colonie la révocation ou la suspension des
pasteurs.
Les décisions du conseil supérieur sont portées à la con-
naissance du gouvernement local qui a un délai de huit jours
pour faire opposition. En cas d'opposition, le conseil supérieur
doit être convoqué dans un délai de deux mois pour délibérer
à nouveau sur la question pendante en présence d'un délégué
du gouverneur qui a voix consultative. Si le conseil maintient
sa décision et le gouvernement son opposition, l'affaire est
portée devant un conseil spécial composé d'un représentant de
l'administration, d'un membre du conseil colonial indigène,
d'un membre du conseil supérieur et de deux délégués de la cour
des Toohitus, appartenant au culte réformé et choisis de pré-
férence parmi ceux de ses membres qui ne font pas partie du
conseil supérieur.
Les décisions du conseil spécial, présidé par le directeur
de l'intérieur, sont toujours définitives.
595 Les pasteurs élus doivent avoir l'agrément du gouver-
neur.
Sont éligibles : les Français ayant déjà été consacrés en
France, les indigènes âgés de vingt-cinq à cinquante-cinq ans
qui justifient de leur qualité de membre de l'Église depuis
quatre ans au moins et qui satisfont aux conditions exigées
par le conseil supérieur.
Les fonctionnaires, sauf les instituteurs, ne peuvent être
élus : il en est de même des commerçants.

— 507 —
Les ministres convaincus de fautes contre la discipline ec-
clésiastique et religieuse ne peuvent continuer leurs fonctions.
La même incapacité atteint ceux qui ont subi des condamnations
judiciaires pour crimes ou délits et ceux qui conspirent contre
l'autorité dûment établie ou s'opposent à l' exécution des lois.
Les diacres sont choisis à l'élection ; pour être éligible, il faut
faire partie de l'Eglise depuis trois ans au moins ; avoir, si
on est marié, une femme appartenant aussi à l'Eglise et élever
ses enfants dans la foi protestante. Sont électeurs tous les ha-
bitants du district âgés de plus de vingt et un ans, jouissant
de leurs droits civils et politiques, Français d'origine, ou
Océaniens, ayant deux ans de séjour dans la colonie. Les
étrangers peuvent être admis à voter, s'ils ont obtenu du con-
seil supérieur leur inscription sur la liste électorale et s'ils
justifient de trois ans de séjour.
§ 3. (Ailles musulman, brahmanique, bouddhiste, etc.
596. La France ayant laissé subsister les cultes des pays
dans lesquels elle s'établissait, on rencontre dans nos posses-
sions des populations musulmanes brahmanistes, bouddhistes
et fétichistes. Il n'entre pas dans le cadre de cette étude de
décrire chacune des religions pratiquées, ni même de donner
un aperçu sommaire de leur fonctionnement administratif.
D'ailleurs, pour la plupart d'entre elles, les prescriptions de
la loi religieuse et de la loi civile se trouvant confondues,
leur étude trouve mieux sa place à la partie relative à la
législation locale de cet ouvrage.
L'Afrique occidentale française, qui compte un très grand
nombre de musulmans est soumise aux mêmes prescriptions
réglementaires que l'Algérie.
Dans l'Inde, ou les cérémonies extérieures du culte sont
très fréquentes, le gouverneur est armé d'un pouvoir discré-
tionnaire pour les autoriser ou les interdire; ce droit a été
rappelé par un décret du 18 septembre 1877. Il n'est autorisé
de procession ou de cérémonies extérieures que celles qui
sont prévues par le tamoul ou la loi religieuse, ou qui sont
motivées par un mariage ou des fêtes de famille. Tous les

— 508 —
cultes indistinctement bénéficient de cette tolérance, à la
condition, toutefois, que les chants et airs de musique cessant
quand la procession passe devant un édifice consacré à un
culte dissident.
L'administration des établissements religieux, mosquées ou
pagodes, et des biens qui en dépendent, appartient à des
comités nommés à l'élection.
§ 4. — Cimetières.
597. La législation sur les cimetières est réglée, dans la
plupart des colonies, par les dispositions qui régissent la
matière dans la métropole et notamment par les décrets du
23 prairial an XII et du 18 mai 1806, par la loi du 15 novembre
1881 portant abrogation de l'article 15 du premier de ces dé-
crets et par la loi du 5 avril 1884 sur le régime municipal.
Aux Antilles, à la Réunion, à la Nouvelle-Calédonie, à la
Guyane, le législateur local a promulgué purement et simple-
ment les textes métropolitains ou se les est appropriés dans
des arrêtés réglementaires. D'autre part, un décret du 15 dé-
cembre 1881 a promulgué, dans toutes les colonies, à l'excep-
tion du Sénégal, des établissements de l'Inde et de la Cochin-
chine, la loi du 15 novembre 1881; on peut donc dire que,
sauf dans les trois colonies qui viennent d'être indiquées, la
législation coloniale est semblable à celle de la métropole.
Les motifs qui ont amené le gouvernement à formuler des
réserves à l'égard de ces trois colonies, sont tirés de la situa-
tion religieuse de leur population et de la nécessité de ne
froisser aucune croyance. Les gouverneurs ont été laissés
libres, d'après les instructions de 1881, d'appliquer la législa-
tion métropolitaine dans la mesure qui leur paraissait compa-
tible avec les mœurs du pays et ils ont maintenu le statu quo.
Au Sénégal, la législation se trouve dans des arrêtés du
gouverneur en date du 7 juillet 1829 et 14 mai 1850; une
décision du 4 octobre 1856, spéciale à un fait particulier
(autorisation d'inhumation dans une propriété privée), vise,
mais à titre consultatif, le décret du 23 prairial an XII. Tous
ces actes sont relatifs aux cimetières chrétiens, aucun ne se

— 509 —
réfère aux cimetières musulmans et on ne trouve aucune dis-
position relative soit à la création d'un cimetière musulman,
soit à l'emplacement qui doit être réservé dans les cimetières
communaux aux individus appartenant à cette religion ou à
d'autres cultes.
Dans l'Inde, on s'est inspiré des textes métropolitains : le
principal règlement est celui du 23 avril 1850, dont l'article 1er
pose en principe que l'arrêté ne s'applique qu'aux cimetières
destinés aux blancs et aux gens à chapeau (1) du culte chré-
tien. Cependant l'article 13 soumet à la surveillance de la
police tous les autres cimetières.
Un arrêté local du 7 mars 186i règle les conditions d'inhu-
mation en Cochinchine : cet arrêté se réfère au décret du
23 prairial an XII. Une circulaire du directeur de l'intérieur du
2 janvier 1879 recommande aux administrateurs d'approprier
au chef-lieu de chaque arrondissement un terrain destiné à la
sépulture des Européens.
§ 5. — Dons et legs.
598. Les cultes, envisagés dans leur universalité et en de
hors de la loi de liberté qui leur est commune, sont soumis,
sauf une exception (V. n° 599), à une réglementation unique,
en ce qui concerne la législation des dons et legs.
Aux termes des ordonnances organiques des colonies, le
gouverneur est compétent pour autoriser l'acceptation des
dons et legs pieux ou de bienfaisance, dont la valeur est infé-
rieure à 3,000 francs, sauf à en rendre compte au ministre des
colonies. Au-dessus de cette somme, l'autorisation du chef de
l'État, statuant par décret en forme de règlement d'adminis-
tration publique, est nécessaire.
Les règles à suivre pour l'acceptation des dons et legs sont
consignées dans l'ordonnance du 30 septembre 1827 spéciale
\\i) Les gens à chapeau, ou topas (de topy, mot tumoul
signifiant cha-
peau), sont les métis provenant des unions entre Européens et natifs,
auxquels seuls il ét lit autrefois permis do porter le costume européen
et par suite le chapeau.

— 510 —
aux colonies. D'après cet acte, lorsque l'autorisation du chef
de l'État est nécessaire, le gouverneur doit transmettre au
ministre : 1° s'il s'agit d'un legs, l'extrait en due forme du tes-
tament qui le renferme, et en cas de réclamation des héritiers,
copie de leur requête ; 2° s'il s'agit d'une donation entre vifs
déjà effectuée, expédition de l'acte qui l'a consacrée ; si la
donation n'est que projetée, copie de la requête motivée du
donateur. Dans ces divers cas, le gouverneur prend l'avis
du conseil privé sur la convenance de l'acceptation, sur la
nature et les effets des dons et legs institués, sur les besoins
des établissements auxquels ils sont destinés, ainsi que sur la
position de fortune des parents ou héritiers du testateur ou
donateur.
Depuis un avis du Conseil d'Etal du 7 novembre 1883, cette
disposition a été étendue aux parents ou héritiers présents en
France : dans ce cas, l'enquête est faite par l'autorité préfec-
torale sur la demande du ministre. S'il y a charge de service
religieux, l'avis de l'évêque doit être demandé et joint au dossier.
Enfin, pour qu'un établissement religieux soit autorisé à
recevoir un legs, il est nécessaire qu'il soit investi de la per-
sonnalité civile. Ainsi des décrets du 28 mars 1899 et du
2 août 1900 ont déclaré, après avis du Conseil d'État, qu'il
n'y avait pas lieu de statuer sur des legs faits à l'établisse-
ment des frères de Ploërmel et à celui des sœurs de Saint-
Joseph de Cluny, à Saint-Louis (Sénégal), qui, considérés
isolément, n'avaient pas d'existence legale.
L'acceptation des dons et legs, après avoir été dûment au-
torisée, est faite : par les maires, les administrateurs d'hos-
pices ou de collèges, lorsqu'il s'agit de libéralités en faveur
de communes, d'établissements d'assistance publique, ou de
l'instruction publique; par le curé, lorsqu'il s'agit de libéralités
envers la cure ou les desservants successifs ; par les marguil-
liers en charge ou par le trésorier de la fabrique, lorsque les
donateurs ou testateurs ont disposé en faveur des fabriques ou
pour l'entretien des églises et le service divin (chaque fonda-
tion de ce genre doit toutefois être acceptée par le conseil
de fabrique et homologuée par le gouverneur) : par le supé-
rieur des associations religieuses reconnues, lorsqu'il s'agit de
libéralités au profit de ces associations.

— 511 —
Il est statué par le gouverneur ou le Président de la Répu-
blique, suivant la distinction déjà indiquée, sur l'emploi des
sommes données ou lég uées ainsi que sur la conservation ou la
vente des objets mobiliers, lorsque le donateur ou le testateur
n'a pris aucune disposition à cet égard. Les sommes données
ou léguées sont converties en rentes sur l'État, lorsqu'il n'y a
pas d'autre emploi reconnu nécessaire ou plus utile ; elles sont
immobilisées et ne peuvent être aliénées sans l'autorisation
du Président de la République ou du gouverneur, suivant que
les rentes à aliéner représentent une valeur en capital supé-
rieure ou non à 3,000 francs.
Le régime en vigueur pour l'exécution des legs est, d'ailleurs,
le même que dans la métropole; les tiers intéressés conser-
vent, malgré la décision autorisant l'acceptation des dons et
legs, la faculté de se pourvoir par les voies de droit contre les
dispositions dont l'acceptation est autorisée.
599. Ces dispositions sont, en principe, applicables aux libé-
ralités faites à tous les établissements religieux, quel que soit
leur dogme; une exception, toutefois, a été faite par le législa-
teur de 1827, en ce qui concerne les fondations de charité faites
dans les établissements français de l'Inde par les gentils ou
indiens catholiques, qui sont autorisées, suivant les lois du
pays, par le gouverneur. Cette exception peut donner lieu à
certaines difficultés quand il s'agit, par exemple, d'une doua-
lion sous réserve d'usufruit faite à une pagode. La section des
finances du Conseil d'État a émis, à ce sujet, l'avis (18 juin
1884) qu'il y avait lieu de se conformer aux prescriptions de
l'ordonnance de 1831 « parce qu'il ne paraît exister aux Indes
« françaises aucun motif particulier pour s'écarter des tradi-
« tions de la jurisprudence relatives à l'application, comme
« raison écrite, des dispositions de l'article 4 de l'ordonnance
« du 14 janvier 1831 ; qu'au contraire, quand il s'agit des na-
« tifs, il est particulièrement utile, à raison des complications
« du droit successoral des gentils et des musulmans, de prohi-
* ber une forme de libéralité qui ne permet pas aux héritiers
« de se faire connaître ». Mais, il convient de remarquer que,
par application de l'ordonnance de 1827, le gouverneur était
seul compétent pour autoriser ou refuser l'acceptation suivant
les règles du pays. Si on se reporte à ces règles, toujours en

— 512 —
vigueur, aux termes de l'arrêté de promulgation du Code civil
en date du 6 janvier 1819, on se convainc que la donation de-
vait être acceptée et que l'ordonnance de 1831 ne pouvait être
appliquée, le droit hindou autorisant la donation à cause de
mort ou sans réserve d'usufruit, sous cette condition que le
donateur n'aura pas la faculté de la modifier ou de la révoquer
sans le consentement du donataire.
ARTICLE 6. — Communications avec l'extérieur.
Communications intérieures.
§ 1. — Lignes de navigation (1).
602. Les colonies sont reliées à la métropole par des lignes
(1) Les différentes colonies sont desservies par les lignes régulières
suivantes :
1 départ par mois sur Saint-Na-
zaire.
1 départ par mois sur Bordeaux
et le Havre.
2 départs par mois sur New-York :
l'un par la Guayra, Port-au-
Prince; l'autre par Sanlo-))o-
mingo, Port-au-Prince.
3 départs par mois sur Colon, par
Compagnie
Tran-
la Trinité et la Cole terme.
satlantique.
2 départs par mois sur Saint-
Thomas et Port-au Prince : le
premier
par
Saint-Jean-de-
Martinique
et
Porto-Rico et le cap Haïtien;
Guadeloupe.
le second par Santo-Domingo
et Jacmel.
1 départ par mois sur Sainte-
Lucie, la Trinité, les Guyanes.
1 départ par mois sur Saint-
Thomas et Southampton.
1 départ par mois sur la Domi-
nique, Montserrat, Antigua, Ne-
vis et Saint-Thomas.
Paquebots anglais.
1 départ par mois sur la Barbade
et Demerara.
1 départ par mois sur la Barbade
et Southampton.
2 départs par mois sur Halifax Paquebots anglais.
Saint-Pierre et 2 départs par mois sur Saint-
Subvention pos-
Miquelon...
Jean ( Terre-Neuve ), sauf en jan-
vier, février et mars.
tale.
1 départ par mois sur les Guyanes
hollandaise et angailse et la Compagnie Tran
satlantique.
Guyane.
Martinique.
2 départs par mois sur Surinam, Paquebots hollan
Georgetown et le Havre.
dais.

— 513 —
de paquebols dont quelques-unes sont subventionnées par
l'Etat; les lignes postales françaises ont été déterminées de
2 départs par mois sur Lisbonne
et Bordeaux.
Messageries mari-
2 départs par mois sur Rio-de-
times.
Janeiro et Buenos-Ayres.
! 1 départ par mois sur las Palmas,
Oran et Marseille.
Compagnie
Frais-
1 départ par mois pour la côte
sinet.
Sud (*).
1 départ tous les mois sur Bor-
deaux par Ténériffe.
Chargeurs Réunis.
i départ tous les mois pour la
côte Sud (**).
Sénégal (a)
1 départ tous les mois sur Mar-
Société générale
seille.
des transports
1 départ tous les mois sur la côte
maritimes.
Sud.
2 départs tous les deux mois sur
Liverpool.
Paquebots anglais.
2 départs tous les deux mois sur
la côte Sud.
2 départs tous les deux mois sur
Hambourg.
Paquebots alle-
2 départs tous les deux mois sur
mands.
la côte Sud.
1 départ par mois pour la côte
Sud (*).
Compagnie I'raissi-
1 départ tous les mois pour la
net.
Guinée fran-
côte Nord et Marseille.
çaise
1 départ tous les mois pour la
côte Sud (**).
Chargeurs Réunis.
1 départ tous les mois pour la
côte Nord et Bordeaux.
1 départ par mois pour la côte
Sud (*).
Compagnie Fraissi-
1 depart tous les mois pour la
net.
côte Nord et Marseille.
Côte d'Ivoire.
t départ tous les mois pour la
côte Sud (**).
Chargeurs Réunis.
1 depart tous les mois pour la
côte Nord et Bordeaux.
(a) La colonie est, en outre, en relation avec l'Europe, mais de façon
moins régulière, par les paquebots de la Compagnie de navigation
mixte, de la Compagnie Maure) et Prom et de la Compagnie Buhan et
Tesseire.
(*) Relâches : Dakar, Loango, Conakry, Crand-Bassam, Cotonou, Libre-
ville, Loango.
(**) Relâches : Dakar. Conakry, Sierra-Leone, Grand-Bassam, Cotonou,
Libreville, Cap-Lopez. Setté-Cama, Loango.
COLONIES,
I
.
33

— 514 —
manière à passer, autant que possible, par nos établissements
d'outre-mer, à établir entre ceux-ci et la métropole des com-
munications directes, mais on n'a pas voulu aller au delà et
subventionner avec le budget de l'État des services n'ayant
d'autre but que d'établir des communications directes entre
les colonies et des pays étrangers. Ce principe a été nette-
1 départ par mois pour la côte
Compagnie Fraîssi-
Sud (*).
net.
1 départ par mois sur Marseille.
Dahomey et dé-
pendances..
1 depart tous les deux mois pour
la côte Sud (**).
Chargeurs Réunis.
1 départ tous les mois pour la
côte Nord et Bordeaux.
1 départ tous les deux mois sur
Compagnie Fraissi-
Marseille par Cotonou. etc.
net.
1 départ tous les mois sur Bor-
Congo
fran-
Chargeurs
Réunis.
deaux par Cotonou, etc.
çais (a)
1 départ par mois sur Lisbonne
Paquebots
portu-
par San-Thomé.
gais.
1 départ par mois sur Cabinda.
■2 départs par mois sur Maurice.
2 départs par mois sur Marseille,
par Tamatave.
1 départ
par mois sur Mozam-
Messageries mari-
Réunion.
bique, Beira et Laurenço-Mar-
times.
quez par Diégo-Suarez.
1 aépart par mois sur Sainte-
Marie, Diégo-Suarez, Nossi-Bé
et les Comores.
2 departs par mois de Tamatave
sur la Réunion et Maurice.
i départs par mois de Tamatave
sur Marseille : l'un par Sainte-
Marie. Diégo-Suarez, Nossi-Bé,
Majunga, les Comores, Zanzi-
bar,
Djibouti, Suez
et
Port-
Messageries
Madagascar...
Saïd ; 1 autre par Diégo-Suarez,
times.
Mahé, Aden, Djibouti, Suez et
Port-Saïd.
1 depart par mois de Diégo-Suarez
sur Mozambique. Beira et Lau-
renço-Marquez.
1 départ par mois de Nossi-Bé
sur la Réunion.
(*) Relâches : Dakar, Loango, Conakry, Grand-Bassam, Cotonou, Libre-
ville, Loango.
(**) Relâches : Dakar, Conakry, Sierra-Leoue, Grand-Bassam, Cotonou,
Libreville, Cap-Lopez, Setté-Cama, Loango.
(α) Par le Stanley Pool, Léopoldville et Matadi, la colonie est, en outre,
on communication, chaque mois, avec l'Europe, par les paquebots belges.

— 515 —
ment formulé dans la discussion de la loi du 28 juin 1883 sur
les services postaux de l'océan Atlantique.
La ligne du Brésil dessert le Sénégal ; celle des Antilles et
de Panama, la Martinique, la Guadeloupe et par correspon-
dance la Guyane (1); celle de Chine, la côte Somali, l'Indo-
Chine et par correspondance l'Inde ; celle de la Nouvelle-
Calédonie, la côte Somali, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie;
celle de Maurice, la côte Somalis, les Comores et Madagascar.
D'autre part, des lignes subventionnées par l'État ou les
colonies elles-mêmes desservent directement certaines de nos
possessions (Saint-Pierre et Miquelon, Tahiti, la Guinée fran-
1 départ par mois sur Yoko-
hama par Colombo, Singapore,
Saigon, Hong-Kong, Shanghaï
et Kobé.
3 départs sur Marseille par Suez
Côte française
et Port-Saïd.
!
des Somalis
2 départs par mois sur Maurice : ) Messageries mari-
et dépen-
l'un par Zanzibar, les Comores,
dances
Majunga, Nossi-Bé, Diégo-Suarez,
Sainte-Marie, Tamatave et la
Réunion ; l'autre par Aden,
Mahé, Diégo- Suarez, Tamatave
et la Réunion.
1 départ par mois de Pondichéry
sur Madras et Calcutta.
Messageries mari-
Inde
1 départ par mois de Pondichéry
limes.
sur Marseille par Colombo.
Messageries par mari-
time
Indo-Chine...
Servise local et Pa-
qubots anglais
1 départ par mois sur l'Australie
Messageries mari-
et Marseille.
times.
Tahiti
1 départ par mois sur San Fran-
cisco.
(1) Cf. loi du 1er juillet 1901 et convention du 3 juillet 1901 avec la
Compagnie générale transatlantique pour la prorogation provisoire des
services maritimes postaux avec l'Amérique centrale.

— 516 —
çaise, la côte d'Ivoire, le Sénégal, le Dahomey et le Congo) (1).
Enfin, la plupart de nos établissements profitenl, pour le ser-
vice de leurs correspondances, de lignes de paquebots étran-
gers fonctionnant sans subvention et ne recevant qu'une
indemnité pour le transport des correspondances.
603. -Le service, dans l'intérieur de chaque colonie, est
assuré soit par voie de mer par les services à vapeur locaux
maritimes (Fort-de-France au Marin, au Lamentin, etc. ;
Pointe-à-Pitre à la Basse-Terre, au Grand-Bourg, à Port-Louis;
Cayenne au Maroni; côte ouest de Madagascar; Saigon à
Quinhone, Tourane et Haïphong, Saigon à Poulo-Condore ;
Nouméa aux Loyalty (2), ou fluviaux (Messageries fluviales
de Çochinchiae, du Cambodge et du Tonkin; messageries
fluviales du Congo; services fluviaux sur le Sénégal, de Saint-
Louis à Kayes et sur le Niger, de Koulikoro à Tombouctou), soit
par canal, comme à Madagascar (canal des Pangàlanes), soit
enfin par chemin de fer ou par routes. Le fonctionnement du
service local intérieur est arrêté dans chaque colonie par le
gouverneur.
§ 2. Service postal.
G04. Les régles anciennes, relatives au partage d'attribu-
tions et de revenus, en matière postale, entre la métropole
et les colonies, ont été abrogées par la loi du 3 mai 1853,
qui a attribué à l'administration métropolitaine des postes,
d'une part, aux administrations coloniales, d'autre part, le
montant des perceptions (soit pour affranchissement, soit pour
lettres non affranchies), exécutées par chacune d'elles, et a
donné à.des décrets le droit de fixer : 1° les taxes supplé-
mentaires représentant les frais de transport maritime entre
la métropole et les colonies et vice versa; 2° les taxes appli-
(1) Cf. Loi du 2l juillet 1905 approuvant les conventions avec la Com-
pagnie des Chargeurs Réunis et la Compagnie Fraissinet, le 21 juin
précédent,pour la prorogation provisoire des services maritimes postaux
avec la Côte occidentale d'Afrique.
(2; Dans les établissements de l'Océanie. il n'y a aucun service orga-
nisé : les communications entre Papeete et les Archipels se font par les
goélettes des compagnies commerciales ; elles n'ont lieu régulièrement
que pour Moorea et les Iles sous le Vent.


— 517 —
cables aux correspondances échangées entre la France et les
colonies par l'intermédiaire des offices étrangers ainsi que les
taxes à percevoir dans ces colonies sur les correspondances
échangées entre elles et les pays étrangers par la voie de
France.
Mais rien n'est prévu pour les échanges entre une colonie
et un pays étranger ou une autre coionie, quand il n'est pas
fait appel à la voie de France. Sous l'empire de la loi de 1853,
on a reconnu aux colonies le droit de traiter directement et
d'établir leurs tarifs; c'est ainsi qu'un traité a été passé, en
1866, entre le gouverneur de la Réunion et celui de Maurice,
pour l'échange, à partir du 1er novembre 1866, des corres-
pondances entre ces deux îles. Ce traité aurait dû être soumis,
conformément aux prescriptions de l'article 62 de l'ordon-
nance organique, à la ratification de l'autorité métropolitaine ;
mais il parait que le gouverneur se considéra comme autorisé
par l'article 9 du sénatus-consulle de 1854 à décider, en cette
matière, de sa propre autorité (1).
Une convention a été onclue également entre la Cochinchine
et la colonie de Singapore, mais sous la forme d'échange de
correspondance, sans qu'il soit intervenu un traité régulier.
605. La situation postale de nos établissements d'outre-mer
aété modifiée complètement par leur annexion à l'Union géné-
rale des postes, le 27 janvier 1876. Cet acte a été signé par
le Gouvernement métropolitain, sans avis des conseils locaux.
Ce ne pouvait être par application de la loi du 3 mai 1853
puisqu'elle avait été abrogée implicitement par le sénatus-
consulte de 1866, accordant aux colonies le droit de fixer
leurs taxes locales (par conséquent les taxes postales à per-
cevoir chez elles, soit pour la correspondance intérieure, soit
pour la correspondance extérieure), mais il s'agissait d'un
traité international pour lequel le Gouvernement métropoli-
tain a seul qualité et pouvoir. Ce principe indiscutable, et
reconnu d'ailleurs sans conteste, a été appliqué, de nouveau,
(1) V. B. 0., Réunion, 1886, p. 218.
(2) Ratifiée et rendue exécutoire en France suivant loi du 8 avril 1898

et décret du 2o décembre suivant.

— 518 —
en 1878, lors du congrès qui a adopté la taxe de 0 fr. 25 pour
tout le territoire de l'Union postale.
Un décret du 4 mai 187G détermina les taxes à percevoir
pour les correspondances à destination ou provenant des
colonies; un second décret du 13 mai leur rendit, applicable
la législation relative à l'Union postale.
Plus récemment, les colonies françaises ont été parties con-
tractantes à La convention postale universelle dont les disposi-
tions, actuellement en vigueur, ont été arrêtées au congrès
international de Washington le 15 juin 1897 (1). Les pays entre
lesquels a été conclue la convention de Washington forment,
sous la dénomination d'Union postale universelle, un seul
territoire postal pour l'échange réciproque des correspon-
dances entre leurs bureaux de postes. La liberté du transit
est garantie dans le territoire entier de l'Union; toutefois les
pays traversés ou dont les services participent au transport
ont droit à des frais de transit, dans les conditions prévues à
l'article 4 de la convention.
La convention de Washington a maintenu l'institution,
sous
le nom de bureau international de l'Union postale
universelle, d'un office central qui fonctionne sous la haute
surveillance de l'administration des postes suisses, et dont les
frais sont supportés par toutes les administrations de l'Union.
Pour cette répartition des frais du bureau international de
Berne, comme d'ailleurs pour toute participation à de nou-
veaux congrès et pour tout échange de propositions entre les
administrations de l'Union, les colonies françaises sont consi-
dérées comme constituant deux groupes distincts, savoir les
colonies et protectorats français de l'Indo-Chine, d'une part,
l'ensemble des autres colonies françaises d'autre part (1).
Enfin les colonies françaises ont été de même parties
contractantes aux arrangements particuliers également arrêtés,
(1) D'après un règlement de détail conclu pour l'exécution de la con-
vention, les pays de l'Union sont divisés en sept classes en ce qui
concerne la répartition des frais du bureau international ; les colonies

et protectorats français de l'Indo-Chine, et l'ensemble des autres colo-
nies françaises ont été rangés dans la troisième classe. Ce classement a
son importance, car la proportion selon laquelle a lieu la répartition des
frais est de plus en plus faible de la première classe à la septième

classe.

— 519 —
le i'6 juin 1897, par le congrès de Washington, pour l'échange
des lettres et des boites avec valeur déclarée, et pour le
service des mandats-postes. Mais, comme l'a prévu la conven-
tion, ce sont seulement ceux des pays adhérents dont les
administrations conviennent entre elles d'établir ce service
qui participent à l'échange de boites avec valeur déclarée ou
à l'échange des envois de fonds au moyen de mandats de
poste.
60G. Pendant la période qui s'est écoulée entre la loi du
3 mai 1853 et celle du 19 décembre 1878, qui approuve la
convention du 1er juin 1878 réglant le fonctionnement de
l'Union postale universelle, on pouvait se demander en vertu
de quel texte légal le Gouvernement réglait par des décrets
les tarifs des correspondances postales coloniales autres que
celles transportées dans les conditions spéciales de la loi du
3 mai 1854, des correspondances, par exemple, échangées
entre deux colonies sans passer par la métropole. Le sénatus-
consulte du 4 juillet 18GG laissant au conseil général l'ini-
tiative du vote des taxes et le droit de délibérer sur leur
assiette, on aurait pu prétendre que des taxes postales a per-
cevoir dans une colonie, au compte du budjet local, ne pou-
vaient, à moins d'une disposition légale contraire, être établies
par décret sans délibération préalable et conforme de l'as-
semblée locale.
Mais, depuis la loi du 19 décembre 1878, celte difficulté
n'existe plus; cfes décrets déterminent, aux termes de l'article
2 de celte loi, les droits ou taxes à percevoir sur les objets
de correspondance dénommés à ladite convention dans tous
les cas où elle laisse aux parties contractantes la faculté d'éta-
blir le taux de ces droits ou taxes. Or, cette prescription est
générale, elle ne prévoit aucune réserve et, les colonies fran-
çaises étant une des parties contractantes, la loi a approuvé le
traité pour elles comme pour la métropole et leur a appliqué
les mêmes règles. En exécution de cette loi, un premier
décret du -27 mars 1879 (art. 5) a fixé les taxes à percevoir
dans les colonies françaises.
Actuellement, en règle générale, les décrets intervenant en
exécution de la convention de Washington pour
fixer les
relations postales de la France avec des pays
étrangers,

— 520 —
s'appliquent également aux rapports des colonies françaises
avec ces mêmes pays étrangers.
La loi du 9 avril 1848 sur les maidats-poste a été rendue
applicable aux colonies par un décret du 30 septembre 1899.
Un décret du 4 août 1901 a fixé le tarif des mandats-poste,
des mandats de recouvrement et des mandats d'abonnement
dans les relations entre la France, l'Algérie et les colonies
françaises et les bureaux français à l'étranger et réciproque-
ment. Un décret du 29 mai 1902 a autorisé l'échange des
mandats d'article d'argent entre les colonies françaises et les
bureaux français à l'étranger et réciproquement.
Entre la France et les colonies, le service des colis postaux
est assuré conformément à la législation en vigueur (1), par-
tout où les communications postales sont régulièrement
établies.
Un décret du 24 février 1905 a étendu le service des colis
postaux grevés de remboursement jusqu'à concurrence de
500 francs dans les relations avec le Sénégal, la Guinée, la
Côte d'Ivoire et le Dahomey. Enfin un décret du 30 jan-
vier 1903 a étendu le service des colis postaux de 5 à 10 kilo-
grammes aux échanges entre les bureaux ou établissements
français de l'étranger et les colonies françaises et la Tunisie. (2)
607. En dehors de la fixation des taxes, le Gouvernement a
le droit de régler le service postal, de rendre applicable aux
colonies, conformément aux règles établies par le sénatus-
consulte de 1854, les lois régissant le service postal dans la
métropole, celles, par exemple, qui tendent à réprimer les
abus qui peuvent s'y produire. C'est ainsi qu'un décret du
3 juin 1882 a promulgué l'article 9 de la loi du 25 jan-
vier 1873, et que des décrets ont rendu applicables aux colo-
nies les dispositions de la loi du 16 octobre 1849, prononçant
des peines contre les individus qui feraient usage de timbres-
(1) Lois des 3 mars 18S1, 12 et 13 avril 1892, 17 juillet 1897 et
8 avril 1898.
(2) Desdécrets particuliers ont admisen outre l'échangedes colis postaux
du poids maximum de δ kilos avec Saint-Pierre et Miquelon, la Grande-
Comore et Anjouan ( Déc. 9 juillet 1895, 14 juillet 1898), et du poids maxi-
mum de 10 kilos avec les Nouvelles-Hébrides (Déc. 17 lévrier 1904) sans

valeur déclarée et remboursement.

— 521 —
poste ayant déjà servi à l'affranchissement des lettres (1).
Les dispositions ainsi promulguées s'appliquent au service
intérieur des colonies comme à leurs relations avec la métro-
pole ou les pays étrangers ; mais en ce qui concerne les taxes,
si les traités internationaux les ont tixées pour la correspon-
dance extérieure, la correspondance intérieure échappe au ré-
gime des décrets; l'établissement de ces taxes est essentielle-
ment du ressort des assemblées locales ; elles peuvent les
déterminer dans les mêmes conditions que les autres taxes
nécessaires à l'acquittement des dépenses de la colonie.
608. Les colonies faisaient autrefois usage, pour l'affran-
chissement, de timbres-poste du type métropolitain, n'en dif-
férant que par un détail assez faible pour qu'on pût utiliser
indifféremment l'un ou l'autre, au détriment de l'administra-
tion postale qui expédiait une lettre affranchie avec un timbre
émis par l'autre administration. On a adopté maintenant des
timbres d'un modèle différent. Ces timbres sont fabriqués par
l'administration métropolitaine et fournis par elle au prix de
revient au Département des colonies, qui en récupère le mon-
tant sur les divers offices locaux. Une agence comptable a été
instituée pour la garde et la vente des timbres-poste coloniaux
et valeurs postales timbrées; ce service fonctionne dans les
conditions prévues par décret du -23 mars 1901 et arrêté
ministériel du 14 avril suivant.
609. Les militaires et marins jouissent, depuis la loi des
23-27 juin 1792, du droit de recevoir ou d'expédier, quand ils
sont aux armées, leurs correspondances au tarif des lettres
échangées dans la métropole. Les prix des correspondances
postales avec les colonies étant actuellement les mêmes que
dans ta métropole, aucune question ne se soulève plus à ce
sujet.
610. Les franchises postales sont déterminées dans la mé-
tropole par l'ordonnance du 17 novembre 1844, complétée de-
ft)
Voir
notamment le décret du 13 février 1869
concernant
la
Guyane. Voir également des décrets du H avril 1897 et du 11 février
1902
rendant
applicables
à
l'Annam,
au Tonkin et à
la Réunion
diverses dispositions législatives et réglementaires sur l'exécution du
service postal dans la métropole.

— 522 —
puis, en bien des points, par des décisions ministérielles. Cette
ordonnance avait limité les franchises, en ce qui concerne les
colonies, aux correspondances échangées entre les gouverneurs
et commandants de colonies d'une part, le ministre de la ma-
rine, les préfets maritimes et les chefs de service de la marine
dans les ports secondaires, d'autre part. Depuis, de nombreuses
décisions du ministre chargé ces postes et télégraphes ont
étendu la franchise à beaucoup de fonctionnaires coloniaux,
non seulement pour leur correspondance avec des fonction-
naires métropolitains, mais encore avec d'autres fonctionnaires
appartenant à la même colonie ou à des colonies différentes,
ou même en résidence à l'étranger.
Ces décisions obligent, évidemment, les postes métropoli-
taines, mais ont-elles la même valeur vis-à-vis des offices co-
loniaux? Un arrêté du ministre des postes peut-il imposer à
une colonie l'obligation d'expédier en franchise, au détriment
du budget local, une lettre adressée par le gouverneur,
par exemple, à un agent consulaire de France à l'étranger
(Décision du 1er octobre 1868) ? Il ne nous paraît pas douteux
que l'on ne saurait exiger d'une colonie l'exécution d'une dé-
cision de cette nature ; il est vrai que l'intérêt même de
nos établissements d'outre-mer les engage à ne pas s'y op-
poser.
Des arrêtés du gouverneur fixent dans chaque colonie les
franchises entre les fonctionnaires locaux.
610 bis. La loi du 30 mai 1871 accorde la franchise à la
correspondance des militaires et marins en campagne. Les
militaires opérant dans la région du Tchad bénéficient de cet
avantage conformément à un décret du 6 février 1899. Depuis
le 1er janvier 1904, en vertu d'un décret du 25 octobre 1903,
la franchise postale a été au contraire retirée aux correspon-
dances provenant ou à destination des troupes faisant partie
de la division d'occupation de Madagascar.
De même, dans nos possessions comme en France, la loi
du 29 décembre 1900 attribue aux militaires et marins le
droit d'expédier gratuitement deux lettres par mois. En
exécution de cette loi et du règlement d'administration publique
destiné à en assurer l'application, le ministre des colonies a
donné des instructions afin de régulariser les demandes et les

— 523 —
envois de timbres-posies spéciaux nécessaires à la constatation
de la gatuité (1).
610 ter. Enfin, des dispositions particulières étendent pro-
gressivement dans les différentes colonies, les services postaux
de la métropole. Signalons ainsi un décret du 21 août 1892,
qui a organisé entre la France et ses possessions d'outre-mer
un service postal d'abonnement aux journaux, recueils et
revues périodiques publiés en France.
611. Le personnel des postes aux colonies se compose de
fonctionnaires et agents appartenant au cadre métropolitain,
et, à titre d'auxiliaires, d'agents locaux recrutés par les colo-
nies. Dans les colonies où le personnel comprend des agents
métropolitains, le chef de service doit être métropolitain. Les
fonctionnaires et agents métropolitains ont leur situation, aux
colonies,
déterminée par décret et arrêté ministériel du
4 mars 1903. Ils continuent à faire partie du cadre de leur
administration, à être soumis à ses règlements pour l'avance-
ment et la situation; placés sous l'autorité du gouverneur, ils
ne peuvent être l'objet de mesures d'avancement, de révoca-
tion, de mise à la retraite ou de disponibilité que de la part
du ministre des postes et télégraphes après avis du ministre
des colonies. Il en résulte que leurs retraites sont liquidées
par le ministère des postes et restent à la charge du fonds des
pensions civiles métropolitaines.
612. 11 y a lieu de signaler l'existence, dans deux de nos
établissements de l'Inde, à Pondichéry et à Karikal, de bu-
reaux de poste dépendant de l'administration anglaise. Il n'a
été possible de retrouver ni l'origine de ce service ni aucun
des actes qui seraient intervenus entre les deux gouvernements
pour en régler les conditions; il est probable que lors de la
reprise de possession, en 1817, on a laissé fonctionner le ser-
vice organisé par les autorités anglaises. En 1828, l'ordon-
nance du il août, qui vise la poste française, prescrit de
remettre au bureau de la poste anglaise les lettres arrivant
par la voie de mer et destinées à des personnes domiciliées
hors de Pondichéry; cet avantage avait pour contre-partie la
franchise postale accordée à l'administration française pour sa
(1) Circ. min. Col. 18 juin 1901, — B. 0. C. 1901, page 846.

— 524 —
correspondance de service. Cette franchise, qui n'est inscrite
dans aucun texte (non plus que l'autorisation de fonctionner
sur territoire français accordée à l'administration anglaise), a
été contestée à deux reprises, en 1854 et en 1873 ; elle a été
rétablie quelque temps après, sur la réclamation de l'admi-
nistration française.
§ 3. — Service télégraphique.
613. Nous avons signalé (nos 211 et 212) les lignes télé-
graphiques qui desservent nos différentes colonies, ainsi que
leurs communications intérieures.
La Réunion, Mayotte, Tahiti ne sont encore pas directement
reliées au réseau télégraphique ; les dépêches de la Réunion
doivent ètre portées a Maurice ou à Zanzibar ; celles de Mayotte
et Nossi-Bé à Zanzibar ou à Majunga; celles de Tahiti à San-
Francisco.
Une loi en date du 23 novembre 1903 a autorisé l'établis-
sement de cables télégraphiques entre Brest et Dakar, Mada-
gascar et la Réunion, la Réunion et Maurice, Saigon, Poulo-
Condor et
Pontianak.
La
dépense
totale est évaluée à
22,975,000 francs. Seuls les câbles de Brest-Dakar et de Mada-
gascar a la Réunion, allant de territoire français à territoire
français, doivent être exploités par l'État. Actuellement le câble
Brest-Dakar est ouvert à l'exploitation, et celle-ci est assurée
par l'administration métropolitaine des postes et des télégraphes
dans les conditions prévues par le décret du 31 mars 1905 (1).
Une convention télégraphique a été conclue entre la France
et l'État indépendant du Congo en vue de l'établissement à
frais communs et de compte à demi, dans le Stanley-Pool,
d'une communication sous-fluviale destinée à relier les bureaux
de Brazzaville et de Kinchassa. Cette convention a été rendue
exécutoire suivant décret en date du 13 août 1903.
614. En ce qui concerne les relations internationales, la
Cochinchine, le Sénégal et la Nouvelle-Calédonie ont été par-
(1) B. O. C. 1905, page 446.

— 525 —
ties contraclanles à la convention portant règlement du service
télégraphique international et dont les dispositions ont été
arrêtées à la conférence de Budapest le 22 juillet 189G. Ce
règlement qui forme une annexe de la convention télégraphique
internationale de St-Pétersbourg du 10 juillet 1875 a été rati-
fié en France suivant loi du 28 juin 1897. Les dispositions
de ce règlement international ont été modifiées plus récemment
par la convention signée à Londres le 10 juillet 1903, et à
laquelle ont été parties contractantes l'Indo-Chine, le Sénégal,
Madagascar et la Nouvelle-Calédonie. Ces dispositions s'ap-
pliquent à la transmission des correspondances télégraphiques,
aux tarifs et à la taxation. Le tarif pour la transmission télé-
graphique des correspondances internationales se compose :
1° des taxes terminales des offices d'origine et de destination;
2° des taxes de transit des offices intermédiaires. D'après
l'article 21 du règlement, tel qu'il a été arrêté à Londres, les
télégrammes sont, en ce qui concerne l'application des taxes
et de certaines règles de service, soumis au régime dit euro-
péen ou au régime dit extra-européen. Les colonies françaises,
sauf le Sénégal, sont comprises dans le régime extra-euro-
péen.
Les pays contractants sont tenus de participer aux frais du
bureau international des administrations télégraphiques. ils
sont divisés dans ce but en six classes. La convention de
Londres fait figurer l'Indo-Chine dans la quatrième classe ; le
Sénégal et Madagascar dans la cinquième et la Nouvelle-Calé-
donie dans la sixième.
Les tarifs applicables aux correspondances télégraphiques
transmises par des câbles dont l'exploitation appartient à
des compagnies commerciales sont fixés par traités. Ces
traités, qui interviennent en conformité des règles prévues
dans le règlement international, sont approuvés par des
décrets, ou même par des lois quand il y a lieu à subvention
métropolitaine. Un décret du 22 novembre 1903 a fixé dans
ces conditions les taxes à percevoir entre l'Europe, l'Annam et
le Tonkin. Ces taxes ont été mises en vigueur à compter du
15 janvier 1904 (arrêté ministériel du H du même mois).
Quant aux taxes locales, elles sont fixées par arrêté du
gouverneur, ou, dans les colonies pourvues d'un conseil

— 526 —
général, par délibération de cette assemblée, approuvée par
décret. C'est ainsi qu'au Sénégal, une délibération du conseil
général approuvée par décret du 19 décembre 1901 a ramené
de 0 fr. 10 à 0 fr. 05 par mot la taxe de La télégraphie
privée dans l'intérieur de la colonie.
615. Les principaux textes qui règlent le fonctionnement
du service télégraphique en France sont provisoirement
étendus aux colonies.
Ainsi la loi du 28 juillet 1885 relative au droit pour le ser-
vice télégraphique d'exécuter certains travaux même sur les
propriétés privées, applicable par son article 14 à la Marti-
nique, la Guadeloupe et la Réunion, a été rendue applicable
au Congo français par un décret du 10 mai 1895 et à la
Guyane par celui du 31 décembre de la môme année.
De môme le décret du 1er avril 1897 a rendu applicables à
l'Annam et au Tonkin un certain nombre de lois et rè-
glements relatifs au service télégraphique, notamment la loi
du 29 novembre 1850 sur la correspondance télégraphique et
la loi du 20 décembre 1884 concernant la répression des
infractions à la convention sur la protection des câbles sous-
marins. Il faut citer, dans le même ordre d'idées, un décret
du 9 avril 1897 portant application à la Guadeloupe du
décret du 27 décembre 1851 sur la police des lignes télégra-
phiques de la métropole, et de l'article 5 de la loi du 29 no-
vembre 1850 sur la violation du secret des correspondances
télégraphiques. Un décret du 17 septembre 1900 a tendu
applicables à l'Indo-Chine les lois des 28 juillet 1885 et
25 juin 1895 relatives aux télégraphes et aux téléphones.
Un décret du 2 juin 1901 a rendu applicables au Congo
français : 1° la loi du 29 novembre 1850 sur la correspon-
dance
télégraphique privée ;
2° le décret du 27
dé-
cembre 1851 concernant le monopole et la police des lignes
télégraphiques (n° 212).
Le décret du 11 février 1902 qui a rendu applicables à la
Réunion un certain nombre de dispositions législatives et régle-
mentaires édictées pour l'exécution du service postal dans la
métropole (n° 606) y a étendu en même temps différents
textes concernant l'exécution du service télégraphique, savoir
divers articles de la loi du 29 novembre 1850sur la télégra-

— 527 —
phie privée, le décret du 27 décembre 1851 sur les ligne
télégraphiques et la loi du 25 juin 1895 relative à l'établisse-
ment des conducteurs industriels d'énergie électrique,
616. Le personnel des télégraphes est soumis, de môme
que celui des postes, aux règles déterminées par le décret du
4 mars 1905 (V. N° 611 ).
ARTICLE 7. — Travaux publics. Mines. Chemins de fer.
§ 1. — Expropriation.
617. Antilles et Réunion. L'expropriation pour cause d'u-
tilité publique est régie à la Martinique, à la Guadeloupe et à
la Réunion, par le sénatus-consulte du 3 mai 1856. Ce séna-
tus-consulte reproduit les dispositions fondamentales de la loi
métropolitaine du 3 mai 1841. Les principales modifications
portent sur la procédure et les autorités chargées d'assurer
l'expropriation ; elles sont rendues nécessaires par l'éloigne-
ment des colonies de la métropolé.
L'utilité publique doit être constatée et déclarée, après en-
quête administrative, par décret en Conseil d'État, ou par
arrêté du gouverneur en conseil privé, selon que les travaux
à exécuter sont à la charge de l'État ou à la charge de la
colonie.
Un arrêté du gouverneur en conseil privé désigne les loca-
lités ou territoires sur lesquels les travaux doivent avoir lieu,
lorsque cette désignation ne résulte pas du décret ou de l'arrêté
déclaratif d'utilité publique. Le gouverneur, par arrêté ulté-
rieur, après que les parties intéressées ont été mises en état
de fournir leurs observations, détermine les propriétés par-
ticulières auxquelles l'expropriation est applicable.
Les mesures d'administration relatives à l'expropriation, con-
cernant la détermination exacte des terrains à exproprier, le
dépôt du plan à la mairie et les délais accordés aux parties
pour présenter leurs réclamations sont extraites à peu près
textuellement de la loi métropolitaine du 3 mai 1841 (1); il
(1) Sén. eons. 3 mai 185G, tit. II.

— 528 —
en est de même de la purge des hypothèques, privilèges et
autres droits réels.
Le jugement qui prononce l'expropriation est publié et affi-
ché par extrait dans la commune de la situation des biens, et
inséré dans l'un des journaux publiés clans l'arrondissement,
ou s'il n'en existe aucun, dans l'un de ceux de la colonie. Il
est notifié aux intéressés qui, dans un délai déterminé, doivent
faire connaître à l'administration leurs réclamations au regard
des offres faites par l'administration.
618. Le gouverneur peut aliéner amiablement les biens de
la colonie, après avis du conseil général; il peut également
consentir ài'aliénation des biens de l'Etat, s'il y est autorisé
par le ministre des colonies. Il peut accepter les offres d'in-
demnité pour l'expropriation des biens appartenant à l'État
ou à la colonie.
Les maires oa administrateurs peuvent aliéner amiablement
les biens des communes ou établissements publics, s'ils y
sont autorisés par arrêté du gouverneur en conseil privé,
après avisdu conseil municipal ou du conseil d'administration.
Ils peuvent, dans les mêmes formes, accepter les offres d'in-
demnité pour l'expropriation des biens appartenant aux com-
munes ou établissements publics (1)
Λ défaut de conventions amiables, si les offres de l'admi-
nistration ne sont pas acceptées dans les délais prescrits aux
articles 24 et 27 du sénatus-consulte, l'administration doit
citer, devant un jury d'expropriation, les propriétaires et tous
autres intéressés qui auront été désignés ou qui sont inter-
venus. La citation contient l'énonciation des offres de l'admi-
nistration.
619. En France, le conseil général désigne chaque année,
sur la liste des électeurs, trente-six personnes au moins,
soixante-douze au plus, parmi lesquelles la cour ou le tribunal
choisit, toutes les fois qu'il y a lieu de recourir à un jury
spécial, les seize personnes appelées à le composer. Aux colo-
nies, il n'y avait, pas de liste électorale régulière en 1856.
Pour y suppléer, le sénatus-consulte confia au directeur de
(1) Sén. cons. 3 mai 1856, art. 13 et £6.

— 529 —
l'intérieur le soin de dresser un première liste de soixante
personnes pour chacun des arrondissements de la colonie;
sur cette liste, le conseil général choisit, chaque année, trente
personnes ayant leur domicile réel dans l'arrondissement.
Toutes les fois qu'il y a lieu de recourir à un jury spécial,
la cour, clans les arrondissements qui sont le siège d'une
cour, ou, dans les autres arrondissements, le tribunal du chef-
lieu judiciaire choisit, en chambre du conseil, sur la liste
dressée par le conseil général pour l'arrondissement dans
lequel ont lieu les expropriations, dix personnes appelées
à former le jury spécial chargé de fixer définitivement le
montant de l'indemnité et, en outre, deux jurés supplémen-
taires.
Bien que, depuis cette époque, les conseils généraux soient
devenus électifs, que les listes électorales aient été établies,
et soient chaque année revisées, le sénatus-consulte de 1856
n'ayant pas été abrogé dans ses dispositions, les pouvoirs du
directeur de l'intérieur subsistent en ce qui concerne l'éta-
blissement de la liste primitive. Il sont depuis le décret du
21 mars 1898, et sauf délégation, exercés par le gouverneur.
Toutes les dispositions de la loi métropolitaine concernant
les incapacités pour faire partie des jurys, les obligations des
jurés, les règles relatives à la fixation et au paiement des
indemnités, sont reproduites par le sénatus-consulte.
620. Toutefois, le pourvoi en cassation qui, dans la mé
tropole, est autorisé contre le jugement qui prononce l'expro-
priation, contre la décision du jury et l'ordonnance du magis-
trat directeur, est remplacé aux colonies par un recours en
annulation devant la cour de chaque colonie. Cette substitu-
tion s'appuie sur les mômes motifs que la dévolution faite aux
gouverneurs en ce qui concerne la déclaration d'utilité pu-
blique, le besoin de célérité (art. 20 et 42).
Le sénatus-consulte reproduit les dispositions de la loi de
1841, articles 65-75, concernant les formalités à suivre en
cas d'urgence ; ces dispositions ne s'appliquent qu'aux terrains
non bâtis. C'est seulement après le jugement d'expropriation
que commencent l'abréviation des délais et la simplification
des formalités. L'urgence est déclarée par décret ou par arrêté
du gouverneur suivant que les travaux sont à la charge de
COLONIES, I.
34

— 530 —
l'Etat ou de la colonie. Les propriétaires et détenteurs de
terrains reçoivent notification de l'acte qui déclare l'urgence,
et du jugement, avec assignation devant le tribunal, à trois
jours au moins, pour discuter l'offre de l'administration.
Le tribunal fixe une indemnité provisoire déposée chez le
représentant de la caisse des dépôts et consignations (1). Sur
le vu du procès-verbal de consignation, le président ordonne
l'envoi en possession ; puis l'indemnité est fixée par le jury
dans les formes ordinaires.
621. Quand l'expropriation a pour objet l'exécution de tra-
vaux militaires ou maritimes, les formalités qui doivent pré-
céder le jugement d'expropriation sont supprimées; mais l'ar-
rêté de cessibilité qui, aux termes de l'article 11, doit être
pris par le gouverneur, est remplacé par un décret du Chef de
l'État.
S'il s'agit de travaux de fortification, le sénatus-consulte,
reproduisant les dispositions essentielles de la loi du 30 mars
1831, vient encore simplifier la procédure. Pour des travaux
militaires, en effet, dont l'urgence peut être plus impérieuse-
ment demandée dans certaines circonstances, l'administration
doit être, comme en France, armée de pouvoirs plus grands
pour en hâter l'exécution. Les formalités qui doivent précéder
le jugement d'expropriation sont supprimées. L'urgence est
toujours déclarée par simple arrêté du gouverneur qui auto-
rise les travaux, déclare l'utilité publique et désigne les pro-
priétés bâties ou non bâties auxquelles l'expropriation est
applicable. Nous avons vu que pour des travaux ordinaires
l'urgence ne s'appliquait qu'aux terrains non bâtis.
622. Quant à l'occupation temporaire, elle ne peut avoir lieu
que sur des propriétés non bâties. L'indemnité accordée au
propriétaire, pour perte de la jouissance de son fonds, est
réglée à l'amiable ou par autorité de justice (2), à condition
toutefois que l'occupation n'ait pas duré trois ans. Dans le
cas contraire le propriétaire peut exiger l'acquisition, par l'ad-
ministration, de sa propriété : l'indemnité est alors réglée par
le jury, conformément aux dispositions du titre IV.
(1) Le trésorier-payeur.
(2) Sén. cons. 3 mai 1850, art. 75.

— 531 —
623. Guyane. Un décret du 2 juin 1881, portant règlement
d'administration pubtique sur l'expropriation pour.cause d'uti-
lité publique, reproduit exactement les dispositions du sénatus-
consulte de 1836 que nous venons de passer en revue, sauf
en ce qui concerne la formation du jury.
Le suffrage universel existant à la Guyane lors de la pro-
mulgation du décret sur l'expropriation, et des listes électo-
rales y étant établies, l'article 29 de ce décret confie au conseil
général seul le soin de désigner, sur la liste des électeurs,
trente personnes ayant leur domicile réel dans la colonie. C'est
parmi elles que doit être choisi le jury spécial de chaque affaire.
624. Saint-Pierre et Miquelon. Un décret du 6 juin 1863 a
rendu applicable le sénatus-consulte de 1836, sauf de légërés
modifications portant sur le nombre des jurés, et sur le rôle
du magistrat, directeur du jury. Celui-ci, conformément à la
loi métropolitaine du 21 mai 1836 sur les chemins vicinaux,
est appelé à présider le jury dans l'opération finale de la fixa-
tion des indemnités et peut même voter, mais seulement en
cas de partage. Au contraire, d'après le sénatus-consulte de
1856, conformément à la loi métropolitaine de 1841,1e direc-
teur du jury n'est jamais appelé à voter sur la fixation de
l'indemnité.
625. Sénégal. Les dispositions du sénatus-consulte de 1856,
sur l'expropriation pour cause d'utilité publique, ont été dé-
clarées applicables par un décret du 21 avril 1880, qui a été
abrogé depuis par un décret du 15 février 1889. Ce décret a
complètement remanié le régime de l'expropriation pour cause
d'utilité publique au Sénégal et reproduit dans un certain
nombre de dispositions, notamment celles qui concernent la
formation du jury, les dispositions du décret du 18 février 1878, '
relatif à l'expropriation en Cochinchine.
Plus récemment un décret du 10 mars 1903 est venu com-
pléter le décret du 15 février 1889. Le jugement d'expropria-
tion, aux termes de ce nouveau décret, doit être transcrit,
non plus obligatoirement au bureau de la conservation dee
hypothèques de Saint-Louis, mais à celui de l'arrondissement
dans lequel les biens sont situés, conformément d'ailleurs à
à l'article 2181 du Code civil auquel se référait lui-même le
décret du 15 février 1889.

— 532 —
625 bis. Haut-Sénégal et Niger. Guinée. Côte d'Ivoire.
Dahomey. La promulgation du décret du 15 février 1889 étant
antérieure à la séparation de ces colonies, le régime de l'ex-
propriation demeure fixé par ce décret.
626. Inde. Établissements de l'Océanie. Un décret du 14 sep-
tembre 1880 a déclaré applicable le sénatus-consulte du
3 mai 1856 à l'Inde; au contraire, un décret du 18 août 1890
a établi pour les établissements français de l'Océanie un ré-
gime identique à celui du Sénégal.
627. Cochinchine. Un décret du 18 février 1878 a régle-
menté l'expropriation pour cause d'utilité publique en Cochin-
chine. Ce décret reproduit les dispositions du sénatus-consulte
de 1856, sauf en ce qui concerne le mode de formation de la
liste annuelle dujury. Aux termes de l'article 30, chaque année,
dans le courant du mois de décembre, une commission, pré-
sidée par le directeur de l'intérieur, aujourd'hui, sauf déléga-
tion, par le lieutenant-gouverneur, et composée de deux con-
seillers privés, titulaires ou suppléants, et de deux membres
de la chambre de commerce, nommés par cette chambre,
dresse cette liste ; elle est formée de vingt notables ayant leur
domicile réel dans la colonie et y possédant des propriétés ou
y payant patente, parmi lesquels sont choisis les membres du
jury spécial, appelés, le cas échéant, à régler les indemnités
dues par suite d'expropriation. Celte liste doit être publiée
avant le 1er janvier au Journal officiel de la colonie.
Ne peuvent être jurés : 1° ceux à qui l'exercice de tout ou
partie des droits civils et de famille a été interdit; 2° les faillis
non réhabilités; 3° les interdits et ceux qui sont pourvus d'un
conseil judiciaire ; 4° ceux qui ont été condamnés pour crime
ou pour délit de vol, escroquerie, abus ne confiance, attentat
aux mœurs, outrage à la morale publique et religieuse (1).
Le jury spécial se composé de cinq jurés titulaires et de
deux jurés supplémentaires; le jury n'est valablement cons-
titué que lorsque trois jurés sont présents.
Le décret reproduit, pour le reste, à peu près identique-
ment les dispositions du sénatus-consulte de 1856.
(1) Déc. 18 février 1878, art. 33.

— 533 —
628. Madagascar. Les expropriations pour cause d'utilité
publique à Madagascar sont régies par la loi malgache du
27 avril 1896. La procédure suivie, par comparaison avec la
loi métropolitaine du 3 mai 1881 dont elle s'inspire néanmoins,
est autant que possible simplifiée et expéditive. Le président
du tribunal de première instance statue en référé sur les diffi-
cultés que la procédure fait naître. 11 a été jugé que cette mis-
sion appartenait au président du tribunal, à l'exclusion de
toute autre juridiction, et que, par suite, l'appel n'était pas
recevable contre les ordonnances ainsi rendues en référé (1).
§ 2. — Mines.
629. Cette matière, à part un décret du 23 février 1893 qui
améliore les traitements d'Europe des agents des mines et
des travaux publics du cadre colonial, n'a été l'objet que de
réglementations spéciales concernant la Guyane, l'Inde et la
Nouvelle-Calédonie. C'est la loi métropolitaine de 1810 qui a
servi de base aux règlements en vigueur; nous nous conten-
terons donc d'indiquer les modifications qui y ont été apportées.
630. Guyane. La loi du 21 avril 1810 sur les mines, mi-
nières et carrières a été promulguée à la Guyane par décret
du 1er avril 1868, sauf certaines modifications se rapportant à
(1) Cour d'appel de Tananarive, -25 mars 1903 (affaire Bordes). — At-
tendu qu'il résulte des énonciations générales de la loi du 27 avril 1896,
relative aux expropriations d'immeubles à Madagascar, que le législateur
a confié au président du tribunal de première instance, statuant en référé

à l'exclusion de toute autre juridiction, la mission de trancher toutes les
difficultés qui peuvent surgir dans la procédure d'expropriation, et ce
dans le but d'agir avec célérité et d'éviter des frais onéreux ; qu'il ap-
paraît à la cour que, dans ces conditions, les ordonnances en référé ainsi

rendues ne sont pas soumises en ce qui concerne la faculté d'appeler
aux mêmes règles que les jugements ordinaires ; qu'il est même formel-

lement énoncé à l'article 452 de ladite loi : « En cas de partage des
voix, le président du tribunal civil ou les magistrats des fonctions simi-

laires départagent et prononcent en dernier ressort » ; que, quoique la
même prescription ne soit pas reproduite à l'article 5, il apparaît à la
cour qu'il résulte de l'esprit général de la loi que le législateur a entendu,
par assimilation d'ailleurs avec ce qui est prescrit par la loi de 1841
relative aux expropriations pour cause d'utilité publique dans la métro-

pole, soustraire lesdites ordonnances à la juridiction d'appel, etc.

— 534 —
des dévolutions de compétence ou d'attributions et nécessitées
par l'organisation administrative de la colonie.
Un décret statue définitivement sur les demandes en conces-
sion, vente ou partage de mines et remises do redevances
(art. 5, 7, 28 et 38). Il est statué par le gouverneur, en conseil
privé, sur les matières mentionnées aux articles 37, 46, 64,
73, 85 et 91. Dans les cas prévus par les articles 37 et 46
(réclamations contre la redevance, fixation des indemnités
dues au propriétaire de la superficie pour travaux ou recher-
ches antérieures à l'acte de concession), le conseil privé doit
être constitué en conseil du contentieux administratif. Celui-ci
statue sur le recours formé conformément à l'article 64.
Le gouverneur exerce les attributions dévolues par la loi
au ministre, et celles appartenant au préfet, dans la métropole,
en vertu de l'article 50. Les attributions dévolues dans la mé-
tropole aux autres autorités sont exercées par le directeur de
l'intérieur.
631. A côté de ces dispositions générales, un décret en date
du 18 mars 1881 est venu édicter des règles particulières
pour la recherche etl'exploitation des gisements et filons au-
rifères.
Ce décret ne s'applique qu'à ce cas particulier; s'il s'agis-
sait d'une demande en concession de ces gisements, ou s'il
s'agissait de rechercher d'autres mines que des mines d'or, la
loi de 1810, modifiée comme nous venons de l'indiquer, serait
seule applicable. Ceci nous paraît résulter du titre et des dis-
positions générales du décret de 1881 ( 1) qui traite exclusive-
ment des gisements aurifères, et de l'article 46 qui maintient
expressément la loi de 1810.
Le propriétaire du sol, ou toute personne autorisée par lui,
peut faire des recherches dans toutes les parties de sa pro-
priété pour découvrir des gisements
de
filons aurifères,
à la charge d'en informer l'administration Nul ne peut
faire de recherches sur le terrain d'autrui sans le consente-
(1) Ce décret du 18 mars 1881 (légèrement modifié dans ses articles 9
et 15 par le décret du 27 mai 1882) n'a été inséré ni au Bulletin officiel
de la marine ni au Bulletin de ta colonie ; on le
trouve
seulement au
Journal officiel de la colonie, à la date du 7 mai 1881.

— 535 —
ment du propriétaire; ici, contrairement aux dispositions de la
loi de 1810 (art. 10), l'autorisation du gouvernement ne sau-
rait suppléer à ce refus de consentement. Le règlement se
montre donc moins favorable aux recherches des mines d'or
qu'aux recherches des autres mines. S'il s'agit d'un terrain
appartenant à la colonie, le permis est délivré par l'adminis-
tration.
Le permis de recherches implique le droit de faire des son-
dages, ainsi que tous les travaux d'exploration et de prospec-
tion sur le terrain qui en est l'objet, excepté dans les enclos
murés et les terrains attenant à des habitations et clôtures
murées, jusqu'à une distance de 100 mètres.
Toute personne, quelle que soit sa nationalité, agissant
isolément ou en société, peut obtenir un permis de recherches.
Une demande doit être adressée à cet égard au directeur de
l'intérieur, qui ne délivre le permis qu'après publicité, pré-
cédée du dépôt du plan des lieux où les recherches doivent
s'opérer. Les parties intéressées ont un délai de trente jours à
partir de l'insertion de la demande au Journal officiel pour
formuler leurs oppositions. Il est statué par le gouverneur en
conseil privé sur le mérite de ces oppositions. Toute demande
de permis de recherches doit, à peine de déchéance, être
suivie de l'accomplissement des formalités prescrites par le
décret du 18 mars 1871, dans les délais impartis par l'adminis-
tration. Si ces formalités sont omises, non seulement le
permis n'est pas délivré, mais encore le demandeur, par le fait
du dépôt de sa demande, n'a pu acquérir aucun droit de
priorité (1).
(1) C. d'Et., 24 juillet 1896 (Αff. Dusserre-Telmon). — Considérant qu'au
mois d'avril 1839 le sieur Dusserre-Telmon avait fait inscrire au bureau
des domaines, conformément aux articles 5, 6, 7 et 8 du décret du
18 mars 1881, une demande de permis de recherches de gisements
aurifères sur un terrain situé sur la rive droite de l'Awa, mais qu'il
n'a pu remplir immédiatement les autres formalités prescrites par ce
décret par suite de l'interdiction provisoire dont était régulièrement
frappée la région de l'Awa; qu'en admettant que l'inscription prise dans
ces conditions par le sieur Dusserre-Telmon au pu lui conférer le droit
de primauté prévu par l'article 10 du décret de 1881, il résulte de l'ins-
truction qu'après la levée de l'interdiction et la reprise do l'instruction
des demandes de permis dans la région de l'Awa, le sieur Dusserre-
Telmon n'a pas rempli les formalités prescrites à peine de déchéance
dans les délais importés par l'administration de la colonie, etc.

— 536 —
Le permis de recherches ne peut être accordé sur une éten-
due de plus de 4,000 hectares. Il est gratuit, valable pour un
an et ne peut être renouvelé qu'après le payement d'une re-
devance fixée à 10 centimes l'hectare; le renouvellement ne
peut être accordé qu'une seule fois et pour une année.
Dans le cas où le terrain pour lequel il a été délivré un per-
mis de recherches est abandonné par le permissionnaire,
l'administration ne peut le concéder à un tiers, qu'autant que
cette concession est restée vacante pendant une année au moins.
Le permissionnaire qui, à l'expiration des deux années, n'a
pas converti son permis de recherches en permis d'exploita-
tion, perd tout droit au renouvellement de sa concession, qui
fait retour au domaine (1).
632. Tout porteur d'un permis de recherches, qui veut le
faire convertir en permis d'exploitation, doit adresser sa de-
mande, avant l'expiration de son permis, sous peine de dé-
chéance. Le permis d'exploitation est délivré par le gouver-
neur en conseil privé dans le délai d'un mois. L'étendue du
terrain ne peut dépasser 5,ΟΟΟ hectares. La durée du permis
est de neuf années entières et consécutives; ce permis est
indéfiniment renouvelable. La demande de renouvellement doit
être faite avant l'expiration de la neuvième année ; il est
statué, dans le mois de la demande et sans autre formalité, par
le gouverneur en conseil privé.
Le droit au permis d'exploitation peut être cédé.
633. Tout permis d'exploitation de terrains aurifères appar-
tenant à la colonie donne ouverture à une redevrance fixe et
annuelle par hectare.
Il est perçu, en outre, une taxe à l'entrée en ville sur l'or
à déclarer en douane, et un droit proportionnel sur la valeur
de l'or extrait; ces différentes taxes sont réglées chaque an-
née, lors du vote du budget local. Pour l'année 1894, la taxe
proportionnelle a été fixée à 8 0 0; le droit sur l'or natif en-
trant en ville à 10 francs par kilogramme. Aucune quantité
d'or natif ne peut sortir d'un placer sans être accompagnée
d'un laissez-passer.
(1) Déc. 18 mars 1881, art. 15, et Déc. 27 mai 1882.

— 537 —
La redevance fixe est payable d'avance chaque année; faute
par le concessionnaire de payer le montant de cette redevance
dans les trente jours de son échéance, il est déclaré déchu de
sa concession, par le gouverneur, en conseil privé.
Toutes ces dispositions sont applicables aux permis de
recherches et d'exploitation dans le lit des fleuves et des
rivières navigables ou flottables et sous réserve des obliga-
tions imposées pour assurer la libre navigation des cours d'eau.
Les infractions aux dispositions de ce décret sont punies
d'une amende variant, suivant les cas, entre 100 francs et
3,000 francs et de la confiscation de l'or saisi.
Le décret laisse au gouverneur le soin de prendre les arrêtés
nécessaires pour l'application des dispositions précitées.
Le fait de s'approprier l'or d'un terrain sans avoir obtenu
de permis d'exploitation et sans être autorisé à procéder à
l'exploitation de ce terrain constitue un délit et tombe sous le
coup des articles 379 et 401 du Code pénal, 41 et 42 du décret
du 18 mars 1881. (1)
Un décret du 20 juillet 1901, confirmant lui-même un arrêté
local du 28 février précédent, a, du reste, réglementé la circu-
lation et la vente de l'or dans cette colonie de manière à sanc-
tionner par des peines supérieures à celles de droit commun
le maraudage en matière d'industrie aurifère.
Ce décret s'applique à l'entrée de l'or natif dans la ville de
Cayenne, à la vente de l'or natif et aux pièces justificatives
qu'il exige à la fois de l'acheteur (registre coté et paraphé par
le juge de paix) et du vendeur (certificat délivré par la douane),
enfin à la sortie de l'or de la colonie. Les infractions aux
prescriptions du décret sont punies d'une amende de 16 à
(1) Cassation crim. 1er août 1902 (Affaire Fievée). — Attendu que
l'arrêt, dans ces motifs, après avoir relaté les faits reprochés à F
,
tels qu'ils résultent de l'information et des débats, ajoute : « qu'ainsi le
prévenu s'est approprié frauduleusement l'or natif d'un terrain pour le-
quel il n'avait ni permis d'exploitation ni autorisation d'en faire l'explo-

ration ; que ces faits ainsi établis et reconnus constituent les délits
prévus par les articles 379 et 401 du code pénal, 41, 42 du décret du 18
mars 1881 »; attendu que cette affirmation de la culpabilité de F... est
formelle et fondée sur des motifs suffisants en ce qu'ils déclarent que le
prévenu n'avait aucun titre pour s'approprier l'or du terrain par lui in-

dûment exploité

— 538 —
100 francs, et d'un emprisonnement de G à 15 jours ou de
l'une de ces deux peines seulement.
634. Nouvelle-Calédonie. — Un arrêté local du 1er octo-
bre 1859 a déclaré applicables aux mines, minières et carrières
de la Nouvelle-Calédonie, le décret impérial du 6 mai 1811,
la loi du 21 avril 1810, ainsi que toutes les dispositions pos-
térieures à cette loi. Cette formule, si peu précise soit-elle,
est suffisante pourtant pour que toute la législation minière
de la métropole, antérieure à la date de l'arrêté, ait été éten-
due à la Nouvelle-Calédonie et pour qu'elle subsiste encore
sur tous les points où, depuis lors, elle n'a pas été modifiée
par la réglementation particulière à la colonie. 11 en est ainsi
notamment du décret du 3 janvier 1813. La cour de Nouméa
s'est prononcée nettement dans ce sens par un arrêt que la
Cour de cassation, le 31 octobre 1899, a maintenu sur ce
point particulier (1).
Quant à la législation spéciale à la Nouvelle-Calédonie en
matière de mines, elle résulte du décret du 22 juillet 1883
modifié, dans quelques-unes de ses parties seulement, par des
décrets des 15 octobre 1892 et 24 juin 1893.
Sont considérés comme mines et soumis aux règles édictées
par ce décret : tous les gites naturels de substances minérales
ou fossiles susceptibles d'une utilisation spéciale, à l'exception
des matériaux de construction et des amendements et engrais
pour la culture des terres. Ceux-ci restent à la libre disposi-
tion du propriétaire du sol.
635. Le décret du 22 juillet 1883 reproduit les dispositions
générales de la loi métropolitaine du 21 avril 1810, notam-
ment les règles concernant la propriété, la nature et le mode
de la concession La propriété d'une mine ne peut être acquise
qu'en vertu d'une concession instituée dans les formes prévues
au titre III du décret organique. L'acte de concession donne
la propriété de la mine, propriété distincte de la surface, per-
pétuelle, immobilière, disponible et transmissible comme tous
autres biens immeubles sous certaines réserves.
Sont immeubles, outre la mine, les bâtiments, machines,
(1) Cass. civ. 31 octobre 1890 (Aff. Pétrignani). — D. P. 1900. 1.124
(voir n° 271).

— 539 —
puits, galeries et autres travaux établis à demeure, conformé-
ment à l'article 524 du Code civil. Sont aussi immeubles par
destination les chevaux, agrès, outils et ustensiles servant à
l'exploitation. Sont meubles les matières extraites, les appro-
visionnements et autres objets mobiliers.
Les gîtes de substances concessibles sont classés en trois
catégories :
1° Combustibles, pétroles et bitumes;
2° Sel gemme, sels associés et sources salées;
3° Toutes autres substances concessibles.
La concession d'un gîte d'une substance entraîne la conces-
sion de toutes les autres substances concessibles de même caté-
gorie; mais il peut être institué, même en faveur de personnes
différentes et dans les mêmes terrains, des concessions, dis-
tinctes entre elles, de chacune des catégories de substances.
Le concessionnaire a le droit de disposer, pour le service de
sa mine et des industries qui s'y rattachent, des substances
non concessibles dont l'abatage est inséparable des travaux
que comporte l'exploitation de la mine.
G3G. Le décret de 1883 reproduit les dispositions de la loi
du 21 avril 1810 concernant la recherche des mines. Le pro-
priétaire de la surface peut entreprendre des recherches de
mines dans son propre terrain après déclaration faite au direc-
teur de l'intérieur, aujourd'hui au gouverneur ou a. son délé-
gué. Nul ne peut faire de recherches sur le terrain d'autrui
que du consentement du propriétaire ou en vertu d'un permis
de recherches délivré par l'administration ; le permis est
alors délivré par le gouverneur en conseil privé sur l'avis
du comité consultatif des mines, après que le propriétaire du
sol a été entendu.
Le permis indique les limites des terrains pour lesquels il
est valable.
Le propriétaire du sol a droit à une indemnité pour occupa-
tion de la surface, égale au produit net du terrain endommagé.
A défaut d'entente amiable, cette indemnité doit être réglée,
après expertise, par les tribunaux, dans les conditions de la
loi métropolitaine du 27 juillet 1880 (1).
(1) Déc. 22 juillet 1883, art. 3i.

— 540 —
Les recherches peuvent avoir lieu librement sur les terres
du domaine; mais les travaux ne peuvent être entrepris q'ua-
près déclaration à l'administration.
Tout explorateur qui a commencé des travaux de recherches,
en se conformant aux règles précédentes, peut faire opposition
à l'ouverture de travaux de recherches clans des terrains voi-
sins sur le même gisement.
Les travaux de recherches sont soumis à la surveillance
administrative dans les mômes conditions que les travaux des
mines concédées. Tout explorateur peut librement disposer des
produits concessibles provenant de ses travaux, moyennant le
paiement d'une somme de 50 francs. Tous travaux de recher-
ches qui dégénéreraient en travaux d'exploitation peuvent être
interdits administrativement, sans préjudice de l'application,
le cas échéant, des peines correctionnelles prévues à l'article
66 du décret organique.
636 bis. Le décret édicte certaines formalités destinées à
assurer la publicité des demandes de concessions en vue de
faire connaître les oppositions. Il est statué définitivement par
le gouverneur en conseil privé dans le délai de quinze jours,
après avis du comité consultatif des mines. Ce comité a été
créé par arrêté local en date du 24 août 1872.
Le gouverneur est juge souverain des motifs d'après les-
quels la concession doit être accordée ou refusée ainsi que de
ses limites et de son étendue. Toutefois, tout individu qui fait
constater la découverte d'un gisement exploitable à plus de
5 kilomètres, à vol d'oiseau, d'un gisement connu, a droit à
une concession gratuite de 25 hectares.
Les demandes en extension ou réduction de concession,
ainsi que les demandes en fusion de plusieurs concessions
contiguës en une seule, doivent être instruites dans les mêmes
formes que les demandes en institution de concession.
637. Les dispositions de la loi métropolitaine du 27 juil-
let 1880 sont applicables, en ce qui concerne les droits et obli-
gations des concessionnaires à l'encontre des propriétaires
superficiaires. Nul concessionnaire ne peut, sans le consen-
tement du propriétaire (ici l'autorisation de l'administration
ne saurait suppléer au défaut de consentement du propriétaire,
faire des sondages, ouvrir des puits ou galeries, établir des

— 541 —
machines, ateliers ou magasins, dans les enclos murés, cours
et jardins.
Ce consentement est également nécessaire pour l'ouver-
ture de puits ou galeries clans un rayon de 50 mètres des
habitations et des terrains compris dans les clôtures murées
y attenant.
Tout autre terrain que ceux indiqués ci-dessus peut être
occupé par le concessionnaire, nonobstant l'opposition du
propriétaire, avec l'autorisation du gouverneur ou de son dé-
légué. Le propriétaire de la superficie a droit à une indemnité
calculée ainsi que nous l'avons indiqué (n° 636). Mais si l'oc-
cupation a duré plus d'une année, ou si, après l'exécution
des travaux, les terrains occupés ne sont plus propres à
la culture, le propriétaire peut exiger l'acquisition du ter-
rain, lequel doit toujours être estimé au double de la valeur
qu'il avait avant l'occupation. Dans tous les cas, l'indem-
nité, à défaut d'entente amiable, doit être fixée par les tribu-
naux.
637 bis. Le décret détermine également les bases d'après les-
quelles doivent être réglées les contestations qui s'élèveraient
entre les propriétaires de mines superposées ou voisines relati-
vement à l'ouverture ou à l'exécution des travaux, ou de
puits et galeries qui pourraient être rendus communs.
Le gouverneur, sur le rapport du commissaire des mines,
peut, les concessionnaires entendus, prescrire les travaux
reconnus nécessaires à l'aérage et à l'assèchement des mines ;
les concessionnaires sont tenus de participer à ces travaux,
chacun dans la mesure de son intérêt.
Le gouverneur peut également prescrire toutes mesures
propres à faire disparaître les causes de danger que les tra-
vaux de recherches ou d'exploitation feraient courir à la sûreté
publique.
638. L'exploitation des mines n'est pas considérée comme
un commerce et n'est pas assujettie à l'impôt des patentes ;
mais le concessionnaire doit payer une redevance fixe de
0 fr. 50 par hectare ou fraction d'hectare, pour toute mine en
cours d'exploitation. En outre, la colonie peut établir sur l'ex-
ploitation des milles un impôt dont le maximum est fixé à
11/2 pour cent de la valeur au port d'exportation des produits

— 542 —
extraits, déduction faite des frais de transport de la mine au
port. Les produits consommés dans la colonie sont exempts
de ce dernier droit (1) .
Toute mine non exploitée devait, d'après le décret de 1883,
payer une redevance de 10 francs par hectare ou fraction
d'hectare; cette redevance n'est plus que de 2 francs, d'après le
décret de 1892, qui précise, en outre, les circonstances dans
lesquelles une miné doit être considérée comme inexploitée.
638 bis. Le titre IV du décret de 1883 édicte certaines dis-
positions spéciales à l'exploitation de l'or en alluvions de
surfaces.
Les terrains d'alluvions aurifères, à l'exclusion des gi-
sements d'or, peuvent être déclarés périmètres aurifères par
arrêté du gouverneur, en conseil privé, après avis du commis-
saire des mines et du comité consultatif des mines. L'arrêté
inséré au Journal officiel de la colonie doit faire connaître les
limites du périmètre déclaré. Dans l'étendue de ces périmètres,
l'exploitation de l'or dans les alluvions de surface a lieu par
concession acquise non par demande au gouverneur, mais par
simple possession, à condition de se conformer aux prescrip-
tions édictées en vue de déterminer les limites de la prise de
possession.
C'est l'abandon du droit régalien maintenu en France et
môme en Nouvelle-Calédonie pour toutes les autres mines, et
la consécration des droits du premier occupant.
Dans les quinze jours de la prise de possession, une décla-
ration doit être faite au gouverneur avec indication exacte
du terrain occupé, évaluation de sa surface et
verse-
ment d'une somme de 50 francs. La propriété de la concession
n'est acquise qu'après l'accomplissement de ces formalités,
sous réserve des droits que les tiers pourraient avoir requis
antérieurement.
La concession ne donne que le droit d'exploiter l'alluvion
aurifère de surface dans la projection verticale du terrain
concédé et de disposer du produit provenant de ces travaux,
sans aucun droit sur tous autres gisements, même d'or, qui
(1) Déc. lu octobre 1892.

— 543 —
pourraient se trouver au-dessous de l'alluvion de surface et
qui peuvent faire l'objet d'une concession ordinaire. Le con-
cessionnaire d'alluvions par prise de possession -est investi
des mêmes droits et soumis aux mêmes obligations que le
concessionnaire ordinaire, en ce qui concerne les relations
avec les propriétaires superficiaires et les concessions voi-
sines ou superposées.
Le concessionnaire d'alluvions est obligé de payer une re-
devance annuelle de 50 francs. L'exploitation doit être tenue
en activité continue ; en cas d'inobservation de l'une ou l'autre
de ces obligations, la déchéance peut être prononcée.
639. Les contestations entre particuliers, qui ne sont pas
dévolues par le décret à la juridiction administrative, ressor-
tissent à l'autorité judiciaire.
Le conseil du contentieux administratif statue uniquement :
Sur les contestations relatives à l'interprétation à donner
sur le sens d'une clause des actes de concession ;
Sur les indemnités qui peuvent être dues à des explora-
teurs évincés par le concessionnaire.
Les demandes en indemnité formées contre les explorateurs
ou les concessionnaires pour occupation de terrains sont sou-
mises aux tribunaux ordinaires.
Il est statué par le gouverneur en conseil privé sur les
contestations relatives à la classification légale des substances
minérales.
639 bis. Dans toutes les circonstances où le gouverneur doit
statuer par arrêté rendu en conseil privé, le commissaire
des mines assiste aux séances avec voix délibérative, dans les
conditions prévues par l'article 153 du décret du 12 septem-
bre 1874. On doit y appeler, en outre, mais avec voix consul-
tative seulement, deux personnes notables et expérimentées
dans l'art des mines, désignées annuellement à cet effet par
le gouverneur.
639 ter. Toute infraction aux dispositions soit du décret du
22 juillet 1883, soit des arrêtés rendus par le gouverneur, en
conseil privé, pour son application, ou des décisions prises
par le secrétaire général pour l'application de ces décrets et
arrêtés, est déférée aux tribunaux correctionnels; elle est pas.
sible d'une amende de 100 francs a 400 francs; en cas de

— 544 —
récidive dans l'année, l'amende peut être doublée, et dans cer-
tains cas, la peine de l'emprisonnement prononcée.
640. Inde. L'acte qui a réglementé la matière des mines
dans les établissements français de l'Inde est un décret du
7 novembre 1884. Ce décret est, sauf en ce qui concerne les
alluvions aurifères de surface qui n'existent pas dans l'Inde,
la reproduction du décret de 1883 relatif à la Nouvelle-Calé-
donie. Nous indiquerons toutefois certaines différences.
Le permis de recherches est valable pour deux ans au lieu
de un an. Il est renouvelable (art. 14).
En ce qui concerne les impôts auxquels les concession-
naires peuvent être assujettis, la redevance fixe annuelle
s'élève à 10 francs par kilomètre carré. La redevance propor-
tionnelle, réglée chaque année par le conseil général de la
colonie, ne peut dépasser le vingtième du produit. Les contes-
tations au sujet de ces redevances sont jugées comme en
matière de contributions directes. Le gouverneur, en conseil
privé, sur l'avis des commissaires des mines, peut accorder
remise partielle ou totale du payement de la redevance propor-
tionnelle, soit comme encouragement en raison de la difficulté
des travaux, soit en cas d'accident de force majeure.
En cas de suspension d'exploitation, le concessionnaire est
astreint au payement d'une redevance fixe de 10 francs par
kilomètre carré, indépendamment de la redevance fixe ordi-
naire.
641. Côte Somali. Une concession d'exploitation de salines
sur un territoire dépendant de la colonie d'Obock a été faite
par un décret du 28 mars 1887. Le cahier des charges com-
portait une mesure qui a été contestée : le droit pour les con-
cessionnaires de prendre à leurs risques et périls toutes les
mesures nécessaires à la réussite de l'exploitation et à la pro-
tection de ceux qui y seront employés. Le rapport au Président
de la République expliquait que cet article ne leur accordait
pas le droit de lever une force armée; ce droit, cependant,
paraissait résulter de la possibilité de prendre les mesures
nécessaires à la sécurité de l'exploitation.
642. Annam. Tonkin. Laos-Cambodge. Le régime des mines
en Annam et au Tonkin est aujourd'hui fixé par un décret
du 25 février 1897. Cette réglementation, tout en mainte-

— 545 —
nant les principes essentiels de la législation antérieure, a
tenu compte autant que possible des circonstances particulières
a nos possessions, telles que les avait manifestées l'expérience
même du décret de 1888.
Le décret disting ue trois catégories de mines : 1° les couches
de combustibles et de substances subordonnées qui se trouvent
associées dans la même formation: les filons ou couches de
toutes autres substances minérales: 3° les alluvions. 11 admet
la superposition de mines de nature différente, et sur les-
quelles des droits peuvent être acquis par des personnes dis-
tinctes. Il laisse au gouverneur général, en cas de contestation,
le soin de se prononcer sur la classification légale d'une sub-
stance minérale.
Toute personne peut se livrer librement à la recherche des
mines dans les terrains domaniaux; elle doit au contraire
indemniser le propriétaire ou le possesseur dans un terrain de
propriétéprivée, et se concerter avec le propriétaire de la
mine dans le périmètre d'une mine déjà instituée. Dans un
terrain libre de droits antérieurs et qui ne se trouve pas dans
une région affectée aux adjudications publiques, un droit
exclusif de recherche peut être acquis en périmètre réservé.
Tout périmètre réservé a la forme d'un cercle d'un rayon
maximum de 4 kilomètres; le même explorateur ne peut vala-
blement occuper à la fois qu'un seul périmètre.
Le droit d'exploiter une mine s'acquiert par voie de prise de
possession dans les régions qui ne sont pas affectées aux adju-
dications publiques et dans les autres par voie d'adjudication.
Nul ne peut acquérir une mine par prise de possession s'il
n'en a fait au préalable l'objet d'une recherche en périmètre
réservé. La mine dont la possession est demandée doit avoir
un périmètre rectangulaire. La superficie de la nunc doit être
au minimun de 24 hectares; sa superficie maxima est, selon
la catégorie, de 2,400, de 800 ou de 600 hectares. Le décret
indique d'ailleurs la procédure à laquelle est soumise la
demande de prise de possession, de même qu'il règle celle de
l'adjudication publique.
La propriété des mines, propriété distincte de la surface
immobilière, ne peut être vendue par lots ni partagée maté-
riellement sans une autorisation donnée par le gouverneur
COLONIES, I.
35

— 546 —
général. Le décret fixe les redevances (1) et les taxes auxquelles
sont soumis les mines et leurs produits. En cas de non-paye-
ment de la redevance, le propriétaire est déclaré déchu et la
mine est mise en adjudication.
A la redevance s'ajoute une taxe (2) ad valorem par tonne de
substances extraites des terrains de recherche ou d'exploitation
et non consommées dans le pays.
L'autorité judiciaire est compétente pour toutes contestations
entre particuliers nées de l'exécution du décret.
Le décret du 25 février 1897 a été étendu au Laos et au
Cambodge par un décret du 31 décembre 1904.
643. Madagascar. Un décret du 17 juillet 1896 a rendu
exécutoires les dispositions d'un règlement local concernant
le régime des mines d'or, des métaux précieux et des pierres
précieuses.
Un décret du 20 juillet 1897 a réglementé les mines autres
que celles des métaux précieux et de pierres précieuses. Ce
dernier décret, avec une contexture un peu différente, rend
applicable à Madagascar une réglementation se rapprochant, à
divers points de vue, de celle que le décret du 25 février 1897
a prévue pour l'Annam et le Tonkin.
Il distingue quatre catégories de mines : les combustibles
minéraux ; le sel gemme et les sels associés ; les phosphates
en amas, couches et filons; toutes autres substances minérales
non comprises dans les catégories précédentes., Ces mines
peuvent se superposer et peuvent être accordées dans le même
périmètre à des personnes distinctes.
La recherche des mines a lieu moyennant un permis dont
le coût est de 25 francs. Le permis de recherches est valable
pour une année, mais il peut être renouvelé. Lorsque l'explo-
rateur a choisi son terrain de recherches, il doit placer aux
angles de ce terrain et à chaque kilomètre des poteaux-bornes;
la superficie du terrain ne peut dépasser 2,500 hectares.
(1) Les redevances prévues sont plus faibles que celles qu'exigeait le
décret de 1888 ; elles sont de 1 franc par hectare pour les mines de
combustibles et de 2 francs pour toutes les autres mines, ce tarif étant
toutefois doublé aprds la cinquième année et triplé après la dixième.
(2) Cette taxe est de 1 0/0 pour les combustibles et minerais de fer
et de 2 0/0 pour toutes autres substances.

— 547 —
Toute personne qui a découvert une mine et qui veut en
obtenir la concession doit en faire la demande au service des
mines à Tananarive. Il n'y a pas à Madagascar, comme le
décret du 25 février 1897 en prévoit pour l'Annam et le Ton-
kin, de régions où les mines ne peuvent être instituées que
par voie d'adjudication publique. La concession est accordée
au demandeur s'il n'y a pas d'opposition; son étendue ne peut
être supérieure à 2,500 hectares. La propriété de la mine est
distincte de celle de la surface, et soumise à une redevance
annuelle fixe qui varie selon l'étendue. De plus, les produits
extraits paient une redevance proportionnelle à leur valeur
marchande sur le carreau de la mine. En cas de non-paiement
de l'une des redevances, le demandeur est mis en demeure
de s'acquitter dans les six mois sous peine de déchéance.
S'il est déclaré déchu, la mine retirée est mise en adjudica-
tion dans un nouveau délai de six mois.
Le décret règle les relations entre l'exploitant d'une mine
et le propriétaire de la surface; il traite de la surveillance ad-
ministrative à laquelle les mines sont soumises; et édicte
diverses pénalités.
Un décret du 20 février 1902, complété par des décrets
des 23 juin et 21 novembre 1905, a modifié le décret du
17 juillet 1896 sur la recherche et l'exploitation de l'or, des
métaux précieux et des pierres précieuses à Madagascar.
Cette nouvelle réglementation a simplifié les formalités
prescrites notamment en ce qui concerne la délivrance des
permis de recherches et d'exploitation. En ce qui concerne les
permis d'exploitation, le décret du 21 novembre 1905 a dis-
tingué les exploitations alluvionnaires et les exploitations filo-
niennes. Pour les deux dernières, la taxe superficielle a été
portée à 100 francs par hectare.
644. Afrique continentale. C'est à des règles quelque
peu différentes que le décret du 6 juillet 1899 a soumis la re-
cherche et l'exploitation des mines dans les colonies ou pays
de protectorat de l'Afrique continentale autres que l'Algérie
et la Tunisie. Le gouvernement a voulu visiblement rendre
aussi simple que possible la réglementation nouvelle et surtout
l'approprier à la situation générale de nos possessions africaines
où les droits acquis, dans les territoires de l'intérieur, sont

— 548 —
peu développés encore, où l'initiative privée, dès lors, doit
pouvoir s'exercer plus librement.
Le décret distingue les mines et les carrières. Les matériaux
de construction et les amendements pour la culture des terres,
à l'exception des nitrates et des phosphates, sont considérées
comme carrières. Les gîtes de toutes substances minérales
susceptibles d'une utilisation industrielle et qui ne sont pas
classées dans les carrières sont considérées comme mines.
Les carrières sont réputées ne pas être séparées de la pro-
priété et de l'exploitation de la surface.
Le décret réglemente successivement l'exploration, la re-
cherche et l'exploitation des gîtes naturels de substances
minérales. On peut acquérir seulement sur les mines, dans un
périmètre déterminé, un droit exclusif d'explorer, de recher-
cher ou d'exploiter. Les droits d'exploration et de recherches
s'appliquent dans un même périmètre à toutes les mines qui
peuvent s'y trouver. Le droit d'exploitation s'acquiert distinc-
tement soit pour l'or et les gemmes, soit pour toutes les autres
substances; la superposition n'est admise, dans un même péri-
mètre, qu'en faveur de la même personne ou société. Dans
les régions ouvertes à l'exploitation en vertu d'arrêtés du
gouverneur, il ne peut être acquis que des droits de recherche
ou d'exploitation ; dans les autres régions, il ne peut être pro-
cédé qu'a des explorations. Nul ne peut d'ailleurs entreprendre
ou poursuivre en son nom des explorations, des recherches
ou une exploitation sans être muni d'une autorisation person-
nelle délivrée par le gouverneur. Enfin tout dommage causé
à une propriété immobilière privée ou à des champs en cul-
ture par des travaux d'exploration, de recherches ou d'exploi-
tation, donne lieu à une indemnité deux fois égale à la valeur
du préjudice.
Ces règles générales sont complétées par des dispositions
particulières sur les explorations, les permis de recherches et
les permis d'exploitation. Les explorations ne peuvent avoir
lieu dans les régions non ouvertes à l'exploration que moyen-
nant un permis spécial délivré par le gouverneur; la demande
n'est recevable que si elle est accompagnée du versement
d'une somme de ϋ centimes par hectare de l'étendue sur la-
quelle elle porte. Si le permis doit être accordé sur plus de

— 549 —
50,000 hectares, l'approbation du ministre des colonies est
nécessaire. Le permis d'exploration est valable pour deux
ans, il ne peut être prorogé. Avant l'expiration du délai, le
permissionnaire doit faire connaître les résultats détaillés de
ses recherches et produire les permis de recherches ou d'ex-
ploitation dont il entend bénéficier. Les recherches ne peuvent
avoir lieu qu'en vertu d'un permis délivré par le gouverneur
selon l'ordre de priorité de la demande. Avec celle-ci l'inté-
ressé doit déposer une somme variant selon l'étendue de 10
centimes à 40 centimes par hectare. Le permis de recherches
est valable pour deux ans.
L'exploitation ne peut avoir lieu qu'en vertu d'un permis
délivré par le gouverneur; elle donne le droit de faire, au
fond et au jour, tous travaux nécessaires à l'exploitation de la
mine dans un périmètre de forme rectangulaire et d'une
étendue qui, selon la substance exploitée, ne peut être supé-
rieure à 800 hectares ou à 2,500 hectares. Elle est soumise à
l'obligation d'un versement immédiat d'une somme calculée
à raison de 2 francs ou de 1 franc par hectare selon la subs-
tance exploitée, au paiement d'une redevance superficielle et à
celui d'un droit ad valorem sur les produits extraits. Le
permis d'exploitation est accordé pour 25 ans, mais il peut
être renouvelé. La déchéance, est prononcés, à défaut de paie-
mentdes redevances dans les six mois de l'échéance.
6 44 bis. Un décret du 4 août 1901 a, sous.réserve de cer-
taines modifications, soumis aux dispositions du décret du
G juillet 1899 la recherche et l'exploitation de l'or et des mé-
taux précieux dans le lit des fleuves, rivières et cours d'eau.
Les derogations portent sur la constitution des périmètres de
recherche et des périmètres d'exploitation, les premiers devant
avoir une étendue de 8,000 hectares au plus et les seconds une
étendue de 24 hectares au moins et de 800 hectares au plus. En
outre, une même personne ou une même société peut détenir
simultanément des permis de recherches cpntigus.
Les dispositions du décret du 6 juillet 1899 ont, en outre,
été modifiées par un décret du 19 mars 1905, en ce qui con-
cerne le taux du droit proportionnel à la surface dont sont
frappées les demandes de mutations, et la faculté pour une
même personne ou une même société de détenir simultané

— 550 —
ment deux permis de recherches. Une disposition nouvelle
a spécifié de plus qu'un arrêté du gouverneur ou du lieutenant
gouverneur peut retirer l'autorisation personnelle d'explora-
tion, de recherches, ou d'exploitation, mais sans que ce retrait
ait un effet rétroactif.
644 ter. Enfin un second décret du 19 mars 1905, tenant
compte de la situation particulière du pays, a suspendu
jusqu'au 1er octobre 1908 l'application de certaines disposi-
tions restrictives du décret du 6 juillet 1899 en ce qui concerne
la recherche et l'exploitation des mines clans la partie de la
colonie de la Côte d'Ivoire comprise entre la rivière Comoé,
la frontière orientale de la colonie et le parallèle 9°. Jusqu'au
1er octobre 1908, des permis d'exploration peuvent être déli-
vrés dans cette région, bien qu'elle ait été ouverte à l'exploi-
tation par arrêté du gouverneur du 15 février 1901. En outre,
une môme personne ou une même société peut y détenir plu-
sieurs permis de recherches, mais la surface totale du péri-
mètre de ces permis, jointe à la surface du périmètre des permis
d'exploration qu'elle pourra obtenir, doit être inférieure tou-
jours à 50,000 hectares.
§ 3. Chemins de fer.
645. Des lignes de chemins de fer et de tramways existent
dans un certain nombre de colonies. Ce réseau colonial de
voies ferrées a, depuis quelques années, pris un très grand
développement. Les chemins de fer coloniaux sont construits
et exploités, selon diverses combinaisons, à la Réunion, en
Afrique occidentale, à la côte Somalis, à Madagascar, en
Nouvelle-Calédonie, dans l'Inde et en Indo-Chine.
646. Réunion. Aux termes d'une convention intervenue le
19 février 1877 (1) entre le ministre de la marine et des colo-
nies et les représentants d'une société anonyme en formation,
ceux-ci s'étaient engagés à créer, à la Réunion, un port au
lieu dit Pointe-des-Galets, et à construire un chemin de fer
destiné à relier à ce port tous les quartiers producteurs de
l'île depuis Saint-Pierre jusques et y compris Saint-Benoît, en
(1) Convention approuvée par la loi du 23 juin 1877.

— 551 —
passant par Saint-Denis. Cette convention a été en partie
modifiée le 26 mai 1884 (1) en vue de l'agrandissement de la
Pointe-des-Galets.
Il résulte de ces conventions que la concession avait été
faite pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans à partir de
la date de l'acte constitutif de la compagnie, avec faculté pour
le ministre, après la vingt-cinquième année, à partir de la
mise en exploitation, de faire cesser la concession à une
époque quelconque, sans que les concessionnaires aient droit,
de ce fait, à aucune indemnité.
Le chemin de fer a été inauguré dans le courant de l'année
1884 et l'exploitation provisoire du port, autorisée par une
décision ministérielle du 1er avril 1886. Ce n'était que pour
peu de temps, car à la fin de 1887, la compagnie était dans
l'impossibilité de continuer l'exploitation et le 2 décembre, la
déchéance était prononcée contre elle.
647. L'article 33 de la loi de finances du 27 juillet 1889
disposait que le ministre du commerce, de l'industrie et des
colonies était autorisé à assurer l'exploitation provisoire du
chemin de fer et du port de la Réunion. Les recettes et les
dépenses devaient faire l'objet d'un budget annexe, rattaché
pour ordre au budget de l'Etat. C'est pour obéir à cette pres-
cription du législateur qu'a été pris le décret du 22 oc-
tobre 1889.
D'après ce décret, le chemin de fer et le port sont exploités
en régie dans les conditions prescrites par les cahiers des
charges annexés à la loi du 23 juin 1877; l'administration a
dû constituer tout aussitôt un service spécial confié, sous
l'autorité du ministre des colonies, à un directeur résidant à
la Réunion.
Un décret du 5 mai 1897 a, sur ces bases, réglementé le
fonctionnement du service administratif du chemin de fer et
du port de la Réunion. L'administration du chemin de fer est
confiée il un directeur résidant dans la colonie. Le directeur a
des pouvoirs très étendus; il a notamment qualité pour inten
ter et soutenir soit devant le conseil du contentieux adminis-
(1; Convention approuvée par la loi du 19 décembre 1884.

— 552 —
tratif, soit devant les juridictions ordinaires, toutes actions
relatives aux services placés sous ses ordres. Il est assisté
d'un conseil consultatif (1) dont les avis sont pris obligatoi-
rement sur certaines matières. L'article 5 rappelle que l'exploi-
tation continue à être régie conformément aux lois et règle-
ments en vigueur dans la colonie et aux dispositions du cahier
des charges, à celles du moins que la déchéance n'a pas ren-
dues caduques; l'article G exige, pour la mise en vigueur des
tarifs, l'homologation du ministre des Colonies. Les travaux
neufs et de parachèvement ne peuvent être entrepris qu'après
l'approbation du ministre des Colonies. Enfin, et sur ce point
particulier, le décret du 5 mai 1897 a été complété par un
décret du 25 janvier 1901, la gestion du directeur du chemin
de fer et du port est contrôlée par une commission de surveil-
lance siégeant au ministère des Colonies.
Le régime financier du chemin de fer et du port a été
revisé par un décret du 8 décembre 1897. Ce décret, qui tend
à assurer de façon très étroite la surveillance de la gestion
financière du chemin de fer, est inspiré du règlement sur la
comptabilité des chemins de fer de l'Etat.
648. Des arrêtés ministériels doivent déterminer, après avis
du gouverneur et sur la proposition du directeur, les cadres
des divers agents, leurs traitements et les indemnités acces-
soires, les sommes à distribuer en fin d'exercice à titre de
primes de gestion ou d'économie, aux agents ayant le plus
contribué à la bonne marche du service et au résultat favo-
rable de l'exploitation. Cette organisation a été déterminée
par des arrêtés du ministre des colonies, en date des 15 oc-
tobre 1892, 15 décembre 1897 et 10 juillet 1903.
C'est également par des arrêtés ministériels des 4 mars et
7 avril 1898 qu'ont été réglementés, en exécution des décrets
des 5 mai et 8 décembre 1897, le fonctionnement du fonds de
roulement et la délivrance des cartes et permis de circulation
sur le chemin de 1er.
649. Les recettes du budget du chemin de fer, budget
annexe au budget de l'Etat, se composent : 1° des produits de
(1) I a composition a été fixée par arrêtés du ministre des colonies eu
date
es 8 mai 1897, 20 juillet 1903.

— 553 —
l'exploitation; 2° des subventions qui pourraient être inscrites
au budget métropolitain du ministère des Colonies s'il y a lieu ;
3° de la subvention de la colonie. Les dépenses sont énumérées
par l'article 8 du décret. Quant à l'excédent des recettes sur
les dépenses, s'il existe, il doit étre, d'après l'arlicle 36 de la
loi de finances du 25 février 1901, affecté au paiement de
la garantie d'intérêts due aux obligataires pour l'année sui-
vante.
La durée de l'exercice est quelque peu modifiée par le décret
du 8 décembre 1897 (1).
Un décret du 3 juillet 1901 a fixé les règles suivant
lesquelles des rétablissements de crédit peuvent être opérés
au budget annexe, dans les cas de reversements pour trop payés
et de remboursements de la valeur, de cassions, d'avances ou
de travaux exécutés.
Le caissier est justiciable de la Cour des comptes; son
encaisse ne doit jamais dépasser 50,000 francs. 11 est respon-
sable des sommes dont il doit opérer le recouvrement sur les
agents désignés comme receveurs dans les gares et stations
d'après les titres de perception qui lui sont transmis par le
directeur de l'exploitation; il est également responsable des
dépenses acquittées sur son visa par ces mêmes agents. Le direc-
teur tient écriture des titres de perception qu'il a délivrés et
des restes à recouvrer ainsi que de toutes les opérations
concernant la liquidation et l'ordonnancement des dépenses; il
est obligé de transmettre au ministre tous les trois mois une
situation de crédits. On a adopté, pour la comptabilité matières,
le système du fonds de roulement (2) déjà adopté en France
pour la comptabilité du réseau de l'Etat.
(1) Elle se prolonge, dans la colonie, jusqu'au 15 avril de la seconde
année pour compléter les opérations relatives à la liquidation et au
mandatement des dépenses, et jusqu'au 30 avril pour completer les opé-
rations relatives au recouvrement des produits et au paiement des

dépenses ; en France, jusqu'au 15 mars de la seconde année pour la
délivrance des ordres de recette ou de paiement et jusqu'au 31 mars
pour l'encaissement des recettes et le paiement des dépenses. A la clô-

ture de l'exercice, d'après une disposilion nouvelle que consacre l'ar-
ticle 5 du décret, le directeur adresse au caissier, pour être jointe à
son compte de gestion, une situation générale des droits constatés.

(2) Le fonctionnement de ce fonds de roulement a été réglementé par
un arrêté ministériel en date du 4 mars 1898. (V. page 552 n° 648).

— 554 —
651. Il appartient au gouverneur de déterminer, par arrêtés,
les mesures et les dispositions nécessaires pour assurer la
police de l'exploitation du chemin de fer, ainsi que la conser-
vation des ouvrages qui en dépendent (1). Un décret en date
du 13 novembre 1880 a rendu applicable à la Réunion les dis-
positions des lois du 15 juillet 1845 sur la police des chemins
de fer et du ii juillet 1865 sur les chemins de fer d'intérêt
local; les attributions dévolues par ces lois aux préfets et aux
conseils de préfecture appartiennent au directeur de l'intérieur,
aujourd'hui au gouverneur, et au conseil du contentieux.
652. Afrique occidentale française. En vue de hâter
l'exécution de travaux d'utilité publique, et spécialement de
chemins de fer, une loi en date du 5 juillet 1903 a autorisé le
gouvernement général de l'Afrique occidentale française à
réaliser par voie d'emprunt et à un taux d'intérêt qui ne pou-
vait excéder 3,50 0/0 une somme de 65 millions de francs,
remboursable en cinquante ans au plus. Cette somme doit
être employée à des travaux d'assainissement, d'aménagemen
de port, d'ouverture de voies de pénétration, et au rembour-
sement d'emprunts antérieurement contractés. La réalisation
de chacune des différentes parties de l'emprunt à contracter
est autorisée par décret rendu sur la proposition des ministres
des Colonies et des Finances, et l'annuité nécessaire pour
assurer le service des intérêts et de l'amortissement est ins-
crite obligatoirement au budget où figurent les recettes et les
dépenses propres au gouvernement général, c'est-à-dire actuel-
lement au budget général de l'Afrique occidentale française.
Le paiement de cette annuité est garanti par le gouverne-
ment de la République française; le gouvernement général de
l'Afrique occidentale française restera débiteur envers l'Etat
des sommes que celle-ci aurait éventuellement à verser au
titre de cette garantie. Le remboursement de ces avances, qui
ne seront pas productives d'intérêt, constituera une dépense
obligatoirement inscrite au budget où figurent les recettes et
les dépenses propres au gouvernement général de l'Afrique
occidentale française. Cette garantie de l'Etat du reste n'a pas
eu jusqu'à présent l'occasion de s'exercer et la situation bud-
gétaire de l'Afrique occidentale permet de penser qu'il ne
sera pas plus nécessaire d'y faire appel à l'avenir.

— 555 —
L'ouverture des divers travaux prévus par la loi a lieu sur
la proposition du gouverneur général de l'Afrique occidentale
française, en vertu d'un décret rendu sur le rapport du ministre
des Colonies, après avis du ministre des Finances. Tous les
matériaux à employer pour l'exécution des travaux, ainsi que
le matériel nécessaire à l'exploitation des lignes de chemins
de 1er projetées, qui ne se trouveront pas dans le pays, devront
être d'origine française et transportés sous pavillon français.
Cette disposition est imperative et absolue; les délibérations
qui ont précédé au Parlement le vote de la loi ne peuvent
laisser aucun doute à cet égard. Enfin l'exploitation de tout ou
partie des lignes de chemins de fer qui seront construites dans
ces conditions pourra être concédée par le gouverneur général
de l'Afrique occidentale française, après avis de la colonie
intéressée. Les conventions qui interviendront à ce sujet ne
deviendront définitives qu'après avoir été ratifiées par une
loi.
En exécution de la loi du 5 juillet 1903, un décret en date
du 23 du même mois a autorisé le gouvernement général de
l'Afrique occidentale française à réaliser une portion de l'em-
prunt prévu, soit 40 millions de francs. Cette somme doit être
affectée jusqu'à concurrence de 25,672,044 fr. 10 à l'exécution
des travaux publics mentionnés par la loi et jusqu'à concur-
rence de 14,327,955 fr. 90 au remboursement d'emprunts
antérieurement contractés à des taux plus élevés. Ladite somme
de 40 millions de francs a été réalisée par voie d'émission
publique avec le concours d'un groupe d'établissements finan-
ciers, le 8 septembre 1903.
Le complément de l'emprunt, soit 25 millions de francs, a
été réalisé dans les mêmes conditions en vertu d'un décret
en date du 17 septembre 1905.
Ce n'est pas toutefois à l'aide des fonds provenant de cet
emprunt, c'est selon des combinaisons financières différentes
qu'ont été construites les lignes de Dakar à Saint-Louis, de
Kayes au Niger, et la voie ferrée du Dahomey.
652 bis. Chemin de fer de Dakar à Saint-Louis. Une loi
du 29 juin 1882 a déclaré d'utilité publique l'établissement d'un
chemin de fer de Dakar à Saint-Louis et approuvé la convention
intervenue, à cet effet, entre le ministre de la marine et des

— 556 —
colonies agissant au nom de l'Etat, et la société des Batignolles,
chargée de la construction de la ligne projetée. Cette ligne a
été terminée dans le courant de l'année 1885 et inaugurée offi-
ciellement au mois de juin. Sa longueur est de 265 kilomètres.
La durée de la concession a été fixée à quatre-vingt-dix-
neuf ans.
653. La compagnie était tenue de constituer, pour l'exécu-
tion des premiers travaux et l'achat du matériel, un capital
actions d'au moins 5 millions effectivement versé en argent.
L'Etat s'engageait à avancer à la compagnie, comme complé-
ment du capital de premier établissement,
la somme de
12,680,000 francs.
L'Etat garantit pendant la durée de la concession, par kilo-
mètre exploité, un revenu net annuel de 1,154 francs. Pour
assurer à la compagnie le revenu minimum annuel ci-dessus,
on doit ajouter à la somme garantie de 1,154 francs le mon-
tant des frais d'entretien et d'exploitation, et déduire du total
de ces deux sommes le revenu brut; la différence représente
la somme à allouer à la compagnie pour couvrir l'insuffisance
des produits du chemin de fer. Dans les dépenses figurent les
frais généraux de la compagnie ainsi que les intérêts des
avances de fonds auxquelles le concessionnaire a dû recourir
pour faire face au service d'exploitation.
Les sommes avancées par l'Etat comme complément du
capital de premier établissement, et celles versées par lui à
titre de garantie d'intérêt, ne constituent que des avances
remboursables par la compagnie au moyen de prélèvements
sur les excédents de revenu net de l'exploitation, dès que
celui-ci dépasse le montant de la garantie de 1,154 francs.
L'annuité, pour couvrir l'intérêt et l'amortissement du capi-
tal de premier établissement, avancé par l'Etat, fut fixée, lors
de la concession, à 2,246 francs par kilomètre. Indépendam-
ment de celte somme, l'Etat autorisa la compagnie, dans
le cas ou, par suite de l'accroissement de trafic, les bâtiments
des gares et stations, ainsi que le matériel roulant, tels qu'ils
sont définis au cahier des charges, deviendraient insuffisants,
à porter au compte de premier établissement les dépenses
provenant de ces agrandissements, et à accroître d'autant l'a-
vance de 12,680,000 francs faite par l'Etal. Ces avances sont

— 557 —
remboursables par la compagnie au taux de 4 1/2 0/0, intérêt
et amortissement compris. Toutefois la compagnie n'est tenue
d'affecter a ces remboursements que la moitié des bénéfices
représentant l'excédent du revenu net de l'exploitation sur le
montant de la garantie, quand cet excédent dépasse le total
formé par l'addition du revenu garanti et de l'annuité, due
pour intérêt et amortissement du capital avancé.
Indépendamment de ces remboursements, la convention
prévoit un partage de bénéfices entre l'Etat et la compagnie.
Ce partage ne s'effectuera qu'après le remboursement des
avances de fonds faites par l'Etat, et lorsque le revenu net
dépassera l'intérêt à 8 0/0 du capital total de premier éta-
blissement. Le partage avec l'Etal ne portera que sur l'excé-
dent du revenu net sur cet intérêt à 8 0/0.
654. Une sentence arbitrale, rendue en exécution de l'art. 6
de la convention du 30 octobre 1880 avait, le 10 avril 1891,
établi, pour le calcul de la garantie d'intérêts un tarif, à forfait
des fraisd'entretien et d'exploitation. Ce tarif, dont l'application
avait eu pour effet de permettre a la compagnie de porter à
un fonds de réserve des sommes jugées excessives, pouvait,
d'après le paragraphe 5 du même article 6, être modifié à toute
époque pendant la durée de la concession. Usant de cette faculté,
l'apministration a dénoncé la sentence arbitrale, et, le 21 novem-
bre 1900, les parties ont conclu une convention évaluant, d'a-
près une formule nouvelle, les frais kilométriques d'entretien
et d'exploitation du chemin de fer. Il est attribué à la compa-
gnie 20 0/0 des économies annuelles réalisées sur le montant
des dépenses résultant de la formule forfaitaire; le surplus est
versé à un nouveau fonds de réserve qui ne doit pas dépasser
1,500,000 francs ; audelà de ce maximum de 1,500,000 francs,il
vient en déduction des sommes versées à la compagnie par l'Etat,
par application de l'article 6 de la convention de concession.
La garantie d'intérêts est payée à la compagnie sur le rap-
port de la commission de vérification (n° 657) sous formes
d'acomptes, et sauf rectification ultérieure lorsque sont connus
les résultats définitifs de chaque exercice (1). La compagnie a
(1) Actuellement les sommes que l'Etat inscrit encore au budget colo-

— 558 —
soutenu que le montant de la garantie, lorsqu'il avait pu être
complètement arrêté par le ministre, formait une créance
unique et devait dès lors, dans son entier, porter intérêts à
5 0/0, intérêts de retard prévus par les arrêtés ministériels
des 31 décembre 1883 et 25 août 1885. D'après elle, ces inté-
rêts devaient s'ajouter aux intérêts des avances de fonds por-
tés au compte d'exploitation de chaque exercice, qui, confor-
mément à une décision du Conseil d'Etat du 4 août 1893, con-
tinuaient à figurer jusqu'à parfait paiement aux comptes des
exercices postérieurs. A la date du 24 mai 1901, le Conseil
d'Etat, statuant au contentieux, à rejeté cette prétention de la
compagnie (1).
6S5'. Tous les terrains nécessaires à l'établissement du che-
min de fer, des gares, stations ou autres ouvrages, ont été
livrés gratuitement, par la colonie du Sénégal, au concession-
naire. Tous les matériaux de construction, ainsi que tous les
objets de matériel fixe et roulant, sont exempts des droits de
douane et d'octroi de mer.
La largeur de la voie a été fixée par le cahier des charges
à 1 mètre. Indépendamment des gares principales de Saint-
Louis, Dakar et Rufisque, la compagnie doit établir un cer-
tain nombre de stations intermédiaires et de haltes.
Les frais d'entretien et ceux auxquels donnent lieu les répa-
rations ordinaires et extraordinaires sont entièrement à la
charge de la compagnie. Si le chemin de fer n'était pas entre-
tenu en bon état, il y serait pourvu d'office, à la diligence de
l'administration et aux frais de la compagnie, sans préjudice
de la déchéance qui pourrait être prononcée contre elle.
656. Les dispositions nécessaires pour assurer la police et
l'exploitation du chemin de fer, ainsi que la conservation des
ouvrages qui en dépendent, devaient, d'après la convention de
1880, faire l'objet d'arrêtés du gouverneur de la colonie, ren-
dus après que la compagnie aurait été entendue. Le Gouver-
nial comme devant être versées à la Compaguie du chemin de fer de
Dakar à Saint-Louis ne s'appliquent qu'à des dépenses complémentaires
de premier établissement. La Compagnie a commencé depuis trois
ans à rembourser à l'Etat les sommes qu'elle a précédemment reçues
au titre de la garantie d'intérêts.
(1) C. d'Et. cont., 24 mai 1901.

— 559 —
nement métropolitain, usant des pouvoirs qu'il tient du séna-
tus-consulte de 1854 (art. 18), a rendu, par un décret du 9 juin
1887, la loi du 15 juillet 1845 applicable dans toute la colonie
du Sénégal. Le pouvoir confié au gouverneur ne peut donc
plus s'exercer que dans les limites déterminées par ces actes.
La compagnie est tenue de soumettre à l'approbation de l'ad-
ministration les règlements relatifs à l'exploitation.
657. Des arrêtés ministériels, rendus en exécution de l'ar-
ticle 6 de la convention, ont réglementé les formes suivant
lesquelles le concessionnaire est tenu de justifier, vis-à-vis de
l'État, des recettes brutes du chemin de fer ainsi que des frais
d'entretien et d'exploitation. Aux termes de ces arrêtés, la
compagnie doit, dans les deux premiers mois de chaque armée,
remettre au ministre des colonies un compte détaillé, relevé
d'après ses registres et comprenant pour l'année précédente,
indépendamment des revenus nets garantis : 1° les recettes
brutes de l'exploitation; 2° les frais d'exploitation.
Le compte des recettes comprend les produits bruts de
toute nature et notamment le produit du placement des fonds
de l'exploitation. Sont seuls exceptés ceux provenant d'établis-
sements qui ne servent pas directement à l'exploitation du
chemin de fer.
Les comptes prévus ci-dessus sont soumis à l'examen d'une
commission de neuf membres : un conseiller d'État, président,
quatre membres nommés par le ministre des colonies et quatre
par le ministre des finances. La compagnie est tenue de repré-
senter les registres et tous documents que la commission juge
nécessaires à la vérification des comptes. La commission
adresse son rapport avec les comptes et les pièces justificatives
au ministre des colonies qui, après communication au ministre
des finances, arrête, sauf recours de la compagnie par la voie
contentieuse, le montant des avances de garantie à la charge
du trésor.
Le payement pour solde de ces avances a lieu à Paris dans
un délai de six mois.
Indépendamment de ce compte annuel, la compagnie doit
remettre, dans les deux mois qui suivent le premier semestre
de chaque année, au ministre des colonies, un compte provi-
soire établi sur les mêmes bases et dont les résultats sont pris

— 560 —
en considération pour le paiement d'acomptes à la compagnie,
au titre de la garantie d'intérêts (n° 654).
658. Des commissaires, désignés par le ministre, peuvent
être chargés, à Paris ou au Sénégal, de surveiller, dans l'in-
térêt de l'Etat, tous les actes de la gestion financière de la
compagnie. Celle-ci leur doit communication des pièces qu'ils
jugeraient nécessaires pour constater sa situation financière.
Ils ont le droit d'assister aux séances de.l'assemblée générale
des actionnaires.
Ils donnent leur avis sur les documents et comptes fournis
au ministre par la compagnie.
Les opérations financières de la comptabilité de la compa-
gnie sont soumises, dans la métropole, aux vérifications de
l'inspection générale des finances, et dans la colonie, aux vé-
rifications de l'inspection des colonies.
La compagnie est tenue de remettre, dans les trois pre-
miers mois de chaque année, au ministre des colonies, le pro-
jet du budget des recettes et les prévisions de frais d'exploita-
tion qui forment les éléments du compte de garantie pour
l'année commençant le 1er janvier suivant, et de lui communi-
quer dans le cours de l'année les modifications qu'il y aurait
lieu d'apporter à ce budget.
639. Pour indemniser la compagnie de ses travaux et de ses
dépenses, le Gouvernement lui accorde l'autorisation de per-
cevoir, pendant toute la durée de la concession, les droits dé-
terminés à l'article 41 du cahier des charges. Le tarif se com-
pose — indépendamment de l'impôt sur les transports, si
celui-ci vient à être établi — de deux droits distincts : 1° un
droit de péage, destiné à rémunérer des dépenses de cons-
truction et d'entretien de la voie; 2° un droit de transport,
correspondant aux dépenses du matériel employé.
Le droit de transport n'est dû que lorsque la compagnie
effectue elle-même les transports à ses frais et par ses propres
moyens; dans le cas contraire, elle n'a droit qu'aux prix fixés
pour le péage.
G60. Le cahier des charges contient un certain nombre de
stipulations destinées à assurer le service des postes, le trans-
port des prisonniers et le service télégraphique. 11 contient,
en outre, comme les cahiers des charges des compagnies de

— 561 —
chemins de fer en France, une diminution des tarifs en faveur
de certains employés militaires et civils.
Réserve est faite en faveur du gouvernement du droit de
concéder à d'autres compagnies d'autres lignes concurrentes
parallèles et des lignes de raccordement et d'embranchement.
A l'époque fixée pour l'expiration de la concession et par le
seul fait de cette expiration, l'Etat sera subrogé à tous les
droits de la compagnie sur le chemin de fer et ses dépendances
et entrera immédiatement en jouissance de tous ses produits.
Afin de sauvegarder les droits de l'Etat, dans les cinq der-
nières années qui précéderont le terme de la concession, le
gouverneur aura le droit de saisir les prévenus du chemin de
fer et de les employer à rétablir en bon état la ligne et ses
dépendances, si la compagnie ne se met pas en mesure de
satisfaire à cette obligation.
661. Après l'expiration des vingt-cinq premières années de
la concession et à toute époque, le Gouvernement a la faculté
de racheter (1) la concession entière du chemin de fer.
662. La compagnie a son siège social et son domicile élus
à Paris, mais elle est tenue d'avoir à Saint-Louis un représen-
tant accrédité auprès de l'administration.
Les contestations entre la compagnie et l'administration au
sujet de l'exécution et de l'interprétation des clauses du cahier
des charges sont jugées par le conseil de préfecture de la
Seine, sauf recours au conseil d'Etat.
662 bis. Aux termes de la loi du S juillet 1903 sur les fonds
de l'emprunt de 65 millions que le gouvernement général de
l'Afrique occidentale française a été autorisé à contracter, une
somme de 5,500,000 francs devait être consacrée tant à l'amé-
(1) Les conditions du rachat sont les suivantes :
11 sera dressé une moyenne des produits nets annuels pendant les

sept années qui auront précédé celle où le rachat s'effectuera, déduction
faite des produits nets des deux plus faibles années. Ce produit net

moyen, qui ne pourra être inférieur au revenu net garanti par l'Etat,
formera le montant d'une annuité qui sera due et payée à la compagnie
pendant chacune des années restant à courir sur la durée de la conces-
sion. Toutefois, l'annuité ne pourra étre inférieure au produit net de la
dernière des sept années prises pour terme de comparaison.

La compagnie recevra, en outre, dans les trois mois qui suivront le
rachat, les remboursements auxquels elle pourrait avoir droit pour la
reprise de son mobilier, de ses approvisionnements, etc.

COLONIES, I.
36

— 562 —
iioration de la navigation sur le Sénégal et sur le Niger qu'aux
études d'un chemin de fer reliant Kayes à la ligne de Dakar
à Saint-Louis. Une mission du génie a établi l'avant-projet de
cette ligne dont la construction est pour le moment ajournée.
663. Chemin de fer de Kayes au Niger. Ce chemin de fer
part de Kayes, gagne Bafoulabé et se dirige vers le Niger
par Kita et Bammako.
Entreprise avec les ressources variables que l'État, depuis
1881, y consacrait chaque année, la construction de cette voie
ferrée se poursuivit lentement jusqu'en 1898. Les crédits ins-
crits dans le même but au budget local du Soudan français,
depuis 1892, étaient, d'autre part, fort peu importants. Ils cor-
respondirent finalement à une somme de 250,000 francs, repré-
sentant, à forfait, la quote-part attribuée au budget local du
Soudan, colonie sans frontières maritimes, sur le produit des
recettes de douane perçues sur le littoral de la colonie du
Sénégal.
Atin d'accroître ces ressources, l'État et la colonie du
Soudan rançais ont pris l'engagement l'un vis-à-vis de l'autre
d'affecter pendant vingt-quatre ans une somme annuelle de
500,000 rancs à la construction de la voie ferrée, soit un mil-
lion par an pendant vingt-quatre ans. Une convention a été
conclue dans ce but, le 10 février 1898, entre le ministre des
colonies et le gouverneur général de l'Afrique occidentale
française; elle a été approuvée par la loi de finances du
13 avril 1898 (art. 35). Grâce à ces dispositions, grâce à la
certitude ainsi acquise qu'une somme totale de 24 millions en
vingt-quatre ans serait affectée à la construction du chemin
de ter, on espérait qu'avec une telle garantie des avances de
fonds pourraient, selon l'avancement des travaux et par voie
d'emprunts successifs, être obtenues d'établissements financiers.
Tant qu'il a été possible d'offrir au prêteur, en l'espèce la
caisse des dépôts et consignations, le gage assuré par l'État,
l'es 12 millions qu'aux termes de la convention du 10 février
1898 il doit verser en vingt-quatre ans, il a été facile en effet
d'obtenir des avances de fonds. C'est ainsi que des emprunts
de 3,600,000 francs et de 4,500,000 francs, dont l'intérêt et
l'amortissement ont suffi, d'ailleurs, à absorber complètement
le gage de l'État, ont pu être réalisés aisément.

— 563 —
Avec le gage de la colonie, au contraire, on ne put comp-
ter sur les mêmes facilités. Bien que la colonie du Soudan eût
été démembrée, il était certain pourtant que les charges finan-
cières assumées par elle subsistaient dans leur intégralité et
qu'il devait y être pourvu comme par le passé. Ces charges
furent transmises successivement, en effet, par les décrets de
réorganisation de l'Afrique occidentale française, au budget
du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger, au budget de la Séné-
gambie, enfin au budget de la colonie du Haut-Sénégal et
Niger. D'autre part, l'annuité de 500,000 francs que l'État et
la colonie du Soudan s'étaient engagés l'un et l'autre, en 1898
à payer jusqu'en 1922, n'aurait pu permettre l'entier achè-
vement des travaux. L'intérêt et l'amortissement des emprunts
à réaliser par avance sur les 24 annuités réduisaient très sen-
siblement les sommes disponibles. On crut pouvoir obvier à
ces difficultés en faisant garantir par la colonie du Sénégal le
paiement de l'annuité de 500,000 francs promise par le Soudan
français, et en obtenant en outre du budget du Haut-Sénégal
et du Moyen-Niger, également avec la garantie de la colonie
du Sénégal, une annuité supplémentaire de 417,000 francs qui
serait versée pendant 24 ans à partir de 1902.
Mais on dut bientôt reconnaître que d'autres obstacles sub-
sistaient, d'où pouvaient naître à la fois des retards appré-
ciables dans la réalisation de sommes immédiatement néces-
saires, et d'incessantes perturbations dans l'évaluation des res-
sources disponibles et le programme des travaux à exécuter.
Les établissements financiers, la Caisse des dépôts et consigna
tions elle-même, hésitaient à faire de nouvelles avances sur
les annuités promises, ces prêts devant être gagés, non plus
sur les subventions de l'État, absorbées par les premiers
emprunts, mais sur les subventions qui seraient inscrites
au budget du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger. Même avec la
garantie subsidiaire de la colonie du Sénégal, ces dernières
n'étaient pas exemptes, disait-on, d'un certain défaut de fixité,
que pouvaient accroître, on l'objectait du moins, les réorga-
nisations successives de nos possessions de l'Afrique occiden-
tale.
C'est pour mettre un terme à ces difficultés qu'une loi en
date du 4 mars 1902 a autorisé le ministre des Finances à

— 564 —
faire l'avance, sur les fonds du Trésor, des sommes néces-
saires à l'achèvement du chemin de fer de Kayes au Niger
ainsi qu'au remboursement des emprunts déjà contractés. Par
voie de conséquence, sont versées au Trésor et affectées avant
tout emploi au remboursement de ces avances, les différentes
annuités inscrites tant au budget de l'État qu'au budget où
sont portées les dépenses du Haut-Sénégal. Ce dernier est
actuellement, aux termes du décret du 1er octobre 1902, le
budget du territoire de la Sénégambie-Niger.
Au 1er janvier 1905, la ligne était ouverte à l'exploitation
jusqu'à Koulikoro, son point terminus sur le Niger (555 kil.).
66i. L'organisation administrative du chemin de fer a été
réglée par un décret en date du 29 avril 1898. L'administration
du chemin de fer constitue un service spécial confié, sous
l'autorité du ministre et du gouverneur, à un directeur choisi
parmi les officiers supérieurs du génie. Le directeur a des
pouvoirs étendus; il a notamment qualité pour soutenir, sans
autorisation spéciale, toutes actions intéressant l'entreprise
lorsque leur objet n'est pas d'une valeur supérieure à 10,000 fr.
il peut engager toutes dépenses relatives à l'exploitation, à
l'entretien et aux travaux neufs; il ne peut toutefois, sans
l'autorisation du gouverneur, conclure des marchés ou
des traités de gré à gré dont l'importance totale dépasse
1,500 francs, et, sans l'autorisation du ministre, des marchés
ou des traités de gré à gré dont l'importance totale dépasse
20,000 francs. Il a sous ses ordres le personnel civil et mili-
faire de l'entreprise; il a vis-à-vis le personnel militaire les
droits d'un chef de corps. Il est assisté d'un conseil d'admi-
nistration qu'il préside et qui, tout en étant simplement con-
sultatif, donne obligatoirement son avis sur certaines questions
énumérées par l'article 3 du décret. Aucun tarif général et
spécial ne peut être mis en vigueur sans avoir été au préa-
lable homologué par le ministre des colonies; il ne doit être
accordé aucun permis de circulation.
Un décret du 27 mars 1900 a réglementé l'organisation de
la comptabilité du chemin de fer de Kayes au Niger. Ce décret,
pour l'ensemble de ses dispositions, correspond au décret du
8 décembre 1897 sur la comptabilité du chemin de fer et du
port de la Réunion (nos G47 et suiv.). Le projet de budget du

— 565 —
chemin (le fer, budget annexe du budget général de l'Etat (1)
est préparé par le directeur et transmis par le gouverneur
général de l'Afrique occidentale française, avec l'avis du con-
seil d'administration, au ministre des colonies. Les recettes
du budget comprennent : 1° les produits de l'exploitation ; 2° la
subvention à verser par le budget spécial autonome du Haut-
Sénégal et du Moyen-Niger et dont le minimum est fixé par
la convention du 10 février 1898; 3° la subvention de l'Etat
pour l'entretien d'une demi-compagnie du génie chargée de
l'exploitation (2); 4° l'annuité versée par l'Etat en exécution de
la convention du 10 février 1898; 5° le montant des emprunts;
6° les excédents de recettes des exercices antérieurs qui sont
destinés au paiement des exercices clos, ou qui sont versés
comme ils doivent l'être en principe, au budget autonome
pour être employés aux travaux de parachèvement. Toutes les
recettes sont constatées, dans les écritures du caissier du che-
min de fer (3), au moyen d'ordres de recettes délivrées par le
directeur; les annulations d'ordres de recettes sont également
effectuées par le directeur.
Une commission de surveillance, chargée de l'examen des
questions concernant la construction et l'exploitation du chemin
de fer, a été constituée au ministère des colonies par arrêtés du
13 mai 1898 et du 29 décembre 1900.
Les tarifs d'exploitation ont été fixés par arrêtés ministériels
des ο juillet 1900, 15 août 1902 et 28 juillet 1905 (4).
(1) Un projet de
loi a été préparé en vue de rattacher au budget
général de l'Afrique occidentale française le budget annexe du chemin
de fer de Kayes au Niger. Aux termes de ce même projet de loi,
les bénéfices de l'exploitation seraient attribués pour la totalité au
budget général qui devrait, par contre, pourvoir aux déficits de l'ex-
ploitation.
(i) Ce personnel militaire est supprimé à partir du 1er janvier
906.
(3) Un arrêté du ministre des colonies,en date du 15 septembre 901,
a fixé l'indemnité allouée au trésorier-payeur du Haut-Sénégal et du Moyen
Niger comme étant chargé des fonctions de caissier du chemin de 1er.
(4) Les prix à percevoir pour les voyageurs s'appliquent à quatre
classes différentes et sont perçus d'après un tarif dégressif, selon que
le parcours ne dépasse pas 150 kilomètres, est au delà de celte pre-
mière zone de 150 à 350 kilomètres, ou même dépasse 350 kilomètres
Dans le premier cas, ils varient, selon la classe, de 0 fr. 35 à 0 fr, OS ;
dans le second cas, de 0 fr. 28 à 0 fr. 05; dans le troisième, de 0 fr. 20

— 566 —
6G4 Λ. Chemin de fer de la Guinée française. La colonie
de la Guinée française, après avoir fait procéder à l'étude très
complète d'un chemin de fer partant de Konakry et destiné à
atteindre le Niger, a commencé la construction de cette voie
ferrée. C'est à l'aide de ses propres ressources que la colonie
donne suite à l'exécution de ce projet de chemin de fer; ses
recettes ordinaires annuelles toutefois seraient trop faibles
pour lui permettre de mener rapidement cette œuvre à bonne
tin et elle s'est trouvée dans l'obligation d'avoir recours à des
emprunts, contractés du reste en dehors de toute garantie de
l'État.
Un premier emprunt de 8 millions de francs, puis un
second emprunt de 4 millions, furent réalises dans ce but.
Mais il était manifeste que ces sommes seraient insuffisantes
pour conduire les travaux au delà d'un premier tronçon ne
dépassant pas 150 kilomètres.
Dans ces conditions, il fut décidé que surlesfonds de l'emprunt
de G5 millions de francs que le gouvernement général de l'A-
frique occidentale française, par une loi en date du 5 juil-
let 1903, a été autorisé à contracter, une somme de 17 millions
de francs serait consacrée aux travaux de prolongement du
chemin de fer de la Guinée, alors achevé sur une longueur de
148 kilomètres, à partir de Konakry jusqu'à Kindia.
Au delà de Kindia, et jusqu'à Sambaia (8 kilomètres environ),
un décret du 24 décembre 1903 a autorisé, en exécution de
la loi du 5 juillet précédent, l'ouverture d'une nouvelle sec-
tion des travaux du chemin de fer. La dépense de ce tronçon
était évaluée à 850,000 francs et ne représentait, par suite,
qu'une faible fraction de la somme de 17 millions affectée au
chemin de fer de la Guinée par la loi du 5 juillet 1903. Aussi,
plus récemment, un décret en date du 8 juillet 1904 a-t-il spé-
fr. 05. Il y a, en outre, des billets d'aller et retour. Pour les marchan-
dises en petite vitesse, toujours avec la distinction des trois parcours,
les prix s'appliquent à trois catégories et varient par tonne de 1 fr.20 à
0 fr.10. Des tarifs spéciaux, daus les conditions prévues par l'arrêté,
du 28 juillet 1905, sont, en outre, appliqués à certains produits, tels
que le miel, l'arachide,etc.,qui ne sauraient supporter des frais de trans
port considérables, et à des matériaux ainsi qu'à des denrées dont il y

a lieu de favoriser l'introduction.

— 567 —
cifié que le complément de cette somme, soit 16,1ου,000 francs,
serait consacré au prolongement de la voie de Sambaia au
col de Coumi, sur une distance de 146 kil. 500.
En vertu de la loi du 5 juillet 1903, une somme de 11 mil-
lions 648,053 francs a, d'autre part, été, sur les fonds de l'em-
prunt de 63 millions de francs, consacrée au remboursement
du capital restant à amortir sur les emprunts de 8 millions de
francs et de 4 millions de francs contractés par la colonie de
la Guinée en 1899 et 1901 pour la construction de son che-
min de fer.
Les travaux de construction du chemin de fer sont exécutés
en régie. Un arrêté ministériel du 20 mars 1900 a réglé la
situation du directeur et celle du personnel placé sous ses
ordres. Le fonctionnement de la comptabilité du service du
chemin de fer a été déterminé par un arrêté du 8 janvier 1901.
Enfin l'ouverture à l'exploitation de la partie déjà construite
de la voie ferrée a amené la création d'un budget annexe rat-
taché au budget général de l'Afrique occidentale française. A
ce budget annexe sont inscrites, conformémen a un décret
du 24 décembre 1904 (1), les receltes et les dépenses de l'ex-
ploitation.
664 IL Chemin de fer de la Côte d'Ivoire. La loi du ο juil-
let 1903 a prévu que, sur les fonds de l'emprunt de 65 mil-
lions de francs que le gouvernement général de l'Afrique
occidentale française a été autorisé à contracter, une somme
de 10 millions de francs serait affectée à la construction d'un
chemin de fer et d'un port à la Côte d'Ivoire.
En exécution de cette loi, un décret du 6 novembre 1903 a
autorisé l'ouverture de travaux dont la dépense totale a été
évaluée à 6,875,000 francs. Dans ces travaux étaient compris.:
1° l'exécution de la première section du chemin de fer de la
Côte d'Ivoire, entre Abidjean et Ery Macouguié, sur une lon-
gueur de 79 kilomètres; 2° l'établissement d'un canal entre
la mer et la lagune de Petit-Bassam, donnant accès au port
projeté à Abidjean. Lu dépense totale était évaluée à 6,875,000
francs, soit 6,175,000 francs pour la première section du che-
(1) Complété par un décret du 22 avril 190a.

— 568 —
min de fer, et 700,000 francs pour l'ouverture du canal.
Pour le chemin de fer comme pour le port, les travaux sont
exécutés en régie sous la direction d'officiers du génie. La
voie ne lardera pas à être ouverte à l'exploitation jusqu'à Ery
Macouguié; un avant-projet est, en outre, pour la construc-
tion d'une deuxième section de la voie ferrée entre Ery
Macouguié et le N'Zi ( kil. 115). Quant au canal, il a été
ouvert, à Port-Bouet, sur la mer, et les travaux en ont été
achevés jusqu'à la lagune en janvier 1906. 11 a une profondeur
provisoire de 3 mètres, de façon à permettre à des allèges de
circuler entre la rade de Port-Bouet et les apponlements d'A-
bidjean.
664 G. Chemin de fer du Dahomey. C'est à l'aide de
ses seules ressources que la colonie du Dahomey a entrepris
la construction d'un chemin do fer partant de la côte et se
dirigeant vers le Niger. L'exécution du programme que l'ad-
ministration de la colonie comptait accomplir elle-même
avec ses propres moyens financiers devait toutefois, à l'origine,
se limiter aux travaux d'infrastructure de la voie ferrée. Aussi
l'arrêté ministériel du 20 mars 1900, en créant au Dahomey
un service spécial dit « Service du chemin de fer », l'avait-il
chargé seulement : de la construction de la plate forme de
la voie ferrée; de toutes les études relatives à ses prolon-
gements et embranchements; 3° de la délimitation et du lever
régulier des terrains susceptibles d'être attribués à titres de
subvention à une société concessionnaire de la voie ferrée. Le
chef de ce service porte le titre de directeur des travaux du
chemin de fer et relève directement du gouverneur. D'après
cet arrêté, en outre, toutes les dépenses faites par la colonie
en vue de la construction du chemin de fer sont inscrites à
un chapitre spécial du budget local; le programme des travaux
et des études à faire ainsi que les devis estimatifs correspon-
dants sont soumis chaque année à l'approbation du ministre,
en même temps que le budget ordinaire de la colonie. Un
arrêté ministériel du 2 avril 1900 a organisé le personnel du
chemin de fer, emprunté au génie, et a fixé les indemnités à
lui allouer.
La construction de la superstructure de l'exploitation de ce
chemin de fer, entre Kotonou et Tchaourou, avec embranche-

— 569 —
ment vers Ouidah, ont été concédés à une entreprise particu-
lière par décret en date du 26 juin 1900. Un droit de préfé-
rence a, en outre, été accordé par ce décret, au concession-
naire, pour une période de ving t-cinq ans, sur la prolongation
de la voie ferrée entre Tchaourou et le Niger. Les avantages
particuliers obtenus par le concessionnaire pour l'indemniser
de ses dépenses étaient : 1° pour la partie du chemin de fer
comprise entre Kotonou et Paouignan, une subvention annuelle
de deux mille francs par kilomètre exploité jusqu'à l'expira-
tion d'un délai de huit ans; 2° pour la partie du chemin de
fer comprise entre Paouignan et Tchaourou, une subvention
annuelle d'égale somme pour les huit premières années de
l'exploitation; 3° l'autorisation de s'établir sur certains terri-
toires déterminés et d'y exercer tous droits de jouissance et
d'exploitation. La concession de ces terres devait être, sous
certaines conditions et au fur et à mesure de l'achèvement
des travaux, transformée en propriété définitive. Par déroga-
tion aux dispositions du décret du 6 juillel 1899 sur le régime
minier de l'Afrique occidentale, le concessionnaire recevait,
en outre, à titre gratuit, un permis général d'exploration sur
toute l'étendue des territoires dont la jouissance lui est attri-
buée, permis valable pour deux ans, renouvelable pour une
période de même durée, et transmissible à des tiers.
Aux termes du décret du 26 juin 1900, le concessionnaire
avait un délai d'un an pour faire choix des terrains sur les-
quels il exercerait tous droits de jouissance et d'exploitation
devaient lui être attribués. Ce délai a été porté à dix-huit
mois par un décret du 17 avril 1901; en fait l'accord ne pu-
s'établir complètement entre l'administration de la colonie elle
concessionnaire sur les conditions auxquelles le choix de ces ter.
rains devrait avoir lieu. Par un arrêté en date du 22 avril 1902,
le ministre des colonies a néanmoins autorisé la substitution
de la Compagnie coloniale du Dahomey à la compagnie fran-
çaise des chemins de fer du Dahomey pour l'exploitation de
terrains qui seront ainsi concédés.
D'autre part, et dans le but d'alléger les charges de la colonie
comme celles de la compagnie concessionnaire, un arrêt de
six années avait été prévu dans l'avancement des travaux à
partir de Paouignan, situé à 200 kilomètres de la cote.

— 570 —
Mais le développement continu du commerce et des cul-
tures au Dahomey, l'accroissement rapide de la population, la
prospérité inespérée des finances de la colonie incitèrent
bientôt le gouvernement général de l'Afrique occidentale
française à entrer en pourparlers avec la compagnie conces-
sionnaire du chemin de fer dans le but d'obtenir :
1° Une accélération dans la vitesse de construction de la
voie ferrée ;
i" Le droit d'abaisser les tarifs de transport, de manière
à assurer l'utilisation de tous les produits du pays et à donner
ainsi aux cultures et plantations une intensité de plus en plus
grande, rendue possible par l'accroissement de la population;
3° La remise à la disposition des indigènes, pour leur cul-
tures et plantations, des terrains dont la compagnie avait ob-
tenu la concession et dont elle ne paraissait pas devoir tirer
le parti qu'elle avait espéré tout d'abord.
De son côté cette compagnie, après la construction des cent
premiers kilomètres de la voie, l'achat du matériel roulant,
de l'outillage, des approvisionnements, etc., pouvait craindre
que son capital fût insuffisant pour lui permettre de renouveler
les mêmes dépenses sur le prolongement de la ligne. Elle
avait donc, de son côté, intérêt à suivre des pourparlers qui
conduisirent à la conclusion d'une nouvelle convention signée
lé 24 août 1904 et approuvée par décret du 29 du même mois
sur les bases suivantes :
1° La compagnie renonce à la concession des terrains qui
lui étaient accordés par le décret du 26 juin 1900, ainsi qu'à
certains autres avantages ou monopoles qui lui étaient accor-
dés par l'article 1er, et par les articles 3 et 4 de ce décret
(subvention annuelle et kilométrique, permis général d'exploi-
tation minière, etc.);
2° Elle renonce au droit de disposer elle-même des tarifs
de transport qui seront fixés par le gouverneur général de
l'Afrique occidentale française. Elle renonce aussi à la sub-
vention annuelle de 2,000 francs par kilomètre qui lui avait
été accordée pendant les huit premières années de l'exploita-
tion de chaque section;
3° Par contre, la construction de toutes les parties fixes
de la ligne (de Kotonou à Parakou, avec embranchement de

— 571 —
Pahou au lac Ahéraé par Ouidah ) est aux frais de la colonie,
qui pourra continuer sans arrêts la construction au nord de
Paouignan, la pousser en 1907 jusqu'à Agouagou (kilomètre
270) et la continuer ensuite avec la vitesse que lui permettront
ses ressources financières,
La compagnie fournira le matériel roulant, le maté-
riel mobile des gares, assurera l'exploitation de la ligne, et
remettra à la compagnie le produit intégral des recettes de
l'exploitation, moyennant le prélèvement annuel d'une somme
fixée à forfait selon une formule déterminée.
Pour faire face aux dépenses nouvelles que cette convention
mettait à la charge de la colonie du Dahomey, en l'obligeant
à rembourser tous les frais de construction (infrastructure et
superstructure) de la voie ferrée, le département des Colonies,
d'accord avec celui des Finances, résolut de mettre en circula-
tion, jusqu'à concurrence de 12 millions de francs, des bons de
l'Afrique occidentale française de 10,000 francs, l'un portant
intérêt à 4 0/0 et remboursables en cinq ans. Un décret du
21 avril 1905 a approuvé le traité conclu dans ce but entre
un groupe d'établissements financiers et le gouvernement géné-
ral de l'Afrique occidentale française.
La voie est maintenant complètement achevée et ouverte à
l'exploitation jusqu'à Paouignan ainsi que sur l'embranchement
de Ouidah.
Un arrêté du ministre des Colonies en date du 6 février 1903
a institué une commission de vérification des comptes de la
compagnie française des chemins de fer au Dahomey.
664. I). Chemin de fer du Congo français. — Au Congo
français, les études d'un chemin de fer allant de Loango à
Brazzaville, ou, tout au moins, reliant à Brazzaville le cours
du Niari-Quillou, ont été faites de 1892 à 1895. L'exécution de
cette voie ferrée a été ajournée, et, depuis l'ouverture à l'ex-
ploitation du chemin de 1er belge de Matadi au Stanley-Pool (1)
(1) Pour leurs transports, l'Etat français et notre colonie du Congo
béneficient, sur ce chemin de fer, des mêmes tarifs que ceux qui sont
appliques aux transports de l'Etat indépendant du Congo, l'Acte général
de Berlin ayant placé sur un pied d'égalité complète les puissances
signataires pour la circulation sur le Congo et ses affluents, ainsi que
sur les voies ferrées destinées à en compléter l'utilisation.


— 572 —
dont le point terminus atteint les régions qu'aurait desser-
vies la voie ferrée de Loango à Brazzaville, des projets diffé-
rents ont été examinés. Il a notamment été question d'établir
un chemin de fer plus au nord, entre Libreville ou le cours
inférieur de l'Ogarie et la Sangha; une première étude de la
question a même été faite par une mission spéciale envoyée
dans le pays et se poursuit à nouveau présentement, sous la
direction d'officiers du génie.
664 E. Chemin de fer de la Côte Somali. Une compa-
gnie française dite « Compagnie impériale des chemins de fer
Ethiopiens » avait obtenu de l'empereur Ménélick, souverain de
l'Abyssinie, la concession de la construction et de l'exploita-
tion d'un chemin de fer partant de la côte de la mer Bouge
et se dirigeant vers Harrar avec prolongation éventuelle vers
Addis-Abeba. Le gouvernement français avait, en 1896, donné
à la compagnie l'autorisation de faire passer le chemin de fer,
dont le point terminus sur la côte était Djibouti, par le terri-
toire de nos possessions. Cette autorisation avait été accordée
par dépêche ministérielle; il n'était intervenu avec la compa-
gnie ni convention, ni cahier des charges. Un contrat parti-
culier avait toutefois été conclu, entre le gouvernement fran-
çais et la compagnie, pour permettre à celle-ci de percevoir à
son profit sur le territoire de nos possessions un droit de 10
ad valorem sur les marchandises transportées, avantage qui
lui a été assuré par l'empereur d'Ethiopie.
La compagnie des chemins de fer éthiopiens ayant rencon-
tré des difficultés d'ordre financier et contracté des engage-
ments qui menaçaient de faire perdre à l'entreprise le carac-
tère français et l'intérêt national qu'elle présentait à ses débuts,
la colonie de la Côte Somalis conclut avec elle le 6 février 1902,
une convention (1) qui devait l'aider à conjurer le péril auquel
elle était exposée.
L'objet essentiel de cette convention, c'est en effet l'enga-
gement qu'a pris la colonie de la côte française des Somalis
d'accorder à la compagnie une subvention annuelle de 500,000 fr.
pendant cinquante ans à partir du 1er juillet 1902. Il était
(1) La convention est conclue au nom du « protectorat » français de
la Cote Somalis.

— 573 —
naturel de penser, que la compagnie essaierait, en offrant
comme gage tout ou partie de celte subvention, de réaliser
les avances de fonds qui lui seraient nécessaires. Les articles
2 et 10 de la convention prévoyaient expressément celte éven-
tualité et stipulaient que le montant des emprunts ainsi con-
tractés serait déposé dans les caisses d'une société financière
agréée par le ministre des colonies après avis du ministre des
Finances et ne devrait en être retiré qu'avec son autorisation.
Les fonds ainsi déposés ne peuvent être employés qu'au rem-
boursement d'avances antérieurement contractées, à la cons-
truction de la dernière section d'environ 100 kilomètres res-
tant à établir pour achever la voie jusqu'à Addis-Harrar, à
l'exécution de travaux complémentaires, et enfin au paiement,
dans la limite d'un maximun de 1,000 francs par kilomètre,
des sommes nécessaires pour parer à l'insuffisance des recettes
et couvrir les dépenses d'exploitation, pendant la première
année. Le reste doit être employé en travaux d'amélioration
ou de prolongement ou appliqué à la constitution d'un fonds
de réserve et de renouvellement.
La convention contient toutes stipulations nécessaires pour
conserver à l'entreprise son caractère français. Ces dispositions
s'appliquent soit à l'organisation intérieure de la compagnie,
soit à la cession temporaire ou définitive deslignes concédées.
La société concessionnaire ne peut décider ou autoriser la
construction d'aucun embranchement venant se souder sur les
lignes entre Djibouti et le cours de l'Aouache qu'avec l'autori-
sation des ministres des Colonies et des Affaires étrangères.
Elle doit assurer aux marchandises transitant par le port de
Djibouti des conditions de transport au moins aussi avantageuses
que celles qui pourraient être obtenues sur les voies terrestres
aboutissant aux ports voisins.
Non seulement la convention tend à conserver à l'entreprise
un caractère essentiellement français, mais elle s'attache visi-
blement à donner au gouvernement français le contrôle de la
voie et à lui en assurer les avantages matériels, bien que la
plus grande partie de la ligne soit située sur territoire éthiopien.
Ces tendances apparaissent dans un certain nombre de dispo-
sitions qui sont d'ailleurs la contre-partie légitime des charges
financières que la subvention promise impose au budget de la

— 574 —
côte Somalis. Tout d'abord, lorsque la recette brute d'exploi-
tation sera supérieure à 5,000 francs par kilomètre pour une
année, la société concessionnaire rtevra verser à la colonie, à
titre de redevance, une fraction de cette recette brute qui, selon
les cas, pourra être de 10 o/o, de 20 o/o ou de 30 o/o. En
outre, à l'expiration de la concession, dont la durée est de 99
ans à partir du jour de l'ouverture à l'exploitation, la co-
lonie sera subrogée à tous les droits de la compagnie conces-
sionnaire entre Djibouti et Addis-Harrar. La colonie pourra à
toute époque, à partir du 1er janvier 1920, aux conditions indi-
quées par la convention, racheter la concessions de la voie
ferrée entre Djibouti et le cours de l'Aouache. Enfin, un com-
missaire du gouvernement veille à Paris à la boune exé-
cution des dispositions financières de la convention tandis que
sur place le contrôle et la surveillance sont confiés à un ou plu-
sieurs agents désignés d'un commun accord par les ministres
des Colonies et des Affaires étrangères.
La convention a sauvegardé du reste les droits de souve-
raineté de l'empire d'Ethiopie. Elle a subordonné, dans son
article 18, la mise en vigueur de certaines de ses dispositions
qui s'appliquent au territoire abyssin à une entente entre le
gouvernement français et le gouvernement éthiopien. Des
négociations se sont ouvertes tout aussitôt en vue d'arriver à
la conclusion de cet accord. Si une entente formelle n'est pas
encore intervenue, il y a lieu d'observer néanmoins que l'Empe-
reur Ménélik a , par une lettre du 8 août 1904, autorisé la com-
pagnie française à prolonger la construction de la voie ferrée
au delà de llarrar et vers Addis-Abeba.
D'après l'article 7 de la convention la ligne de Djibouti à
Addis-Harrar devait être achevée et ouverte à l'exploitation
avant le 31 décembre 1902; ce délai a été observé.
Une loi en date du G avril 1902 a approuvé les clauses et
conditions de la convention ainsi conclue le 6 lévrier 1902.
D'après l'article 2 de la loi, le versement de la subvention que
la colonie s'est engagée à verser est garantie par le gouverne-
ment de la République française. De plus, en vertu de l'ar-
ticle 3, la subvention doit être affectée comme gage spécial
et par privilège, même en cas de rachat de la ligne ou de dé-
chéance de la société, au paiement des intérêts et à l'amortis-

— 575 —
sement des emprunts à contracter par la compagnie conces-
sionnaire pour subvenir aux dépenses mentionnées à l'article
10 de la convention.
Un arrêté du ministre des Colonies en date du 12 mars 1903
a constitué une commission de vérification des comptes de la
compagnie impériale des chemins de fer étiopiens.
664 F. Chemin de fer de Madagascar. La loi du 14 avril
1900
a autorisé le gouvernement général de -Madagascar
à réaliser par voie d'emprunt une somme de soixante mil-
lions de francs, remboursable en soixante ans au plus et
affectée exclusivement à la construction d'un chemin de fer de
Tananarive à Aniverano (1) et à l'exécution de divers travaux
publics. La loi spécifiait en outre que la construction de la sec-
tion Aniverano-Mangoro de la voie ferrée projetée, représen-
tant une dépense évaluée à 27 millions, était immédiatement
autorisée. L'ouverture de chacune des sections de la ligne devait
avoir lieu sur la proposition du gouverneur général de Mada-
gascar et en vertu d'un décret rendu sur le rapport du ministre
des Colonies après avis du ministre des Finances. La réalisa-
tion des différentes parties de l'emprunt à conlraeler serait
autorisé par décret. L'annuité nécessaire au service de l'em-
prunt serait inscrite obligatoirement au budget de Madagas-
car et dépendances. La loi a prévu en outre, disposition qui
engage la métropole, que si les recettes de la colonie ne suf-
fisent pas à couvrir les dépenses obligatoires, il serait suppléé
à l'insuffisance par une subvention de l'Etat. Enfin, d'après
l'article 5, le matériel d'exploitation et le matériaux de cons-
truction seraient « autant que possible » de provenance fran-
çaise. (2)
Il convient d'observer que la construction du chemin de
(1) Entre Aniverano et Tamatave est ouverte une voie navigable, dite
des Pangalanes, dont la construction et l'exploitation ont t'ait l'objet de
conventions approuvées par décrets du 6 octobre 1897, 19 août 1890
et 20 juillet 1900.

(2) Un arrêté du 8 janvier 1901 a réglé le fonctionnement de la comp-
tabilité du service de chemin de fer. Les travaux imputés sur l'emprunt
de 60 millions autorisé par la loi du 14 avril 1900 doivent être exécutés
par voie d'adjudication, sauf ceux qui, par leur nature, justifieraient ia

passation de marchés de gré à gré ou l'organisation de chantiers en

— 576 —
fer de Madagascar devait se trouver préparée par l'ouverture
d'une route entre Tamatave et Tananarive. La conversion d'un
emprunt contracté en 1886 par le gouvernement malgache
et l'émission d'obligations garanties par le gouvernement de
la République française ont assuré les fonds nécessaires à la
création de cette route. Les dépenses en résultant ont été pré-
vues par les lois du S avril 1897, 6 avril 1898 et du 5 mars
1900 qui ont successivement autorisé les opérations financières
jugées nécessaires.
La loi du 14 avril 1900, qui autorisait le gouvernement gé-
néral de Madagascar à emprunter, pour la construction d'un
chemin de fer entre Tananarive et la côte orientale des divers
travaux publics, 60 millions de francs, permettait de réaliser
immédiatement une somme de 39 millions de francs.
Une nouvelle loi en date du S juillet 1903 a autorisé le
gouvernement général de Madagascar à réaliser la somme de
21 millions de francs, formant le complément de l'emprunt
prévu par la loi du 14 avril 1900. Cette réalisation a eu lieu
par voie d'émission publique. Mais en même temps le gouver-
nement a jugé avantageux d'autoriser la colonie à user de la
faculté de remboursement anticipé que lui donnaient ses contrats
avec la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse, ceux
qui s'appliquaient aux emprunts de 10 et 15 millions; une
émission d'obligation représentant au total 24,890,628 fr. 37
pouvait avoir lieu dans ce but. Cette double opération, s'ap.
pliquant au total à une somme de 45,890,628 fr. 37, a été au-
torisée par un décret du 29 juillet 1903. Les 21 millions dispo-
nibles, après remboursement de deux emprunts antérieurs,
devaient être affectés, savoir : 8 millions à l'achèvement de la
section de la voie ferrée dite « Brickaville-Mangoro », et 13 mil-
lions à la deuxième section, dite « Mangoro-Tananarive ».
Enfin une loi du 18 avril 1905 a autorisé la colonie de Ma-
dagascar à contracter, par l'achèvement du chemin de fer un
emprunt complémentaire de 15 millions de francs. Les travaux
de constructions ont poussés activement dans la partie de la voie
régie. Les contrats sont préparés, et les dépenses sont liquidées et
ordonnancées dans des conditions semblables à celles qu'a prévues,
pour la comptabilité du chemin de fer de la Guinée française, l'arrêté
ministériel du 8 janvier 1901.


— 577 —
ferrée comprise entre Brickaville et le Mangoro ; ils représente-
ront une dépense totale de 46,400,000 francs, aux termes d'un
décret dn 26 juin 1895, qui a affecté spécialement à l'exécu-
tion de ces travaux une somme de 1,400,000 francs, reliquat
des fonds provenant des emprunts antérieurs. Entre le Man-
goro et Tananarive, un décret du 22 avril 1905 a prévu
l'affectation
d'une somme de 1,600,000 francs aux études*
et aux travaux de la seconde partie de la ligne. En ce qui
concerne l'exploitation, elle a été ouverte sur les trente pre-
miers kilomètres à partir de Brickaville le 15 octobre 1902 et du
kilomètre 30 à Famovana (kil. 102) le 1er novembre 1904
665. Chemin de fer de Pondichéry. La construction des
lignes de chemins de fer aux Indes anglaises avait eu pour
conséquence naturelle d'attirer tout le trafic intérieur de Dekan
vers les ports du golfe du Bengale, principalement vers Madras
et Negapatam, au détriment du port français de Pondichéry.
L'administration coloniale s'était préoccupée, dès 1862, des"
moyens d'établir une jonction entre Pondichéry et les grandes
lignes anglaises de l'intérieur ; mais c'est seulement en 1878 que
le ministre de la marine, agissant en vertu des pouvoirs qui
lui avaient été confiés par le conseil général de la colonie,
signa, le 8 mai, avec la compagnie
« Pondichéry-Railway » ,
agréée par le gouvernement anglais, une convention aux ter-'
mes de laquelle cette compagnie se chargeait de la construc-
tion d'un chemin de fer destiné à relier Pondichéry à la ligne
anglaise de Belpur.
Cette ligne a été inaugurée le 15 décembre 1879.
666. Aux termes de la convention du 8 mai 1878, le minis-
tre de la marine concède à la compagnie du chemin de fer de
Pondichéry le droit de construire et d'exploiter le chemin de
fer à établir sur le territoire français depuis l'enracinement de
la jetée-embarcadère de Pondichéry jusqu'à la rivière Gingy
pour se souder au réseau de la compagnie anglaise South
Indian Railway. La durée de la concession a été fixée à quatre-
vingt-dix-neuf-ans, à dater de l'expiration du délai de deux
ans fixé pour l'exécution des travaux.
667. La compagnie se chargeait de la construction et de l'ex-
ploitation moyennant: 1° une subvention de 1,264,375 francs
2° la remise gratuite par la colonie des terrains nécessaires à
COLONIES, I.
37

— 578 —
l'établissement du chemin de fer et de ses dépendances, ainsi
qu'à la déviation des chemins, cours d'eau et autres ouvrages
jugés nécessaires. La colonie prenait, en outre, à sa charge,
es travaux d'allongement du pier (pont-débarcadère) de Pon-
dichéry, destiné à faciliter le chargement sur les navires.
La valeur des terrains à acquérir par la colonie ayant été
fixée à 200,000 francs et les travaux du pier à 130,000 francs,
la contribution totale de la colonie dans la dépense se trouvait
portée à environ 1,600,000 francs. Le gouvernement de la
métropole vint à son secours, et une loi du 18 juin 1878
lui permit d'assurer le service des intérêts et l'amortisse-
ment de l'emprunt de 1,200,000 francs, contracté pour pour-
voir au payement immédiat des travaux et de la subvention
promise à la compagnie concessionnaire.
La compagnie, de son côté, a pris l'engagement de remettre
au gouvernement colonial, pendant toute la durée de la con-
cession, la moitié des bénéfices (1) nets.
668. Dans le cas où le gouvernement local userait de la faculté
qu'il s'est réservée et subventionnerait telles autres lignes
qu'il jugerait utiles aux intérêts du territoire de Pondichéry, la
compagnie du chemin de fer pourrait, à conditions égales,
réclamer la préférence.
La compagnie, en faisant élection de domicile à Pondichéry,
a déclaré accepter la juridiction des tribunaux français pour
tout ce qui concerne l'exécution ou l'interprétation des clauses
et conditions de la convention. Les contestations avec le gou-
vernement local doivent être jugées par le conseil du con-
tentieux à Pondichéry, sauf recours au Conseil d'Etat.
Lors de l'expiration de la concession et par le seul fait de
(1) Pour évaluer ces bénéfices, il y a lieu de déduire des produits
bruts : les impôts et taxes de toute nature, les dépenses à faire pour
l'achat ou la location du matériel roulant, pour l'entretien et la res-
tauration de la voie, du matériel fixe et du matériel roulant, les frais

d'exploitation et d'administration, comme aussi, le cas échéant, les
sommes mises en réserve, du consentement du gouvernement local,

pour couvrir les dépenses de grosses réparations des ouvrages du che-
min de fer et de renouvellement du matériel. Toutefois, le partage ne

doit avoir lieu qu'après prélèvement, par la compagnie, d'une somme de
157,500 francs, sur le montant intégral des bénéfices nets pendant les
premières années de l'exploitation,, et ce, à titre de remboursement des
frais d'administration laissés à sa charge.

— 579 —
cette expiration, la colonie sera subrogée à tous les droits de
la compagnie sur le chemin de fer et ses dépendances, et en-
trera en jouissance de tous ses produits. La compagnie sera
tenue de céder et la colonie d'acheter, à dire d'experts, le ma-
tériel roulant et les objets mobiliers affectés à l'exploitation.
La loi du lu juillet 1845, sur la police des chemins de
fer, a été promulguée dans l'Inde par arrêté du 15 septem-
bre 1879.
669. Une seconde ligne a été ouverte à l'exploitation sur
une longueur de 23 kilomètres dont 1/3 sur territoire an-
glais.
Cette ligne relie le port de Karikal au réseau de la « South
Indian Railway C° ». Elle a été construite en régie par cette
compagnie. La dépense totale de construction s'est élevée à
1,208,720 francs, et la colonie y a pourvu à l'aide de deux
emprunts, l'un de 1,167,000 francs, l'autre de 74,000 francs,
autorisés par décrets du 23 février 1894 et du 6 avril 1900 (1).
669 bis. Chemin de fer de la Nouvelle-Calédonie. Un
décret du 31 janvier 1899 a déclaré d'utilité publique rétablis-
sement en Nouvelle-Calédonie d'un chemin de fer de Mandai
à la rade de Bourail et en a concédé !a construction et l'ex-
ploitation à M. Oulès, industriel à Nouméa. L'administration
pénitentiaire de la Nouvelle-Calédonie a, par le même décret,
été autorisée à céder à M. Oulès, pour une période de 75 ans,
deux terrains situés à La pointe Akaïa, ainsi que les em-
prises nécessaires le long des routes qui traversent le terri-
toire pénitentiaire. Le concessionnaire n'a pu, jusqu'à présent,
donner suite à son projet.
D'autre part, la colonie de la Nouvelle-Calédonie a été, par
décret en date du 16 février 1901. autorisée à contracter un
emprunt de cinq millions destiné à permettre l'exécution de
travaux publics. Dans le programme de ces travaux, dont les
dépenses doivent être couvertes à l'aide des sommes emprun-
(1) Un projet de loi. déposé à la Chambre des députés le 21 juin 190ϋ,
tend en outre à autoriser la colonie de l'Inde française à contracter un
emprunt de 4,380,000 francs, qui serait affecté, jusqu'à concurrence
d'une somme de .'! millions de francs, à la construction d'un chemin de
fer entre Tirupapéliour et Pondichéry.

— 580 —
tées, est comprise la construction du premier tronçon d'une
ligne de chemin de fer de Nouméa à Bourail. Celte ligne est
actuellement achevée entre Nouméa et la Dumbéa, soit sur une
longueur de 16 kilomètres seulement. Cette section a été ouverte
à l'exploitation le 1er janvier 1905.
670. Chemins de fer d'Indo-Chine. La voie ferrée la plus
ancienne de nos possessions indo-chinoises a été construite
en Cochinchine. Le conseil colonial de cette colonie, par déli-
bération en date du 22 novembre 1880, a voté la construction
d'un chemin de fer de Saigon à Mytho, et accordé au conces-
sionnaire une garantie d'intérêt destinée à faciliter cette cons-
truction. Une convention est intervenue alors entre le gouver-
neur de la Cochinchine, agissant au nom et pour le compte de
la colonie, et M. Joret, ingénieur à Paris, pour la construction
et l'exploitation dudit chemin de fer. Cette convention a été
approuvée par décret du 24 août 1881.
671. La durée de la concession a été fixée à quatre-vingt-dix-
neuf ans.
La colonie garantit au concessionnaire pendant toute la
durée de la concession, par kilomètre exploité, un revenu
minimum net annuel de 4,025 francs, représentant l'intérêt
à 5 fr. 75 c. par 100 francs du capital de premier établisse-
ment évalué à forfait à 70,000 francs (1).
Pour l'évaluation de la garantie d'intérêts ci-dessus, il y a lieu
d'ajouter à celle somme le montant des frais d'entretien et
d'exploitation, et de déduire ensuite du total de ces deux
sommes le montant du revenu brut. La différence représente
la somme à allouer à la compagnie pour couvrir l'insuffisance
des produits du chemin de fer.
La garantie d'intérêts ne constitue qu'une avance rembour-
table par la compagnie avec intérêt à 4 0/0 l'an, au moyen de
prélèvements sur le revenu net de l'exploitation toutes les
fois que ce revenu net dépassera le montant de la garantie
d'intérêt. Toutefois, la compagnie ne sera tenue d'affecter
à ce remboursement que la moitié des bénéfices représentant
l'excédent du revenu net sur le montant de la garantie. La
(1) Déc. 17 novembre 1883. portant modification de l'article 2 du Décret
du 24 août 1881.

— 581 —
convention stipule, en outre, au profit de la colonie, un partage
de bénéfices au delà d'un certain chiffre de revenus.
La colonie se réserve le droit de concéder toute nouvelle
ligne dans le prolongement de celle-ci, sauf le droit de préfé-
rence pour le concessionnaire à conditions égales.
Tous les matériaux de construction et objets de matériel
fixe et roulant sont exempts de droits de douane et d'octroi de
mer.
672. Au Tonkin, on a décidé tout d'abord la construction
d'une ligne de chemin de fer allant de Phu-Lang-Thuong à
Langson.
L'exécution de cette ligne a donné lieu à bien des difficulté
d'ordre technique et financier. Concédée au mois de sep-
tembre 1889, elle ne fut livrée à l'exploitation qu'au commen-
cement de 1895, alors qu'elle ne comportait pas une longueur
supérieure à 100 kilomètres. Les prévisions de l'administra-
tion des colonies, qui avait estimé l'importance des travaux à
près de 4,000,000, se trouvaient reposer sur des études pré-
paratoires insuffisantes, de telle sorte qu'on ne tarda pas à
s'apercevoir que la construction du chemin de fer monterait
à un
chiffre beaucoup plus élevé, qui a été, en réalité,
de 21,000,000. De là, des embarras financiers dont l'adminis-
tration du protectorat a cherché à sortir, au moyen de combi-
naisons qui constituaient de véritables emprunts faits aux en-
trepreneurs mêmes de la ligne. Ces opérations auraient dû être
approuvées par le législateur : elles ne le furent jamais ex-
pressément et on fut contraint de chercher une homologation
dans certains votes du Parlement, comportant avances au
compte du protectorat, et à propos desquels son attention
avait été formellement attirée sur les agissements de l'adminis-
tration indo-chinoise.
Quoi qu'il en soit, une loi du 10 février 1896 a autorisé le
protectorat de l'Annan] et du Tonkin à contracter un emprunt
de 80,000,000 de francs pour liquider sa situation financière et
a compris les dépenses faites pour le chemin de fer de Phu-
Lang-Thuong à Langson parmi celles qui pourraient parti-
ciper à cet emprunt.
672 bis. Mais le réseau indo-chinois s'est considérablement
accru depuis que la loi du 23 décembre 1898 a autorisé le

— 582 —
gouvernement général de l'Indo-Chine à réaliser par voie
d'emprunt une somme de deux cents millions de francs, rem-
boursable en soixante-quinze ans au plus et affectée exclusi-
vement à la construction de chemins de fer. L'annuité
nécessaire au service de l'emprunt devait être inscrite obli-
gatoirement au budget de l'Indo-Chine. L'article 2 de la loi
prévoyait la construction sur les fonds de l'emprunt des lignes
de Haïphong à Hanoï et à Laokay ; de Hanoï à Nam-Dinh et
à Vinh ; de Tourane à Hué et Quang-Tri ; de Saigon au
Khanh-Hoa et au Lang-Bian ; de Mytho à Cantho. En outre,
d'après l'article 3, si la ligne de Laokay se prolongeait jusqu'à
Yunnan-Sen et même au delà, le gouvernement général de
l'Indo-Chine pouvait accorder à la compagnie qui serait
concessionnaire une garantie d'intérêts de trois millions de
francs par an au maximum et pendant soixante-quinze ans
au plus ; l'exécution des engagements qui seraient pris alors
serait garantie par le gouvernement de la République. L'ex-
ploitation des diverses lignes que prévoyait l'article 2 pourrait
d'ailleurs être concédée, selon des conventions qui seront
ratifiées par une loi. La disposition de l'article 4 de la loi
est, pour le développement économique de la métropole, d'une
importance capitale; elle exige que tout le matériel destiné à
l'exploitation des lignes à concéder et tous les matériaux de
construction qui ne se trouveront pas dans le pays soient d'o-
rigine française, et transportés sous pavillon français. Cotte
prescription est imperative; il ne s'agit pas, comme d'après
une disposition correspondante de la loi du 14 avril 1900 sur
le chemin cle fer de Madagascar (n° 664 bis), d'une obligation
qui devra être observée « autant que possible ».
Le réseau prévu a pour objet, en somme, de relier Haïphong
à la frontière du Yunnan, sauf prolongation éventuelle vers le
nord; cle brancher sur cette ligne, à Hanoï, où elle se raccor-
dera à la ligne prolongée et reconstruite de Phu-Lang-Thuong à
Langson une voie ferrée se dirigeant vers l'Annam, traversant
tout l'Annam du Nord au Sud et rejoignant à Saigon les che-
mins de fer de Cochinchine. L'exécution de ce programme a
été immédiatement commencée. La loi du 25 décembre 1898
stipulait (art. 2) que, pour chacune des lignes prévues, ou pour
chaque portion de lignes, l'ouverture des travaux aurait lieu

— 583 —
sur la proposition du gouverneur général de l'Indo-Chine, en
vertu d'un décret rendu sur le rapport du ministre des Colo-
nies. Dans la forme indiquée, plusieurs décrets sont intervenus
successivement.
Sur les 200 millions de francs que la loi du 23 décembre 1898
a autorisé le gouvernement général de l'Indo-Chine à emprunter,
un décret du 29 du même mois a approuvé la réalisation immé-
diate d'une somme de 30 millions, par voie d'émission publique
et avec le concours des principaux établissements financiers
de Paris. Postérieurement, des sommes de 70 et de 80 millions
de francs ont été empruntées, clans les mêmes conditions sui-
vant décret du 25 juillet 1902 et 7 octobre 1905. D'après le
rapport au président de la République qui précède un décret du
27 janvier 1905, autorisant l'ouverture de nouveaux travaux de
chemins de fer en Indo-Chine, le montant total des fonds à pro-
venir de l'emprunt de 200 millions doit être ainsi réparti :
Lignes Haïphong-Hanoï-Laokay ...
50 millions

Hanoï-Namdinh à Vinh ....
32


Tourane-Hué-Quangtri ....
24

— Saïgon-Khan-hoa
45
-

Embranchement du Lang-Bian.
35

— Mytho à Cantho
10

196

La somme restant disponible, soit 4 millions, serait destinée
à parer aux aléas de l'entreprise. Les différentes lignes du
réseau ainsi prévu seront très prochainement entièrement
ouvertes à l'exploitation, sauf toutefois celle de Mytho à Can-
tho, dont l'exécution a paru la moins urgente et a été jusqu'à
présent retardée.
C'est en vertu d'une combinaison différente que se poursuit
la construction d'un chemin de fer entre Laokay et Yunnan-
Sen Comme l'avait d'ailleurs prévu la loi du 25 décembre 1898,
une convention est intervenue à ce sujet entre le gouvernement
générai de l'Indo-Chine et une entreprise particulière. Aux
termes de cette convention, signée le 15 juin 1901, le gouver-
neur général de l'Indo-Chine a rétrocédé à un consortium d'éta-
blissements financiers qui devait constituer, dans le délai de
trois mois, une société au capital de 12,500,000 francs, la

— 584 —
concession faite à la France par la Chine du chemin de fer de
Laokay à Yunnan-Sen. Il concédait également le chemin de
fer de Haïphong-Ville à Laokay, et le chemin de fer de rac-
cordement à établir ultérieurement entre Haïphong et la gare
maritime. La section de Haïphong-Ville à Laokay est, on l'a
vu, construite par la colonie et à ses frais; ce que les conces-
sionnaire prennent à leur charge, c'est l'exploitation, avec
obligation d'établir les installations et de fournir l'outillage
prévus à la convention. Au contraire, la section comprise entre
Laokay et Yunnan-Sen est construite aux frais, risques et
périls de la société qui devra, en outre, la pourvoir du ma-
tériel roulant qu'elle jugera nécessaire, moyennant : 1° une
subvention de 12,500,000 francs, payée en espèces par la colo-
nie; 2° pendant 75 ans, une garantie d'intérêts de 3 millions
de francs. Cette garantie est affectée, par privilège, au service
de l'intérêt et de l'amortissement des obligations émises par la
colonie. La colonie s'est engagée à assurer directement, à
défaut de la société, le service
des emprunts privilégiés
gagés sur cette annuité.
Eu ce qui concerne l'exploitation de la ligne entière de
Haïphong à Yunnan-Sen, la société concessionnaire doit y
pourvoir moyennant une somme calculée d'après une formule
qu'indique la convention, et qui est destinée à couvrir les
dépenses d'entretien et d'exploitation, et en outre moyennant
une somme forfaitaire de 400,000 francs. Ce dernier prélève-
ment, qui doit compléter la rémunération du capital-actions et
couvrir les frais généraux de l'administration de la société ,
doit être effectu
seulement après l'ouverture complète de la
ligne à l'exploitation. D'autre part, l'article 11 de la convention
prévoit un partage de recettes entre la compagnie et la société.
Ce partage interviendra lorsque les recettes excéderont les
sommes allouées à la société; il doit permettre à la colonie de
se faire attribuer la moitié, les deux tiers ou les trois quarts
des excédents, selon l'importance de ceux-ci.
Cette convention a été approuvée par une loi en date du
5 juillet 1901. Elle a été modifiée par deux avenants qui ont
été eux-mêmes approuvés par une loi du 5 juillet 1903. Ces
avenants ont trait principalement au tracé de la voie, de
manière que la ligne aboutisse « à ou près » Yunnan-Sen, en

— 585 —
passant « par ou près » Hauoï, Viétry, Laokay et Mongtzé.
En outre, si le tracé approuvé pour la ligne de Laokay à Yun-
nan-Sen avait une longueur inférieure à 455 kilomètres, la
subvention en espèces de 12,500,000 francs serait réduite de
75,000 francs pour chaque kilomètre en moins de cette lon-
gueur de 455 kilomètres.
Pour la construction de la section comprise entre Laokay
et Yunnan-Sen, la compagnie a traité à forfait avec un groupe
d'entrepreneurs qui ont constitué une société dite « société de
construction des chemins de fer indo-chinois ». La dépense de
cette ligne, dont la longueur a été évaluée à 469 kil. 800, a été
évaluée à 95 millions de francs. Les travaux, commencés en
1904, se poursuivent simultanément dans les 10 sections entre
lesquelles la ligne a été divisée.
§4. Chemins de fer sur route. Tramways.
673. Un arrêté du gouverneur de la Cochinchine, en date
du 23 janvier 1880, a conféré à une société anonyme créée à
Paris et dénommée société générale des tramways à vapeur
de Cochinchine, l'établissement et l'exploitation d'une ligne de
tramways à vapeur destinée au transport des voyageurs et des
petits colis entre Saigon et Cholon. Cette concession a été faite
pour trente années, sans subvention ni garantie d'aucune sorte
de la colonie.
Aux termes de l'acte de concession, aucune modification ne
peut être apportée aux dispositions adoptées soit dans le tracé,
ou les dispositions de la voie ferrée, soit dans le matériel
roulant, sans approbation du gouverneur en conseil privé.
A l'expiration de la concession et par le seul fait de cette
expiration, la colonie sera subrogée à tous les droits des con-
cessionnaires sur la voie ferrée et entrera immédiatement en
possession de ces voies et de leurs dépendances établies sur la
voie publique. Les concessionnaires seront tenus de lui remettre
le tout en bon état d'entretien et sans indemnité.
Quant aux autres objets mobiliers ou immobiliers servant
à l'exploitation, la colonie se réserve le droit de les reprendre

— 586 —
en totalité ou pour telle partie qu'elle jugera convenable, à
dire d'experts, mais sans pouvoir y être contrainte.
En cas d'interruption partielle ou totale de l'exploitation, les
concessionnaires seront tenus de prendre les mesures néces-
saires pour assurer provisoirement le service et pour réorga-
niser ensuite une exploitation régulière. Si dans un délai de
trois mois cette réorganisation ne peut s'effectuer, la déchéance
peut être prononcée et la colonie se trouverait nantie des droits
stipulés ci-dessus lors de l'expiration normale de la concession.
Toutefois, la déchéance ne saurait être prononcée dans le cas
de force majeure dûment constaté.
674. Pour indemniser la société de ses dépenses de cons-
truction et d'entretien, le gouvernement de la colonie a accordé
aux concessionnaires l'autorisation de percevoir, pendant toute
la durée de la concession, certains droits de transport. Ces
tarifs peuvent être revisés tous les cinq ans par l'administra-
tion supérieure, suivant certaines formalités. Si les concession-
naires jugent à propos d'abaisser tout ou partie des tarifs, les
taxes réduites ne peuvent être relevées qu'après un délai de
trois mois.
Il est interdit à la société, sous les peines portées par l'ar-
ticle 419 du Code pénal, de faire directement ou indirecte-
ment, avec des entrepreneurs de transport de voyageurs, sous
quelque dénomination que ce puisse être, des arrangements
qui ne seraient pas consentis en faveur de toutes les entreprises
ayant le même but.
Les contestations qui pourraient s'élever entre l'administra-
tion et la société au sujet de l'exécution et cle l'interprétation
du cahier des charges, doivent être jugées administrativement
par le gouverneur au conseil privé, sauf recours en Conseil
d'État.
675. Suivant conventions passées avec le gouverneur géné-
ral de l'Indo-Chine, des lignes de tramways sont construites
ou en cours de construction à Hanoï, Haiphong et dans les
principaux,centres du Tonkin.
Le développement de la traction électrique en Indo-Chine
a paru nécessiter l'application de dispositions spéciales. Un
décret du 3 septembre 1903 est intervenu pour assurer ainsi
en Indo-Chine la protection des lignes d'énergie électrique

— 587 —
autres : que les lignes télégraphiques ou téléphoniques le décret
est inspiré des dispositions du décret du 27 décembre 1851
et tend à punir les auteurs de dégradations commises sur les
appareils, machines, conducteur etc. transmettant l'énergie
électrique.
Il convient de signaler aussi un décret du 23 novembre 1903
qui a rendu applicable, en Indo-Chine, l'article 37 de la loi du
11 juin 1880 sur la police des chemins de fer d'intérêt local
et des tramways.
676- Dans l'Afrique occidentale française la colonie du
Dahomey a entrepris en 1903 la construction, aux frais du
budget local, d'un chemin de fer sur route allant de Porto-
Novo à Sakété.
Suivant convention en date du 21 juin 1905, d'autre part,
il a été fait concession à une entreprise privée de la cons-
truction et de l'exploitation de deux lignes de tramways à
traction électrique dans la ville de Dakar. Enfin, à Rufisque,
une voie Decauville a été construite et est directement ex-
ploitée par les soins de la municipalité.
§ 5. Personnel des travaux publics.
676 bis. Dans les colonies autres que l'Indo-Chine, la
Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, l'organisation du per-
sonnel des travaux publics est actuellement réglée par un dé-
cret du 18 janvier 1905. Le service des travaux publics est placé
sous l'autorité d'un chef de service, qui peut recevoir le titre
de directeur ou de directeur général. Le service des mines
est en règle générale également placé sous l'autorité du chef
du service des travaux publics, mais il peut être aussi confié
à des chefs de service ou à des directeurs spéciaux. Le person-
nel est réparti en trois cadres, un cadre général comprenant
les agents pouvant servir dans toutes les colonies, des cadres
locaux et des cadres auxiliaires. Le cadre général comprend
des ingénieurs en chef, des ingénieurs principaux, des ingé-
nieurs, des ingénieurs auxiliaires, des conducteurs, des contrô-
leurs et des commis. Le décret indique dans quelles conditions
sont recrutés, promus et retraités, les fonctionnaires et agents

— 588 —
de ces diverses catégories. Il détermine d'autre part les émo-
luments qui leur sont attribués ainsi que leur assimilation par
rapport au personnel métropolitain des travaux publics. Dans
ces mêmes colonies un décret du 17 mars 1901 a organisé un
personnel spécial (architectes, architectes adjoints, inspecteurs
principaux et inspecteurs) affectés au services des bâtiments
civils (1).
Un second décret en date du 18 janvier 1905 a réglé l'orga-
nisation du personnel des travaux publics et des mines de
l'Indo-Chine. Le service des travaux publics de l'Indo-Chine
constitue une direction générale, dont les attributions s'éten-
dent, non seulement aux travaux publics proprement dits
(travaux de routes, de ports, de chemins de fer et tramways, etc.)
mais encore aux bâtiments civils et aux mines. Les travaux
publics de l'Indo-Chine sont répartis en circoncriptions terri-
toriales et en arrondissements. Il est institué en outre, sous la
présidence du gouverneur général, un comité des travaux
publics cle l'Indo-Chine. Le personnel (2) se divise en un cadre
permanent et en un cadre auxiliaire; il peut être complété en
outre par des officiers, sous-officiers et soldats, par des agents
temporaires et par un personnel indigène.
ARTICLE 8. — Navigation.
§ 1. — Navires construits et armés dans les colonies.
Francisation.
C77. Les navires construits ou achetés dans les colonies
(1) Un décret du 20 avril 1899 a fixé, d'autre part, les conditions dans
lesquelles les officiers du génie peuvent être mis à la disposition du
département des colonies pour le service des travaux publics.

(2) Le personnel européen comprend, en dehors du directeur général,
des ingénieurs en chef et principaux, des ingénieurs auxiliaires, des
conducteurs, des contrôleurs, des commis, des surveillants principaux
et des surveillant, des architectes principaux, des architectes et des
inspecteurs des bâtiments civils, des inspecteurs, des contrôleurs et des

chefs de district de chemins de fer, des capitaines, lieutenants et
maîtres de ports, etc. La nomination, l'avancement, la situation pécuniaire,
les concordances de grades et les retraites de ces diverses catégories de
personnel sont minutieusement réglées par le décret.


— 589 —
peuvent recevoir : soit la francisation provisoire (1), préalable à
la francisation définitive, leur donnant tous les droits de navires
français, soit la francisation exceptionnelle, le conférent uni-
quement le droit de naviguer dans certaines limites fixées
pour chaque colonie. La situation est, d'ailleurs, diff érente en ce
qui concerne la francisation provisoire pour là 3Iartinique, la
Guadeloupe, la Réunion, la Guyane, le Sénégal, l'Inde, d'une
part; les autres colonies, d'autre part.
678. La loi du 19 mai 1866 a été déclarée, par son article 7,
applicable à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion.
Aucune prescription analogue n'ayant été édictée par les lois
ultérieures sur la marine marchande du 30 janvier 1872, 29 jan-
vier 1881 et 30 janvier 1893, on pourrait croire (et telle est l'opi-
nion exprimé dans le rapport à l'appui du décret du 5 avril 1881
applicable à la Guyane) que la loi de 1866 est encore en vigueur
-dans ces trois colonies et que la francisation complète, défini-
tive, y est un droit pour les armateurs comme dans la métro-
pole. Il n'en n'est point ainsi: l'article 3 de la loi de 1866 a été
formellement abrogé par la loi du 30 janvier 1872 et si, à
cette époque, aucune prescription nouvelle n'a été édictée pour
les colonies, c'est qu'on se trouvait sous l'empire du sénatus-
consulte du 4 juillet 1866 qui, par son article 5, enlève à l'État
la perception des droits cle francisation. Or, aux obligations
prescrites, en ce qui concerne la propriété, par le décret du
21 septembre 1793 (art. 2.), le décret du 27 vendémiaire an II
(art. 10) et la loi du 9 juin 1845, pour qu'un navire soit fran-
çais, se joint une autre condition, celle du payement d'un droit
au profit du trésor qui délivre en échange le congé. Cette per-
ception étant impossible aux anciennes colonies, puisque le sé-
natus-consulte a limitativement indiqué les perceptions réser-
vées à la métropole, il en est de même de la francisation dé-
finitive et les navires construits ou achetés dans ces établis-
sements doivent venir dans la métropole chercher un congé
s'ils veulent naviguer au long cours.
(1) L'article 14 de la loi de 1902 sur la marine marchande prévoyait
qu'un règlement d'administration publique déterminerait dans quelles
conditions, il serait procédé, dans les colonies, a la francisation des
navires Ce règlement n'est pas encore intervenu.


— 590 —
679. La situation est identique dans les colonies qui, les
premières, ont été dotées d'un conseil général, la Guyane, le
Sénégal et l'Inde. Au contraire, à Saint-Pierre et Miquelon,
en Nouvelle-Calédonie et dans les établissements de l'Océanie,
les décrets d'organisation ont prévu des perceptions spéciales
au profit du trésor public et rien n'oblige, selon nous, à faire
relever pour la France les navires qui demandent la francisa-
tion définitive dans ces colonies : il suffit que le gouverneur
délivre un acte de francisation provisoire, fasse percevoir,
au compte de l'Etat, les frais de francisation conformément à
la loi métropolitaine (1) et demande la délivrance de l'acte de
francisation définitive.
Il en est naturellement de même à Mayotte, à Madagascar et
au Congo qui ne possèdent pas de charte réglementaire.
En Cochinchine, un décret du 4 avril 1884 autorise la fran-
cisation provisoire des navires construits ou achetés dans la
colonie, aux mêmes conditions que dans les autres établisse-
ments ; mais, alors que les navires étrangers achetés dans la
colonie sont obligés de venir en France se faire franciser,
les navires construits sur place sont autorisés à attendre l'acte
de francisation définitive et à faire, pendant ce temps, des
voyages à l'étranger; ils payent en Cochinchine, au compte du
trésor métropolitain, le montant présumé des droits de franci-
sation d'après le tonnage déclaré, avec soumission de payer en
France le complément des taxes exigibles (2). Cette perception
nous paraît contraire aux prescriptions du décret du 8 février
1880 qui ne comprend pas les frais de francisation parmi les
recettes pouvant être faites au compte du trésor métropolitain.
C80. Les gouverneurs délivrent les actes de francisation
provisoire (3) ; les navires qui en sont pourvus ne peuvent
être expédiés dans la colonie pour une navigation au long
cours autrement que pour se rendre en France : une fois
(1) Le décret du 21 septembre 1793 met les colonies sur le même pied
que la métropole au point de vue de la francisation.
(2) Circ. min. fin. 12 juin 1884, n° 1G71.
(3) 0. et Déc. constitutifs: Antilles (art. 17) ; — Réunion (art. 16); —

Sénégal (art. 12); — Guyane (art. 16); — Inde (art. 11) ; — Saint-Pierre
et Miquelon (art. 6 et 9) ; — Tahiti (art. 33) ; — Nouvelle-Calédonie
(art. 44 — dép. min. 16 mars 1875).


— 591 —
arrivés dans la métropole, ils ne peuvent relever sans se mu-
nir d'un acte de francisation définitive. Au point de vue des
droits à percevoir dans les ports métropolitains sur les na-
vires eux-mêmes ou leurs chargements, lors de cette première
arrivée, il y a une différence à établir entre les navires ache-
tés aux colonies qui sont traités comme étrangers, et ceux
construits aux colonies qui sont assimilés aux métropolitains.
681. Les droits de francisation ne sont pas de la même
nature que les droits de douane : ce sont des taxes indirectes
locales soumises au même régime que les autres, c'est-à-dire
réglées par des délibérations des conseils locaux soumises à
l'approbation du Président de la République avec ou sans la
participation du Conseil d'Etat. Si des droits différentiels sont
appliqués aux navires étrangers, on rentré dans les conditions
des tarifs de douane et l'intervention du décret en Conseil
d'Etat devient indispensable.
682. Outre la francisation provisoire ou définitive ayant
pour but la navigation au long cours, il existe dans les co-
lonies une francisation spéciale, exceptionnelle, donnant aux
navires qui l'ont obtenue (qu'ils soient construits dans la
colonie ou qu'ils y aient été achetés après avoir été construits
à l'étranger) le droit de se livrer à la navigation dans les
parages de la colonie, au cabotage local réservé (1). Tous les
navires attachés à un port colonial, portant le pavillon national,
doivent être pourvus de cette francisation, s'ils ne sont pas en
instance pour la francisation définitive. Elle est accordée,
comme La précédente, par les gouverneurs et soumise aux
mêmes droits, aux mêmes obligations en ce qui concerne les
propriétaires.
Les limites du cabotage colonial, auquel peuvent se livrer
les navires pourvus de la francisation exceptionnelle, sont
déterminées par le décret du 26 février 1862, pour la Marti-
nique, la Guadeloupe, la Guyane, le Sénégal, la Réunion et
(1) Aux termes de l'article 11 de la convention du 11 août 1863 avec
le Cambodge, concernant la navigation sur le fleuve, les navires cam-
bodgiens ayant acquitté les droits au Cambodge, et munis d'un permis
du gouvernement cambodgien visé par le résident français, sont admis

en franchise dans tous les ports de la Cochinchine.

— 592 —
l'Inde, — par les décrets des 2 avril 1881 et 16 avril 1883, pour
la Nouvelle-Calédonie, — par un arrêté du gouverneur du 3 jan-
vier 1867, pour la Cochinchine, et par un arrêté du gouverneur
général du 14 novembre 1901 pour l'Indo-Chine, — par un
arrêté local du 17 juillet 1843, pour Saint-Pierre et Miquelon,
— par un arrêté local du 24 janvier 1868, pour Tahiti.
Elles sont fixées de la manière suivante :
Martinique et Guadeloupe : — Grand cabotage, du cap
Saint-Roch (Amérique du Sud) à la partie septentrionale de
Terre-Neuve; — petit cabotage : du 8e au 19e degré de lati-
tude N. — du 61e degré de longitude 0. à une ligne allant
de l'extrémité 0. de Porto-Rico au cap Chichibaco (Amérique
du Sud).
Guyane : — Grand cabotage : mêmes limites qu'aux Antilles ;
petit cabotage : de l'Amazone à l'Orénoque.
Sénégal : — Grand cabotage : des îles Canaries au Gabon,
y compris les îles du Cap-Vert; — petit cabotage : du banc
d'Arguin inclus à la rivière de la Sierra-Léone.
Réunion : — Grand cabotage : du cap de Bonne-Espérance
aux îles de la Sonde inclus; — petit cabotage : Cotes de la
Réunion et navigation avec Maurice.
Inde : — Grand cabotage : Mêmes limites qu'à la Réunion ;
— petit cabotage : pour Mahé, de Surate au cap Comorin; —
pour les autres établissements, du Gange à la Pointe de Galles,
Nouvelle-Calédonie : — Grand cabotage : de la Nouvelle-
Zélande à la côte E. d'Australie, et tous les archipels compris
entre la Nouvelle-Guinée et le groupe des îles de la Société;
— petit cabotage : Nouvelle-Calédonie et ses dépendances.
Indo-Chine : — Grand cabotage : entre Java et Sakhaline
et entre la côte orientale du Japon et Bangkok ;—petit cabotage:
le long de la côte de Cochinehine, de Campot jusqu'à l'île
d'Haïnan.
Saint-Pierre et Miquelon : — Grand et petit cabotages : du
40e degré au 53° degré de latitude N. — du 51e degré au
77e degré de longitude 0.
Tahiti : — Grand cabotage : de la côte 0. des deux Amé-
riques à la côte E. d'Australie; — petit cabotage : entre les
différents archipels de la Société, des Marquises, des Tuamo-
tus, des Tubuaï, des Gambiers et de Cook.

— 593 —
683. Les règles applicables aux navires français en ce qui
concerne la composition des états-majors et des équipages
le sont également aux navires affectés au cabotage colonial;
toutefois, en vue de développer la navigation sous pavillon
français dans les mers de Chine, les navires effectuant le
cabotage entre la Cochinchine d'une part, la Chine, le Japon,
les Philippines, les Indes Néerlandaises, Singapore et Bang-
kok d'autre part, peuvent avoir des équipages composés
entièrement de marins étrangers y compris même les capi-
taines (1). 11 semble aujourd'hui que cette tolérance, résultant
d'ailleurs de simples dépêches ministérielles, ne pourrait se
concilier avec la loi de 1902 sur la marine marchande
(art. 17) qui exige en général la nationalité française pour les
états-majors des navires pratiquant le cabotage colonial.
683 bis. Les lois sur les primes à la construction ne sont
pas applicables aux colonies; celles-ci bénéficient, en effet, du
produit des droits de douane, dont la prime est considérée
comme la contre-partie,
Depuis la loi de 1902 sur la marine marchande (art. 17),
les navires battant pavillon français ou se livrant au cabotage
colonial ont droit à la prime à la navigation ou à la compen-
sation d'armement, mais au compte des budgets locaux.
§ 2. — Navigation locale.
684. Nous avons indiqué les conditions dans lesquelles les
navires coloniaux peuvent prendre part aux opérations de
long cours, de grand et de petit cabotages. Quant au bornage,
exclusivement réservé d'ailleurs aux bateaux locaux, il est
limité, par le décret du 26 février 1862, à la navigation faite
d'un point à un autre d'une colonie, ou entre la colonie et une
de ses dépendances située à vue d'œil du rivage et exécutée
par des embarcations jaugeant au plus 25 tonneaux.
Λ la Nouvelle-Calédonie, où ce décret, d'ailleurs, ne s'ap-
plique pas, le bornage a été restreint par les arrêtés locaux
il) Dép. min. au gouverneur de la Cochinchine, MO décembre 1865.
confirmée le 18 septembre 1882.
COLONIES, I.
38

— 594 —
des 2 avril 1881 et 16 avril 1883 à certaines navigations sur
la côte; on ne peut de Nouméa, par exemple, se rendre direc-
tement à Bourail : le bornage n'est autorisé que de Nouméa à
Uaraï et de Uaraï à Bourail.
Dans les établissements de l'Océanie, au contraire, la navi-
gation au bornage est étendue à la navigation entre les diverses
îles d'un même archipel et entre ces îles et Tahiti; toutefois,
pour les Marquises, elle ne s'étend qu'à l'archipel (1).
Les conditions de réception pour les capitaines au grand
cabotage, les maîtres et patrons au petit cabotage, fixées tout
d'abord par l'ordonnance du 31 août 1838, ne sont plus en
vigueur que pour le Sénégal, et uniquement en ce qui con-
cerne l'examen pour le petit cabotage (2). Dans tous les autres
cas, les règles en vigueur sont celles édictées par les décrets
des 26 février 1862, 22 octobre 1863 et la décision présiden-
tielle du 26 avril 1879.
685. Des décrets et des arrêtés des gouverneurs détermi-
nent dans chaque colonie les règles de police applicables à la
navigation et à la surveillance des côtes.
La navigation sur les grands fleuves est réglée de la même
manière. A la Guyane, pour le Maroni, ce sont deux arrêtés
du gouverneur, des 16 juillet 1874 et 20 janvier 1876, qui
sont actuellement en vigueur. Le Maroni servant de frontière
entre les colonies française et hollandaise, ces arrêtés ne
peuvent créer aucune entrave à la navigation : ils ne peuvent
que réglementer les relations avec la rive française. Les
navires étrangers doivent pour cela obtenir une autorisation
du commandant supérieur du Maroni; les navires français,
produire les factures d'expédition, etc. 11 est interdit à tout
navire d'aborder sur un point quelconque de la rive droite
sans une autorisation du commandant supérieur du Maroni,
ou, pour les points au-dessous de Saint-Laurent, de l'admi-
nistration pénitentiaire à Cayenne.
Au Sénégal, le décret du 22 mars 1880 a établi dans le
fleuve la liberté complète du commerce, même en ce qui con-
cerne le trafic des gommes. Les traitants doivent toutefois
(1) Arr. loc. "23 mars 1882.
(2) Déc. 18 juillet 1864.

— 595 —
être de nationalité française ou inscrits depuis cinq ans sur les
listes de recensement de la population indigène, etc.; mais
rien n'a été modifié aux prescriptions du décret du 24 décembre
1864 (art. 2), qui réserve la navigation sur le fleuve au pavil-
lon français; aucun navire étranger ne peut remonter au-
dessus de Saint-Louis. En ce qui concerne la police et les
règles de navigation, elles sont fixées par un arrêté local du
12 août 1882.
Tous les bateaux qui naviguent sur les rivières de Cochin-
chine sont soumis à des règles très sévères ; ils sont obligés
de représenter leurs livrets à toute réquisition : les barques
indigènes doivent être inscrites dans leurs villages (1).
686. La réglementation de la navigation, sur les tleuves qui
donnent accès à un territoire appartenant à un pays autre que
celui qui tient l'embouchure, soulève évidemment les questions
les plus délicates du droit international, mais, en ce qui con-
cerne les colonies françaises en particulier, elles paraissent
pouvoir être résolues assez facilement.
Pour le Gange, Chandernagor se trouvant complètement
enclavé dans les possessions anglaises, n'ayant d'accès que
par le fleuve, le gouvernement anglais a reconnu implicite-
ment qu'il n'avait aucun droit de police sur les navires por-
tant pavillon français, à destination ou en provenance de ce
port (2).
Quant au Mékong, la question peut se soulever parce qu'il
arrose dans son cours supérieur des territoires siamois, et
qu'il communique par le Touan-li-tap avec le Grand-Lac dont
une partie appartient au royaume de Siam. Les principes posés
par le Congrès de Vienne, en ce qui concerne le Rhin, l'Escaut,
la Meuse, l'Elbe, l'Oder ne sont évidemment point applicables
dans les pays asiatiques où les considérations politiques pren-
nent le pas sur les intérêts commerciaux. On ne saurait invo-
quer, d'ailleurs, un motif analogue à celui que nous venons
d'indiquer pour Chandernagor, car les provinces siamoises,
limitrophes du Grand-Lac ou situées sur le cours supérieur
du Mékong, ne sont nullement séparées du reste du royaume.
(1) Arr. loc. -25 juillet 1871 ; 24 mars 1873 ; 2 janvier 1875.
(2) Dép. min. G juillet 1883, B. 0. Inde, 1883, p. 295.


— 596 —
Le gouvernement français est donc en droit d'empêcher la
navigation sur le Mékong à tout pavillon autre que le pavillon
français, ou d'obliger, s'il consent à ne pas user de ce droit,
les navires étrangers aux mesures de police qu'il croit utile
d'édicter; ces mesures peuvent d'ailleurs comprendre des
redevances analogues à celles prévues par les articles 108 et
113 du traité de Vienne. Cette opinion se trouve actuellement
corroborée par l'article 2 du traité signé le 3 octobre 1893
entre la France et le Siam.
Le gouvernement siamois s'est interdit en effet, aux termes
de ce traité, d'entretenir ou de faire circuler des bâtiments
« armés » sur les eaux du Grand Lac, du Mékong et de leurs
affluents.
Le régime de la navigation sur le Congo et le Niger est,
d'autre part, déterminé par l'Acte Général de la Conférence
de Berlin du 26 février 1885. En ce qui concerne le Niger, le
libre accès des navires français dans les eaux anglaises du
fleuve est aujourd'hui facilité par la convention du 14 juin 1898
(n° 17 ter). La liberté de la navigation sur le Niger n'a pas
été étendue toutefois aux navires de guerre par les gouver-
nements intéressés malgré les négociations dont l'ouverture a
suivi, en 1895, les incidents suscités par la présence dans les
eaux du fleuve de l'aviso de la marine militaire française l'Ar-
dent.

§ 3.
Ports. Pilotage. Directions de port.
687. Les taxes a percevoir dans les ports des colonies sont
fixées par les conseils généraux et approuvées par décrets.
Toutefois, dans les colonies de la Martinique, de la Guade-
loupe et de la Réunion, où la loi du 19 mai 1866 est encore
en vigueur sur ce point, aucun acte du pouvoir exécutif ne
peut autoriser une taxe supérieure à 2 fr. 50, chiffre fixé par
celte loi; on ne saurait d'ailleurs l'augmenter indirectement
par des droits perçus sur des marchandises embarquées ou
débarquées (1). Le législateur seul peut apporter une excep-
(1) Cf. Cons. d'Et. fin. 12 février 1885, port de Saint-Pierre, Réunion.

— 597 —
tion à cette règle; c'est ce qu'il a fait en faveur : 1° du port de
la Pointe-des-Galets (Réunion) pour lequel la loi du 23 juin 1877,
ratifiant la convention du 19 février 1877, a autorisé une taxe
de 7 fr. 50; 2° du port de Saint-Pierre (Réunion) auquel la
même autorisation a été accordée par la loi du 2 mars 1885.
688. La police des ports est réglée par arrêtés des gouver-
neurs; cependant un décret est nécessaire quand les règlements
portent des pénalités supérieures à celles du droit commun;
c'est ce qui a été fait pour le port et la rade de Saint-Pierre
(Réunion) par un décret du 8 mai 1892, pour le port de la
Pointe-des-Galets par un décret du 17 juillet 1893 et pour le
port de Tamatave par un décret du 13 décembre 1902. Les
décrets des 15 juillet 1854 et 25 juillet 1876, sur les attribu-
tions des officiers de port n'ont été, pensons-nous, promulgués
dans aucune colonie, mais les arrêtés locaux qui organisent
ce service se sont inspirés de la plupart de leurs dispositions.
Les capitaines de port sont nommés par le ministre sur la pro-
position du gouverneur; les lieutenants et maîtres de port le
sont lui-même par le gouverneur (1). Les unset les autres sont
placés sous les ordres de l'administration
civile pour
ce
qui concerne le
service
général,
mais
reçoivent
directement
les
ordres
des
chefs
de service de la
marine ou des commandants de la marine (au Sénégal et en
Cochinchine), pour tout ce qui touche les navires de l'Etat, la
police de la pèche maritime et celle de la navigation (2).
Les pilotes sont commissionnés par le gouverneur : ils relè-
vent de l'administration locale sauf au Sénégal où ils sont
placés sous les ordres du commandant de la marine.
En Cochinchine, les pilotes relevaient autrefois du comman-
dant de la marine et du directeur des mouvements du port de
guerre; lorsque la composition de la division navale a été
modifiée en 1879, ils sont passés dans les attributions du
directeur de l'intérieur, aujourd'hui du gouverneur et du capi-
taine du port de commerce (3).
(1) Il n'y a d'ailleurs à ce sujet aucune prescription réglementaire. En
Cochinehine, les capitaines de port sont nommés par le gouverneur : au
Sénégal, au contraire, le ministre nomme les lieutenants de port.

(2 Dép. min. à la Réunion, 11 décemhre 1880, Β. O. R. 1881.
(3) Arr. loc. 13 janvier 1875.


— 598 —
§ 4. — Experts visiteurs. Commissions d'amirauté.
689. Les visites prescrites par l'ordonnance sur la marine
de 1681 (Liv. I, tit. V, art. 7), la déclaration du 17 août 1779,
(art. 3), la loi du 9 août 1791 (art. 4 à 1*2), le code de com-
merce (art. 225), la loi du 24 mars 1852 (art. 83), doivent,
dans certains cas, être passées aux colonies. Sans doute la vi-
site obligatoire, aux termes de la déclaration de 1779, pour
tout navire prenant un nouveau chargement, n'est réglemen-
taire que dans les ports métropolitains et ne peut être exigée
ni par les autorités coloniales, ni par les consuls (1) ; mais il
n'en est pas moins nécessaire que les visites aient lieu soit
pour les navires faisant dans une colonie un premier armement
ou un réarmement après désarmement, soit dans le cas d'avaries
survenues depuis le départ de France et de nature à compro-
mettre la sûreté du navire.
La loi du 9 août 1791, qui dans son article 12 fixe à deux le
nombre des experts par les soins desquels doit être faite la
visite, n'ayant pas été promulguée dans les colonie, le nombre
des experts est fixé dans chacune par des arrêtés locaux :
tantôt on suit les règles en vigueur dans la métropole, tantôt
on a recours au fonctionnement d'une commission permanente,
analogue aux anciennes commissions d'amirauté (2).
§ 5. — Réglementation et surveillance des navires à vapeur.
690. La surveillance des navires à vapeur rentre dans les
attributions des commandants de la marine ou, à défaut, des
chefs du service administratif de la marine (3).
Des arrêtés des gouverneurs, approuvés par le ministre,
peuvent déterminer les règles à suivre pour l'emploi des
appareils et navires à vapeur, mais, en ce qui concerne les
1) Déc. 7 nov. 1806, art. 188.
Ci) Pour la Réunion, I)éc. col. 12 août 1834. — Saint-Pierre et Mique-
lon, ARR. loc. 1er octobre 1878.
I») V. Dén min. à la Réunion 4 mai 1883, B. 0. R. 1883, p. 192.

— 599 —
pénalités, des décrets délibérés un Conseil d'État peuvent
seuls statuer, en ce qui concerne les colonies de la Martinique,
de la Guadeloupe et de la Réunion, C'est ainsi qu'à la snite
du décret métropolitain du 30 avril 1880, relatif aux appareils
à vapeur, trois décrets en ont étendu les prescriptions à ces
diverses colonies avec quelques modifications, relatives surtout
à des dévolutions d'attributions; ces décrets promulguaient en
même temps, en partie, la loi du 21 juillet 1856 (1).
Dans les autres colonies, des décrets simples suffisent pour
régler la surveillance de ce service.
Des commissions de surveillance des bateaux à vapeur
sont institués dans toutes les colonies à l'exception du Gabon,
do Mayotte, de Madagascar et de l'Inde; leur composition, leur
mode de fonctionnement sont réglés par les arrêtés suivants :
Martinique, 3 février 1851, 20 mars 1852;
Guadeloupe, 10 mars 1875, 28 juillet 1873;
Guyane, 15 octobre 1874, 23 octobre 1879;
Saint-Pierre et Miquelon, 2 septembre 1884;
Sénégal, 27janvier 1871, 22 octobre 1874,16 décembre 1880 ;
Réunion, 30 avril 1891 ;
Cochinchine, 2 novembre 1880, 10 janvier 1882 ;
Nouvelle-Calédonie, 15 mars 1880;
Tahiti, 22 mai 1882.
§ 6. — Pèche.
691. La police de la pêche maritime, comme celle de la
navigation, est confiée au chef de service administratif, qui
propose au gouverneur les arrêtés destinés à la réglementer.
Lorsque ces arrêtés emportent l'application des taxes votées
par les conseils locaux, ils doivent être également contresignés
par le directeur de l'intérieur.
Nous citerons parmi les actes relatifs à la pêche : 1° ceux
qui concernent la pêche très importante de la nacre dans les
établissements de l'Océanie, et qui sont en date des 24 jan-
(\\) Un décret spécial avait été nécessaire pour la Guadeloupe où la loi
du 21 juillet 1856 avait été déjà promulguée le 6 juin 1878.
ft

— 600 —
vier 1874, 4 novembre 1882 et 21 janvier 1904 ; 2° le décret
du 6 février 1852, modifié par celui du 26 juillet 1886, relatif
au dépôt de la morue de Saint-Pierre et Miquelon; 3° le décret
du \\ 3 février 1898 sur la réglementation de la pêche des huitres
perlières et nacrières en Nouvelle-Calédonie ; 4° le décret du
5 septembre 1899 sur la pèche des huîtres perlières à la Côte
Somalis ; 5° le décret du 1er septembre 1899 sur la pêche ma-
ritime à la Réunion ; 6" des décrets des 27 février et 4 dé-
cembre 1904 sûr la réglementation de la pèche dans le fleuve
Sénégal.
§ 7. —Établissements maritimes locaux.
692. L'Etat a abandonné à la colonie de la Martinique tous
les droits que pouvaient lui donner sur le bassin de radoub
de Fort-de-France les subventions qu'il avait accordées pour
cette construction (1) ; il a cédé de même à la colonie de Tahiti
l'arsenal de Fare-Ute. Ces deux établissements maritimes sont
entretenus et exploités aux frais des colonies intéressées qui
font face aux dépenses de toute nature qu'ils entraînent et
perçoivent à compte du budget local le prix des travaux qui
s'y exécutent.
693. Le service du bassin de radoub de Fort-de-France est
régi par un arrêté du 1er mars 1874 (2). La colonie n'a pas voulu
organiser un chantier de réparation ; elle se borne à livrer
le bassin asséché aux capitaines; armateurs ou constructeurs
(1) L'Etat devait payer la moitié des frais de construction de ce bas-
sin estimés à 2 millions (décret de déclaration d'utilité publique du
28 juillet 1860). La dépense s'est élevée à 4,172,000 francs

(y compris
les apparaux et les hangars). L'Etat a paye 750,000 francs (L. 14 juil-
let 1860 et 2 juillet 1862) ; il ne nous a pas été possible de retrouver la

trace du crédit relatif au solde de 250,000) francs.
(2) L'arrêté du 1er mars 1874, modifié par celui du 27 décembre 1890,
fixe les prix de location du bassin et des apparaux, ainsi que ceux des
mouvements; les navires de guerre français jouissent d'une réduction
de 15 0/0 snr les prix de location. L'ordre d'inscription pour les entrées
au bassin est toujours suivi, sauf en ce qui concerne les navires de
guerre français, les paquebots postaux et les navires en danger de cou-

ler. Les billets de sortie ne sont délivrés que sur le visa de la quittance
de payement entre les mains du receveur des douanes.

— 601 —
qui désirent en faire usage : elle se charge au besoin de
louer les apparaux nécessaires pour rentrée et l'accorage ;
elle entreprend même ces opérations, mais le tout aux frais
et risque des propriétaires; elle ne prend aucune responsa-
bilité.
Le bassin est placé dans les attributions du directeur des
mouvements du port.
694. L'arsenal de Fare-Ute est soumis à un règlement local
du 25 février 187S (1). Les tarifs de location de la cale de
halage et des apparaux ainsi que le mode de comptabilité,
sont fixés par ce règlement et par des arrêtés des 21 sep-
tembre 1881 et 4 février 1888.
Tous les travaux exécutés par l'arsenal pour l'État ou les
particuliers, tout ce qui n'est pas fait pour le service local,
donne lieu à des étals de remboursement établis d'après les
règles en vigueur dans la marine: les travaux autres que ceux
prévus au budget de l'établissement (entretien courant, etc.)
doivent être autorisés par le gouverneur.
ARTICLE 9. — Police. Prisons. Ateliers de discipline.
§ 1. Police.
695. Dans les différentes colonies, les pouvoirs de haute
police appartiennent aux gouverneurs; nous avons indiqué
(nos 351 et suiv.) les attributions spéciales qui leur ont été
confiées à ce sujet.
La surveillance de la haute police a été abrogée pour les
colonies comme pour la métropole par la loi du *27 mai 1885;
c'est au gouverneur qu'il appartient de déterminer les lieux
dans lesquels les condamnés ne peuvent paraître.
696. La police administrative ou préventive est placée dans
les attributions du directeur de l'intérieur (aujourd'hui du
gouverneur ou, par délégation, du secrétaire général) par les
(1) Cet arrêté a été légèrement modifié le 27 juin 1882.

— 602 —
ordonnances ou les décrets constitutifs des différentes colo-
nies (1). Toutefois, en ce qui concerne la Nouvelle-Calé-
donie et la Guyane, le directeur de l'administration péniten-
tiaire est chargé de la surveillance à exercer sur les con-
damnés placés chez les habitants et sur les libérés. Mais ce
service, tout spécial, ne diminue en rien les droits et les at-
tributions qui appartiennent au secrétaire général en matière
de police générale.
Les agents de police des colonies ont, aussi bien que leurs
collègues de la métropole, le caractère d'agents de la force
publique. Si, dans l'exercice de leurs fonctions, ils sont
l'objet de voies de fait, les violences exercées contre eux
tombent sous le coup de l'article 230 du Code pénal (2).
Les commissaires de police sont chargés de la surveillance
des libérés; ils ne reçoivent pas d'ordres directs de l'adminis-
tration pénitentiaire. Λ la Nouvelle-Calédonie, une police spé-
ciale indigène, recrutée au moyen de Canaques engagés pour
un an, est placée sous les ordres du directeur de l'administra-
tion pénitentiaire.
En raison de la surveillance spéciale à exercer dans ces
établissements, des fonds secrets sont mis à la disposition du
gouverneur; sur le crédit alloué pour la surveillance et la
police des transportés, une somme de 5,ΟΟΟ francs pour la
Nouvelle-Calédonie, de 3,000 francs pour la Guyane, est
affectée à ce service. Les directeurs de l'administration péni-
tentiaire en justifient par la production de reçus des comman-
dants de pénitenciers et des surveillants chargés de la distri-
buer; un décret du Président de la République approuve en
fin d'exercice le compte ainsi rendu.
Dans les autres colonies, il existe une police générale rele-
vant exclusivement du gouverneur et secrétaire général, s'exer-
çant par l'intermédiaire des représentants de l'autorité admi-
nistrative, dans certains cas, de commissaires de police établis
(1) Ord. et Déc. constitutifs : Antilles, art. 120, § 60 à 66 ; — Réunion
art. 104, § 61 à 67 ; — Guyane, art. 107, § 08 à 66 ; — Saint-Pierre et
Miquelon. Déc. 20 novembre 1882, art. 5 ; — Sénégal, Déc. 12 octobre
1882, art. 3, 16° à 18° ; — Inde, Déc. 24 juin 1879, art. 4, 18° ; — Nou-

velle-Calédonie, art. 109, 16° à 18° ; — Tahiti, art. 71, 16° à 18°.
(2) Cass. Crim., 8 décembre 1874 D. P. 1899.1.429.

— 603 —
dans les localités les plus importantes; le nombre des commis-
saires de police, les postes qu'ils doivent occuper, les con-
ditions dans lesquelles ils sont nommés et avancés en classe
sont fixés par des arrêtés du gouverneur.
Les commissaires de police sont nommés par les gouver-
neurs généraux, en Indo-Chine, en Afrique occidentale, à Ma-
dagascar, et, dans les autres colonies, par le ministre.
La police administrative et judiciaire en Cochinchine est
réglée par un arrêté local du 23 janvier 1888 : le commissaire
central de Saigon peut exercer son action dans toute la
colonie.
697. Les gouverneurs prennent des arrêtés de police pour
lesquels ils peuvent édicter les peines indiquées par la loi du
'8 janvier 1877; quant aux arrêtés antérieurs à cette date, ils
conservent toute leur force au point de vue des dispositions
réglementaires, mais les pénalités doivent être réduites aux
maxima indiqués par la loi pour les contraventions de simple
police.
Nous ne pouvons résumer les règlements de police appli-
cables dans les différentes colonies; on les retrouvera dans
les bulletins officiels locaux.
698. La police judiciaire est exercée dans les diverses colo-
nies par le chef du service judiciaire.
699. La police municipale spéciale n'existe naturellement
que là où des communes sont constituées ; partout ailleurs,
*
elle est réunie à la police générale.
Dans les trois colonies où la loi du 5 avril 1884 est appli-
cable, l'organisation du personnel de la police appartient, sauf
pour les villes ayant plus de 40,000 habitants, au conseil
municipal. C'est le maire qui, sauf l'agrément du secrétaire
général, nomme les agents de police et les gardes cham-
pêtres.
Antérieurement à cette loi, les conseils municipaux ne pou-
vaient constituer une police municipale spéciale sans l'appro-
bation du gouverneur (1).
(1) Cf. Arr. gouv. Réunion 29 février 1884, annulant une délibération
du
onseil municipal de Saint-Denis.

— 604 —
Dans les autres colonies, les décrets constituant les com-
munes ont déterminé les attributions des maires en matière de
police. Ces attributions sont à peu près identiques à celles qui
existent dans la métropole. Toutefois à Nouméa, les agents de
la sûreté publique ne peuvent prêter leur concours à la muni-
cipalité que pour l'exécution de certains arrêtés municipaux
spécifiés dans un arrêté du gouverneur du 12 juillet 1881 : en
dehors de ces cas la police ne doit obtempérer aux réquisitions
du maire que lorsque ces réquisitions sont, revêtues du visa
du secrétaire général. L en est de même de celui-ci vis-à-vis
des présidents des commissions municipales et des chefs
d'arrondissement.
§ 2. — Prisons.
700. Depuis la loi du 8 janvier 1877 et le décret du
6 mars 1877, les colonies sont rentrées, au point de vue péni-
tentiaire, dans le droit commun métropolitain; les divers lieux
de détention prescrits par le Code d'instruction criminelle et
par le Code pénal : maisons d'arrêt et di justice d'une part,
maisons centrales, maisons de correction de l'autre, doivent
exister dans les colonies. Ces différents établissements n'ont
pas encore été créés partout; nous donnons ci-dessous la liste
des prisons pénales existant dans chaque colonie, avec l'indi-
cation des principaux arrêtés qui règlent leur fonctionnement
et des classes de détenues auxquelles elles sont affectées.
Martinique (17 juillet 1873, 23 juin 1876, 15 février 1877,
28 décembre 1882, 18 février 1893). Prison centrale à Fort-
de-France (condamnés à l'emprisonnement).
Guadeloupe (26 décembre 1868, 30 juillet 1878, 4 mai 1883,
3 mars 1887), — maison centrale de force et de correction à
l'Ilet-à-Cabris (les Saintes), (hommes condamnés à plus d'un
an d'emprisonnement) ; — 3 maisons de correction à la Basse-
Terre, à la Pointe-à-Pitre et au Grand-Bourg (condamnés à un.
an d'emprisonnement au maximum) (1); — maison d'éduca-
tion correctionnelle à la Basse-Terre (jeunes détenus).
(1) Les femmes condamnées sont toutes envoyées à la Basse-Terre.

— 605 —
Guyane (19 novembre 1851, 31 mars 1853, 21 mai 1853,
20 janvier 1890). — Une maison de correction à Cayenne.
Saint-Pierre et Miquelon (8 mars 1876). — Une maison de
correction à Saint-Pierre (1).
Sénégal (pas d'arrêté général — consigne particulière pour
chaque établissement). — Maison de correction à Saint-Louis
et à Dakar (condamnés à l'emprisonnement).
Réunion (7 août 1876, 17 décembre 1886) : —deux maisons
centrales à Saint-Denis (réclusionnaires, condamnés à l'empri-
sonnement) (2); — maison de correction à Saint-Pierre (con-
damnés à six mois d'emprisonnement au maximum, condam-
nés infirmes) ; — maison de correction à Saint-Benoît (condam-
nés à trente jours d'emprisonnement au maximum); — deux
pénitenciers à Saint-Denis (jeunes détenus).
Mayotte (10 murs 1880, \\ 1 avril 1880). -— Maison centrale
à Mammoutzi (condamnés à l'emprisonnement); —maison de
correction, dépôt à Dzaoudzi.
Nossi-Bé (pas d'arrêté général — consigne intérieure du
1er février 1884 ). — Maison de correction à Helleville (con-
damnés à l'emprisonnement).
Inde. — Pondichéry (1ermars 1867, 8 janvier 1880). —
Chandernagor (18 juin 1868, 2 septembre 1881); — Karikal
(16 janvier 1879); — Mahé (26 juillet 1852); — Yanaon (pas
d'arrêté) ; — Colonie agricole (26 octobre 1866, 8 janvier 1880).
— Prison générale à Pondichéry (condamnés aux travaux
forcés, à la réclusion ou à l'emprisonnement) ; — 4 maisons de
correction dans les dépendances (condamnés à l'emprisonne-
ment).
— Colonie agricole à Pondichéry ( jeunes détenus).
Cochinchine ( 25 juillet 1869, 24 novembre 1869, 8 juil-
let 1871, 13 janvier 1873, 23 février 1880). — Pénitencier de
Poulo Condore (condamnés à la réclusion et à l'emprisonne-
ment) ; — maison centrale de Saigon (condamnés à un an
d'emprisonnement au maximum); — prisons auprès des tri-
Ci) Un grand nombre de condamnés sont envoyés dans les prisons de
la métropole.
( 2; L'une des maisons centrales est affectée aux hommes, l'autre aux
femmes.

— 606 —
bunaux de première instance (condamnés à l'emprisonnement),
— pénitencier annexé à la maison centrale (jeunes détenus).
Nouvelle-Calédonie (1er mars 1869, 29 juin 1874, 1er juin
1880, ο avril 1881, 28 février 1885). — Maison de correction
à Nouméa (condamnés à l'emprisonnement); — 3 maisons de
correction à Canala, Bourail, Ouegoa (condamnés à trois
mois d'emprisonnement au maximum); — prison de l'île des
Pins ( libérés condamnés à plus d'un an d'emprisonnement);
.— prison de la presqu'île Ducos (libérés condamnés à un an
d'emprisonnement au maximum).
Océanie (10 avril 1866, 14 avril 1880, 22 décembre 1894).
.— Maison de force et de correction à Tahiti (condamnés à la
réclusion et à l'emprisonnement). 11 existe, en outre, sur un
grand nombre de points, des maisons de police.
701. Les peines sont subies en principe dans les colonies
mêmes où elles ont été prononcées, mais ce n'est pas pour
l'administration une obligation stricte; si des nécessités de ser-
vice exigent l'envoi d'un condamné dans une prison de la
métropole ou d'une autre colonie, le droit de l'administration
reste entier : chargée de veiller à l'exécution des peines, elle
détermine le lieu de détention des condamnés qu'elle est ap-
pelée à garder, sous cette seule condition que ce lieu de déten-
tion soit assigné par la loi pour l'exécution de la peine infligée.
Ainsi un individu condamné à plus d'un an de prison doit, en
principe, subir sa peine dans une maison centrale : on peut
l'amener dans une maison centrale de la métropole, c'est là un
point qui nous paraît indiscutable, mais deux questions accessoi
res peuvent se soulever: l'obligation du rapatriement et la réduc-
tion que pourrait subir le temps de la détention pour tenir
compte de la durée du voyage de retour. Sur le premier point,
il nous parait incontestable que l'administration est tenue de
rapatrier gratuitement le libéré dans la colonie à laquelle il
appartient. Mais rien n'oblige à rapatrier le condamné dans sa
colonie le jour de sa libération (1), et on ne saurait même
(1) Dans la métropole, le condamné est libéré au jour fixé par l'expi-
ration de la peine au lieu de la maison centrale et non à celui de son
domicile. Il est vrai que la situation est différente, mais cela ne sau-
rait entraîner une modification au principe.


— 607 —
faire compter le temps de voyage de retour dans la durée de
la peine, que si, pendant ce voyage, l'individu était retenu en
état de détention (1).
702. Le régime des prisons est déterminé dans chaque
colonie par les règlements spéciaux que nous avons indiqués
précédemment; on s'est appliqué, autant que possible, à les
rapprocher des règlements métropolitains, à se conformer aux
prescriptions du Code. Un point, toutefois, nous paraît de
nature a soulever quelques difficultés : partout, sauf à la
Martinique, à la Guadeloupe et à Saint-Pierre et Miquelon, les
condamnés, à quelque catégorie qu'ils appartiennent (2), sont
assujettis à travailler en dehors de la prison, tantôt pour les
travaux publics, tantôt pour le nettoyage de la ville. Il est
incontestable que sous le climat des colonies, il est très dif ficile
d'organiser des ateliers à l'intérieur des prisons, mais il est
non moins évident que l'article 40 du Code pénal, promulgué
sans modifications aux colonies, ne permet pas de transformer
une peine de détention en celle de travaux publics (3). Une
modification sur ce point du Code pénal colonial serait néces-
saire.
Il y avait autrefois à Mayotte et à Tahiti une disposition
qui permettait d'employer les condamnés dans les ateliers
privés, et même chez les personnes qui désiraient s'en servir
comme domestiques. Cet état de choses a cessé depuis un
arrêté du 11 mars 1886, qui ne permet plus, en dehors des
prisons, que le travail, à titre exceptionnel, sur les plantations.
703. La peine des travaux forcés prononcée dans les colo-
nies est subie en principe dans les établissements de trans-
portation en
Nouvelle-Calédonie et à la Guyane ; des
réserves ont toutefois été apportées à cette règle, pour les
(1) Ainsi que cela se passe, par exemple, pour les transfèrements en
voitures cellulaires.
(2) Dans l'Inde, cette obligation n'existe que pour les condamnés aux
travaux forcés qui sont employés aux travaux les plus pénibles, et pour
les condamnés à un certain nombre de jours de prison en représentation
d'amendes encourues ( Déc. 29 mars 1865 ). A la Réunion, les hommes
seuls, condamnés à la réclusion età l'emprisonnement, y sont astreints

(3) En Algérie, les détenus sont employés à l'extérieur des prisons,
mais dans des chantiers séparés où ils ne sont pas en contact avec la
population civile, obligés de travailler sous ses yeux.

— 608 —
colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion,
par les décrets qui y ont rendu applicable la loi
du
30 mai 1854. La peine peut, selon la décision de l'autorité
locale, être subie soit dans la colonie où la condamnation a
été prononcée, soit dans un des établissements pénitentiaires
affectés à la peine des travaux forcés (1). En outre, des dispo-
sitions spéciales sont édictées en ce qui concerne les interdic-
tions de résidence imposées aux libérés (2).
La seule colonie qui conserve actuellement ses condamnés
aux travaux forcés est l'Inde; le règlement de la prison pres-
crit du moins un régime spécial pour ces condamnés. Le péni-
tencier de Poulo Condore ne sert plus en Cochinchine comme
bagne qu'à titre de dépôt : les femmes elles-mêmes sont ex-
pédiées à la Guyane.
704. Un décret du 20 août 1853, applicable aux colonies de
la Martinique, de la Guadeloupe, de la Réunion et de la
Guyane, avait autorisé l'envoi dans les élablissements péniten-
tiaires de la Guyane des individus des deux sexes condamnés
à la réclusion dans ces colonies. Ces condamnés devaient être
complètement séparés des condamnés aux travaux forcés; les
travaux auxquels ils étaient employés devaient être distincts
de ceux auxquels sont assujettis les forçats. La loi du 8 jan-
vier 1877, rendant le Code pénal métropolitain applicable aux
colonies, a abrogé implicitement ce décret; les condamnés à
la réclusion doivent subir leur peine dans une maison de force
de la colonie, ou, à défaut, de la métropole. Toutefois, une
circulaire du 30 juillet 1881 a autorisé les gouverneurs à con-
tinuer à envoyer à la Guyane les condamnés à la réclusion
qui en feraient la demande (3).
Un arrêté local du 13 octobre 1886 définit le régime spécial
aux condamnés à la réclusion.
(1) Déc. 10 mars 1855, pour la Guyane, l'Inde, le Sénégal, Saint-Pierre
et Miquelon, l'Océanie (et, par suite, la Nouvelle-Calédonie), Mayotte,
Nossi-Bé, Sainte-Marie de Madagascar. Déc.
15 octobre
1879 pour la
Cochinchine.
(2) Ibid, et Sén. con. 24 février 1853.
(3) La loi du 8 janvier 1877 a été rendue applicable à la Guyane par
le décret du 6 mars 1877 ; cependant tous les individus condamnés à la
réclusion dans cette colonie sont, paraît-il, envoyés sur les pénitenciers.

— 609 —
Le décret de 1853 ne s'applique d'ailleurs qu'à la Guyane;
c'est à tort que quelques administrations locales ont cru pou-
voir autrefois expédier en Nouvelle-Calédonie des condamnés
à la réclusion.
Actuellement toutes les colonies sauf l'Inde, la Réunion, la
Cochinchine et l'Océanie, envoient leurs réclusionnaires soit à
Cayenne où ils sont soumis au régime spécial que nous avons
indiqué, soit dans une prison centrale de la métropole.
705. Les grâces et les commutations, pour les condamnés
qui subissent leur peine aux colonies, sont accordés, comme
dans la métropole, par décision du President de la République;
conformément à une ordonnance du 6 juillet 1834, les propo-
sitions établies par le directeur de l'intérieur, aujourd'hui en
fait par le secrétaire général, et envoyées par lui au procu-
reur général sont transmises par celui-ci avec ses obser-
vations et propositions au gouverneur qui arrête en conseil
privé les listes soumises au ministre des colonies. Ces listes de
propositions sont dressées chaque année au mois de novembre.
L'ordonnance de 1834 est applicable seulement à la Martini-
que, à la Guadeloupe, à la Guyane, à la Réunion et à l'Inde :
des instructions ministérielles ont étendu ces dispositions à
toutes les colonies.
Un décret du 15 novembre 1858 a prescrit que les grâces et
commutations de peine seraient dorénavant accordées sur le
rapport du ministre des colonies et du ministre de la jus-
tice.
706. Dos commissions de surveillance sont établies auprès
de la plupart des prisons (1); en outre, il existe à la Nouvelle-
Calédonie un comité de patronage pour les libérés ( Arr. 23 no-
vembre 1880). Ce comité s'occupe spécialement des libérés
des travaux forcés.
Le régime intérieur et l'administration des prisons sont pla-
cés, par les ordonnances organiques, dans les attributions du
directeur de l'intérieur; le procureur général exerce aux
(1) Martinique, 23 juin 1876 ; — Guadeloupe, 10 janvier 1869; — Séné
gal, 17 janvier 1882; — Réunion, 7 avril 1870 ; — Mayotte, 10 mars 1580,
— Inde, 13 août 1879; — Cochinchine, 14 juillet 1869; — Nouvelle-Calé-
donie, 1er mars 1869 et 1er juin 1880; — Saint-Pierre et Miquelon
19 février 1887 ; — Nossi-Bé, 30 juillet 1886 ; — Tahiti, 4 février 1890.

COLONIES, I.
39

— 610 —
colonies les mêmes attributions que dans la métropole (1).
Les fonctions de directeur des prisons sont remplies, à la
Martinique et à la Réunion, par un fonctionnaire spécial placé
directement sous l'autorité du directeur de l'intérieur; dans
l'Inde, à Mayotte, à Nossi-Bé, en Nouvelle-Calédonie, par un
commissaire de police.
Partout ailleurs, les régisseurs des prisons relèvent directe-
ment du chef du bureau compétent de la direction de l'intérieur.
707. Les prisons militaires sont régies par le règlement du
8 avril 1873 sur les prisons de la marine. Il n'existe de prison
militaire que clans les colonies où la garnison est assez con-
sidérable pour motiver une dépense aussi élevée : partout
ailleurs les détenus militaires ou maritimes sont incarcérés
dans les prisons civiles, mais tout en restant soumis au
régime des prisons militaires en ce qui concerne le travail,
la nourriture, etc. Conformément à une décision du ministre
des colonies du 10 avril 1897, l'administration des prisons
militaires est dévolue au commissaire aux vivres et de l'ins-
cription maritime.
ARTICLE 10. — Assistance publique.
708. Le régime de l'assistance publique aux colonies n'est
pas réglementé d'une manière uniforme en ce qui concerne
l'organisation même du service. Si certains points, tel que la
législation sur les dons et legs, sont l'objet des dispositions qui
se reproduisent dans presque tous les actes organiques des
colonies, la plus grande partie été négligée par le législa-
teur qui, en satisfaisant seulement aux demande qui iui étaient
adressées, a organisé dans certaines colonies ce qu'il laissait,
dans d'autres, à l'initiative" des pouvoirs locaux.
Il y a cependant des parties communes, par exemple : la
constitution des commissions administratives des hospices et
bureaux de bienfaisance (2), 2° les dispositions qui régissent
(1) Code d'inst. crim., art. 613 et suiv.
(2) Déc. 13 février 1889 rendant applicable aux colonies la loi du

août 1879.

— 611 —
le repatriement des créoles indigents; 3° celles qui concernent
le domicile de secours des aliénés ; 4° enfin la législation sur
les dons et legs.
709. Aucune disposition réglementaire n'est intervenue au
sujet du rapatriement des créoles indigents; la jurisprudence
du Département a seule établi que le rapatriement des créoles
indigents devait se faire aux frais de leur colonie d'origine et
par les soins du ministre des colonies.
En ce qui concerne le rapatriement en France des métro-
politains indigents, un accord intervenu entre le ministre de
l'intérieur et le ministre des colonies a mis la dépense en
résultant à la charge de la métropole, lorsque l'indigent a
moins d'une année de séjour daus la colonie ; à la charge de
la colonie, lorsqu'il réunit, au contraire, plus d'une année de
séjour dans un établissement d'outre-mer.
710. C'est encore la jurisprudence qui a réglé la question du
domicile de secours des aliénés en le fixant à leur dernier lieu
de résidence, lorsqu'ils sont internés dans l'année de leur ar-
rivée soit en France, soit aux colonies. Après l'expiration de ce
délai, le domicile de secours de l'aliéné est le lieu où il se
trouvait au moment où la maladie s'est déclarée.
711. L'acceptation des dons et legs est réglementée par les
décrets et ordonnances constitutifs des colonies et par les ordon-
nances des 30 septembre 1827 et 25 juin 1833. Aux termes de
ces divers actes, le gouverneur peut prononcer l'acceptation des
dons ou legs d'une valeur inférieure à trois mille francs. L'au-
torisation du Président de la République, statuant en Conseil
d'État, est nécessaire pour les dons et legs supérieurs à cette
somme.
Nous avons indiqué (n° 585) les formalités relatives à l'ac-
ceptation des dons et legs.
En dehors de ces trois points, les colonies dans lesquelles
le service de l'assistance publique est organisé ont une législa-
tion spéciale.
712. Martinique. Un arrêté local du 12 septembre 1862
a institué un conseil de surveillance de l'assistance publique
composé du président de la cour, président et de huit mem-
bre dont deux désignés par le conseil général. Au-dessous se
trouvent des bureaux de bienfaisance institués par un arrêté du

— 612 —
27 mai 1856. Cet arrêté a, en outre, confié aux percepteurs la
gestion des recettes et des dépenses de ces établissements et
a appliqué en ce qui les concerne les règles de la comptabilité
relatives aux hospices civils. Ces derniers sont eux-mêmes
régis par un arrêté local clu 16 juin 1854, modifié par les
arrêtés du 12 septembre 1862 et du 14 février 1879.
Des caisses d'épargne ont été organisées à Saint-Pierre
(Déc. 23 juin 1873) et à Fort-de-France (Déc. 25 juin 1883).
Chacune de ces caisses est administrée gratuitement par un
conseil composé du maire de la ville et de neuf directeurs
dont les fonctions durent trois ans et qui sont renouvelés par
tiers chaque année. Un décret du 21 décembre 1885 a rap-
porté la disposition du décret du 23 juin 1873 qui a rendu
exécutoire à la Martinique l'article premier de la loi du
30 juin 1851, et a fixé à 2,000 francs le chiffre auquel pourrait
s'élever le compte ouvert à chaque déposant avec les intérêts
capitalisés. Un décret du 14 mars 1896 interdit les achats de
rente pour le compte des déposants des caisses d'épargne des
colonies (1).
En ce qui concerne les aliénés, il existe dans la colonie
une maison de santé où sont reçus des pensionnaires au
compte de la colonie ou à celui de la Guyane, ainsi qu'au compte
des particuliers.
713. Guadeloupe. Les bureaux de bienfaisance ont été
organisés par un décret du 27 avril 1876. Les membres de ces
bureaux réunis en commission administrative, établissent,
chaque année, les budgets des recettes et dépenses de l'exercice
et le président rend un compte annuel des opératisns effec-
tuées. Les règles de la comptabilité des communes sont appli-
quées aux établissements de bienfaisance en ce qui concerne
la durée des exercices, la spécialité et la clôture des crédits,
la perception des revenus, la formation,l'exécution et le rè-
glement des budgets.
(1 ) A la suite de la catastrophe de Saint-Pierre, le ministère des colonies
a décidé, par un arrêté du 8 octobre 1902, que la caisse d'épargne de
cette ville serait jusqu'à nouvel ordre représentée par un administrateur
provisoire, assisté d'un caissier provisoire, nommés l'un et l'autre par

le gouverneur en conseil privé.

— 613 —
Les hospices ou hôpitaux comprennent : 1° une léproserie
établie à la Désirade et dont la fondation remonte à 1728 (rè-
glement du 25 mai). L'établissement est administré par le di-
recteur pour l'intérieur; la direction en est confiée à des sœurs
hopitalières à Saint-Paul de Chartres;
2° deux asiles à
Saint-Claude et aux Abymes pour le traitement des aliénés ;
3° enfin cinq hospices municipaux.
Une caisse d'épargne a été établie à la Pointe-à-Pitre par un
décret du 14 décembre 1880. La caisse ne reçoit pas moins
de 1 franc par versement, ni plus de 300 francs par semaine
de la même personne. Elle est administrée par un conseil
composé du maire de la ville et de quinze directeurs dont
cinq au moins choisis dans le conseil municipal et les autres
principalement parmi les souscripteurs. Une seconde caisse
d'épargne a été créée, dans des conditions analogues, à la
Basse-Terre (Déc. 27 juin 1890).
714. Guyane. Des bureaux de bienfaisance ont été créés
par le décret clu 26 août 1881 ; le fonctionnement des bureaux
a été réglé par l'arrêté local du 7 février 1882.
Le service hospitalier, qui comprend un hôpital-hospice éta-
bli au camp Saint-Denis à Cayenne et une léproserie à l'Aca-
ronary, est réglementé par des arrêtés locaux des 13 avril,
21 mai 1877 et 21 avril 1892.
La caisse d'épargne de Cayenne a été instituée par un décret
du 7 décembre 1867. Un conseil, composé du maire, prési-
dent, et de douze directeurs, est placé à la tête de l'institution.
Saint-Pierre et Miquelon. Une caisse d'épargne a été créée
par arrêté local du 4 septembre 1874, modifié le 1er décembre
1892. Un décret du 13 février 1901 a rendu applicables, à Saint-
Pierre et Miquelon, les lois des 9 avril 1881 et 20 juillet 1895
sur les caisses d'épargne; le maximum des versements a été
fixé à 1,500 francs.,Un décret du 11 juillet 1903 a étendu de
même à cette colonie la loi du 6 avril 1901, sur les retenues
auxquelles sont soumis les doubles livrets, et un décret du 30 juil-
let 1903, l'art. 8, § 2 de la loi du 9 avril 1881, en tant qu'il
autorise les déposants à effectuer leurs versements en une ou
plusieurs fois.
715. Etablissements de l'Inde. On trouve à Pondichéry un
comité de bienfaisance réorganisé par arrêté local du 1er oc-

— 614 —
tobre 1879 et qui centralise l'assistance publique en étendant
son action sur tout l'établissement. Il se compose de douze
membres dont quatre au moins doivent être pris dans la popu-
lation native, et deux parmi les conseillers généraux de l'éta-
blissement. Quatre suppléants (deux Européens et deux natifs)
sont en outre désignés pour remplacer au besoin les titulaires
dans l'ordre de leur nomination. La durée des fonctions des
membres titulaires et suppléants est fixée par les arrêtés des
20 juin 183-2 et 5 septembre 1849.
746. Réunion. L'assistance publique a été organisée par
l'arrêté du 10 septembre 1872. Cet arrêté instituait une com-
mission centrale de l'assistance publique, composée du direc-
teur de l'intérieur, président, et de quatre membres désignés
par le gouverneur. Les attributions de celte commission con-
sistent à gérer le patrimoine mobilier et immobilier de l'assis-
tance publique ; à répartir semestriellement, sous l'approbation
de l'autorité supérieure, la totalité de ses revenus disponibles
entre les bureaux de bienfaisance de la colonie, qui seuls sont
chargés de leur emploi. L'un des membres de la commission
peut être délégué pour inspecter les divers établissements cha-
ritables. Il est investi d'attributions analogues à celles dévolues
dans la métropole aux inspecteurs départementaux des établis-
sements de bienfaisance; ses fonctions sont gratuites.
Des bureaux de bienfaisance, créés par le décret du 25 fé-
vrier 1873, viennent compléter l'organisation du service. La
commission administrative de chaque bureau est composée
ainsi que nous l'avons rappelé (n° 708). Les délibérations ne
sont valables que si trois membres au moins sont présents.
Les fonctions de membre de la commission administrative sont
gratuites.
Des arrêtés du gouverneur pris en conseil privé peuvent
prononcer la dissolution des commissions administratives.
Le bureau de bienfaisance, dans chaque commune, distribue
des secours à domicile ou entretient à l'hospice communal les
vieillards ou infirmes assistés. Des secours en nature, consis-
tant en distribution d'aliments, sont également fournis à certains
indigents.
L'administration de l'assistance publique possède à la Réunion
l'asile de la Providence, pour les vieillards et les infirmes. Le

— 615 —
patrimoine mobilier se compose d'une rente sur l'État de
17,790 francs provenant d'une aliénation de terrains concédés
à l'assistance publique. Il faut y ajouter les retenues faites
aux candidats ajournés aux examens du baccalauréat, et les
retenues opérées sur le produit des loteries autorisées dans la
colonie (environ 1,000 francs). A ces ressources viennent
s'adjoindre celles que le budget de chaque commune consacre
annuellement aux bureaux de bienfaisance et dont la quotité
varie suivant la richesse, la population et l'importance de la
commune.
La colonie possède en outre un asile d'aliénés à Saint-Paul.
717. La législation sur les caisses d'épargne résulte : l°du
décret du 10 septembre 1880, qui a promulgué à la Réunion
les lois des 5 juin 1833; 34 mars 1837; 22 juin 1845 (art. 5);
15 juillet 1850 (art. 6); 30 juin 1851 et 7 mai 1853 ; l'ordon-
nance du 28 juillet 1846 et les décrets des 26 mars 1852,
15 avril 1852 et 15 mai 1858 ; 2° du décret du 19 décembre
1885.
Un certain nombre de caisses d'épargne existent à la Réunion,
Saint-Pierre et Saint-Benoît (Déc. 20 avril 1882), Saint-Joseph
(Déc. 10 septembre 1884), Saint-Paul (Déc. 8 décembre 1887).
718. Cochinchine. Un arrêté local du 11 décembre 1878 à
institué une commission de l'assistance publique composée du
maire de Saigon, président, et de cinq membres : le procureur
de la République, le curé de la cathédrale, un médecin dési-
gné par le chef du service de santé et deux habitants notables
désignés par l'administration locale. Ses fonctions, déter-
minées par le même arrêté, sont celles attribuées dans les
autres colonies aux conseils de l'assistance publique.
Une caisse d'épargne a été établie à Saigon par un décret
du 23 juillet 1887. Cette caisse d'épargne était régie par la
loi du 9 avril 1881, qui avait fixé à 2,000 francs le maximum
du compte de chaque déposant. La loi du 30 juillet 1895 ayant
abaissé ce maximum à 1,500 francs, la Caisse des dépôts et
consignations ne pouvait accepter pour les transferts , et les
achats de rente une somme supérieure à ce chiffre. Pour que
la caisse d'épargne de Saigon, soumise en principe aux règles
établies par les caisses d'épargne de France, ne fût pas à cet
égard placée dans une situation anormale, un décret du

— 616 —
26 avril 1887 a rendu la loi du 30 juillet 1895 exécutoire en
Cochinchine.
Un décret du 17 septembre 1903 a rendu applicable à la
Cochinchine la loi du 6 avril 1901, relative aux retenues à
opérer sur les doubles livrets de caisses d'épargne.
718 bis. C'est à la fois à l'idée de l'épargne et à une pensée
d'assistance, qu'il faut rattacher certaines mesures prises en
vue de favoriser dans les colonies le développement des rentes
viagères et les institutions de mutualité. Il faut citer, clans cet
ordre d'idées, deux décrets en date du 9 juin 1901, l'un ayant
pour objet d'étendre aux colonies soumises au régime moné-
taire métropolitain la loi du 20 juillet 1886 relative à la Caisse
nationale des retraites pour la vieillesse, l'autre portant règle-
ment d'administration publique pour l'exécution de cette même
loi.
D'autre part, un décret du 17 janvier 1902 a rendu appli-
cable aux colonies, soumises au régime monétaire métropoli-
tain, la loi du 1er avril 1898 sur les sociétés de secours mutuels.
Postérieurement, toutefois, la commission de surveillance de
la Caisse des dépôts et consignations a soulevé des objections,
quant à l'application aux colonies de l'article 20 § 4 de la même
loi, qui prévoit la conservation dans cet établissement des
titres et valeurs appartenant aux sociétés de secours mutuels.
Après examen de la question, il a paru difficile d'étendre celte
disposition aux colonies, à cause des risques et des lenteurs
que rencontrerait la transmission des valeurs en France. Un
décret du 6 septembre 1902 a déclaré par suite non applicables
aux colonies les dispositions du paragraphe 4 de l'article 20
de la loi du 1er avril 1898. Aux termes de ce décret,des tréso-
riers-payeurs des colonies conservent dans leur poriefeuille
les titres et valeurs au porteur appartenant aux sociétés de
secours mutuels.
ARTICLE 11. — Hygiène. Salubrité. Service sanitaire.
Imprimeries du gouvernement.
Comités
d'exposition,
etc.
§ 1. Hygiène et salubrité.
719. Les diverses ordonnances constitutives des colonies

— 617 —
donnaient aux gouverneurs le droit de prescrire les mesures
générales relatives à la police sanitaire, tant à l'intérieur qu'à
l'extérieur, et classaient dans les attributions du directeur de
l'intérieur les mesures sanitaires à l'intérieur de la colonie,
les précautions contre les maladies épidémiques, les épizooties
et l'hydrophobie, la propagation de la vaccine, la surveillance
des officiers de santé et des pharmaciens non attachés au ser-
vice, les examens à leur faire subir, la surveillance du com-
merce de la droguerie.
Des conseils d'hygiène et de salubrité avaient été constitués
dans toutes les colonies, sauf en Nouvelle-Calédonie, à Mayotte,
à Madagascar et au Congo, dans des conditions analogues à
celles fixées pour la métropole par l'arrêté du Président de la
République du 18 décembre 1848.
Tenant compte des dispositions de conventions internatio-
nales signées à Venise le 30 janvier 1892 et à Dresde le
15 avril 1893, un décret du 31 mars 1897, complété par des
décrets des 15 juin et 20 "juillet 1899, a soumis à des règles
nouvelles et particulièrement précises la police sanitaire dans
les colonies et. pays de protectorat. D'après l'article 1er du
décret, le choléra, la fièvre jaune et la peste sont les seules
maladies devant, dans les colonies, déterminer l'application
de mesures sanitaires permanentes. Mais d'autres maladies
graves peuvent rendre nécessaires des précautions spéciales,
et des mesures préventives sont toujours possibles, en outre,
à l'égard d'un navire dont les conditions hygiéniques sont
jugées dangereuses. Lorsqu'une maladie pestilentielle s'est
manifestée dans un port, elle est signalée sur la patente de
santé délivrée par l'autorité sanitaire de ce port; encore est-
il nécessaire qu'il y ait un foyer d'épidémie, que quelques cas
isolés dans une circonscription territoriale ne suffisent pas à
établir. En outre, tout bâtiment à vapeur français affecté au
service postal ou au transport d'au moins cent voyageurs euro-
péens, et dont le trajet dépasse quarante-huit heures est tenu
d'avoir un médecin sanitaire agréé par le chef de la colonie
où il a son port d'attache.
720. Les conseils sanitaires sont institués dans les ports de
commerce et sont appelés à connaître des questions quarante-
naires et de la police sanitaire maritime. Ces conseils

— 618 —
doivent sauvegarder les intérêts locaux ; les commerçants y
sont représentés, et ils comprennent dans leur sein des
membres élus, nommés pour un an et rééligibles. Le rôle
assigné aux comités d'hygiène est, au contraire, plus spécial.
Institué au chef-lieu de chaque colonie et présidé par le chef
du service de santé, le comité d'hygiène se préoccupe unique-
ment de la salubrité publique et do la prophylaxie des mala-
dies épidémiques. En outre de ces comités, il peut être ins-
titué des commissions d'hygiène dans les localités dont l'impor-
tance paraît justifier cette mesure : ces commissions ne
§'occupent que des questions de salubrité intéressant les cir-
conscriptions où elles sont établies et étrangères à la police
sanitaire maritime.
721. La loi du 13 avril 1850 sur les logements insalubres
est promulguée dans la plupart des colonies (1), sous la
réserve que les propriétaires des terrains expropriés par
suite de travaux d'ensemble, par mesure de salubrité, con-
tinuent à jouir du droit résultant de la loi du 3 mai 1841
(art. 60 et 61) de réclamer la remise des portions de terrain
restant après l'assainissement opéré, en dehors des aligne-
ments arrêtés pour les nouvelles constructions (2).
722. Il existe des léproseries dans plusieurs colonies. Celle
de la Réunion est réglementée par les arrêtés des 25 fé-
vrier 1852, 16 février 1876, 7 avril 1883.
On peut citer encore les léproseries de Tahiti et de Mayotte
qui sont, croyons-nous, à peu près abandonnées.
A. la Guadeloupe, la léproserie installée à la Désirade
(V. n° 713), et régie par les arrêtés des 28 décembre 1858 et
18 septembre 1884,reçoit également les malades de la Martinique.
A la Guyane et à la Nouvelle-Calédonie, la nécessité d'en-
rayer les progrès de cette maladie a motivé des actes régle-
mentaires spéciaux. Les décrets des 11 mai 1891 (Guyane) et
22 septembre 1893 (Nouvelle-Calédonie) prescrivent l'isole-
ment ou l'internement des malades.
(1) Pour la Guadeloupe et la Martinique, V. Déc. 9 avril 1881. Pour la
Guinée française, V. Déc. 2 décembre 1901.
(2) L'article 13, § 2, de la loi du 13 avril 1850 n'a pas été rendu appli-
cable dans les colonies.

— 619 —
723. En exécution des lois des 22 juillet 1851 et 28 juil-
let 1860, relatives aux primes à accorder pour la pèche de la
morue et l'expédition dans les colonies des produits de cette
pèche, deux décrets des 29 décembre 1851 et 14 janvier 1865
ont prescrit la formation, clans chacun de nos établissements
d'outre-mer, de commissions spéciales pour constater l'état
dans lequel arrivent les chargements de morue. Les membres
de ces commissions sont nommés par les gouverneurs.
Le décret du 15 octobre 1810, sur les établissements insa-
lubres, est remplacé
aux colonies
par un décret du
10 mai 1882, relatif à la Guadeloupe et rendu applicable,
depuis, dans la plupart de nos établissements d'outre-mer.
(V. n° 1141.)
En vue de combattre les maladies épidémiques, le gouver-
nement a organisé, l'Etat (1) et les budgets locaux contri-
buant à la dépense, une mission scientifique en vue de l'étude
de la fièvre jaune. Des arrêtés locaux, spécialement en
Afrique occidentale, se sont attachés à éviter, en outre, par
des mesures préventives extrêmement sévères, toute propaga-
tion de cette même maladie. Enfin, en exécution de l'article 10
du décret du17 août 1897 qui, sous certaines réserves, a
rendu applicable à nos possessions la loi du 30 novembre 1892,
sur l'exercice de la médecine, un arrêté du ministre des colo-
nies en date du 7 janvier 1902, notifié par une circulaire du
même jour (2), a fixé la liste des maladies épidémiques dont
la divulgation n'engage pas le secret professionnel et même
est obligatoire aux colonies.
Il faut citer, d'autre part, les mesures prises en vue d'arrê-
ter le développement de l'alcoolisme. C'est ainsi qu'un décret
du 29 août 1901 a institué un contrôle hygiénique des liquides
de toute espèce mis en vente dans les débits de boissons ou
en cours de circulation sur le territoire de la colonie.
A un autre point de vue, des mesures de plus en plus impor-
tantes sont prises en vue de développer, au profit des popula-
tions indigènes, l'hygiène publique et l'assistance médicale.
Il y a lieu de mentionner dans cet ordre d'idées le décret
(1) L. 12 juillet 1901 — B. O. C. 1901, page 698.
(2) Β. O. G. 1902, page 16.

— 620 —
du 12 août 1905 portant approbation des actes locaux qui ont
organisé l'école de médecine de l'Indo-Chine. Cette école a
pour mission de former des médecins indigènes et des sages-
femmes indigènes. Un décret spécial de la même date a régle-
menté en même temps l'exercice de ta médecine indigène en
Cochinchine ; il prévoit dans ce but un service de praticiens
comprenant des médecins indigènes et des sages-femmes
indigènes sortis de l'école de médecine de l'Indo-Chine et de
l'école des sages-femmes de Cholon. Ces praticiens, placés
sous l'autorité des administrateurs, doivent gratuitement leurs
soins aux indigènes, y compris la vaccination.
A Madagascar, le service de l'assistance médicale et de
l'hygiène publique indigènes a été organisé, après des arrêtés
locaux, par un décret du 2 mars 1904. 11 est placé, sauf en
ce qui touche les questions administratives et financières, sous
l'autorité du chef du service de santé, assisté d'un comité cen-
tral consultatif siégeant à Tananarive; il a dans chaque pro-
vince un budget autonome dont l'administrateur est ordonnateur
et qui pourvoit notamment à l'entretien d'hôpitaux et de
léproseries indigènes ainsi qu'à l'achat de médicaments pour
les indigènes. Un décret du 7 mars 1904 a créé, d'autre part,
un service de praticiens destiné aux populations indigènes. Ce
service est confié à des médecins et à des sages-femmes indi-
gènes, pour la préparation desquels une école de médecine
indigène a été instituée à Tananarive. 11 convient de rappeler
enfin, en ce qui concerne Madagascar, un arrêté du 13 juin
1898, qui édictait un certain nombre de mesures propres à
favoriser l'accroissement de la population à Iméritia.
En Afrique occidentale, un arrêté du gouverneur général
a créé 60 postes de médecins de l'assistance médicale indi-
gène.
Ces
médecins,
qui
sont
d'origine
européenne,
s'engagent, moyennant un traitement annuel, à exercer leur
profession pendant cinq ans dans l'une des régions dépendant
du gouvernement général. Au Congo français, il existe une
infirmerie indigène à Brazzaville.
L'exercice de la pharmacie a été réglementé à Madagascar
par un décret du 7 mars 190 i et a Mayotte par un décret du
13 mai 1905. Un décret du 21 octobre 1897 a rendu appli-
cable à la Guadeloupe la disposition de l'article 20 de la loi

— 621 —
du 26 juillet 1860 sur le stage des candidats au titre de phar-
macien civil. Dans la plupart des colonies, les gouverneurs
ont pris, en outre, divers arrêtés sur l'exercice de la pharmacie.
724 C'est également dans l'intérêt de la salubrité publique,
et pour aider, en particulier, nos possessions à se prémunir
contre les conséquences de la peste bovine, qu'un décret
du 10 mars 1898 a rendu applicable en Indo-Chine la loi du
21 juillet 1881 sur la police sanitaire des animaux.
A la Réunion, la police sanitaire des animaux a été régle-
mentée par arrêté local du 24 octobre 1900 et décret du
18 avril 1901.
Un décret du 21 juin 1903 a réglementé de môme la police
sanitaire des animaux à Madagascar. Ce décret détermine les
maladies des animaux réputées contagieuses et les mesures à
prendre après constatation d'une de ces maladies. Cette régle-
mentation a été complétée par un décret du 10 septembre 1903
qui a organisé un service vétérinaire à Madagascar.
§ 2. Service sanitaire.
725. Le décret du 31 mars 1897 (article 94) place le service
sanitaire dans les attributions du chef du service de santé,
qui est en même temps directeur de la santé. La police sani-
taire du littoral est exercée par des agents principaux, agents
ordinaires, sous-agents, médecins du lazaret, gardes sanitaires,
gardiens du lazaret. Le directeur de la santé demande et
reçoit directement les ordres du chef de la colonie pour toutes
les questions intéressant la santé publique.
La présidence du conseil sanitaire appartient de droit au
directeur de l'intérieur aujourd'hui remplacé par le secrétaire
général, ou à l'administrateur chef de la circonscription dans
laquelle le conseil est établi. Dans les circonscriptions où il
existe une municipalité', la présidence appartient de droit au
maire.
D'après l'article 136 du décret du 31 mars 1897, le direc-
teur de la santé, les agents principaux et ordinaires du service
sanitaire peuvent être appelés à exercer les fonctions d'offi-
cier de police judiciaire.

— 622 —
726. Les taxes sanitaires, les tarifs dans les lazarets sont
votés par les conseils généraux dans les conditions prévues
par l'article 33 § 3 de la loi de finances du 13 avril 1900. La
délibération du conseil général doit être approuvée par décret
en Conseil d'Etat ( nos 414 et suiv.).
§ 3. Imprimeries du gouvernement.
727. Par suite de la difficulté que l'on rencontrait en cher-
chant à s'adresser, surtout il y a quelques années, à l'indus-
trie privée pour assurer l'impression des actes administratifs,
ainsi que de la nécessité dans laquelle on se trouvait d'assurer,
dans certains cas, le secret des publications, la plupart des
colonies ont été amenées à créer, aux frais du servicelocal,
des établissements particuliers administrés par les directeurs
de l'intérieur. Ces établissements exécutent des travaux pour
les services et établissements publics de l'Etat, de la colonie,
des communes et même, dans certains cas, pour les particu-
liers, suivant un tarif arrêté par le gouverneur.
Le personnel de ces imprimeries, considéré comme appar-
tenant à l'État, est régi par un décret du 18 novembre 1872.
Un décret du 18 octobre 1899 a organisé les cadres du
personnel des imprimeries officielles de Madagascar.
§ 4. — Comités d'exposition. Jardins coloniaux.
Sociétés d'agriculture, etc.
728. L'arrêté ministériel du 25 juin 1861 relatif à l'exposi-
tion permanente des colonies (V. n° 281) décida qu'un comité
d'exposition serait formé au chef-lieu de chaque colonie, avec
des sous-comités dans les principales villes. Ces comités,
composés, autant que possible, de membres des chambres
d'agriculture et de commerce, devaient donner leur avis sur
les questions intéressant l'exposition; ils correspondaient, par
l'intermédiaire du gouverneur et du ministre, avec la com-
mission supérieure de surveillance de l'exposition coloniale.
La disparition de l'exposition permanente des colonies a

— 623 -
modifié cette organisation. Il n'existe plus dans les colonies
de comités permanents d'exposition.
729. Des jardins botaniques, des champs d'expériences sont
nécessaires aux travaux des colons ou des sociétés d'agri-
culture.
Un arrêté ministériel du 29 janvier 1899 a institué un con-
seil de perfectionnement des jardins d'essais coloniaux.
À la Guadeloupe, la création d'un jardin résulte d'un
arrêté du 27 février 1882, à la suite de l'achat par la colonie
de la propriété dite Trianon, près de la Basse-Terre.
Λ la Guyane, l'ancien jardin de Baduel a été complété en
1880 par un nouveau jardin situé également près de Cayenne.
·· Au Sénégal, une société d'agriculture, subventionnée par la
colonie, a été créée le 29 décembre 1874 (1) : elle organise
des concours agricoles annuels et a créé un jardin et une pépi-
nière près de Saint-Louis. Un comité de direction est élu par
les membres de la société.
A la Réunion, le fonctionnement du jardin colonial de
Saint-Denis est réglé par arrêtés des 20 octobre 1836 et 9 fé-
vrier 1848 : il sert en particulier à la culture des plantes qui
peuvent être vendues au public (2). En outre, une station
agronomique avec laboratoire d'analyse a été créée par
arrêté du 27 décembre 1875.
Dans l'Inde, il existe à Pondichéry un parc colonial, crée
en 1827, et un jardin d'acclimatation régi par arrêté du
15 juin 1861 ; l'un et l'autre sont dirigés par une commission
dont la composition et les attributions sont déterminées par
un arrêté du 9 février 1884; une station agronomiqué a été
adjointe au jardin par arrêté du 18 mai 1885.
En Cochinchine, outre un jardin botanique régi par les
arrêtés des 17 février et 14 janvier 1869, l'administration
coloniale a créé aux Mares, près de Saigon (3), une ferme
dans laquelle on étudie au point de vue pratique les cultures
qui peuvent être utilement introduites dans la colonie; le
jardin et la ferme sont placés sous l'autorité d'un même
(1) V. arr. loc. 16 janvier 1875.
(2) V. arr. loc. 24 janvier 1884.
(3) V. arr. loc. 11 février 1875.

— 624 —
directeur et d'une commission administrative dont la composi
tion a été réglée par arrêté du 19 mai 1881. Les recettes et
les dépenses du jardin et de la ferme sont rattachées au bud-
get local.
A la Nouvelle-Calédonie, une chambre d'agriculture consul-
tative, subventionnée par la colonie, a été créée le 12 mai 1884 :
lu membres sont élus par ie conseil municipal de Nouméa et
les commissions municipales; 15 autres membres sont nom-
més par l'administration. La chambre élit son bureau.
Enfin chacun des comités agricoles et industriels de l'Océa-
nie organisés par l'arrêté du 3 janvier 1881, a été mis en pos-
session d'un terrain destiné à être transformé enjardin d'essai
et d'acclimatation.
730. Des sociétés de courses existent à la Réunion, en Cochin-
chine et en Nouvelle-Calédonie.
A la Réunion, la société, constituée à Saint-Denis sous le
titre de Jockey Club colonial, a été approuvée par arrêté
local ; elle organise chaque année deux journées de courses.
En Indo-Chine, des sociétés de course ont été organisées
par un décret du 29 juin 1905.
Nous signalerons enfin la commission des monuments his-
toriques, créée dans l'Inde par l'arrêté du 3 octobre 1879; la
société des arts et sciences de la Réunion, constituée par
arrêté du gouverneur du 27 décembre 1855, et enfin la société
des études indochinoises. Cette dernière société s'est consti-
tuée en 1883, lors de la dissolution de fait du comité agricole
et industriel ; elle n'a été l'objet d'aucun arrêté local inséré
au bulletin officiel.
SECTION II.
ORGANISATION JUDICIAIRE
ARTICLE PREMIER. — Tribunaux ordinaires.
§ 1. — Organisation générale du service judiciaire.
732. La magistrature aux colonies forme dans son ensemble

— 625 —
un corps dislinct de la magistrature métropolitaine. Sans doute
une similitude générale de fonctions permet de maintenir entre
elles un lien permanent, d'autoriser des permutations de l'une
à l'autre; il n'en est pas moins certain que leur organisation
présente des différences profondes sous le rapport du recrute-
ment, de la hiérarchie, de la discipline. Il importe de con-
naître les règles fondamentales auxquelles la magistrature'
coloniale est partout soumise à ce triple point de vue, avant
d'examiner le fonctionnement du service judiciaire dans ses
conditions spéciales à chacune de nos possessions.
733. La magistrature coloniale est considérée comme déta-
chée du ministère de la Justice. C'est un décret du 1er dé-
cembre 1858 qui a déterminé pour elle cette situation particu
lière où, quelques mois auparavant, la magistrature de
l'Algérie avait été placée.
Les décrets portant nominations dans la magistrature sont
contresignés à la fois par le garde des Sceaux et par le mi-
nistre des Colonies. En fait, les mouvements sont toujours
préparés par ce dernier, auquel les candidats doivent adresser
leurs demandes. Le ministre des Colonies, en outre, contresigné
seul les décrets portant nominations de juges de paix à compé-
tence étendue; il nomme, lui-même, par arrêté, les attachés au
parquet du procureur général à Hanoï et à Saigon.
734. Nul ne peut entrer dans la magistrature coloniale s'il
n'est pourvu du diplôme de licencié en droit ; dans l'Inde, la
licence peut être remplacée par un certificat de 3e année d'é-
tudes délivré par l'école de droit de Pondichéry. Le stage de
deux ans comme avocat, dont il est nécessaire de justifier pour
être admis dans la magistrature métropolitaine, n'est exigé
qu'aux Antilles, à la Réunion et en Indo-Chine; encore est-il
possible d'y suppléer pour l'Indo-Chine par une année de ser-
vice comme attaché au parquet du procureur général à Hanoï
ou à Saigon.
Depuis un décret du 7 avril 1905, les deux tiers des emplois
vacants dans la magistrature coloniale sont réservés aux élèves
sortant de l'école coloniale. Il a été créé dans ce but à l'école
coloniale une section spéciale pour la préparation à la magis-
trature. Les élèves de cette section sont admis après un con-
cours auquel prennent part les licenciés en droit âgés de 20 ans
COLONIES, I.
40

— 626 —
au moins, de 28 ans au plus, et qui sont portés sur une lisle
arrêtée par les ministres de la Justice et des Colonies. La section
est divisée en deux sous-sections : africaine et indo-chinoise :
les élèves doivent suivre les cours de doctorat et se faire
admettre, dès l'entrée à l'école, au stage des avocats; ils sont,
pendant leur séjour à l'école, attachés au parquet général de la
cour d'appel de Paris ou au parquet du tribunal de la Seine.
Les greffiers des cours et des tribunaux, en principe, doivent
être licenciés en droit, mais le diplôme peut, en général, être
remplacé par plusieurs années de pratique dans une étude
d'avoué ou dans un greffe. Les commis-greffiers sont désignés
par les greffiers et agréés par la cour ou le tribunal; en Indo-
Chine et dans l'Afrique occidentale française, ils sont nommés
par le gouverneur général. Les juges de paix à compétence
ordinaire et leurs greffiers sont nommés sans conditions d'ap-
titude particulières.
735. Le minimum d'âge exigé pour les différentes fonctions
judiciaires n'est pas le même dans toutes nos possessions; il
varie de 21 à 30 ans, selon l'importance des postes, comme
l'indique le tableau suivant :
AGE.
FONCTIONS.
Martinique, Guadeloupe et Réunion.
21 ans.
Commis-greffier.
2-2 ans.
Substitut prés tes tribunaux de 1re instance.
25 ans.
Juge titulaire ou suppléant, procureur de la République,
substitut du procureur général, greffier de cour, de
tribunal de 1re instance et de justice de paix.
27 ans.
Conseiller.
30 ans.
Président de cour ou de tribunal, procureur général,
juge de paix, suppléant de juge de paix.
Indu-Chine, Afrique occidentale française,
et Madagascar.
21 ans.
Commis-greffier.
22 ans.
Juge suppléant, substitut près les tribunaux de 1er ins-
tance, juge de paix suppléant.
25 ans
Procureur de la République, substitut du procureur gé-
néral, avocat général, conseiller auditeur, lieutenant
de juge, juge de paix, greffier de justice de paix et
de 1re instance, greffier de la cour de l'Afrique occi-
dentale.
27 ans.
Juge-président, conseiller, greffier de la cour en Indo-
Chine et à Madagascar, juge de paix à compétence
étendue.
30 ans.
Procureur général, président et vice-président de cour.

— 627 —
AGE.
FONCTIONS.
Autres colonies.
21 ans.
Commis-greffier.
22 ans.
Juge suppléant, substitut prés un tribunal de 1re ins-
tance.
24 ans.
Juge de paix et juge de paix à compétence étendue
dans l'Inde, et leurs suppléants, sauf Chandernagor.
!
25 ans.
Procureur de la République, conseiller auditeur, lieu-
tenant de juge, juge de paix et juge de paix à com-
pétence étendue (y compris Cbandernagor), suppléant
de juge de paix, greffier de cour d'appel (excepté les
établissements français de l'Inde), de tribunal supé-

rieur, de tribunal de 1" instance, de justice de paix
et de justice de paix à compétence étendue.

27 ans.
Juge au tribunal supérieur, conseiller, juge-président
d'un tribunal de 1™ instance, greffier de la cour dans
les établissements français de l'Inde.
30 ans.
Procureur général, président de cour, de conseil d'appel
et de tribunal supérieur.
Ces conditions d'âge ne sont d'ailleurs exigées que des
titulaires des emplois ; un décret du 9 février 1883 en a dis-
pensé les intérimaires.
73G. La hiérarchie judiciaire aux colonies, comparée à celle
de la métropole, prése nte également quelques particularités. Le
grade de premier président n'existe pas(n° 738) .On trouve, d'autre
part, des fonctions qui n'ont pas leur équivalent dans la magis-
trature métropolitaine : ce sont celles de conseiller auditeur
près certaines cours d'appel, et celles de juge de paix à com-
pétence étendue, dont l'institution a été plus récemment adop-
tée pour l'Algérie. Mais le trait le plus marquant de la hiérar-
chie judiciaire aux colonies est l'application aux juges de
ρremière instance, ailleurs qu'aux Antilles et à la Réunion, du
système de l'unicité. Dans les tribunaux où ce principe a été
admis, le président porte le titre de juge-président, le juge d'ins.
truction celui de lieutenant de juge. Ce système a'été maintes
fois attaqué comme enle vaut aux justiciables les garanties que
leur offre dans la métropole la pluralité des juges, mais il pré-
sente, aux colonies, l'avantage d'éviter les dépenses souvent
excessives — eu égard au nombre des affaires — qu'entraîne
l'institution de tribunaux où siègent plusieurs magistrats, e.t
cette considération l'a toujours emporté (1)..
[1) La Cour de cassation a décidé qu'en l'absence d'une promulgation

— 628 —
Malgré la différence des hiérarchies, il y a toujours une rela-
tion établie entre les divers emplois de la magistrature colo-
niale et ceux de la magistrature métropolitaine. C'est d'après
cette parité d'office, c'est, en d'autres termes, sur la base du
traitement correspondant en France à leurs emplois, que les
magistrats des colonies subissent les retenues de 5 0/0 et du
premier douzième pour les pensions de retraite. La solde
d'Europe est fixée à la moitié du traitement colonial.
737. Dans toutes celles de nos possessions où sont établis
des tribunaux réguliers, la direction du service judiciaire est
confiée à un magistrat qui prend le titre de chef du service
judiciaire. Ces fonctions sont exercées par le procureur général,
et, dans les colonies où il n'existe pas de procureur général,
soit par le procureur de la République, soit par le juge-pré-
sident.
Le chef du service judiciaire (1) fait partie du conseil prive de
spéciale de la loi du 30 août 1883 sur la magistrature, la disposition
d'ordre général de cette loi, d'après laquelle les membres des cours
d'appel et des tribunaux de première instance doivent siéger en nombre
impair, n'est nullement applicable aux colonies. Ainsi jugé pour la Gua-
deloupe le 2 mars 1893 (Cf. Dalloz, 94.1.142). Cf. dans le même sens.
Cass. Crim., 1" décembre 1890 (Aff. Ramassamipoullé). — Attendu qu'il
est de principe que les lois et règlements en vigueur en France ne
sont pas, à moins d'une disposition spéciale, applicables dans les
colonies ; — attendu que la loi du 30 août 1883 sur la réforme de l'or-
ganisation de la magistrature n'a statué que pour les cours et tribunaux
de la métropole et dans certaines seulement de ses dispositions pour la
cour d'appel et les tribunaux de l'Algérie ; — que l'article 1er de cette
loi d'après lequel les magistrats des cours d'appel doivent délibérer en
nombre impair n'a pas été l'objet d'une promulgation spéciale dans les
établissements français de l'Inde et que, dès lors, cet article n'y est
pas applicable, etc.
(1) La Cour de cassation a reconnu les pouvoirs disciplinaires du chef
du service judiciaire par un arrêt en date du 19 mars 1883, dont le
passage suivant doit être reproduit : « Attendu que.... d'une part, le
« droit de censurer les officiers du ministère public n'appartient pas aux
» tribunaux et que, d'autre part, si les lois relatives au régime des
« colonies et spécialement l'article 147 de l'ordonnance du 24 septem-
« bre 1828 confèrent à la cour le droit de dénoncer les magistrats du
« ministère public qui se sont écartés de leurs devoirs, ces dispositions
« ne peuvent être étendues au procureur général qui réunit aux fonc-
« tioas du ministère public d'autres fonctions d'un ordre plus élevé et
« participe, comme chef de l'administration de la justice et comme
« membre du conseil privé, au gouvernement de la colonie. Par ces
motifs, annule, etc. »>

— 629 —
la colonie ; il est investi de pouvoirs de surveillance et de dis-
cipline à l'égard de tous les autres magistrats. Cette autorité,
il l'exerce même envers les officiers publics et ministériels,
vis-à-vis desquels il joue le même rôle qu'en France les
chambres de discipline.
738. Cette supériorité que le chef du parquet possède à
l'égard des autres magistrats n'aurait pas permis de créer
dans les cours d'appel des colonies un poste de premier pré-
sident. Il eût paru inadmissible que le magistrat investi de ces
hautes fonction se trouvât lui-même subordonné au procureur
général ; aussi n'existe-t-il aux colonies que des presidents
de cour, ayant du reste le droit de noter directement, en dehors
du chef du service judiciaire, tous les membres de la magis-
trature assise du même ressort.
739. A un autre point de vue, aux colonies, pour tous les
magistrats, quelle que soit la nature de leurs fonctions, qu'ils
siègent dans les cours et les tribunaux ou qu'ils appartiennent
aux parquets, la règle commune est l'amovibilité. Il en résulte
cette conséquence que les uns et les autres sont indifférem-
ment appelés, selon les vacances qui se produisent, soit à des
postes de juges ou de conseillers, soit aux parquets des tri-
bunaux et des cours d'appel. Ces déplacements nombreux,
que des raisons de santé rendent plus fréquents encore, ont
pour effet, aux colonies, de soumettre à des règles particulières
la fixation du rang des magistrats entre eux. Si ce rang,
comme en France, était déterminé par la date de la prestation
du serment, des magistrats seraient exposés, vis-à-vis de collè-
gues maintenus au même siège, à perdre le bénéfice de leur
ancienneté et les prérogatives pouvant s'y rattacher, l'intérim
de la présidence, par exemple, qu'il est d'usage d'attribuer au
doyen de la cour. Pour ces diverses raisons, une circulaire du
19 février 1856, concertée entre le département de la marine
et des colonies et celui de la justice, a déterminé de la manière
suivante « les règles d'après lesquelles les questions de pré-
« séance entre magistrats ont paru devoir être résolues à l'a-
« venir aux colonies :
« 1° Les magistrats ayant parité de titre prendront rang
« entre eux d'après l'ordre et la date de leur nomination;
« s'ils sont nommés par des décrets différents, mais du même

— 630 —
« jour, ils prendront rang d'après la date et l'ordre de leur
« prestation de serment ;
« 2° Lorsqu'un magistrat sera envoyé, avec le même titre,
« d'une colonie dans une autre et dans une cour ou un tri—
« bunal du môme degré, son rang sera toujours fixé d'après
« l'ancienneté de ses services. »
les magistrats des colonies prêtent serment: ce principe a été
définitivement consacré par un décret du 11
décembre 1885.
Par contre, les magistrats des colonies ne sont pas, comme
leurs collègues de la métropole, soumis à l'autorité discipli-
naire de la cour de cassation, sauf dans les cas prévus par le
Code d'instruction criminelle. Dans les colonies, c'est le gou-
verneur qui exerce la haute surveillance de la magistrature
par l'intermédiaire du chef du service judiciaire et de con-
cert avec la cour ou le conseil privé, selon qu'il s'agit de
magistrats assis ou de magistrats de parquet.
S'il y a lieu de prononcer contre un magistrat des peines
graves, telles que la censure avec réprimande, la suspension
provisoire, le gouverneur demande l'approbation du ministre
des colonies et du garde des sceaux qui statuent alors en der-
nier ressort et peuvent même prononcer la révocation. Ce
droit de révocation que conserve le gouvernement ne peut
faire doute; il est, a l'égard des membres de l'ordre judiciaire
dans nos possessions, la conséquence de leur amovibilité. Il
est absolu, surtout envers les juges de paix aux colonies, car
aucune disposition n'est venue en restreindre l'exercice à
l'égard de ceux-ci (1). Le magistrat, d'ailleurs, peut toujours
demander son envoi en France à la disposition du ministre
des Colonies; celui-ci, de son côté, conserve le droit, sans y
être astreint par un texte formel, de déférer l'examen de la
conduite du magistrat à une commission d'enquête. Enfin, si
les faits incriminés étaient exceptionnellement graves et cons-
tituaient, non plus simplement une faute"contre la discipline,
mais un crime ou un délit, des poursuites seraient engagées
contre les magistrats coloniaux dans les mêmes conditions que
pour la magistrature métropolitaine; elles pourraient même
(1) Cons. d'Et. cont., 7 août 1896 (Albon).

— 631 —
avoir lieu, s'il s'agissait d'un magistrat do première instance
en congé, devant la cour d'appel de France dans le ressort de
laquelle il réside.
L'exercice du pouvoir disciplinaire conféré à l'égard des
membres de la magistrature coloniale aux gouverneurs et au
ministre des Colonies, agissant d'accord avec le garde des
Sceaux, peut, dans certaines circonstances, devenir particu-
lièrement délicat. Tenant compte des difficultés auxquelles ce
contrôle peut donner naissance, une décision présidentielle
du 19 avril 1898 a institué près du ministre des Colonies une
commission consultative chargée de donner son avis sur les
mesures de discipline à prendre à l'égard des membres de
l'ordre judiciaire aux colonies. Celte commission se compose
de deux conseillers à la Cour de cassation, dont le plus
ancien, président ; de deux conseillers à la cour d'appel de
Paris, d'un avocat général près la même cour. Ces magistrats
sont désignés au début de chaque année judiciaire, les con-
seillers par les premiers présidents, l'avocat général par le
procureur général près la cour d'appel de Paris.
741. Les pouvoirs généraux de surveillance et de discipline
que le gouverneur exerce sur la magistrature ne sauraient
lui permettre d'intervenir dans le fonctionnement de la justice,
de s'immiscer directement dans ta marche du service pour
prescrire ou arrêter des poursuites criminelles ou correction-
nelles (1). Une circulaire ministérielle, en date du 15 octo-
bre 1883 ( 2), a nettement défini, à ce point de vue. la situation
respective du gouverneur et de l'autorité judiciaire.
(1) V. n° 343.
(2) Circ. 13 octobre 1883. — Messieurs, à l'occasion d'un conflit qui
s'est élevé dans une colonie entre le gouverneur et l'autorité judiciaire,
le département a été consulté sur le point de savoir si les gouverneurs
et commandants des colonies ont le droit de prescrire au ministère public
d'exercer des poursuites criminelles ou correctionnelles.

S'il est incontestable que les gouverneurs de colonies peuvent, en
général, exercer toutes les attributions qui, dans la métropole, sont
partagées dans les divers départements ministériels, il est également
hors de doute que leurs pouvoirs ne sauraient excéder les limites dans
lesquelles la loi a, dans certains cas, cru devoir les renfermer. Or, rela-

tivement à l'administration de la justice, leurs attributions ont été
expressément limitées par la loi.
Tous les textes législatifs concernant l'organisation des colonies ont
apporté
sur ce point les mêmes restrictions. Les ordonnances du

— 632 —
Ajoutons que le gouverneur peut, dans certains cas, nom-
mer des magistrats intérimaires. Il exerce ce droit lorsque
des fonctions judiciaires se trouvant vacantes, tous les inagis-,
trats appelés de plein droit, de par les règlements organiques,
à prendre l'intérim, sont absents ou empêchés. Le gouverneur
ne pourrait intervenir, au contraire, dans le cas où ces der-
niers seraient disponibles; les jugements rendus par l'intéri-
maire qu'il aurait alors irrégulièrement désigné seraient enta-
chés de nullité. La cour de cassation s'est prononcée dans ce
sens le 1er août 1890. A un point de vue plus particulier, la
cour suprême a décidé que, si l'intérimaire est un ofticier, on
ne peut arguer valablement de ce qu'il a siégé revêtu de son
uniforme (1).
21
août 1825 (art. 4G), du 'J février 1827
(art. 47), du 27 août 1828
(art. -47), du 23 juillet 1840 (art. 30), du 7 septembre 1840 (art. 35) et le
décret du 12 décembre 1874 (art. 55) proclament qu'il « est interdit au
« gouverneur de s'immiscer dans les affaires qui sont de la compétence
des tribunaux ». D'où la conséquence que le gouverneur n'a pas qualité
pour prescrire au ministère public d'exercer des poursuites. Il en ré-
sulte encore qu'il ne saurait s'opposer aux poursuites que voudrait
exercer le ministère public. Cette seconde conséquence est formulée eu
ces termes : « Il lui est également interdit de s'opposer à aucune pro-
« cédure civile ou criminelle. » Les seuls pouvoirs qui soient accordés
au gouverneur en matière criminelle consistent dans le droit qui lui est
conféré d'ordonner l'exécution des arrêts de condamnation ou de pro-
noncer le sursis lorsqu'il y a lieu de recourir à la clémence du chef de
l'Etat.
On peut objecter, il est vrai, que, le département de la Justice ayant
en France le droit de prescrire des poursuites, les gouverneurs et com-
mandants doivent, aux colonies, être investis du même pouvoir. Mais
il n'existe à cet égard aucune analogie entre le ministre de la Justice
et les gouverneurs et commandants des
colonies. Eu effet, le droit du
garde des Sceaux est, dans ce cas, formellement consacré par la loi
(art. 274 du Code d'instruction criminelle). Ce droit résulte de ce qu'il
est chargé de surveiller l'action publique.
Or, ce droit de surveillance n'a été accordé aux gouverneurs qu'en ce
qui concerne les « affaires qui intéressent le gouvernement ».
En effet, les ordonnances disposent que, dans les affaires qui intéres-
sent le gouvernement, le procureur général est tenu, lorsqu'il en est
requis par le gouverneur, de faire, conformément aux instructions qu'il
en reçoit, les actes nécessaires pour saisir les tribunaux.
Mais cette exception est la seule qui soit prévue et, dans tous les
autres cas, c'est au procureur général seul qu'appartient le droit de
statuer sur l'opportunité des poursuites.
(1) Cass. crim. 7 février 1908 (Affaire Aly-Kamara). D. P. 1903.1.

— 633 —
§ 2. — Organisation particulière des diverses colonies.
742. Martinique. L'organisation judiciaire de la Martinique
est actuellement réglée par la loi du 15 avril 1890; celle-ci a
fixé la composition des cours et des tribunaux dans les An-
tilles françaises et à la Réunion dont on avait, depuis longtemps,
par voie budgétaire, remanié trop fréquemment l'organisation.
Cette loi (1), d'ailleurs, a reproduit pour la Martinique les
principales dispositions des décrets des 16 août 1854 et
22 avril 1886, qui avaient eux-mêmes complété l'ordonnance
du 24 septembre 1828.
L'organisation actuelle comporte :
1° Une cour d'appel composée d'un président, de cinq con-
seillers, d'un greffier et de commis-greffiers. Un procureur
général, chef du service judiciaire, exerce auprès de cette
cour les fonctions du ministère public; il est assisté d'un
substitut. Le siège est à Fort-de-France;
2° Des tribunaux de première instance, qui exercent en
môme temps les attributions des tribunaux de commerce; ils
se composent obligatoirement d'un président, de deux juges
au moins, d'un procureur de la République, d'un greffier et
d'un commis-greffier, facultativement d'un ou deux juges
suppléants rétribués;
3° Enfin, cette organisation se trouve complétée par neuf
justices de paix à compétence ordinaires, celles de .Fort-de-
France, de Lamentin, de Saint-Esprit, du Diamant, de Marin,
de Saint-Pierre-Mouillage, de Fort-Saint-Pierre, de Basse-
Pointe et de Trinité.
Ces diverses juridictions, en matières civile et commerciale,
ont des attributions analogues à celles des juridictions corres-
pondantes de la métropole.
Il en est de même en matière pénale. Les juges de paix ont
des attributions de simple police et, comme en France, sont
compétents en matière de contraventions. Les tribunaux de
première instance ont la connaissance des affaires correction-
nelles et procèdent à ce titre comme les tribunaux de la
métropole. Quant aux crimes, ils sont, en vertu de la loi du
(1) Complétée, en ce qui concerne le nombre des magistrats, par la
loi de finances du 31 mars 1903, art. 79.

— 634 —
27 juillet 1880, déférés, pour l'étendue entière de la colonie,
à une cour d'assises, dont le fonctionnement est semblable à
celui des cours d'assises de France.
11 y a lieu de remarquer enfin que les jugements rendus en
entier ressort par les juges de paix de la Martinique, comme
d'ailleurs, par ceux de la Guadeloupe et de la Réunion, ne
peuvent être déférés à la Cour de cassation pour l'incompé-
tence, excès de pouvoir ou violation de la loi ; cette voie de
recours est remplacée par le recours en annulation devant la
cour d'appel.
L'organisation judiciaire de la Martinique a dû subir certaines
modifications à la suite de la catastrophe de Saint-Pierre, du
8 mai 190*2. Un décret du 13 du même mois a rattaché, au
point de vue judiciaire, le second arrondissement de la co-
lonie à l'arrondissement de Fort-de-France. Les tribunaux de
première instance, dont le siège était établi à Saint-Pierre et à
Fort-de-France, se sont trouvés réduits dès lors à une seule
juridiction. Il a été jugé d'ailleurs que le décret du 13 mai
1902, pris dans la forme d'un règlement d'administration pu-
blique, était inattaquable au point de vue constitutionnel. On
objecterait à tort que, l'organisation judiciaire de la Martinique
étant réglée par la loi du 15 avril 1890, une loi nouvelle était en
l'espèce nécessaire. Cette loi du 15 avril 1890 n'a pas trait en
effet, au nombre et à l'étendue des circonscriptions judiciaires
de la Martinique. La matière est restée de celles qui peuvent
être modifiées par décret rendu en forme de règlement d'ad-
minisration publique, conformément à l'article 6 du sénatus-
consulte du 3 mai 1854 (1).
C'est également la situation nouvelle créée dans la colonie
par la catastrophe du 8 mai 1902 qui a rendu nécéssaire l'in-
tervention de deux décrets en date des 6 septembre 1902
et 30 juillet 1903. Le premier, qui a été pris le conseil d'Etat
entendu, a attaché provisoirement au ressort de la justice de
paix de Fort-de-France les cantons du Fort et du Mouillage ;
le second a créé au tribunal de première instance de Fort-de-
France un emploi de substitut et deux emplois de juge sup-
pléant.
(1) Trib. Fort-de-France, décembre 1902 (Affaire Saint-Félix, Trillard).

— 635 —
743. Guadeloupe. L'organisation judiciaire de la Guade-
loupe, que règle également la loi du 15 avril 1890, corres-
pond à celle de la Martinique. L'article 79 de la loi de finances
du 31 mars 1903 est de même applicable à la Guadeloupe. La
cour d'appel, dont le siège est à Basse-Terre, est constituée
de la même manière que celle de la Martinique. Deux tribu-
naux de première instance tenant lieu en même temps de tri-
bunaux de commerce sont établis à la Basse-Terre et à la Pointe
à-Pitre. Les justices de paix ordinaires sont au nombre de
huit (Basse-Terre, Capesterre, Pointe-Noire, Pointe-à-Pitre,
Lamentin, Port-Louis, Moule, Saint-François). Le personnel
des tribunaux de la Basse-Terre et de la Pointe-à-Pitre estcons-
titué de la même manière que celui des tribunaux de la Mar-
tinique. Le procureur de la Bépublique de la Pointe-à-Pitre
est assisté d'un substitut.
Ces différentes juridictions, en matière civile ainsi qu'en
matière pénale, ont, comme celles de la Martinique, des attri-
butions analogues à celles des juridictions semblables de la
métropole.
11 y a une cour d'assises au siège de chaque tribunal de pre-
mière instance (1) ; chacune d'elles se réunit trimestriellement
(2)·
744. Dans les dépendances de la Guadeloupe, à Marie-
Galante, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, existent trois
justices de paix à compétence étendus, qui tiennent lieu à la
fois de justices de paix ordinaires et de tribunaux de pre-
mière instance. A Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, ces jus-
tices de paix à compétence étendue ont été établies, en rem-
placement de tribunaux de première instance, par un décret
du 17 avril 1884. Dans l'île de Marie-Galante, c'est un décret
du 25 novembre 1890 qui a créé une justice de paix à compé-
tence étendue à la place du tribunal de première instance
institué par des décrets du 31 août 1878 et du 22 avril 1886.
Des doutes se sont élevés sur la légalité de ce décret du
(1) L. 42 avril 189-2.
(2) Le ressort de la cour d'assises de la Basse-Terre comprend, outre

le chef-lieu, les cantons de la Capesterre, de la Pointe-Noire, de Saint-
Barthélemy et de Saint-Martin; celui de la cour d'assises de la Pointe-
à-Pitre s'étend sur les autres cantons de la colonie.


— 636 —
25 novembre 1890 intervenant après la loi du 15 avril de la
môme année. Ils semblent avoir été écartés, par le Parlement
lui-même, par cette considération que la loi du 15 avril 1890
ne pouvait être regardée comme applicable aux juridictions
particulières des dépendances de la colonie (1).
Aux termes d'un décret en date du 18 février 1903 tous les
magistrats du ressort de Guadeloupe ainsi du reste que tous
les officiers de police, officiers ministériels, et fonctionnaires
assermentés, ont été autorisés à prêter serment par écrit lors-
qu'ils sont éloignés du siège de la juridiction devant laquelle
ils sont tenus à cette prestation.
745. Saint-Pierre et Miquelon. L'organisation judiciaire de
cette colonie est encore, dans ses dispositions essentielles
réglée par l'ordonnance du 26 juillet 1833. Elle comporte
deux justices de paix, un tribunal de première instance et un
conseil d'appel.
Les deux tribunaux de paix ont leur siège, l'un à Saint-
Pierre, l'autre à Miquelon. A Saint-Pierre les fonctions de
juge de paix sont exercés par le juge suppléant du tribunal
de première instance, à Miquelon, elles sont confiées à un
agent du commissariat colonial.
Le tribunal de première instance est établi à Saint-Pierre ;
il comprend un juge président et un greffier. Un décret du 11
mars 1902 a institué en outre à ce tribunal un emploi de juge
suppléant. Ce magistrat exerce les attributions conférées au juge
d'instruction et remplace le juge-président absent ou empêché.
Le tribunal de première instance est compétent, en matière
civile et commerciale, tantôt en premier et dernier ressort,
tantôt en premier ressort seulement ; il connaît, dans le pre-
mier cas, des affaires dont l'importance, en principal, n'excède
pas 300 1rancs; dans le second cas, des affaires dont la valeur
en principal est supérieur à 300 francs. Un tribunal de com-
merce qu'avait institué, à Saint-Pierre, un décret du 24 fé-
vrier 1881, a été supprimé par un décret du 9 mai 1892; c'est,
(1) Cf. Rapport présenté par M. Gerville-Réache. député, au nom de
la commission chargée d'examiner un projet de loi portant création
d'un tribunal à Marie-Galante. Annexé au procès-verbal de la séance de
la Chambre du "29 a\\ril 1893. — Session ordinaire de 1893, n° 2714.


— 637 —
aujourd'hui, devant le tribunal de première instance que sont
portées les affaires commerciales.
Le conseil d'appel, dont la composition, depuis l'ordon-
nance du 26 juillet 1833, a été successivement modifié par
l'ordonnance du 6 mai 1843 et par les décrets des 26 sep-
tembre 1872 et 9 octobre 1874, comprend aujourd'hui un pré-
sident, magistrat de carrière, assisté de deux officiers du
commissariat, licenciés en droit, ou, à défaut les plus élevés
en grade ou les plus anciens de la colonie.
Un procureur de la République, chef du service judiciaire,
dont l'emploi a été créé par un décret du 4 août 1868, remplit
les fonctions du ministère public à la fois près du tribunal de
première instance et près du conseil d'appel.
746. Les juges de paix, statuant comme juges de simple
police, sont compétents, en matière de contravention. Quant
aux affaires correctionnelles, d'après l'ordonnance de 1883,
elles étaient portées directement, en premier et en dernier
ressort, devant le conseil d'appel. Un décret du 21 mai 1896
les a soumises, en premier ressort, conformément aux règles
du Code d'instruction criminelle, au tribunal de première ins-
tance, sauf appel devant le conseil d'appel. En l'absence de
juge spécialement chargé de l'instruction, les premières infor-
mations relatives à ces affaires sont prises par le procureur de
la République; le juge-président les complète à l'audience.
Le tribunal de première instance de Saint-Pierre connaît
de l'appel des jugements de paix en matière de douane. Pour
mettre plus d'harmonie dans les textes à ce point de vue, un
quatrième paragraphe a été ajouté, par décret du 1er juillet
1902, à l'article 24 de l'ordonnance du 26 juillet 1833. Enfin,
les affaires déférées en France à la cour d'assises sont por-
tées, aux îles Saint-Pierre et Miquelon, devant le conseil d'ap-
pel constitué en tribunal criminel, par l'adjonction de quatre
assesseurs. Ces derniers, ainsi que deux suppléants, sont dé-
signés par le sort sur une liste de notables dressée chaque année
dans la première quinzaine de mai, en conseil d'administra-
tion. Depuis le décret du 21 mai 1896, les assesseurs, mem-
bres du conseil d'appel, peuvent être choisis parmi les fonc-
tionnaires et les otficiers en service dans la colonie, de préfé-
rence licenciés en droit. Ce môme décret confie au président

— 638 —
du tribunal civil l'instruction des affaires déférées au tribunal
criminel, l'autorité chargée d'instruire se trouvant ainsi dis-
tincte de l'autorité chargée de prononcer la peine.
747. Guyane. Souvent remaniée, notamment par l'ordon-
nance du 21 décembre 1828, par les décrets du 16 août 1854,
du 21 juin 1880 et du 20 février 1886, l'organisation judi-
ciaire de la Guyane est aujourd'hui fixée par un décret du
16 décembre 1896, complète par un décret du 1er novembre
1900. Ce règlement, rapprochant le fonctionnement du service
judiciaire à la Guyane des formes habituelles, prévoit l'exis-
tance, dans cette colonie, de tribunaux de paix, de tribunaux
de première instance, d'une cour d'appel et d'une cour d'assises.
Il divise le territoire de la Guyane en deux arrondissements
judiciaires, celui de Cayenne et celui du Maroni, le ressort de
la cour d'appel de la cour d'assises embrassant d'ailleurs l'é-
tendue entière de la colonie.
Un juge de paix à compétence ordinaire, siégeant au chef-
lieu, exerce sa juridiction sur tout l'arrondissement de
Cayenne; il est assisté de suppléants à Oyapock, Approuague,
Kourou, Sinnamary et Mana. Dans l'arrondissement du Maroni,
les fonctions du juge de paix sont remplies par le juge-président
du tribunal de première instance de Saint-Laurent-du-Maroni.
Deux tribunaux de première instance siègent l'un à Cayenne,
l'autre à Sainl-Laurent-du-Maroni. Ils se composent : le pre-
mier, d'un juge-président, d'un lieutenant de juge, de deux
juges suppléants rétribués, d'un procureur de la République,
d'un greffier et de deux commis assermentés; le second, d'un
juge-président, d'un procureur de la République, d'un greffier
et d'un commis-greffier. Aux termes du 1er novembre 1900,
lorsque les circonstances l'exigent, l'un des deux juges sup-
pléants institué près le tribunal de première instance de Cayenne
peut être détaché prés le tribunal de première instance de
Saint-Laurent-du-Maroni. Eu matière civile et commerciale,
les deux tribunaux connaissent de toutes les affaires pour les-
quelles sont compétents les tribunaux de première instance de
la métropole.
La cour d'appel de la Guyane, après avoir existé depuis
l'ordonnance du 21 décembre 1828 jusqu'au décret du 20
février 1886, qui l'avait remplacée par un tribunal supérieur,

— 639 —
a été rétablie par le décret du 16 décembre 1896. Elle se
compose d'un président, de deux conseillers, d'un conseiller-
auditeur, d'un greffier en chef et d'un commis assermenté ;
les fonctions du ministère public sont remplies par le procu-
reur général, chef du service judiciaire, assisté d'un substitut.
La cour connaît de l'appel des jugements rendus en premier
ressort par les tribunaux de première instance; les arrêts
sont rendus par trois juges.
748. Les juges de paix sont juges de simple police et
connaissent, comme tels, des contraventions.
Les tribunaux de première instance sont juges en premier
ressort de tous les délits et de toutes les infractions aux lois
sur le commerce étranger, le régime des douanes et les contri-
butions indirectes. Les appels sont portés devant la cour
d'appel, qui statue en outre sur les demandes en annulation
formées contre les jugements en dernier ressort rendus par les
tribunaux de paix.
En matière criminelle, le décret du 16 décembre 1896 a
rétabli la chambre des mises en accusation, que le décret du
20 février 1886 avait supprimée. La chambre connaît, d'ail-
leurs, non seulement des instructions relatives aux affaires
qui sont de la compétence de la cour d'assises, mais encore
des oppositions formées aux ordonnances du juge d'instruc-
tion en matière correctionnelle. Elle est composée d'un con-
seiller-président, du juge-président du tribunal de première
instance de Cayenne et d'un juge suppléant rétribué.
La cour d'assises est compétente : l°pour toutes les affaires
qui lui sont renvoyées par la chambre des mises en accu-
sation, conformément aux dispositions du Code d'instruction
criminelle métropolitain; 2° pour tous les crimes et délits
prévus par les lois sur la presse et qui ne sont pas déférés à
une autre juridiction par des dispositions spéciales. Elle est
composée du président de la cour d'appel assisté de deux
membres de la cour et de quatre assesseurs. Le ministère public
y est représenté par le procureur général ou son substitut.
Le collège des assesseurs comprend une liste de vingt membres
titulaires et une liste de dix membres supplémentaires rési-
dant au chef-lieu. Ces deux listes sont dressées chaque année
dans le courant de décembre par une commission composée

— 640 —
du juge-président, du juge de paix cl de .deux conseillers
généraux. Le décret du 1G novembre 1896 détermine les
conditions de capacité nécessaires pour être porté sur la liste
d'assesseurs.
749. Afrique occidentale française. Tenant compte de l'union
de plus en plus étroite qui s'établissait dans l'ordre politique et
administratif entre les colonies dépendant du gouvernement
général de l'Afrique occidentale française, un décret du 10 no-
vembre 1903 a groupé de même en un seul ressort, au point
de vue judiciaire, ces différentes possessions. Cette unification
a fait disparaître les réglementations particulières auxquelles
l'exercice de la justice avait été soumis antérieurement dans
nos colonies de l'Afrique occidentale (nos 156 et suiv.).
Le décret du 10 novembre 1903, complété par des décrets
des 22 mai et 14 juin 1905, a institué une cour d'appel de
l'Afrique occidentale française, dont la juridiction s'étend
aujourd'hui sur tous les territoires des colonies du Sénégal,
du Haut-Sénégal et Niger, de la Mauritanie, de la Guinée fran-
çaise, de la Cote d'Ivoire et du Dahomey. Elle a son siège à
Dakar. Elle est composée d'un président et de six conseillers;
elle comprend,en outre, un greffier et des commis-greffiers, le
greffier de la cour étant en même temps le greffier du tribu-
nal de première instance du siège. Les fonctions du ministère
public sont remplies près la cour d'appel par un procureur gé-
néral, chef du service judiciaire de l'Afrique occidentale fran-
çaise, assisté d'un avocat général et d'un substitut. Les arrêts
sont rendus par trois conseillers ; en audience solennelle et
dans les affaires d'annulation, les arrêts sont rendus par cinq
conseillers au moins.
750. La cour connaît, tant en matières civile et commerciale
qu'en matière correctionnelle et de simple police, de l'appel des
jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de pre-
mière instance et les justices de paix à compétence étendue.
Elle peut, en outre, prononcer l'annulation pour excès de pou-
voir, incompétence ou violation de la loi, des décisions ren-
dues en premier et dernier ressort et en toute matière par les
tribunaux de première instance et les justices de paix à com-
pétence étendue. Le décret du 10 novembre 1903 prévoit enfin

— 641 -
l'existence d'une chambre des mises en accusation composée,
en principe, de trois membres de la cour.
751. En dehors et au-dessous de la cour d'appel de Dakar,
la justice est rendue dans l'Afrique occidentale française, par des
tribunaux de première instance, des justices de paix à compé-
tence étendue, des cours d'assises et des tribunaux indigènes.
Ces juridictions sont réparties entre le Sénégal, le Haut-Séné-
gal et Niger, la Guinée française, la Côte d'Ivoire et le Daho-
mey, mais elles sont, notamment, par rapport à la cour d'appel
de l'Afrique occidentale française, soumises à des règles com-
munes, qu'il importe de mentionner tout d'abord.
Les tribunaux de première instance se composent d'un juge-
président, d'un lieutenant de juge, d'un procureur de la Répu.
blique, d'un greffier et de commis-greffiers. L'étendue de leur
ressort est déterminée par arrêté du gouverneur général. Il en
est de même pour le ressort de la justice de paix à compétence
étendue de Kayes, dont le personnel comprend un juge de paix,
un suppléant et un greffier, le ministère public étant repré-
senté par un fonctionnaire ou un officier. Le décret du
10 novembre 1903 attribue expressément au juge de paix de
Kayes les fonctions de juge d'instruction (1). Les tribunaux de
première instance, ainsi que la justice de paix à compétence
étendue de Kayes, connaissent de toutes les actions civiles et com
merciales en premier et dernier ressort jusqu'à la valeur de
1,300 francs en principal ou de 100 francs de revenu, et en
premier ressort seulement, et à la charge d'appel devant la cour,
de toutes les actions s'élevant au-dessus de ces sommes. Ils COD.
naissent, en outre, de tous les délits et de toutes les contraven-
tions. Les jugements de simple police ne peuvent être attaqués
par la voie de l'appel que s'ils prononcent cinq jours d'empri-
sonnement ou si les amendes, restitutions ou réparations civiles,
excèdent la somme de 100 francs. Auprès des tribunaux de
(1) Il ne serait nullement loisible à la chambre des mises en accusa-
tion de désigner, pour procéder à un supplément d'instruction dans
l'étendue du ressort de Kayes, un juge étranger à ce ressort. Dans l'or-

ganisation antérieure au décret du 10 novembre 1903, la cour de cassa-
tion s'était déjà, par règlement de juges, prononcée contre toute dési-
gnation de ce genre. Cass. crim. 13 décembre 1901. (Affaire Bobo-Thiam).
D. P. 1901.1.

COLONIES, I.
41

— 642 —
première instance, le lieutenant de juge remplit les fonctions
de juge d'instruction; il remplace, en cas d'absence, le juge-
président.
752. Les cours d'assises siègent à Dakar, Konakry, Binger-
ville et Kotonou, mais peuvent être transférées temporairement
en d'autres lieux. La cour d'assises du Sénégal se compose de
trois membres de la cour d'appel dont l'un remplit les fonc-
tions de président, de quatre assesseurs, du procureur général
ou d'un des membres de son parquet et du greffier de la cour
d'appel. Les cours d'assises de la Guinée française, de la Côte-
d'Ivoire et du Dahomey se composent d'un conseiller à la cour
d'appel, du juge-président de tribunal de première instance ou, à
défaut,d'un des juges,d'un fonctionnaire de la colonie désigné
par le gouverneur général, de deux assesseurs et du greffier du
tribunal. Lorsque ces cours d'assises siègent hors du chef-lieu
de chacune des colonies, le juge-président et le greffier du
tribunal sont remplacés par le juge de paix du lieu et son gref-
fier. Les fonctions du ministère public sont remplies par le
procureur de la République du siège ou par un des membres
du parquet général. Les assesseurs sont pris sur une liste de
notables dressée dans chaque colonie par les soins du chef de
la colonie au commencement de novembre, et qui ne doit pas
contenir moins de vingt ni plus de soixante membres.
753. Au point de vue de la compétence rationepersonœ, les
tribunaux de première instance et le juge de paix de Kayes
connaissent de toutes les affaires dans lesquelles sont intéres-
sées des personnes demeurant dans le ressort. Toutefois, dans
les affaires concernant les individus qui ont conservé le statut
indigène et relatives à l'état civil, au mariage, aux successions,
aux donations et aux testaments, les tribunaux ou la cour s'ad-
joignent un assesseur avec voix consultative. Pour les indigènes
musulmans, en ces mêmes matières, les causes sont instruites
et jugées par un tribunal spécial suivant la loi musulmane.
Conformément au décret du 22 mai 1905, il a été ainsi créé
dans chacune des villes de Saint-Louis, Dakar et Kayes un tri-
bunal musulman composé d'un cadi, d'un assesseur et d'un
greffier. On est revenu de la sorte, pour les musulmans, à la
spécialité de la juridiction, dont le principe, adopté pour
Saint-Louis par le décret du 20 mai 1857, n'avait pas été main-

— 643 —
tenu par le décret du 10 novembre 1903 . L'appel des jugements
rendus par les tribunaux musulmans est porté devant la cour
de Dakar, qui statue alors selon la loi musulmane. Au surplus,
en toute matière, les indigènes,à quelque fraction de la popu-
lation qu'ils appartiennent, peuvent réclamer le bénéfice de la
juridiction française.
754. En matières correctionnelle et de simple police, les
tribunaux de première instance et le juge de paix de Kayes
connaissent de tous les délits et contraventions commis dans
l'étendue de leur ressort, quels qu'en soient les auteurs. Les
cours d'assises connaissent de mémo de toutes les infractions
qui seraient soumises en France aux juridictions correspon-
dantes, mais seulement dans le ressort des tribunaux de
première instance et de la justice de paix à compétence
étendue de Kayes. Hors de l'étendue de ce ressort, et dans les
limites de chaque colonie, elles connaissent des mêmes infrac-
tions, mais seulement lorsque les accusés sont des Français,
des Européens ou assimilés. Enfin les tribunaux français sont
seuls compétents, lorsque l'infraction a été commise par des
indigènes de complicité avec des Français, Européens ou
assimilés, et que la victime de l'infraction est l'une ou l'autre
de ces personnes.
755. Le décret du 10 novembre 1903 a, d'autre part, réglé
le fonctionnement de la justice indigène dans les territoires de
l'Afrique occidentale française non compris dans le ressort des
tribunaux de première instance et de la justice de paix à
compétence étendue de Kayes. La justice indigène est admi-
nistrée dans ces territoires par des tribunaux de village, des
tribunaux de province et des tribunaux de cercles ; ces derniers
présidés par l'administrateur. En outre, il est institué au
siège de la cour d'appel une chambre spéciale appelée à
statuer sur l'homologation des jugements des tribunaux de
cercle prononçant des peines supérieures à cinq ans d'empri-
sonnement. Cette chambre est composée de trois conseillers
dont le plus ancien remplit les fonctions de président, de deux
fonctionnaires et de.deux assesseurs indigènes.
Il y a lieu d'ajouter enfin qu'un second décret, en date du
10 novembre 1903, a fixé le traitement, la parité d'office et le

— 644 —
costume du personnel judiciaire dans les colonies dépendant
du gouvernement général de l'Afrique occidentale française.
756. Congo français. Le service de la justice au Congo
français est actuellement organisé par un décret du 17 mars
1903.
Ce décret s'applique au fonctionnement de la justice fran-
çaise et de la justice indigène. La justice française est
administrée par un tribunal supérieur, une cour criminelle,
des tribunaux de première instance, des justices de paix à
compétence étendue, des tribunaux spéciaux et des tribunaux
indigènes.
Le tribunal supérieur a, d'après le décret,
son siège
à Libreville ; (1) il se compose d'un président, d'un juge et
d'un juge-auditeur. Les tribunaux de première instance
sont établis à Libreville et à Brazzaville. Ils se compo-
sent d'un juge-président, d'un procureur de la République et
d'un greffier-notaire. Il y a, en outre, un juge suppléant au
tribunal de Brazzaville et un attaché au parquet de Libreville.
Le procureur de la République et le greffier-notaire de
Libreville sont chargés l'un des fonctions du ministère public,
l'autre du greffe près le tribunal supérieur. Le procureur do
ta République de Libreville est, de plus, chef du service
judiciaire. La cour criminelle siège à Libreville, mais peut,
quand les circonstances l'exigent, être transférée à Brazzaville.
Elle se compose, à Libreville, des membres du tribunal
supérieur, du greffier ou d'un commis-greffier assermenté et
de deux assesseurs. A Brazzaville, elle se compose du président
du tribunal supérieur ou d'un magistrat qu'il désignera comme
président, de deux fonctionnaires, de deux assesseurs, du
greffier du tribunal ou d'un commis-greffier assermenté. Enfin,
les administrateurs des régions peuvent être chargés des
fonctionsde juge de paix à compétence étendue (2).
Au point de vue de la compétence, la juridiction du
ribunal supérieur s'étend sur tous
les
territoires
dé-
pendant du Congo français. Le tribunal supérieur connaît de
(1) Il siège actuellement à Brazzaville devenu le chef-lieu du Congo français.
(2) Un décret du il février 1906 a prévu la création de trois justices
de paix à compétence étendue, confiées à des magistrats de carrière, à
Njolé, Ouesso et Fort-de-Posssel.


— 645 —
l'appel des jugements rendus, tant en matière civile qu'en
matières commerciale ou correctionnelle, par les tribunaux de
première instance et par les justices de paix. Les décisions
rendues en premier et dernier ressort par ces mêmes tribunaux
peuvent, en outre, être attaquées par la voie de l'annulation
devant le tribunal supérieur pour excès de pouvoir, incompé-
tence ou violation de la loi. Les arrêts de tribunal supérieur
sont rendus par trois juges.
Les tribunaux de première instance ont leur ressort déter-
miné par arrêté du commissaire général. En matières civile et
commerciale, ils connaissent, en premier et en dernier
ressort, de toutes les affaires dont la connaissance est
attribuée par la législation métropolitaine aux justices de
paix ; ils connaissent également de toutes les affaires qui,
dans la métropole, sont de la compétence des tribunaux de
première instance et des tribunaux de commerce et dans les
mêmes conditions que les tribunaux métropolitains.
En.
matière répressive, ils connaissent, comme dans la métropole,
de tous les délits, et, en premier et dernier ressort, de toutes
les contraventions de simple police. Les arrêtés organisant les
justices de paix à compétence étendue déterminent, d'autre
part, leur ressort territorial et leur compétence civile et
commerciale.
La cour criminelle connaît de tous les crimes commis sur
le territoire du Congo et de toutes les affaires qui sont
déférées en France aux cours d'assises lorsque les accusés
sont des Européens ou assimilés, ou des indigènes de colonies
autres que le Congo, ou encore lorsque les victimes appartien-
nent à l'une ou à l'autre de ces catégories de personnes. Elle
connaît également des mêmes crimes, quels que soient les
accusés ou les victimes, quand ces crimes sont commis dans
le périmètre urbain et les faubourgs de Libreville et de
Brazzaville, ou dans le périmètre des résidences, cercles,
postes ou stations. Elle connaît, enfin, sans le secours des
assesseurs, des crimes commis par les indigènes sur un point
quelconque du territoire du Congo et ayant un caractère
politique.
Cette compétence relativement étendue de la cour cri-
minelle est exceptionnelle.
D'une manière générale,
les

— 646 —
tribunaux français ne connaissent que des affaires dans
lesquelles sont intéressés les Français, Européens assimilés et
des indigènes étrangers au Congo, à moins que les parties en
cause, quelles qu'elles soient, ne soient d'accord pour leur sou-
mettre leur différend. Toutefois, les tribunaux répressifs
français sont seuls compétents, en règle générale, pour
connaître des infractions commises par les indigènes de
complicité avec les Européens ou assimilés, ou avec de
indigènes non congolais.
En ce qui concerne la justice indigène, elle est compétente
lorsqu'il s'agit de crimes et de délits commis par des indi-
gènes hors du ressort territorial de la cour criminelle et des
tribunaux français. Ces crimes et ces délits continuent à être
jugés par les administrateurs selon les coutumes locales,
en attendant l'organisation de tribunaux indigènes.
Mais
toute décision des administrateurs, prononçant une peine supé-
rieure à une année d'emprisonnement, doit être homologuée
par un tribunal spécial institué à Libreville et à Brazzaville et
composé du président du tribunal de première instance et de
deux fonctionnaires, le président de la République représentant
le ministère public. Enfin les administrateurs continuent à
juger les affaires civiles entre indigènes ainsi que les
contraventions commises entre indigènes. Au surplus, d'après
l'article 15 du décret, et en attendant une organisation défini-
tive des juridictions indigènes, le commissaire général du
gouvernement peut provisoirement pourvoir par arrêté à
leur bon fonctionnement.
■ 757.
Côte française des Somalis.
Le service de
la
justice est actuellement organisé par deux décrets en date du
4 février 1904. Il est assuré par des tribunaux français et des
tribunaux indigènes.
Les tribunaux français connaissent de toutes les affaires
civiles ou commerciales dans lesquelles un Français au moins,
ou bien un Européen ou assimilé, se trouvera partie, ainsi
que des contraventions, des délits et des crimes commis par
des Français, Européens et assimilés. Ils comprennent une
justice de paix a compétence étendue, un conseil d'appel, qui
se compose d'un juge-président et de deux assesseurs, dési-
nés par le gouverneur au début de l'année, et une cour

— 647 —
criminelle, que préside le juge d'appel assisté de deux
assesseurs. Les jugements rendus en premier et dernier ressort
par la justice de paix à compétence étendue peuvent être
attaqués devant le conseil d'appel par la voie de l'annulation.
Les arrets de la cour criminelle ne sont pas susceptibles
d'appel mais peuvent être déférés à la cour de cassation. Ces
diverses juridictions ont leur siège à Djibouti, mais leur
ressort embrasse toute l'étendue de la colonie. Un fonction-
naire est chargé par le gouverneur de représenter le ministère
public devant ces trois juridictions.
Les tribunaux indigènes sont de deux degrés et siègent
également à Djibouti. Ils jugent en toute matière selon la
coutume locale, le tribunal du second degré connaissant en
premier et dernier ressort des crimes commis par les
indigènes. Les peines et châtiments corporels sont supprimés.
Le gouverneur enfin peut prendre à l'égard des condamnés
indigènes des arrêtés de mise en liberté provisoire.
758. Réunion. L'organisation judiciaire de la Réunion,
qu'avaient successivement réglée l'ordonnance du 30 sep-
tembre 1827, les décrets des 16 août 1854 et 2*2 avril 1886 et
la loi du 27 juillet 1880 sur le jury, est aujourd'hui fixée,
comme celle de la Martinique et de la Guadeloupe, par la loi
du 15 avril 1890, complétée par la loi de finances du
31 mars 1903 (art. 79). Elle se rapproche très sensiblement,
à tous les degrés, de l'organisation métropolitaine.
Un procureur général, chef du service judiciaire, se trouve
placé, comme aux Antilles, à la tète de cette organisation. La
cour d'appel dont le siège est à Saint-Denis, ainsi que les tri-
bunaux de première instance de Saint-Denis et de Saint-
Pierre (1) y sont composés de la même manière que les cours
d'appel et les tribunaux de la Martinique et de la Guadeloupe.
Aux procureurs de la République de Saint-Dénis et de Saint-
Pierre est adjoint un substitut. Neuf justices de paix, celles
de Saint-Denis, Sainte-Suzanne, Saint-André, Saint-Benoît,
Saint-Paul, Saint-Pierre, Saint-Joseph, Saint-Louis, Saint-
Leu complètent cette organisation.
(1) L'un et l'autre comportent un emploi de juge suppléant depuis un
décret du 17 septembre 1903.

— 648 —
Le fonctionnement et la compétence de ces différentes juri-
dictions, en matière pénale, comme pour les affaires civiles et
commerciales, est de tous points semblable à ceux des juri-
dictions correspondantes de la Martinique et de la Guadeloupe.
Les crimes sont déférés à l'une ou l'autre des deux cours
d'assises siégeant à Saint-Denis et à Saint-Pierre et se réunis-
sant chacune trimestriellement. Cette existence, à la Réunion,
de deux cours d'assises permet de constituer, dans la colonie
même, quand un arrêt se trouve annulé par la cour de cassa-
tion, une juridiction de renvoi. A la Martinique, au contraire,
l'existence d'une seule cour d'assises, même dans ce cas, ne
présentait aucun inconvénient, le voisinage de la Guadeloupe
permettant de renvoyer l'affaire devant l'une des cours d'assi-
ses de cette colonie.
759. Mayotte et Comores.
L'organisation judiciaire est
actuellement réglée par deux décrets en date du ο novem-
bre 1904.
Le premier de ces deux décrets a placé la Grande-Comore,
Anjonan et Mohéli dans la juridiction du tribunal de pre-
mière instance de Mayotte, qui se compose d'un juge-président
d'un juge suppléant et d'un greffier. Le tribunal connaît : 1°
en premier et dernier ressort des affaires civiles et commer-
ciales dans lesquelles sont partis des Européens ou assimilés;
2° de l'appel des décisions rendues en matière indigne par
les tribunaux indigènes ; 3° des affaires entre indigènes, quand
les deux parties sont d'accord pour soumettre leur différend
à la juridiction française. Le tribunal de première instance de
Mayotte connaît en outre des contraventions et des délits
commis par les Européens ou assimilés et les indigènes.
Chaque fois que les circonstances l'exigent, le gouverneur de
Mayotte envoie le juge-président du tribunal à la Grande
Comore, Anjouan et à Mohéli pour y tenir des audiences
foraines. Le tribunal de première instance de Mayotte enfin,
qui relevait antérieurement de la cour d'appel de la Réunion,
relève actuellement de la cour d'appel de Madagascar.
11 a été institué, d'autre part, à Mayotte une cour criminelle
à laquelle sont déférés les crimes commis dans toute l'étendue
de l'archipel des Comores par les Européens ou assimilés et
par les indigènes.

— 649 —
Les tribunaux indigènes n'ont été maintenus que pour lejuge-
ment des affaires civiles et commerciales intéressant exclu-
sivement les indigènes. Ainsi se sont affirmées sur les Como-
res l'existence normale et même la prééminence de la justice
française dont la cour de cassation avait déjà reconnu l'exer-
cice comme régulier en ce qui concerne Anjouan (1)
(1) C. de cass. 27 octobre 1893 (Aff. Magny et autre). — ... Vu ledit
article 5 du Code d'instruction criminelle, vu aussi les traités des
21 avril 1886, 15 octobre 1887 et 8 janvier 1892, qui ont établi et orga-
nisé le protectorat de la France sur l'île d'Anjouan ;
Attendu que les traités de 1886 et 1887 ont été ratifiés par le gouver-
nement français et que, si celui de 1892 ne l'a pas encore été, cette
ratification n'est nécessaire que pour Je rendre définitif, non pour lui
donner force obligatoire, et que d'ailleurs il a été jusqu'à présent régu-
lièrement exécuté des deux parts ; — Attendu que par ces traités le
sultan de l'île d'Anjouan s'est presque entièrement dessaisi de sa sou-
veraineté au profit de la France ; que cela résulte des articles 1 et 2 du
traité du 8 janvier 1892, qui suppriment les ministres à Anjouan et exi-
gent que tous les actes du sultan soient contresignés par le résident
de France, chargé d'en assurer l'exécution; que les conséquences de ce
dessaisissement sont réglées par les articles 5, 6, 7, 8 du même traité
en ce qui regarde la sûreté intérieure, les relations extérieures et l'ad-
ministration financière ; — Attendu que si ce traité, à l'exemple des
deux précédtens, ne contient aucune disposition qui attribue expressé-
ment tout ou partie de la justice criminelle aux tribunaux français,
cette attribution résulte implicitement de son article 3, ainsi conçu :
« Le résident de France aura sous ses ordres le personnel de la police.
Aucune force publique ne pourra se recruter, s'organiser, ni se mouvoir
que par les ordres du résident » ; — Attendu, en effet, qu'il eût été
contradictoire de donner à la France pour la répression des crimes les
mesures préparatoires de police et celles d'exécution et de laisser à la
juridiction locale l'appréciation des actes criminels, autres du moins
que ceux concernant exclusivement des indigènes et cela sans aucune
des garanties qui sont assurées aux accusés devant les juridictions
françaises ; — Attendu que cette interprétation de l'article 3, qui s'im-
pose par elle-même, est rendue plus évidente encore par les disposi-
tions des traites de 1886 et 1887, qui enlèvent à la juridiction locale la
connaissance des procès civils entre Français et indigènes, procès qui
cependant n'intéressent pas l'ordre public au même degré que les procès
criminels ; — Attendu enfin que le silence des traités sur la justice cri-
minelle s'explique très logiquement par ce fait que l'exercice du protec-
torat de l'île d'Anjouan est confié au gouverneur de la colonie de
Mayotte, ainsi que le prouvent notamment les articles 11 du traité de
1886, 8 et 9 du traité de 1892; que dès lors, ce protectorat n'étant
qu'une dépendance de ladite colonie, comporte, relativement à la com-
pétence en matière criminelle, l'application des règles établies pour
Mayotte et ses dépendances par les articles 7, 10, 16 de l'ordonnance du
26 août 1847 et 10 du décret du 30 janvier 1852, et que, d'après ces
textes, les affaires criminelles autres que celles concernant exclusive-
ment les indigènes ressortissent exclusivement à la chambre des mises
en accusation de la cour d'appel de la Réunion, qui ne peut renvoyer

— 650 —
760. Madagascar et dépendances. L'organisation do la jus-
tice a Madagascar et dépendances a été fixée, aussitôt après
la dernière expédition, par un décret du 28 décembre 1895
qu'a profondément remanié un décret du 9 juin 189G. Ce der-
nier décret lui-même a été profondément modifié par des
décrets des 16 mai 1897, 30 octobre 1898, 24 novmbre 1898,
10 décembre 1900, 24 février 1902, 24 mars et 24 juillet 1903,
38 janvier, 2 mars, 24 mars et 20 décembre 1904. L'organi-
sation présente, comporte des tribunaux français et des tri-
bunaux indigènes.
Les juridictions françaises sont une cour d'appel qui a son
siège à Tananarive, des tribunaux de première instance
établis à Tananarive, à Tamatave, Diego-Suarez et Majunga,
des justices de paix à compétence étendue instituées â Fiana-
rantsoa, Mananjary, Tuléar et Nossi-Bé. En outre, les adminis-
trateurs peuvent être chargés, par arrêté local soumis à l'ap-
probation du ministre, des fonctions de juge de paix dans les
localités où il n'existe pas de tribunal de première instance.
Un procureur général, assisté d'un avocat général, représen-
tant le ministère public près la cour d'appel, est chef du
servie judiciaire.
La cour d'appel se compose d'un président, de trois conseil-
lers et d'un greffier. Elle connaît : 1° de tous les appels des
jugements rendus en premier ressort par les tribunaux de
première instance et les justices de paix à compétence éten-
due; 2° des appels des jugements rendus par les administra-
teurs ; 3° des demandes en annulation des jugements de sim-
ple police pour incompétence, excès de pouvoir, ou violation
de la loi.
Les tribunaux de première instance et les justices de paix à
compétence étendue, en matière civile et commerciale, con-
les accusés que devant l'une des cours d'assises du ressort; — Et
attendu que de tout ce qui précède il suit que la cour d'assises de
Saint-Denis, en déclarant la poursuite non recevable à l'égard de Magny
et Mougel et en se disant incompétente à l'égard de Vial et de Mohamed
Allawey a non seulement l'ait une fausse application de l'article ο du
Code d'instruction criminelle, mais encore viole les traités précités ainsi
que l'ordonnance du 26 août 1847 et le décret du 30 janvier 1852;
Pour ces motifs, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres
moyens du pourvoi, — Casse et annule, etc.

— 651 —
naissent en dernier ressort des actions personnelles ou mobi-
lières jusqu'à la valeur de 3,000 francs en principal et des
actions immobilières jusqu'à 150 francs de revenu; au delà de
cette limite, en premier ressort seulement. Les administrateurs,
en outre des affaires qui sont de la compétence
des
juges de paix, connaissent de toutes les actions personnelles
ou mobilières dont la valeur n'excède pas 1,500 francs
et des demandes immobilières jusqu'à 100 francs de revenu.
Ils peuvent tenir des audiences foraines.
Les administrateurs, les juges de paix à compétence étendue
et les tribunaux de première instance sont également compé-
tents en matière de simple police et de police correctionnelle.
Lorsqu'ils statuent en matière de simple police, les juges de
paix et les tribunaux de première instance se prononcent en
dernier ressort. Les crimes sont déférés à des cours criminel-
les. (1) La cour criminelle de Tananarive se compose du prési-
dent de la cour d'appel, président, de deux conseillers, de
deux assesseurs; les autres cours criminelles se composent du
juge président ou du juge de paix, président, de deux fonction-
naires désignés par arrêté local et de deux assesseurs. Les fonc-
tions du ministère public sont remplies, à Tananarive, par
le procureur général ou son substitut, à Tamatave, à Diego-
Suarez et à Majunga par le procureur de la République et
dans les autres sièges de cours criminelles, par un fonction-
naire désigné par le gouverneur général. Les assesseurs
adjoints aux cours criminelles sont désignés par le sort sur
une liste de notables français, domiciliés dans le ressort,
dressée chaque année par le gouverneur général. En outre,
le gouverneur général peut instituer, s'il en est besoin, des
cours criminelles spéciales composées, sous la présidence du
résident, de deux fonctionnaires désignés par le résident
général. Mais ces cours spéciales sont compétentes seulement
pour les crimes commis par des indigènes ou assimilés au
préjudice d'Européens ou assimilés. Au contraire, les cours
criminelles connaissent également des crimes commis par des
Européens ou assimilés dans tout le territoire de Madagascar
et dépendance.
(1) Instituées à Tananarive, Tamatave, Majunga, Fianerantsoa, Manan-
jary, Tuléar, Nossi-Bé et Diégo-Suarez.

— 652 —
761. Un décret du 24 novembre 1898 a organisé l'adminis-
tration de la justice indigène. Il l'a répartie entre trois degrés
de juridiction :
1° Les tribunaux de premier degré, dont la compétence
est à peu près la même que celle des justices de paix à
compétence étendue ; ils sont institués au chef-lieu
de
chaque subdivision de province ou de cercle, de district
ou de secteur, et sont présidés par le fonctionnaire ou
l'officier commandant cette subdivision ;
2° Les tribunaux de deuxième degré, dont les attributions
sont plus étendues, surtout en matière répressive, que celles
des tribunaux de première instance, car ils connaissent en
premier ressort des crimes commis par des indigènes
au préjudice d'autres indigènes; ils
sont institués au
chef-lieu de chaque province ou de chaque cercle, et sont
présidés par l'administrateur ou le commandant du cercle ;
3° La cour d'appel de Tananarive, qui
connaît des
appels ou des demandes en annulation formés contre les
jugements des divers tribunaux.
Outre leurs présidents, les tribunaux de premier et deuxième
degré comprennent deux
assesseurs indigènes, choisis de
préférence parmi les indigènes parlant le français. La cour
d'appel de Tananarive, statuant en matière indigène, est
obligée de même de s'adjoindre deux assesseurs. Le rôle de
ces assesseurs, qui aident les présidents des tribunaux ou la
cour d'appel à s'inspirer des usages locaux, est purement
consultatif.
Les présidents des tribunaux indigènes peuvent tenir des
audiences foraines de ces tribunaux dans une localité quel-
conque de leur circonscription : ils sont assistés de deux
assesseurs indigènes choisis soit dans cette localité, soit au
chef-lieu. Auprès de ces tribunaux indigènes enfin, qu'ils
soient du premier ou du second degré, qu'ils tiennent leurs
audiences au chef-lieu ou hors du chef-lieu, les fonctions de
greffier sont remplies autant que possible par un indigène
parlant le français.
762. Inde. L'organisation judiciaire, dans les établissements
français de l'Inde, est réglée par l'ordonnance du 7 février 1842,
les décrets des 1er février 1862, 31 mai 1873, 1er mars 1879,

— 653 —
15 octobre 1879, 18 février 1880, 11 janvier 1881, 28 juillet
1887 et 27 avril 1895. Une cour d'appel siège à Pondichéry;
elle est composée d'un président, de trois conseillers, d'un
conseiller auditeur et d'un greffier. Un procureur général,
chef du service judiciaire, représente auprès de la cour le
ministère public; il est, depuis le décret du 28 juillet 1887
qui a supprimé en même temps un second emploi de conseil-
ler auditeur, assisté d'un substitut.
Depuis que le décret du 27 avril 1895 a rétabli le tribunal
de Chandernagor, alors remplacé depuis le décret du 28 juillet
1887 par une justice de paix à compétence étendue, il existe
dans l'Inde française trois tribunaux de première instance :
ceux de Pondichéry, Karikal et Chandernagor. Le tribunal de
Pondichéry se compose d'un juge-président, d'un lieutenant
de juge, d'un juge suppléant, d'un procureur de la Républi-
que, d'un substitut, d'un greffier et d'un commis-greffier; le
tribunal de Karikal est constitué par un juge-président, un
lieutenant de juge, un procureur de la République, un greffier
et un commis greffier ; le tribunal de Chandernagor ne com-
prend qu'un juge-président, un greffier et un officier du
ministère public.
Cinq justices de paix, dont deux, depuis le décret du
1er mars 1879, à Mahé et à Yanaon, sont à compétence
étendue, et les trois autres, celles de Pondichéry, Chander-
nagor et Karikal, sont à compétence normale, ont été instituées
dans nos possessions. Les juges de paix à compétence éten-
due connaissent en premier et dernier ressort de toutes les
affaires attribuées aux tribunaux de paix et de police par
la législation de l'Inde ainsi que de toutes les affaires civiles et
commerciales dont la connaissance en dernier ressort est at-
tribuée aux tribunaux de première instance de l'Inde. Ils
connaissent, en premier ressort seulement, de toutes les
autres affaires civiles ou commerciales.
La cour d'appel, en dehors des attributions normales qui
lui appartiennent comme aux cours d'appel de la métropole,
statue sur les demandes en annulation des jugements en
dernier ressort rendus par les tribunaux de paix.
763. Une cour criminelle siège trimestriellement dans
chacun de nos établissements pour juger les individus ren-

— 654 —
voyés devant elle par la chambre des mises en accusation
siégeant à Pondichéry. Cette dernière chambre se compose,
depuis le décret du 12 juin 1883, d'un conseiller, président-,
d'un juge-président et du juge de paix de Pondichéry. Quant
à la cour criminelle, elle est composée, à Pondichéry, de
trois membres de la cour d'appel, et de quatre assesseurs;,
dans les établissements secondaires, d'un conseiller, président,
du juge de première instance ou du juge de paix, d'un fonc-
tionnaire désigné annuellement par le gouverneur et de
quatre assesseurs. Le ministère public est représenté par le
procureur général ou son substitut, par le procureur de la
République, ou par l'agent qui en remplit les fonctions à
Chandernagor, à Mahé et à Vanaon.
La date d'ouverture des cours criminelles est fixée par le
président de la cour d'appel. Pour éviter des frais de dépla-
cement inutiles, dans le cas où la chambre des mises en accu-
sation n'a renvoyé aucune affaire devant les cours criminelles
de Chandernagor, Karikal, Mahé et Vanaon, par une particula-
rité spéciale à nos possessions de l'Inde, le conseiller-président
constate le fait dans un procès-verbal qu'il adresse au juge de
l'établissement. Celui-ci, remplaçant le président, en fait
donner lecture par le greffier en séance publique, le jour
de l'ouverture do la session dont il prononce la clôture immé-
diatement. C'est le décret du 12 juin 1883 qui a, par une
modification à l'art. 260 du Code d'instruction criminelle,
consacré ces règles spéciales.
Avant le décret du 12 juin 1883, la liste des assesseurs
était dressée par le gouverneur, en conseil privé, sur la pro-
position du procureur général. Avec le pouvoir presque
discrétionnaire qu'il laissait dès lors au procureur général
pour la préparation des listes, ce régime avait pu être très-
justement critiqué. Les inconvénients auxquels il donnait lieu
ont disparu depuis que le décret du 12 juin 1883, s'inspirant
des dispositions de la loi du 21 novembre 1872 sur le jury, a
remis le soin de composer des listes à des commissions spé-
ciales que président, dans chacun des établissements, les
magistrats ou un administrateur colonial. Les listes d'assesseurs,
établies par ces commissions, comprennent des Européens et
des natifs, au nombre de 40 à Pondichéry (moitié Hindous et

— 655 —
moitié Européens), de 12 à Karikal et à Chandernagor, et de
8 à Mahé et à Yanaon; une liste d'assesseurs supplémentaires
comprenant le quart du nombre des titulaires est également
dressée. Enfin, les Européens résidant clans les établissements
secondaires étant très peu nombreux et y jouissant d'ordi-
naire d'une certaine notoriété, soit comme fonctionnaires, soit
à raison de leur situation spéciale, il eut été dangereux de les
traduire devant la cour criminelle locale où les natifs seront
le plus souvent en majorité comme assesseurs. Aussi le décret
du 2 juin 1883 décide-t-il que les Européens seront toujours,
en pareil cas, renvoyés devant la cour criminelle de Pondichéry.
764. Indo-Chine. Un décret du 13 janvier 1894, complété
par celui du 15 septembre 189ti, avait créé à Hanoï une cour
d'appel ayant juridiction sur l'Annam et le Tonkin, tandis que
la cour de Saigon, conformément à un décret du 17 mai 1895,
avait juridiction sur la Cochinchine et le Cambodge. L'expé-
rience ne tarda pas à démontrer que cette dualité n'était pas
sans inconvénients; l'unité de direction faisait défaut à l'admi.
nistration de la justice en Indo-Chine, tandis que cette organi-
sation exposait les justiciables à de regrettables anomalies,
leur donna nt à Saigon, par exemple, les garanties d'une chambre
des mises en accusation, et les leur refusant à Hanoï.
Cette situation s'est trouvée modifiée par un décret du
8 août 1898 (t) qui a supprimé la cour d'appel d'Hanoï et a ins-
titué une cour d'appel dont la juridiction s'étend sur le terri-
toire entier des colonies et pays de protectorat de l'Indo-Chine.
Celte cour d'appel de l'Indo-Chine comprend trois chambres,
la première et la deuxième siégeant à Saigon et se composant
d'un vice-président et de dix conseillers, la troisième siégeant
à Hanoï et se composant d'un vice-président et de quatre con-
seillers. La cour comprend, en outre, un greffier et des com-
mis-greffiers (2), Les postes de président de la cour d'appel
d'Hanoï, de procureur général et de substitut du procureur
(1) Complété par un décret du 1er novembre 1901. Ce dernier décret
en raison des connaissances spéciales qu'exige l'administration delajus-
tice indigène, a réservé certains empiois aux magistrats servant en
Indo-Chine depuis un certain temps déjà et justifiant de la connaissance
de la langue annamite.

(2) Le personnel des greffiers et commis-greffiers de la cour d'appel

— 656 —
général près celte cour, ont été supprimés. Les fonctions du
ministère public sont aujourd'hui remplies près la cour d'appel
de l'Indo-Chine par le procureur général, assisté de trois avo-
cats généraux, de trois substituts et de deux attachés. L'un
des avocats généraux remplit, soùs la direction du procureur
général, chef du service judiciaire, et résidant à Saigon, les
fonctions du ministère public près la cour d'Hanoï.
La première et la deuxième chambres siégeant à Saigon
continuent à connaître des affaires qui leur sont attribuées
par le décret du 17 mai 1895 ; les deux chambres réunies con-
naissent des pourvois en annulation. La troisième chambre,
siégeant à Hanoï, connaît des appels des jugements rendus
par les tribunaux d'Hanoï et d'Haïphong et par les résidents
et vice-résidents chefs de province, des appels des jugements
rendus par les tribunaux résidentiels établis en Annam; enfin
des crimes commis en Annam et au Tonkin, par les justiciables
des tribunaux français.
La chambre des mises en accusation de la cour d'appel de
l'Indo-Chine, siégeant à Saïgon, en outre de ses attributions
antérieures, connaît des instructions relatives aux crimes com-
mis en Annam et au Tonkin par des Européens ou assimilés.
La cour criminelle de Haïphong est supprimée. La cour cri-
minelle d'Hanoï, qui connaît do toutes les affaires autrefois
portées devant les cours criminelles d'Haïphong et d'Hanoï,
se compose des magistrats de la troisième chambre et de quatre
assesseurs désignés par la voie du sort sur une liste de cin-
quante notables.
764 bis, Cochinchine et Cambodge. Le service de la justice
en Cochinchine et au Cambodge, souvent réorganisé, est réglé
dans son ensemble par le décret du 17 mai 1895, complété
par les décrets des 16 octobre et 25 décembre 1896. Il a subi
en outre des modifications particulières, qu'ont consacrées
des décrets en date des 12 juillet 1897, 17 août 1897, 9 dé-
cembre 1897, 6 mai 1898, 9 août 1898, 25 mars 1899,
18 avril 1901 et 10 novembre 1903.
et des tribunaux de première instance et de paix de l'Indo-Chine a été
organisé par un décret du 21 février 1905, qui détermine le traitement,
la parité d'office, les conditions de recrutement et les peines discipli-
naires qni leur sont applicables.

— 657 —
En première instance, le service de la justice est assuré en
Cochinchine par neuf tribunaux : ceux de Saigon, de Mytho,
de Vinh-Long, de Bentré, de Cantho, de Chaudoc, de Soctrang,
de Travinh et de Long-Xuyen, ce dernier remplaçant, depuis
le décret du 16 octobre 1896, le tribunal de Bien-Hoa. Le tri-
bunal de Saigon se compose d'un président, d'un vice-prési-
dent, de trois juges, de quatre juges suppléants, d'un procu-
reur de la République et d'un substitut, d'un greffier et de
commis-greffiers; il se divise en deux chambres. Les autres-
tribunaux comprennent un juge-président, un lieutenant de
juge, un juge suppléant, un procureur de la République, un
greffier et des commis-greffiers.
Au Cambodge, un tribunal do première instance existe à
Pnom-Penh ; il se compose, d'après un décret du 8 novembre
1889, d'un juge, d'un procureur de la République, d'un greffier
et de commis-greffiers. Il existe, en outre, en dehors de Pnom-
penh, des tribunaux de résidence composés du résident-juge;'
d'un commis de résidence, faisant fonctions de greffier, et
d'un fonctionnaire désigné par le gouverneur général, sur la-
proposition du procureur général, pour représenter le minis-
tère public. Ces divers tribunaux du Cambodge ne connais-
sent d'ailleurs que des causes intéressant des Français ou autres
Européens et des sujets Français.
Il y a en Cochinchine cinq tribunaux de paix à compétence
étendue, à Tay-Ninh, Bien-Hoa, Rach-Gia, Baria et Bac-Lieu -
En matière civile, ces tribunaux connaissent : 1° en premier
et dernier ressort de toutes actions personnelles et mobilières
jusqu'à la valeur de 1,500 francs en principal et des actions'
immobilières jusqu'à 100 francs de revenu ; 2° à charge d'appel,
de toutes autres actions. En matière commerciale, leur com-
pétence est la même que celle du tribunal de commerce de
Saigon. Des attributions analogues sont conférèes, pour l'ar-
chipel de Poulo Condore, à l'administrateur de ces îles qui exerce'
ainsi les pouvoirs de juge de paix à compétence étendue.
Il n'y a de justice de paix à compétence ordinaire qu'à Saigon ;
ailleurs, c'est le tribunal de première instance qui a la con-
naissance des affaires relevant dans la métropole de la juridic-
tion des juges de paix. Le ressort de la justice de paix de
Saigon est fixé par un décret du 18 avril 1901 : il comprend les-
COLONIES, I.
42

— 658 —
territoires de Saigon, de Cholon et du cap Saint-Jacques, ainsi
fue les provinces de Cholon, de Giadinh et de Baria.
Le ministère public auprès des justices de paix à compé-
tence étendue de la Cochinchine, dont le siège était tenu jus-
qu'alors par un fonctionnaire de l'ordre administratif, a été
supprimé par un décret du 12 juillet 1897. Hors le cas où le
procureur général déléguerait spécialement auprès de ces juri-
dictions pour les fonctions du ministère public un magistrat
du ressort de la cour d'appel, les juges de paix à compétence
étendue procèdent à la recherche et à la poursuite des crimes
ou délits, avec les mêmes pouvoirs que les procureurs de la
République et les juges d'instruction. La voie de l'annulation
est ouverte au procureur général, dans le délai de dix jours,
contre les jugements rendus en dernier ressort par les tribu-
naux de paix à compétence étendue.
764 ter. Un tribunal de commerce mixte a été créé à Saigon
par un décret du 9 août 1898. Lorsque la première chambre
du tribunal de première instance de Saigon statue en matière
commerciale, le tribunal est composé du président du tribu-
nal de première instance, président, et de deux juges élus
pour deux ans par l'assemblée des électeurs français de la
chambre de commerce. Trois juges suppléants, élus dans
les mêmes formes et conditions que les juges consulaires,
remplacent ceux-ci en cas d'absence ou d'empêchement. Sont
éligibles aux fonctions de juges et de suppléants les électeurs
français à la chambre de commerce, âgés de vingt-cinq ans
accomplis et domiciliés, au moment de l'élection, dans le res-
sort du tribunal.
765. En matière criminelle, les contraventions sont jugées,
pour les arrondissements de Cholon et de Giadinh, dans les
mêmes conditions que dans la métropole, par le tribunal de
paix de Saigon; en dehors du ressort de ce tribunal, elles
sont de la compétence, en dernier ressort, de La justice de
paix à compétence étendue ou du tribunal de première ins-
tance. Les délits sont jugés, à charge d'appel devant la cour
d'appel de Saigon, par les tribunaux de première instance ou
les justices de paix à compétence étendue. Les crimes commis
sur le territoire de la Cochinchine sont déférés à des cours
criminelles siégeant à Saïgon, Mytho, Vinh-Long et Long-

— 659 —
Xuyen; les ressorts de ces cours criminelles comprennent
l'étendue entière de la colonie. La cour criminelle de Saigon
connaît en outre des crimes commis clans les îles de Poulo-
Condore, ainsi que des crimes commis au Cambodge par des
français ou autres Européens, ou par des Asiatiques sujets
français au préjudice soit d'Européens, soit d'Asiatiques sujets
français; c'est à elle enfin que sont déférés les crimes commis
sur le territoire de la colonie par des Européens et assimilés,
depuis le décret du 25 décembre 18%, portant réorganisation
de l'assessorat en Cochinchine.
Indépendamment d'un greffier ou d'un commis-greffier, la
cour criminelle cle Saigon se compose de trois conseillers,
celles cle Mytho, Long-Xuyen et Vinh-Long, d'un conseiller et
de deux juges. A ces magistrats sont adjoints, en outre, quatre
assesseurs européens ou deux assesseurs indigènes, selon qu'il
s'agit de juger des accusés européens ou indigènes. La liste des
assesseurs européens et celle des assesseurs indigènes sont
dressées chaque année, clans la seconde quinzaine de décembre,
par une commission spéciale composée du lieutenant-gouver-
neur, président, du président du tribunal de première instance
de Saigon, d'un membre du conseil colonial et d'un membre
du conseil municipal désignés par ces assemblées, membres.
La première cle ces deux listes, depuis le décret du 25 dé-
cembre 1896, comprend soixante notables français pouvant
être appelés à faire partie de la cour criminelle cle Saigon
lorsqu'elle doit juger des accusés français, européens ou assi-
milés. Les fonctions d'assesseur sont incompatibles avec celles
de membre du conseil privé, de magistrat, de ministre de
culte et de militaire en activité de service. Le ministère public
près les cours criminelles est représenté à Saigon par le pro-
cureur général, l'avocat général ou les substituts du procureur
général; dans l'intérieur, par le procureur général ou un de
ses substituts, et, à défaut, par un des procureurs de la Répu-
blique du ressort.
La cour criminelle siège tous les trois mois, aux époques
fixées par arrêté du gouverneur général, à Saigon, Myhto,
Long-Xuyen et Vinh-Long. Mais le gouverneur général, après
avis du procureur général, peut ordonner que la cour crimi-
nelle siégera dans un lieu autre que celui de son siège habi-

— 660 —
tuel ; il peut également ordonner la réunion extraordinaire
des cours criminelles.
765 bis. En dehors de ces différentes juridictions, pour les
indigènes soumis à la loi annamite, la justice demeure assurée
en Cochinchine dans des conditions spéciales lorsqu'il s'agit
d'infractions d'une gravité restreinte. Les inspecteurs, puis
les administrateurs des affaires indigènes, ont vu peu à peu
réduire les pouvoirs qu'ils avaient reçus dans l'ordre judiciaire»
au lendemain de la conquête. Les décrets du 7 novembre 1879,
du 3 avril 1880, du 25 mai 1881 ont complètement séparé du
pouvoir judiciaire l'exercice des fonctions administratives.
Néanmoins, le décret du 25 mai 1881 a laissé aux administra-
teurs des affaires indigènes cle Cochinchine le droit de statuer,
par voie disciplinaire, sur les infractions commises contre les
arrêtés du gouverneur par les Annamites non citoyens français
et ceux qui leur sont assimilés. Un décret du 31 mars 1892
]eur a maintenu ce pouvoir pour une période de dix années.
Les administrateurs, en vertu des attributions qui leur appar-
tiennent de ce chef, peuvent appliquer la peine de 1 à 8 jours
d'emprisonnement et celle de 1 à 10 piastres d'amende ou l'une
de ces deux peines seulement.
766. Le service de la justice au Cambodge a été com-
plètement réorganisé par un décret du 6 mai 1898. Le décret
pose en principe que, sur tout le territoire du protectorat,
lorsqu'un Européen sera partie en cause, la juridiction fran-
çaise établie par le décret du 8 novembre 1889 sera seule
compétente. Les crimes commis par les Cambodgiens au pré-
judice d'un étranger et par des étrangers autres que les fran-
çais et assimilés au préjudice de Cambodgiens et assimilés
sont jugés par la cour criminelle siégeant à Pnom-Penh. Cette
cour criminelle se compose d'un conseiller à la cour d'appel,
président ; juge-président du siège cle la cour criminelle;
d'un magistrat désigné par le président de la cour d'appel ;
de deux assesseurs choisis par la voie du sort sur une liste
de vingt notables cambodgiens. Les fonctions du ministère
public sont remplies par le procureur général ou un de ses
substituts, ou, à défaut, par le procureurde la République à
Pnom-Penh.
L'article 4 du décret dispose, en outre, que les résidents et

— 661 —
vice-résidents du Cambodge sont investis des attributions ju-
diciaires des juges de paix à compétence étendue de la Cochin-
chine.
766 bis. D'après l'article 7 du décret du 6 mai 1898, les
dispositions du décret du 31 mai 1892 sur la répression disci-
plinaire de certaines infractions sont déclarées applicables sur
tout le territoire du Cambodge à l'égard des Cambodgiens,
des Chinois, et. en général, de tous les Annamites et Asiatiques
non citoyens français ou assimilés. Le résident supérienr a
les pouvoirs reconnus au lieutenant-gouverneur de la Cochin-
chine par le décret du 31 mai 1892 ; les résidents ont les pou-
voirs conférés aux administrateurs des affaires indigènes.
767. Annam et Tonkin. — L'organisation de la justice en
Annam et au Tonkin, en dehors de la suppression de la cour
d'appel d'Hanoï et des règles nouvelles qui ont été la con-
séquence (n° 764), a été modifiée partiellement par des décrets
du 21 décembre 1898 et 25 mars 1899.
Les tribunaux de première instance d'Hanoï et d'Haïphong,
dont les ressorts partagent la plus grande partie du Tonkin
en deux circonscription judiciaires, comprennent chacun un pré-
sident, un lieutenant de juge, un juge suppléant, un pro-
cureur de la République. En matière civile, ces tribunaux,
dans les provinces d'Hanoï et d'Haïphong, statuent en premier
et dernier ressort sur toutes les actions personnelles et mo-
bilières jusqu'à la valeur de 1,500 francs en principal et sur
les actions immobilières jusqu'à 100 francs de revenu ; en ma-
tière commerciale, leur compétence est celle des tribunaux de
la métropole. Pour les autres provinces de la circonscription,
leur compétence ratione material est plus restreinte ; en ma-
tière civile et commerciale, ils statuent alors seulement, en
premier et dernier ressort, sur toutes les actions personnelles
et mobiliéres d'une valeur supérieure à 150 francs et ne dé-
passent pas 1,500 francs.
Le décret du 21 décembre 1898 institue à Hanoï et à Hai-
phong des tribunaux mixtes de commerce. Lorsque les tri-
bunaux de première instance d'Hanoï et d'Haïphong statuent en
matière commerciale, ils sont composés du juge-président et
de deux juges élus pour deux ans par l'assemblée des électeurs
français de la chambre de commerce de la circonrcription. Trois

— 662 —
juges suppléants, élus dans les mêmes formes et conditions
que les juges consulaires, les remplacent en cas d'absence ou
d'empêchement. L'éligibilité aux fonctions de juge consulaire
et de suppléant est soumise aux mêmes régies que pour le
tribunal de commerce mixte de Saigon (n° 764 ter).
Le décret du 25 mars 1899 a créé une justice de paix à
compétence étendue à Tourane. La juridiction nouvelle a été
déclarée seule compétente en toute matière dans les affaires
du ressort intéressant un Européen, un sujet français ou un
étranger quelconque. Il n'a rien été modifié aux juridictions
établies pour le jugement des affaires intéressant les Annamites
entre eux. Les dispositions du décret du L5 septembre 1896,
sur les tribunaux de première instance du Tonkin sont, en
principe applicables à la justice de paix de Tourane.
Un décret du 14 octobre 1904 a créé de même, une jus-
tice de paix à compétence étendue à Nom-Dinh. Le ressort
de cette juridiction embrasse les provinces de Nom-Dinh, Tai-
Binh, Hanam et Ninh-binh. Sa compétence est celle que le dé-
cret du 1er décembre 1902 reconnaît aux tribunaux français du
Tonkin et de l'Ànnam.
Ce décret, en effet, a réorganisé le fonctionnement de la jus-
tice au Tonkin, en Annam et au Laos, spécialement en ce qui
concerne la compétence des tribunaux français. Il pose, en
principe, tout d'abord que la juridiction française est seule
compétente en matière civile et commerciale, toutes les fois
qu'nn Européen, un sujet français ou un étranger est partie ou
en cause, ou lorsque les indigènes, parties au procès, sont
d'accord entre eux pour s'adresser à cette juridiction. Le res-
sort territorial des tribunaux de Hanoi, Haïphong et Tourane
a été nouveau délimité, de manière à n'embrasser que les
provinées les plus voisines. Dans les provinces exclues de ce
ressort, les administrations civiles ou militaires sont investies
des attributions dévolues aux juges de paix de la Cochin-
chine.
Dans l'étendue des territoires urbains, les tribunaux français
ont une compétence plus générale, car ils connaissent de toutes
les affaires civiles et commerciales, et de tous les délits et contra-
vention, quelle que soit la nationalité des parties en cause ou
des prévenus. Dans le reste de leur ressort, ils connaissent de

— 663 —
tous les délits et contraventions commis par les Européens, les
étrangers ou assimilés et les indigènes originaires de la Co-
chinchine ; ils sont également compétents lorsque les mêmes
infractions ont été commises par des sujets annamites au pré-
judice d'Européens ou assimilés et d'étranger ou de complici-
cité avec eux.
7G8. Il existe au Tonkin une cour criminelle qui, d'après le
décret du 1er décembre 1902, siège tous les trois mois à Hanoï.
Elle connaît alors do tous les crimes commis sur les territoires
urbains de Hanoï, de Haiphong, de Nam-Dinh et de Tourane,
quelle que soit la nationalité ou l'origine des accusés. Elle
connaît en outre de tous les crimes commis au Tonkin et et
Annam par les Européens, les étrangers ou assimilés et les
indigènes de Cochinchine ou par les sujets annamites de com-
plicité avec ceux-ci ou à leur préjudice.
768 bis. Un décret spécial du 1er novembre 1901 a organisé
la justice indigène au Tonkin. Il a maintenu les juridictions
indigènes telles qu'elles étaient constituées. Mais il a créé une
commission d'appel, siégeant au palais de justice à Hanoï et
composée de trois conseillers à la cour d'appel et de deux man-
darins ayant voix deliberative. La commission d'appel con-
naît de tous les jugements rendus par les tribunaux indigènes et
précédemment soumis à l'approbation du résident supérieur,
et, d'une manière générale, de toutes contestations entre An-
namites justiciables des tribunaux indigènes, mais seulement
lorsque ceux-ci se sont prononcés.
769. Laos. Le décret du 1er décembre 1902 s'applique au
fonctionnement du service de la justice au Laos. Certaines de
ses dispositions sont spéciales à ce territoire. Ainsi la cour
criminelle de Saigon et celle d'Hanoï connaissent, suivant
les limites déterminés par arrêté du gouverneur général, des
crimes commis à Laos par les Européens, les étrangers ou
assimilés, les indigènes de Cochinchine et les sujets annamites
agissant de complicité avec ceux-ci ou à leur préjudice. D'autre
part, en matière civile, commerciale et correctionnelle, lors-
qu'il s'agit de jugements des tribunaux de province existant
du Laos, et présidés par les commissaires du gouvernement,
les débats peuvent avoir lieu hors la présence des parties.
770. Nouvelle Calédonie. Organisé pour la première fois

— 664 —
par un décret du 28 novembre1866, successivement remanié
et complété notamment par les décrets des 27 mars 1879,
28 février 1882, 10 février 1883, 22 août 1887, 28 juin 1889,
31 janvier 1891, 15 novembre 1893 et 2 mai 1904, le service
judiciaire en Nouvelle-Calédonie est présentement assuré par
une cour d'appel, siégeant à Nouméa, par un tribunal de pre-
mière instance et un tribunal de commerce, également établis
à Nouméa, et par trois justices de paix, dont deux à compé-
tence étendue, celles de Canala et de Bourail, et une à compé-
tence ordinaire, celle de Nouméa.
La cour d'appel qui a remplacé, depuis le décret du lo no-
vembre 1893, le tribunal supérieur de Nouméa, se compose
d'un président, de deux conseillers, d'un conseiller auditeur,
d'un greffier et de commis-greffiers. Un procureur général,
chef du service judiciaire, assisté d'un substitut, représente le
ministère public auprès de la cour,
.
Le tribunal de première instance comprend un juge-prési-
dent, deux lieutenants de juge, un procureur de la République,
un substitut et un greffier. Il n'exerce pas la juridiction com-
merciale; celle-ci appartient à un tribunal de commerce, com-
posé du juge-président du tribunal de première instance et de
deux assesseurs, et compétent, en dernier ressort, depuis le
décret du 26 octobre 1882, pour toutes les affaires commer-
ciales n'excédant pas 1,500 francs, en premier ressort seule-
ment, au-delà de cette limite. En matière civile et correction-
nelle, le tribunal de première instance de Nouméa a les attri-
butions ordinaires des juridictions correspondantes de la mé-
tropole.
Les juges de paix à compétence étendue de Hourail et de
Canala connaissent des affaires civiles et commerciales, en
dernier ressort jusqu'à la valeur de 500 francs, et en premier
ressort seulement jusqu'à celle de 1,000 francs. Ils exercent en
outre, comme juges des référés, les fonctions des présidents
des tribunaux de première instance ; ils peuvent tenir des au-
diences foraines dans les principales localités de leur ressort.
Ils connaissent des contraventions et des délits n'emportant
pas une peine supérieure à celle de six mois d'emprisonnement
ou de.500 francs d'amende. Les appels des jugements rendus
, en matière civile et commerciale, ainsi qu'en matière de sim-

— 665 —
ple police par tous les juges de paix à compétence étendue,
sont portés au tribunal de première instance de Nouméa. Les
jugements rendus par eux en matière de simple police peuvent
être attaqués devant la cour d'appel par la voie de l'annula-
tion.
771. Les affaires criminelles sont déférées à la cour d'appel
constituée en cour criminelle par l'adjonction de quatre asses-
seurs désignés par la voie du sort sur une liste de trente no-
tables dressée chaque année par le gouverneur. La cour cri-
minelle tient quatre sessions par an; les assesseurs n'ont voix
délibérative que sur la question de culpabilité.
Lorsque la Cour de cassation annule un arrêt de la cour
d'appel ou de la cour criminelle de la Nouvelle-Calédonie et
qu'elle renvoie l'affaire devant la même cour, le président
complète celle-ci, à défaut d'un nombre suffisant de magistrats
n'ayant pas connu de l'affaire, en appelant des magistrats ho-
noraires, des membres du tribunal de première instance ou
des avocats-défenseurs.
772. Enfin, en dehors de ces différentes juridictions, un
décret du 18 juillet 1887 a, pour une période de dix années
renouvelable, conféré au chef du service des affaires indigènes,
aux administrateurs des arrondissements et au résident des
Loyalty, le droit de statuer sur les infractions commises par
les indigènes non citoyens français contre les arrêtés des gou-
verneurs ; les pénalités applicables en pareil cas ne peuvent
dépasser quinze jours de prison et 100 francs d'amende. Il peut
être fait appel devant le gouverneur en conseil privé des déci-
sions ainsi prises en matière disciplinaire.
773. Établissements français de l'Océani. L'ordonnance
tahitienne du 14 décembre 1865, puis le décret du 18 août 1868,
quediversactes(l) ont successivement modifiés, ont organisé des
juridictions françaises dans nos établissements de l'Océanie.
Actuellement celles-ci comprennent un tribunal supérieur, sié-
geant à Papeete, un tribunal de première instance également
établi à Papeete et cinq justices de paix à compétence étendue.
774. Le tribunal supérieur se compose d'un président et de
(1) Notamment les décrets du 1er juillet i880 . 6 octobre 18S2, 9 juil-
let 1890, 5 janvier 1892, 17 septembre 1897, 1" décembre 190:2 et 9
mars 1904.

— 666 —
deux juges. Un procureur de la République, chef du service-
judiciaire, y représente le ministère public, fonctions qu'il
remplit également devant le tribunal de première instance.
C'est de même au greffier du tribunal de première instance de
Papeete qu'est confié le greffe du tribunal supérieur. Comme
tribunal d'appel, le tribunal supérieur connaît des appels des
jugements rendus par les tribunaux de paix en matières civile,
correctionnelle et de simple police, ainsi que des appels des
jugements rendus en toute matière et en premier ressort par
le tribunal de première instance. Il statue également sur les
demandes en annulation formées, pour incompétence, excès
de pouvoir ou violation de la loi, contre les jugements rendus
en dernier ressort par le tribunal de Papeete. Constitué en
tribunal criminel, avec l'adjonction de quatre assesseurs (1) dési-
gnés par la voie du sort sur une liste de vingt notables français,,
le tribunal supérieur connaît de toutes les affaires déférées en
France aux cours d'assisses; les assesseurs ont voix délibérative
sur la question de culpabilité et les circonstances atténuantes.
Le recours en cassation est ouvert contre les arrêts du tribunal
supérieur et ceux du tribunal criminel.
Le tribunal de première instance comprend un juge-prési-
dent, un lieutenant de juge et un greffier. Depuis que le décret
du 25 janvier 1892 a supprimé le tribunal de commerce
qu'avait établi le décret du 18 août 1868, le tribunal de pre-
mière instance de Papeete connaît, en premier et dernier res-
sort, pour le territoire de Papeete, de toutes les affaires com-
merciales dont l'importance ne dépasse pas 250 francs. 11 est
compétent, en premier ressort seulement, sur toutes les affaires
qui excèdent 250 francs, pour le territoire de Papeete, et pour
toutes les affaires qui excèdent 1,000 francs pour le reste du
territoire de la colonie. Il connaît, en outre, pour le territoire
de Papeete, des contraventions et des délits.
775. Les justices de paix à compétence étendue sont établies
à Rikitea (Gambier), à Rotoava (Tuamotu), à Taiohae (Mar-
quises), Taravao (presqu'île de Tahiti), à Papetoai (îles Moorea)
et à Raiatea.
Les juges de paix des Gambier, des Tuamotu et des Mar-
(1) La désignation de ces assesseurs a lieu dans les conditions fixée*
par des décrets des 1er décembre 190"2 et 9 mars 1904.

— 667 —
quises peuvent tenir des audiences foraines dans les diffé-
rentes îles de ces archipels. De même, le gouverneur peut
charger un fonctionnaire de tenir des audiences foraines, s'il
est nécessaire, dans les îles des archipels de Tubuaï et de
Rapa. Ces justices de paix à compétence étendue, auxquelles
peuvent être appelés des fonctionnaires de l'ordre adminis-
tratif, connaissent en premier ressort seulement de toutes les
affaires civiles dont l'importance n'excède pas 1,000 francs,
ainsi que des contraventions de simple police et des affaires
correctionnelles.
La juridiction du juge de paix de Raiatea s'étend sur les îles
de Tahaa, de Huahine et de Borabora et dépendances. Le juge
de paix connaît en matières civile et commerciale, de toutes les
affaires dont l'importance n'excède pas 1,000 francs de valeur
déterminée; au delà de cette somme, il ne statue qu'en pre-
mier ressort seulement et à charge d'appel devant le tribunal
de Papeete. Comme juridiction répressive, la justice de paix à
compétence étendue de Raiatea est à la fois, dans les condi-
tions fixées par l'article 5 du décret du 17 septembre 1897 tri-
bunal de simple police et tribunal correctionnel.
776. Parallèlement à ces juridictions françaises existaient,
à tous les degrés, jusqu'à la mort du roi Pomaré V, des juri-
dictions indigènes, dont la Cour de cassation (ch. crim.
22 nov. 1883 — ch. civ., 9 et 25 juin 1884) avait, même après
la loi d'annexion du 30 déc. 1880, déclaré l'institution régulière.
Une convention conclue le 29 décembre 1887 entre le roi,
les chefs de Tahiti et de Moorea et le gouvernement français, et
approuvée par une loi du 10 mars 1891, a stipulé que ces juri-
dictions « seraient supprimées dès que les opérations relatives
« a la délimitation de la propriété seraient achevées et que les
« contestations auxquelles elles donnent lieu auraient été
« vidées ». Avant même l'achèvement de cette délimitation, la
mort du roi Pomaré V étant survenue le 12 juin 1891, et le
trône demeurant vacant, les attributions de la cour de cassa-
tion tahitienne, qui ne pouvait plus se réunir, ont été, par un.
décret du 27 février 1892, conférées au tribunal supérieur.
ARTICLE 2. — Tribunaux administratifs.
777. La juridiction administrative aux colonies a été réor-

— 668 —
ganisée par les décrets des ο août et 7 septembre 1881 ; le
premier de ces décrets est applicable aux Antilles et à la
Réunion, le second à nos autres possessions.
Dans toutes les colonies, le conseil du contentieux adminis-
tratif est composé des membres du conseil privé ou du conseil
d'administration, auxquels viennent s'adjoindre deux magis-
trats ou, à défaut, deux fonctionnaires, de préférence licen-
ciés en droit, désignés au commencement de chaque année par
le gouverneur. A Saint-Pierre et Miquelon, le président du con-
seil d'appel, et à son défaut le juge de première instance, est
seul appelé à compléter le conseil. Le gouverneur préside et a
voix prépondérante en cas de partage. Il peut se dispenser
d'assister aux séances, et, dans ce cas, il est remplacé par le
fonctionnaire prenant rang immédiatement après lui. Les
autres membres du conseil sont tenus au contraire d'être pré-
sents aux séances ; lorsqu'un chef de service, par suite d'un
empêchement momentané, ne peut s'y rendre, il doit y être
suppléé, comme il le serait au conseil privé, par un fonc-
tionnaire de son administration (1). Un officier du commissa-
riat, ou, à défaut, un fonctionnaire désigné par le gouverneur
remplit, avec le titre de commissaire du gouvernement les
fonctions du ministère public (2). A Madagascar, aux termes
du décret du 12 novembre 1902, ce rôle est exercé par le di-
recteur du contrôle financier ou, à défaut, par le fonction-
naire appelé à le remplacer. Le secrétaire-archiviste du conseil
privé fait fonctions de greffier. Les actions intéressant l'Etat,
soit en demande soit en défense, sont soutenues par l'officier
du commissariat le plus élevé en grade.
778. Ces règles ont été, depuis quelques années, étendues
dans leur ensemble à nos nouvelles possessions : aux colonies
dépendant du gouvernement général de l'Afrique occidentale
française (3) ; au Congo français (4); à Madagascar (5) à la
côte Somali (6).
(1) Voir circulaire du sous-secrétaire d'Etat des colonies du 14 mai 1890
(B. 0. Colonies, 1890, p. 633).
(2) Cf. Cons. d'Et. Cont. 13 décembre 1895. L. 93, 818.
(3) Décrets du 11 octobre 1899, du 4 mars 1903 et du 18 octobre 1901.
(i) Décrets du 20 décembre 19J3 et du 11 février 1906.

(5) Décrets du 6 mars 1897 et du 12 novembre 1902.
(6) Décret du 28 août 1898.

— 669 —
Pour l'Annam et le Tonkin, aux termes du décret du
21 septembre 1894, le conseil du protectorat réuni sous la
présidence du résident supérieur, connaît des affaires du con-
tentieux administratif. La procédure est celle qui est suivie en
pareil cas devant le conseil privé de la Cochinchine. Le conseil
du protectorat s'adjoint, pour statuer au contentieux, deux
membres de l'ordre judiciaire ; les fonctions du ministère
public sont remplies par un magistrat ou un fonctionnaire
désigné par le gouverneur général.
On s'est demandé, du jour où la personnalité civile a été
reconnue à l'Indo-Chine et à l'Afrique occidentale française, de-
vant quelle juridiction administrative du premier degré seraient
portés les litiges que feraient naître les actes passés au nom
du gouvernement général. En ce qui concerne l'Afrique occi-
dentale française, la question a été tranchée par l'article 9 du
décret du 18 octobre 1904 réorganisant le conseil de gou-
vernement. C'est la commission permanente du conseil du gou-
vernement qui se constitue en conseil de contentieux par l'ad-
jonction de deux conseillers à la cour d'appel nommés au com-
mencement de chaque année et pour sa durée par le gou-
verneur général. En ce qui concerne l'Indo-Chine, un décret
du 2 septembre 1905 donne compétence, en pareil cas, soit
au conseil de contentieux de la Cochinchine, soit au conseil
du protectorat du Tonkin, selon le ressort territorial de ces
tribunaux.
ARTICLE 3. — Tribunaux militaires.
§ 1. — Conseils de guerre et de revision.
779. D'après l'article 2 de la loi du 7 juillet 1906 (1), por-
tant organisation des troupes coloniales, le service de la jus-
tice militaire aux colonies devait faire l'objet d'un décret
rendu sur le rapport du ministre de la guerre après entente
avec le ministre des colonies.
Un décret en date du 23 octobre 1903 (2) a organisé les
(1) Cette loi a modifié le sénatus-consuite du 4 juin 1858 et le décret
du 21 juin suivant relalifs à l'organisation de la justice militaire dans
la colonie.

(2) Ce décret a remplacé celui du 6 janvier.

— 670 —
conseils de guerre et des conseils de revision permanents ana-
logues à ceux qui fonctionnent dans les circonscriptions ter-
ritoriales de la métropole.
780. Ce décret rappelle tout d'abord que le code de justice
militaire pour l'armée de terre est applicable à toutes les trou-
pes coloniales, européennes et indigènes énumérées dans les
articles 4 et 5 de la loi du 7 juilllet 1900. La police judiciaire
militaire est exercée sous l'autorité du commandant supérieur
des troupes. L'ordre d'informer est, en règle générale,
donné par le gouverneur général (1) ou le gouverneur de la co-
lonie principale du groupe de possessions dans lequel le crime
ou le délit a été commis ou dans lequel l'inculpé a été arrêté,
ou dans lequel enfin se trouve la garnison du corps ou déta-
chement de l'inculpé. Mais pour les officiers du grade de colonel
et au-dessus, ainsi que pour
troupes quel que soit leur grade, l'ordre d'informer est donné,
après avis du ministre des colonies par le ministre de la guerre.
C'est celui-ci qui désigne le conseil de guerre de France ou
des colonies devant lequel aura lieu la poursuite.
781. Il est établi des conseils de guerre et des conseils de
revision permanents dont le nombre, le siège et le ressort
sont fixés conformément au tableau page G71.
(1) Cf.Instruction ministérielle du 23 octobre 1903. B. O. C. 1903 p. 1173.

— 671 —
CONSEILS
CONSEILS DE GUERRE FORMANT LE RESSORT
DU CONSEIL DE REVISI0N
DΕ REVISION.
COLONIES
SIÈGE (1)
SIÈGE [{)
formant le ressort
du conseil de guerre
Martinique.
Guadeloupe et dépen-
1 Martinique
2 Martinique dances.
Guyane.
• 2 Sénégal et Guinée...
2 Côte-d'Ivoire et Daho-
mey
Afrique occidentale fran-
1 Sénégal 2 Sénégambie, Niger et
çaise.
.
territoires militaires
Congo français.
de l'Afrique occiden-
tale
2 Congo et Tchad
Nouvelle-Calédonie
et
dépendances.
1 Nouv.-Calédonie..
2 Nouvelle-Calédonie ..< Etablissements français
de l'Océanie.
Madagascar et dépen-
1 Madagascar 2 Madagascar dances.
1 Réunion Mayotte et dépendances.
Réunion.
1 Indo-Chine 2 Cochinchine, Cambod- Indo-Chine.
2 Annam et Tonkin....
NOTA. — Pour les colonies de Saint-Pierre et Miquelon,
de l'Inde
française et de la Côte française des Somalis et dépendances, la juri-
diction appartient aux conseils de guerre de la métropole désignés
par le Ministre de la Guerre et au conseil de revision de Paris.
(1) Dans chaque groupe de colonies, le gouverneur général ou le
gouverneur de la colonie principale fixe, après entente avec le com-
mandant supérieur des troupes, la localité des colonies indiquées
dans cette colonne où siégeront les conseils de guerre ou le conseil
de revision.
782. Les conseils de guerre permanents sont composés
conformément aux dispositions des articles 33, 34 et 35 du
code de justice militaire pour l'armée de terre. Les membres
en sont nommés et remplacés par le gouverneur de la colonie ;
les juges sont désignés d'après un tableau. S'il n'est pas pos-
sible de constituer le conseil, il en est rendu compte au mi-
nistre de la guerre, qui traduit l'inculpé devant le conseil de
guerre d'une circonscription territoriale de la métropole. Les

— 672 —
commissaires-rapporteurs peuvent être pris dans le commis-
sariat des troupes coloniales.
Les conseils de revision permanents dans les colonies sont
composés conformément aux dispositions de l'article 41 du
code de justice militaire. Ils sont également, en principe, nom-
més et remplacés par le gouverneur de la colonie.
783. Le décret du 23 octobre 1903 prévoit le cas où une co-
lonie est déclarée en tout ou partie en état de siège. L'article
43 du code de justice militaire, ainsi que toutes autres disposi-
tions du même code et de la loi du 9 août 1849, sont alors
applicables. Le gouverneur peut, selon que la colonie est ou
non pourvue de tribunaux militaires, soit prescrire le déplace-
ment de ces tribnnaux, soit constituer provisoirement des con-
seils de guerre et un conseil de division spéciaux.
784. D'après l'article 13 du décret du 23 octobre 1903.
lorsque des troupes sont appelées à exécuter des opérations de
guerre aux colonies, le ministre de la guerre, après entente
avec le ministre des colonies, peut donner l'ordre de consti-
tuer les conseils de guerre et les conseils de revision spéciaux
prévus par les chapitres I et II du titre II du code de justice
militaire. Il peut aussi désigner, conformément à l'article 42
du même code, les conseils de guerre et les conseils de revi-
sion permanents des colonies ou de la métropole auxquels
seront rattachées les troupes d'opérations.
Des arrêtés ministériels en date du 26 avril 1905 ont, en
exécution de ces dispositions, créé des conseils de guerre aux
armées pour les troupes du Gabon et du Moyen-Congo, et
pour les troupes en opérations dans le sud de Madagascar.
§ 2. — Tribunaux maritimes.
785. La justice militaire maritime dans les colonies fran-
çaises est rendue par des conseils de guerre et des conseils de
revision d'une part, par des tribunaux maritimes et des tribu-
naux de revision. Un décret du 8 juillet 1905 (1) a déterminé
(1) Antérieurement à ce décret, il n'existait de tribunal maritime ordi-
naire qu'à Saïgon, où l'importance de l'arseual avait rendu cette juri-
diction nécessaire. Deux de ces juridictions, ainsi qu'un tribunal de

révision permanent, y avaient été établis par un décret du 31 mars 1874.
Ils fonctionnaient selon les règles appliquées en France, le gouverneur
général exerçant les attributions conférées au ministre et aux préfets
maritimes.


— 673 —
les conditions d'après lesquelles doivent fonctionner ces deux
catégories de juridictions. La seconde est compétente toutes
les fois qu'il y a lieu de juger l'auteur d'un crime ou d'un
délit commis dans l'intérieur d'un port, arsenal ou établisse-
ment de la marine. Des décrets, qui doivent être pour les
Antilles et la Réunion, rendus dans la forme des règlements
d'administration publique, détermineront les ports, arsenaux et
établissements de la marine aux colonies où il y a lieu d'insti-
tuer des tribunaux maritimes et des tribunaux de revision.
Les conseils de guerre maritimes et les tribunaux maritimes
sont composés de cinq membres; les conseils de revision et
les tribunaux de revision maritimes sont composés de trois
membres.
Enfin, des tribunaux maritimes commerciaux peuvent être
installés aux colonies,
pour la discipline de la marine
marchande, en exécution du décret-loi du 24 mars 1852. Ces
tribunaux ont fonctionné souvent à Saint-Pierre et Miquelon.
ARTICLE 4. — Officiers ministériels et publics.
§ 1. Notariat.
786. Antilles. C'est un décret du 14 juin 1864 qui a régle-
menté pour les Antilles le service du notariat, jusque-là régi
par des arrêtés locaux. Il a reproduit dans leur ensemble les
dispositions que la loi du 23 ventôse an XI a consacrées, pour
la métropole, en tenant compte toutefois de l'organisation
spéciale des colonies, notamment de l'édit de juin 1770 qui a
constitué en France le dépôt des papiers publics de nos posses
sions d'outre-mer.
Le décret du 14 juin 1864 a été modifié par le décret du
16 juillet 1878, qui a exigé, à peine de nullité, pour la confec-
tion des actes portant donations entre vifs, la présence du
notaire en second ou des témoins instrumentaires. Ce même
décret impose, en outre, à toute personne qui sera témoin ou
partie dans un acte passé devant notaire l'assistance d'un inter-
prète assermenté, celui-ci devant expliquer l'objet de la con-
vention, avant et après la rédaction de l'acte, le signer comme
COLONIES, I.
43

— 674 —
témoin additionnel, transcrire enfin en français, tout en attes-
tant leur authenticité, les signatures qui ne seraient pas écrites
en caractères usités dans notre langue. Les parents ou alliés du
notaire et des parties contractantes, en ligne directe à tous
les degrés, en ligne collatérale, jusqu'au degré d'oncle et
neveu inclusivement, les légataires, leurs parents ou alliés jus-
qu'au degré de cousin germain inclusivement, ne peuvent être
choisis comme interprètes.
787. Les notaires des Antilles sont, comme leurs collègues
de la métropole, en vertu des lois de finances des 28 avril 1816
(art. 91 et 92), 4 août 1844 (art. 7) et 19 mai 1849 (art. 9),
propriétaires de leurs charges qu'ils peuvent céder à des tiers
remplissant les conditions requises. Ces conditions sont déter-
minées par la section π du titre II du décret du 14 juin 186 4.
Les postulants doivent jouir de l'exercice des droits civils, avoir
satisfait à la loi sur le recrutement, être âgés de vingt-cinq
ans au moins, justifier d'un stage dont la durée varie selon
qu'ils l'ont accompli dans les colonies ou en France et qu'ils
sont ou non pourvus du diplôme de licencié en droit; les can-
didats qui ont exercé des fonctions administratives ou judi-
ciaires, les avocats et les anciens avoués ayant cinq ans d'exer-
cice professionnel peuvent d'ailleurs être dispensés de ce stage.
Les postulants adressent une requête au gouverneur qui les
autorise à se pourvoir devant la cour d'appel. Un conseiller-
rapporteur est chargé, après enquête, de faire subir un examen
au candidat en présence de deux notaires et d'un membre du
parquet; il présente ensuite son rapport à la cour qui, le pro-
cureur entendu, émet un avis sur le vu duquel le gouverneur,
s'il y a lieu, nomme provisoirement le notaire et demande au
ministre de faire ratifier par décret cette désignation. C'est en
effet au chef de l'État qu'il appartient de rendre définitives les
nominations; c'est à lui de même, d'après les articles 34 et 35
du décret de 1864, qu'est laissé le droit de déterminer le
nombre des notaires et leur résidence. Lorsqu'il est fait usage
de cette dernière prérogative pour supprimer un certain
nombre d'offices, les notaires maintenus dans le ressort du tri-
bunal de première instance sont obligés d'indemniser les pro-
priétaires des études supprimées; le fait est d'ailleurs extrême-
ment rare et l'on n'en peut citer d'autre exemple qu'un décret

— 675 —
du 19 mars 1870 supprimant à la Guadeloupe six offices
de notaire.
788. Avant de prêter serment, les notaires doivent justifier
du versement d'un cautionnement fixé de quinze à sept mille
francs en immeubles ou neuf à quatre mille francs en argent
selon la résidence. C'est au procureur général qu'est confié,
depuis un décret du 5 mars 1874, la discussion du cautionne-
ment en immeubles.
789. Comme leurs collègues de France, les notaires de la
Martinique et de la Guadeloupe gardent minute des actes qu'ils
reçoivent. L'article 31 du décret du 14 juin 1864 leur impose
en outre une obligation particulière, celle de retenir, aux frais
des parties, pour le dépôt des actes publics des colonies créé
par l'édit de juin 1776 et établi en France, une copie figurée
des actes dont ils gardent minute, à l'exception des inventaires
et des ventes sur inventaires. En cas de perte de l'original,
cette copie fait foi à l'égal du titre primitif. Elle est signée par
le notaire qui dresse l'acte ainsi que par le notaire en second
et les témoins instrumentaires, et présentée en même temps
que la minute au receveur de l'enregistrement qui la vise sans
frais. Une dépêche ministérielle du 9 mars 1865, adressée aux
gouverneurs de la Martinique et de la Guadeloupe, a précisé
d'ailleurs le sens de celte expression copies figurées (1).
(1) « Par copie figurée, dit cette dépèche, le légilsateur a-t-il vouiu
« entendre la reproduction trait pour trait de la minute, c'est-à-dire
« des ratures, renvois, surcharges, de toutes les imperfections, en
« un mot, qui peuvent exister dans l'original? Telle est la question

« posée.— Si l'on se réfère à l'article 227 du Code de procédure civile, la
« question après mûr examen paraît devoir être résolue dans le sens de

« l'affirmative. — En effet, aux termes dudit article que l'on peut con-
« sidérer comme le commentaire de l'article 22 de la loi du 25 ventôse
« an XI, lorsqu'une pièce est arguée de faux, le procès-verbal dressé

« pour constater l'état de la pièce doit contenir mention et description
« des ratures, surcharges, interlignes et autres circonstances du même
« genre. — Or, d'après l'article 22 du décret précité du 14 juin 1864,
« qui reproduit le dispositif du même article de la loi de ventôse an XI,
« les notaires ne peuvent se dessaisir d'une minute qu'après en avoir
« dressé
copie figurée signée par eux et certifiée par le président et le
« procureur impérial du tribunal de première instance. La
copie figurée,
« aux termes de l'article 31 du même décret, étant destinée le cas
« échéant à remplacer la minute en cas de perte, on est conduit à con-
« clure qu'il sera satisfait aux prescriptions dudit article 31 si la copie
« collationnee de la minute renferme toutes les indications que doit
« contenir le procès-verbal dont il est question dans l'article 227 du

« Code de procédure civile. »

— 676 —
790. La discipline des notaires appartient, non comme en
France à une chambre de discipline, mais au procureur géné-
ral. Celui-ci leur donne les avertissements qu'il juge néces-
saires et prononce contre eux, après les avoir entendus, le
rappel à l'ordre, la censure simple, la censure avec répri-
mande. Il propose d'office, ou sur la demande des parties, les
peines plus graves de la suspension, que le gouverneur pro-
nonce en conseil privé après avis du tribunal, sauf recours au
ministre des colonies, et du remplacement ou de la destitution
pour lesquels est nécessaire l'intervention d'un décret du Pré-
sident de la République. Le notaire suspendu, remplacé ou
destitué doit, du jour où lui est notifiée la mesure qui le frappe,
cesser l'exercice de ses fonctions, s'il ne veut s'exposer aux
peines prévues par la loi.
On s'est demandé si le notaire, poursuivi disciplinairement
devant le gouverneur en conseil privé, pouvait réclamer sa
Comparution devant cette assemblée et obtenir communication
du dossier de la poursuite. 11 ne nous paraît pas douteux que
cette question doive être résolue négativement: le droit de
défense, en effet, n'est ouvert au notaire inculpé que devant les
tribunaux, où il est entendu en chambre du conseil. En exi-
geant, d'autre part, l'avis des « tribunaux », selon l'expres-
sion dont il se sert, le décret de 1864 oblige-t-il à prendre les
conclusions à la fois du tribunal de première instance et de la
cour d'appel"? Nous ne le croyons pas, en l'absence d'un texte
plus précis; le décret ne spécifiant pas que l'affaire doive être
soumise à la cour, ce serait ajouter à ses dispositions que de
prétendre l'exiger.
791. Une question plus délicate est celle de savoir si le gou-
verneur a le droit d'obliger un notaire, accusé d'un crime ou
d'un délit, à cesser l'exercice de ses fonctions jusqu'à l'issue
des poursuites dirigées contre lui. Il nous semble certain que
le gouverneur en pareil cas excéderait ses pouvoirs; d'ailleurs,
c'est dans ce sens qu'est fixée la jurisprudence du Département
des Colonies. Rien n'empêche, en effet, l'action disciplinaire de
s'exercer parallèlement à l'action publique, mais à la condi-
tion qu'elle emprunte les formes prévues par le décret du
14 juin 1864. Or, en l'espèce, la cessation de fonctions impo-
sée au notaire ne serait autre que la peine de la suspension,

— 677 —
mais échappant peut-être aux conditions dans lesquelles
celle-ci doit être prononcée, à la durée maximum d'une année
notamment, prévue par l'article 47 du décret. Elle pourrait
ainsi devenir une peine non déterminée par la loi, et, par
suite, irrégulièrement infligée.
792. Le décret du 14 juin 1864 a été complété par les
décrets des 7 juin 1880, 1er septembre 1882 et 12 août 1890
en ce qui concerne le mode de remplacement à la Guadeloupe
des notaires de Marie-Galante, de Saint-Martin et de Saint-
Barthélemy. Ceux-ci, lorsqu'ils sont empêchés de recevoir les
acte- de leur ministère, sont remplacés de plein droit par le
greffier en exercice près le tribunal de paix à compétence
étendue, et, à défaut du greffier, par la personne qu'aura
désignée le juge de paix. Ces dispositions s'appliquent non
seulement en cas de maladie ou de tout autre empêchement
plus ou moins prolongé, mais même en cas de décès; le
décret du 1er septembre 1882 a fait disparaître sur ce point le
doute que laissait la rédaction du décret du 7 juin 1880.
793. Saint-Pierre et Miquelon. Le notariat, dans les îles
Saint-Pierre et Miquelon, a été organisé par le décret du
30 juillet 1879. Ce décret reproduit les dispositions du décret
du 14 juin 1864, sauf sur un point; il déclare que l'article 91
de la loi de finances du 28 avril 1816 n'est pas applicable au
notaire de Saint-Pierre et Miquelon, enlevant à celui-ci le droit
de présenter un successeur. En conséquence de celte disposi-
tion, c'est le ministre des colonies qui propose directement au
choix du Président de la République « les candidats qui jus-
« tifieront de leur moralité et de leur capacité conformément
« à l'article 43 de la loi du 25 ventôse an XI, au moyen d'un
<> certificat délivré par la chambre de discipline de la métro-
« pole dans le ressort de laquelle ils étaient inscrits en der-
« nier lieu comme stagiaires, et satisferont en outre aux condi-
« tions de stage imposées par les arlicles 41 et 42 de la loi
« pour être admis à exercer comme notaires de 3e classe ».
D'après l'article 6 du décret du 30 juillet 1879, qu'a précisé
un décret du 9 novembre 1894, les fonctions de notaire à
Saint-Pierre et 31iquelon sont incompatibles avec celles de juge
titulaire ou suppléant, en première instance et en appel, d'of-
ficier du ministère public, de greffier, d'agréé et d'huissier.

— 678 —
794. Guyane. Le notariat est organisé à la Guyane par
une ordonnance coloniale du 24 février 1820 qui a promulgué,
avec quelques modifications, la loi du 25 ventôse an XI, par
un décret du 28 août 1862 et par le décret du 16 décembre 1896
sur le fonctionnement du service judiciaire. La discipline est,
exercée par le chef du service judiciaire et le nombre des
notaires est déterminé par le gouverneur. Il y a trois charges
de notaire à Cayenne; dans les autres centres, d'après l'ar-
ticle 6 du décret du 16 décembre 1896, ce sont les secretaires
de mairie, chargés du greffe de la justice de paix, qui exercent
les fonctions de notaire dans les conditions fixées par le décret
du 28 août 1862.
795. Afrique occidentale française. A Saint-Louis, le nota-
riat est organisé par un décret du 15 avril 1893; il est distinct
du greffe. En dehors de Saint-Louis, le gouverneur général
est autorisé à prononcer de même la séparation du greffe et du
notariat, par arrêté pris en conseil privé et soumis à l'appro-
bation du ministre. Les notaires du Sénégal sont nommés par
décret; leurs charges ne sont pas vénales.
D'après le décret du 10 novembre 1903, dans les tribunaux
de première instance de Conakry, de Bingerville et de Coto-
nou, et dans la justice de paix à compétence étendue de
Kayes, le greffier réunit à ses fonctions celles de notaire.
Congo français:. Le décret du 17 mars 1903 contient une
disposition analogue en ce qui concerne le Congo français.
Côte Somali. Le décret du 4 février 1904 charge de même
le greffier des tribunaux de remplir les fonctions de notaire.
796. Réunion. Le notariat est organisé à la Réunion par le
décret du 26 juin 1879 qui reproduit les dispositions édictées
pour les Antilles par le décret du 14 juin 1864.
Mayotte et dépendances. Les fonctions de notaire sont rem-
plies par le greffier du tribunal de première instance.
Madagascar. D'après l'article 34 du décret du 9 juin 1896,
les greffîers institués près la cour d'appel et près les tribunaux
de première instance remplissent, en outre, les fonctions de
notaire dans l'étendue du ressort de ces mêmes tribunaux.
Hors de ce ressort, les fonctions de notaire sont exercées par
des officiers ou des fonctionnaires désignés par le résident
général.

— 679 —
Établissements français de l'Inde. Jusqu'en 1887, il exis-
tait dans l'Inde, à côté de notaires européens, des tabellions
chargés de la redaction des actes concernant les natifs. Un
décret du 24 août 1887, complété par un décret du 8 jan-
vier 1889, a supprimé le tabellionat et organisé le notariat dans
des conditions analogues à celles en vigueur dans la métro-
pole. Le nombre des notaires est de six dans l'arrondissement
de Pondichéry, de trois dans l'arrondissement de Karikal, d'un
seul dans les arrondissements de Mahé, de Chandernagor et
de Yanaon.
797. Indo-Chine. En Cochinchine, un décret du 22 sep-
tembre 1869 a séparé, à Saigon, le notariat du greffe du tri-
bunal de première instance et un arrêté du 7 juin 1870 l'a
organisé dans des conditions analogues à celles qu'a fixées,
pour les Antilles, le décret du 14 juin 1864. Dans les pro-
vinces, les fonctions de notaire sont remplies par les greffiers
des tribunaux de première instance ou des tribunaux de paix
à compétence étendue.
Au Cambodge, en Annam et au Tonkin, le service du nota-
riat est assuré par les greffiers des tribunaux de première
instance ou des justices de paix à compétence étendue, et, là
où ces juridictions n'existent pas, par les administrateurs des
services civils.
Nouvelle-Calédonie. Un décret du 6 janvier 1873 a séparé le
greffe du notariat, qui se trouve aujourd'hui réglementé par
un arrêté local du 27 août 1875, reproduisant en grande
partie les dispositions édictées pour les Antilles. Il y a actuel-
lement deux notaires à Nouméa; leurs charges ne sont pas véna-
les. En dehors de Nouméa, les fonctions sont remplies par
les greffiers des tribunaux de paix à compétence étendue.
Établissements français de VOcéanie. Un décret du 9 juil-
let 1890 a séparé, à Papeete, le notariat du greffe du tribunal
de première instance. Les fonctions de notaire sont remplies
actuellement par un officier public désigné par le ministre, et
n'ayant pas le droit d'ailleurs de présenter son successeur.
§ 2. — Avoués.
798. La corporation des avoués n'est organisée qu'à la Mar-
tinique, à la Guadeloupe, à la Guyane et à la Réunion. Elle a

— 680 —
été réglementée par les ordonnances du 30 septembre 1827,
24 septembre et 21 décembre 1828. L'ordonnance du 15 fé-
vrier 1831 a séparé dans ces colonies l'exercice de la profes-
sion d'avoué de l'exercice de celle d'avocat ; elle a laissé
néanmoins aux avoués alors en fonctions le droit de plaider
pour leurs clients. Actuellement encore du reste, dans les co-
lonies où la corporation existe, les avoués peuvent être auto-
risés à plaider, mais seulement après avis des cours et des
tribunaux et l'approbation du ministre de la justice.
Le nombre des avoués est de huit à Fort-de-France (1), de
huit à la Basse-Terre, de dix à la Pointe-à-Pitre, de quatre à
Cayenne, de douze à la Réunion, ces derniers répartis par le
gouverneur entre la cour et les tribunaux de la colonie. Leurs
charges sont vénales. A Marie-Galante, l'ordonnance du
24 septembre 1828 avait prévu quatre offices d'avoués, que le
petit nombre des affaires laissait du reste sans titulaires le
plus souvent, et qui n'ont pas été maintenus après la suppres-
sion du tribunal de première instance. Les charges des avoués
de Marie-Galante n'étaient pas vénales.
Dans les colonies où la corporation existe, les avoués sont
chargés, à l'exclusion de toute autre personne, de représenter
les parties en première instance et en appel, de préparer les
actes de procédure et de rédiger, s'il y a lieu, les consultations.
Ils exercent par privilège devant le tribunal auquel ils sont
attachés mais ils ont le droit de postuler devant la cour dans
le ressort de laquelle ils sont établis. Leur profession est
incompatible avec les fonctions administratives salariées, avec
celles de l'ordre judiciaire, avec celles de notaire, de greffier
ou d'huissier, et avec toute entreprise commerciale.
Les avoués sont nommés par le ministre des colonies qui se
borne le plus souvent à approuver une désignation déjà faite
par le gouverneur. Ils sont astreints au dépôt d'un cautionne-
ment dont le chiffre, selon l'importance de la charge, est de
(1) Une disposition spéciale a été consacrée par un décret du 10 juin
1903 au sujet du cautionnement des avoués de la Martinique. Tenant
compte de la situation difficile dans laquelle se trouvaient les anciens
avoués de Saint-Pierre, ce décret a réduit à 8.000 francs, qui peuvent

être fournis en numéraire ou en immeubles, le cautionnement exigé par
l'article 201 de l'ordonnance du 24 septembre 1828 (voir plus loin).

— 681 —
douze ou de quinze mille francs. Ils doivent être âgés de vingt-
cinq ans révolus et justifier du diplôme de licencié en droit
ainsi que de deux années de cléricature. Toutefois, les candidats
qui justifient de cinq années de cléricature dans une élude
d'avoué, en France ou aux colonies, dont trois en qualité de
premier clerc sont dispensés de produire le diplôme de licen-
cié en droit; mais ils doivent subir un examen public devant
un membre de la cour désigné par le président et assisté d'un
officier du ministère public; ils sont interrogés sur les cinq
codes. Le candidat avoué doit adresser sa demande au gou-
verneur qui la fait examiner par la cour. Sur l'avis de celle-ci,
le gouverneur en conseil délivre, s'il y a lieu, une commission
qui n'est définitive qu'après approbation par le ministre des
colonies.
La discipline des avoués est exercée par le chef du service
judiciaire, ainsi que par les cours et les tribunaux pour man-
quements relevés à l'audience. Le chef du service judiciaire
peut prononcer lui-même le rappel à l'ordre, la censure
simple, la censure avec réprimande, et proposer au gouver-
neur (qui statue après avoir pris l'avis des tribunaux, et
l'avoué ayant été entendu en chambre du conseil ) les peines
plus graves de la suspension, pour un délai maximum d'une
année, et de la destitution. Contre ces deux dernières peines
un recours est ouvert devant le ministre des colonies. Les tri-
bunaux peuvent infliger aux avoués,
pour manquements
relevés à l'audience, l'avertissement, la réprimande ou l'inter-
diction, et proposer au gouverneur la destitution. Tout juge-
ment prononçant contre un avoué l'interdiction pour plus de
deux mois est susceptible d'appel.
§ 3. Huissiers. Commissaires-priseurs.
799. Aux Antilles, à la Guyane et à la Réunion, en vertu
des ordonnances de 1827 et de 1828, les huissiers peuvent
être considérés comme de véritables officiers ministériels,
occupant des charges vénales et possédant les mêmes attribu-
tions que leurs collègues de la métropole. Ils sont nommés
par le gouverneur et doivent èlre âgés de vingt-cinq ans au
moins, justifier d'un stage de deux ans dans un greffe, une

— 682 —
etude d'avoué, de notaire ou d'huissier, être agréés par le
président du tribunal et le procureur de la République et ver-
ser un cautionnement. La profession d'huissier est incompa-
tible avec toute autre fonction publique salariée et avec toute
entreprise commerciale ; la discipline est la même pour les
huissiers que pour les avoués.
Dans les autres colonies, et même à la Guyane en dehors
de Cayenne, les fonctions d'huissier sont le plus souvent
remplies par des agents de la force publique, ou par des
personnes, relevant ou non de l'administration, qu'un arrêté
du gouverneur désigne à cet effet.
D'après Le décret du 10 novembre 1903, dans les posses-
sions dépendant du gouvernement général de l'Afrique occi-
dentale française, lorsqu'il n'existe pas d'huissier, les fonctions
en sont exercées par un agent de l'administration désigné par
le chef de la colonie sur la proposition du gouverneur. Plus
spécialement, au Sénégal, les règles suivant lesquelles il est
suppléé au défaut d'huissiers dans les localités de la colonie
où ces officiers ministériels n'existent pas avaient été deter-
minées par un décret en date du 31 décembre 1902. Ce décret
précisait dans le même but les pouvoirs attribués aux admi-
nistrateurs par l'article 8 du décret du 22 septembre 1887. Il
spécifiait que dans les communes de plein exercice, à défaut
d'un huissier du chef-lieu d'arrondissement, celui-ci serait
remplacé par un commis-greffier, par le commissaire de
•police ou par un employé civil ou militaire.
800. De même, il n'y a pas dans toutes les colonies d'offices
particuliers de commissaires-priseurs. Ces fonctions ont été
réglementées aux Antilles, au Sénégal et à la Nouvelle-Calé-
donie par des décrets, dont les dispositions sont identiques,
en dates des 16 septembre 1876,11 janvier 1881 et28 juin 1883.
Dans ces colonies, les commissaires-priseurs procèdent, avec
des honoraires dont le tarif est déterminé et sous l'obligation
de tenir certains registres, aux ventes volontaires et publiques
do marchandises et d'effets mobiliers, aux ventes volontaires
après décès ou faillites, aux ventes volontaires de navires de
mer ou bâtiments de rivière. Ils sont nommés par le gouver-
neur sur la proposition du procureur général et obligés de
verser un cautionnement. Les commissaires-priseurs sont placés

— 683 —
sous la surveillance du ministère public et de la direction de
l'intérieur et sont soumis à la même discipline que les autres
officiers ministériels; il leur est interdit de se rendre adjudi-
cataires des objets qu'ils sont chargés de vendre, d'exercer la
profession de marchand de meubles, de fripier ou de tapissier
ou d'être associés à un commerce de ce genre.
800 bis. Le décret du 10 novembre 1903 sur le service de
la justice dans l'Afrique occidentale française confie aux gref-
fier de première instance les fonctions de commissaires-pri-
seurs, dans les localités où ces officiers ministériels n'existent
pas. Les huissiers continuent, toutefois, à procéder aux ventes
mobilières après saisie.
D'après le décret du 17 mars 1903 sur le service de la jus-
tice au Congo français, des emplois de commissaire-priseur
peuvent être conférés par le commissaire général à des fonc-
tionnaires spéciaux. Jusqu'à la création de ces emplois, les
greffiers des tribunaux et des justices de paix sont chargés
des ventes mobilières de toute nature.
Dans nos possesions, les ventes publiques sont réglementées
par des arrêtés locaux; il y est procédé tantôt par les soins
de commissaires-priseurs, d'officiers publics spécialement
affectés à ces fonctions comme dans l'Inde en vertu d'arrêtés
des 3. avril 1832 et 14 septembre 1866, à Saigon et à Cholon
en vertu d'arrêtés des 11 juillet 1865 et 13 mars 1867, à
Papeete, en vertu d'un arrêté du 20 août 1883, tantôt par les
soins de greffiers, de notaires ou d'huissiers.
ARTICLE 5. — Barreau.
§ 1. — Avocat*.
801. Aux termes d'une ordonnance royale du 15 février 1831,
la profession d'avocat devait être librement exercée dans les
colonies française conformément aux lois et réglements en
vigueur dans la métropole. Il n'en est ainsi, en réalité, qu'aux
Antilles, à la Guyane et à la Réunion. Ailleurs, des corps spé-
ciaux, constitués avec privilège, ont été postérieurement orga-
nisés sous le nom de conseils commissionnés ou de conseils
agréés.

— 684 -
Dans les colonies que nous venons de mentionner, les
avoués avaient, comme nous l'avons vu, reçu des ordonnan-
ces de 1827 et de 1828 le droit de plaider. Lésés dans leurs
intérêts, ils contestèrent, aux Antilles, la légalité de l'ordon-
nance de 1831 ; la cour de cassation devant qui l'affaire fut
portée en dernier ressort rejeta leurs prétentions (1). Actuel-
lement, en principe, ils ne sont admis à plaider qu'en cas
d'insuffisance du barreau.
§ 2. Conseils commissionnés. Conseils agréés.
Avocats défenseurs.
802. Dans les établissements français de l'Inde, la profes-
sion de conseils commissionnés a été réglementée par le
titre de VI de l'ordonnance du 7 février 1842 modifié par les
décrets du 26 juin 1877, du 25 août 1883 et du 25 septem-
bre 1901.
Les parties ont le droit de présenter elles-mêmes leur défense
ou celle de leurs cohéritiers, coassociés et consorts, ainsi que
de leurs proches parents. Les parties qui n'usent pas de cette
faculté ne peuvent être représentées que par des conseils com-
missionnés, sauf à Mahé et à Yanaon où elles peuvent l'être
par des fondés de pouvoirs de leur choix.
Les conseils commissionnés, autrefois divisés en Européens
et Indiens, forment, depuis le décret du 25 août 1883, un seul
corps de défenseurs sans distinction d'origine. Le décret du
23 septembre 1901 a fixé leur nombre à 12 pour Pondichéry,
à 8 pour Karikal et à 6 pour Chandernagor. Ils doivent être
âgés de vingt-cinq ans accomplis et pourvus du diplôme de
licencié en droit ou du certificat de capacité délivré par les
écoles de droit des colonies; ceux qui sont licenciés en droit
prennent le titre d'avocats-conseils. Ils sont nommés par le
gouverneur, astreints à un cautionnement en immeubles ou en
numéraire et soumis, sous la surveillance du procureur géné-
ral, aux mêmes règles de discipline que les avoués des Antil-
les et de la Réunion. En cas d'infractions à leurs devoirs, ils
(1) Cass. civ. 30 décembre 1878 (André). D. P. 79.1.305.

— 685 —
peuvent être déférés directement à la cour d'appel de
Pondichéry, sans que le tribunal de première instance ait
eu à statuer. Ainsi le décide la Cour de cassation, malgré les
termes formels de l'article 142 de l'ordonnance du 7 fé-
vrier 1842 (1). Les conseils commissionnés. en effet, exercent
leur ministère devant la cour comme devant les tribunaux ;
ils prêtent serment devant la cour seule et ne peuvent être
révoqués que par elle. Celle-ci est donc plus particulièrement
chargée de leur surveillance et peut statuer en matière disci-
plinaire à leur égard sans être saisie par voie d'appel.
803. A Saint-Pierre et Miquelon, au Sénégal, en Nouvelle-
Calédonie et dans les- établissements français de l'Océanie,
des arrêtés locaux du 2 juillet 1874, des 5 mars 1859 et 30 dé-
cembre 1876, du 15 mars 1869 et du 17 mai 1886 ont orga-
nisé des corps de conseils agréés, ou de défenseurs, dont les
privilèges et les règles de discipline correspondent aux dis-
positions en vigueur dans l'Inde. Le diplôme de licencié en
droit peut être remplacé par un examen.
Le décret du 10 novembre 1903, sur l'organisation judiciaire
de l'Afrique occidentale française, a expressément maintenu
l'institution des conseils commissionnés et des défenseurs. Il
ajoute,que ces conseils et ces défenseurs peuvent représenter
les parties devant la cour et devant tous les tribunaux français
du ressort.
Au Congo, d'après le décret du 17 mars 1903, les parties
peuvent devant toutes les juridictions se défendre elles-mêmes
ou par mandataires ou sur mémoire. En matière de grand
criminel, un défenseur peut être désigné d'office parmi les
officiers, fonctionnaires ou citoyens jugés capables d'assister
l'accusé.
A Madagascar, l'article 23 du décret du 9 juin 1896 prévoit
également l'organisation, par arrêté du résident général, d'un
corps d'avocats-défenseurs dont l'intervention d'ailleurs ne
sera pas obligatoire, les parties conservant le droit d'agir et
de se défendre elles-mêmes.
804. Un décret du 15 mai 1884 avait réglementé la profes-
(1) Cass. civ. 7 juillet 1885 (Aff. Pounoutamby-Laporte). D.P. 86.1.203.

— 686 —
sion
d'avocat-défenseur en Cochinchine.
L'attention du
département des Colonies s'étant trouvée appelée sur les
inconvénients que présentait la faculté laissée aux avocats-
défenseurs de fixer à leur gré leurs honoraires, des décrets des
5 novembre 1888 et 13 septembre 1889 ont édicté des dispo-
sitions tendant à limiter ces émoluments. En môme temps, le
nombre des avocats-défenseurs, jusque-là illimité, a été fixé
à un maximum déterminé tous les cinq ans par le gouverneur
général, après avis du procureur général.
Les avocats-défenseurs de Cochinchine réunissent la pro-
fession d'avocat et le ministère d'avoué. Ils ont seuls qualité
pour plaider et conclure devant la cour et les tribunaux, ainsi
que pour faire tous actes de procédure. Leur intervention
néamoins n'est pas obligatoire, toute personne conservant le
droit de plaider et de postuler pour elle-même, ses cohéritiers
coassociés et consorts, et pour ses proches parents. En outre,
devant les juridictions de l'intérieur, les parties peuvent se
faire représenter ou assister par des fondés de pouvoirs agréés
par le tribunal.
Pour exercer comme avocat-défenseur en Cochinchine et
être inscrit au tableau dressé à cet effet par la cour d'appel de
Saigon, il faut : 1° être âgé de vingt-cinq ans accomplis, ou
obtenir une dispense accordée par le gouverneur général seu-
lement aux candidats âgés d'au moins vingt et un ans ; 2° être
français et licencié en droit ; 3° avoir été inscrit pendant deux
années à un barreau en France ou aux colonies, ou avoir
rempli pendant deux ans des fonctions judiciaires, ou enfin jus-
tifier de deux années de cléricature en France, en Algérie ou
aux colonies, postérieurement à l'obtention du diplôme de
licencié en droit; 4° fournir des garanties de moralité;
5° enfin, verser a la caisse des dépôts et consignations un
cautionnement de 2,000 francs.
Les avocats-défenseurs sont nommés par le gouverneur
général sur l'avis du procureur général et après enquête faite
par la cour. Ils ne sont pas astreints à résider à Saigon et
peuvent, en cas d'absence ou d'empêchement, se faire rem-
placer par un secrétaire réunissant les conditions voulues
pour être nommé avocat-défenseur.
Le corps des avocats-défenseurs de la Cochinchine avait été

— 687 —
soumis, en matière disciplinaire, à des dispositions spéciales,
différentes de celles qui, dans la métropole, sont applicables
à la profession d'avocat. Il a paru que ces règles exception-
nelles pouvaient être de beaucoup atténuées et qu'on devait
préparer une assimilation progressive de la profession d'avo-
cat-défenseur en Cochinchine à celle d'avocat, telle qu'elle
existe, dans la métropole, pour les membres du barreau:
C'est à cette préoccupation qu'a répondu le décret du
6 mars 1898. Il a créé, près la cour d'appel de Saigon, une
chambre de discipline des avocats-défenseurs. Elle est com-
posée d'un président et de deux membres pris parmi les avo-
cats-défenseurs et nommés par eux. La chambre de discipline
prononce contre les avocats-défenseurs et suivant la gravité
des cas l'avertissement, le rappel à l'ordre, la censure simple,
la censure avec réprimande. Les décisions prononçant les
deux dernières peines sont susceptibles d'appel devant la cour
de Saigon de la part de l'avocat-défenseur poursuivi.
Le procureur général convoque les avocats-défenseurs en
assemblée générale chaque année dans la deuxième quinzaine
de décembre pour l'élection au scrutin secret de la chambre
de discipline. Tous les avocats-défenseurs inscrits au tableau
sont électeurs et éligibles. Sont également électeurs mais non
éligibles les secrétaires d'avocats-défenseurs remplaçant les
titulaires absents ou empêchés. Les secrétaires d'avocats-
défenseurs sont d'ailleurs inscrits sur un tableau spécial
dressé chaque année par la cour d'appel.
Les avocats-défenseurs de Cochinchine pouvaient autrefois
constituer une chambre syndicale. Le décret du 5 no-
vembre 1888 a supprimé cette institution dont l'existence
avait du reste, jusqu'alors, été purement fictive. Ce même
décret avait autorisé les avocats-défenseurs de la Cochinchine à
exercer leur profession dans toute l'Indo-Chine française. Un
barreau spécial, soumis aux mêmes règles que celui de la
Cochinchine, a, depuis lors, été institué au Tonkin par les
décrets du 13 janvier 1894 et du 8 août 1898. Le décret du
G mars 1898, qui a créé une chambre de discipline pour les
avocats-défenseurs de la Cochinchine, n'est pas applicable aux
avocats-défenseurs du Tonkin.
804 bis. Enfin, dans celles de nos possessions où n'existent

— 688 —
encore ni avocats-défenseurs, ni conseils commissionnés ou
agréés, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se
faire représenter, avec l'agrément du tribunal, par des fondés
de pouvoir de leur choix.
ARTICLE 6. — Assistance judiciaire.
803. Un décret du 16 janvier 1854 a réglementé cette ma-
tière pour les Antilles et la Réunion. L'admission à l'assis-
tance judiciaire, devant les tribunaux, les cours et les juri-
dictions administratives, est prononcée par un bureau établi
au chef-lieu de chaque arrondissement judiciaire et composé :
1° du chef du service de l'enregistrement ou de son représen-
tant; 2° d'un délégué du secrétariat général; 3° de trois
membres nommés par le procureur général, et pris parmi les
anciens magistrats, les avocats ou anciens avocats, les avoués
ou anciens avoués, les notaires ou anciens notaires. Le bureau
choisit son président; le greffier remplit les fonctions de
secrétaire. Le bureau ne délibère valablement que si trois
membres sont présents; il statue à la majorité des voix, celle
du président étant prépondérante en cas de partage. Les
demandes aux fins d'assistance judiciaire sont adressées au
procureur de la République du tribunal du domicile du requé-
rant; le bureau procède à une enquête tant sur l'indigence du
demandeur que sur le fond de l'affaire et statue sur la requête
après un essai de conciliation. Si le requérant ne peut vala-
blement s'adresser à la juridiction près de laquelle le bureau
saisi est institué, celui-ci transmet le dossier au bureau d'assis-
tance judiciaire établi près la juridiction compétente.
Si la juridiction saisie se déclare incompétente, le bénéfice
de l'assistance, une fois accordé, subsiste devant le tribunal
auquel l'affaire est définitivement portée. Le même bénéfice est
conservé à l'assisté en cas d'appel ou de pourvoi en cassation
interjeté contre lui. Il est nécessaire, au contraire, qu'une
décision nouvelle intervienne, pour lui maintenir ce bénéfice,
s'il forme lui-même un appel principal ou un pourvoi en
cassation.
Les effets de l'assistance judiciaire, aux Antilles et à la
Réunion, sont les mêmes qu'en France.

— 689 —
En matière correctionnelle, le prévenu indigent qui en fait
la demande obtient du président la désignation d'un défenseur
d'office. En matière criminelle, il est pourvu à la défense des
accusés dans les conditions indiquées par l'article 294 du Code
d'instruction criminelle.
806. Dans la plupart de nos autres colonies, il a été, comme
le prévoyait l'article 28 du décret du 16 janvier 1854, statué
sur la matière par des arrêtés locaux reproduisant en majeure
partie les dispositions du décret du 16 janvier 1854 (Guyane,
arr. 15 avril 1854; Saint-Pierre et Miquelon, arr. 5 mai 1854;
Sénégal, arr. 15 juin 1855; Établissements français de l'Inde,
arr. 1er mai 1854; Nouvelle-Calédonie, arr. 5 septembre 1864;
Tahiti, arr. 8 octobre 1873; Cochinchine, arr. 26 no-
vembre 1868; Tonkin, arr. 12 novembre 1889).
SECTION III
ORGANISATION MUNICIPALE
§ 1. — Martinique, Guadeloupe, Réunion.
807. L'organisation municipale des trois colonies régies
par le sénatus-consulte de 1854 est, sauf quelques légères
modifications, identique à celle de la métropole. L'article 11
du sénatus-consulte porte que le territoire de ces trois îles
sera divisé en communes, que l'administration de chacune
d'elles sera composée d'un maire, d'adjoints et d'un conseil
municipal, et que les maires, adjoints et conseillers munici-
paux seront nommés par le gouverneur (1). L'article 6 laisse
à des décrets, rendus dans la forme des règlements d'admi-
nistration publique, le soin de statuer sur l'administration
municipale en tout ce qui n'est pas réglé par le sénatus-consulte
lui-même, c'est-à-dire les trois points précédents.
Le Parlement qui avait, par la loi du 28 mars 1882, déjà
(1) Le décret-loi du 3 décembre 1870, articles, avait modifié cette situa-
tion en ce qui concerne l'élection des conseillers municipaux, remise au
suffrage universel; les maires et adjoints étaient nommés par le gou-

verneur parmi les conseillers municipaux.
COLONIES. I.
11

— 690 —
statué sur l'élection des maires, a, par la loi du 5 avril 1884,
abrogé sue ce point le sénatus-consulte de 1834 et, ainsi
que le Conseil d'État l'a déclaré dans un cas analogue (V. n° 259) ,
un décret en forme de règlement d'administration publique ne
pourrait plus dorénavant statuer sur l'organisation municipale,
sauf pour les matières qui ne seraient pas réglées par la loi
de 1884.
808. Les articles 33, 34, 43, 44, 86, 133, 13G, 165, 166 de
la loi du 5 avril 1884, rendue applicable aux colonies de la
Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion par l'article 165,
indiquent les modifications qui ont dû y èlre apportées par
suite de l'organisation spéciale de nos établissements d'outre-
mer, (les modifications sont de deux ordres : les unes sont de
simples dévolutions d'attributions confiées dans la métropole
à des fonctionnaires, à des conseils qui n'existent pas aux
colonies ; les autres, plus importantes, résultent des difficultés
de communication ou du régime tout spécial des communes
coloniales.
Dans les cas d'autorisation de vente de biens mobiliers ou
immobiliers des communes (art. 110), d'approbation ou de
modification du budget pour les villes dont le revenu est de
3 millions de francs au moins (art. 145, 148, 149), on a pensé
qu'on ne pouvait recourir à la longue formalité d'un décret et
qu'on devait laisser au gouverneur, en conseil privé, le soin
de statuer. Mais un décret est toujours nécessaire en cas de
changement de nom d'une commune (art. 2) ; de révocation
des maires et adjoints (art. 86) ; de fixation des dépenses de la
police dans les villes ayant plus de 40,000 habitants (art. 103);
d'acceptation de dons ou legs en cas de réclamation (art. 111);
d'approbation d'emprunts dans certains cas (art. 119); d'éta-
blissement de centimes pour insuffisance quand il s'agit de
pourvoir à des dépenses non obligatoires (art. 133); de nomi-
nation do receveurs municipaux dans les communes dont le
revenu dépasse 300,000 francs (art. 156); de constitution de
commissions syndicales pour les communes possédant des
biens indivis (art. 161). Dans tous ces cas, en effet, où il n'y a
pas urgence, il n'était pas nécessaire de s'écarter du régime
métropolitain.
809. Les difficultés de communication ont fait donner aux

— 691 —
gouverneurs, en conseil privé, le droit de dissoudre les conseils
municipaux (art. 43) ou de nommer des commissions spé-
ciales (art. 44), attributions qui sont dans la métropole du
ressort des décrets; mais on n'a pas jugé nécessaire de leur
accorder le même droit en ce qui concerne la révocation des
maires et adjoints (art. 86) et on a limité leur pouvoir à celui
dont jouit le ministre de l'Intérieur, la suspension pendant
trois mois. Dans la plupart des cas ce délai suffit pour que, si
la révocation du maire est nécessaire, le décret parvienne dans
la colonie avant l'expiration des trois mois de suspension : le
gouverneur aurait, d'ailleurs, la ressource extrême de dis-
soudre le conseil municipal.
810. Les incompatibilités avec les fonctions de conseiller
municipal, de maire, d'adjoint, sont les mêmes que dans la
métropole; il a été toutefois nécessaire d'ajouter, à l'énumé-
ration donnée aux articles 33 et 34, les gouverneurs représen-
tants de l'autorité métropolitaine, les directeurs de l'intérieur
(aujourd'hui, par délégation, les secrétaires généraux), rem-
plissant une partie des fonctions des préfets et sous-préfets,
les membres du conseil privé qui siègent au conseil du con-
tentieux dans les mêmes conditions que les conseillers de pré
fecture dans la métropole ; cette incompatibilité s'étend aux
conseillers privés suppléants comme aux titulaires (1). L'ar-
ticle 34 prévoit le cas peu probable où un gouverneur, un
directeur de l'intérieur, maintenant un secrétaire général, un
membre d'un conseil privé, serait élu conseiller municipal en
France ou dans une colonie autre que celle dans laquelle il
exerce ces fonction»; dans ce cas, l'élection ne serait pas
nulle de plein droit, mais le fonctionnaire devrait opter entre
sa situation et le mandat municipal.
La loi a mentionné comme inéligibles, dans le ressort où ils
exercent leurs fonctions, les employés de préfecture et de
sous-préfecture ; il est probable que. c'est par omission que
les employés des secrétariats généraux des colonies n'ont pas
été compris dans cette nomenclature, mais les cas d'inéligibi-
lité étant de droit étroit, on ne saurait par assimilation leur
(1) Cf. Cons. d'Et. cont. 26 juin 1885, aff. Dufond. L. 85.614.

— 692. —
appliquer la règle relative aux employés de préfecture ; ils
sont donc, selon nous, éligibles (1).
Il n'en est pas ici de même pour les conseils généraux
(V. n° 389); le décret du 3 décembre 1870 a rendu applicables
aux colonies les dispositions législatives qui régissent en
France l'élection des conseils généraux; ceci implique néces-
sairement l'application complète des assimilations — mais
tout au contraire la loi municipale a pris soin d'édicter à
chaque article, en particulier dans ceux qui règlent l'éligibi-
lité, les dispositions spéciales relatives aux colonies; on ne
saurait ajouter, par assimilation, aux énumérations données
par la loi.
811. Les dévolutions d'attributions faites par l'article 165 ne
donnent lieu à aucune difficulté : le ministre des Colonies est
naturellement substitué à ses collègues de l'Intérieur, des
Cultes ou des Finances pour les attributions que la loi leur
confie. La loi porte (art. 165, § 4) que les attributions confé-
rées au ministre de l'Intérieur sont dévolues aux gouverneurs;
pour ne pas voir une erreur de rédaction dans ce paragraphe
qui ne vise que des articles de loi conférant des attributions
aux préfets, il faut croire que le législateur a pensé, en par-
lant d'attributions ministérielles, à l'article 69 de la loi de 1884
qui suppose que, dans certains cas, l'approbation des délibé-
rations peut appartenir au ministre.
La plupart des attributions des préfets en matière municipale,
appartiennent aux gouverneurs : on a cependant confié (art.
165, § 5) aux directeurs de l'intérieur (aujourd'hui, par délégation ,
aux secrétaires généraux) certaines d'entre elles qu'on a jugées
sans doute d'une importance secondaire : proposition en matière
de sectionnement ; consultation des conseils municipaux
(art. 12) (2); récépissé des procès-verbaux d'élection (art. 29);
(1) Cette opinioD n'est pas partagée par l'administration, Une décision
ministérielle du 19 avril 1884, rapportée dans le Traité de l'organisation
municipale
par M. Morgand (t. 2, p. 547), a déclaré les employés des
directions de l'intérieur maintenant secrétariats généraux non éligibles
aux conseils municipaux.

(2) Les conseils généraux des colonies n'ayant qu'une session ordi-
naire, il a fallu modifier pour eux la loi municipale; toute demande ou
proposition de sectionnement doit être faite au moins trois mois avant
l'ouverture de la session ordinaire du conseil général.


— 693 —
appel au conseil privé (art. 38) ; recours au Conseil d'Etat contre
les décisions des conseils privés en cas d'élection (art. 37) ; noti-
fication des décisions du conseil privé en matière d'élection (art.
40) ; révocation des gardes champêtres (art. 102). On aurait pu,
il semble, dans les attributions laissées au gouverneur, en trouver
un certain nombre qui ne sont pas plus importantes que celles-
ci et qui auraient pu être confiées au directeur de l'intérieur.
Celui-ci d'ailleurs est chargé de toutes les fonctions dévolues
aux sous-préfets dans la métropole, sauf, probablement par
erreur, en ce qui concerne la prolongation des sessions des
conseils municipaux (art. 46), quele gouverneur seul peut
décider. On peut, toutefois, se demander si l'article 165 de la
loi ne donnant au gouverneur que les pouvoirs du ministre ou
du préfet, cette indication de l'article 46 ne tombe pas d'elle-
même ; mais comme on ne saurait, sans prescription spéciale,
et, de plein droit, donner ces attributions au directeur de l'in-
térieur ou à tout autre fonctionnaire, il paraît conforme à la
bonne exécution du service de faire, en ce cas, signer les
arrêtés par le gouverneur.
Les attributions appartenant aux conseils de préfecture en
matière électorale (art. 36 à 40), et dans le cas de déclaration
de démission d'un conseiller municipal (art. 60), qui sont de
véritables attributions de juridiction administrative, appartien-
nent dans les colonies aux conseils du contentieux.
Lorsque le conseil de préfecture statue au contraire comme
conseil du préfet (art. 65, 66, 111, 152), ou comme tuteur
des communes (art. 121, 123, 125, 126, 127), ou comme juge
des comptes (art. 157, 159), ses attributions aux colonies son
remplies par le conseil privé.
Celui-ci est également chargé de l'examen, sauf appel, des
comptes qui, dans la métropole, sont adressés directement à
la Cour des comptes (art. 157, §§ 2 et 15) ; on a pensé, sans
doute, que les questions toutes spéciales qui se traitent aux
colonies devaient, tout d'abord, être examinées sur place.
812. La loi municipale a prévu également une dérogation
aux règles générales qu'elle édicte en ce qui concerne l'octroi
de mer (art. 166). Celui-ci, en effet, est perçu à l'entrée des
marchandises dans les colonies ; le revenu, encaissé en tota-
lité par l'administration centrale de la colonie, est réparti en-

— 694 —
suite entre les diverses communes. On ne pouvait laisser aux
conseils municipaux coloniaux les droits que les conseils de la
métropole possèdent en vertu des articles 137, 138 et 139 de
la loi.
813. Les ressources des communes coloniales sont celles
fixées par l'article 133 de la loi pour les communes métropo-
litaines, ainsi que certaines ressources spéciales aux colonies,
et dont la perception est autorisée par des lois ou décrets. Un
décret du 2G avril 1902 a rendu applicable à la Martinique,
à la Guadeloupe et à la Réunion, la loi du 7 avril précédent ;
cette loi modifiait certaines dispositions de la loi du a avril
1884 sur les centimes additionnels et toutes autres contri-
butions que peuvent voter en France les conseils municipaux. Il
n'appartient pas, par suite, au gouverneur, mais uniquement
au Président de la République, par décret en Conseil d'Etat,
d'approuver des impositions nouvelles que les communes
voudraient adopter.
Les impositions spéciales aux communes coloniales sont
actuellement: l'octroi de mer; —■ aux Antilles, une part
dans le produit des licences de cabaret et dans celui des
patentes, part fixée par le conseil général sauf approba-
tion par décret, et ne pouvant être modifiée que de la même
manière ; à la Guadeloupe, des centimes additionnels sur
la taxe des loyers des maisons et sur les patentes ; à ta
Réunion, divers centimes additionnels, une part dans le pro-
duit des contributions directes, etc. Les droits des conseils
municipaux et généraux, des gouverneurs et du pouvoir cen-
tral, en ce qui concerne les impositions établies ou à établir
au profit des communes, ont été rappelés dans un avis de la
section des finances du 12 mai 1885, qu'il nous paraît néces-
saire de reproduire in extenso (1).
(i) Cons. d'Et. fin. 12 mai 1885. — Considérant qu'il résulte des
termes de l'article A de la lui du 24 avril 1833 que les conseils colo-
niaux de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion avaient
qualité pour légisférer,dans les conditions prévues aux articles 5 et 8 de
ladite loi, en matière d'organisation municipale, et en particulier sur
les recettes des budgets communaux; que ce droit a été, par le décret
susvisé du 27 avril 1848, dévolu aux commissaires généraux de la Répu-

blique et par suite aux gouverneurs; — Considérant que depuis le sé-
natus-consulte du 3 mai 1831, les conseils généraux des anciennes

— 695 —
814. Les dépenses des communes coloniales se divisent,
comme dans la métropole, en dépenses obligatoires et en dé-
penses facultatives ; à la liste des dépenses obligatoires poul-
ies communes coloniales comme pour les autres, l'article 13G
de la loi a ajouté le traitement du secrétaire et des employés
colonies n'ont plus, en matière de recettes municipales, le droit de lé-
giférer que possédaient les conseils coloniaux sous le régime de
la loi
de 1833; que le sénatus-consulte du 3 mai 1854 (art. 13, § 8 et celui
du 4 juillet 1860 (art. 1er) n'ont conféré auxdits conseils généraux
l'attribution de voter des taxes et contributions que pour l'acquittement

des dépenses de la colonie ; que l'exception explicitement formulée à
l'occasion de l'octroi de mer, par l'article 2 de ce dernier sénatus-
consulte, confirme la règle générale qui vient d'être rappelée ; qu'il en
est ainsi, à plus forte raison, depuis la loi du 5 avril

1884 qui étend,
dans la plus large mesure, aux communes des colonies anciennes, les
dispositions de la législation municipale de la métropole; — Considérant

dès lors que les prélèvements sur les contributions et taxes coloniales
qui ont été attribuées aux communes par des décrets coloniaux inter-
venus dans les conditions prévues aux articles 5 et 8 de la loi de 1833
ou des arrêtés des gouverneurs intervenus dans les conditions prévues
par le décret de 1848, antérieurement au régime créé par le sénatus-

cousulte du 3 mai 1854,, existent en vertu d'actes législatifs; qu'il en
résulte, au profit des municipalités de véritables droits acquis dont elles

ne pourraient être dépouillées par des délibérations des conseils géné-
raux, que ces droits acquis ne pourraient être supprimés que par des
dé:rets délibérés en Conseil d'Etat et constituant ainsi des actes légis-
latifs en vertu de l'article 6, § 8. du sénatus-consulte du 3 mai 1854,
sous la réserve du droit qui appartient aux conseils généraux, en vertu
de l'article 1er du sénatus-consulte de 1866, de voter le tarif des per-
ceptions même grevées d'attributions au profit des communes ; — Con-
sidérant d'autre part que ces attributions aux communes, dès qu'elles
ont pour origine des délibérations des conseils généraux postérieures
au sénatus-consulte du 3 mai 1854, ne constituent que des subventions

analogues à celles que les assemblées départementales de la métropole
peuvent accorder à une ou plusieurs communes, et dont l'importance
et la répartition sont subordonnées aux votes annuels de ces assemblées ;

— Considérant qu'aux termes de l'article 133, n° 14, de la loi du
5 avril 1884, les recettes municipales comprennent, dans les trois an-
ciennes colonies, les ressources dont la perception est autorisée par les
lois et décrets ; qu'en vertu de la disposition non abrogée de l'ar-
ticle 6, § 8, du sénatus-consulte du 3 mai 1854, des décrets délibérés en
Conseil d'Etat statuent sur l'administration municipale eu tout ce qui
n'a pas été réglé par la loi susvisée de 1884; que, dès lors, des décrets
ainsi délibérés sont suffisants et nécessaires pour autoriser, dans les

communes coloniales, la perception de taxes particulières directes ou
indirectes et pour fixer les règles d'assiette de ces taxes; qu'en ce qui
concerne les tarifs des taxes à percevoir, il appartient aux assemblées
communales, par application de l'article 08, § 7, de la loi municipale, de

les voter sous la réserve de l'approbation de l'administration supérieure;
qu'il résulte de la combinaison des articles 69 et 105, § 4} de ladite loi


— 696 —
de la mairie, les contributions assises sur les biens commu-
naux, enfin les dépenses pour la milice qui ne sont pas à la
charge du trésor. La mention relative aux contributions pa-
raîtrait faire double emploi avec celle du paragraphe 16 du
même article, mais celui-ci ne prévoit que les contributions
établies par la loi, tandis qu'aux colonies les contributions
sont votées par les conseils généraux et approuvées par
décrets.
•815. La comptabilité des communes coloniales est régie
par le décret du 20 novembre 1882 modifié en quelques points
secondaires par la loi municipale. Celle-ci a, en particulier,
accorder au gouverneur le droit de remplir presque toutes
les attributions qui lui appartiennent en matière de compta-
bilité municipale, sans avoir recours à l'assistance du conseil
privé, qui auparavant était obligatoire. La comptabilité des
communes est, comme celle de tous les services coloniaux,
soumise au contrôle des inspecteurs des colonies (1).
§2. — Saint-Pierre et Miquelon. Sénégal. Guyane. Nou-
velle-Calédonie. Etablissements français de l'Océanie.
816. Les décrets des 13 mai 1872 (communes de Saint-
Pierre et de Miquelon); 10 août 1872 (communes de Saint-
que ce droit d'approbation des délibérations communales appartient en
principe aux gouverneurs; que ces règles ont déjà été appliquées par
le Conseil d'Etat, relativement aux droits municipaux de licence dans le
projet de décret sur l'impôt des spiritueux à la Martinique; — Considé-
rant d'ailleurs que rien ne fait obstacle à ce que les perceptions qui
pourraient être approuvées au profit des communes par des décrets spé-
ciaux puissent revêtir, dans certains cas, la forme de taxes additionnelles
aux perceptions effectuées pour le compte du service local, sauf à im-
poser aux communes une part contributive dans les frais de perception;
que toutefois, en ce qui concerne les centimes additionnels portant
également sur les contributions directes correspondant à celles de la
métropole, il a été statué complètement par la loi du 5 avril 1884 sur
la compétence des diverses autorités appelées à les voter et à en auto-
riser la perception :
Est d'avis : Qu'il y a lieu de répondre dans le sens des observations
qui précèdent à la question posée par le ministre.
V. l)éc. 31 janvier 187-2, annulant une délibération du conseil général
de la Réunion. B. 0. Réunion 1872.
(1) Cf. Circ. min. 6 juillet 1882.

— 697 —
Louis et de Gorée) ; 8 mars 1879 (commune de Nouméa);
15 octobre 1879 (Guyane) ; 12 juin 1880 (commune de Rufis-
que) sont presque identiques. Il suffira de passer en revue le
premier en indiquant successivement les quelques change-
ments apportés depuis pour les autres communes. L'organisa-
tion résultant de ce décret a, d'ailleurs, été modifiée en
quelques points par le décret du 26 juin 1884 applicable à ces
colonies.
Le décret du 20 mai 1890 qui crée une commune à
Papeete rend applicable à cette commune le décret du
8 mars 1879.
817. Les deux colonies do Saint-Pierre et Miquelon et de la
Guyane sont complètement soumises au régime municipal ;
toutefois, en ce qui concerne la Guyane, ce n'est pas sans
quelques hésitations que ce régime a été appliqué (1). Le
régime municipal n'a été complètement établi que par un
décret du 17 décembre 1892.
Au Sénégal et en Nouvelle-Calédonie, au contraire, les
décrets ont constitué, avec des territoires déterminés (2), des
communes de plein exercice : quatre au Sénégal, une en Nou-
velle-Calédonie. Le reste du territoire, sur lequel l'élément
français est très peu important ou nul, a été, au Sénégal sur-
tout dans certaines parties, soumis à un régime administratif
qui rappelle un peu celui de l'Algérie : c'est ainsi qu'un
décret du 13 décembre 1891 a créé des communes mixtes et
des communes indigènes. Des arrêtés du gouverneur, délibérés
en conseil privé, peuvent ériger en communes mixtes ou en
(1) V. notamment Déc. 12 décembre 1889.
(2) Les
territoires de Saint-Louis, de Gorée-Dakar et de Rufisque
devaient, aux termes des décrets des 10 août 1872 et 12 juin 1880, être
déterminés par des décrets ultérieurs. Ceux-ci ont été rendus : pour
Saint-Louis, les 10 mars 1873 et 30 décembre 1884; pour Rufisque, le
10 septembre 1881. Pour Gorée-Dakar, le décret ne paraît pas avoir été
rendu ; un arrêté local du 20 septembre 1872 avait fixé les limites de la
commune. Cette question a cessé d'avoir un intérêt depuis le décret du
17 juin 1887 qui a érigé en communes distinctes les deux sections de
Gorée et de Dakar. Des décrets des 2 mai et 26 novembre 1904 ont porté
respectivement à 16 et à 18 le nombre des conseillers municipaux des
communes de Rufisque et de Dakar.
Pour Nouméa, le décret de création a fixé, comme territoire, la pres-
qu'île de Nouméa y compris le Pont-des-Français.

— 698 —
communes indigènes les territoires d'administration directe
qui, tout en étant susceptibles de recevoir une organisation
municipale, ne renferment pas une population européenne ou
assimilée suffisante pour justifier l'application des décrets
relatifs aux communes de plein exercice. Les communes mixtes
et indigènes sont personnes civiles ; elles sont administrées par
des commissions spéciales que préside l'administrateur colonial
et qui comptent de 5 à 9 membres choisis par le gouverneur
parmi les notables. Dans les communes mixtes, ces commis-
sions exercent à peu près les attributions des conseils munici-
paux.
Dans les communes indigènes, elles ne sont que con-
sultatives.
En Nouvelle-Calédonie, on a créé aussi des rudiments d'as-
sociations communales (Voir n° 824).
La création de nouvelles communes, les modifications aux
territoires de celles existantes, etc., doivent être faites par un
acte de la même valeur que celui qui a constitué les com-
munes actuelles, c'est-à-dire par un décret.
818. Les conseils municipaux ont une composition différente
suivant l'importance des centres : le chiffre des conseillers est
fixé par le décret pour Saint-Pierre et Miquelon, le Sénégal et
Nouméa; il est au contraire déterminé à la Guyane par le gou-
verneur qui doit, toutefois, se conformer aux principes de l'an-
cienne loi municipale du 5 mai 1855.
Les conditions d'éligibilité, le mode d'élection des conseil-
lers municipaux, la suspension et la dissolution des conseils
sont, par suite du décret du 20 juin 1884, les mêmes qu'aux
Antilles et à la Réunion.
L'extension à la Guyane et à la Nouvelle-Calédonie de la loi
métropolitaine sur les conditions d'éligibilité a fait surgir une
question assez grave : la possibilité pour les fonctionnaires et
agents de l'administration pénitentiaire de faire partie des con-
seils municipaux. 11 a été bientôt reconnu que cette mesure
présentait de graves inconvénients, et un décret du 23 no-
vembre 1887 a, de nouveau, prononcé l'inéligibililé de ce per"
sonnel.
La règle en vigueur dans la métropole et d'après laquelle le
pourvoi au Conseil d'État en matière électorale a un effet sus-

— 699 —
pensif a été étendue par un décret du 20 décembre 1887 aux
élections municipales dans toutes les colonies.
Il en est de même en ce qui concerne les maires et adjoints,
pour la nomination, les cas d'inéligibilité, la suspension, la
révocation, etc. Toutefois la durée de trois mois, fixée comme
maximum de la suspension, a dû être portée à six mois pour
Nouméa, la Guyane et Saint-Pierre et Miquelon ; les communi-
cations sont parfois assez difficiles pour qu'il soit impossible
au gouverneur de recevoir une réponse à une proposition de
révocation dans les limites fixées pour les Antilles et la Réunion.
819. 11 y a lieu, d'ailleurs, d'appeler, au sujet de l'élection
des maires, l'attention sur un fait intéressant. : les colonies,
autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, sont,
par l'article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854. soumises
en toute matière au régime des décrets simples, sauf les excep-
tions que nous avons indiquées précédemment (V. n° 265).
Lors de la discussion de la loi du 28 mars 1882, ayant pour
but l'extension à tous les chefs-lieux de canton du droit d'é-
lection des maires et adjoints par les conseils municipaux, un
article spécial, introduit par voie d'amendement, appliqua cette
règle à toutes les colonies sans exception. Un est arrivé ainsi
à ce résultat étrange, qu'un simple décret peut créer ou sup-
primer à volonté un conseil municipal, mais que, du moment
où ce conseil existe, il doit forcément élire le maire et les
adjoints.
820. Nous ne pouvons indiquer tous les points de détail par
lesquels l'organisation municipale de la Guyane, etc., diffère de
celle de la métropole : nous signalerons les plus importants,
ces différences tenant presque entièrement aux modifications
apportées par la loi de 1884 à celle de 1855.
Les sessions des conseils municipaux sont moins longues
que dans la métropole : leur durée est de dix jours seulement.
Les séances ne sont pas publiques.
L'absence prolongée d'un conseiller municipal aux séances
n'entraîne pas sa démission.
Les délibérations auxquelles ont pris part les membres du
conseil, intéressés aux affaires qui en font l'objet, ne sont pas
annulables de ce fait.
Il est statué sur l'appel des déclarations de nullité non par

— 700 —
une décision du Conseil d'État statuant au contentieux, mais par
un décret en forme de règlement d'administration publique.
L'introduction des plus imposés dans les délibérations des
conseils municipaux a été supprimée à la suite de la loi du
5 avril 1882, par un décret du 14 avril 1882.
821. Les attributions des maires sont peu différentes de ce
qu'elles sont dans la métropole. Toutefois, à Nouméa, les attri-
butions de police municipale sont maintenues presque entiè-
rement entre les mains du directeur de l'intérieur (aujourd'hui
gouverneur, et du secrétaire général), et à la Guyane, le maire
n'est chargé que de l'exécution des mesures de sûreté publique
au lieu des mesures de sûreté générale, ainsi que le prescri-
vent partout ailleurs les lois de 1855 et de 1844. Cette diffé-
rence a pour cause la présence, à la Guyane et à Nouméa, d'un
grand nombre de transportés et de libérés. A Papeete, un
décret du 29 mars 1900 a placé la police locale sous l'autorité
directe du gouverneur.
Les communes de la Guyane, de Saint-Pierre et Miquelon,
du Sénégal et de Nouméa ne sont pas soumises aux obliga-
tions civiles qui résultent pour les communes métropolitaines
des articles 106 à 109 de la loi municipale : l'entretien des
gardes champêtres (art. 102) n'y est pas obligatoire; il en est
de même des règles relatives aux cloches des églises, etc.
(art. 100 et 101).
822. Les dépenses obligatoires comprennent, en plus de
celles prévues dans la métropole, les dépenses de la milice,
les secours aux fabriques en cas d'insuffisance de revenus
constatée, et les contributions établies par voie réglementaire.
D'autre part, aucune obligation n'est imposée aux communes
en ce qui concerne le personnel de la police (en dehors des
commissaires) et l'entretien des chemins vicinaux. 11 est vrai
que les communes doivent supporter comme dépenses obliga-
toires toutes celles mises à leur charge par une disposition
spéciale. Que doit-on entendre par ces termes? Il nous semble
qu'ils ne peuvent s'appliquer qu'à une disposition ayant la
môme valeur réglementaire que l'acte lui-même qui a fixé les
dépenses obligatoires, c'est-à-dire à un décret ; un arrêté du
gouverneur ne nous paraît pas suffisant.
Les recettes ordinaires sont les mêmes qu'aux Antilles ; là,

— 701 —
encore, nous retrouvons les termes :
« taxes de ville et de
police dont la perception est autorisée par les règlements ».
La même interprétation doit être adoptée, mais des décrets
(postérieurs d'ailleurs à ceux relatifs à l'organisation munici-
pale) ayant délégué aux gouverneurs le droit de rendre provi-
soirement exécutoires les délibérations des conseils généraux
sur le mode d'assiette des impôts, des recettes ordinaires peu-
vent être ainsi établies régulièrement par un arrêté, en atten-
dant l'approbation définitive par un décret.
Pour les contributions extraordinaires, les conseils munici-
paux peuvent voter des centimes additionnels dans des limites
fixées chaque année par le gouverneur ; ces contributions
peuvent être votées pour cinq ans sans autorisation, pour
moins de douze ans avec approbation du gouverneur ; au delà
de cette limite un arrêté du gouverneur pris en conseil privé
est nécessaire.
823. En Nouvelle-Calédonie, des commissions municipales
ont été créées par arrêtés locaux des 2 juillet 1879 et
12 août 1881. Ces commissions sont composées de trois mem-
bres élus pour deux ans par un collège électoral dans lequel
les étrangers sont admis comme les citoyens français. Les
commissions élisent les maires et les adjoints (art. 12; juin 1882);
elles ont à faire face à la plupart des dépenses des communes
ordinaires et possèdent comme ressources une part dans l'oc-
troi de mer et une subvention du budget local.
En dehors des localités où ces commissions ont été éta-
blies, douze autres circonscriptions ont été constituées au
point de vue de l'état civil seulement ; l'officier de l'état civil
est nommé par le gouverneur.
§ 3. — Madagascar.
824. Du gouvernement général de Madagascar dépendent
actuellement sept communes: celles de Tananarive, de Tamatave,
de Majunga, de Fiananratsoa, de Diégo-Suarcz, de Nossi-Bé
et de Sainte-Marie. Déjà en rattachant à l'administration de
Madagascar les établissements de Diégo-Suarez, de Nossi-Hé
et de Sainte-Marie de Madagascar, le décret du 28 janvier 1896
les avait érigés en communes représentées par des commis-

— 702 —
municipales. D'autre part, le gouverneur général, appréciant
les avantages de ce système administratif, l'avait appliqué, à
titre d'essai, par arrêté du 15 octobre 1897, dans les villes de
Majunga et de Tamatave, où l'expérience avait également été
satisfaisante. Un arrêté du gouverneur général en date du
30 novembre 1898 transforma de même en centres commu-
naux, sans commissions municipales, les villes de Tananarive
et de Fiananratsoa. Il sembla dès lors que Ton pouvait avec
des chances de succès rendre définitives à la fois et généra-
liser ces règles provisoires, et, dans ce but, est intervenu un
décret en date du 2 février 1899 qui autorise le gouverneur
général de Madagascar à ériger en communes les principaux
centres de la colonie.
Dans ces communes, les administrateurs des chefs-lieux
exercent les fonctions de maire ; ils sont ordonnateurs de toutes
les dépenses civiles. Il existe dans chaque commune un budget
municipal, dont la principale ressource a, jusqu'à l'année 1906,
il est vrai, été la subvention allouée par le budget local. Ils
établissent annuellement les budgets municipaux, que le gou-
verneur général approuve en conseil d'administration. C'est
aussi le gouverneur général qui fixe la nomenclature des
impôts perçus dans les centres érigés eu communes en distinguant
les contributions et taxes établies au profit du budget muni-
cipal, et celles dont le produit est versé au budget local de la
colonie.
824 bis. En dehors des sept communes ainsi constituées, il
n'existe à Madagascar ni maires, ni commissions municipales. En
présence de cette situation, le gouverneur général a été autorisé,
par décret du 15 janvier 1899, à constituer des centres de
l'état civil et désigner les fonctionnaires qui y seront investis
des fonctions d'officiers de l'état civil. Ce rôle est d'ailleurs,
en général, dans nos possessions africaines, en ce qui con-
cerne du moins les actes intéressant les Européens, attribué
aux administrateurs ou au personnel placé sous leurs ordres.
D'autre part, un décret du 9 mars 1902 a réorganisé l'ad-
ministration indigène des provinces de l'Emyrne, à Madagascar.
Cette administration comprend des gouvernements principaux,
des gouvernements (madinika ou faritany), des quartiers ou
foko-tany.

— 703 —
Le fokon-tany représente l'unité de circonscription admi-
nistrative indigène. Chaque village constitue, en principe,
un fokon-tany, et l'ensemble de la population habitant le foko,
est désigné sous le nom de fokon'-olona. Cette sorte de com-
mune indigène a un chef, le mpiadidy, désigné par la majo-
rité des membres du fokon'-olona, rémunéré au moyen d'une
remise sur le produit des impôts, et pouvant être assisté par
des mpikarakara, désignés dans les mêmes conditions.
Les membres d'un fokon'-olona ont des pouvoirs en ma-
tière de police judiciaire et administrative, de justice civile,
de voirie, de salubrité et d'assistance publique. Ils exercent
ces attributions, que le décret énumère et précise, autant que
possible, à la diligence et sous la direction des mpiadidy et
mpikarakara. Ils peuvent être rendus collectivement et pécu-
niairement responsables des négligences constatées dans l'exé-
cution des obligations qui leur incombent.
§ 4. Inde.
825. L'organisation municipale de l'Inde, régie par le décret
du 12 mars 1880, présente des particularités analogues à celles
relatives au conseil général (V. nos 456 et s.). Antérieurement
au décret du 26 février 1884, tous les électeurs participaient
également à la désignation des membres des conseils sous
cette réserve que les Européens et descendants d'Européens
avaient droit à un certain nombre de places à Pondichéry, à
Chandernagor et à Karikal. A la suite du décret du 26 février
et en raison de la situation nouvelle des Indiens renonçants,
on établit, comme pour le conseil général et les conseils locaux,
trois listes d'électeurs, chacune d'elles choisissant le tiers des
membres du conseil. Ce système a été modifié, comme pour
les élections au conseil général, par le décret du 10 septembre
1891). Le décret du 8 avril 1898 sur le mode d'établissement
et distribution des listes électorales est de môme applicable
aux élections municipales de l'Inde (nos 495 et 498).
826. Le gouverneur conserve le droit de diviser les com-
munes en sections électorales et de répartir entre elles le
nombre des conseillers proportionnellement au chiffre des
électeurs.

— 704 —
Le sectionnement ne pourrait d'ailleurs être fait que pour
l'ensemble des électeurs, et non pas, uniquement, pour une ou
plusieurs listes.
Les conseils municipaux continuent, comme sous l'empire
de l'ancienne législation, à être élus pour six ans, avec re-
nouvellement par moitié tous les trois ans ; le décret n'indique
pas le mode des partages des membres, lors du renouvelle-
ment, pour les conseils comptant un nombre impair de mem-
bres; par analogie avec ce qui était prescrit en 1880 pour les
sections électorales (art. 9, § 4), on doit admettre qu'un tirage
au sort détermine, aussitôt après l'élection, la répartition des
élus de chaque liste entre les deux séries.
827. Le décret du 12 mars 1880 déclare inéligibles les
électeurs qui ne savent ni lire ni écrire le français ou la langue
native de l'établissement : on a fait remarquer que l'article 28
du même décret exigeant que, dans les communes autres que
les communes rurales, des délibérations fussent rédigées en
français, ceci impliquait la nécessité de n'admettre dans les
communes urbaines que des conseillers lisant et écrivant le
français. Cette prétention a été repoussée ; le Conseil d'État a
décidé que cet article n'a ni pour but, ni pour effet de faire
de la connaissance de la langue française une condition d'éli-
gibilité dans les communes urbaines (1).
Un décret du 29 juin 1886 a fixé l'ordre dans lequel les
conseillers municipaux doivent siéger et sont appelés à exercer
les fonctions municipales.
Le tableau de chaque conseil municipal doit être dressé en
prenant alternativement dans chaque liste et dans l'ordre des
trois listes, les conseillers suivant la date de leur élection et
le nombre des suffrages obtenus. Le gouverneur possède le
droit de désigner d'avance un conseiller municipal pour
remplacer le maire et les adjoints, absents ou empêchés.
828. Les maires et adjoints sont élus par les conseils mu-
nicipaux conformément à la loi du 28 mars 1882. Rien ne
limite les choix des conseils municipaux, de telle sorte que
l'on peut arriver à ce résultat surprenant que des mariages
suivant la loi française soient célébrés par un officier de l'état
(1) Cons. d'Et. cont., 28 avril 1882 ( élection de Pondichéry). L. 82.386,

— 705 —
civil non soumis aux prescriptions de cette loi. Le décret du
12 mars 1880, s'appliquant uniquement au cas de nomination
par le gouverneur, il a été nécessaire de le compléter (1) par
une disposition déclarant inéligibles pendant une année, comme
dans la métropole, les maires et adjoints révoqués. Le gou-
verneur a, d'ailleurs, le droit de suspendre les maires pendant
trois mois, comme dans les autres colonies.
829. Les conseils municipaux peuvent être suspendus par
arrêté du gouverneur pendant six mois au lieu d'un mois,
délai prévu pour les autres colonies ; la dissolution est pro-
noncée par le gouverneur comme partout ailleurs.
Une disposition spéciale à l'Inde permet aux maires de con-
voquer les conseils municipaux sans autorisation du gouver-
neur et sans consulter le chef de l'établissement, en cas
d'événements calamiteux et quand les communications avec
Pondichéry sont complètement interrompues, c'est-à-dire
évidemment quand on ne peut communiquer par le télé-
graphe.
830. Les attributions des maires et des conseils municipaux,
les recettes des communes, sont, sauf quelques points de'
détail, les mêmes que dans les autres colonies, telles que la
Guyane.
Quant aux dépenses obligatoires, les communes de l'Inde
ont à supporter, en outre de celles que nous avons indiquées,
les frais d'élection, les dépenses de la vaccination, celles de'
clôture des bûchers qui tiennent, en partie, lieu de cimetières,
les abonnements au Bulletin des lois et au Bulletin de la
colonie.
Par contre, elles sont dispensées de l'entretien des
commissaires de police, des dépenses de l'instruction publique,
des cultes, des enfants assistés. Pour celles de ces dépenses
nécessaires dans l'Inde, c'est le budget local qui y subvient.
831. Le grand nombre d'aidées séparées, constituant
chacune des communes de l'Inde, peut motiver la création
de nouvelles communes; le décret de 1880, après avoir'
prescrit pour la formation de ces communes l'avis du con-
seil municipal et la production de certains documents , dit
(1) Déc. 13 avril 1883.
COLONIES, I.
45

— 706 —
que le projet sera ensuite porté devant le conseil général,
conformément à la loi. Aucune loi ne s'applique au régime
colonial ou communal de l'Inde ; toutefois, le décret du
25 janvier 1879 (art. 34) exige l'avis du conseil général
en matière de changements proposés aux circonscriptions
administratives. Mais la fixation des communes ayant été
faite par l'article 1er du décret du 12 mars 1880, c'est de
la même manière que des modifications peuvent être doré-
navant apportées au nombre ou à la circonscription des
communes.
§ 5. — Indo-Chine.
832. Cochinchine. L'organisation municipale de Saigon (1)
diffère de celle des communes de la Guyane, du Sénégal, etc.,
surtout en ce qui concerne la composition et le mode d'élec-
tion du conseil municipal. Celui-ci est formé de huit membres
français ou naturalisés et de quatre membres indigènes, non
compris le maire et les deux adjoints. Le décret du
20 avril 1881 n'était pas autrement explicite et n'indiquait pas
à quelle partie de la population appartiendraient ces trois der-
niers membres du conseil. Mais antérieurement, sous l'empire
du décret du 8 janvier 1877 (art. 31), le maire et les adjoints
ne pouvaient être pris que parmi les membres français ; un
arrêté local du 14 septembre 1881 interpréta le décret du
20 avril dans le même sens, et le conseil se trouva ainsi com-
posé de onze membres citoyens français et de quatre sujets in-
digènes.
Les uns et les autres sont élus au suffrage universel et direct;
la liste des citoyens français, élisant onze membres, est la liste
communale dans les conditions prévues par les décrets du
2 février 1852 et du 13 janvier 1866: quant aux sujets indi-
gènes, appelés à désigner quatre d'entre eux, la liste électorale
doit être établie en se rapprochant autant que possible des
mêmes conditions; un arrêté du gouverneur du 4 juillet 1881
a prescrit, par suite, l'établissement de la liste électorale par
(1) Les limites de la commune de Saigon ont été fixées par le décret
du 15 décembre 1877.

— 707 —
les soins de la commission prévue à l'article 9 du décret du
8 janvier 1877. Tous les électeurs sont éligibles; mais l'Anna-
mite élu comme sujet français peut-il rester au conseil muni-
cipal s'il vient à se faire naturaliser citoyen français? Cette
question soulevée en 1882 au conseil municipal de Saigon n'a
pas été tranchée depuis. Malgré l'opinion émise par le gou-
verneur de la Cochinchine (1), nous croyons que l'opposi-
tion entre les termes : membres français ou naturalisés et
membres indigènes, implique l'impossibilité de compter parmi
ceux-ci les naturalisés; et si, comme nous le pensons, il y a
un intérêt politique à admettre l'opinion contraire, c'est le
décret du 29 avril 1881 qu'il faudrait modifier (2).
Le décret organique du 2 février 1852 est déclaré appli-
cable ; les électeurs doivent être sujets français, âgés de
21 ans et jouir de leurs droits civils et politiques. C'est là une
rédaction de forme dont il serait probablement difficile de
trouver l'application en Cochinchine. Comment un Annamite
peut-il être déchu de ses droits civils et surtout de ses droits
politiques9 Cet arrêté de 1881, que le rapport au gouverneur
signale comme provisoire, ne paraît pas avoir soulevé de dif-
ficultés. Aucune modification n'y a été apportée.
833. Le maire est élu par le conseil municipal conformé-
ment à la loi du 28 mars 1882; antérieurement à cette loi, il
était nommé par le gouverneur, mais uniquement parmi les
membres français du conseil. Il est évident que le législateur
de 1882, si son attention avait été appelée sur ce fait, n'aurait
pas voulu modifier cette situation, mais ne l'a-t-il pas modifiée?
Les termes de la loi du 12 août 1876 sont formels : le conseil
municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres. Les
quatre conseillers, sujets annamites, sont membres du conseil
municipal : ils doivent donc procéder à l'élection et peuvent
être élus; la restriction du décret du 8 janvier 1877, art. 31,
se trouve abrogée.
834. Les attributions du maire, celles du conseil municipal,
sont presque exactement les mêmes qu'à Saint-Pierre et Mi-
quelon. Toutefois, on a supprimé de la liste des matières sur
(1) Lettre du directeur de l'intérieur au maire de Saigon; séance du
conseil municipal, 20 novembre 188-2.
(2) V. par analogie n° 469.

— 708 —
lesquelles le conseil est nécessairement appelé à donner son
avis les questions relatives aux cultes et aux établissements
de bienfaisance, quand ceux-ci ne reçoivent pas de secours sur
les fonds communaux. Le régime religieux tout spécial de la
Cochinchine, où la séparation de l'État et de l'Eglise existe
complètement, explique la première dérogation, mais non la
seconde.
833. Les ressources de la commune de Saigon sont un peu
différentes de celles des autres colonies; un décret du 2 mai
1883, approuvant une délibération du conseil colonial, y a
compris la totalité des patentes assises dans les limites du ter-
ritoire de la commune, la totalité de l'impôt foncier des centres
•dans les mêmes limites, une part de 25,000 piastres sur le
produit de l'impôt de capitation des Asiatiques étrangers. Ce
décret du 2 mai 1883 était indispensable parce que celui du
• 8 février 1880 avait abrogé l'obligation pour la colonie d'ac-
corder à la commune de Saïgon une part dans le principal des
contributions des patentes, et laissait la commune à la dis-
crétion du conseil colonial. L'approbation de la délibération
de ce conseil du 23 novembre 1882 constitue maintenant une
obligation pour la colonie.
Les dépenses obligatoires ne comprennent pas tout ce qui
est relatif a la police, aux enfants assistés, aux conseils des
prud'hommes, a la chambre de commerce et aux pensions des
employés municipaux, qui, d'après le décret du 8 janvier 1877,
devaient rester à la charge du budget local, arrêté à cette
époque par l'administration. Depuis l'organisation du conseil
colonial, on peut prétendre que le budget local n'est pas
obligé de comprendre ces dépenses, mais il n'en faut pas
moins remarquer que le décret, classant dans les dépenses
obligatoires de la colonie les dépenses de personnel et de
matériel des différents services publics, n'a pas, par ces ter-
mes, formellement exclu les services municipaux.
83C. Outre la commune de Saigon, constituée par décret,
divers arrêtés des gouverneurs ont donné à l'importante ville
de Cholon une organisation municipale. C'est par un arrêté du
20 octobre 1879 qu'un conseil municipal a été constitué; il est
composé d'un président nommé par le gouverneur; — de trois
membres européens, présentés par la chambre de commerce

— 709 —
de Saigon, autant que possible parmi ceux qui dirigent une
industrie ou un commerce à Cholon et nommés par le gouver-
neur— de quatre membres annamites élus par les Annamites,
âgés de 21 ans au moins et payant au moins 100 francs de
contributions, ou inscrits dans les communes rurales (1) —
de quatre membres chinois élus par leurs nationaux, âgés de
21 ans au moins et payant 200 francs de contributions di-
rectes. Les élus doivent être âgés de 27 ans. Le régime de
cette commune est celui de la loi du 18 juillet 1837, avec ad-
jonction aux dépenses obligatoires du traitement et du loge-
ment du président du conseil municipal et des dépenses de
l'instruction publique.
On peut se demander si, malgré le fait que l'organisme
municipal de Cholon dépend d'un simple arrêté du gouver-
neur, la loi du 28 mars 1882 n'y est pas applicable.
Enfin, les villages annamites ont conservé leur ancienne
organisation, chaque commune formant une sorte de petite
république oligarchique. Les citoyens actifs, payant l'impôt
foncier, participant au service de la milice et représentant
à peu près le dixième de la population mâle, prennent seuls
part à l'administration municipale et à l'élection des notables
chargés de la direction des affaires. Les communes ont des
biens; elles sont imposées en bloc pour le payement des con-
tributions directes et répartissent elles-mêmes entre les
citoyens actifs les sommes à payer (2).
837. Annam, Tonkin et Cambodge. — A côté des communes
annamites qui, comme en Cochinchine, ont conservé leur
ancienne organisation, ii existe, dans nos autres possessions
d'Indo-Chine, des institutions municipales plus conformes à
la législation métropolitaine.
A Hanoï et à Haïphong, un arrêté du gouverneur général en
date du 31 décembre 1891 a créé des municipalités com-
posées d'un maire, de deux adjoints et de conseils municipaux
(1) L'électorat a été, en outre, accorJé par un arrêté du 13 mars 1882
aux Annamites exempts de l'impôt personnel en raison de leur âge ou
de leurs infirmités.

(2) V. pour l'organisation de la commune annamite ; A. Bouïnais, La
Cochinchine contemporaine, p. 140.

— 710 —
élus. Le maire est l'administrateur des services civils qui rem-
plit dans chacune des deux villes les fonctions de résident. Les
adjoints sont nommés par le résident supérieur. Quant aux
conseils municipaux, ils comprennent des membres français
et des membres annamites. Les membres français sont au
nombre de dix; ils sont nommés par tous ceux de nos com-
patriotes âgés de 21 ans au moins.
Aux termes de l'arrêté du 31 décembre 1891, le résident
supérieur exerce en principe vis-à-vis du conseil municipal, à
Hanoï et à Haiphong, les attributions conférées au préfet, au
conseil de préfecture et au conseil général par la loi du
5 avril 1884.
A Tourane, il existe une municipalité créée par arrêté
du gouverneur général en date du 24 mai 1889. Cette muni-'
cipalité se compose de l'administrateur, maire, et d'une com-
mission municipale.
Au Cambodge, un arrêté du gouverneur général en date du
6 avril 1903 (1) a établi à Pnom-Penh une municipalité égale-
ment composée de l'administrateur, maire, et d'une commis-
sion municipale.
(1) Voir le texte de ces arrêtés dans le Recueil général permanent des
actes relatifs à l'organisation et à la réglementation de l'Indo-Chine.

— 711 —
TITRE V.
LÉGISLATION COLONIALE.
SECTION PREMIÈRE.
LÉGISLATION EMPRUNTÉE A LA MÉTROPOLE.
ARTICLE PREMIER. — Code civil.
§ 1. Considérations générales.
838. Entre les deux systèmes que les nations européennes,
selon leurs affinités, appliquent à l'organisation de leurs colo-
nies, celui d'une assimilation à la métropole et celui d'une
autonomie plus ou moins grande, les tendances traditionnelles
de notre pays nous ont portés à donner la préférence au pre-
mier. Toute notre législation coloniale se trouve dominée,
comme d'un principe fondamental, par ce penchant à trans-
former chacune de nos possessions dans ses institutions et dans
ses lois jusqu'à ce qu'elle devienne l'image exacte de la mère-
patrie. Cette assimilation, dont le terme final, la forme la plus
absolue, serait la transformation de la colonie en département,
comme le projet en a été émis, à juste raison, pour les Antilles
françaises et ta Réunion, paraît aujourd'hui d'autant plus utile,
sur certains points, que les relations de la métropole avec ses
possessions deviennent plus faciles et plus actives. Le règle-
ment des transactions exige de plus en plus, pour la France et
ses colonies, l'établissement d'une loi unique. Aussi, partout
le permet l'état politique et social du pays, est-il presque
de règle aujourd'hui que des dispositions soient prises soit
par le Parlement, soit par le pouvoir exécutif, pour que la
loi métropolitaine, au moins dans ses éléments essentiels,
soit en même temps la loi coloniale.
Dans les pays de protectorat également, l'application de lois
rendues pour la France a été souvent étendue, soit par décret,
soit par arrêté local. Dans ces contrées toutefois, ce n'est pas
la législation même de la métropole qui se trouve, en réalité,
mise en vigueur; c'est une législation nouvelle, plus ou moins

— 712 —
inspirée de celle-ci, dont elle peut se borner même à repro-
duire entièrement les dispositions, qui se trouve alors édictée.
La loi française ne peut être applicable que sur le territoire
de la France et de ses colonies proprement dites, c'est-à-dire
celles de nos possessions que l'annexion rattache complète-
ment au sol de la mère-patrie.
§ 2. Différences entre le Code civil colonial et le Code
civil métropolitain.
839. L'éloignement de nos possessions d'outre-mer et les
particularités de leur organisation n'auraient pas toujours
permis l'entière application du droit civil de la métropole.
Pour certaines matières, notamment la nationalité, le mariage
et les successions vacantes, il a été nécessaire d'édicter
quelques dispositions spéciales à nos colonies.
840. La naturalisation a été, par des décrets en date des
25 mai 1881 et 10 novembre 1882, soumise, en Cochinchine
et en Nouvelle-Calédonie, à des règles spéciales. D'après le
premier de ces décrets, en vigueur en Cochinchine, l'indigène
annamite, né et domicilié sur le sol de la colonie, peut être
investi de la qualité de citoyen français s'il justifie : 1° de
l'âge de vingt et un ans ; 2° de la connaissance de la langue
française; encore peut-il être dispensé de celte dernière con-
dition s'il est décoré de la Légion d'honneur, de la médaille
militaire, ou de médailles d'honneur. Il doit se présenter, soit
devant le maire de sa commune, soit devant l'administrateur
de son arrondissement pour formuler sa demande et déclarer
qu'il entend désormais être régi par les lois françaises. Après
enquête sur la moralité et les antécédents du candidat, le
dossier est transmis au gouverneur général qui émet un avis
et fait parvenir la demande au ministre des colonies. Il est
statué par un décret rendu sur la proposition du ministre des
colonies et du garde des sceaux. Lorsqu'il s'agit d'indigènes
présents sous les drapeaux, les autorités militaires exercent les
attributions dont sont investis le maire et l'administrateur. La
naturalisation de l'indigène annamite est collective dans ses
effets; elle s'applique à sa femme et à ses enfants mineurs en
même temps qu'à lui même. Elle permet d'exercer tous les

— 713 —
droits civils et politiques reconnus aux citoyens français. Elle
n'est frappée en France d'aucun droit de sceau; un droit de
100 francs est perçu au profit de la colonie.
Ces dispositions sont applicables aux indigènes des pays de
l'Extrême-Orient placés sous le protectorat de la France et
ayant un an de domicile en Cochinchine ou ayant rendu des
services aux intérêts français, ainsi qu'aux étrangers immigrés
et ayant trois années de séjour clans la colonie.
Le décret du 10 novembre 1882 avait soumis à des condi-
tions identiques à celles que détermine le décret du 25 mai 1881,
la naturalisation des étrangers établis en Nouvelle-Calédonie.
Ces deux décrets, que nous avons appréciés déjà au point
de vue de. leur légalité (V. n° 254), se trouvent aujourd'hui
modifiés par les dispositions nouvelles sur la nationalité ren-
dues applicables aux colonies. On sait que la loi du 26 juin 1889
a réglé à nouveau les conditions dans lesquelles s'acquiert,
se perd et se recouvre la qualité de Français. Cette loi, par
son article 2, était déclarée de plein droit applicable à la
Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion; elle prévoyait,
dans son article 5, qu'un règlement d'administration publique
déterminerait les conditions auxquelles ses dispositions seraient
applicables aux autres colonies, ainsi que les formes à suivre
pour la naturalisation dans les possessions françaises.
La préparation de ce règlement a été confiée à une commis-
sion extraparlementaire, dont le projet, le Conseil d'Etat
entendu, a été transformé en un décret signé le 7 février 1897.
L'article 17 de ce décret établit, d'ailleurs, qu'il n'est rien
changé à la condition des indigènes dans les colonies françaises.
Le décret du 25 mai 1881 subsiste donc en tant que réglant la
naturalisation des indigènes en Cochinchine. Il n'est plus
valable, au contraire, comme s'appliquant aux étrangers
immigrés dans la colonie. Le décret du 10 novembre 1882 se
trouve de même abrogé.
D'une manière générale, le décret du 7 février 1897 déclare
applicable, sous certaines modifications, aux colonies autres
que la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion, les articles7,
8, 9, 10,
12, 17, 18, 19, 20 et 21 du Code civil. Pour la
naturalisation notamment, il impose aux étrangers l'obliga-
tion de justifier de trois années de résidence ininterrompue

— 714 —
dans les colonies. La durée de cette résidence est toutefois
réduite à une année pour l'étranger ayant rendu des services
importants à la France ou à ses colonies ou pour l'étranger
qui a épousé une Française. Il est statué par décret sur la
demande en naturalisation après une enquête sur la moralité
de l'étranger. La naturalisation donne lieu à la perception
d'un droit de sceau de 100 francs au profit de la colonie, sauf
remise totale ou partielle accordée par décret.
840 bis. La loi du 17 août 1897 qui a modifié divers articles
du Code civil afin d'obliger à mentionner d'office en marge
d'un acte déjà inscrit certains actes relatifs à l'état civil devait
avoir son effet dans les relations existant entre la métropole
et les colonies ou, inversement, entre les colonies et la
métropole. Dans le but de régler les nouveaux rapports à
établir, le ministre des colonies a, par circulaire du 27 novem-
bre 1897, adressé des instructions aux gouverneurs. Les dispo-
sitions essentielles de cette circulaire sont les suivantes. Lors-
qu'il aura été dressé, en France, un acte donnant lieu à men-
tion à inscrire en marge d'un acte dressé dans une colonie,
le texte de cette mention sera transmis dans la colonie par
l'intermédiaire du ministre des colonies et transcrit au pas-
sage sur le registre conservé aux archives coloniales à Paris.
Lorsqu'il aura été dressé, dans une colonie, un acte donnant
lieu à mention, soit dans la colonie, soit en France ou dans
une autre colonie, l'officier de l'état civil devra, dans les trois
jours, adresser, en triple expédition, la formule de la mention
au parquet. Une expédition est adressée par le parquet à la
circonscription d'état civil où l'acte primitif a été dressé, la
seconde l'est au greffe, la troisième l'est au dépôt des papiers
publics à Paris. Deux expéditions suffisent, si la mention doit
être faite dans la commune même où l'acte nouveau a été
dressé (1).
841. Le Code civil a subi, pour les colonies, en ce qui con-
cerne le titre du mariage, d'assez importantes modifications.
De bonne heure, le gouvernement a compris que l'application
stricte, dans nos possessions, des articles 145 et 164, pour-
(1) Cf. Circ, min col. 23 novembre 1897 — B. 0. C. 1897, p. 1108.

— 715 —
rait apporter au mariage des obstacles imprévus. Aussi, les
ordonnances do 1823 et de 1827 (art. 39, Antilles; art. 37,
Réunion) ont-elles donné au gouverneur, en conseil privé, à
la place du Chef de l'Etat, le droit d'accorder les dispenses
prévues par ces articles du Code. Les ordonnances, ou les
décrets qui ont successivement réglé l'organisation des autres
colonies, ont reproduit ces dispositions.
Les pouvoirs du
gouverneur ont été, sur ce point, confirmés par l'ordonnance du
7 juin 1832 qui, en étendant aux colonies, par son article 1er,
le bénéfice de la loi du 16 avril précédent sur les mariages
entre beaux-frères et belles-sœurs, ajoute, dans son article 2,
que la faculté de lever, pour des causes graves, les prohibi-
tions portées à ces mariages « sera exercée, dans les colonies,
par les gouverneurs en conseil ».
842. Des règles spéciales, destinées à faciliter les mariages
entre étrangers immigrants, ont été édictées par le sénatus-
consulte du 20 juillet 1867, applicable aux Antilles et à la
Réunion. Le gouverneur, en conseil privé, peut autoriser à
contracter le mariage des immigrants dont l'origine est inconnue
ou qui viennent de pays dans lesquels la famille civile n'est
pas constituée. Le conseil privé juge si les pièces qui lui sont
produitesétablissent suffisamment les conditions d'âge requises,
le célibat ou le veuvage des futurs conjoints; s'il est nécessaire,
un acte de notoriété est dressé dans les formes ordinaires;
les publications faites dans la colonie sont suffisantes. S'il
s'agit d'immigrants venant de pays où la famille civile est
constituée,
ceux qui sont mineurs et sous la
puissance
d'autrui sont admis à contracter mariage en justifiant de
leur capacité et du consentement de leurs parents suivant les
règles de leur statut personnel; ceux qui sont majeurs et ne
se trouvent plus en puissance d'autrui, peuvent se marier en
justifiant, par un acte de notoriété, des conditions requises.
La loi du 10 décembre 1850 sur le mariage des indigents est
applicable aux nécessiteux.
843. Les décrets du 28 juin 1877 et du 27 janvier 1883 ont
également, en vue de faciliter les unions légitimes, apporté
des modifications profondes aux dispositions du Code relatives
au mariage, pour la Nouvelle-Calédonie, les établissements
français de l'Océanie et la Cochinchine. Le premier de ces

— 716 —
actes, édicté pour la Nouvelle-Calédonie et Tahiti (1), ne
s'applique qu'aux individus dont les parents ou le conseil de
famille sont domiciliés hors d'Europe; le second, spécial à la
Cochinchine, vise tous les individus dont les parents ou le
conseil de famille sont domiciliés hors de nos possessions. Ce
second décret a été étendu au Cambodge, à l'Annam et au
Tonkin par un décret du 29 janvier 1890, au Laos et au terri-
toire de Kouang-Tchéou par un décret du 10 juin 1905.
Toute personne placée dans les conditions précédentes et
désireuse de contracter mariage, est dispensée des obligations
imposées par les articles du Code civil relatifs aux actes res-
pectueux. L'autorisation du conseil privé ou du conseil du
protectorat peut remplacer le consentement des ascendants,
du conseil de famille ou du tuteur ad hoc dans les cas prévus
par les articles 148, 149, 150, 159 et 1G0 du Code civil. Le
conseil privé ou le conseil du protectorat peut également dis-
penser les futurs conjoints de la production de leur acte de
naissance, par une dérogation à l'article 70, si leur identité et
leur âge paraissent suffisamment établis par d'autres pièces
dont il apprécie la valeur et l'authenticité. Il peut, de même,
les dispenser des publications prescrites par les articles 167
et 168 du Code civil, si les pièces produites lui semblent
suffisamment prouver qu'il n'existe au mariage aucun empê-
chement provenant de la parenté ou de l'alliance. Il peut appré-
cier enfin, sans exiger les pièces requises d'ordinaire, SI les
documents produits établissent la dissolution d'un mariage
antérieurement contracté. Les procès-verbaux du conseil font
mention des pièces présentées qui doivent être annexées aux
actes de mariage.
La légalité de ces décrets n'est pas douteuse s'ils n'ont d'effet
qu'à l'égard de personnes habitant les colonies. Mais, si les
parents d'un des futurs conjoints habitent la France, nous
(1) Les dispositions du décret du 83 juin 1877 ont été complétées, poul-
ies établissements de l'Océauie, par un décret du 18 octobre 1891 et
étendues à tous les sujets français de la colonie dont les ascendants
résident hors de nos possessions, quel que soit le lieu de leur résidence.
Ce même décret du 18 octobre 1891 dispense de la production de l'acte
authentique du consentement, prévu par l'article 73 du Code civil, les

futurs époux dont les parents résident dans une localité de la colonie
dépourvue de notaire ou de tout autre officier public.

— 717 —
avons des cloutes sérieux sur les conséquences de ces actes,
sur la validité de l'atteinte qu'ils apportent, dans la métropole,
aux dispositions de la loi.
Ajoutons que la loi du 20 juin 1896, destinée à faciliter les
formalités du mariage, est de plein droit applicable à la Mar-
tinique, à la Guadeloupe et à la Réunion. Elle a été étendue à
toutes nos autres colonies par un décret du 9 avril 1897.
La loi du 27 juillet 1884 sur le divorce, que son texte même
déclarait applicable à ces trois dernières colonies, a été étendue
à nos autres possessions. 11 en est de même, en vertu d'un
décret du 11 novembre 1887, de la loi du 18 avril 1885 sur la
procédure en matière de divorce. Toutefois, lorsque le divorce
est prononcé, l'extrait du jugement ou de l'arrêté ne peut,
aux colonies, comme le prévoit la loi de 1886, être inséré aux
tableaux exposés dans la chambre des avoués et clans celle
des notaires. Ces chambres n'existant pas, on remet l'extrait
du jugement au doyen des
avoués ou au doyen des
notaires (l).
844. Les articles 811 à 814 du Code civil, relatifs aux suc-
cessions vacantes, sont remplacés aux colonies par un ensemble
de dispositions spéciales. Dès 1781, le gouvernement royal
avait décidé de soumettre à des règles particulières, que for-
mulait un édit du 24 novembre de la même année « les suc-
« cessions vacantes dans les colonies françaises de l'Amérique,
«. les curateurs en titre d'office, les exécuteurs testamentaires
« et les légataires ». Cet acte fut maintenu formellement aux
Antilles, par l'arrêté colonial du 16 brumaire an XIV (7 no-
vembre 1805) promulguant le Code civil et resta en vigueur à
la Martinique et à la Guadeloupe jusqu'au décret du 27 jan-
vier 1855, portant règlement sur les curatelles aux successions
et biens vacants clans les colonies.
S'inspirant en cela de l'édit de 1781, le décret du 27 jan-
vier 1855, au lieu de laisser le tribunal, comme dans la métro-
pole, nommer un curateur à la succession vacante, institue
une curatelle d'office confiée au receveur de l'enregistrement.
Celui-ci est placé sous la dépendance d'un conseil de curatelle,
qui se prononce sur les actions a introduire en justice, sauf
(1) Cf. Circ. s.sec. Et. col., 14 janvier 1889 (B. 0. C, 1889, p. 26).

— 718 —
pour les actes purement conservatoires. Il exerce et poursuit
les droits des intéressés, et répond aux demandes formées
contre eux. Les curateurs sont soumis à un cautionnement et
sont responsables des actes de leur gestion personnelle ou de
celle de leurs commis; ils doivent justifier de l'insolvabilité
des débiteurs pour se dispenser de poursuivre la rentrée des
sommes dues à la succession. Leur gestion ne se termine que
par la liquidation complètement achevée de l'actif de la suc-
cession et par la remise de la succession aux ayants droit,
c'est-à-dire aux héritiers ou au Domaine.
Dès qu'il apprend le décès d'une personne non chargée de
fonctions administratives, le curateur, s'il ne se présente ni
héritiers, ni légataire universel, ni exécuteur testamentaire,
doit, aux termes de l'article 11 du décret du 27 janvier 1855,
provoquer immédiatement l'apposition des scellés. Ces dispo-
sitions sont d'ordre public; il ne peut y être dérogé par des
conventions particulières (1). Mais inversement, le curateur aux
successions vacantes est sans qualité pour provoquer l'apposi-
tion des scellés sur les biens dépendant d'une succession lors-
qu'il se présente un héritier, un légataire universel ou un exé-
cuteur testamentaire. 11 ne peut davantage prendre part aux
opérations ultérieures ni comme représentant la succession qui
n'est pas vacante, ni comme représentant ceux des héritiers
qui se trouvent absents, car l'absence de ces derniers ne rend
pas vacante la part qui leur est dévolue. La Cour de cassation
s'est prononcée formellement dans ce sens le 5 août 1895 (2).
(1) Cass. civ. 25 novembre 1885 (Sauvage Padéatiby). — Sirey, 87.1.357.
(2) Cass. civ., 5 août
1895. (Charras),
D. P. 1899.1.293. —
Vu
l'ar-
ticle 11 du décret du 27 janvier 1855; — attendu qu'il résulte de cette
disposition que les curateurs aux successions vacantes dans les colo-
nies sont sans qualité pour provoquer l'apposition des scellés sur les
biens dépendant d'une succession lorsqu'il se présente soit un héritier,
soit un légataire universel, soit un exécuteur testamentaire, ce qui
implique qu'ils sont sans qualité, en pareil cas, pour prendre part aux
opérations ultérieures notamment a la confection d'un inventaire et à
l'administration des biens et valeurs héréditaires, qu'ils ne peuvent inter-
venir dans lesdites opérations, ni comme représentant la succession qui
n'est pas vacante, ni comme représentant ceux des
héritiers qui se
trouvent absents, l'absence de ces derniers ne rendant pas vacante la
part qui leur est dévolue ; — attendu que, si l'article 2 du décret du
27 janvier 1855 confirme, en principe, la législation antérieure en ce
qui concerne les attributions des curateurs aux successions vacantes,
aucune disposition de cette législation ne conférait à ces fonctionnaires

— 719 --
Le curateur fait procéder à un inventaire ou, si ia suc-
cession consiste en valeurs mobilières inférieures à 1,000 francs,
à un procès-verbal descriptif établi par le juge de paix, Si
l'examen des papiers lui fait connaître les héritiers, il les pré-
vient lui-même; sinon, il transmet les renseignements qu'il a
recueillis au directeur de l'intérieur, et celui-ci, à son tour,
les adresse au Département des colonies qui prend les mesures
nécessaires pour continuer les recherches. Les successions non
réclamées sont acquises au Domaine, les délais de prescrip-
tion expirés.
Les curateurs aux successions vacantes ont leur gestion sé-
vèrement contrôlée par la direction de l'intérieur et par l'au-
torité judiciaire ; cette dernière examine les comptes de gestion
et délivre le quitus. L'actif de la succession est toujours versé
à la caisse des dépôts et consignation et remis aux héritiers
dès que ceux-ci se présentent et justifient de leur titres. En
cas de malversation, les ayants droit sont désintéressés par
la colonie qui, par contre, a toujours bénéticié jusqu'à présent
des successions non réclamées.
La comptabilité du curateur est soumise à certaines règles
déterminées par un arrêté ministériel du 20 juin 1864. Le cu-
rateur, qui reçoit d'office un mandat dont le décret de 1855
determine les conditions, ne peut accepter une procuration
émanant des héritiers. Il a droit d'ailleurs à une rétribution
calculée, d'après un décret du 21 janvier 1882, sur le tarif
suivant : un et demi pour cent sur les recettes, un et demi
pour cent sur les dépenses et cinq pour cent sur le solde cré-
diteur. Au surplus le curateur n'est pas comptable des deniers
publics et ne pourrait être constitué en débet par le ministre
des Colonies pour des sommes qu'il aurait indûment perçues (1).
Etabli par le décret du 27 janvier 1855 à la Martinique, à
la Guadeloupe et à la Réunion, le service de la curatelle a été
le droit de représenter dans toute succession vacante les héritiers
absents; — que, loin de là. aux termes de l'article 617 de l'edit du
24 novembre 1781, dans le cas même où il y avait des héritiers absents,

la curatelle et administration de la succession pouvait être déférée à
l'héritier présent ou a l'un des héritiers présents, à l'exclusion du cura-

teur, etc..
(1) C. d'Et. cont. 11 mai 1905 (Carrière),

— 720 —
depuis organisé dans toutes nos possessions sur les mêmes
bases, conformément à un décret du 14 mars 1890.
Le mode d'administration et de liquidation ne s'appliquait
pas, dans le système établi par le décret du 27 janvier 1855,
aux successions des officiers et agents civils et militaires dé-
cédés aux colonies. L'établissement des Invalides de la Ma-
rine appréhendait cette catégorie de succession et se chargeait
d'en répartir le montant entre les ayants droit. Mais à la suite
du rattachement des troupes coloniales ou Département de la
guerre, l'établissement des Invalides cessa d'assurer ce service
en ce qui concernait les successions du personnel militaire et
proposa de s'en décharger également en ce qui concernait les
successions du personnel civil. Le Département des colonies
fut amené dès lors à rechercher une réglementation nouvelle
pour l'ensemble du personnel relevant de son autorité. Le sys-
tème auquel il s'est arrêté est le suivant. Dès qu'un fonctionnaire
ou agent civil ou militaire est décédé, le directeur du com-
missariat des troupes coloniales ou son délégué pourvoit à la li-
quidation de la succession. Le montant en est versé au Trésor à
un compte spécial, puis transféré à la caisse des dépôts et con-
signations. Deux décrets sont intervenus le 2 septembre 1904
pour appliquer ces dispositions aux Antilles et à la Réunion d'une
part, à nos autres possessions d'autre part, (1), et pour modi-
fier en conséquence l'article 25 du décret du 27 janvier 1855.
845. La propriété mobilière et immobilière est, en règle
générale, dans nos colonies, protégée par les mêmes garan-
ties que dans la métropole. (2)
(1) Cf. Circ. min. 8 juillet 1903 [B. 0. C.,1905, page 792). V. également
instr. min. 18 juillet 1901 {B. 0. C. 1901 page 710), pour le cas où le
service des commissariat et la curatelle se trouveraient en désaccord
sur l'administration d'une succession vacante.
(2) Une situation particulière cependant se rencontrait, il y a quelques
années, dans les établissements français de l'Océanie, où la propriété
foncière n'était pas constituée. Un décret du 24 août 1887 a remédié à
cet état de choses, qui faisait naître de nombreux procès et s'opposait
à l'application du régime hypothécaire. Aux termes de ce décret, toute
personne se prétendant propriétaire devait faire déclaration au conseil
de district, après un délai d'un mois, à compter de l'insertion de cette
déclaration au journal officiel de la colonie; s'il n'y avait pas d'opposi-
tion, le Domaine délivrait un certificat de propriété ; s'il y avait opposition,
le conseil de district se prononçait. Ces dispositions n'ont, du reste, été
applicables que pendant cinq années, à dater de la promulgation du dé-

— 721 —
Des décrets du 16 juillet 1897, 28 mars 1899, 20 juillet eC
5 août 1900, et 24 mars 1901 ont introduit des règles nouvelles
dans la condition de la propriété foncière de Madagascar, au
Congo français, au Sénégal, à la Côte d'Ivoire, au Dahomey et
en Guinée française. Avec des modifications de détail, les dis-
positions de ces divers décrets se rattachent toutes, dans leur
ensemble, à un même système ; elles sont inspiréesdu régime
foncier des colonies australiennes connu sous le nom de sys-
tème de Act Torrens, et dont l'essai, en Tunisie, a donné
des résultats satisfaisants.
Facultativement en général, obligatoirement dans quelques
cas, et notamment lorsque les Européens et assimilés acquièrent
des terrainsdomaniaux ou des biens appartenant à des in-
digènes, ces dispositions soumettent les immeubles à la pro-
cédure dite de l'immatriculation. Cette procédure, dont les for-
malités ont été, en général, adaptées à la situation particulière
de nos possessions africaines, donne à l'immeuble immatriculé
une condition précise, ne laissant place à aucune incertitude
en ce qui touche le droit du propriétaire. Des conservations
de la propriété foncière sont instituées, dans les principaux
centres de celles de nos possessions où le régime nouveau est
mis en vigueur et pour chaque immeuble immatriculé un titre
de propriété est établi à la conservation dans le ressort duquel
il est situé. Tout droit nouveau portant sur l'immeuble im-
matriculé et pouvant modifier sa condition doit, pour être ορρο-
sable aux tiers, être inscrit sur le titre de propriété. Les décrets
postérieurs à celui du 16 juillet 1897, applicable à Madagascar,
établissent toutefois, quant aux effets de l'immatriculation à
cret; actuellement la preuve de la propriété ne peut plus être faite que
conformément aux règles du droit civil français. Plus spécialement tou-

tefois un décret du 31 mai 1902, complété par un décret du 20 novem-
bre 1903, a organisé la propriété foncière aux îles Marquises. Afin de

donner toute certitude dans l'archipel aux droits immobiliers et de mettre
un terme
à des revendications insolubles, le décret comprend des
dispositions toutes spéciales pouvant ainsi se résumer : 1° production de
tous les titres immobiliers privés; 2° étude de la valeur de ces titres et

délivrance de titres définitifs; 3° application, à l'avenir, aux titres ainsi
délivrés, des règles de la loi française, sous réserve que les indigènes
ne pourront disposer de leurs immeubles sans une autorisation adminis-
trative; 4° reconnaissance du domaine de l'Etat qui sera composé de
terres vacantes.

COLONIES, I.
46

— 722 —
l'égard (les tiers, une distinction très nette entre le titre de pro-
priété, qui a procédé d'une enquête approfondie et demeure
irrévocable, et les inscriptions de droits immobiliers auxquelles
il est procédé postérieurement, sans les mêmes garanties. Les
personnes lésées peuvent demander la modification ou l'annu-
lation d'une inscription sauf à respecter les droits acquis à des
tiers sur la foi de cette inscription.
Le régime nouveau soumet à des règles plus libérales que
dans le Code civil les privilèges et les hypothèques susceptibles
de grever l'immeuble immatriculé. 11 met cet immeuble à l'abri
de toutes hypothèques occultes, il écarte les hypothèques lé-
gales et judiciaires ainsi que les privilèges spéciaux sur les
immeubles, en assurant, par des garanties particulières et li-
mitées, la protection des mineurs, de la femme mariée, de l'é-
changiste et des copartageants. Il ne prévoit sur l'immeuble
immatriculé que deux sortes d'hypothèques, l'hypothèque con-
ventionnelle, qui peut être consentie par acte sous seing privé
et l'hypothèque, qui est acquise en vertu d'une décision de
justice. Ces règles toutefois sont loin d'être aussi précises dans
la législation applicable à Madagascar, où le décret du Hi juil-
let 1897, au milieu de dispositions assez diffuses, conserve no-
tamment, à l'imitation de la loi tunisienne, l'institution d'une
hypothèque testamentaire.
Dans son ensemble, ce système tend à simplifier la cons-
titution et la transmission des droits immobiliers, tout en
donnant à la propriété foncière une certitude absolue. Il est
certain que, dans l'ordre économique, ce régime doit offrir
ainsi des avantages appréciables, lorsqu'il s'agit surtout de
pays encore neufs, comme c'est le cas actuellement de nos pos-
sessions africaines.
Enfin, il ne faut pas oublier que les règles du Code civil
demeurent applicables en tout ce qu'elles n'ont pas de contraire
à la législation nouvelle. Les immeubles appartenant aux in-
digènes demeurent régis par les coutumes et usages locaux.
A ce dernier point de vue pourtant, le décret du 16 juillet 1897
sur la propriété foncière à Madagascar se borne à réserver
expressément « le statut personnel des Malgaches et les règles
de succession des indigènes titulaires de droits réels immo-
biliers ».

— 723 —
845 bis. Il y a lieu de mentionner enfin un certain nombre
de dispositions particulières ayant étendu à quelques-unes de
nos possessions les lois spéciales qui ont en France modifié ou
complété sur certains poinis le Code civil.
Un décret du 19 avril 1898 a étendu aux colonies de la Mar-
tinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, la loi du 17 juin
1893 qui avait porté application à l'article 2151 du Code civil
aux créances privilégiées.
La loi du 27 décembre 1890, complétant l'article 1780 du
Code civil, et la loi du 14 février 1900 portant modification à
l'article 1094 du Code civil ont été, par décret du 10 novembre
1900, rendues applicables à l'Indo-Chine. La loi du 7 avril
1900, portant modification aux articles 1153 et 1904 du Code
civil, a de même été déclarée applicable à l'Indo-Chine par un
décret du 30 juin 1904.
Un décret du 13 mai 1902 a rendu applicables à la Guyane
simultanément la loi du 30 janvier 1883, tendant à modifier
l'article 1734 du Code civil, relatif aux risques locatifs ; la loi
du H juillet 1892, ayant pour objet d'ajouter un paragraphe
à l'article 2280 du Code civil ; la loi du 16 mars 1893 sur la
publicité a donné à la décision qui pourvoit un individu d'un
conseil judiciaire ; la loi du 17 juin 1893 portant application
à l'article 2151 du Code civil aux créances privilégiées; la loi
du 1er mars 1898 sur les nantissements de fonds de commerce,
modifiant l'article 2075 du Code civil, et la loi du 31 mars
189G sur la vente des objets abandonnés ou laissés en gage par
les voyageurs aux hôteliers ou aubergistes.
ARTICLE 2. — Code de commerce.
846. La législation commerciale est, dans son ensemble,
aux colonies, semblable à celle de la métropole. Le Code de
commerce, avec les modifications qu'il avait subies, a été
rendu applicable dans les colonies d'ancienne formation par
la loi du 7 décembre 1850 ; il a été, depuis lors, étendu à nos
autres possessions (V. n° 187).
Les différentes modifications apportées au Code de com-
merce sont rendues de même applicables aux colonies à
mesure que sont promulguées des lois nouvelles. Ainsi le
décret du 2 septembre 1887 a étendu à nos possessions la

— 724 —
loi du 12 août 1885 (extension du droit d'abandon pour les
propriétaires de navires, amélioration des salaires des mate-
lots, etc.). Un décret du 9 juillet 1890 a déclaré applicable à
toutes les colonies la loi du 11 avril 1888, qui a modifié les
articles 105 et 108 du Code de commerce et dont le texte
môme prescrivait déjà la mise en vigueur aux Antilles et à la
Réunion. La loi du 4 mars 1889 concernant la législation des
faillites était également applicable à la Martinique, à la Gua-
deloupe et à la Réunion; elle a été, par un décret du 9 juil-
let 1890, étendue aux autres colonies. La loi du 4 avril 1890,
qui complète celle du 4 mars 1889, est aujourd'hui appliquée
à l'ensemble de nos possessions en vertu d'un second décret
rendu à cette môme date du 9 juillet 1890. Un décret du 6 sep-
tembre 1892 a déclaré applicables à toutes les colonies les lois
des 12 février 1872 et 24 mars 1891 modifiant les arti-
cles 450,550, 435 et 436 du Code de commerce. Citons encore des
décrets du 21 mai 1896 et du 23 octobre 1902 mettant en vigueur
en Indo-Chine et en Nouvelle-Calédonie la loi du 1er août 1893
sur les sociétés.
La contrainte par corps, en matière commerciale, civile et
pour les étrangers, avait été abolie aux Antilles et à la Réu-
nion par un décret du 6 décembre 1869, à la Guyane et au
Sénégal par un décret du 15 septembre 1871, à Saint-Pierre
et Miquelon par un décret du 13 janvier 1888. Confirmant et
généralisant ces différentes mesures, la loi du 27 juin et le
décret du 12 août 1891 ont déclaré applicables, la première
aux Antilles et à la Réunion, le second dans nos autres pos-
sessions, les lois du 27 juillet 1867 et du 19 décembre 1871
sur la contrainte par corps. Le décret du 12 août 1891 a lui-
même été, pour l'Indo-Chine, complété par un décret du 24 juil-
let 1893. Un décret du 25 septembre 1901 a réglementé la con-
trainte par corps dans l'Inde française.
Un décret du 18 mai 1897 a rendu applicable à nos posses-
sions de l'Indo-Chine la loi du 6 février 1895 portant modi-
fication à l'article 549 du Code de commerce.
La loi du 5 mars 1895, rendant applicable aux étrangers, ne
matière commerciale, l'article 166 du Code de procédure civile,
relatif à la caution judicatum solvi, a été de même étendue à
la Cochinchine par un décret du 10 novembre 1900.

— 725 —
La loi du 12 janvier 1886 relative au taux de l'argent en
matière commerciale, et la loi du 5 mars 1895, rendant ap-
plicable aux étrangers, en matière commerciale, l'article 166
du Code de procédure civile, relatif à la caution judicatum
solvi, ont été rendues applicables à la Guyane française par
décret en date du 13 mai 1902.
A Madagascar spécialement, aux termes d'un décret du
15 octobre 1902, les livres de commerce doivent être écrits
dans l'une des langues officielles de l'Europe ou en langue
malgache. Le commerçant failli qui a contrevenu à ces dis-
positions peut être déclaré
banqueroutier simple et puni
comme tel. Un décret du 28 octobre 1902 a, d'autre part,
rendu applicables à Madagascar les lois des 5 juillet 1844,
31 mai 1856, 23 mai 1858 et 7 avril 1902 sur les brevets
d'invention. Enfin un décret en datedu 19 février 1903 a
étendu à Madagascar l'application des lois et décrets relatifs
aux marques de fabrique et de commerce.
Enfin, d'une manière plus générale, le décret du 27 février
1891 sur les marques de commerce et de fabrique a été, avec
certaines modifications, rendu applicable aux colonies par
un décret du 18 mai 1894.
Un décret du 22 février 1905 a
rendu applicable dans
l'Afrique occidentale française la loi du 28 mars 1904 modi-
fiant l'article 134 du Code de commerce sur les effets de com-
merce échus un dimanche ou jour férié.
ARTICLE 3. — Code de procédure civile.
§ 1. — Dispositions communes.
847. Aux Antilles, à la Réunion et à la Guyane, où se
trouvaient institués tous les officiers ministériels prévus par le
Code de procédure civile, il a été possible de promulguer ce
Code presque dans toutes ses dispositions. Le législateur a dù,
au contraire, dans les autres colonies, édicter des règles
spéciales.
A mesure que se développe l'organisation de nos colonies,
des dispositions sont prises, d'ailleurs, pour rapprocher le plus
possible la procédure suivie des règles adoptées dans la métro-

— 726 —
pole. C'est ainsi, notamment, que des décrets du 23 mars 1889
et du 1er juillet 1890 ont étendu aux colonies l'application
de la loi du 2 juin 1881 modifiant l'article 693 du Code de
procédure civile, relatif à la péremption décennale des saisies
immobilières transcrites non suivies d'adjudication. Un décret
du 7 mai 1890 est intervenu de même en vue de la promul-
gation de la loi du 23 octobre 1884 sur les ventes judiciaires
d'immeubles.
Plus récemment, la loi du il mai 1900 ayant stipulé que les
parquets de France auraient dorénavant a transmettre les actes
judiciaires directement aux chefs du service judiciaire des colo-
nies et pays de protectorat, il a paru logique de décider que,
de leur côté, les chefs du service judiciaire de nos possessions
auraient à faire la transmission directe des significations. Deux
décrets sont intervenus à ce sujet le 18 janvier 1903, le premier
en Conseil d'Etal, pour la Martinique, la Guadeloupe et la
Réunion, le second pour les autres colonies et pays de protec-
torat, la Tunisie exceptée.
§ 2. — Disposition!; particulières à certaines colonies.
848. Aux Antilles, à la Réunion et à la Guyane, où le Code
de procédure a été promulgué dans la plupart de ses disposi-
tions, le pourvoi en cassation n'existe pas contre les jugements
des tribunaux de paix en dernier ressort et les jugements ren-
dus sur appel par les tribunaux de première instance. Ces
jugements ne peuvent être attaqués que par un recours en
annulation porté devant la cour d'appel, d'après une procé-
dure spéciale déterminée par les ordonnances portant applica-
tion du Code de procédure civile.
La même voie de recours a, d'ailleurs, été établie dans
toutes nos possessions, soit par les règlements organiques du
service judiciaire, soit par des décrets spéciaux.
849. A Saint-Pierre et Miquelon, la procédure à suivre de-
vant les tribunaux civils a été réglementée par l'ordonnance
du 26 juillet 1833 sur l'organisation judiciaire de la colonie.
Devant les tribunaux de paix, elle est, dans son ensemble, con-
forme aux règles suivies dans la métropole. Devant les tribu-
naux de première instance, aux termes de l'article 81 de

— 727 —
l'ordonnance, elle est déterminée par le titre XXV du livre II
du Code de procédure civile spécial aux tribunaux de com-
merce; toutefois, l'article 43G est remplacé, conformément à
l'article 643 du Code de commerce, par les articles 156, 158
et 159 du Code de procédure; l'article 423 s'applique même
aux matières civiles, les articles 426 et 442 ne peuvent être
appliqués.
L'article 86 de l'ordonnance organique soumet de même à
des règles spéciales la procédure suivie devant le conseil
d'appel; l'appel est formé, instruit et jugé conformément aux
dispositions du titre unique du livre III. du code de procé-
dure.
850. Au Sénégal, lesrègles do la procédure civile ont été
fixées par un arrêté local du 5 juin 1823, qui a résumé les
dispositions du code en cinquante-neuf articles ; la législation
métropolitaine est suivie comme raison écrite par les tribu-
naux.
D'après le décret du 10 novembre 1903, portant réorgani-
sation judiciaire de l'Afrique occidentale française, la procédure
en vigueur au Sénégal a été maintenue pour les tribunaux de
première instance de cette colonie et pour la cour d'appeL
Devant tous les autres tribunaux, la procédure est celle qui est
suivie devant les justices de paix de France. Les formes de
l'appel suivies au Sénégal ont été, sauf extension du délai
d'appel, rendues applicables à tous les tribinaux du ressort
de la cour.
Au Congo, d'après le décret du 17 mars 1903, la procédure
devant les tribunaux du premier degré est celle qui est suivie
devant les justices de paix de France sous réserve de quelques
modifications. L'appel est formé par simple requête, dans un
délai de deux mois, augmenté des délais de distance. La pro-
cédure suivie devant le tribunal supérieur est réglée par arrêté
soumis à l'approbation du ministre.
850 bis. A la côte Somali, aux termes du décret du 4 fé-
vrier 1904, la procédure suivie en matières civile et commer-
ciale devant la justice de paix à compétence étendue est
la procédure en vigueur devant les justices de paix de la
métropole. L'appel est porté devant le conseil d'appel par
exploit d'ajournement. La procédure suivie devant le conseil

— 728 —
d'appel est celle qui est suivie en France devant les tribunaux
de commerce.
A Madagascar, d'après le décret du 9 juin 1896, les formes
de procédure sont celles qui sont suivies en France devant les
tribunaux de commerce.
Dans les établissements français de l'Inde, le Code de pro-
cédure civile a été promulgué par arrêté du 6 janvier 1819;
toutefois, certaines dispositions du Code, en raison de l'état
particulier du pays et conformément à des arrêtés locaux,
sont demeurées sans application. Les exceptions, ainsi appor-
tées à la loi par de simples arrêtés des gouverneurs, sont
absolument illégales; elles ne portent, il est vrai, que sur des
points de peu d'importance.
851. En Cochinchine, au Cambodge, au Tonkin et en Annam,
les formes de procéder en matières civile et commerciale dans
les affaires européennes sont celles qui sont suivies en France
devant les tribunaux de commerce; cette règle est posée par
les décrets du 17 mai 1895, du 15 septembre 1896 et du
6 mai 1898.
En Nouvelle-Calédonie, la procédure civile a ses formes
tracées par un titre spécial du décret du 28 novembre 1866.
Elle se rapproche autant que possible du Code de procédure
métropolitain.
Les dispositions adoptées pour la Nouvelle-Calédonie ont
été étendues aux établissements français de l'Océanie par les
décrets du 18 août 1868 et du 17 septembre 1897.
ARTICLE 4. — Code pénal.
852. Le Code pénal a été promulgué, clans toutes les colo-
nies françaises, en vertu de la loi du 8 janvier 1877 et des
décrets du 6 mars suivant. Il comporte toutefois dans son
application quelques dispositions spéciales que L'organisation
particulière de nos possessions, le régime du travail qui y e6t
établi, ont paru rendre nécessaires. Tel est l'article 3 de la loi
du 8 janvier 1877 concernant les Antilles et la Réunion, et
qu'ont reproduit les décrets du 6 mars suivant, applicables aux
autres colonies. D'après cette disposition, portant modification
à l'article 137 du Code d'instruction criminelle, « les faits pré-

— 729 —
« vus par les règlements de police émanant de l'autorité locale
« sont considérés comme contraventions de police simple et
« punis des mêmes peines. Le gouverneur néanmoins, pour
« régler les matières d'administration et pour l'exécution des
« lois, décrets, règlements promulgués dans la colonie, con-
« serve exceptionnellement le droit de rendre des arrêtés et
« décisions avec pouvoir de les sanctionner par quinze jours
« de prison et 100 francs d'amende. Dans ce cas et toutes les
« fois que les peines pécuniaires ou corporelles excéderont
« celles du droit commun en matière de contravention, les
« règlements dans lesquels ils sont prévus devront, dans un
« délai de quatre mois, passé lequel ils seront caducs, être
« convertis par le chef du gouvernement, soit en décrets en
« CoDseil d'État, soit en décrets simples. » Un décret du
20 septembre 1877 a porté ce délai à six mois pour la Cochin-
chine, Mayotte et Nossi-Bé, à huit mois pour la Nouvelle-Calé-
donie et les établissements de l'Océanie.
853. Quelle est, pour le passé comme pour le présent, la
portée de ces dispositions? La jurisprudence à cet égard
paraît fixée de la manière suivante :
Les arrêtés antérieurs à la loi ou aux décrets de 1877
demeurent applicables dans l'ensemble de leurs prescriptions,
mais les pénalités prévues en matière de simple police ordi-
naire pour des cas analogues à ceux qu'indique le livre II du
Code pénal, doivent être conformes aux dispositions de ce
même livre et, s'il y a lieu, modifiées en conséquence. S'il
s'agit d'arrêtés rendus en matière d'administration et pour
l'exécution des lois, décrets et règlements, ils restent en
vigueur dans toutes leurs parties, quelles que soient les péna-
lités prévues.
Pour le présent, le Département des colonies fait une appli-
cation littérale de l'article 3 de la loi de 1877. En d'autres
termes, il reconnaît aux gouverneurs le droit de sanctionner,
par des pénalités allant jusqu'à cinq jours de prison et 15 francs
d'amende, les arrêtés de simple police et, par des pénalités
allant jusqu'à quinze jours de prison et 100 francs d'amende,
sous réserve d'une approbation par décret, les arrêtés rendus
sur des matières administratives ou pour l'exécution des lois,
décrets et règlements.

— 730 —
.Mais il est certain, d'autre part, que la loi n'a porté aucune
atteinte aux droits que peuvent avoir les gouverneurs, en vertu
de dispositions spéciales, d'édicter des peines, même supé-
rieures au maximum prévu. La question s'est posée notam-
ment en matière de taxes et de contributions, et la chambre
criminelle de la Cour de cassation l'a résolue dans ce sens par
un arrêt en date du 24 décembre 1887 (1).
Lorsque l'arrêté d'un gouverneur, sanctionné par des peines
supérieures à celles du droit commun en matière de contra-
ventions, doit être, conformément à l'article 3 de la loi du 8 jan-
vier 1877, transformé en décret dans un délai de quatre mois,
la question peut se poser de savoir si le règlement intervenu
doit être ainsi dans son ensemble converti en décret ou s'il
doit l'être seulement dans celles de ses dispositions qui ont
tixé des pénalités. C'est à la première opinion que s'est rallié le
Conseil d'État (2), les dispositions pénales ne pouvant, d'après
(!) Voir le texte de cet arrêt, accompagné d'une circulaire du sous-
secrétaire d'Etat des colonies en date du 22 mai 1888 ( B. 0.
1888,
p. 363). ... Attendu, dit en substance la Cour, que l'arrêt attaqué
s'est fondé uniquement sur ce que « l'arrêté du gouverneur devait, sous
« peine de caducité
être converti en décret dans un délai de huit mois
« conformément à l'article 3 du décret du G mars 1877 modifié par le
« décret du 20 septembre 1877 ; mais attendu, en droit, que la calucite
« prononcée par les décrets précités ne concerne expressément que les
• arrêtés des gouverneurs rendus en matière d'administration et de
« police ; que, malgré l'apparente généralité de ces expressions em-
« ployées par le décret du 6 mars 1877, on doit distinguer les arrêtés
« en matière d'administration des arrêtés rendus en matière de taxes
« et de contributions ; que ces derniers arrêtés, dans les colonies autres
« que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, sont valables aux.
α termes du décret du 30 janvier 1867, lorsqu'ils sont approuvés par le
« ministre de la Marine et des Colonies; que ces arrêtés sont provisoi-
« rement exécutoires sans qu'aucun délai ait été prescrit pour cette
« approbation... »
(2) C. d'Et. Fin. — Considérant que les termes de la disposition du
dernier § de l'article 3 de la loi du 8 janvier 1877 en vertu de laquelle les
règlements dans lesquels seraient prévues des peines excédant celles de
droit commun en matière de contravention doivent être, dans les quatre
mois, à peine de caducité, transformés en décrets impliquant nécessai-
rement que les prescriptions des arrêtés des gouverneurs, sanctionnées
par des peines de l'espèce, soient dans leur ensemble, avant l'expiration
du délai fixe, formulées par voie de décret;— que cette exigence de la
loi se justifie d'ailleurs par le caractère anormal que présenterait une
intervention par laquelle le pouvoir central se bornerait à approuver des
dispositions pénales sanctionnant des prescriptions qui pourraient, au
lendemain de l'homologation, faire l'objet de modifications ou de trans-
formations laissant intacte cette homologation, est d'avis, etc.

— 731 —
lui, être isolées des prescriptions qu'elles sanctionnent, à moins
de s'exposer à demeurer intactes quand celles-ci se trouveraient
déjà modifiées. On peut redouter toutefois que l'extension de
ce contrôle du pouvoir central n'entraîne pour l'autorité métro-
politaine des complications d'ordre pratique et ne rende plus
difficile à l'autorité locale l'exercice de ses droits de police.
854. Une dérogation non moins importante aux principes
du Code métropolitain est celle que consacre l'article 4 de la
loi du 8 janvier 1877, en déclarant toujours en vigueur l'ar-
ticle 10 du décret du 16 août 1854 sur l'organisation judiciaire.
Il résulte, en effet, de cette disposition, applicable aux Antilles,
à la Réunion, à la Guyane et dans l'Inde, que la contrainte
par corps est supprimée en matière criminelle et, qu'à défaut
de payement dans la quinzaine des premières poursuites, les
condamnations à l'amende et aux frais prononcées par les tri-
bunaux de police sont converties de plein droit en journées de
travail pour le compte de la colonie ou des communes, d'après
le tarif et les conditions réglées par arrêté du gouverneur en
conseil.
854 bis. Les modifications apportées par des lois nouvelles
au Code pénal métropolitain sont, en principe, rendues appli-
cables à nos possessions. Il en a été ainsi notamment de la
loi du 26 octobre 1888, ajoutant à l'article 463 du Code pénal
un paragraphe d'après lequel le maximum de l'amende est de
3,000 francs, dans le cas où l'emprisonnement aurait dû seul
être prononcé, si l'on n'avait admis des circonstances atté-
nuantes. Déclarée applicable aux Antilles et à la Réunion par
la loi même du 26 octobre 1888, cette disposition a été mise
en vigueur dans les autres colonies par un décret en date du
10 mai 1889.
On peut signaler de même un décret du 9 janvier 1902 qui
a rendu applicables aux colonies la loi du 5 décembre 1901,
portant adjonction d'un paragraphe à l'article 357 du Code
pénal, et les décrets en date des 13 mai 1902 et 4 mai 1903
qui ont étendu à la Guyane d'une part, à la Réunion d'autre
part, un certain nombre de dispositions d'ordre pénal antérieu-
rement édictées dans la métropole.
La loi du 4 juillet 1889 tendant à compléter l'article 177 du
Code pénal et la loi du 28 décembre 1894 qui abroge les

— 732 —
articles 226 et 227 du Code pénal ont été rendues applicables
à nos possessions de l'Indo-Chine par décret du 18 mai 1897.
ARTICLE 5. — Code d'instruction criminelle.
§ 1. — Observations générales.
855. Le Code d'instruction criminelle est celui qui devait
subir les modifications les plus importantes dans son applica-
tion aux colonies. L'état social de nos possessions, leur orga-
nisation particulière, ne permettraient pas de soumettre les
formes de l'instruction criminelle à toutes les règles suivies
dans la métropole, bien qu'on s'efforçât de les en rapprocher
le plus possible (1). La loi du 27 juillet 1880 elle-même, en
étendant aux Antilles françaises et à la Réunion l'institution du
jury, n'a pu consacrer qu'une assimilation partielle entre la
législation de la métropole et celle de ces colonies; l'une et
l'autre présentent actuellement des différences assez profondes.
§ 2. — Dispositions particulières aux colonies.
856. C'est aux Antilles
et à la Réunion que les règles
suivies sont, dans leur ensemble, le plus conformes à la
loi métropolitaine ; encore est-il possible de signaler quel-
ques particularités. Ainsi, l'article 9 comprend les sous-
officiers de gendarmerie et les gardes de police au nombre
des officiers de police judiciaire. De même, d'après l'article 235
du Code colonial, les cours d'appel ne peuvent prescrire
d'office des poursuites; elles n'ont le droit de se prononcer, à
cette fin, que sur la réquisition du procureur général. La raison
que l'on peut donner de celte disposition spéciale, c'est que le
procureur général, chef du service judiciaire, est dans une
situation particulière à l'égard de la magistrature assise, et
que celle-ci, toujours amovible et placée sous sa dépendance,
ne saurait prendre l'initiative de poursuites jugées par lui
dangereuses ou inopportunes.
(1) Il en est ainsi même des dispositions spéciales qui modifient pour
la France le Code d'instruction criminelle. Ainsi la loi du 6 avril 1897
modifiant l'article 174 de ce Code a été rendue applicable à toutes nos
possessions par des décrets du 9 novembre et du 12 novembre 1897 et
du 15 janvier 1904.


— 733 —
D'autre part, comme en matière civile, les cours d'appel,
aux Antilles et à la Réunion, statuent, par la voie de l'annu-
lation, sur les affaires jugées en dernier ressort par les tribu-
naux de simple police, ou en appel par les tribunaux correc-
tionnels.
Enfin, c'est le conseil privé qui fait les règlements de juges
lorsque des conflits négatifs ou positifs s'élèvent entre les
tribunaux d'exception et les juridictions de droit commun,
existant dans la colonie; la cour d'appel se prononce sur les
conflits entre juges d'instruction ou tribunaux de simple
police, et la Cour de cassation statue lorsque le conflit prend
naissance entre juridictions de colonies différentes ou entre
tribunaux métropolitains et coloniaux.
A la suite de la catastrophe de Saint-Pierre, il a paru néces-
saire d'apporter à la loi du 27 juillet 1880 sur l'institution du
jury aux Antilles et à la Réunion certaines modifications qui
ont été consacrées par une loi du 4 mars 1903. Cette loi, qui
maintenait à la Martinique une seule cour d'assises dont le
siège était Fort-de-France, indiquait les
formalités selon
lesquelles la liste du jury devrait être formée pour 1903 et les
années suivantes. A partir de 1904, la confection de cette liste
devait avoir lieu selon les dispositions des lois des 21 novem-
bre 1872 et 27 juillet 1880.
857. A la Guyane et dans la plupart de nos autres posses-
sions, les mêmes dérogations au Code métropolitain d'ins-
truction criminelle se rencontrent également. L'organisation
judiciaire de la Guyane comporte maintenant, en vertu du
décret du 16 décembre 1896, une chambre des mises en accu-
sation et une cour d'assises, mais le jury n'est pas institué
dans la colonie, où reste en vigueur le régime de l'assessorat
(V. n° 748). En raison de la situation particulière de la
Guyane, où se subissent actuellement les peines de la transpor-
tation et de la relégation, les commandants de pénitenciers, les
chefs de camps et les surveillants militaires sont, aux termes
d'un décret du 2 septembre 1889, officiers de police judi-
ciaire. La loi du 8 juin 1895 sur la revision des procès crimi-
nels et correctionnels et les indemnités dues aux victimes
d'erreurs judiciaires a été rendue applicable à la Guyane par
décret du 13 mai 1902.

— 734 —
A Saint-Pierre et Miquelon, les affaires correctionnelles, con-
formément à l'ordonnance du 25 juillet 1833, sont instruites
et jugées, dans les formes déterminées par le chapitre II du
titre Ier du livre Il du Code métropolitain. L'article 235 ne
comporte pas, pour cette colonie, la même modification que
pour les Antilles et la Réunion. Le jugement des affaires cri-
minelles par te conseil, assisté de notables et constitué en
tribunal criminel, a lieu dans la forme tracée par la même
ordonnance. D'après l'article 97 in fine de ce règlement, « le
« défaut du conseil de l'accusé n'entraînera pas nullité si
« l'impossibilité de lui en trouver un est constatée ». Ces dis-
positions sont aujourd'hui complétées par le décret du
21 mai 1896, d'après lequel la connaissance des affaires cor-
rectionnelles appartient toujours, en premier ressort, au tri-
bunal de première instance de Saint-Pierre, sauf appel, s'il y a
lieu, devant le conseil d'appel jugeant correctionnellement. Les
mesures propres à faciliter l'instruction des affaires correc-
tionnelles sont prises et ordonnées sur plainte, ou même d'of-
fice, par le procureur de la République, qui saisit le juge du
tribunal de première instance, lequel fait l'instruction à l'au-
dience. Le décret de 1896 spécifie, en outre, que l'instruction
des affaires criminelles est faite par le président du tribunal
civil de Saint-Pierre (Y. nos 745 et 746).
857 bis, Au Sénégal, il est fait application du Code d'ins-
truction criminelle dans les conditions fixées par l'ordonnance
du 14 février 1838.
Un décret du 12 octobre 1888 avait investi la cour du
Sénégal du droit de statuer, en chambre du conseil, sur les
demandes en réhabilitation, alors que le Code d'instruction
criminelle et la loi du 14 août 1885, sur les moyens de pré-
venir la récidive, attribuaient à la chambre des mises en accu-
sation le droit de statuer en la matière. Le décret du 11 août 1899
réorganisant la justice au Sénégal ayant institué dans cette
colonie une chambre des mises en accusation, rien n'empêchait
plus d'y soumettre à la règle commune les demandes en réha-
bilitation. Tel a été l'objet d'un décret spécial en date du
16 novembre 1902.
D'après le décret du 10 novembre 1903 portant réorganisa-
tion judiciaire de l'Afrique occidentale française, les formes

— 735 —
de la procédure, dans les possessions dépendant du gouverne-
ment général, en matières criminelle, correctionnelle ou de
simple police, sont celles qu'a déterminées le Code d'instruction
criminelle modifié pour le Sénégal. Il en est également ainsi
devant la cour d'assises. Les juges et les assesseurs délibèrent
en commun sur les questions de fait; la déclaration de culpabi-
lité est rendue à la simple majorité. Les juges statuent seuls
sur l'application de la peine et sur les incidents de droit. La
compétence de la chambre des mises en accusation demeure
fixée par le décret du 11 août 1899, complété par celui du
16 novembre 1902. Devant les justices de paix à compétence
étendue, il est procédé, toutefois, selon des règles plus parti-
culières. En matière correctionnelle, le juge peut, sur renvoi de
l'officier du ministère public, statuer lui-même sur les affaires
qu'il a instruites. En matière criminelle, le juge, après instruc-
tion, remet les pièces au ministère public qui peut requérir
toute information complémentaire ou renvoyer le prévenu
devant la chambre des mises en accusation.
D'après le décret du 17 mars 1903, sur l'organisation judi-
ciaire du Congo français, les formes de procédure, quand il
s'agit de contraventions de simple police, sont provisoirement
celles qui sont suivies en France. En matière correctionnelle,
les mesures propres à faciliter l'instruction sont ordonnées sur
plainte ou d'office par le procureur de la République qui peut
décerner mandat. En cas d'arrestation, le tribunal est saisi
par le parquet dans les vingt-quatre heures, l'instruction est
complétée à l'audience par le juge. Les juges de paix à com-
pétence étendue se saisissent d'office des affaires dont le juge-
mont leur est attribué. Les formes de la procédure, ainsi que
celles de l'opposition devant la cour criminelle, sont les mêmes
que celles qui sont suivies en France en matière correction-
nelle.
Dans les territoires du Congo, où il n'y a pas de juges de
paix à compétence étendue, les administrateurs et chefs de
poste exercent les fonctions d'officiers de police judiciaire,
auxiliaires des procureurs de la République.
857 te?'. A la Côte Somali, aux termes du décret du 4 fé-
vrier 1904, en matière répressive, la justice de paix à compé-
tence étendue se conforme à la procédure suivie en France

— 736 —
devant les tribunaux correctionnels. Devant la cour criminelle,
la procédure, tant pour l'instruction que pour le débat oral
et l'arrêt, est réglée par les dispositions du Code d'instruction
criminelle applicables devant les tribunaux correctionnels. Le
président de la cour criminelle est investi en outre des pou-
voirs énumérés par les articles 268 à 270 du Code d'instruction
criminelle.
A Mayotte également, d'après le décret du 5 novembre 1904
les formes de la procédure, ainsi que celles de l'opposition
devant la cour criminelle, sont réglées par les dispositions du
code d'instruction criminelle relatives à la procédure devant
les tribunaux correctionnels. Le président a les pouvoirs énu-
mérés par les articles 2G8 et 269 du Code d'instruction crimi-
nelle.
A Madagascar, d'après l'article 26 du décret du 9 juin 1896,
le mode de procéder en matière de simple police est réglé par
les sections 1re et 3e du chapitre Ier, titre Ier du livre II du
Code d'instruction criminelle. La forme de procéder, en
matières criminelle et correctionnelle, ainsi que les formes de
l'opposition et de l'appel, sont réglées par les dispositions du
Code d'instruction criminelle relatives à la procédure devant
les tribunaux correctionnels. Les présidents des cours crimi-
nelles sont, en outre, investis des pouvoirs énumérés dans les
articles 268 et 269 du Code d'instruction criminelle (1).
D'une manière générale, les arrêts rendus en matières cor-
rectionnelle et criminelle par les juridictions de nos diverses
possessions d'Afrique envers des Européens ou assimilés
peuvent être déférés à la Cour de cassation, conformément à
la législation métropolitaine. En ce qui concerne Madagascar,
un décret spécial est intervenu dans ce but le 24 mai 1905.
858. Le décret du 12 juin 1883 a rendu applicables, en
(1) La Cour de cassation, le tirage au sort des assesseurs adjoints aux
cours criminelles doit avoir lieu, d'après les principes généraux du droit
et en l'absence d'une disposition de la législation particulière à la colo-
nie, en présence de l'accusé et du ministère public. La Cour a affirmé
cette opinion le 18 octobre 1893, c'est-à-dire antérieurement au décret
du 9 juin 189b qui a réorganisé le service de la justice à Madagascar,

mais la doctrine qu'elle a consacrée, dans une espèce où il s'agissait du
tribunal criminel de Diégo-Suarez, est d'une application très générale
Cass. Crim. 18 octobre 1895 (Affaire Robert), D. P. 1897, 1,171.

— 737 —
principe, dans les établissements français de l'Inde, les dispo-
sitions du Code d'instruction criminelle, sauf les exceptions
qu'il indique en son article 3. Ces modifications sont rendues
nécessaires par l'organisation judiciaire de la colonie; elles
portent principalement sur la composition des cours criminelles
et de la chambre des mises en accusation, dont nous avons
déjà signalé les particularités. La dérogation apportée à
l'article 235 pour les Antilles et la Réunion a été admise éga-
lement pour les établissements de l'Inde. La voie de l'annula-
tion est ouverte contre les jugements de simple police; le
recours en cassation ne peut s'introduire qu'en matières correc-
tionnelle et criminelle.
859. L'instruction criminelle en Cochinchine est aujourd'hui
réglée par le titre V, chapitre II du décret du 17 mai 1895.
Devant les tribunaux de la Cochinchine et du Cambodge, la
forme de procéder en matières correctionnelle et de simple
police, ainsi que les formes de l'opposition et de l'appel, sont
réglées par les dispositions du Code d'instruction criminelle
relatives à la procédure devant les tribunaux correctionnels et
de simple police. La chambre des mises en accusation rend
des arrêts de renvoi devant les cours criminelles; ces arrêts
peuvent être attaqués devant la Cour de cassation dans les
conditions déterminées par le décret du 25 juin 1879. Les dis-
positions des articles 221 à 234 inclusivement, et 246 à 250
inclusivement, du Code d'instruction criminelle, sont observées
devant la chambre des mises en accusation. La procédure
adoptée devant las cours criminelles se rapproche actuellement
autant que possible des règles suivies devant les cours d'assises
D'après l'article 91 du décret du 17 mai 1895, le président a
la police de l'audience; il est investi d'un pouvoir discrétion-
naire en vertu duquel il peut notamment entendre, sans la for-
malité du serment, des déclarations considérées comme simples
renseignements (1).
D'après le décret du 1er décembre 1902, organisant la jus-
(1) La Cour de cassation, alors que n'était édictée aucune disposition
de ce genre, l'article 269 du Code d'instruction criminelle n'ayant pas été
d'autre part rendu applicable en Cochinchine, s'était prononcée en sen?
contraire. — Cass. crim., 4 juin 1885 (aff. Tran-van-Taï).

COLONIES, r.
47

— 738 —
lice au Tonkin, en Annam et au Laos (nos 7G7 et suiv.) la pro-
cédure et la législation à observer devant les tribunaux de
province sont les mêmes en principe que devant les justices
de paix à compétence étendue de Cochinchine. Lorsque devant
ces juridictions, devant les tribunaux urbains, ou devant la
cour criminelle, les inculpés sont des Européens ou assimilés,
on doit se conformer aux prescriptions des sections lre et 2e du
titre V, chapitre II et des articles 70 à 77 inclusivement, HO,
111 et 112 du décret du 17 mai 1895, applicable à la Cochin-
chine.
8G0. En Nouvelle-Calédonie, les formes de l'instruction cri-
minelle ont été déterminées par la section II du titre IV du
décret du 28 novembre 18GG. En matière de simple police,
les dispositions du Code d'instruction criminelle (livre II, titre I,
chap. I, sections 1 et 2) sont applicables. En matière correc-
lionnelle, la procédure suivie est celle des tribunaux correc-
tionnels; le ministère public saisit directement la juridiction
compétente.
En matière criminelle, les règles de la procédure correc-
tionnelle sont également seules applicables en principe; il n'y
a pas lieu de suivre, pour la notification de la liste des
témoins ou la liste des assesseurs, les dispositions des ar-
ticles 315, 395, 399, 450 du Code d'instruction criminelle.
Néanmoins les dispositions du Code d'instruction criminelle
redeviennent applicables dans les cas particuliers où les textes
écartent la procédure correctionnelle. Ainsi les arrêts de la
eour criminelle peuvent être rendus en la forme des arrêts de
tours d'assises. Ces principes ont été consacrés par la Cour
de cassation, qui s'est également prononcée sur le point sui-
vant. Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, ayant qualité
pour déterminer les conditions d'âge des assesseurs, les cas
d'incompatibilité et la forme du tirage au sort, peut par arrêté
prescrire de ne pas mettre dans l'urne les noms des notables
qui ont fait le service de la session précédente (1).
Le décret du 27 mars 1879 a étendu à la Nouvelle-Calédonie,
(1) Cass. Crim., 2 février 1894 (Aff. Ruolz et autres). — Crim., 29 dé-
cembre 1894 (Aff. Gensse). — Crim., 2D janvier 1895 (Aff. Richard). —
D. P. 1897.1.169.

— 739 —
dans les mêmes conditions que pour les autres colonies, le
recours en annulation et en cassation. Il y a lieu de remarquer
enfin qu'à la Nouvelle-Calédonie, où se subissent les peines
des travaux forcés et de la rélégation, les administrateurs, les
commandants de pénitenciers, les chefs de camp et les sur-
veillants militaires sont, en vertu d'un décret du 13 mars 188!),
investis des pouvoirs d'officier de police judiciaire.
Dans les établissements français de l'Océanie, les décrets du
18 août 1868, du 1er juillet 1880 et du 17 septembre 1897 ont
soumis les instructions criminelles à des règles analogues aux
dispositions suivies en Nouvelle-Calédonie.
ARTICLE 6. — Législation sur la presse.
861. La loi du 29 juillet 1881, par son article 69, a été
déclarée expressément applicable au χ colonies où le rég ime
de la presse s'est trouvé dès lors le même que dans la métro-
pole. Toutefois, l'absence de cour d'assises dans , la plupart de
nos colonies n'a pas permis le plus souvent de donner à cette
juridiction la connaissance des délits de presse; celle-ci est le
plus souvent de la compétence de la cour criminelle ou du
tribunal criminel. Ainsi, le décret du 14 mars 1882 a décidé
qu'à la Guyane, au Sénégal, dans les îles Saint-Pierre et
Miquelon, dans l'Inde, en Cochinchine, it la Nouvelle-Calédonie,
dans les établissements français de l'Océanie, les crimes et
délits prévus par la loi du 29 juillet 1881 seraient jugés par
les tribunaux criminels. Si le prévenu fait défaut, le tribunal
prononce sans l'adjonction d'assesseurs.
La loi du 16 mars 1893, modifiant les articles 45 et 60 de
la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, et la loi du 12 dé-
cembre 1893 modifiant les articles 24, § 1er, 25 et 49 de cette
même loi du 29 juillet 1881 ont été rendues applicables à la
Guyane par décret du 13 mai 1902.
L'article 14 de la loi du 29juillet 1881 a reconnu au conseil
des ministres ou au ministre de l'Intérieur, suivant le cas, le
droit d'interdire la circulation des journaux ou écrits pério-
diques publiés à l'étranger. Dans les colonies, cette disposi-
tion est à peu près inapplicable en raison de l'impossibilité où
se trouve l'administration locale de provoquer en temps utile
l'interdiction que doit prononcer le pouvoir central.

— 740 —
Pour faire cesser cette situation qui pouvait, pour je main»
tien de l'ordre.public et de la sécurité générale, présenter de
graves inconvénients, un décret du 30 décembre 1898 a intro-
duit des dispositions particulières dans le régime de la presse
en Indo-Chine. Il a permis au gouverneur général, après avis
de la section permanente du conseil supérieur, d'interdire par
arrêté la circulation en Indo-Chine des journaux ou écrits
périodiques publiés à l'étranger en quelque langue que ce
soit. D'autre part, la publication en Indo-Chine de tout jour-
nal ou écrit périodique rédigé en langue chinoise, annamite,
ou en toute autre langue étrangère, ne peut avoir lieu qu'avec
autorisation préalable du gouverneur général, accordée après
avis de la section permanente du conseil supérieur de nos
possessions. Le décret punit en outre de diverses pénalités,
empruntées à la loi du 29 juillet 1881, les infractions aux dis-
positions nouvelles ainsi que toute excitation des indigènes à
la révolte contre l'autorité française commise par des Euro-
péens ou assimilés a l'aide des moyens énoncés en l'article 23
de cette loi. Il atteint également la mise en vente, la distribu-
tion et l'exposition par les Européens ou assimilés de dessins,
emblèmes, images', etc. susceptibles de porter atteinte au res-
pect dû à l'autorité française. Ce décret, approprié aux néces-
sités de notre domination en Indo-Chine, a complété pour nos
possessions la loi du 29 juillet 1881, qui y avait précédem-
ment été promulguée.
Des dispositions analogues ont été mises en vigueur à Ma-
dagascar par un décret en date du 19 février 1901.
ARTICLE. 1. — Procédure administrative.
862. Les règles de procédure à suivre devant les conseils
privés ou d'administration statuant au contentieux, sont tracées
par le titre II du décret du ο août 1881. Ce décret a reproduit
la plupart des dispositions de l'ordonnance du 31 août 1828,
à laquelle cependant il a apporté d'importantes modifications.
Sous le régime actuel, le conseil du contentieux constitue une
véritable juridiction; il est donc saisi directement par la re-
quête introductive d'instance, et rend des décisions exécutoires
par elles-mêmes, sans que dans l'un et dans l'autre cas l'inter-
médiaire du gouverneur soit nécessaire comme il l'était sous

— 741 —
l'empire de l'ordonnance de 1828; Les parties ne sont pas
obligées de constituer avocat pour introduire l'instance; elles
peuvent rédiger elles-mêmes leurs requêtes et mémoires et,
pour les déposer, n'ont pas à recourir au ministère d'huissier.
863. Aux termes de l'ordonnance de 1828, article 7, les
requêtes introductives d'instance devaient être inscrites sur un
registre tenu par le secrétaire-archiviste du conseil. Le décret
de 1881, clans son article G, impose également cette forma-
lité (1). La requête doit être formée dans des délais fixés par
l'article 11, et variant selon que le demandeur est domicilié
ou non dans la colonie. Les délais prévus par l'article 11 ne
s'appliquent du reste qu'aux décisions dont le conseil du con-
tentieux peut prononcer l'annulation (2). La requête doit
mentionner diverses indications énoncées à l'article 7 et con-
tenir élection de domicile dans le lieu de résidence du conseil;
cette dernière condition, qui n'est pas exigée à peine de
nullité, présente une réelle importance, les parties pouvant ne
pas constituer avocat.
La requête doit être accompagnée de toutes les pièces que
le demandeur juge utile de produire. Mais, en vue de la com-
munication qui en sera faite aux parties en cause, à ces pièces
doivent être annexées des copies certifiées conformes par le
requérant. En l'absence de ces copies, le demandeur, aux ter-
mes de l'article 8, est averti par le secrétaire-archiviste qu'il
ne peut être donné suite à sa demande. Si les pièces ne sont
pas produites dans le délai d'un mois après cet avertissement,
le conseil déclare la demande non-avenue. Cette déchéance
n'empêche nullement du reste de subsister le droit du deman-
deur, qui peut le faire valoir à la condition de former régu-
lièrement une nouvelle requête, accompagnée des copies
exigées.
Après désignation d'un rapporteur, et sur un exposé som-
maire que celui-ci fait du litige, le président, conformément à
l'article 13, ordonne la communication de la requête à la
partie adverse. Par une exception au principe que nul ne plaide
(1) Cf. instructions ministérielles du 28 oc'obre 1881. — B.O M. 1881,
2e semestre.
(2) C. d'Et. cont., 13 mai 1905 (Aff. Zotier).

— 742 —
par procureur, l'arrêté de soit communiqué, dans les cas
d'urgence, peut, d'après l'article 14, être notifié au défendeur
dans la personne du gérant de ses biens dans la colonie. Si,
du reste, le gérant n'a pas de mandat spécial, il ne peut défen-
dre que par le ministère d'un avoué ou d'un avocat.
Les notifications qui doivent être ainsi faites dans les ins-
tances engagées devant le conseil du contentieux ont toujours
lieu dans la forme administrative. Elles sont effectuées en
d'autres termes par l'entremise d'un agent de l'administratio η
et sont constatées, soit par un récépissé, soit par un procès-
verbal. Les plaideurs demeurent libres, d'ailleurs, de faire,
par ministère d'huissier, telles significations qu'ils croient
utiles. Les mémoires en défense sont déposés au secrétariat et
notifiés à la partie adverse dans les mêmes conditions que la
requête introductive d'instance; ils doivent contenir élection
de domicile dans la ville où siège le conseil. Chacune des
parties en cause peut déposer une réplique.
864. Les audiences du conseil du contentieux, aux termes
de l'article 24 du décret de 1881, sont publiques. Un rapport
écrit est présenté sur chaque affaire, puis les parties sont
admises à présenter des observations orales à l'appui de leurs
conclusions écrites, et le commissaire du gouvernement prend
la parole.
Le conseil peut, soit d'office, soit sur la demande des parties
ou de l'une d'elles, ordonner une expertise. En matière de
dommages résultant de l'exécution de travaux publics, l'ex-
pertise est de droit si elle est demandée par les parties. Dans
ce dernier cas, cependant elle pourrait ne pas être ordonnée
si la requête devait être rejetée par un moyen de droit, sans
qu'une vérification des faits fût nécessaire. L'expertise est faite
par un ou trois experts. Le conseil peut fixer un délai dans
lequel les experts devront déposer leurs rapports. Les cas
d'incompatibilité sont déterminés limitativement pour les
experts par l'article 32 du décret de 1881.
Pour compléter l'instruction de l'affaire, le conseil peut
ordonner qu'il se transportera tout entier ou que l'un ou plu-
sieurs de ses membres se transporteront sur les lieux (art.il!.
Il peut également (art. 42 et suivants) ordonner qu'une enquête
aura lieu soit devant le conseil, en séance publique, soit devant

— 743 —
le commissaire désigné à cet effet. Les parents ou alliés en.
ligne directe de l'une des parties ou leurs conjoints ne peuvent
être entendus comme témoins; rien n'empêche toutefois que
leur audition ait lieu à titre de renseignement. Enfin, le conseil
peut (art. 55) ordonner un interrogatoire sur faits et articles,
auquel il doit être procédé soit par un commissaire choisi
parmi ses membres, soit le juge de paix du canton.
Les décisions que le conseil du contentieux se trouve ainsi
amené à prendre avant de se prononcer sur le fond du litige
ne constituent que des mesures préparatoires non susceptibles
d'être déférées au Conseil d'Etat (1).
865. D'après l'article 69 du décret du 5 août 1881, les
récusations des membres du conseil peuvent être faites confor-
mément aux dispositions des articles 378 à 383 du Code de
procédure civile. Toutefois, les chefs d'administration siégeant
au conseil, ne peuvent être l'objet d'une récusation valable à
l'occasion des actes de leur administration attaqués devant la.
juridiction contentieuse (2). Cette disposition a paru nécessaire
pour éviter qu'un acte régulièrement accompli n'exposât son
auteur à une défiance injustifiée; elle n'empêche nullement du
reste, ce qui laisse aux particuliers une garantie suffisante,
de récuser un chef d'administration se trouvant dans un cas
prévu par l'article 378 du Code de procédure civile. De même
les magistrats appelés à siéger au conseil du contentieux ne
peuvent être récusés dans une affaire qui, tout d'abord, aurait
été portée devant la juridiction civile et dont ils auraient ainsi
déjà connu ( 3 ). Le jugement sur la récusation d'ailleurs n'est
pas susceptible d'appel et ne saurait être infirmé par le Con-
seil d'Etat pourvu qu'il ait été pris en conformité des arti-
cles 69 et 70 du décret du 5 août 1881 (4).
866. La décision que prend le conseil sur le fond de l'affaire
et qui doit être prononcée en audience publique est, confor-
(1) Cf. Cous. d'Et. cont., 20 juin 1890 (aff. Assier de Pompignau). L. 1890
p. 583.
(2) C. d'Et. cont.. -27 février 1883 (aff, Farinole). 19 février 1897 (aff.
Election du Morne-à-l'Eau
(3) Cf. Cons. d'Et. cont., 13 décembre 1895 (aff. Carassus). L. 95, p. 818.
(4) C. d'Et. cont., 17 décembre 1897 (aff. Chanémougavélayoudamodé-

liar).

— 744 —
mément à l'article 77, signifiée par exploit d'huissier; c'est en
effet, à partir de cette signification, ainsi revêtue d'un carac-
tère d'authenticité, que courent les délais d'appel. Néanmoins,
les décisions sont notifiées en la forme administrative lorsque
1 instance a été engagée par l'Etat ou la colonie ou contre
l'Etat ou la colonie. Il en est de même pour hâter le plus
possible, par une prompte notification, le recouvrement de
l'impôt en matière de contributions et taxes assimilées.
Les décisions du conseil du contentieux peuvent être attaquées
devant le Conseil d'Etat, dans un délai de trois mois à partir
de la date du jugement, augmenté s'il y a lieu des délais de
distance (art. G8 et 87). Le défendeur au recours doit cons-
tituer avocat dans un délai que fixe l'article 89, modifié
par le décret du 25 janvier 1890. Le Conseil d'Etat n'est pas
régulièrement saisi par la déclaration de recours déposée
au secrétariat du conseil du contentieux de la colonie ; celte
déclaration doit être complétée par une requête déposée
au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ou, pour
les affaires dispensées du ministère d'avocat, au secrétariat du
conseil du contentieux de la colonie (1). Les déclarations de
recours dans l'intérêt de l'administration sont, d'après l'ar-
ticle 88, signées par le fonctionnaire partie en cause dans l'ins-
tance (2).
La requête doit être présentée sur papier timbré et enregistrée
(3). Inversement, la requête, non précédée dans la colonie
d'une déclaration de recours, serait insuffisante (4).
La conseil du contentieux n'a pas qualité pour statuer au
fond sur les requêtes tendant à l'annulation d'un acte adminis-
tratif; il devrait se déclarer incompétent en pareil cas. Le
Conseil d'Etat s'est prononcé dans ce sens le 2 avril 1897 ; il
s'agissait en l'espèce d'un arrêté municipal de Saïgon dont l'an-
nulation avait été demandée au conseil du contentieux admi-
nistratif de la Cochinchine (5).
(t) C. d'Et. cont., 22 janvior 18 98 (aff. Election de la Grande-Aldée) —
31 juillet 1905 (aff. Election au conseil général de la Guyane).
(2) Voir néanmoins un arrêt du Conseil d'Etat du 28 décembre 1894.
(Aff. ministre des Colonies contre Blanchy) L. 94, p. 721.
(3) C. d'Et. cont., 7 août 1897 (Aff. de Faymoreau).
(4) C. d'Et. cont., 22 mars 1901 (Aff. Quaintenne).
(5) 0. d'Et. cont., 2 avril 1897 (Aff. Bonnet).

— 745 —
Il a été jugé enfin que la partie ayant obtenu gain de
cause devant le conseil du contentieux ne saurait être admise
à critiquer les motifs de l'arrêté alors même que le conseil
aurait a tort apprécié des actes de l'autorité qui ne lui étaient
pas soumis (1).
867. Le chapitre VII du décret du 5 août 1881 est consacré
à quelques procédures spéciales. En matière de contributions,
notamment, les contribuables qui se croient surtaxés ont, pour
défendre leurs droits, des garanties identiques à celles des
contribuables de la métropole. Dans les trois mois qui suivent
la publication des rôles, ils peuvent adresser au directeur de
l'intérieur, une demande en décharge ou en réduction. Le
conseil statue, sauf recours au Conseil d'Etat, sur le rapport
du directeur de l'intérieur, après avis du chef du service des
contributions (art. 100 et suivants). Il appartient, d'ailleurs,
au gouverneur seul de se prononcer, par voie gracieuse, sur
les demandes en remise ou modération.
Le conseil du contentieux est compétent pour connaître de
toutes les contestations survenant au cours d'une entreprise ;
les faits auxquels celles-ci peuvent s'appliquer ne sauraient
être portés directement devant le Conseil d'Etat (2).
868. L'article 105 règle la procédure en matière de demandes
concernant les concessions de prise d'eau. L'intervention du
conseil du contentieux à cet égard constitue une dérogation
au principe que toute concession sur le dom?ine public rentre
dans le pouvoir discrétionnaire de l'administration. Les dis-
positions exceptionnelles que consacre l'article 105 n'ont
d'autre but que de sauvegarder, par un débat contradictoire et
par un recours au Conseil d'Etat, les intérêts des parties en
cause. Le décret de 1881 s'est borné, du reste, à reproduire,
sur ce point, le texte de l'ordonnance de 1828.
(1) C. d'Et. cont., 4 janvier 1903 (Aff. Fradet).
(2) C. d'Et. cont., 7 août
1903 (Aff. Machot contre gouvernement général
de l'Indo-Chine),

— 746 —
SECTION II.
LÉGISLATION INDIGÈNE
ARTICLE PREMIER. — Établissements de l'Inde.
§ 1. — Statut personnel.
869. Un arrêté du gouverneur des établissements français
dans l'Inde, en date du 6 janvier 1819, prévoit, dans son ar-
ticle 3, que « les Indiens, soit chrétiens, soit maures ou gen-
« tils, seront jugés, comme par le passé, suivant les lois,
« usages et coutumes de leurs castes ». Cet article ne fait lui-
même que reproduire des dispositions que consacraient déjà
les règlements du 30 décembre 1769 et du 13 décembre 1818.
Il est actuellement d'une importance capitale, car c'est dans
le principe qu'il proclame que les natifs de nos possessions,
puisent le droit de faire juger leurs différends par leur loi
traditionnelle ou écrite, les fidèles de l'Islam par le Coran, les
gentils par le Mamoul.
Est-ce à dire que les indigènes de l'Inde française ne pou-
vaient se soustraire à l'application de cette règle"? La Cour de
cassation en décidait autrement : par un arrêt du 16 juin l852,.
elle avait reconnu que <« la disposition de l'arrêté de 1819,
« dictée par un sage esprit de tolérance, était purement facul-
« tative et n'interdisait point aux Indiens, sujets français, le
<« droit de se soumettre librement et volontairement à l'em-
« pire des lois françaises, et d'en recueillir les avantages en
« en observant les commandements »», C'était déclarer, en
d'autres termes, que le gouvernement ne pouvait obliger les
Indiens à demeurer régis par leurs coutumes, s'ils préféraient
s'en affranchir.
Cette faculté, jusqu'en 1880, les Hindous de nos possessions
se montrèrent peu enclins à s'en prévaloir. Mais, en 1880,
une partie de la population indigène manifesta l'intention d'a-
bandonner son statut personnel, et le pouvoir central dut alors
se préoccuper de ce mouvement d'opinion. 11 le favorisa
même ouvertement en exigeant, par le décret du 24 avril 1880,
que les Indiens se soumissent aux constatations de l'état civil,
telles qu'elles sont fixées par la loi française. Ce n'était là,

— 747 —
toutefois, qu'une mesure administrative laissant intactes, dans
l'ordre social, les coutumes de chacun ; il fallait en outre ré-
gler la forme dans laquelle l'Indien pourrait renoncer à cet
ensemble de traditions. Tel fut l'objet du décret du 24 sep-
tembre 1881; son but était, non de généraliser trop hâtive-
ment une transformation dont on cpnstatait seulement les
premiers symptômes, mais (comme l'indiquait l'exposé des
motifs) « d'assurer la sécurité et la conservation de docu-
« ments importants destinés à modifier la situation juridique
« des déclarants et des descendants ».
Le décret du 21 septembre 1881 a donc réglé les formes à
suivre pour la renonciation. Mais, en dehors des règles qu'il
consacre, de cette renonciation explicite qu'il prévoit, il ne
retire pas aux Indiens le droit de réclamer implicitement le
bénéfice de la législation française. Ce droit, que l'Hindou
peut exercer en accomplissant un acte incompatible avec ses
lois et coutumes, la Cour de cassation en reconnaît l'existence;
elle déclare même que toute renonciation implicite doit être
tenue comme irrévocable et définitive, à l'égal de celle dont
le décret du 21 septembre 1881 a réglé les formes (1).
870. Ce décret du 21 septembre 1881 laissait place lui-
même à quelque incertitude, au moins en son article 1er § 2,
ainsi conçu : « Par le fait de cette renonciation qui sera déti-
« nitive et irrévocable, ils (les natifs) seront régis, ainsi que
« leurs femmes et leurs enfants mineurs, par les lois civiles
« et politiques applicables aux Français dans la colonie. » La
question se posa de savoir si cette assimilation devait être
acceptée avec toutes ses conséquences; elle ne tarda pas à
être tranchée. Un conseil agréé, nommé au titre indien con
formément aux articles 131 et 134 de l'ordonnance du 7 fé-
vrier 1842, après avoir renoncé à son statut personnel, soutint
que cette renonciation lui conférait le droit d'être inscrit au
barreau européen et de verser le cautionnement prévu pour les
conseils européens. Le Conseil d'Etat se montra favorable à
sa demande par ce motif que « le natif qui renonce à son
(1) Cass, civ., 24 juillet 1888 (Aff. Sababadiapoullé). Dans l'espèce, la
renonciation mplicite résultait d'un mariage célébré selon les formes
prescrites par le Code civil français.

— 748 —
« statut personnel doit être regardé comme un Français au
« point de vue de l'application de l'ordonnance du 7 février
« 1842 et qu'il ne pourrait plus dès lors, à partir de sa renon-
« dation, être nommé conseil agréé qu'au titre européen (1) ».
Ainsi le natif qui a renoncé à son statut personnel doit être
considéré à l'égal d'un Français originaire de la métropole.
Cette règle, nous l'avons vu(n° 409), subit toutefois certaines
restrictions en matière électorale. Elle en subit également
dans d'autres cas : ainsi, un Indien renonçant, fonctionnaire
en Cochinchine, n'a pas été admis à bénéficier du compte de
prévoyance ouvert au profit des fonctionnaires d'origine non
asiatique (2).
§ 2. — Etat civil.
871. Nous venons de dire que le décret du 2i avril 1880
avait, pour les indigènes de l'Inde française, réglementé la
constatation des actes de l'état civil. Jusqu'à cette époque, en
effet, les naissances et les décès des natifs étaient, comme le
prévoit le Code civil, régulièrement enregistrés. Mais, aux
termes d'arrêtés locaux en date du 10 juin 1854 et du 29 dé-
cembre 1855, la déclaration n'était pas faite directement à
l'officier de l'état civil ; elle lui était seulement transmise en
copie, après avoir été reçue par un agent de l'autorité, qui la
consignait sur une feuille volante.
On conçoit les abus qui devaient naître de ce système. Ils
attirèrent notamment l'attention des pouvoirs publics lors de
la préparation du décret du 27 janvier 1879 réorganisant les
conseils électifs dans l'Inde. Dans le rapport précédant le dé-
cret, le ministre de la Marine et des Colonies s'exprimait
ainsi : « En présence de l'extension nouvelle donnée aux ins-
« titubons locales, j'ai pensé qu'il était de mon devoir d'ins.
« crire dans un acte organique, émanant du pouvoir supérieur,
« l'obligation pour les Indiens de se soumettre aux constata-
« tions de l'état civil dans une mesure qui ne puisse porter
« atteinte à leur statut personnel que nous nous sommes
« engagés à respecter. Un acte ultérieur, mûrement étudié,
(1) Cons. d'Et. fin., 21 novembre 1882. — Cf. Cass, 16 février 1885;
(S. 88.1.479).
(2) Cons. d'Et. cont. ler juin 1894 [aff. Mary-Dassou, Salomon et Lesage).

— 749 —
« permettra, je l'espère, de concilier les coutumes indiennes
« avec l'exercice des droits politiques et de faire avancer d'un *
« pas les natifs vers la loi française sans froisser leurs
« croyances. »
872. L'acte ultérieur ainsi annoncé fut un décret, signé le
24 avril 1880, qui règle les formalités imposées aux natifs
pour les naissances, les décès et les mariages. Les disposi-
tions du Code civil sont, dans leur ensemble, appliquées en ce
qui touche les naissances et les décès, l'officier de l'état civil
devant recevoir les déclarations et les inscrire sur un registre.
Pour les mariages, le décret fait une distinction entre les indi-
gènes chrétiens d'une part, les gentils et les musulmans d'autre
part. Les croyances religieuses des premiers ne s'opposant
nullement à ce qu'ils soient soumis aux prescriptions de notre
droit, à l'égal des Français originaires de la métropole, le dé-
cret leur applique, sauf quelques modifications, les règles
prévues par le Code civil. Mais, à l'égard des gentils et des
musulmans, il était impossible d'imposer toutes les règles de
notre loi civile sans paraître diminuer la portée de prescrip-
tions religieuses que nous avions pris l'engagement de res-
pecter. Le décret se borne donc à exiger une déclaration de
la célébration du mariage, celle-ci pouvant toujours, du reste,
si les époux gentils ou musulmans le préfèrent, être constatée
devant l'officier de l'état civil, dans les formes de la loi fran-
çaise.
§3. — Castes:
873. L'institution des castes clans l'Inde est intimement liée
aux croyances religieuses, les brahmes l'y maintiennent comme
une sorte de dogme, mais sa véritable origine, et ce qui con-
tribue surtout à lui donner une force durable, ce serait plutôt
l'existence dans la population hindoue de tribus de races dif-
férentes. Chaque tribu s'adonnant à un métier spécial, les
divers éléments, au lieu de se fondre, se sont juxtaposés, et
les barrières qui se sont élevées ainsi entre les différents
groupes de la population se sont, avec le temps, tellement
fortifiées, sont devenues si bien infranchissables, qu'elles ont
résisté à l'invasion musulmane et qu'aujourd'hui l'influence
elle-même de la civilisation est impuissante à les abattre. Spus

—750

un gouvernement unitaire, dans une môme contrée, avec une
# communauté apparente de mœurs et de traditions, la population
hindoue se divise en un grand nombre de castes qui se recon-
naissent à un vêtement, à un signe extérieur, souvent à un
simple tatouage.
La caste absorbe l'Hindou complètement, il devient sa pro-
priété ; il ne peut s'unir avec une jeune tille de caste supé-
rieure, qui se considérerait comme souillée à son contact; il
ne saurait davantage épouser une jeune tille d'une caste infé-
rieure, car il serait alors répudié par les siens, rejeté du sein
de la tribu, maudit dans son ascendance et dans sa postérité.
Avec de telles conséquences, on conçoit que l'existence des
castes ait été pour la population hindoue une cause de fai-
blesse. Si l'Inde a pu être conquise facilement par des enva-
hisseurs musulmans ou européens, c'est que clans ces castes
presque innombrables, dont l'ensemble serait, dit-on, de plu-
sieurs milliers, dans leurs rivalités, leurs rancunes, habilement
exploitées, le conquérant trouva toujours le moyen de diviser
pour régner. Il lui fallut aussi tenir compte de cet état social
pour savoir comment il le concilierait avec l'exercice de son
autorité ; c'est à ce point de vue que l'existence des castes
dans l'Inde doit à notre tour nous préoccuper.
874. Dans son article 1C, le règlement du 30 décembre
1769, considérant la caste comme une sorte d'institution reli-
gieuse, déclarait que « les mœurs, les coutumes et les lois
« malabares seraient appliquées dans toutes les contestations
« entre indigènes ». La France ne s'est pas, depuis lors, écartée
de ce principe, qu'en 1818 le gouverneur général de nos pos-
sessions de l'Inde exposait en ces termes : « Avant 1789,
« époque de la Révolution française, le libre exercice des cultes
« religieux était permis à Karikal comme dans nos autres
« établissements de l'Inde, et pour.que cette liberté fût plus
« respectée, le gouverneur la protégeait et l'environnait tou-
« jours des précautions nécessaires pour empêcher le désor-
« dre qui, trop souvent, est la suite des réunions nombreuses,
« Alors on exigeait que toute cérémonie religieuse ne pût se
« faire sans une permission expresse de l'administrateur en
« chef et sans la surveillance de la police. Une pétition était
« présentée à cet effet, par les parties intéressées, aux magis-

— 751 —
« trats de police qui en référaient à l'autorité supérieure. Dans
-« chacune des castes, on pratiquait scrupuleusement ce qui
« s'était pratiqué de temps immémorial et tout se passait dans
■« l'ordre. Nous voulons, en conséquence, que ce qui s'est fait
« avant 1789 continue de se faire sans restriction et sans
« innovation. »
Cette politique n'a cessé d'être en vigueur ; elle est aujour-
d'hui consacrée par l'article 3 de l'arrêté local du 6 janvier
1819 et par les articles 5 et 209 § 2 de l'ordonnance judiciaire
du 7 février 1842. Le décret du 18 septembre 1877 a régle-
menté l'application du principe, mais seulement afin de
■<( prendre les précautions nécessaires clans l'intérêt de la paix
« publique et pour garantir les natifs eux-mêmes contre l'abus
« qui pourrait être fait de ces privilèges ». Mais il respecte
l'institution des castes avec toutes ses conséquences ; l'exposé
des motifs qui le précède ne laisse aucun doute sur ce point,
car le ministre de la Marine et des Colonies s'y exprime
ainsi : « Si la promulgation du Code pénal métropolitain avait
« eu pour effet de modifier ce régime d'exception qui permet
« notamment de punir un individu porteur de babouches
« d'une couleur autre que celle de sa caste, ou d'un insigne
« quelconque, une canne à pomme d'or, par exemple, sans
« permission de l'autorité, je n'hésite pas à dire que ce nou-
« vel état de choses serait une cause de trouble et de pertur-
■« bation dans les us et coutumes des Hindous que nous avons
« promis de respecter ; il produirait une désaffection de la
« part de cette population qui tient avant tout à ses privilèges
« aristocratiques et à ses préjugés religieux et sociaux. »
875. C'est le gouverneur qui est le juge suprême en matière
de caste; il tient ce pouvoir de la tradition (le Mamoul). Son
autorité d'arbitre souverain s'est toujours exercée sans con-
teste, reconnu par les arrêtés locaux du 26 mai 1827 et du
2 novembre 1841, confirmé par l'ordonnance du 7 février 1842
et le décret du 18 septembre 1877. « Les affaires de caste —
disposent les articles 4 et 5 de l'arrêté du 2 novembre 1841
« — seront décidées par le gouverneur au moyen d'arrêtés
« ou décision en matière d'administration et de police. Aucun
« recours ne sera admis, soit au contentieux administratif,
« soit autrement, contre lesdits arrêtés ou décisions. » L'or-

— 752 —
donnance du 7 février 1842 et le décret du 18 septembre 1877
ont réglementé la répression des contraventions en matière de
caste ; d'après l'article 3 du décret, les infractions aux pres-
criptions des arrêtés des gouverneurs, à ce sujet, sont punies
d'un emprisonnement de un à quinze jours et d'une amende
de un à cent francs.
876. Le décret de 1877 qui, comme nous l'avons dit, fait
de la caste une institution religieuse, en réglemente les mani-
festations extérieures au point de vue du droit de réunion et
d'association. Cette préoccupation s'explique d'autant mieux
que dans l'Inde les natifs apportent une passion véritable à
tout ce qui touche aux questions de caste et de religion, et
que les réunions où il est traité de ces matières ont toujours
dès lors une réelle importance. Bien antérieurement au décret,
les dispositions du Code pénal, celles des articles 291 à 294,
n'avaient pas paru suffisamment rigoureuses; elles avaient,
en 1826, été remplacées par des restrictions plus fortes, le
nombre des personnes au delà duquel toute réunion et toute
association devait être autorisée étant abaissé de 20 à 10 .
L'article 4 du décret du 18 septembre 1877 maintient ces
limitations, mais l'exposé des motifs spécifie qu'elles concer-
nent uniquement « les affaires de caste et de religion ». Les
pénalités prévues peuvent atteindre deux cents francs d'a-
mende pour les chefs de réunions ou associations illicites, et
même deux années d'emprisonnement, si dans la réunion sont
commises des provocations à des crimes, des délits, ou des
actes injurieux pour les dépositaires de l'autorité. 11 s'agit
avant tout, on le voit, dans l'ensemble de ces dispositions,
de mesures spéciales de police, rendues nécessaires pour la
sauvegarde des pouvoirs établis par l'état social et religieux
du pays.
ARTICLE 2. — Cochinchine.
§ 1. Législation civile.
877. Le décret du 25 juillet 1864 avait laissé subsister en
Cochinchine, à côté de tribunaux français, une justice anna-
mite dont l'exercice, peu de temps après, était donné aux ins-
pecteurs, puis aux administrateurs des affaires indigènes.

— 753 —
Cette juridiction annamite, dont les décisions étaient suscep
tibles d'appel devant le gouverneur et môme, après le décret
du 3 avril 1880, devant la cour do Saigon, se prononçait
selon la loi indigène, la coutume locale. Mais nous avons vu
(n° 766) qu'elle finit par disparaître complètement et qu'au-
jourd'hui les tribunaux français jugent, en appliquant la loi
annamite, les contestations entre indigènes et Asiatiques. Les
jugements rendus en dernier ressort par les tribunaux de
simple police et les tribunaux de première instance jugeant
en matière indigène, peuvent d'ailleurs, d'après l'article 28 du
décret du 17 mai 1895, être attaqués par la voie de l'annula-
tion devant la cour d'appel, qui prononce alors souveraine-
ment (1). C'est, en somme, la juridiction française qui, à des
degrés divers, est appelée à interpréter et à appliquer la loi
annamite.
Dans la pratique, ce n'était pas souvent sans difficulté que
les magistrats étaient obligés de se référer à une législation
coutumière, parfois remplie d'incertitude. L'Administration des
colonies, frappée de ces inconvénients, voulut y remédier en
publiant un Code civil à l'usage des Annamites. Elle avait
conçu le projet de codifier, en les mettant d'accord autant que
possible avec les règles essentielles de notre droit civil, les
principales dispositions de la législation indigène. Mais elle
reconnut qu'a vouloir préciser, dans des formules trop étroites,
une législation encore mal connue, on s'exposerait à des diffi-
cultés d'application plus grandes encore, à de très nombreux
abus. Aussi, le Département de la marine et des colonies,
d'accord avec celui de la justice, se borna-t-il finalement à
réglementer l'état civil des Annamites en leur appliquant
quelques dispositions du premier livre du Code. Ainsi conçu,
ce premier essai, qui devait être, et n'a pas encore été, con-
tinué par un travail ultérieur, la revision d'ensemble de la
législation annamite tend à laisser aux tribunaux une grande
liberté d'appréciation et conséquemment à accroître l'autorité
de la jurisprudence. Il a fait l'objet de deux décrets en date
du 3 octobre 1883.
878. Le premier de ces actes rend applicables aux Annamites,
(1) Cf. Cass. Req. 11 novembre 1885 (Aff. Huynh l>oa) D. P. 86.1.257
COLONIES, 1.
48

— 754 —
en Cochinchine, les titres préliminaires I et III du livre 1er
du Code civil métropolitain, sauf une modification à l'arti-
cle 1er. Le titre II du même livre « des actes de l'état civil »
est remplacé pour les indigènes et Asiatiques par un décret
spécial rendu à la date du même jour. Enfin, pour les autres
titres du premier livre, il se réfère, dans son article 3, à un
précis qui devait être rédigé par les soins du ministre de la
Marine et des Colonies et du garde des sceaux.
Le précis, ainsi annoncé, a été préparé et classe aujourd'hui
sous les titres IV, V, VI, VII, VIII, IX, X et XI du Code
civil les principales dispositions de la législation annamite
applicables à l'absence, au mariage, au divorce, à la paternité
et à la filiation, à l'adoption, à la puissance paternelle, à la
minorité et à la majorité.
Le second des deux décrets du 3 octobre 1883 est, nous
venons de le voir, spécial à l'état civil des Annamites. 11 con-
fie la constatation des naissances, des mariages et des décès à
des officiers de l'état civil, désignés dans chaque commune
par le gouverneur. Noue ne pouvons que renvoyer aux dispo-
sitions de ce décret.
§2. — Législation criminelle.
879. Dans son article 11, le décret du 25 juillet 1864 dis-
posait que les crimes et délits commis par des indigènes se-
raient jugés conformément à la loi annamite. Il était naturel,
en effet, qu'au lendemain de la conquête le Gouvernement
évitât de transformer trop profondément les coutumes de ses
nouveaux sujets. C'était une dérogation au principe- formulé
par l'article 3 du Code civil que « les lois de police et de sù-
« reté obligent tous ceux qui habitent le territoire français » ;
mais c'est aussi, de la part du Gouvernement, un engage-
ment bien difficile à tenir et que, dans l'intérêt même des in-
digènes, il était préférable de ne pas toujours observer. La
plus grande partie des peines que prévoit le droit annamite,
par leur rigueur ou leurs raffinements, sont incompatibles avec
notre civilisation, et l'un des premiers gouverneurs de la co-
lonie, M. le vice-amiral de la Grandière, comprenant ce
qu'aurait eu de choquant une application stricte de la loi indi-

— 755 —
gène, dû prescrire aux chefs d'arrondissements « de se rap-
« procher autant que possible des prescriptions du Code
« français, plus conformes aux lois de la raison et de l'huma-
« nité ». Cette politique a, dans la suite, été celle de tous les
gouverneurs : les pénalités prévues par le droit annamite
n'ont souvent été prononcées que pour la forme, le chef de
la colonie, juge suprême en matière indigène ( Déc. 25 juillet
1864), y substituant des sanctions moins rigoureuses chaque
fois que le commandait l'intérêt supérieur de la civilisation.
Néanmoins, l'incertitude que présentaient, en l'absence de
toute codification, les lois pénales indigènes amenèrent le
Gouvernement à rédiger, en s'inspirant autant que possible
des principes de notre législation criminelle, un Code pénal
à l'usage des Annamites. Tel fut l'objet du décret du
16 mars 1880 qui rend applicables, aux indigènes de la
Cochinchine, les dispositions du Code pénal métropolitain,
dont il supprime toutefois un certain nombre d'articles et dont
il modifie quelques autres. Les auteurs du décret ont tenu
compte, en s'écartant de la loi métropolitaine, de l'organisa-
tion de la famille annamite, des différences de mœurs, de
l'importance relative des peines aux yeux des populations,
parfois de leur difficulté d'exécution. C'est ainsi que, pour le
vol, le nouveau Code supprime la circonstance aggravante de
l'effraction, modification que le rapport précédant le décret
justifie en ces termes : « Il faut tenir compte de la différence
« fondamentale qui existe à cet égard entre la législation
« française et la législation annamite. En effet, celle-ci mesure
« la gravité du châtiment à l'importance du prejudice causé
« et non aux circonstances qui ont accompagné le crime, d'où
« il résulte qu'elle se montre indulgente pour des vols qui,
« bien que de peu d'importance, seraient considérés comme
« vols qualifiés en France et punis de peines
criminelles,
« Certes, il est bon de faire pénétrer dans l'esprit des popu-
« lations la notion des circonstances aggravantes d'après les-
« quelles la loi française a échelonné les peines ; mais c'est
« une œuvre que le temps seul pourra accomplir, tandis que,
« par une trop brusque application de nos principes, la loi
« nouvelle pourrait paraître aux indigènes plus sévère dans
« certains cas que leur ancienne législation. »

— 756 —
L'article 384 du Code pénal n'est donc pas, en règle géné-
rale, applicable aux indigènes et aux Asiatiques. Il le devient
néanmoins quand il s'agit de crimes commis au préjudice d'un
Européen, et déférés par suite obligatoirement, aux termes
de l'article 37 du décret du 17 mai 1895, à la cour criminelle
de Saigon. Les Annamites sont en effet, dans ce cas, justi-
ciables des tribunaux français, comme le prévoyait déjà l'ar-
ticle 14 du décret du 28 juillet 1864, et l'article 5 du décret
du 16 mars 1880 maintient l'entière application du Code pénal,
tel qu'il a été promulgué en Cochinchine, pour « les Euro-
» péens et tous autres justiciables des tribunaux français » (1).
Sur un point particulier, le décret du 16 mars 1880 a été
complété par un décret du 28 février 1887, qui assimile aux
chemins publics, en cas de vol, les fleuves et autres voies na-
vigables. Un arrêt de la Cour de cassation du 23 juillet 1886
avait en effet déclaré que l'article 383 du Code pénal η était
pas applicable aux vols commis sur les fleuves, rivières et
canaux, c'est-à-dire sur les principales voies de communication
de la Cochinchine.
ARTICLE 3. — Pays de protectorat de l'Indo-Chine.
880. Nous avons vu (n° 767) quelles étaient, pour le Ton-
kin et l'Annam, l'organisation et la compétence des tribunaux
français. A côté de ces juridictions existe une justice annamite,
dans l'exercice de laquelle l'article 7 du traité du 6 juin 1884
ne nous permet pas d'intervenir directement et dont nous de-
vons nous borner, par une sorte de droit de contrôle, à sur-
veiller le fonctionnement.
Ces tribunaux indigènes, qui appliquent, en matière civile
comme en matière pénale, la loi annamite, sont aujourd'hui
de deux sortes : les tribunaux ordinaires et les tribunaux
mixtes. Les premiers ne sont autres que ceux des mandarins
judiciaires; c'est le tribunal du quan-an ou de l'an-sat. De-
vant ce dernier, les indigènes peuvent porter toutes les con-
testations qui s'élèvent entre eux, mais le texte du jugement,
(1) En ce sens Cass. crim. 2 septembre 1886 (AIT. Lam-nhi-soi).

— 757 —
accompagné de sa traduction, doit, avant l'exécution, être
soumis au visa du résident de la province (1).
Les tribunaux mixtes ont été institués pour connaître de
tous les faits de rébellion ou de complicité de rébellion
commis par des indigènes, même appartenant à la milice. A.
l'origine (2), ces tribunaux se composaient uniquement du
résident, représentant du protectorat, et du quan-an, repré-
sentant du gouvernement royal. Encore le résident ne pouvait-
il présider le tribunal mixte, pas plus qu'y siéger sous la pré-
sidence d'un autre. Son rôle devait se borner à suivre la pro-
cédure, intervenir dans les interrogatoires, provoquer les
constatations nécessaires à la preuve de la culpabilité; le ju-
gement était rédigé par les soins du quan-an en la forme or-»
dinaire de tous les jugements indigènes. Aujourd'hui, le tri-»
bunal mixte est plus fortement constitué. Il se compose du
résident, du chef indigène de la province, de Yan-sat. Le ré-
sident est donc membre du tribunal et à ce titre appose son
cachet sur les jugements à côté des juges indigènes (3).
Le décret du 1er novembre 1901, qui a maintenu ces juri-
dictions (n° 768 bis) déclare expressément que les lois et
coutumes indigènes en vigueur sont maintenues en matière
civile. La législation pénale annamite continue de même à
être appliquée en matière répressive. Le décret du 1er no-
vembre 1901 interdit toutefois l'application des châtiments cor-
porels, soit comme moyen d'instruction, soit comme pénalité ;
Le juge doit leur substituer la peine de l'emprisonnement
sans que cet emprisonnement puisse excéder une durée de
cinq ans, sauf au cas de récidive où il peut être porté au
d ouble.
D'après le décret du 1er décembre 1902, organisant la jus-
tice au Tonkin, en Annam et au Laos, l'instruction criminelle
et la législation applicable, devant les juridictions françaises,
dans tous les cas où les inculpés sont des Annamites ou des
Asiatiques assimilés sont, comme en Cochinchine, déterminées
(1) Cf. Cirç. 27 décembre 18S8 (Ganter, Recueil de la législation de
l'Annam et du Tonkin, p. 688).
(2) Circ. 11 et 28 février 1889 (Ibid., p. 688 et 689).
(3) Cf. Circ. 23 janvier 1892
(Ibid., p. 691).

— 758 —
par les articles 47 à 62 inclusivement, 96, 97 et 98 du décret
du 17 juin 1889, 1 10 et 111 du décret du 17 mai 1895.
Le décret du 6 mai 1898, qui a réorganisé le service de la
justice au Cambodge (n° 766 ), a spécitié de même expressé-
ment que rien n'était modifié aux dispositions concernant les
juridictions instituées pour le jugement des affaires civiles,
commerciales et criminelles, qui intéressent les Cambodgiens
entre eux.
ARTICLE 4. — Afrique occidentale, Congo, Côte Somali.
881. La Cour de cassation avait admis, le 24 novembre
1900,(1) que la cour d'assises du Sénégal était compétente pour
eon- naître d'un crime commis par un indigène sur un autre indi-
gène dans le territoire de la colonie ressortissant à sa juridic-
tion en vertu des articles 6, 18 et 23 du décret du 15 mai 1889.
Ces questions de compétence territoriale ne se posent plus
s ous l'empire des décrets du 10 novembre 1903 et du 22 mai
1905 portant réorganisation judiciaire de l'Afrique occidentale
française (n°3 749 et suivants).
A l'égard des populations indigènes, les tribunaux français
et le juge de paix de Kayes connaissent, en matières correction-
nelle et de simple police, de tous les délits et contraventions
commis dans l'étendue de leur ressort. En matière criminelle,
les cours d'assises connaissent envers les indigènes de tous les
crimes et autres infractions déférées en France aux cours d'as-
sises, dans l'étendue du ressort des tribunaux de première
instance et de la justice de paix de Kayes. De plus, en toute
matière, les indigènes peuvent réclamer le bénéfice de la juri-
diction française; lorsque les parties sont ainsi d'accord pour
saisir de leurs différends les tribunaux français, il leur est fait
application des usages et coutumes du lieu, à moins qu'elles
n'aient déclaré dans un acte contracter sous l'empire de la loi
française. De plein droit, en outre, les tribunaux de première
instance et la justice de paix à compétence étendue de Kayes
connaissent en matières civile et commerciale de toutes les
affaires dans lesquelles sont intéressés les indigènes demeu-
rant dans le ressort. La loi française est, en principe, dans ce
(1) Cass. crim., 24 novembre 1!>00 (Aff. Maury M' Baye).

— 759 —
cas, seule appliquée. Toutefois lorsqu'il s'agit de personnes
ayant conservé le statut indigène, dans les questions qui inté-
ressent l'état civil, le mariage, les successions, les donations et
les testaments, les tribunaux français, ou, au second degré, la
cour, procèdent et jugent, avec le concours d'un assesseur indi-
gène, suivant les coutumes locales Pour les indigènes musul-
mans, c'est, au premier degré, le tribunal musulman de Saint-
Louis, Dakar ou Kayes au second degré la cour, qui statuent
d'après la loi musulmane.
Cette application de la loi coranique s'étend aux matières
que nous venons d'énumérer: l'état civil, le mariage, les suc-
cessions, les donations et les testaments. En ce qui concerne
les successions, sous l'empire du décret du 20 mai 1857, qui
avait créé un tribunal musulman à Saint-Louis, cette compé-
tence avait été précisée par la jurisprudence des tribunaux
de la colonie. Ainsi, le cadi ayant revendiqué le droit de vendre
le mobilier dépendant d'une succession pour en liquider l'ac-
tif, le tribunal de première instance de Saint-Louis, par un
jugement en date du 6 octobre 1883, refusa d'admettre cette
demande, « la loi ayant entendu créer un privilège en faveur
« des commissaires-priseurs pour toutes les ventes volontaires
« ou publiques de marchandises, effets mobiliers, ainsi que
« pour les ventes volontaires après décès, sans distinction
« entre les biens dépendant des successions musulmanes ou
« autres ».
Le tribunal de
Saint-Louis nous parait s'être à bon
droit prononcé, la juridiction musulmane ne devant con-
naître, d'après l'article 2 du décret du 20 mai 1857, que des
affaires litigieuses concernant les successions, et non des suc-
cessions non litigieuses. La compétence des tribunaux musul-
mans, en d'autres termes, doit être considérée toujours comme
exceptionnelle; en dehors des seuls cas où le prévoit le décret
de 1857, c'est aux tribunaux français, selon la loi civile fran-
çaise, qu'il appartient de se prononcer.
Enfin les tribunaux français, en matière répressive, ont une
compétence générale, quel que soit le lieu de l'infraction,
quand les auteurs de celle-ci sont des indigènes ayant agi de
complicité avec des Français, Européens ou assimilés, ou que
la victime est l'une ou l'autre de ces personnes.

— 760 —
Dans toutes autres circonstances, la justice indigène est
seule compétente. La justice est administrée, à l'égard des
individus non justiciables des tribunaux français, par des tri-
bunaux de village, des tribunaux de province et des tribunaux
de cercle sous réserve des pouvoirs attribués à la chambre
d'homologation que le décret du 10 novembre 1903 a instituée
au chef-lieu de la colonie. D'après ce même décret, la justice
indigène applique en toute matière les coutumes locales en
tout ce qu'elles n'ont pas de contraire aux principes de la civi-
lisation française. Dans tous les cas où des châtiments corpo-
rels seraient prévus, il leur substitue l'emprisonnement. Les
jugements indigènes, tant en matière civile qu'en matière
pénale, sont exécutoires après visa de l'administrateur. L'exé-
cution des jugements des tribunaux de cercle prononçant des
peines supérieures à cinq ans d'emprisonnement est suspendue
pendant toute la durée de la procédure d'homologation; toute-
lois, la peine court du jour où a commencé la détention primi-
tive. L'emprisonnement, en matière indigène, est subi soit
dans un pénitencier indigène, soit dans des locaux discipli-
naires, soit sur des chantiers de travaux d'utilité publique.
Au Congo, d'après le décret du 17 mars 1903 (n° 756), a
l'égard des populations indigènes, les tribunaux français, en
matières civile et commerciale, connaissent des affaires intéres-
sant les indigènes lorsque les parties en cause sont d'accord
pour leur soumettre leur différend. En matière pénale, ils sont
seuls compétents, envers les indigènes, pour connaître des
infractions commises par les indigènes de complicité avec les
Européens ou assimilés ou avec des indigènes non Congolais,
et, plus spécialement, pour connaître des crimes et des délits
commis dans le périmètre urbain et les faubourgs de Libre-
ville et de Brazzaville, ou dans le périmètre des résidences,
cercles, postes ou stations. Enfin, comme on l'a vu (n° 756),
la cour criminelle connaît des crimes commis par les indi-
gènes et ayant un caractère politique.
Hors ces cas exceptionnels, les indigènes au Congo français
sont, en règle générale, jugés par les administrateurs, en atten-
dant l'organisation de tribunaux indigènes, et sous réserve
d'homologation par un tribunal spécial institué à Libreville et
â Brazzaville pour les peines supérieures à une année d'em-

— 761 —
prisonnement. Les administrateurs, pour l'application de la loi,
peuvent se conformer aux usages et coutumes du lieu, mais il
leur est interdit de prononcer des châtiments corporels. Dans
les cas où ces pénalités seraient prévues, ils doivent y substi-
tuer l'emprisonnement correctionnel ou l'amende. Le juge
applique de même les coutumes et usages locaux, quand des
indigènes saisissent de leurs procès les tribunaux français,
à moins que les parties n'aient déclaré contracter sous l'em-
pire de la loi française ou en accepter l'application.
A la côte Somali, d'après le décret du 4 février 1904, les tri-
bunaux indigènes du premier et du deuxième degrés connais-
sent des affaires civiles ou commerciales entre indigènes ou
assimilés, et entre indigènes ou assimilés d'une part, Français,
Européens ou assimilés d'autre part, lorsque toutes les parties
sont d'accord pour leur soumettre leur différend. Quand ces
contestations entre Français et indigènes ou assimilés sont
portées devant les tribunaux français, le juge a la faculté de
s'inspirer des coutumes locales dans tous les cas où elles ne
sont pas contraires aux principes de la loi française. Les tribu-
naux indigènes, en matière répressive, sont compétents à l'égard
des indigènes. Ils appliquent uniquement, en" toute matière,
d'ailleurs, la loi indigène, mais les peines et châtiments cor-
porels demeurent supprimés. Les condamnés indigènes peuvent
bénéficier des dispositions de la loi du 14 août 1885 sur les
moyens de prévenir la récidive; le gouverneur peut prendre
en leur faveur des arrêtés de mise en liberté provisoire.
ARTICLE 5. — Madagascar et Comores.
882. L'article 16 du décret du 9 juin 1896 maintient les
juridictions indigènes et leur laisse le droit de connaître, con-
formément aux dispositions de la législation locale, de toutes
les affaires civiles.
Ces juridictions, telles qu'elles existaient avant la conquête,
n'étaient pas partout soumises à des règles uniformes. A Ta-
nanarive, les juges étaient désignés par le premier ministre et
choisis, non dans une catégorie de fonctionnaires, mais parmi
les Hovas réputés pour leur science ou leurs sentiments
d'équité. Dans le reste de l'Emyrne, les juges étaient de véri-
tables fonctionnaires, à la fois de l'ordre administratif et de

— 762 —
l'ordre judiciaire et portant le titre d'amis des villages. Hors
de l'Emyrne enfin, le juge était le gouverneur hova.
Quant à la législation locale, après un premier essai de co-
dification locale remontant à la reine Ranavolo 1re, qui régna
de 1828 à 1860, elle a été revisée dans son ensemble le 29 mars
1881. A cette date fut promulgué un nouveau code en 305 ar-
ticles. Il est certain que l'occupation française ne peut per-
mettre aujourd'hui l'entière application de ce code, particuliè-
rement rigoureux, puisqu'il compte 142 articles portant con-
damnation à des pénalités aujourd'hui inadmissibles, comme
celle des fers à perpétuité, infligée par l'article 185 à tout
Malgache vendant sa terre à un étranger.
Un décret du 24 novembre 1898 (n° 761) a organisé la jus-
tice indigène à Madagascar. D'après l'article 8 du décret, la
procédure et le jugement des affaires civiles et commerciales
soumises aux tribunaux indigènes du 1er et du 2e degré ont
lieu autant que possible selon la procédure suivie devant les
justices de paix de la colonie. Le président peut toutefois
s'inspirer des usages et coutumes locaux. C'est uniquement
d'après ces usages et coutumes que jugent les tribunaux indi-
gènes et que se prononce elle-même, en matière indigène, la
cour d'appel de Tananarive. Les jugements et arrêts rendus
à Madagascar en matière indigène ne sont pas susceptibles de
pourvoi en cassation.
La déclaration faite par un indigène à Madagascar, dans un
acte notarié, qu'il entend contracter sous l'empire de la loi
française n'équivaut pas à une renonciation absolue au statut
personnel de cet indigène. Elle doit être interprétée seulement
-dans ce sens que le déclarant s'assure le bénéfice de la loi
française en ce qui concerne les contrats à passer avec les
indigènes et les changements de juridiction qui y seraient sti-
pulés (1).
Aux Comores, en vertu des traités conclus avec les sultans,
les juridictions indigènes ont été maintenues, mais, d'après le
décret du '.') novembre 1904, pour le jugement des affaires ci-
viles et commerciales intéressant les indigènes exclusivement.
(I) Cour d'appel de Tananarive, 22 décembre 1897 (Aff. Raisoandrazana
•et consorts). υ. P. 1900, 2, 157.

— 763 -
En matière répressive, le tribunal et la cour criminelle de
Mayotte sont compétents envers les indigènes; ils jugent selon
la loi française.
ARTICLE 6. — Établissements français de I'Océanie.
882 bis. La législation indigène, dans nos établissements de
I'Océanie, s'écarte profondément sur certains points de la lé-
gislation métropolitaine; il en est ainsi, notamment, des lois
locales sur la propriété des terres, dont les plus importantes
sont celles du 30 novembre 1855 et du 7 avril 1866. Aussi la
connaissance des différends pouvant s'élever en matière de
propriété foncière avait-elle été toujours réservée aux tribu-
naux indigènes. L'ordonnance de la reine Pomaré du 14 dé-
cembre 1865, puis le décret du 18 août 1868 étaient formels
«dans ce sens. De même, la déclaration du 8 juin 1880, annexée
à la loi du 30 décembre de la même année, n'était pas moins
nette : « Nous désirons enfin, portait-elle, que l'on continue à
« laisser toutes les affaires relatives aux terres entre les mains
« des tribunaux indigènes. »
Cette compétence spéciale des tribunaux indigènes est des-
tinée à disparaître prochainement. Une délimitation des terres,
qui doit donner à la propriété foncière une certitude dont elle
était complètement dépourvue, a été commencée, il y a
quelques années. Or, aux termes d'une convention conclue
avec le roi Pomaré V le 29 décembre 1887, les juridictions
indigènes seront supprimées dès que les opérations relatives
à cette délimitation seront terminées. Déjà (n° 776) les attri-
butions de la cour de cassation tahitienne ont été, par un
décret du 27 février 1892, conférées au tribunal supérieur de
Papeete. A Tahiti et dans les archipels placés sous notre do-
mination, il est permis de penser que l'unité de juridiction et
l'unité de législation ne tarderont pas à être établies; dans
les îles Gambier, le code spécial, dit code Mangarévien, a été
rapporté le 28 juin 1887.

— 764 —
SECTION III.
LÉGISLATION DOMANIALE (1).
ARTICLE PREMIER. — Domaine de l'État.
883. Antilles et Réunion. Dans ces colonies, l'interprétation
qu'ont reçue, à tort, selon nous, deux ordonnances royales,
d'une importance capitale en la matière, Celles des 26 janvier
et 17 août 1825, a permis de restreindre considérablement le
domaine de l'État. Ces deux actes, dans leur ensemble, ont eu
pour but de mettre à la charge des colonies, sur leurs reve-
nus locaux (dont, à cet effet, la métropole faisait abandon),
leurs dépenses autres que celles des troupes et de la marine.
L'article 3 de l'ordonnance du 17 août 1825, notamment, doit
être intégralement reproduit: « Les établissements publics de
« toute nature et les propriétés domaniales existant dans nos
« diverses colonies leur seront remis en toute propriété, à la
« charge de les réparer, de les entretenir et de n'en disposer que
« sur notre autorisation.
Sont également remis aux colonies
« les noirs et les objets mobiliers attachés aux différentes
« branches du service. »
Il n'est pas douteux que ces ordonnances avaient un carac-
tère exclusivement budgétaire, qu'elles tendaient uniquement
à accroître les charges du service local en augmentant ses
revenus. Mais avaient-elles pour but d'attribuer aux colonies
l'ensemble du domaine, et notamment les bois, les forêts, les
terres vacantes et sans maîtres? La seule raison de droit qu'on
ait pu invoquer dans ce sens est tirée des termes généraux
qu'emploie l'article 3 de l'ordonnance du 26 janvier 1825, en
faisant abandon aux colonies des revenus locaux « quelles
« qu'en soient la nature et l'origine ». Pour fortifier cette
thèse, on ajoute que l'article 3 de l'ordonnance du 17 août
précise la portée de cet abandon, qu'il lui reconnaît à son
tour l'effet le plus étendu, en l'appliquant aux « établissements
« publics de toute nature » et aux « propriétés domaniales » ,
(t) Un certain nombre de documents relatifs à la législation dominiale
nous ont été fournis par les travaux très
complets
de M. Demartial,
chef de bureau au ministère des Colonies.

— 765 —
sous les seules exceptions qu'énumère limitativement l'article 4.
« Ne sont pas compris, dans les établissements dont il est
« question à l'article précédent, les bâtiments militaires, etc. »
Cette opinion nous parait inadmissible. L'Etat, en 1825,
n'avait pas les sentiments aveuglément désintéressés qu'on lui
prête; ses intentions alors étaient beaucoup moins libérales,
comme les font apparaître les termes mêmes de l'article 3 de
l'ordonnance du 17 août. S'il abandonne aux colonies les éta-
blissements publies de toute nature et les propriétés doma-
niales, c'est « à la charge de les réparer et de les entretenir ».
Il veut, en d'autres termes, ne pas conserver l'administration
et l'entretien des propriétés au sens spécial du mot, c'est-à-
dire des habitations, des exploitations rurales qu'il pouvait
posséder avec « les noirs et les objets mobiliers » qui s'y
trouvaient attachés. D'abandon de terres vacantes et de biens
sans maîtres, il n'est trace nulle part et il ne pouvait être
question, car c'eût été de la part de l'Etat une cession abso-
lument gratuite, alors que les ordonnances visaient un but in-
téressé.
La première interprétation cependant a été admise dans la
pratique, à la faveur de la négligence que l'État, à la suite
des ordonnances, a mise à défendre ses droits. Actuellement,
aux Antilles et à la Réunion, le domaine de l'État se trouve
réduit aux bâtiments militaires (à l'exception des hôpitaux),
aux fortifications, aux batteries, forts et autres ouvrages de
défense, enfin aux cinquante pas géométriques.
884. Cette réserve des cinquante pas géométriques consti-
tue une particularité intéressante de la législation domaniale
de nos possessions ; son origine remonte à la création de nos
premiers établissements coloniaux. Le pas géométrique,
appelé aussi pas du roi ou pas allemand, était une mesure
employée sous l'ancienne monarchie et équivalant à cinq pieds.
Dans la prise de possession des « isles d'Amérique » et lors
de notre établissement à Bourbon, une réserve de cinquante
pas, c'est-à-dire une bande de terrain large de 81 mètres en-
viron, sur le rivage de la mer, fut déclarée non susceptible de
(1) Dépèche ministérielle du 3 décembre 1757 (Archives coloniales

— 766 —
propriété privée, afin de permettre la création d'ouvrages de
défense ou d'utilité publique. Des concessions ne pouvaient
être accordées à des particuliers sur cette réserve que pour la
jouissance seulement (1). Néanmoins des empiétements ne tar-
dèrent pas à se produire et, pour y mettre un terme, à la
Réunion, un arrêté du capitaine général Decaen fut rendu à la
date du 5 mai 1807. Cet arrêté déclarait la réserve inaliénable
et classait dans le domaine public les cinquante pas et leurs
annexes, c'est-â-dire notamment « les étangs et marais sa-
« lants, lacs, mares et bassins situés, en tout ou en partie, sur
« le terrain réservé; les îlots adjacents aux rivages, les bancs
« qui assèchent aux basses marées, les embouchures et les
« bassins d'embouchure des rivières accessibles aux bateaux
« du dehors ». Les caractères que cet arrêté reconnaissait à la
réserve ont été consacrés pour les Antilles et pour la Réunion
par les ordonnances organiques de 1825 et de 1827 sous cette
forme : « Aucune portion des cinquante pas géométriques ré-
« servés sur le littoral ne peut être échangée ni aliénée. »
Il semble bien, à considérer le but de cette réserve, les rai
sons qui l'avaient fait classer dans le domaine public, qu'elle
doive appartenir exclusivement à l'État. Néanmoins, à la Réu-
nion, un décret colonial du 5 août 1839 permettait d'autoriser
les habitants à s'établir, à titre précaire, sur la réserve, à la
condition de payer des redevances, qui seraient partagées
entre la colonie et les communes. Le conseil général en con-
clut que la colonie avait la jouissance de la réserve et prétendit
fixer lui-même les redevances; mais un décret en Conseil
d'État du 28 février 1878 annula sa délibération, les pouvoirs
dévolus à l'assemblée locale ne pouvant « s'étendre au do-
« maine public ». Aux Antilles, un décret du il mars 1882,
applicable à la Guadeloupe et étendu à la Martinique par un
décret du 4 juin 1887, a porté une atteinte beaucoup plus
grave au principe de l'inaliénabilité de la réserve. 11 déclare,
en effet, irrévocables les concessions de terrains bâtis faites
dans les limites des villes, bourgs et villages, et autorise,
dans ces mômes limites, des concessions de terrains non bâtis.
Il convient de remarquer toutefois que, d'après l'article 7 de
ce décret, le produit des concessions ainsi faites à titre oné-
reux doit être versé au budget métropolitain.

— 767 —
885. D'après les ordonnances organiques, le gouverneur
propose au ministre les acquisitions et aliénations d'immeubles
au compte de la métropole ; il statue définitivement quand leur
valeur n'excède pas 3,000 francs ; il ordonne, en outre, les
poursuites en vue de faire révoquer les concessions' et les ré-
intégrer dans le domaine, au cas d'inexécution par les conces-
sionnaires de leurs obligations. Ces dispositions ont été re-
produites dans la législation de la plupart de nos colonies.
Le service de l'enregistrement et des domaines a l'adminis-
tration des biens de l'État sous la surveillance du chef du
service administratif. C'est celui-ci qui est assigné comme dé-
fendeur ou qui prend l'initiative des poursuites comme de-
mandeur, dans les instances relatives au droit de propriété de
l'Etat, soit devant les tribunaux civils, soit devant le conseil
du contentieux.
886. Guyane. L'ordonnance du 17 août 1825 a été, dans cette
colonie, l'origine des mêmes empiétements qu'aux Antilles. En
outre, l'article 35 du décret du 23 décembre 1878 instituant un
conseil général dans la Guyane reconnaît à cette assemblée
le droit de statuer, d'après les propositions du gouverneur,
sur les aliénations de terres domaniales; des arrêtés locaux
pris en exécution des délibérations du conseil ont, par suite,
réglementé le régime des concessions sur les terres du
domaine,"y compris les biens vacants et sans maître. On a pu
voir intervenir ainsi : 1° un arrêté du 5 décembre 1884, dont
les articles 3, 4 et 5, relatifs à des questions de détail, sont
seuls applicables actuellement ; 2° un arrêté du 24 mai 1895
autorisant des concessions à titre onéreux et, à titre provisoire
seulement, des concessions gratuites ; 3° un décret du 18 mars
1881, spécial aux exploitations aurifères; 4° un arrêté du
18 janvier 1895, spécial à l'exploitation de la gomme de balata.
Il ne nous [tarait pas douteux que ces actes, comme les
concessions faites par le conseil général, étaient entachés d'illé-
galité. Le droit de l'Etat avait été d'ailleurs affirmé par les
décrets qui ont fait des affectations en faveur du domaine péni-
tentiaire .
L'ordonnance du 27 août 1828 avait, d'autre part, main-
tenu, dans les mêmes conditions qu'aux Antilles et à la Réunion,
la réserve de cinquante pas géométriques. Un décret du

— 768 —
15 septembre 1901 a depuis lors rendu applicable à la Guyane
le décret du 21 mars 1882 qui a supprimé l'inaliénabilité de
la zone des cinquante pas géométriques à la Guadeloupe.
Sous l'empire d'une législation dans l'ensemble aussi dis-
cutable, la délivrance des concessions de terres domaniales
avait, à la Guyane, comme dans d'autres colonies, donné lieu
à de très vives critiques. 11 était nécessaire d'affirmer les prin-
cipes que l'on paraissait avoir oubliés et d'arrêter des empié-
tements ou des abandons difficiles à justifier. Ce fut là l'objet
d'un décret du 15 novembre 1898, dont les dispositions, com-
plétées par celles d'un décret du 24 février 1904, correspon-
dent à celles qu'avait consacrées déjà pour la Nouvelle-Calédonie
le décret du 10 avril 1897. Les terres vacantes et sans maître
font partie du domaine de l'Etat ; c'est par l'affirmation de ce
principe que débute l'article 1er du décret. La gestion et
la surveillance du domaine appartiennent à un agent de
l'administration des domaines de l'Etat, ou, à défaut, à un
agent nommé par le ministre des Finances après avis conforme
du ministre des Colonies. Toutefois, pendant une période de
dix années, les produits de ce domaine, sous réserve d'une
décision contraire du Parlement, sont attribués à titre de sub-
vention au budget local et affectés à des dépenses de coloni-
sation. Quant à la délivrance des terres domaniales, les con-
ditions en sont fixées par les articles 7 et 8 du décret. Elle
peut avoir lieu, sans que les lots puissent dépasser 1,000 hec-
tares, sous forme d'aliénation par voie d'adjudication publique,
ou, si un prix minimum n'est pas atteint, de gré à gré. Des
concessions gratuites d'une superficie ne dépassant pas
2.'i hectares peuvent être accordées par le gouverneur ; des con-
cessions pouvant dépasser 1,000 hectares sont également pré-
vues à la condition qu'elles soient, après avis du conseil gé-
néral, approuvées par décret en Conseil d'Etat et qu'elles
aient pour objet de rémunérer les particuliers ou les compa-
gnies qui se chargeraient de l'exécution des travaux publics.
La location des terrains domaniaux a lieu, en principe, aux
enchères, par voie d'adjudication publique.
Cette réglementation nouvelle, avec les arrêtés locaux qui
l'avait complétée, impliquait nécessairement, dans l'applica-
tion pratique qu'elle devait recevoir, la création des centres

— 769 —
de colonisation. Or, dans certaines parties du domaine, et no-
tamment dans le voisinage de la ville de Cayenne, il était impos-
sible, en l'absence d'archives régulièrement tenues, de pré-
ciser la condition de terres qui, après avoir été concédées, pou-
vaient se trouver juridiquement vacantes, soit à cause de la
péremption des litres, soit par suite du décès des concession-
naires. Pour faire cesser cette indisponibilité de fait où se
trouvaient maintenues les terres de certaines régions, il parut
nécessaire d'obliger à produire leurs titres dans un délai dé-
terminé les personnes pouvant avoir conservé des droits sur
ces parties du domaine. Toute une procédure spéciale a été
édictée dans ce but par les décrets des 3 avril et 16 décembre
1900. Les personnes, pouvant avoir des droits sur des im-
meubles à la Guyane, en dehors de la ville de Cayennes
furent tenues de déposer une demande en reconnaissance de
ces droits dans un délai de deux ans. Les demandes furent
soumises à une commission siégeant à Cayenne et dont les déci-
sions pouvaient faire l'objet de recours devant les tribunaux de
l'ordre judiciaire. Tous les immeubles qui n'ont pas été re-
vendiqués dans le délai de deux ans ou qui ont fait l'objet
d'une revendication rejetée par une décision passée en force
de chose jugée sont en principe définitivement acquis à
l'Etat.
Saint-Pierre et Miquelon, L'article 11 de l'ordonnance
royale du 20 juillet 1832 est ainsi conçu : « Les terrains sur
« lesquels il n'existe aucun établissement appartiennent au
« domaine. » Pour la population des îles, presque tout entière
adonnée à la pêche, c'est surtout pour la propriété du rivage
de la mer, des grèves, que la question offre de l'importance.
Le mode de concession des grèves est aujourd'hui réglementé
par un décret en date du 7 novembre 1861. 11 dispose que les
grèves sont exclusivement affectées à la préparation et à la
sècherie des produits de la pèche ; toute convention contraire
à cette affectation est entachée de nullité. Toutefois, à la con-
dition de ne pas excéder dans leur ensemble le quart de la
superficie totale de la grève, des emplacements peuvent être
réservés par les concessionnaires à la construction de maisons
d'habitation pour le personnel exploitant, de saleries, d'ateliers
et de magasins. Mais, sur les parties du littoral situées en
COLONIES, I.
49

— 770 —
face des lots qui leur ont été réservés, les concessionnaires, si
l'on tient compte de l'article 5 du décret du 7 novembre 1861,
n'ont qu'un droit de jouissance précaire (1).
Les lais et relais de la mer sont inaliénables ; il ne peut y
être créé aucun établissement ; l'ordonnance du 18 septembre
1844 avait du reste réservé, comme aux Antilles et à la Réu-
nion, les cinquante pas géométriques.
Dans son titre II, le décret du 7 novembre 1861 réglemente
le mode de concession, de vente ou de location de terrains
domaniaux autres que les grèves.
886 Ht. Afrique occidentale française. L'ordonnance du 17
août 1825, applicable au Sénégal, y avait été le point de
départ d'empiétement du service local. Dans les pays d'admi-
nistration directe, l'aliénation des biens domaniaux était ré-
gie par un arrêté du 5 janvier 1887. Les concessions étaient
accordées, après avis du conseil général, moyennant une re-
devance qui cessait d'être due le jour où la concession était de-
venue définitive. Dans les pays de protectorat, les concessions
étaient accordées par les chefs indigènes, sauf approbation du
directeur des affaires indigènes.
L'ordonnance organique du Sénégal et dépendances, portant
la date du 7 septembre 1840, ne fait pas mentiondes cinquante pas
géométriques. Au Sénégal et dans les autres colonies où l'or-
donnance est appliquée (Haut-Sénégal et Niger, Guinée, Côte-
d'Ivoire, Dahomey), il ne pouvait donc être question de cette
réserve, dont nulle trace ne se trouvait dans la législation lo-
cale. Dans ces diverses possessions, des actes
de l'autorité
locale avaient prévu d'ailleurs que des concessions, à titre
gratuit ou onéreux, pourraient être accordées par le gou-
verneur.
Cette réglementation s'est trouvée modifiée selon des prin-
cipes rationnels au Sénégal par décret eu date du 20 juillet
1900, à la Guinée française par décrets en date du 24 mars
1901, à la Côte d'Ivoire par décrets du 20 juillet et du 30
août 1900, au Dahomey par décrets du 5 août 1900. Puis à
leur tour, ces différents textes ont été unities par un décret du
(1) C. d'Et. cont., 3 février 1899 (Alt'. Kampmann).

— 771 —
24 octobre 1904 portant organisation du domaine en Afrique
occidentale française.
·
Le décret énumère tout d'abord les différentes portions du
domaine public dont font partie : le rivage de la mer avec une
zone de 200 mètres, les cours d'eau, les lacs et lagunes, ca-
naux, routes, chemins de fer, lignes télégraphiques et télépho-
niques, les ouvrages de fortification, etc. Dans chaque colonia,
le lieutenant-gouverneur peut accorder l'autorisation d'occuper
le domaine public. Les portions de ce domaine jugées sans
utilité pour les services publics peuvent être déclassées par
arrêté du gouverneur général soumis à l'approbation du ministre,
et rentrent alors dans le domaine de l'Etat.
Le décret du 23 octobre 1904 spécifie que les terres vacantes
et sans maître appartiennent à l'État. Les terres formant la
propriété collective des indigènes ne peuvent être cédées à des
particuliers qu'après approbation par arrêté du lieutenant-
gouverneur en conseil d'administration. L'article 11 détermine
les conditions auxquelles peuvent être aliénées les terres doma-
niales. Les lots de terrains urbains et les concessions de moins
de 200 hectares sont accordés par les lieutenants-gouverneurs
en conseil d'administration. Les concessions de 200 à. 2,000 hec-
tares sont accordées par le gouverneur général, sur la proposi-
tion du lieutenant-gouverneur, après avis du conseil d'admi-
nistration. Les concessions portant sur une étendue supérieure
à 2,000 hectares sont accordées par décret avec cahier des
charges, sur la proposition du gouverneur général, et après
avis de la commission des concessions coloniales.
886 ter. Congo français. Les concessions de terres au Congo
français ont été réglementées tout d'abord par un arrêté local
du 26 septembre 1891. Par une certaine analogie avec la
réserre des cinquante pas géométriques, l'arrêté déclarait appar-
tenir au domaine colonial une zone inaliénable de 25 mètres
sur le littoral.
Lorsque le Gouvernement s'est trouvé en présence de nom-
breuses demandes de concessions portant sur différentes
régions de la colonie, il a été nécessaire avant tout de distin-
guer exactement, mieux que ne permettait de le faire l'ar-
rêté du 26 septembre 1891, quelles étaient les parties de
notre possession susceptibles d'une appropriation privée. Ré-

— 772 —
pondant à cette préoccupation, un décret du 8 février 1899 a
déterminé le domaine public et les servitudes d'utilité publique
au Congo français. En cas de doute ou de contestation sur l'ap-
plication du décret, il est statué par décision de l'administra-
teur chef de région, après avis de l'agent local des travaux
publics. Les détenteurs de terrains compris dans le domaine
public ne peuvent d'ailleurs être dépossédés, si l'intérêt public
vient à l'exiger, que moyennant le paiement d'une juste et
préalable indemnité. Les diverses portions du domaine public
sont énumérées par l'article 1er du décret ; la zone de 25 mètres
sur le littoral que l'arrêté de 1891 déclarait inaliénable ne s'y
trouve pas comprise, mais on y voit figurer le rivage de la mer
jusqu'à la limite des plus hautes marées ainsi qu'une zone de
100 mètres mesurée à partir de cette limite, les cours d'eau
navigables ou flottables avec, sur chaque rive, une zone de
passage de 25 mètres de large, les cours d'eau non navigables
ai flottables, les lacs, les canaux, les routes, etc. Les servi-
tudes d'utilité publique sont énumérées par les articles 2, 3 et
4 du décret. Enfin les portions du domaine public qui seraient
reconnues sans utilité pour les services publics peuvent être
déclassées par décret.
Ce qu'il était non moins nécessaire de déterminer, c'était le
mode d'aliénation des terres domaniales et l'affectation à don-
ner aux ressources provenant de leur abandon. Ce fut là l'ob-
et d'un décret du 28 mars 1899, dont les dispositions géné-
rales correspondent aux principes déjà consacrés alors pour la
Nouvelle-Calédonie et pour la Guyane. Les terres vacantes et
sans maître font partie du domaine de l'Etat, mais, sauf inter-
vention de dispositions législatives, les produits domaniaux du
Congo français restent attribués à la colonie à titre de subven-
tion pour les dépenses de colonisation. Une section spéciale
est ouverte dans ce but au budget de la colonie. Les terres
domaniales peuvent être aliénées par adjudication publique; de
gré à gré, à titre gratuit ou onéreux, par lots de moins de
1,000 hectares, suivant les conditions de règlements locaux,
approuvés par le ministre;à titre gratuit au profit de l'exploi-
tant d'une concession de jouissance temporaire en ce qui con-
cerne les parcelles qu'il aura mises en valeur. La concession
de jouissance temporaire est donnée, si la superficie ne.

— 773 —
dépasse pas 10,000 hectares, par l'administration locale et
suivant les conditions d'un règlement général approuvé par le
ministre, et, si la superficie dépasse 10,000 hectares, par un
décret accompagné d'un cahier des charges.
Ces dispositions ont été complétées par un décret du 19 juin
1904. Pour toute superficie de 200 à 10,000 hectares, la jouis-
sance temporaire d'une terre domaniale est concédée par le
commissaire général en conseil de gouvernement. Pour toute
superficie n'excédant pas 200 hectares, elle est concédée par le
commissaire général, au Moyen-Congo, ou par le lieutenant*
gouverneur, au Gabon, après avis du conseil d'administration
de ces colonies.
887. Cote Somali.
Les concessions de terrains, en fail
presque exclusivement limitées à la ville même de Djibouti,
n'ont encore été réglementées que par des actes émanant de
l'autorité locale.
Mayotte et Comores. La législation domaniale est cons-
tituée par l'ordonnance du 21 octobre 1845, modifiée par
les décrets des 5 mars 1856 et 29 mars 1865. L'ordonnance
de 1845 exige la sanction royale pour toute concession dépas-
sant 100 hectares, institue la zone des 50 pas géométriques,
et réserve à l'État la propriété des terres vacantes et sans
maître. De même, en vertu des décrets de 1856 et de 1865,
les concessions n'ont lieu qu'à titre onéreux, sous forme de
ventes, et le produit des aliénations doit être versé au Trésor .
Cette disposition toutefois est demeurée lettre morte; actuel-
lement, les produits domaniaux viennent accroître les res-
sources du budget local.
Aux Comores, en vertu des traités de protectorat, les con-
cessions de terres sont accordées par conventions conclues avec
les sultans.
887 bis. Madagascar. Le domaine public, déjà déterminé
par des décrets des 16 juillet 1897 et 5 juillet 1898, a été
réglementé à nouveau et de façon très complète par un décret
en date du 26 septembre 1902. Les articles 1 et 2 énumèrent les
diverses fractions du domaine public; les articles 3,
4 et 5
prévoient, dans un but d'utilité publique, l'existence de certaines
servitudes, le reste du décret comprend, sur les difficultés
auxquelles peut donner lieu la constitution du domaine public,

— 774 —
des dispositions d'ordre général. Des autorisations d'occuper
des parcelles du domaine public peuvent être accordées par le
gouverneur général en conseil d'administration. Des règle-
ments généraux, arrêtés par le gouverneur général et approu-
vés par le ministre des Colonies, édictent les règles relatives à
la police, à la conservation et à l'utilisation du domaine
public, ainsi qu'à l'exercice des servitudes d'utilité publique
et des servitudes militaires. Enfin les détenteurs des terrains
compris dans le domaine public, possédant ces terrains en
vertu de titres réguliers et définitifs antérieurs à la promulga-
tion du décret, ne peuvent être dépossédés, si l'intérêt public
l'exige, que moyennant le paiement ou la consignation d'une
j.uste et préalable indemnité.
On décret du 3 juillet 1904 a réglementé le régime des
terres domaniales. L'article 1er du décret spécifie que les terres
vacantes et sans maître font partie du domaine de l'Etat. La
concession d'une terre domaniale dont la superficie ne dépasse
pas 10,000 hectares est accordée dans les conditions prévues
par un arrêté local en date du 10 février 1899. Lorsque la
superficie dépasse 10,000 hectares, elle est accordée par décret,
avec cahierdescharges, sur la proposition du gouverneur géné-
ral, la commission des concessions coloniales entendue.
Un décret spécial, en date du 9 juillet 1898, a fixé les condi-
tions auxquelles les détenteurs d'immeubles en vertu de baux
emphytéotiques consentis par le gouvernement peuvent, après
avis du gouverneur général, demander la transformation de ces
baux en contrats de vente définitive.
888. Inde française. Avant l'occupation française, il n'y
avait pas de propriété individuelle ; la France devint donc,
dans l'Inde, à la place des souverains indigènes, l'unique pro-
priétaire du sol. Dès le commencement de ce siècle, le Gou-
vernement décida de transformer les détenteurs du soi en pro-
priétaires. Ce fut l'objet de l'ordonnance du 7 juin 1828 et
du décret du 10 janvier 1854; en vertu de ce dernier acte, les
détenteurs du sol devenaient propriétaires incommutables des
terres cultivées par eux à la condition d'acquitter « l'impôt
réglementaire ».
Un régime spécial est celui des « aidées de concession »,
territoires concédés à des particuliers en vertu d'actes de 1785,

— 775 —
1787 et 1788, et permettant aux concessionnaires, sans que la
propriété cessât d'appartenir au souverain, de percevoir des
redevances des cultivateurs détenteurs du sol. Le Conseil d'Etat
a émis l'avis que ces redevances ne constituaient pas des con-
tributions proprement dites et pouvaient légalement être
maintenues.
La réserve des 50 pas géométriques est consacrée sur le
littoral de nos établissements, dans les mêmes conditions
qu'aux Antilles, par l'ordonnance du '23 juillet 1840.
889. Indo-Chine. Jusqu'à ces dernières années il a été néces-
saire de distinguer dans notre empire indo-chinois, au point
de vue de la législation domaniale, la Cochinchine, le Cam-
bodge, l'Annam et le Tonkin.
En Cochinchine, au lendemain de la conquête, l'État, succé-
dant aux droits de l'empereur d'Annam, maître absolu de
toutes les terres de l'empire, se trouvait investi de la pro-
priété de l'ensemble des biens sans maîtres. Mais il ne tarda
pas à abandonner ses droits à la colonie par le décret du
10 janvier 18G3, dont l'article 3 était ainsi conçu : « Sont
« comprises au budget local les recettes ci-après désignées...
« produit de la location, de la vente ou de la concession des
« biens du domaine.
» Deux dépêches ministérielles, l'une
du 14 mai 1809, l'autre du 25 août 1875 (1), ont interprété cette
disposition dans le sens le plus étendu, décidant notamment
« que les réserves de terrains, faites au profit de l'Etat, ne
« constituent qu'un droit provisoire, qui disparaît lorsqu'elles
« deviennent inutiles et que leur suppression a été pronon-
« cée », et que, s'il y a lieu de tirer parti de ces réserves en
les donnant à bail, « le produit de la location doit être versé
à la caisse locale ». Ces dépêches n'ont pu évidemment ajouter
au texte du décret de 18C3,dont elles semblent avoir exagéré
la portée.
889 bis. Au Cambodge, le roi était, en principe, le seul pro-
priétaire des terres du royaume, qui d'ailleurs étaient inalié-
nables. Tous les efforts du protectorat ont tendu à diminuer la
rigueur de cette règle. Une convention du 17 juin 1884, conclue
(1) Bataille, Recueil de la législation et de la réglementation de la
Cochinchine.

— 776 —
entre le roi Norodom et le gouverneur de la Cochinchine, abolit
tout d'abord l'inaliénabilité, ajoutant qu'il serait procédé par
les autorités françaises et cambodgiennes à la constitution de
la propriété au Cambodge. Ce fut là l'objet d'un arrêté du
gouverneur de la Cochinchine, du 28 octobre 1884, qui déclara
propriété de l'Etat, et non plus de la couronne, le territoire
du Cambodge.
En Annam, l'empereur avait gardé la propriété du sol.
Cette situation était consacrée par deux ordonnances du 3 oc-
tobre 1888. L'une érigeait Tourane (1) en concession française,
réservant par là même les droits de la cour de Hué sur le reste
du territoire ; l'autre, dans son article 3, accordait aux ci-
toyens et protégés français le droit d'acquérir des terres en
Annam, mais « suivant les conditions édictées par la loi an-
namite ».
Au Tonkin, la situation était plus favorable aux intérêts
français. L'ordonnance du 3 octobre 1888, celle dont l'article
3, en Annam, réservait ainsi tous les droits de la cour de Hué,
déléguait dans son article 1er, aux autorités françaises, pour
le territoire du Tonkin, les droits domaniaux de l'empereur.
890. Un arrêté du gouverneur général de l'Indo-Chine en
date du 22 décembre 1889 avait réglementé le domaine en
unifiant les règles relatives à nos possessions d'Extrême-Orient.
Un second arrêté du gouverneur général en date du 15 jan-
vier 1903, a établi une réglementation nouvelle. Il distingue le
domaine public, le domaine privé ou colonial, le domaine
local, et, en outre, un domaine de l'Etat comprenant seulement
les arsenaux, casernes, hôpitaux, etc., et, en général, tous
établissements militaires.
En somme, à considérer ces divers arrêtés que nul décret n'a
d'ailleurs approuvé, ce qui domine encore actuellement l'or-
ganisation du domaine en Indo-Chine, c'est une insouciance à
peu près absolue des droits ou des intérêts de l'Etat français,
jointe à des distinctions assez arbitraires dont l'imprécision
n'est pas corrigée par les termes plus ou moins subtils et inédits
des définitions données.
891.
Nouvelle-Calédonie. La législation domaniale,
en
(1) En même temps qu'Hanoï et Haiphong au Tonkin.

— 777 —
Nouvelle-Calédonie, a passé par trois phases différentes. La
première met en évidence les droits de l'Etat sur le domaine :
la seconde comprend, au détriment de l'Etat, une série d'em-
piétements commis par le service local ; dans la troisième,
l'Etat s'efforce d'atténuer dans le passé, et d'arrêter, pour l'ave-
nir, les atteintes portées à ses droits.
La déclaration de prise de possession de la Nouvelle-
Calédonie, du 20 janvier 1855, réservait exclusivement à
l'Etat : 1° le droit d'acheter les terres occupées par les indi-
gènes ; 2° la propriété de toutes les terres non occupées par
les indigènes. Cette déclaration, faite au non du chef de
l'Etat, rappelait le principe d'après lequel « lorsqu'une puis-
« sance se rend souveraine d'une terre non encore occupée
« par une nation civilisée et possédée seulement par les tri ·
« bus sauvages, cette prise de possession annule tous le.?.
« contrats antérieurs faits par des particuliers avec les naturels
« du pays ». Seul l'Etat devait, en Nouvelle-Calédonie, accor-
der des concessions. En vertu de ce principe, des arrêtés lo-
caux des 10 avril 1853, 1er juin 1855 et 1er octobre 1859,
réglementèrent le mode d'aliénation des terres domaniales.
892. En 1862, un arrêté local portant la date du 5 octobre
crée, à côté du domaine de l'Etat, un domaine colonial com-
prenant la propriété des bois, des carrières et des eaux, que
les arrêtés précédents, celui du 1er juin 1858 notamment, dans
son article 23, réservaient à l'Etat. Ce premier empiétement de
la colonie, au lieu d'être condamné par le pouvoir central,
paraît devoir prendre alors un caractère durable. Modifié seu-
lement sur des points de détail par les arrêtés du 19 octobre
1887, des 1er mars, 14 mai et 12 septembre 1870, des
2G janvier, 9 février, 9 mars, 8 juin, 3 novembre et 30 dé-
cembre 1871, des 2 mai et 12 décembre 1872, l'arrêté de 1862
demeure jusqu'en 1875 l'acte fondamental de la législation
domaniale en Nouvelle-Calédonie.
Le décret du 12 septembre 1874 rend la situation plus con-
fuse encore en imposant au gouverneur, par son article 40, § 2,
l'obligation de veiller « à ce que des poursuites soient exer-
« cées pour la révocation des concessions et leur retour au
« domaine local »
lorsque les concessionnaires n'ont pas
rempli les conditions qui leur étaient imposées. Les conces-

— 778 —
sions devant être faites au nom de L'Etat, sauf en ce qui
concerne les bois, les carrières et les eaux, on ne pouvait
s'expliquer qu'elles fissent retour à la colonie. Cette anomalie
paraissait d'autant plus inintelligible que le décret de 1874
reconnaissait par ailleurs l'existence en Nouvelle-Calédonie
d'un domaine de l'Etat.
La difficulté, il est vrai, allait être trop facilement levée
par un nouvel arrêté local, celui du 11 septembre 1875, qui
purement et simplement supprimait le domaine de l'Etat en
Nouvelle-Calédonie. Cet arrêté, en effet, ne reconnaît à coté
du domaine communal, que le domaine public et le domaine
colonial. Ce premier comprend tous les biens non susceptibles
d'appropriation privée ; le second, tous les biens qui, en France
sont dévolus à l'Etat par le Code civil, c'est-à-dire les biens
vacants et sans maître, et en outre les biens et droits mobi-
liers et immobiliers provenant de l'occupation de la Nouvelle-
Calédonie, tels qu'ils sont déterminés par la déclaration du
20 janvier 1855. La colonie s'attribue donc complètement le
domaine de l'Etat; c'est à peine si elle reconnaît à celui-ci,
dans un arrêté du 11 mai 1880, la propriété des bâtiments et
terrains affectés à un service public rétribué sur les fonds de
l'Etat, et celle de la zone des cinquante pas géométriques.
893. En 1883 seulement, le Département de la marine et
des colonies s'alarme de cette situation. Par un décret du
1G août 1884, le territoire pénitentiaire de la Nouvelle-Calé-
donie est délimité, l'Etat (article 3) se réservant exclusivement
la propriété des terres alors occupées par les indigènes et qui
deviendraient vacantes. Le décret d'ailleurs gardait le silence
sur les empiétements antérieurement commis.
Des inscriptions de recettes ont été faites depuis lors au
budget de l'Etat sur les produits du domaine en Nouvelle-
Calédonie. En 1887, le budget a prévu de ce chef une recette
de 200.000 francs; maintenue au même chiffre en 1888, la
prévision fut abaissée à 100,000 francs en 1889, puis à
10,000 francs en 1890 : la colonie d'ailleurs continua à perce-
voir directement, et à son profit, les produits du domaine (1).
(I) V. Dép min. 25 octobre 1S87

— 779 —
Un nouveau décret, en date du 10 avril 1897, a précisé
l'importance du domaine de l'Etat en Nouvelle-Calédonie et
l'affectation des produits de ce domaine. Le rapport précédant
le décret rappelle que la déclaration de prise de possession du
20 janvier 1853 a donné à l'Etat, en Nouvelle-Calédonie, sur
le sol de la colonie, « un droit fondamental et souverain... »
Ce droit subsiste toujours et le rapport le proclame en ces
termes : « Il importe peu que la contradiction de certains
« textes ait pu paraître constituer à la colonie des titres contre
» ce droit. » Mais fallait-il attribuer au budget de l'Etat la
totalité des produits de ce domaine "? Les auteurs du décret
ont préféré prévoir qu'une partie de cette ressource seulement
serait affectée par le législateur au budget de l'Etat. D'après
l'article 1er, et pendant une période de dix années, le budget
local pourra bénéficier, pour les dépenses de colonisation,
des produits du domaine de l'Etat, « pour la portion excédant le
« montant des recettes qui seraient inscrites sous le même
<· titre (Produits du Domaine) au budget de l'Etat ».
Les dépenses de colonisation sont obligatoires dans la limite
des recettes ainsi réalisées; elles sont déterminées par l'arti-
cle 6 et comprennent la création de centres de colonisation et
l'établissement de voies de communication. La gestion du
domaine est confiée à un agent de l'administration des domai-
nes de l'Etat, placé directement sous les ordres du gouverneur.
Enfin, l'article 7 et l'article 8 déterminent les modes d'alié-
nation et de location des terrains domaniaux. L'aliénation peut
avoir lieu, soit par voie d'adjudication publique sans que les
lots puissent dépasser 500 hectares, soit sous forme de con-
cessions à titre gratuit ou à titre onéreux.
Nous ne pouvons que rappeler, au sujet de ce décret, les
remarques que nous avons faites plus haut (V. n° 886 bis).
894 . Établissements de l'Océanie. Quand, le 9 septembre 1842,
la reine Pomaré accepta le protectorat de la France, elle
stipula cette condition : « La possession des terres de la
« reine et du peuple leur sera garantie. Toutes les contesta-
« tions relatives au droit de propriété seront de la juridiction
« spéciale des tribunaux du pays. » Depuis que Tahiti est
devenu terre française, en 1880, les concessions de terre ont
rencontré un obstacle dans cette situation de la propriété

— 780 —
indigène. Nous avons vu (n° 882 bis) que celle-ci n'était pas
encore complètement délimitée (1).
Il semble bien d'ailleurs que la domanialité n'a jamais fait
partie des lois tahitiennes; le roi conservait la propriété des
terres qui lui appartenaient en propre au moment où fut signé
le traité de 1880. Après la mort du dernier souverain, c'est au
profit de l'Etat, héritier de tous ses droits, que le domaine
peut se constituer dans la colonie.
ARTICLE 2. — Domaine local.
895. Nous venons de voir comment s'était formé, en fait,
undomaine local dans un certain nombre de nos possessions.
Il importe de savoir comment ce domaine est administré.
Les biens du domaine local sont administrés par le service
du domaine, mais le directeur de l'intérieur (aujourd'hui le
gouverneur, peut seul, aux termes des ordonnances organiques )
poursuivre ou défendre dans les instances où se trouve mise
en cause la propriété de ces biens. C'est le gouverneur égale-
ment qui veille à l'exécution, par les concessionnaires, des
charges qui leur sont imposées et, s'il y a lieu, propose leur
déchéance au gouverneur.
ARTICLE 3. — Concessions. — Projets de compagnies à charte.
896. Dans la législation domaniale applicable à certaines
colonies, nous avons vu que le gouvernement avait envisagé la
nécessité d'accorder des concessions très étendues. La quesLion
s'est posée surtout pour celles de nos possessions les plus
récemment acquises, en Afrique surtout, dans lesquelles de
vastes étendues de territoires se trouvent inoccupées. On s'est
demandé si, pour faciliter l'exploitation de ces territoires,
pour y attirer les capitaux, l'octroi de concessions importantes
et de privilèges exceptionnels ne serait pas le moyen le plus
sûr de hâter le développement de la colonisation. C'est dans
ces conditions que s'est formé le projet d'autoriser la création
de compagnies dites de colonisation, dont l'opportunité, les
conditions générales d'existence, ont été examinées d'abord
par une commission administrative, puis en 1891 par le con-
(1) Le délai d'application des prescriptions du décret du 24 août 1887 a
été prorogé par deux décrets en 1892 et en 1895.

— 781 —
seil supérieur des Colonies. A la suite de ces délibérations, un
projet de loi, tendant à la création de ces compagnies, a été
déposé par le Gouvernement sur le bureau du Sénat. Il y est
demeuré sans suite.
Sans attendre que le Parlement se fût prononcé sur ce
projet, plusieurs décrets avaient accordé à des particuliers des
concessions territoriales importantes en Afrique. Ces décrets
avaient été pris en visant l'article 18 du sénatus-consulte du
3 mai 1854. Plusieurs de ces décrets consacraient, même au
profit des concessionnaires, de véritables délégations de sou-
veraineté et l'on avait pu mettre en doute leur légalité. Par un
arrêt du 5 mars 1897, le Conseil d'Etat, statuant au conten-
tieux, avait déclaré toulefois que le ministre des Colonies
avait, en la forme tout au moins, prononcé dans des condi-
tions irrégulières, sans mise en demeure préalable, la
déchéance de deux sociétés, titulaires de concessions impor-
tantes à la Côte d'Ivoire et au Congo français. Il fallut dédom-
mager du préjudice ainsi reconnu par le Conseil d'Etat les
concessionnaires déchus, et ce fut l'objet de conventions
approuvées par décrets du 31 juillet 1897.
89G bis. On était obligé de reconnaître que ce premier essai
de grande colonisation n'avait pas été très heureux, et l'on ne
pouvait que se maintenir dans cette opinion si l'on consi-
dérait, sur d'autres points, les entreprises plus ou moins
stériles dont la délivrance de concessions importantes avait
été l'origine. La question n'était pas résolue pourtant, car le
problème ne tarda pas à se poser de nouveau, et c'est pour le
Congo français que le débat devait se trouver rouvert. Au commen-
cement de l'année 1898 se terminait, sur le territoire du Congo
belge, le chemin de fer de Matadi à Léopoldville, qui mettait
en communications directes avec la mer non seulement l'Etat
Indépendant mais encore, par le Stanley-Pool et Brazzaville,
tout l'arrière-pays du Congo français. Or, à cette même
époque, le succès de quelques entreprises coloniales au Congo
belge, entreprises dirigées par des sociétés puissantes et con-
cessionnaires de territoires étendus, avait en France un cer-
tain retentissement. Divers groupes de capitalistes et de com-
merçants estimèrent que ce qui avait réussi au Congo belge
pouvait également réussir sur le territoire de notre possession,

— 782 —
et bientôt le ministère des Colonies se trouva en présence de
demandes nombreuses tendant à l'octroi de
concessions
étendues.
Ces demandes ne pouvaient être écartées purement et sim-
plement. D'autre part, on ne pouvait les accueillir sans,
éluder deux difficultés : 1° on devait s'attacher à éviter dans
la concession nouvelle la reconnaissance de certains droits
constituant ce qu'on avait appelé, dans une étude précédente
de la question, des délégations de souveraineté, délégations
que l'on contestait au pouvoir central la faculté de consacrer
par décrets, alors même qu'il agissait en vertu de l'article 18
du sénatus-consulte du 3 mai 1854; 2° on ne pouvait oublier
que, dans le bassin conventionnel du Congo, l'acte général de
la conférence de Berlin du 26 février 1885 proclamait la
liberté du commerce et interdisait tout monopole, et les actes
de concessions, s'ils étaient jugés possibles, devaient néces-
sairement se concilier avec ces dispositions. Cette seconde
question, il est vrai, pouvait paraître, au point de vue interna-
tional, avoir sur le terrain des principes perdu son importance,
car l'Etat Indépendant du Congo avait, dans le bassin conven-
tionnel, accordé des concessions territoriales qui comportaient
pour les concessionnaires de très sérieux avantages, et qu'il
justifiait surtout par cette considération que, maître de son
domaine, il avait le droit d'en abandonner la jouissance à un
particulier ou à une société particulière.
Après avoir soumis la question à une commission spéciale,
instituée au ministère des Colonies par décret du 15 juillet 1898,
le Gouvernement jugea que ces difficultés n'étaient pas insur-
montables. Il se décida donc à accorder des concessions
territoriales importantes au Congo français, mais, auparavant,
il crut sage d'assurer une sauvegarde générale des droits de
l'Etat par quatre décrets, sur le domaine public, sur la pro-
priété foncière, sur le régime forestier et sur la condition des
terres domaniales. (nos 845, 886 bis, 898.)
Ces garanties d'intérêt général assurées, des décrets sont
successivement intervenus pour accorder au Congo français
des concessions plus ou moins étendues. Ces concessions sont
faites à des particuliers, mais à charge pour eux de se substi-
tuer une société anonyme à laquelle un capital minimum esL

— 783 —
imposé. Quarante sociétés se sont ainsi constituées pour l'ex-
ploitation de concessions plus ou moins étendues; l'ensemble
des capitaux imposés à ces sociétés représente un total d'en-
viron 60 millions.
Pour chacune de ces concessions est intervenu, selon un
modèle uniforme dans ses clauses essentielles, un décret
imposant, d'autorité, certaines obligations au concessionnaire
et accompagné d'un cahier des charges, revêtu de sa signa-
ture et de celle du ministre. D'une manière générale, les con-
ditions que doit remplir le concessionnaire ou, plus exacte-
ment, la société qu'il doit se substituer sont les suivantes :
attribution à l'Etat d'une part des bénéfices à réaliser,
paiement d'une redevance annuelle, achat d'un matériel et
création d'un service de navigation fluviale ou exécution de
divers travaux, paiement d'une contribution pour l'installation
de postes de douane, charges particulières au point de vue de
la mise en valeur du sol, plantations, etc. La société conces-
sionnaire ne reçoit aucun droit politique; elle acquiert, dans
certaines limites et après mise en valeur, la propriété du sol,
mais elle n'a pas de monopole commercial, ainsi que l'exige
pour le bassin conventionnel du Congo l'Acte de Berlin, et,
pour rendre toujours possible l'établissement des tiers, des
enclaves suffisantes sont réservées sur les principaux points
de la concession. Les droits des indigènes devront en tout
temps être respectés par la société concessionnaire. Enfin la
société concessionnaire a le droit de rétrocéder à une personne
ou à une société agréée par le ministre les obligations et
avantages attachés à l'établissement d'un service de navigation
fluviale. Ainsi se sont constituées, grâce à l'union d'un certain
nombre de compagnies concessionnaires, deux sociétés de
navigation fluviale sur le Congo et ses affluents (n° 603).
Le décret du 5 juillet 1902, portant réorganisation du
Congo français, a institué un commissaire du gouvernement
auprès des sociétés concessionnaires (1).
(1) Cet emploi est maintenu dans l'organisation du Congo français,
récemment consacrée par le décret du 11 février 1906, qui prévoit en
outre sous les ordres du commissaire du gouvernement la création de
tout un service de contrôle local auprès des sociétés concessionnaires.

— 784 —
Bien que la réglementation édictée pour le Congo sur le
domaine, la propriété foncière et le régime forestier (n08 845,
88G bis, 898) ait été étendue au Sénégal, en Guinée française,
à la Côte d'Ivoire et au Dahomey, le même régime de con-
cessions, en fait, n'y a pas été jusqu'à présent appliqué, sinon,
au Dahomey, pour assurer l'exploitation d'un territoire d'une
certaine étendue, et, en outre, pour rémunérer de son entre-
prise, sous certaines conditions, la société concessionnaire du
chemin de fer (n° 664 bis).
A Madagascar, des concessions territoriales, dont quelques-
unes ont une étendue relativement importante, ont également
été accordées par décrets, mais selon des règles un peu diffé-
rentes de celles du Congo et d'ailleurs variables. Certaines de
ces concessions présentaient en effet un caractère transac-
tionnel, ayant pour but d'éteindre des demandes d'indemnités
adressées, à la suite de la dernière expédition, au Gouverne-
ment français.
ARTICLE 4. — Régime des eaux.
897. La législation sur les eaux dans les colonies présente
quelques différences avec celle de la métropole. Dans la plu-
part de nos possessions, les cours d'eau, alors même qu'ils ne
sont ni navigables ni flottables, sont considérés comme une
sorte de propriété domaniale, dont la jouissance n'est auto-
risée que sous certaines conditions. Nous avons vu (n° 868)
que l'article 105 du décret du 28 octobre 1881 réservait ainsi
au conseil du contentieux administratif la connaissance des
demandes concernant les concessions de prise d'eau.
Cette disposition, empruntée à l'ordonnance du 31 août 1828,
a des origines beaucoup plus anciennes, car elle est un ves-
tige de toute une réglementation antérieure à la Révolution.
C'est ainsi qu'à la Martinique subsiste encore une ordonnance
locale du 5 janvier 1788, aux termes de laquelle tout habitant
peut demander l'autorisation de jouir d'une source ou d'une
rivière, en faisant passer sur les habitations voisines les
canaux ou les porteurs nécessaires pour amener l'eau jusque
sur sa propriété.
ARTICLE 5. — Législation forestière.
*
898. A la Réunion, une loi du 14 février 1872 a donné au

— 785 —
conseil général le droit de légiférer en la matière, sous la
seule réserve que les pénalités ne dépasseraient pas le maxi-
mum de celles que prévoit le Code forestier de la métropole.
Nous avons signalé (n° 264) les conditions particulières dans
lesquelles le conseil général était appelé à participer ainsi au
pouvoir législatif.
Un décret du 25 octobre 1872, d'une légalité douteuse, et
demeuré sans suite, avait étendu à la Martinique la loi du
14 février.
Une loi spéciale, en date du 26 juillet 1894, a autorisé l'ap-
plication de l'article 463 du Code pénal aux délits et contra-
ventions en matière forestière à la Réunion.
898 bis. L'exploitation des forêts au Congo français a été
réglementée par un décret du 28 mars 1899, complété par des
décrets des 1er et 9 septembre de la même année. Le décret
du 28 mars 1899 s'applique aux bois domaniaux, dont nul ne
peut entreprendre l'exploitation sans être muni d'une autori-
sation du commissaire général du gouvernement ou de son
délégué et sans se soumettre à des règles édictées en vue de
la conservation desrichesses forestières de la colonie. Il a trait
également aux bois particuliers, où il limite par des obliga-
tions spéciales les droits du propriétaire. En vue de protéger
les environs de Brazzaville contre les dangers du déboisement,
le décret du 1er septembre 1899 interdit dans la banlieue de la
ville sur les terrains non concédés les coupes de bois de futaie.
Sous réserve de quelques modifications, ces dispositions ont
été rendues applicables au Sénégal et à la Côte d'Ivoire par
décrets du 20 juillet 1900, au Dahomey par décret du
S août
1900
et à la Guinée française par décret du
24 mars 1901.
Dans un but également de préservation, un décret du
10 mars 1904, spécial au Congo français, a prévu diverses
pénalités contre les auteurs d'incendies de savanes herbacées.
A Madagascar, le régime forestier à été déterminé par un
décret en date du 10 février 1900 dont les dispositions sont
très précises et très complètes. Ce décret constitue véritable-
ment, eu égard à son importance, un code forestier de la
colonie. D'après le litre 1er, le régime prévu par le décret
s'applique aux bois et forêts dépendant des domaines de la
COLONIES, I.
50

— 786 —
colonie et aux bois des communes et établissements publics.
Les bois particuliers sont soumis à la surveillance du service
forestier en ce qui concerne le défrichement.
A Mayotte et aux Comores, un décret du -21 avril 1005 a,
d'après des principes analogues, déterminé le régime forestier,
les cadis et les chefs indigènes devant d'ailleurs assister le
personnel européen dans la garde et la gestion des forêts.
En Indo-Chine, un service forestier (1) a été créé par un
décret du 7 février 1901 ; ce service est rattaché à la direction
de l'agriculture, des forêts et du commerce.
(1) Π est dirigé par un inspecteur, ayant sous ses ordres, dans les
circonscriptions forestières locales, des inspecteurs adjoints. Le person-
nel européen du service forestier de l'Indo-Chine comprend, en outre,
des gardes généraux de 1re et de 2e classes, des gardes de 4e classe, des
gardes stagiaires. Le personnel de tout grade est nommé par le gouver-
neur général. C'est aussi le gouverneur général qui règle par arrêtés
l'organisation et le fonctionnement du service forestier, la délimitation
des circonscriptions et la répartition des agents. Il est institué un con-
seil d'administration composé de l'inspecteur, président, d'un inspecteur
adjoint et d'un garde général désignés par arrêté du gouverneur général

— 787 —
TITRE VI
ORGANISATION FINANCIÈRE
SECTION PREMIÈRE
BUDGETS LOCAUX
§ 1. — Préparation, vote et exécution du budget.
899. Nous avons passé en revue (V. n° 413 et suiv.) les
pouvoirs respectifs des conseils généraux et des gouverneurs
en matière budgétaire; nous croyons utile de revenir sur ces
dispositions, afin d'étudier plus complètement le mécanisme
du budget. Ces dispositions se trouvent réunies et codifiées en
quelque sorte dans le décret sur le régime financier des colo-
nies, du 20 novembre 1882.
900. Les recettes et les dépenses d'intérêt local à effectuer
pour le service de chaque exercice forment, dans chacune des
colonies, le budget local de cet exercice. Comme en France,
on a considéré uniquement, comme appartenant à un même
budget et à l'exercice pour lequel ce budget a statué, les ser-
vices faits et les droits acquis à la colonie ou à ses créanciers
du 1er janvier au 31 décembre de l'année qui donne son nom
au budget et à l'exercice.
La durée de la période pendant laquelle doivent se consom-
mer tous les faits de recettes et de dépenses de chaque exer-
cice se prolonge jusqu'au 28 février pour les services du
matériel dont l'exécution n'a pu, en raison de faits spéciaux,
être terminée au 31 décembre; jusqu'au 20 juin pour la liqui-
dation et le mandatement des dépenses ; jusqu'au 30 juin pour
le recouvrement des produits et le payement des dépenses.
901. Les budgets sont préparés par les gouverneurs et les
secrétaires généraux (1) et délibérés par les conseils généraux.
Dans les colonies ou il n'existe pas de conseil général (cette
disposition s'applique au Soudan, à la Guinée française, à la
(1) D. 21 mai 189S.

— 788 —
Côte d'Ivoire, au Dahomey, au Congo français et à Madagas-
car), ils sont délibérés par les conseils d'administration.
Ils sont arrêtés et rendus exécutoires parles gouverneurs en
conseil, avant l'ouverture de chaque exercice, rendus publics
par la voie de l'impression et notifiés aux trésoriers-payeurs.
Le budget est voté par chapitre. Dans l'intérieur d'un même
chapitre, le gouverneur reste libre de faire la répartition des
fonds entre les différents articles.
En cas d'insuffisance des crédits votés après la fixation du
budget, les suppléments de crédit doivent être votés par le
conseil général et approuvés par le gouverneur.
En cas d'urgence et si le conseil général ne peut être réuni
en session extraordinaire, ces crédits sont autorisés par le gou-
verneur en conseil privé, mais il doit les soumettre au vote du
conseil général lors de sa prochaine réunion. Avis de ces
arrêtés doit être immédiatement donné au ministre des colonies.
Le décret du 26 septembre 1855, qui réglait autrefois la
comptabilité des colonies, distinguait le budget ordinaire et le
budget extraordinaire. Le sénatus-consulte de 1866 n'a pas
maintenu cette distinction pour les anciennes colonies; on a
donc dû se borner pour celle-ci, et par extension pour les
autres, dans le décret de 1882, à classer les recettes et les
dépenses, ainsi que l'avait fait déjà le règlement du 14 jan-
vier 1869, en recettes et dépenses ordinaires et en recettes
et dépenses extraordinaires. Les recettes ordinaires sont
énumérées dans l'article 42 (V. nos 413 et 414).
Les dépenses ordinaires se divisent en deux sections : la
première comprend les dépenses obligatoires, et la seconde
les dépenses facultatives.
Les dépenses obligatoires sont déterminées par les actes
organiques en vigueur dans chaque colonie.
Les recettes extraordinaires comprennent les contributions
extraordinaires, les prélèvements sur les fonds de réserve, le
produit des emprunts et autres ressources extraordinaires
spécialement affectées à des entreprises d'utilité publique.
Les contributions locales extraordinaires sont autorisées,
votées, approuvées et perçues dans les mêmes formes, par
les mêmes autorités et sous les mêmes conditions que les con-
tributions ordinaires.

— 789 —
Les dépenses extraordinaires sont celles à l'acquittement
desquelles il est pourvu au moyen des ressources spéciales
que nous venons d'énumérer.
902. Ce sont les gouverneurs qui, sous leur responsabilité,
disposent seuls des crédits ouverts par le budget local ou les
autorisations supplémentaires (l). Ils doivent se renfermer dans la
limite de ces crédits et ne peuvent faire aucun virement d'un
chapitre à un autre, sauf en ce qui concerne les dépenses obli-
gatoires; dans ce cas, les virements doivent être autorisés par
arrêtés des gouverneurs, délibérés en conseil privé. Ces arrêtés
doivent être notifiés aux trésoriers-payeurs qui les produisent
à la Cour des comptes avec les copies du budget local. Ils sont
régularisés par le conseil général.
La répartition des crédits locaux entre les divers articles
d'un chapitre voté doit être faite par les gouverneurs avant de
faire aucune disposition sur les crédits ouverts pour chaque
exercice. Cette répartition, faite en conseil privé, a, d'ailleurs,
un caractère purement administratif et la spécialité demeure
exclusivement renfermée dans la limite des chapitres ouverts
au budget.
Chaque mois, les gouverneurs, en conseil privé, règlent,
tant pour les dépenses ordinaires que pour les dépenses extra-
ordinaires, la distribution, par chapitre, des fonds dont le di-
recteur de l'intérieur peut disposer pour le mois suivant. Avis
de ces distributions est donné aux trésoriers-payeurs.
903. La liquidation des créances à la charge du service
local ne peut être faite que par le gouverneur assisté du
secrétaire général. Les titres de chaque liquidation doivent con-
tenir la preuve des droits acquis aux créanciers de la colonie
et être rédigés dans la forme déterminée par les règlements.
Les dépenses du service local sont mandatées par le gouver-
neur assisté du secrétaire général et acquittées par les tréso-
riers-payeurs ; mais ceux-ci ne doivent admettre les mandats
ainsi émis que s'ils portent sur des crédits régulièrement ouverts
et renfermés dans les distributions mensuelles de fonds.
Le payement d'un mandat ne peut être suspendu par le tré-
sorier-payeur que dans les mêmes hypothèses où ce payement
(1) Ils peuvent déléguer ce droit. D., 21 mai 1898.

— 790 —
peut être refusé en France, par les trésoriers, aux mandats
délivrés par les préfets. En cas de réquisition ayant pour effet,
soit de faire acquitter une dépense sans qu'il y ait disponibilité
de crédit chez le trésorier-payeur, ou justification du service
fait, soit de faire effectuer un payement suspendu pour des
motifs touchant à la validité de la quittance, le trésorier, avant
d'y obtempérer, doit en référer au gouverneur qui, remplissant
le rôle confié dans la métropole au ministre des . finances,
statue immédiatement et en rend compte sur-le-champ au
ministre des colonies, pendant que le trésorier-payeur avise de
son côté le ministre des finances (1).
1)04. Toutes saisies-arrêts ou oppositions sur des sommes
dues par une colonie doivent être faites entre les mains du
trésorier-payeur de cette colonie. Ces sommes doivent être
déposées à la caisse des dépôts et consignations, s'il s'agit
d'appointements ou de traitements ; le dépôt des autres
sommes frappées de saisies-arrêts ou oppositions ne peut
être, effectué à la caisse des dépôts et consignations qu'au-
tant qu'il a été autorisé par la loi, par justice ou par un acte
passé entre l'administration et les créanciers. Ces dépôts
libèrent définitivement la colonie, de même que si le paye-
ment avait été fait directement entre les mains des ayants
droit.
905. Pour faciliter l'exploitation des services locaux, il peut
être fait aux agents spéciaux de ces services, sur les mandats
des gouverneurs, des avances dont le total ne doit pas
excéder 10,000 francs ; ces agents doivent produire au
trésorier-payeur, dans le délai d'un mois, les quittances des
créanciers réels.
L'époque de la clôture du payement à faire sur les mandats
est fixée au 30 juin de la seconde année de l'exercice. Si les
créanciers n'ont pas réclamé le payement avant cette époque,
les mandats délivrés à leur profit sont annulés, sans préjudice
des droits de ces créanciers et sauf réordonnancement jusqu'au
terme de déchéance.
Des difficultés s'étaient élevées à plusieurs reprises au sujet
du terme de déchéance des créances non réclamées; l'article 94
(1) V. Déc. 20 novembre 1382, art. 78.

— 791 —
du décret du 20 novembre 1882 a eu pour objet de faire cesser
toute contestation en rappelant les dispositions de l'article 45
de l'ordonnance du 22 novembre 1844, qui fixe le terme de
déchéance à cinq années à partir de l'ouverture de l'exercice
pour les créanciers domiciliés dans la colonie et à six années
pour les autres.
Les crédits ou portions de crédits non employés au 30 juin
sont annulés, sauf à être reportés l'année suivante, pour le
payement des dépenses des exercices clos, aux différents cha-
pitres que ces dépenses concernent, mais en formant des
articles distincts de ces chapitres. En cas de contestation sur
l'existence même de la créance, c'est au conseil du conten-
tieux qu'il appartient de statuer ; mais celui-ci ne saurait
être compétent pour statuer sur le mode de payement à
suivre (1).
906. Le directeur de l'intérieur (actuellement, en fait, le secré-
taire général) présente le compte de chaque exercice : 1° au
gouverneur, en conseil, dans les trois mois qui suivent l'expi-
ration de l'exercice; 2° au conseil général, à la première ses-
sion ordinaire. Ce compte est soumis à l'examen d'une com-
mission dont les membres, au nombre de trois, sont nommés
chaque année par le gouverneur et pris dans le sein du con-
seil privé. D'autre part, le conseil général transmet directement
au gouverneur, par l'entremise de son président, les observa-
tions que le compte peut motiver.
Sur le vu du rapport de la commission et des observations
du conseil général, le gouverneur, en conseil privé, statue
définitivement sur les comptes; néanmoins, les arrêtés portant
rejet d'une dépense ne sont exécutoires qu'après avoir été
approuvés par le ministre des colonies. Les directeurs de l'in-
térieur peuvent se pourvoir contre ces décisions devant le
Conseil d'Étal statuant au contentieux.
§ 2. Voies et moyens. Caisse de réserve.
907. Outre l'impôt qui constitue naturellement le principal
revenu des colonies, leurs ressources ordinaires se composent en-
(1) C. d'Et. cont., il juin 1851 (aff. Félix Gustave contre la Réunion).

— 792 —
core des revenus des biens leur appartenant, des subventions qui
peuvent leur être accordées par la métropole et des produits
divers dévolus au service local.
Afin de subvenir aux insuffisances des recettes qui pourraient
se produire un jour, les excédents de recettes que le règlement
de chaque exercice fait ressortir sur les produits du service
local servent à former un fonds de réserve et de prévoyance.
Le versement des excédents à la caisse de réserve est obliga-
toire jusqu'à ce que cette caisse ait atteint un chiffre fixé, pour
chaque colonie, par Particle 98 du décret du 20 novembre 1882.
Il ne peut être fait emploi des fonds de réserve qu'en rentes
sur l'État ou en valeurs du trésor; tous prêts à des particuliers
ou à des établissements publics sur les fonds de réserve sont
interdits. Il faut, en effet, que ces fonds puissent être réalisés
immédiatement pour faire face à des besoins urgents et im-
prévus.
3. Budget général de l'Indo-Chine.
908. Le décret du'17 octobre 1887, qui organisait l'union
indo-chinoise, prévoyait un budget de l'Indo-Chine qui devait
contribuer à alimenter en recettes, à la fois, la colonie de la
Cochinchine et les protectorats du Cambodge, de l'Annam et
du Tonkin, enfin une subvention de l'État.
Le régime ainsi établi, modifié dès 1888 par le décret du
11 mai, le fut de nouveau en 1898.
L'Indo-Chine française constituant une unité géographique
et politique, il était nécessaire d'établir une distinction très
nette entre les dépenses d'intérêt général auxquelles la colo-
nie tout entière doit contribuer et les services d'intérêt local
mis à la charge des budgets locaux. Le gouvernement fut ainsi
conduit à créer un budget général de l'Indo-Chine, dont l'exis-
tence permet aujourd'hui de considérer l'ensemble de nos
possessions comme constituant véritablement une entité admi-
nistrative, à côté et en dehors des entités particulières corres-
pondant aux diverses fractions du territoire indo-chinois.
Ce budget général de l'Indo-Chine a été créé par un décret
du 31 juillet 1898. Les dépenses d'intérêt commun à l'Indo-
Chine énumérées dans le décret sont inscrites à ce budget,

— 793 -
arrêté par le gouverneur général en conseil supérieur de l'Indo-
Chine et approuvé par décret. Quant aux ressources, elles pro-
viennent des recettes_des douanes et régies, unifiées dépuis un
décret du G octobre 1897, et des contributions indirectes.
Les dépenses du budget général sont ordonnancées par le
gouverneur général qui peut sous-déléguer les crédits au lieu-
tenant-gouverneur de la Cochinchine et aux résidents supé-
rieurs. Le compte de ces dépenses est arrêté par le gouverneur
général en conseil supérieur. Le trésorier-payeur de la Cochin-
Chinchine centralise les opérations en recettes et en dépenses
du budget général; il est justiciable de la Cour des comptes.
Enfin d'aprèsl'article4 du décret du 31 juillet 1898, le décret du
20 novembre 1882 sur le régime financier des colonies et le
règlement financier du 14 janvier 18G9 sont applicable aux
recettes et aux dépenses du budget général de l'Indo-Chine.
Un décret du 9 janvier 1899 a placé sous la juridiction de la
Cour des comptes les comptes des payeurs chefs des services
de trésorerie des pays de protectorat de l'Indo-Chine, précé-
demment vérifiés par la commission spéciale qu'avait instituée
le décret du 25 octobre 1890.
Le décret du 18 octobre 1902, qui a institué un secrétaire
général du gouvernement général de l'Indo-Chine (n° 322), a
prévu que ce haut fonctionnaire pourrait être chargé de l'ordon-
nancement des dépensesget du budget général. Dans ce cas, le
secrétaire général peut sous-déléguer, sur les chapitres dont il a
l'administration, des crédits au lieutenant-gouverneur de la
Cochinchine, aux résidents supérieurs et aux directeurs des
services généraux de l'Indo-Chine.
4. Budgets de Madagascar et des Comores.
909. Aux termes de décrets du 11 décembre 189.'j et du
3 août 1896, un budget local, alimenté par des recettes locales
et par une subvention métropolitaine est institué à Madagascar.
Ce budget est arrêté par le gouverneur général en conseil d'ad-
ministration et transmis par lui à l'approbation du ministre des
colonies. Le conseil d'administration se prononce sur chacun
des chapitres des recettes et des dépenses, ainsi que sur les
comptes de fin d'exercice.

— 794 —
Nossi-Bé et Ste-Marie-de-Madagascar n'ont plus de budgets
particuliers.
D'après le décret 3e réorganisation du 9 septembre 1899, le
gouverneur est ordonnateur des dépenses des budgets de
Mayotte et des protectorats des Comores. L'administrateur de
chaque protectorat est, par délégation du gouverneur, ordon-
nateur secondaire des dépenses de ce protectorat. La compta-
bilité des divers budgets est centralisée par le gouverneur; les
comptes annuels sont présentés par le gouverneur et approuvés
par le ministre.
Le décret du 20 novembre 1882 est applicable à Madagascar
et aux Comores.
§ 5. Budgets de l'Afrique occidentale française.
910. L'organisation financière des possessions dépendant
du gouvernement général de l'Afrique occidentale française est
actuellement réglée par le décret du 18 octobre 1904.
Les dépenses d'intérêt commun à l'Afrique occidentale fran-
çaise sont inscrites à un budget général arrêté en conseil de
gouvernement par le gouverneur général et approuvé par
décret. Ce budget a des recettes propres, comprenant notam-
ment le produits des droits de toute nature, à l'exceptian des
droits d'octroi communaux, perçus à l'entrée et à la sortie sur
les marchandises et sur les navires. Le gouverneur général
est ordonnateur du budget général, mais il a faculté de confier
ce pouvoir par délégation spéciale au secrétaire général du
gouvernement général. Il peut, en outre, déléguer les crédits
du budget général aux lieutenants-gouverneurs.
Chacune des colonies dépendant du gouvernement général
de l'Afrique occidentale française conserve son autonomie
financière, et possède un budget local distinct. Le Sénégal a
même deux budgets particuliers, le premier applicable aux
pays d'administration directe, le second applicable aux pays
de protectorat. Dans ces pays de protectorat du Sénégal, sous
l'empire d'un décret en date du 13 décembre 1891. chacune
des circonscriptions administratives possédait un budget parti-
culier. Ces budgets régionaux ont été supprimés par le décret

— 795 —
du 1er octobre 1902 (1) qui a rattaché les pays du protectorat du
Sénégal au territoire dit de la Sénégambie et du Niger. Le
décret du 18 octobre 1904, à son tour, a fait disparaître la cir-
conscription de la Sénégambie- et du Niger et a rendu au
Sénégal ses anciens pays de protectorat, mais avec un budget
unique, comprenant la généralité des recettes qui y sont per-
çues et des dépenses qui s'y appliquent. Enfin les recettes et
les dépenses de la Mauritanie forment un budget annexe au
budget général de l'Afrique occidentale française ; celles du
territoire militaire du Niger un budget annexe du budget de la
colonie du Hant-Sénégal et Niger.
Chaque lieutenant-gouverneur est, sous le contrôle du gou-
verneur général, ordonnateur du budget de la colonie qu'il
administre. Le commandant du territoire militaire du Niger
est, sous le contrôle du lieutenant-gouverneur du Haut-Séné-
gal et Niger, ordonnateur des crédits du budget annexe de ce
territoire militaire. Le commissaire du gouvernement général
en Mauritanie est, sous le contrôle du gouverneur général
ordonnateur du budget annexe de la Mauritanie.
Les comptes des budgets de l'Afrique occidentale française
sont arrêtés par le gouverneur général en conseil degouverne-
ment. Le décret du 20 novembre 1882 sur le régime financier
des colonies sont d'ailleurs applicables à ces budgets.
Le maximum des caisses de réserve des divers budgets de
l'Afrique occidentale française a été fixé par un décret du
16 novembre 1905.
Le trésorier-payeur du Sénégal est trésorier-payeur de l'A-
frique occidentale française. Les trésoriers-payeurs des autres
colonies agissent pour le compte de celui-ci en ce qui concerne
les opérations du budget général. Ils ont, au contraire, une ges-
tion personnelle et sont justiciable de la cour des comptes,
chacun dans la colonies où il est en service, en ce qui concerne
les budgets de la Guinée française, de la côte d'Ivoire, du
Dahomey, du Haut-Sénégal et Niger et du budget annexe du
territoire militaire du Niger. C'est le trésorier-payeur du Séné-
gal qui effectue ou centralise les opérations du budget annexe
de la Mauritanie.
(t) Voir également 30 décembre 189G, 27 mars 1898 et 30 octobre 1899"

— 796 —
§ 6, Budgets du Congo français.
910 bis. L'organisation financière du Congo français s'est
trouvée de même modifiée, non sans analogie avec les règles
adoptées pour l'Afrique occidentale, par le décret du 20 dé-
cembre 1903 (1). Aux deux colonies entre lesquelles sont
actuellement répartis les territoires dépendant du Congo fran-
çais correspondent deux budgets distincts, le budget local du
Moyen Congo, établi par le commissaire général en conseil
d'administration, et le budget local du Gabon établi par le
lieutenant-gouverneur en conseil d'administration. Ces deux
budgets sont arrêtés l'un et l'autre par le commissaire général
en conseil de gouvernement et approuvés par décrets rendus
sur la proposition du ministre des colonies. Le lieutenant-gou-
verneur du Gabon est, sous le contrôle du commissaire géné-
ral, ordonnateur du budget de la colonie qu'il administre. Le
commissaire générale a l'ordonnancement des dépenses du
Moyen Congo, sauf, s'il le juge nécessaire, à déléguer les cré-
dits qui sont à sa disposition.
C'est au budget du Moyen Congo qu'apparaît le lien unissan
au point de vue financier, et les rendant en quelque sorte
solidaires les unes des autres, les diverses fractions du Congo
français. Il est, en effet, créé à ce budget une section spéciale
où sont inscrites les recettes et les dépenses communes au
Congo français et dépendances. Parmi les dépenses figurent
non seulement les dépenses des services généraux et les con-
tingents ou subventions à verser, soit à l'Etat, soit au Gabon
et au Moyen Congo proprement dit, mais encore l'intégralité
des dépenses des territoires de l'Oubangui-Chari et du Tchad.
Inversement, parmi les recettes figurent non seulement celles
qui ont un caractère général, ou encore les contributions à
recevoir, le cas échéant, des budgets du Gabon et du Moyen-
Congo proprement dit, mais l'intégralité des recettes réalisées
dans les territoires de l'Oulangui-Chari et du Tchad. Les ex-
cédents de recettes du budget du Moyen Congo d'une part et de
(t) Un décret du 11 février 1900 vient de remanier encore cette orga-
nisation. Il a supprimé la section spéciale, et créé un budget général
du Congo français, en dehors des budgets locaux du Gabon, du Moyen
Congo, de l'Oubangui-Chari et du Tchad.

— 797 —
la section spéciale, d'autre part, sont versés à deux caisses de
réserve distinctes. Le maximun des caisses de réserve du
Congo français a été fixé par un décret du 23 mai 1905. Le
commissaire général a toutefois l'ordonnancement des dé-
penses du budget du Moyen Congo et celui des depenses de la
section spéciale.
Le décret du 20 novembre 1882 sur le régime financier des
colonies est d'ailleurs applicable aux budgets du Congo fran-
çais.
§ 7. Budget des établissements français de l'Océanie.
910 ter. Le décret du 19 mai 1903 (nos 362 et suivants) a
réuni en un seul budget les recettes et les dépenses des éta-
blissement français de l'Océanie. Ce budget est arrêté et rendu
exécutoire chaque année par le gouverneur en conseil d'admi-
nistration ; les comptes en sont arrêtés dans la même forme.
Le conseil d'administration doit être réuni en assemblée pléniëre
pour donner son avis sur le budget. L'exposé des motifs du
décret indique, en outre, que les dépenses propres à chaque
archipel doivent être spécialisées par chapitres distincts, con-
formément aux prescriptions de l'article 56 du décret du 20 no-
vembre 1882 sur le régime financier des colonies.
SECTION II.
ASSIETTE
ET
RECOUVREMENT
DES
IMPOTS. —
ADMINISTRATION DES
FINANCES.
911. Dans celles de nos colonies où des conseils généraux
ont été institués, les conditions suivant lesquelles s'établissent
et se perçoivent les taxes sont aujourd'hui fixées par l'article
33 § 3 de la loi des finances du 13 avril 1900 (nos 414 et suiv.).
Les conseils généraux délibérent sur le mode d'assiette, les
tarifs et les règles de perception des contributions et taxes
autres que les droits de douane, qui restent soumis aux dis-
positions de la loi du 11 janvier 1892. Ces délibérations ne
sont valables qu'après avoir été approuvées par décrets en Con"
seil d'Etal, et, jusqu'à celte approbation, la perception se fait
sur les bases anciennes. Si le Conseil d'Etat ne croit pas de-

— 798 —
voir donner son approbation, le conseil général est appelé de
nouveau à délibérer.
Le'droit du conseil général est d'ailleurs limité au vote tant
du tarif des taxes et contributions que de leurs règles d'assiette
et de perception ; il ne s'étend pas à l'évaluation des prévisions
de recettes qu'il appartient au gouverneur seul de fixer lors
de l'arrêté du budget (1).
Dans celles de nos possessions où des conseils généraux
n'ont pas été institués, les règles anciennes ne se trouvent pas
modifiées. En général, c'est toujours le gouverneur qui par
arrêté, conformément au décret du 30 janvier 1867, établit
les taxes et les contributions, les tarifs de douane exceptés, et
les soumet ensuite à l'approbation du ministre, mais avec fa-
culté de les rendre provisoirement exécutoires sans attendre
cette approbation. Des dispositions particulières ont été ce.
pendant édictées, pour quelques-unes de nos possessions, par
des décrets de réorganisation administrative et financière. Ainsi,
en Indo-Chine, d'après le décret du 31 juillet 1898, les taxes
et contributions indirectes autres que les droits de douane,
destinées à alimenter le budget général, sont établies par le
gouverneur général en conseil supérieur ; le mode d'assiette
et les règles de perception sont approuvés par décret. Dans
l'Afrique occidentale française, d'après le décret du 18 octobre
1904, le mode d'assiette, la quotité et les règles de perception
des droits de nature, autres que les droits d'octroi communaux,
perçus sur les marchandises et sur les navires et attribuées, en
recettes, au budget général, sont arrêtés par le gouverneur
général en conseil de gouvernement et approuvés par décret en
Conseil d'Etat.
D'après le décret du 5 juillet 1901, qui a modifié sur ce
point le décret du 9 septembre 1899, l'assiette et le quotité
des taxes autres que les droits de douane nécessaires à l'acquit-
tement des dépenses de Mayotte, de la Grande Comore, d'An-
jouan et de Mohéli, sont fixées par arrêtés du gouverneur pris
en conseil d'administration. Ces arrêtés sont provisoirement
exécutoires et soumis à l'approbation du ministre des co-
lonies.
(1) Cons. d'Etat, finances, 12 janvier 1892.

— 799 —
C'est une règle analogue que le décret du 19 mai 1903
applique aux établissements français de l'Océanie. D'après ce
décret, l'assiette, le tarif les règles de perception et le mode
de poursuite des contributions et taxes perçues dans les éta-
blissements français de l'Océanie sont arrêtés par le gou-
verneur en conseil d'administration, sauf en ce qui con-
cerne les droits de douane qui, conformément à l'article 3 de
la loi du 7 mai 1881, continuent à être fixés par des décrets
en Conseil d'Etat et les droits d'octroi de mer qui restent sou-
mis aux dispositions de la loi du 11 janvier 1892. Il est à re-
marquer toutefois que ces arrêtés ne sont pas provisoirement
exécutoires. Ils doivent être approuvés par le ministre des Co-
lonies avant d'être mis à exécution.
ARTICLE PREMIER. — Contributions directes
et taxes assimilées.
912. Tous les impôts directs aux colonies sont des impôts de
quotité. Il n'y a d'exception que pour l'impôt foncier dans le
territoire de Karikal où il constitue un impôt de répartition.
§ 1. Impôt foncier.
913. Martinique. L'impôt foncier est réglé à la Martinique
par l'arrêté du 16 janvier 1850, d'après les mêmes bases qu'en
France, c'est-à-dire que la contribution foncière est établie
sur le revenu net moyen calculé sur les résultats des trois
dernières années. Le revenu net est ce qui reste au propriétaire
après déduction, sur le produit brut, des frais d'exploitation
et d'entretien. L'impôt porte sur les propriétés immobilières
bâties ou non bâties à raison de 6 0/0 du revenu net, depuis
une délibération du conseil général du 4 décembre 1900, ap-
prouvé par décret du 3 avril 1901.
Pour les terres et bâtiments employés à la culture et à la
fabrication de la canne à sucre, l'impôt foncier est remplacé
par un droit de sorti dont la perception se fait par la douane.
(V. n° 976.)
Les propriétés des communes, productives d'un revenu
quelconque, sont taxées à raison de ce revenu ; les forêts,
bois et autres propriétés de la colonie ne sont point assujettis

— 800 —
à la contribution foncière. Les bâtiments, terrains, etc., appar-
tenant soit à l'État, soit aux communes, soit aux établissements
publics ne sont point imposable si leur destination est d'uti-
lité publique.
Les propriétés qui ne sont point exploitées sont exemples
de l'impôt foncier.
914. Guadeloupe. La contribution foncière est réglée par
le décret colonial du 21 janvier 1841, modifié par quelques
arrêtés postérieurs et notamment l'arrêté du. 22 décembre 1894.
L'impôt est fixé à raison de 5 0/0 de la valeur locative des
propriétés urbaines et de celles qui sont assimilées, sans distinc-
tion de localités. Sont également assujetties à cet impôt les
constructions assises, dans les campagnes, sur un terrain non
cultivé ou auxquelles est attenant un terrain cultivé ou non de
moins de 10 ares et les terrains ' vides situés dans l'intérieur
des villes et bourgs. De même qu'à la Martinique, l'impôt
foncier sur les terrains cultivés et remplacé par un droit de
sortie.
Sont exempts de la contribution foncière : 1° les bâtiments
ou cases servant de logement aux cultivateurs attachés aux
plantations rurales ; 2" les usines centrales à sucre; 3° les
bâtiments affectés à un service public.
L'évaluation de la valeur locative des propriétés soumises à
la contribution foncière est renouvelée, par une commission,
tous les trois ans dans chaque commune.
915. Saint-Pierre et Miquelon. Établi par l'arrêté local du
6 septembre 1862, l'impôt foncier se trouvait réglé d'après
les bases suivantes : 5 0/0 sur la valeur locative des maisons
et des terrains en dépendant, des grèves et autres établissements
industriels ou commerciaux; 2 0/0 sur la valeur locative des
propriétés rurales.
Etaient exempts d'impôt : 1° les maisons ou établissements
occupés par les propriétaires et dont la valeur locative ne
dépasse pas 200 francs; 2° pendant trois ans, les maisons
neuves à partir du jour de leur achèvement; 3° les grèves de
création nouvelle, concédées gratuitement, pendant la même
durée, à partir de l'époque où elles sont définitivement acquises
à leurs propriétaires; 4° les édifices appartenant à l'État ou
la colonie.

— 801 —
Les rôles de l'impôt foncier étaient dressés et revisés chaque
année par une commission nommée par le gouverneur et
appelée à donner son avis sur les demands en décharge et
réduction, remises ou modérations. L'impôt foncier était payable
par trimestre et d'avance.
Porté au projet de budget de l'exercice 1897, cet impôt fon-
cier n'a pas été voté par l'assemblée locale.
91 G. Guyane. Etabli conformément aux décrets coloniaux
des 11 juillet 1837 et 1er février 1841, l'impôt foncier est
actuellement perçu à la Guyane sur les bases adoptées par le
conseil général les 16 juin et 8 décembre 1879, 11 décembre
1885 et 25 décembre 1887.
L'impôt foncier sur les maisons de la ville de Cayenne
s'élève à 5 0/0 de la valeur locative. Sont exemptes de ce droit
les maisons dont la valeur locative n'excède pas 150 francs.
Dans l'ancienne banlieue de Cayenne et dans les bourgs, il
est de 3 0/0 sur les maisons d'une valeur de 300 francs et
au-dessus.
La valeur locative est déterminée, tous les trois ans, d'après
une estimation cadastrale faite par une commission. Aucune
rectification ne peut être obtenue, dans le cours des trois
années qui suivent chaque opération cadastrale, que sur la
justification régulière d'une diminution d'un quart au moins
dans le revenu évalué. Sont déchargées du droit les maisons
qui restent inoccupées pendant trois mois au moins.
En cas de fausse déclaration, le propriétaire est soumis à la
double taxe.
917. Afrique occidentale française. L'impôt foncier, après
avoir été établi à Saint-Louis, à Gorée, Dakar et Rufisque, a
été aboli dans toute l'étendue du Sénégal.
On a conservé seulement un impôt sur la propriété bâtie.
Il a été fixé à 2 0/0 de la valeur réelle ou estimée des mai-
sons de Saint-Louis, Dakar et Gorée, suivant délibération du
conseil général du 9 juin 1901, approuvée par décret du
19 décembre suivant.
L'impôt foncier n'a pas été établi dans nos autres possessions
de l'Afrique occidentale française.
918. Congo français. Un impôt sur les maisons, fixé à 5 0/0
de la valeur locative, a été établi par arrêté du 10 décembre
COLONIES, I.
51

— 802 —
1877. En outre, les terrains loués et les terrains situés dans
les 23 mètres réservés du littoral sont assujettis à une taxe qui
varie, suivant la nature des constructions qui y sont élevées,
de 50 centimes à 2 francs par mètre carré.
.919. Réunion. L'impôt foncier, portant seulement sur les
maisons, a été établi par un arrêté de 1824, réglementé par le
décret colonial du 7 avril 1838 encore en vigueur pour tout ce
qui concerne la formation de la matrice des rôles et les règles
de la perception, complété enfin par un décret du 16 juin 18GG
qui a étendu cet impôt à toutes les communes de la colonie,
en exceptant dans les villes les terrains non bâtis.
Sont exemptés de l'impôt : les bâtiments dépendant d'ex-
ploitations agricoles, ainsi que les usines servant à la mani-
pulation des produits desdites exploitations, à l'exception des
locaux affectés à l'habitation des maîtres ou des régisseurs (1).
Actuellement, en vertu d'un arrêté du 19 mars 1887, l'impôt
est de 0 fr. 3,'5 centimes pour 100 francs de la valeur estima-
tive imposable des maisons situées dans l'étendue de la colo-
nie.
Un droit de sortie est perçu sur les produits du sol en rem-
placement de l'impôt foncier (n° 981).
920. Mayotte (2). 11 va lieu de distinguer les terrains ruraux
des terrains urbains. Les premiers sont imposés d'après leur
superficie réelle, sans distinction de la qualité des terres, à
raison de 3 francs par hectare. Les terrains urbains aliénés,
c'est-à-dire appartenant en toute propriété à des particuliers,
sont imposés à raison de 3 centimes le mètre carré, sans toute-
fois que la taxe puisse être inférieure à 3 francs. Les terrains
appartenant au domaine sont assujettis à une taxe de 5 francs
par case servant d'habitation.
921. Madagascar et dépendances. L'impôt foncier n'a pas
encore été établi.
922. Inde. L'impôt foncier varie dans chacun des établisse-
ments.
A Pondichéry, en vertu de l'arrêté du 19 février 1853, qui
(1) Déc. 16 juin 1866, art. 2.
(2) Arr. loc. 7 décembre 1880, 27 décembre 1882 et 25 octobre 1888.


— 803 —
a sensiblement abaissé les droits, l'impôt est de 25 0/0 du
produit brut du sol. Les champs à simple récolte qui obtien-
nent, à l'aide des eaux du domaine public, une seconde ré-
colte, doivent payer une indemnité égale à 10 0/0 de l'impôt
dont ces champs étaient frappés avant 1853, c'est-à-dire avant
l'époque à laquelle la redevance territoriale a été réduite au
taux actuel.
Les droits et revenus dont se composait la ferme générale
de Chandernagor sont, depuis 1847, perçus par les agents de
l'administration. Les rentes foncières établies à cette époque
sont encore aujourd'hui perçues conformément aux fixations
de l'hostobonde ou livre d'arpentage dressé en 1819 par le
conseil d'administration de Chandernagor. Les changements
et mutations donnant lieu à une perception additionnelle et
non prévue au rôle, qui peuvent survenir dans le cours d'une
année, font l'objet d'un rôle supplémentaire dressé par le
chef des services administratifs et approuvé par le gouver-
neur.
Le droit de douarmachara ou de veilleur de nuit perçu en
même temps que les rentes foncières, supprimé par délibéra-
tion du conseil général en date du 19 décembre 1887, a été
rétabli par la même assemblée le 8 décembre 1888.
L'impôt foncier dù par l'établissement de Karikal est, depuis
l'arrêté du 27 avril 1854, acquitté en argent et non plus en
nature, quelles que soient la provenance et la nature des
terres qui y sont assujetties. L'impôt est un impôt de répar-
tition. Il se compose : 1° des rentes établies jusqu'en 1854
sur les aidées ou les terrains antérieurement concédés par
le gouvernement ; 2° d'une somme invariable destinée à
remplacer, pour les terres à nellys (1), la redevance acquittée
jusqu'alors en nature et répartie entre les diverses aidées de
l'établissement par un acte de l'autorité publique. Le contin-
gent de chaque aidée doit ensuite être réparti entre les diverses
terres imposées.
Cette somme invariable composant, avec le montant des
rentes foncières, le chiffre annuel de l'impôt foncier, a été
(1) Les terres à nellys sont celles qui peuvent être employées à la cul-
ture du riz.

— 804 —
répartie d'après le produit moyen du sol, eu égard aux diverses
espèces de terres. Le montant de l'impôt foncier est dû par
aidée. La somme à laquelle chaque aldée a été imposée
ne peut, être augmentée, quel que soit le nombre des récoltes
faites ou la nature des cultures.
923. A Yanaon, aucun acte de l'autorité n'avait, jusqu'en
1871, réglé le mode de possession, de jouissance et d'impo-
sition des terres; l'arrêté du 24 mai 1871 complété par un
arrêté du 2 avril 1890 a eu pour effet de faire cesser cette
précarité (1).
Les pertes de récoltes, supérieures de 73 0/0 au produit
brut des terres, donnent lieu au dégrèvement intégral de l'im-
pôt, s'il est reconnu qu'elles sont le résultat d'un cas de force
majeure; il en est de môme pour les terres qui n'auraient pu
être mises en culture par suite des mêmes causes. Ces faits
doivent être constatés par une commission nommée par le
chef du service de l'établissement, sauf approbation du gou-
verneur. Mais si, aux termes de ces dispositions, les portes de
récoltes supérieures à 75 0/0 du produit brut donnent lieu au
dégrèvement intégral de l'impôt, un propriétaire ne saurait s'en
prévaloir pour soutenir que la perte totale d'une des deux
récoltes annuelles lui donne droit à obtenir décharge de la
moitié de l'impôt foncier afférent aux terres à deux récoltes.
11 faudrait que l'ensemble des pertes excédât de 75 0/0 l'en-
semble des produits de ces deux récoltes (2).
(1) Les terres sont classées en trois catégories : terres à nellys ou ri-
zières ; terres à menus grains ou potagères : terres à pâturage ou eu
friche. Les deux premières catégories se subdivisent en terres trans-
plantées et non transplantées.

Les pâturages et les terres laissées en friche pour servir de pacage
aux bestiaux ne peuvent être converties en terres à nellys ou à menus
grains que sous la condition d'acquitter l'impôt payé par ces terres.
L'impôt est fixé à
37 roupies 1/2 (environ 75 t'r. 75) par kandy (le kandy
représente
3 hectares 2 ares 95 centiares) pour les terres à nellys et à
menus grains. Les terres à pâturages sont frappées d'un impôt de
12 francs par kandy et par an, tant qu'il n'est pas apporté de change-
ment à leur destination. Le propriétaire des terres à nellys ou à menus

grains peut, en acquittant l'impôt dû, se livrer à toute espèce de cul-
ture et faire tel nombre de récoltes que bon lui semble, sans que dans

aucun cas, ni à aucuue époque, la somme à laquelle il est imposé soit
augmentée. L'impôt est payable par trimestre.
(2) Cf. C. d'Et. cont. 19 mars 1880 (aff. Jablin, 1" espèce). L. 80.312.

— 805 —
Si un contribuable prétend que ses propriétés ont été inexac-
tement mesurées et classées, et qu'elles sont, par suite,
assujetties à des impositions exagérées, c'est contre les rôles
approuvés par le gouverneur qu'il doit réclamer, en portant
devant le conseil du contentieux administratif une demande en
décharge de l'impôt foncier auquel il aurait été imposé sur
ces rôles; mais il no lui appartient pas de réclamer par la
voie contentieuse l'invalidation des opérations cadastrales
auxquelles il a été procédé en vue de la confection des nou-
veaux rôles de contributions (1).
A Mahé, pour les terrains en rizières, l'impôt foncier est
fixé à raison du tiers du produit brut, déduction faite de la
valeur des grains nécessaires aux semailles de l'année. Pour les
terrains plantés d'arbres fruitiers, l'impôt se perçoit sur le
produit de ces arbres, d'après un tarif qui varie suivant leur
nature et leur qualité.
Indépendamment de cet impôt sur les cultures, les mai-
sons à Mahé et dépendances sont assujetties à un impôt qui
varie suivant la nature des habitations. (Arr. 20 mai 1834 et
5 juillet 1861.)
924. Un impôt spécial sur les terres à salines, qui n'existe
d'ailleurs que dans les établissements de Pondichéry et de
Karikal, a été fixé en 1834 a 32 0/0, puis réduit par arrêté du
28 décembre 1872 à 25 0/0. Cet impôt vient en déduction de
l'indemnité payée aux propriétaires de salines par le gouverne-
ment anglais des Indes.
Cette indemnité a été fixée d'un commun accord entre le
gouvernement anglais et le gouvernement de Pondichéry
comme dédommagement de l'inactivité temporaire des salines
de Pondichéry et de Karikal, par la convention du 13 mai 1818,
à 4,000 pagodes, soit 33,600 francs, réparties entre les éta-
blissements de Pondichéry et de Karikal, suivant les bases
indiquées dans l'arrêté de 1834. Le montant de l'indemnité
allouée aux propriétaires a été fixé en 1872, pour Pondichéry,
à 12,550 fr. 49; pour Karikal, à 12,649 fr. 51.
924 bis. En dehors de l'impôt foncier ainsi perçu, une
délibération du conseil général du 22 décembre 1894 a éta-
(1) Cons. d'Ét. cont. 19 mars 1880 (aff. Jablin, 2e espèce). L. 80.313.

— 806 —
bli un impôt (1) de 10 0/0 de la valeur locative des proprietés
bâties dans les cinq établissements.
925. Cochinchine. L'impôt foncier se divise en deux catégo
ries : l'impôt des centres et l'impôt des villages.
Sont assujettis à l'impôt des centres les lots compris dans
le lerritoire de la ville de Saigon, les terrains des villes de
Giadinh, Gholôn, Mytho, Vinhlong, Soctrang et Baclieu.
L'impôt varie suivant chacune de ces localités et dans chacune
suivant les zones et la nature des constructions (2).
Toutefois, le minimum des taxes foncières à acquitter par
contribuable est fixé à 0 $ 0625 pour les terrains possédés
dans une même commune et situés clans les centres pour les-
quels des contributions spéciales ont été prévues, Saigon,
Cholôn, Mytho, Vinhlong (3).
L'impôt foncier des villages comprend les rizières et les
cultures diverses. Les rizières sont classées en trois catégo-
ries, suivant leur degré de fertilité, et imposées à 0 $ 60,
0 $ 40, 0 $ 20 l'hectare (4). Ce droit était sensiblement supé-
rieur avant 1880; il a été réduit afin d'éviter les fraudes et
les déclarations mensongères.
L'impôt des cultures diverses est fixé comme suit, d'après
la nature des cultures (5) :
1re classe, 2$ 30 ; 2e classe, 0 $ 80 ; 3e classe, 0 $ 40 l'hectare.
Ces taxes doivent être aujourd'hui majorées de 20 0/0 (6).
(1) Sont complètement exemptés de cet impôt :
1° Les maisons, bâtiments ou édifices appartenan à l'État, à la colo-

nie, aux communes, aux fabriques et aux établissements de bienfaisance,
ceux affectés à l'exercice des cultes, les chaudries, châtrons et autres

constructions affectés, même par des particuliers, à une œuvre de cha-
rité, lorsqu'ils remplissent la double condition de ne pas être produc-

tifs de revenu et d'être affectés à un service d'utilité publique ; 2° Les
constructions assises sur un terrain déjà imposé, à moins que le mon-
tant de cette imposition ne soit inférieur à celui de la contribution sur
les bâtiments. Dans ce cas, la taxe la plus élevée sera perçue ; 3° Les

bâtiments affectés à une industrie exploitée par les
propriétaires
acquittant déjà l'impôt des patentes ; 4° Les constructions et terrains
vides dont la valeur locative est inférieure à deux roupies.
(2) V. Arr. 7 juin 1875, 12 février 1877, 21 novembre 1881, 30 décem-
bre 1882.
(3) Délibération du conseil colonial; 10 décembre 1881.
(i) Arr. loc. 15 novembre 1880.
(5) Arr. loc. 6 septembre 1878, V. B. O. Coch., 1878, p. 351.

(6) Délibérations du conseil colonial des 15 et 30 décembre 1893,29 et
31 décembre 1894 ; approbation ministérielle du 0 avril 1895.

— 807 —
Les cultures d'indigo et de coton sont exemptes d'impôt.
La première classe de cultures comprend les cocotiurs, les
aréquiers, les poivriers, le tabac, le bétel, les ananas, et en
général les plantations d'arbres fruitiers. La deuxième classe
comprend les terrains d'habitation, le mùrier, la canne à sucre,
les arachides, le maïs, le café, l'ortie de Chine, le sésame, les
pastèques, les patates, et en général toutes les cultures de
légumes. La troisième classe comprend les palmiers d'eau.
Les cultures d'aréquiers et de cocotiers sont comprises dans
la deuxième classe jusqu'au jour où elles commencent à pro-
duire ; à cette époque, elles sont inscrites à la première classe.
On peut ranger aussi dans l'impôt foncier l'impôt des sali-
nes, fixé par décret du 5 avril 1883 à raison de 4 piastres
l'hectare, calculé en raison de la superficie totale des terrains
préparés en salines; l'impôt n'est exigible qu'à compter du
1er janvier de la troisième année qui suit la création.
926. Annam-Tonkin. L'impôt foncier européen a été, à
Hanoï et à Haïphong, abandonné aux budgets de ces deux
villes en vertu d'un arrêté en date du 29 décembre 1891.
Dans les chefs-lieux de province, les propriétés immobilières
appartenant à des Européens ou assimilés sont divisées en
quatre classes et assujetties à des taxes de 0 fr. 17, 0 fr. 12,
0 fr. 07, 0 fr. 02 par mètre superficiel. Sur tout le reste du
territoire, les terrains sont divisés en deux catégories.
L'impôt foncier annamite est basé sur la division des ter-
rains en rizières et cultures diverses. Les rizières sont divi-
sées en trois classes; les cultures diverses en douze classes
l'impôt varie, selon la classe, de 2 ,5 C3 à 0 S 06 par mau.
927. Nouvelle-Calédonie. Aux termes des arrêtés locaux des
2 décembre 1875 et 21 octobre 1885, tous les terrains, indis-
tinctement, sont soumis à l'impôt foncier, à compter du
1er janvier qui suit la date de leur aliénation par le domaine,
à raison de 0 fr. 50 et de 0 fr. 75 0/0 de leur valeur, selon
qu'il s'agit de terrains urbains ou de terrains ruraux (1).
(1) Les immeubles situés sur le territoire réservé à l'administration
pénitentiaire sont exemptés de la contribution foncière, sans qu'il y ait
lieu de distinguer s'ils sont, ou non, productifs de revenu. Cons. d'Ét.

Cont. 16 mars 1894. L. 94. p. 207.

— 808 —
La valeur des terrains est déterminée par une commission.
La valeur des bâtiments urbains doit être déterminée séparé-
ment. Sont exempts les terrains nouvellement bâtis pendant
les trois premières années.
Il peut être accordé des remises ou modérations en cas de
perte de récoltes.
§ 2. Impôt personnel.
928. Cet impôt n'existe que clans quelques-unes de nos pos-
sessions.
Afrique occidentale française. L'impôt personnel établi en
18G0 au Sénégal a été supprimé en 1880 pour les habitants
des villes; sa perception était trop difficile et trop onéreuse,
étant données les habitudes nomades des populations; mais il
a été maintenu, ce qui s'explique difficilement, pour les fau-
bourgs et les villages. Sa perception se généralise peu à peu
en Guinée française, dans le Haut-Sénégal et Niger, à la Côte
d'Ivoire et au Dahomey ; la taxe est fixée à un taux qui varie,
selon les conventions passées avec les chefs, de un à cinq
francs. Il est de 1 fr. 50 par individu (chiffre correspondant à
la valeur de trois journées de travail) et frappe les habitants
domiciliés dans les villages d'administration directe de la co-
lonie.
Congo français. La perception d'un impôt personnel sur les
indigènes, établie dans la Haute-Sangha dès 1894, a été, en
principe, étendue à l'ensemble de nos possessions par des
arrêtés locaux, notamment par un arrête du 11 décembre 1902.
En fait, il n'est perçu, le plus souvent en nature, que dans les
régions les plus voisines de nos postes et dans le Haut-Ou-
bangui.
Réunion. L'impôt personnel, supprimé en 1882 à la Réu-
nion, a été rétabli en 188C par une délibération du conseil
général approuvée par un décret du 15 décembre 188G. Le
conseil général avait essayé, en 188."5, de rétablir l'impôt en
le faisant payer soit en espèces, soit en journées de travail,
au choix des contribuables, sauf pour les immigrants qui
auraient toujours été obligés de s'acquitter en espèces, mais il
avait dû renoncer à ce système et avait fixé ia taxe, égale

— 809 —
pour tous, à 6 francs payable en espèces. L'impôt personnel a,
depuis lors, été supprimé à la Réunion par une délibération du
conseil général du 8 août 1898. Le gouverneur ayant arrêté le
budget sans tenir compte de cette délibération, sa décision a
été attaquée pour excès de pouvoir et annulée par le Conseil
d'État le 25 janvier 1901.
Mayotte. Tous les individus, y compris ceux engagés par
contrats, et les travailleurs régulièrement engagés par con-
trats passés devant l'administration et employés sur les pro-
priétés rurales, supportent cet impôt, qui, par un arrêté en
date du 31 décembre 1896, a été fixée à 10 francs pour toute
personne âgée de 16 ans et au-dessus sans'distinction de sexe.
929. Indo-Chine. Depuis 1873, en Cochinchine, les Asia-
tiques et les Africains sujets français ne sont plus astreints au
payement de l'impôt personnel. Cet impôt n'atteint plus que
les indigènes annamites qui sont tenus de se pourvoir d'une
carte-quittance destinée à assurer le contrôle de la perception.
Il a été fixé à 3 francs par homme valide, par arrêté du
15 novembre 1880, et ramené, par suite de la réduction en
piastres des taxes locales, à 60 cents. Le conseil colonial, par
délibération en date du 15 novembre 1882, approuvée par
décret du 27 octobre 1883, avait fait abandon du tiers du
produit de cette taxe aux arrondissements, en remplacement
des subventions allouées par la colonie. Mais aujourd'hui, en
conformité d'une délibération du conseil colonial du 29 dé-
cembre 1894, approuvée par décret du 30 avril 1895, la taxe
est pour la totalité allouée au service local. Cet impôt ne
frappe que les Annamites valides, mâles et âgés de moins de
cinquante-cinq ans.
La taxe de 0 S 60 est actuellement, en vertu de la délibéra-
tion du conseil colonial du 31 décembre 1894, majorée de
10 0 0.
En Annam et au Tonkin, l'impôt personnel est également
perçu sur les indigènes annamites. Il est fixé à 0 S 40 pour
les inscrits de 1re classe (âgés de 21 à 54 ans) et à 0 $ 20
pour les inscrits de 2me classe (âgés de 18 à 20 et de 55 à
59 ans). Ce tarif a été déterminé par une circulaire du 7 dé-
cembre 1889.
Un' impôt de capitation est de même établi sur les indigènes

— 810 —
au Laos. Au Cambodge, il est payé par les Cambodgiens, les
Malais et les Annamites.
929 bis. Nouvelle-Calédonie. Suivant délibérations du con-
seil général des 30 novembre 1898 et 22 mai 1900, approuvée
par décret du 22 novembre 1900, tout indigène du sexe mas-
culin, âgé de 21 à 55 ans, est assujetti à un impôt de capita-
tion dont le taux est fixé à 15 francs.
§ 3. Impôt personnel spécial aux étrangers.
930. Cette taxe n'existe qu'à la Réunion et en IndoChine; il
a été tenté toutefois à la Guyane et dans les établissements
français de l'Océanie.
Guyane. Le conseil général de la Guyane avait, par une
délibération du 25 novembre 1887, établi une patente supplé-
mentaire de 1,000 francs sur les étrangers commerçants, avec
une taxe additionnelle de 500 francs pour les Chinois, ces
taxes étant augmentées de 500 francs pour les patentés de
1re classe. Cette réglementation était absolument contraire au
principe de l'impôt des patentes; aussi la délibération a-t-
elle été annulée par un décret du 6 février 1888.
Réunion. Indépendamment des droits perçus conformément
au décret du 17 juin 1865 sur les contrats d'engagement et de
réengagement des immigrants introduits dans l'île de la Réu-
nion, et qui sont supportés par le propriétaire ou le patron,
une délibération du conseil général, approuvée par décret du
10 août 1868, a établi une taxe annuelle sur la délivrance et
le renouvellement des permis de résidence temporaire accordés
par l'administration locale aux travailleurs immigrants qui, à
l'expiration de leurs engagements, demandent à rester dans la
colonie..
La taxe sur les étrangers, ainsi établie en 1868, a été
modifiée en 1887 ( Déc. 17 juin 1887;. La taxe pour la déli-
vrance et le renouvellement des permis de séjour n'est plus
fixe; elle varie suivant la situation de l'étranger de race asia-
tique ou africaine; l'employeur est responsable de la taxe due
par son employé et toute personne qui emploie un individu
soumis au permis de séjour sans qu'il soit muni de cette

— 811 —
pièce est passible d'une amende. Ces mesures ne sont pas
applicables d'ailleurs aux individus soumis au régime de
l'immigration; pour ceux-ci, le décret du 30 mars 1881 reste
en vigueur : la taxe de séjour est remplacée par le droit
d'enregistrement des contrats d'engagement et de réengage-
ment.
931. Indo-Chine. Une délibération du conseil colonial de la
Cochinchine, approuvée par décret du 7 février 1901, a mo-
difié l'assiette du droit d'immatriculation des Asiatiques étran-
gers. Ce droit, établi par des délibérations antérieures du con-
seil colonial, approuvées par décrets des 21 mai 1897 et
27 octobre 1899, se compose d'un droit fixe de dix piastres
perçu sur les rôles numériques dressés par le service de l'im-
migration et d'un droit gradué perçu dans les conditions
fixées par un arrêté du 9 février 1897.
932. Établissements français de VOcéanie. Par délibération
du 9 décembre 1898, le conseil général des établissements
français de l'Océanie avait établi une taxe d'immatriculation
spéciale aux Chinois résidant dans la colonie. Cette délibéra-
tion a été rejetée, comme n'étant pas suffisamment justifiée,
par un décret en Conseil d'Etat du 15 septembre 1899.
§ 4 . Contribution mobilière.
933. Martinique. Par délibération en date du 4 décembre 1900,
approuvée par décret du 3 avril 1901, le taux de la contribu-
tion mobilière a été porté de 2 0/0 à 2 1/2 0/0 de la valeur
locative de l'habitation personnelle à chaque contribuable, à
l'exception des loyers inférieurs à 250 francs.
Pour les fonctionnaires de l'Etat logés en nature, la taxe se
détermine d'après les loyers des habitations occupées, en
tenant compte du mobilier garnissant les lieux.
Guadeloupe. La limite inférieure de la valeur locative
frappée par la taxe mobilière est, comme à la Martinique, de
250 francs; le tarif est gradué et varie de 1 0/0 à 4 0/0 (au-
dessus de 2,000 francs).
Les règles adoptées dans la métropole pour l'établissement
et la perception de cet impôt sont suivies dans nos deux colo-
nies des Antilles.

— 812 —
Inde. Une deliberation du conseil général du 14 dé-
cembre 1897 a établi une taxe sur les loyers, dont le mode
d'assiette et les règles de perception ont été approuvés par
décret du 25 mars 1898.
§ 5. Patentes.
934. Martinique. L'impôt des patentes a été réglé à nouveau
par un décret du 13 juin 1887 approuvant une délibération du
conseil général du 10 décembre 1885. Les règles sont à peu
près les mêmes que celles fixées, dans la métropole, par la
loi du 15 juillet 1880; toutefois, le droit proportionnel a été
supprimé, sauf en ce qui concerne les professions libérales;
en outre, aux trois tableaux de la loi métropolitaine, on a
substitué la classification suivante (1):
Les patentables sont répartis en deux tableaux, A et B.
Le tableau A comprend les commerces, industries, profes-
sions imposés d'après un tarif général et eu égard à la popu-
lation; le tableau B, les professions imposées sans avoir égard
à la population et d'après un tarif exceptionnel. Tout indi-
vidu, Français ou étranger, qui exerce clans la colonie un
commerce, une industrie ou une profession, doit être assujetti
à la patente, alors môme que son industrie ne figurerait pas
dans les tableaux ci-dessus. C'est le système de la métropole,
qui veut que nul n'échappe à l'impôt.
Dans ce cas, il appartient au gouverneur de prendre des ar-
rêtés d'assimilation pour assujettir ces commerçants à la pa-
tente. Mais, tous les quatre ans, un tableau, contenant la
nomenclature des changements adoptés depuis deux ans au
moins, doit être soumis à la sanction du conseil général.
935. Le montant de la patente des assujettis du tableau A
est fixé, d'une part, d'après la classe des patentés ; d'autre
part, suivant la population de la commune. Il y a huit classes
de patentes; les communes sont également rangées en huit
séries. Pour les communes de la 1re série (au-dessus de
20,000 habitants), le droit varie de 550 francs pour la 1re
(1) Délibération du conseil général du 23 décembre 1887 ; arrêté du
28 décembre suivant.

— 813 —
classe à 20 francs pour la 8e; dans les communes de la 8e sé-
rie (4,000 habitants et au-dessous), de 70 francs pour la
1re classe à 2 f. 50 pour la 8e. Dans chaque commune, les patenta-
bles, habitant à plus d'un kilomètre du bourg, sont considérés
comme appartenant à la population rurale, et les patentes
ne sont calculées que d'après le chiffre de celle population.
Quant au tableau B, il se divise en deux parties, savoir :
1° Professions soumises à un droit invariable sans avoir
égard à la population.
2° Professions imposées à raison de taxes variables suivant
divers éléments d'appréciation. Des délibérations du conseil
général en date des 7 décembre 1900, 19 décembre 1901
et 4 septembre 1903, approuvées par décrets des 3 avril 1901,
2 mai 1902 et 1er janvier 1904, ont, tout en observant le prin-
cipe de cette classification, fixé le montant de la patente en ce
qui concerne certaines catégories de commerçants.
Les dispositions des lois métropolitaines en ce qui concerne
le mode d'établissement et de perception de l'impôt, sont
reproduites à peu près complètement.
936. Il est établi, au profit des chambres de commerce, un
centime additionnel portant sur les patentés des deux tableaux
sans exception. En France, au contraire, ces centimes spé-
ciaux ne sont supportés que par les patentés les plus fort
imposés.
Le huitième du produit de la contribution des patentes est
abandonné aux communes.
Les pharmaciens sont assujettis au payement d'un droit
proportionnel de 40 0/0 du principal de la patente pour cou-
vrir les frais de visite des officines, mais sans que la somme
ainsi recouvrée puisse excéder 3,000 francs.
937. Guadeloupe. L'impôt des patentes a été l'objet de la
part du conseil général de deux remaniements opérés l'un en
1876, l'autre en 1883; celui-ci, dans le but de se rapprocher
autant que possible de la loi métropolitaine.
Les délibérations du conseil général des 20 décembre 1881
et 21 juin 1883 ont été approuvées par décret du 4 août 1884.
Les seules différences, avec la Martinique, qu'il soit inté-
ressant de signaler sont les suivantes :
La contribution se compose d'un seul droit fixe. Les avocats,

— 814 -
avoués, docteurs, etc., qui, à la Martinique, sont assujettis,
comme en France, à un droit proportionnel de 1/15 rentrent
à la Guadeloupe dans la catégorie des patentables astreints au
payement d'un droit fixe et compris dans le tableau A.
La contribution est établie d'après un tarif exceptionnel,
tenant compte de la population, pour chacune des industries
et professions portées dans le tableau A et d'après un tarif
général divisé en 22 classes (tableau B) entre lesquelles sont
réparties toutes les industries et professions non comprises
dans le tableau A.
Le dixième du produit des patentes (au lieu du huitième
comme à la Martinique) est abandonné aux communes. .
Des centimes additionnels spéciaux, indépendants des cen-
times additionnels ordinaires votés par la colonie elle-même
ou par les communes, viennent s'ajouter au principal de la
contribution des patentes; ils comprennent :
1° 10 centimes, dont le produit est destiné à remplacer le
droit de timbre sur les formules et à couvrir les décharges,
réductions, remises et modérations, ainsi que les frais d'im-
pression et d'expédition des formules de patentes;
2° 5 centimes, dont le montant dans chaque arrondissement est
déstiné à subvenir aux dépenses de la chambre de commerce.
Une délibération du conseil général du 20 décembre 1808,
approuvée par décret du 6 juillet 1899, a soumis les arma-
teurs au long cours à une patente de 1 fr.25 par chaque
tonneau compté d'après la jauge nette de la douane.
Un décret du 20 juin 1903 a approuvé une délibération du
conseil général de la Guadeloupe, en date du 13 décembre
précédent, ayant pour objet l'abaissement de 500 à 100 francs
du minimum du droit fixe des patentes des fabriques de sucre
prévu au tableau A du décret du 18 août 1884, réglant l'as-
siette du droit de patente dans la colonie.
938. Saint-Pierre et Miquelon. L'impôt des patentes a été
modifié par un décret en date du 16 janvier 1901. Les pro-
fessions sont réparties, pour l'établissement de la taxe, en
dix classes, auxquelles il faut ajouter une classe spéciale. Il y
a, en outre, dans une classification particulière, des patentes
sur cargaison et des patentes de sécheries.
939. Guyane. L'impôt des patentes, établi par le décret co-

— 815 —
lonial du 11 juillet 1837, est actuellement réglé par un arrêté
local du 29 décembre 1886.
Le tarif comprend six classes, la 1re classe comptant tous
les négociants dont le chiffre d'affaires est supérieur à
50,000 francs.
11 n'existe plus depuis 1879 de droit proportionnel d'après
la valeur du loyer. Le taux de l'impôt est pour les sixième,
cinquième, quatrième, troisième et deuxième classes, calculé à
un droit unique de 30 francs, 50 francs, 60 francs, 100 francs,
250 francs. Pour la première classe, il ne peut être inférieur
à G00 francs, et s'élève, à partir d'un chiffre d'affaires de
100,000 francs, proportionnellement à l'importance de l'éta-
blissement du contribuable. L'augmentation est alors calculée
à raison de 300 francs par 100,000 francs.
Ce tarif s'applique à Cayenne et à Saint-Laurent du Maroni.
A Mana et à Sinnamary, il est réduit de 30 0/0 ; dans les
autres communes rurales, il est réduit de 50 0/0.
940. Sénégal. Aux termes de la délibération du conseil
général du Sénégal, rendue exécutoire
par
décret du
6 août 1881, toute personne exerçant le commerce dans la
colonie est assujettie à la contribution des patentes.
Celle-ci se compose d'un droit fixe et d'un droit proportion-
nel. Le droit fixe a pour base la nature du commerce exercé ;
le droit proportionnel est établi en raison de la valeur locative
de la maison d'habitation et des bâtiments affectés à l'exer-
cice du commerce de chaque patenté et de tout ce qui en
dépend. C'est le système de la métropole.
Le droit fixe varie entre G00 francs (patente de négociant ou
de banquier) et 75 francs. Les commerçants sont répartis en
3 classes.
Les bouchers de Gorée ont été exonérés des droits de pa-
tente par délibération du conseil général du 12 mai 1883. Les
cafés et cabarets sont soumis à une taxe dite taxe de licence,
qui tient lieu de l'impôt des patentes, et sont divisés en 3 ca-
tégories.
Le droit proportionnel est fixé au cinquième de la valeur
locative, réelle ou estimée, des magasins, boutiques et autres
locaux servant exclusivement à l'exercice du commerce et de

— 816 —
tout ce qui en dépend. L'estimation, s'il y a lieu, est faite par
la commission des contributions.
Ces patentes étaient applicables, au début, à Saint-Louis,
dans ses faubourgs, dans sa banlieue, à Gorée, Dakar, Rufis-
que, Joal, Portudal et Nianing. Par arrêtés des 20 novem-
bre 1885 et 29 décembre 1888, les droits sur les patentes ont
été étendus : 1° A tous les points de la banlieue où le com-
merce s'exerce ; 2° Aux établissements fondés aux alentours
des gares de chemins de fer.
Les patentés, sur ces différents points, sont divisés en
2 classes. 11 n'existe pas de droit proportionnel.
Les marchands ambulants doivent se munir d'une patente de
colportage fixée à 30 francs par mois pour toute la colonie.
Cette contribution des patentes et ces de licence sont éga-
lement établis au Soudan français.
940 bis. Congo français. La contribution des patentes est
perçue dans la colonie en vertu d'arrêtés locaux des 8 décem-
bre 1866, 30 avril 1891 et 8 décembre 1894. Elle existe sous
forme d'un droit fixe dont le taux varie de G00 à 50 francs.
Les traitants, débitants et contremaîtres, agissant pour le
compte d'une compagnie ou maison de commerce soumise
elle-même à la patente dans la colonie, ne sont tenus qu'à être
porteurs d'un livret individuel dont le coût est de 25 francs.
Les débitants et cabaretiers sont astreints au payement d'un
droit de licence.
941. Réunion. La contribution des patentes est régie par le
décret colonial du 22 juin 1838 modifié par les arrêtés du
21) décembre 1848, 20 décembre 18G7, 29 octobre 1890 et
19 février 1894. (1)
L'impôt, comme à la Guadeloupe, ne se compose que d'un
droit fixe.
Plusieurs tentatives ont été faites au sein du conseil général
à l'effet d'obtenir l'établissement d'un droit proportionnel, mais
elles n'ont pas abouti.
Pour la fixation du chiffre de l'impôt, les industries et les
commerces sont divisés en G classes et les communes sont
(i) Cf. également délibération du conseil général du 31 décembre 1899.

— 817 —
réparties en 8 catégories d'après leur importance relative.
Toutefois, sont placées hors classe : les banques, caisses
d'escompte et de prêt assujetties à un droit de 2,000 francs,
et les compagnies d'assurances assujetties à un droit de
1,000 francs.
Le chiffre de la patente varie suivant l'importance des com-
munes, pour la 1re classe de 580 francs (Saint-Denis) à 100 fr.
(Plaine des Palmistes et Saint-Philippe), pour la 6e classe de
50 francs (Saint-Denis) à 20 francs (Saint-Philippe et Plaine
des Palmistes).
L'industrie de la boucherie est exempte du droit de patente.
Tout commerçant français ou étranger doit se pourvoir d'une
formule de patente assujettie à un droit de timbre
de
1 fr. 50 (1).
Il ne peut exercer qu'une seule industrie à l'aide d'une
seule patente, à moins qu'il n'exerce les différents commerces
dans la même boutique.
Des centimes additionnels au principal de la contribution
des patentes tiennent lieu du timbre des livres de commerce
qui en ont été affranchis par le décret du 21 décembre 18G4.
Le dixième du principal de l'impôt des patentes est aban-
donné aux communes (2).
Les commerces et industries non désignés au tarif, et qui
ne sont pas comptés dans les exceptions, n'en sont pas moins
assujettis à la patente ; le classement est réglé, d'après l'ana-
logie des opérations ou des objets de commerce, par le con-
seil municipal, sauf approbation du gouverneur.
942. Madagascar. Les conditions dans lesquelles est établi
l'impôt des patentes ont été déterminées par un arrêté du gou-
verneur général du 3 novembre 1896. Pour l'application
de la taxe, les professions sont réparties en quatre classes ;
quelques-unes d'entre elles sont en outre, rangées hors classes.
942 bis. Mayotte. L'impôt des patentes ne se compose que
d'un droit fixe variant entre 1,800 francs et 70 francs, suivant la
nature du commerce exercé (Arrêtés des 21 décembre 1893 et
29 décembre 1894).
(1) Déc. col. 22 juin 1838, art. 20
Dec. 21 septembre 1864.
(2) Ibid., art. 28.
COLONIES, I.

— 818 —
942 ter. Inde. La contribution des patentes, autrefois établie
seulement dans le territoire de Mahé, est actuellement perçue
dans les cinq établissements, suivant délibération du conseil
général des 19 décembre 1888, 27 novembre 1890, 22 et
24 décembre 1894.
Les professions assujetties à la patente sont réparties entre
quatre tableaux, A, B, C, D. Les négociants portés au ta-
bleau Λ paient à la fois un droit fixe et un droit proportionnel ;
les autres ne sont astreints qu'à un droit fixe.
Pour les professions portées au tableau C (commissaire-pri-
seur, conseil agréé, huissier, notaire), le taux de la patente
n'est pas le même dans nos divers établissements. Aucune dis-
tinction n'est faite au contraire entre les différents territoires
de la colonie pour les professions portées aux tableaux A, B, D.
Le tarif, pour le droit fixe, comprend 15 classes ; il varie
entre 160 roupies et 5 roupies. Les banques privilégiées sont
placées hors classe et soumises à un droit fixe de 810 roupies.
Le droit proportionnel, pour les professions classées au ta-
bleau A, est calculé d'après l'importance des affaires.
Par délibération en date des 6 et 12 novembre 1901, le con-
seil général des établissements français de l'Inde a étendu
l'impôt des patentes à de nombreuses catégories de contri-
buables qui en étaient jusqu'alors exemptés. Ces délibérations
ont été approuvées par décret du 2 mars 1902.
943. Indo-Chine. L'impôt des patentes en Cochinchine est
réglé par le décret du 15 février 1889 et par les arrêtés des
19 février 1890, 6 février 1891, la circulaire du 14 avril 1891
et le décret du 10 décembre 1891. Il se compose d'un droit
fixe et d'un droit proportionnel pour les patentables des villes
de Saigon et Cholôn, d'un droit fixe seulement pour les paten-
tables de l'intérieur.
Le droit proportionnel est fixé au trentième de la valeur
locative, tant des maisons d'habitation que de tous les locaux
servant à l'exercice des professions imposables.
Les patentables sont répartis en 8 classes pour le droit fixe.
Ce droit varie entre 150 $ à Saïgon pour la 1re classe et 0 $ 80
dans les centres ruraux pour la 8e. Les commerces et in-
dustries non dénommés dans ces tableaux sont assujettis à
l'impôt par voie d'analogie ; certaines professions sont placées

— 819 —
hors classe et soumises à un droit fixe qui atteint à Saigon
480 $. Tous les cinq ans, des tableaux additionnels contenant
la nomenclature des commerces, industries et professions
classés par voie d'assimilation, conformément aux règles pré-
cédentes, sont soumis à la sanction du gouverneur en conseil
privé.
Les exceptions sont à peu près les mêmes qu'à la Marti-
nique ; toutefois, pour favoriser le développement de l'industrie
et du commerce français dans l'intérieur de la colonie, un
arrêté du 27 janvier 1879 exempte de la patente les commer-
çants et industriels d'origine française établis hors des arron -
dissements de Saigon et de Cholôn ; en outre, en vue de favo-
riser rétablissement et le développement de boulangeries et
de boucheries à l'européenne à l'intérieur, un arrêté du 12 avril
1880 a exempté des droits de patente les Asiatiques qui vendent
du pain fabriqué à la française ou de la viande de bœuf, en
dehors des arrondissements de Saïgon et de Cholôn, si toute-
fois ils ne cumulent pas cette profession avec une autre sou-
mise à la patente. Dans le cas contraire, ils doivent supporter
en entier le droit afférent à la profession non dégrevée.
L'impôt sur les patentes comprend aussi une taxe addition-
nelle de 1,50 0/0 au profit de la chambre de commerce.
Afin d'assurer le payement de l'impôt de la part des paten-
tables qui entreprennent une profession imposable après le
1er janvier, un arrêté du 27 décembre 1873 les oblige à se
présenter dans la huitaine au contrôleur des contributions pour
réclamer leur inscription au rôle et se munir d'une patente,
sous peine de voir leur établissement fermé.
944. Au Tonkin, l'impôt des patentes est réglé par un cer-
tain nombre d'arrêtés locaux, dont le plus récent est du 15 dé-
cembre 1895.
On distingue deux catégories de contribuables. La première
comprend les patentables des villes de Hanoï, Haiphong, Nam-
Dinh, Haï-Duong, Bac-Ninh, Quang-Yen et Son-tay ; la se-
conde les patentables de l'intérieur. La contribution se com-
pose d'un droit fixe et d'un droit proportionnel. Le droit fixe
varie entre 300 $ pour les professions hors classe, et 0 $ 50
pour celles de la dernière classe ; les classes sont au nombre
de neuf. Le droit proportionnel n'est applicable qu'aux paten-

— 820 —
tables de la 1re catégorie compris dans les six premières
classes. Il ne peut être inférieur à 2 $ et est fixé au trentième
de la valeur locative de l'ensemble des locaux occupés par le
patentable.
Une taxe additionnelle, fixée pour l'exercice 1897 à 3 $. est
perçue au profit de la chambre de commerce et d'agriculture
du Tonkin.
Le produit de l'impôt des patentes est actuellement aban-
donné aux budgets municipaux de Hanoï et de Haïphong.
Au Cambodge, les marchands asiatiques de Pnom-Penh
sont seuls assujettis au payement de patentes, perçues au profit
du budget du protectorat.
943. Nouvelle-Calédonie. La contribution des patentes a
été fixée par une délibération du conseil général du 7 décem-
bre 1900, approuvée par décret du 25 novembre 1901.
En principe, tout individu, Français ou étranger, qui exerce
dans la colonie un commerce, une industrie, une profession,
est assujetti à la contribution des patentes, selon la nomencla-
ture et le tarif figurant au tableau adopté par le conseil géné-
ral et approuvé par décret. Toutefois, sont exempts de la
patente pendant deux années les usines et établissements
industriels créés dans le pays et transformant au moyen
d'agents chimiques ou de machines les produits de la colonie.
En outre, sont exempts de la patente toute une catégorie de
contribuables, fonctionnaires, artistes, cultivateurs, concession-
naires de mines, capitaines de navires, etc. Le classement des
patentables est opéré, chaque année, par le contrôleur des
contributions. Le droit perçu varie, selon la classe, de 25 fr.
à 10,000 francs (négociants dont les importations dans
la colonie dépassent 0 millions de francs).
946. Océanie. La contribution des patentes, réglée par les
arrêtés des 16 février 1881, 7 juillet 1883, 25 juin 1889,
28 décembre 1892 et les décrets des 1er juin 1895 et
5 mai 1896, se compose d'un droit fixe et d'un droit propor-
tionnel.
Les patentes sont divisées en cinq classes (1) dont le taux varie
(1) Une délibération du conseil général de Tahiti en date du 28 no-
vembre 1901, approuvée par décret du 20 août 1901, a modifié le libellé

— 821 —
entre 750 et 25 francs pour le droit fixe. Le droit proportion-
nel est calculé, selon la classe, au 10e, au 15e, au 20e ou au 50e
de la valeur locative.
Les professions libérales sont soumises à un impôt particu-
lier fixé par un arrêté du 25 janvier 1883.
Le produit des patentes est attribué, pour un cinquième,
Papeete, au budget municipal.
§ C. — Prestations.
947. L'impôt des prestations pour l'entretien des routes a
été établi, dans les établissements de l'Océanie, par arrêté du
10 décembre 1874 et fixé à six journées de travail au maxi-
mum ou à une taxe représentative de 2 francs par journée.
947 bis. On pouvait assimiler à la charge des prestations,
quoiqu'elle fût beaucoup plus lourde et qu'elle ne pût d'ailleurs
être remplacée par un versement en argent, la corvée telle
que nous l'avons trouvée établie en Cochinchine lors de la
conquête. Cette charge, si pénible pour les indigènes, a été
supprimée par le décret du 10 mai 1881.
Au Tonkin, d'après un arrêté du 30 juin 1889, il est dû par
les villages trente journées de corvée par inscrit et par an. Dix
des trente journées sont employées par les villages, à qui elles
sont réservées, à l'amélioration des voies de communication;
les vingt autres sont obligatoirement rachetées au taux de
0 $ 10 par journée. Une circulaire du 7 décembre 1889 a
déterminé les catégories de personnes exemptes de corvées.
§ 7. — Taxe sur les chiens.
948. La taxe municipale sur les chiens, telle qu'elle existe
en France, a été établie à la Martinique, à Saint-Pierre et
do la 1re classe des patentes fixes du commerce. Aux termes d'un
décret du 5 mai 1896, les négociants de la 1re classe étaient autorisés à
vendre a la bouteille les liquides d'importation autres que les rhums.
Pour ces derniers, comme pour les rhums de fabrication locale, la vente
devait avoir lieu par 12 bouteilles au Moins ; cette même obligation a
été étendue par le conseil général à tous les liquides alcooliques de
fabrication locale indistinctement.


— 822 —
Miquelon, à la Réunion, et dans les établissements de
l'Océanie.
A la Martinique, elle a été instituée par un décret du
16 février 1888. Les conseils municipaux peuvent ou non l'adop-
ter pour leurs communes.
A Saint-Pierre et Miquelon, il n'existe qu'une seule taxe de
5 francs par chien, quel qu'il soit; elle est établie dans la
commune de Saint-Pierre seulement, et perçue à son profit.
A la Réunion, aux termes du décret du 16 février 1878,
les communes peuvent fixer l'impôt comme elles l'entendent,
à condition de maintenir, comme en France, la distinction
entre les chiens de garde et les chiens de luxe. Cette taxe ne
peut excéder 10 francs, ni être inférieure à 1 franc. Les tarifs
ainsi votés par les conseils municipaux sont rendus exécutoires
par arrêtés du gouverneur. L'obligation de déclarer les chiens
chaque année subsiste toujours à la Réunion, et l'omission de
cette déclaration entraîne le payement de la double taxe.
En Océanie, la taxe est fixée à 5 francs par chien. En cas
de non-déclaration dans les délais voulus, les tribunaux
peuvent infliger une amende de 5 à 15 francs.
§ 8. Taxe de vérification des poids et mesures.
949. Le système décimal des poids et mesures a été rendu
obligatoire dans la plupart des colonies. Un service de vérifi-
cation a été créé et donne lieu à la perception de droits éta-
blis d'après des bases analogues à ce qui a lieu en France, à
la Martinique, à la Guadeloupe, au Sénégal, à la Réunion, en
Cochinchine, en Nouvelle-Calédonie et en Océanie.
A la Guyane, le système de vérification des poids et mesures
est établi par arrêté du 12 novembre 1860 sur des bases un
peu différentes. Le tarif est établi non d'après la nature des
objets de pesage et mesurage et leur nombre, mais d'une
façon fixe d'après les professions assujetties à cet impôt.
930. Dans l'Inde où les mesures françaises n'ont pas encore
été rendues obligatoires, le tarif des droits de vérification ou
droits d'étalonnage est réglé par différents arrêtés du gouver-
neur pour les établissements de Pondichéry, Chandernagor et
Karikal. A Mahé et à Yanaon, l'étalonnage des poids et mesures
a lieu sans frais.

— 823 —
§ 9. — Taxe sur le revenu des valeurs mobilières.
951. Cet impôt existe seulement à la Martinique et à la
Guadeloupe.
Λ la Martinique, l'impôt sur le revenu des valeurs mobi-
lières est établi dans les mêmes conditions que dans la métro-
pole. La délibération du conseil général, approuvée par décret
du 15 octobre 1883, n'est que la reproduction des lois des
29 juin 1872, 1er décembre 1875 et 28 décembre 1880 et des
décrets de 1872 et 1875 rendus pour l'exécution de ces lois.
Un décret du 19 avril 1884 fit application à la colonie de la
loi du 23 juin f 857, article 10, portant que les contraventions
seraient punies d'une amende de 100 à 5,000 francs, sans pré-
judice des peines portées en l'article 50, § 2, de l'ordonnance
du 3 décembre 1828 pour omission ou insuffisance de décla-
ration.
Le recouvrement de la taxe sur le revenu est suivi et les
instances sont introduites et jugées comme en matière d'enre-
gistrement.
Des décrets du 1er octobre 1900 et du 1er janvier 1904,
approuvant des délibérations du conseil général de la Marti-
nique du 23 novembre 1899 et du 4 septembre 1903, exemp-
tent de la taxe sur le revenu les emprunts des sociétés en nom
collectif, ainsi que les avances faites aux sociétés au moyen
d'endossement de warrants et les prêts sur récoltes pendantes
qui leur sont consentis.
Le conseil général de la Guadeloupe a voté, le 14 décembre
1887, l'établissement de l'impôt sur le revenu des valeurs
mobilières; il a appliqué complètement la loi métropolitaine.
§ 10. — Impôt des voitures.
952. Martinique. Le conseil général a, par délibérations
du 4 décembre 1900 et du 4 décembre 1901, approuvées par
décrets du 3 avril 1901 et du 2 mai 1902, déterminé le mode
d'assiette et les règles de perception d'une taxe sur les voi-
tures. Cette taxe, fixée à 25, 15 ou 10 francs, est réduite de
moitié pour les voitures servant à l'exercice d'une profession
soumise à l'application de l'impôt des patentes, au service de

— 824 —
l'agriculture, à l'exercice de la profession de médecin, officier
de santé, etc. Elle n'est pas perçue sur les voilures des entre-
preneurs de roulage, sur celles qui sont destinées à la vente ou
qui sont possédées en conformité des règlements du service
militaire ou administratif.
Guadeloupe. Une taxe sur les voilures a été créée par
délibération du conseil général du 18 décembre 1901, approu-
vée par décret du 2 mai .1902. Le droit est, selon la catégorie
de voiture, de 25, 15 et 10 francs. L'assiette de la taxe a été
fixée par délibération du 12 août 1903 approuvée par décret
du 23 janvier 1904.
Réunion. L'impôt des voitures a été établi par le décret
colonial du 7. décembre 1843; il est actuellement réglé par
le décret du 15 mai 1875.
D'après ce décret, toutes les voitures suspendues servant
au transport des personnes sont assujetties à l'impôt. Les voi-
tures ainsi imposées sont réparties en sept catégories suivant
leur nature et le nombre des places. Il n'y a pas de distinctions
établies entre les communes. La taxe afférente à chaque caté-
gorie est fixée chaque année par le conseil général ; elle varie
actuellement, selon les catégories, entre 120 et 10 francs.
Aucune voilure suspendue ne peut circuler sur la voie
publique sans être munie d'un numéro d'ordre et d'une lettre
indiquant la commune à laquelle elle appartient, peints sur
une plaque délivrée par l'administration.
Les contraventions sont poursuivies devant le tribunal de
simple police ; les pénalités sont édictées par le décret du
15 mai 1875.
Le tiers de la taxe sur les voitures suspendues est aban-
donné par la colonie aux communes.
En vertu d'un arrêté du 13 juillet 1868, un impôt de 20 francs
est établi au profit du district de Salazie sur toutes les char-
rettes de cette circonscription.
Enfin, un arrêté du 31 décembre 1885, approuvé par un
décret du 17 septembre 1900, a ajouté aux voitures les char-
rettes attelées qui supportent dans toute l'île une taxe de
2 fr. 50.
953. Dans l'Inde, un impôt est perçu sur les véhicules et
les chevaux en vertu de délibérations du conseil général des

— 825 —
30 novembre 1891 et 24 décembre 1895. La taxe varie entre
15 roupies et 1 roupie.
§ 11. — Taxes diverses. Permis de port d'armes, etc.
954. Une taxe sur les permis de port d'armes a été établie
à la Martinique (10 francs), en Cochinchine (3 $ 33), au Cam-
bodge et dans les établissements de l'Océanie (2 francs).
Des droits sur les passeports à l'extérieur existent aux An-
tilles ( 10 francs par passeport), en Cochinchine (4
au Congo
( 100 francs).
Le passeport obligatoire clans les établissements de" l'Inde
pour les émigrants est assujetti à un droit de 8 annas 6 païces.
Au Tonkin, les cultures de thé du Loch-nam sont soumises
à une taxe annuelle.
A la Martinique, des délibérations du conseil général en date
du 4 décembre 1900 et du 4 décembre 1901, approuvées par
décrets du 3 avril 1901 et du 2 mai 1902, ont établi une
taxe sur les pianos. Sont exempts de cette taxe fixée à
10 francs les pianos servant aux leçons que donnent à
domicile les maîtres et maîtresses.
A la Guadeloupe, et avec la même exemption, une délibé-
ration du conseil général du 18 décembre 1901, approuvée par
décret du 2 mai 1902, a établi également une taxe de 10 francs,
par piano. L'assiette de cet impôt a été fixée de façon précise
par délibération du 12 août 1903, approuvée par décret du
23 janvier 1904.
Une taxe sur les biens de mainmorte a été votée par le con-
seil général de la Réunion; cette délibération a été rendue pro-
visoirement exécutoire par un arrêté du gouverneur du 22 no-
vembre 1884.
L'approbation définitive par décret n'a été donnée que le
13 juin 1887 ; en effet, si les conditions dans lesquelles la taxe
était établie étaient analogues à celles existant dans la métro-
pole, le taux adopté était exagéré.
L'impôt foncier n'existant à la Réunion que sur les maisons,
la taxe des biens de mainmorte ne pouvait plus être une
addition à l'impôt foncier. Elle a été fixée à 3 0/0 du revenu,
calcifié lui-même au 1/20 de la valeur en capital des immeubles ;

— 826 —
elle était, par suite, notablement supérieure d'une part à l'im-
pôt métropolitain, de l'autre aux droits de mutation dont la
taxe de mainmorte doit être la représentation. Dans la modi-
fication sanctionnée par le décret de 1887, on a calculé que
le rapport entre l'impôt des mutations et le principal de la
contribution des maisons était, pour les propriétés autres que
celles soumises à la mainmorte, de 0,19 ; c'est ce chiffre que
le décret a fixé comme maximum du coefficient que le conseil
général peut adopter pour déterminer chaque année le rapport
entre la contribution des maisons appartenant à la mainmorte
et la taxe de mainmorte qui leur est appliquée.
955. Enfin, dans différentes colonies, existent des taxes par-
ticulières pour droit de fourrière, location de places dans les
halles et marchés, etc.
Il convient enfin de signaler un impôt sur les célibataires
indigènes, établi à Madagascar, et un impôt sur les bicyclettes
institué dans l'Inde par délibérations du conseil général des
G et 12 novembre 1901, approuvées par décret du 2 mars 1902.
ART. 2. — Contributions indirectes et taxes diverses.
§ 1er. — Droits à l'importation et droits de consommation.
956. Les produits importés dans une colonie française peu-
vent être frappés de différents droits. Si la taxe qui leur est
appliquée leur est spéciale et qu'elle atteigne uniquement les
produits de provenance étrangère, on est alors en présence
d'un droit a la fois fiscal et protecteur, d'un droit de douane.
S'il s'agit, au contraire, d'une taxe frappant les produits im-
portés de toute provenance mais atteignant en même temps
les produits de même nature fabriqués dans la colonie, les
produits du cru local, le droit est dénommé droit de consom-
mation s'il est perçu pour le budget local, au lieu de l'être,
comme l'octroi de mer, pour les budgets communaux.
Jusqu'à ces dernières années, il semblait que la Cour de cas-
sation admît cette distinction entre le droit de douane, à la
fois fiscal et protecteur, frappant exclusivement les produits
étrangers, et le droit de consommation, taxe d'une nature plus
générale, atteignant aussi bien les produits français que les

— 827 —
produits étrangers, les produits du pays que les produits impor-
tés (1). C'est même en quelque sorte cette universalité du
droit de consommation qui, dans son application aux produits
sur lesquels il était perçu, paraissait le séparer du droit de
douane. Or, à tenir compte d'un arrêt de 1898, il semblerait
aujourd'hui que la Cour de cassation dût orienter sa jurispru-
dence dans un sens tout différent. Dans cette doctrine nouvelle,
le caractère différentiel et protecteur ne serait que l'un des
éléments constitutifs des taxes douanières. Il ne faudrait s'at-
tacher, pour déterminer dans une colonie la nature d'un droit
fîscal, ni au nom sous lequel il est perçu, ni à son mode de
recouvrement. Ce qu'il importerait de considérer avant tout,
c'est si le droit perçu affecte les relations commerciales de a
colonie avec l'extérieur et s'il atteint la consommation générale
en frappant les objets assujettis surtout en tant qu'objets d'im-
portation. C'est à cette double circonstance que l'on reconnaî-
trait le caractère douanier d'une taxe frappant des marchan-
dises à leur entrée sur le territoire d'une colonie, et l'on voit
qu'il serait souvent difticile de refuser ce même caractère à un
droit de consommation. Dans cette doctrine, on est amené
d'ailleurs à conclure que les droits de consommation devraient
alors être établis dans les mêmes formes que les droits de
douane, et c'est en effet à cette opinion, dont les conséquents
pourraient bouleverser à la fois la législation fiseale et la
sécurité financière de nos possessions, que la Cour de cassa-
tion s'est trouvée conduite (2).
(1) Cass. Req., 9 juillet 1895 (Aff. Lapiquonne). D. P. 1898,1.137 ; —
Cass. Req., 5 juillet 1898 (Aff. Mamelin). D. P. 1849.1.137.
(2) Cass. Civ., 15 mars 1898 (Aff. Cayrol). D. P. 1900.1.425. La
Cour, en ce qui touche les droits de consommation, vu l'article 2 du
sénatus-consulte du 4 juillet 1866 ; attendu qu'il est constant en fait
que les droits de consommation sur les allumettes chimiques de toute
provenance qui ont donné lieu à l'action de C. sont perçus sur des
tarifs établis en 1874, qui englobent le périmètre entier de la Guade-
loupe à l'entrée dans l'île, et par le service des douanes; — qu'ils inté-
ressent donc essentiellement, au point de vue du commerce, les rela-
tions de la colonie avec la métropole et avec l'étranger et revêtent
ainsi les caractères inhérents aux taxes douanières ; — que vainement
l'arrêt attaqué déclare que les allumettes assujetties à ces droits n'ont
pas leurs similaires dans l'intérieur de l'île, la seule fabrique qui se
soit établie à la Guadeloupe n'ayant jamais fonctionné d'une manière
normale ; — que le droit protecteur et différentiel n'est en effet que

— 828 —
La jurisprudence nouvelle que la Cour de cassation avait
ainsi consacrée par cet arrêt est toutefois encore assez indé-
cise. La cour d'appel de Bordeaux, devant laquelle la Cour
suprême, dans l'espèce que nous avons rapportée, avait ren-
voyé les parties, s'est bornée à affirmer l'illégalité des droits
de consommation dont la perception avait été jugée irrégulière,
en reproduisant dans des termes à peu près identiques les
motifs invoqués par l'arrêt de cassation (1). L'arrêt de la cour
de Bordeaux fut à son tour attaqué, pour vice de forme, par
la colonie de la Guadeloupe devant la Cour de cassation, mais
le pourvoi fut rejeté le 16 juillet 1900, sans qu'il en eût été à
nouveau statué quant au fond.
Dans un arrêt plus récent (2), la Cour de cassation semble
l'un des éléments indicatifs des taxes douanières ; — que ces taxes sont
essentiellement caractérisées par cette double condition que, d'une part,

comme dans l'espèce, elles atteignent à l'entrée et sur tous les points
du territoire les objets assujettis frappant ainsi la consommation géné-

rale du pays où ces objets sont importés, et que, d'autre part, par le
fait même de l'importation, elles affectent- directement les rapports de

la colonie avec l'extérieur ; — attendu dès lors qu'aux termes de la dis-
position de loi ci-dessus référée, la perception des droits qui ont donné
lieu au litige ne pouvait être autorisée que par décret du chef de l'Etat
rendu le Conseil d'Etat entendu,... par ces motifs casse, etc. — Voir éga-
lement sur cet arrêt une note de M. Levillain. — D. P. 1900.1.429.

(1) Cour d'appel de Bordeaux, 23 mai 1899. — La Cour
attendu
que le caractère douanier d'un impôt considéré dans les rapports admi-
nistratifs et économiques d'une colonie française avec la métropole, ne
dépend ni de la dénomination qui lui a été attribuée au moment de sa
perception, ni de son mode de recouvrement, ni même de ce qu'il serait

protecteur et différentiel ; que le caractère douanier ressort avec plus de
certitude de cette double circonstance que le droit affecte les relations

commerciales de la colonie avec l'extérieur et qu'il frappe les objets
assujettis sur toute l'étendue du territoire de la colonie, moins en tant
qu'objets de consommation qu'en tant qu'objets d'importation, ...

Dit
que les droits qualifiés droits de consommation perçus sur les allumettes
chimiques importées par C... à la Guadeloupe depuis le la janvier 1872

au 2 mars 1898 et qui font l'objet de la demande en restitution ont été
perçus illégalement.
(2) Cassation, civile, 27 novembre 1901. (Affaire Cayrol-Bourjac). — At-
tendu qu'il résulte de ces délibérations et du jugement dénoncé que le
droit qui a été voté frappe exclusivement les tabacs fabriqués, importés

à la Guadeloupe à leur entrée sur tous les points du territoire et qu'il
existe dans la colonie des produits similaires qui n'y sont pas soumis;

que ce droit aurait ainsi non le caractère purement fiscal d'une taxe d'oc-
troi, mais celui d'un
droit différentiel et protecteur, de nature à affecter
les rapports de la colonie, soit avec la métropole et les autres colonies,
soit avec les pays étrangers ; que le vote émis par le conseil général ne
portant pas dès lors, en réalité, sur un tarif d'octroi de mer, mais sur


— 829 —
s'être attachée à cette opinion que le droit de douane est avant
tout « un droit différentiel et protecteur », ce qui parait être
malaisément conciliable avec la jurisprudence consacrée le
15 mars 1898. 11 est donc permis de considérer cette dernière
jurisprudence comme n'étant pas encore nettement et définiti-
vement établie.
957. Il faut reconnaître que cette doctrine nouvelle de la
Cour de cassation, si elle devait être maintenue, offrirait un
intérêt tout particulier quant à l'établissement et à la classifica-
tion des droits dits d'importation. Avec plus de raison encore
qu'aux droits de consommation il serait difficile de contester
à ces taxes un caractère douanier. C'est dès lors dans les mêmes
conditions que les droits de douane, que les droits d'importa-
tion, là où l'on décide de les percevoir, doivent être établis.
Ainsi est intervenu, à la date du 14 avril 1905, le Conseil d'E-
tat entendu, un décret établissant un droit général d'importa-
tion sur les marchandises, d'origine française ou étrangère,
entrant sur les territoires dépendant du gouvernement général
de l'Afrique occidentale.
958. Ce droit est, il est vrai, accru d'une surtaxe sur les
produits étrangers, à l'entrée du Sénégal et de la Guinée fran-
çaise. Dans ces possessions, en effet, la France conserve une
entière liberté de tarification. Au Sénégal, en particulier, des
droits à l'importation avaient été déclarés applicables à toute
la partie de la colonie comprise entre la frontière nord de la
colonie du Sénégal et la rivière Saloum inclusivement. Ils avaient
été fixés par des décrets des 20 juin 1872 et 20 janvier 1879 à
15 0/0 de la valeur sur les armes et les munitions de guerre,
à 10 0/0 de la valeur sur les tabacs en feuilles, à 5 0/0 de
la valeur sur les autres marchandises de toute provenance et
de toute nature. Un décret du 14 juin 1881 avait soumis,
d'autre part, les guinées de toute provenance à un droit de
0 fr. 025 par mètre. Le droit d'importation établi par le décret
du 14 avril 1905 est un droit ad valorem (l). Exception faite des
l'établissement d'un veritable droit douanier, excédait les pouvoirs de
cette assemblée.
(1) Plus récemment, on est revenu à la tarification spécifique (0,025 par
mètre, avec surtaxe de 0,06 sur les produits étrangers) en ce qui cou-
cerne lestissus^dits « guinées ». C'est ce qui résulte d'un décret du

10 mars 1906.

— 830 —
sels, du tabac, des colas, des alcools, des armes et munitions,
ce droit est de 5 0/0 de la valeur du produit.
959. Au contraire, à la Côte d'Ivoire et au Dahomey, la con-
ventionfranco-anglaise du 1 4 juin 1898(n° 1042 bis) nousoblige
à maintenir un régime commercial exclusif de tout droit de
de douane proprement dits. Le décret du 14 avril ne prévoit
qu'un droit d'importation, ou les marchandises entrent dans
ces colonies. Exception faite des mêmes produits, ce droit est
de 10 0/0 ad valorem.
960. Cette exclusion de tout droit de douane proprement
dit, et en même temps le maintien d'un tarif de droits à l'im-
portation, nous ont été imposés dans la partie française du
bassin conventionnel du Congo.
Le principe d'un tarif commun, applicable dans les territoires,
dépendant de la partie occidentale du bassin conventionnel du
Congo, avait été posé pour une durée de quinze années dans
une « déclaration » par laquelle la conférence antiesclavagiste
de Bruxelles avait, le 2 juillet 1890, terminé ses travaux. Cette
durée de quinze années coïncidait avec la période de vingt ans
pour laquelle, et sauf prorogation, la conférence inter-
nationale de Berlin de 1885 a, par l'Acte général, soumis à
un régime particulier l'importation de marchandises dans le
bassin conventionnel du Congo. Les vingt ans, prévus par l'Acte
de Berlin, expiraient en 1905; les quinze ans, prévus par la
déclaration de Bruxelles, expiraient de même en 1905 si l'on
prenait pour points de départ de l'un et l'autre délais, ce
qui semble rationnel, les dates mêmes des instruments diplo-
matiques qui les avaient fixés. C'est conformément à ce principe
que le protocole, signé à Lisbonne le 8 avril 1892 entre les
représentants de la France, du Portugal et de l'Etat indé-
pendant du Congo, avait soumis à un tarif commun de droits
ad valorem et sans distinction d'origine et de provenance cer-
taines marchandises entrant dans le bassin conventionnel du
Congo ou exportées de ce bassin. Le protocole de 1892 pré-
voyait qu'après dix ans en 1902, le tarif adopté pourrait être
revisé. Cette revision s'est accomplie à la suite d'un nouvel
accord conclu a Lisbonne en 1902 entre les puissances inté-
ressées et portant de G à 10 0 0 ad valorem le tarif de droits
à percevoir. Le tarif revisé a été mis en vigueur le 20 juillet

— 831 —
1902 ; il devait demeurer applicable jusqu'au 2 juillet 1905 et
il a été depuis lors prorogé pour une nouvelle période d'une
année.
§2. Droits sur les spiritueux, — Régime spécial prévu
pour l'Afrique par l'Acte général de Bruxelles.
961. Des droits sur les spiritueux existent dans toutes nos
possessions ; l'Acte général de la conférence de Bruxelles du
2 juillet 1890 les a rendus obligatoires dans nos possessions
africaines équatoriales. Aux termes des articles 90 et suivants
de l'Acte général, les spiritueux de toute provenance intro-
duits dans les territoires africains compris entre le 20° de lati-
tude nord et le 20° de latitude sud ainsi que dans les îles voi-
sines jusqu'à une distance de 100 milles marins du littoral
devaient être frappés, par les puissances signataires, de droits
qui ne pouvaient être inférieurs à 15 francs par hectolitre
à 50°. Ces droits, après une période de trois ans, pouvaient
être portés à 25 francs par hectolitre ; après une nouvelle
période de trois années, une revision du tarif pouvait avoir
lieu.
En. vue d'arriver à cette revision, une conférence interna-
tionale s'est réunie à Bruxelles en 1899. Elle a, par une con-
vention en date du 8 juin de cette même année, décidé que
le droit minimum à percevoir en Afrique sur les spiritueux
serait élevé à 1 fr. 40 par hectolitre et par degré d'alcool, soit
70 francs par hectolitre à 50°, au lieu de 15 francs. L'augmen-
tation du droit est, on le voit, relativement très forte. Sur la
demande de l'Allemagne et en considération de la situation par-
ticulière du Togo, le droit pour cette dernière colonie et par
exception seulement de 1 fr. 20 par hectolitre et par degré.
La France a obtenu que le Dahomey, dont la situation est
identique à celle du Togo, bénéficiât d'une môme exception.
Dans nos différentes possessions du continent africain, les
droits sur les spiritueux ont été modifiés en tenant compte
de ces dispositions nouvelles. L'Acte général de la conférence
de Bruxelles du 2 juillet 1890 et, en s'y référant, la convention
du 8 juin 1899 prévoient également la constitution en Afrique
de zones de prohibition complète des spiritueux, dans les ter-

— 832 —
riloires dépendant des puissances signataires et ou les alcools
n'auraient pas encore pénétré. La France jusqu'à ce jour n'a
pas été amenée à constituer des zones de ce genre dans celles
des régions africaines où peut s'exercer son influence.
962. Martinique et Guadeloupe. Un décret du 24 octobre
1860 établit une taxe de consommation à la Martinique et à la
Guadeloupe: 1° sur les rhums, talias et autres spiritueux fabri-
qués dans la colonie et qui ne sont pas destinés à l'exporta-
tion ; 2° sur les spiritueux importés dans la colonie.
Un décret du 17 mars 1885 a réglementé à nouveau la fabri-
cation, la vente et la circulation des spiritueux à la Martinique
et supprimer la ferme qui avait été établie pour la vente en dé-
tail par le décret du 6 avril 1861. Ce décret de 1885 confirme
les dispositions du décret de 1860 concernant la taxe de con-
sommation. La taxe a été étendue par un décret.du 15 décem-
bre 1866 aux mélasses exotiques pouvant servir à la fabrica-
tion du tafia.
Un décret du 20 août 1901 a approuvé une délibération du
conseil général de la Martinique créant une taxe spéciale de
0 fr. H par litre sur les alcools livrés à la consommation lo-
cale par les distilleries agricoles ou mixtes. Pour la percep-
tion du droit, le conseil général s'est, en même temps, référé
à une réglementation plus générale du droit de consommation
sur les spiritueux adoptée par l'assemblée locale le 22 dé-
cembre 1897 et modifiée par elle le 23 décembre 1898. C'est
l'ensemble de ces mesures qui a été approuvé par le décret du
20 août 1901.'
Ce régime a été modifié par une délibération du conseil
général de la Martinique du 19 décembre 1901, approuvée par
le décret du 2 mai 1902. Le tarif du droit de consommation
sur les spiritueux a été fixé à 125 francs par hectolitre d'alcool
pur (1). D'autre part, la taxe de distillation créée en 1901 a été
supprimée.
Guadeloupe. Les droits sur les spiritueux ont été remaniés
par un décret du 8 septembre 1882, complété par un décret
du 30 mars 1901. Une delibération du conseil général du 18 dé-
fi) Délibération du ί septembre 1903, approuvée par décret du 1er jan-
vier 1904.

— 833 —
cembre 1901, approuvée par décret du % mai 1902, a élevé
de i à 5 les décimes additionnels au principal du droit de con-
sommation sur les spiritueux. Enfin une délibération du 13 août
1903., approuvée par décret du 23 janvier 1904, a institué une
taxe de consommation sur les vins.
Saint-Pierre et Miquelon. Un décret du 12 août 1894 a sou-
mis à une taxe de consommation de 10 francs par hectolitre
à 90° (et proportionnellement à leur force alcoolique au-dessous
de ce degré) l'alcool dit 3/6, les eaux-de-vie, kummel, absinthe,
bitter, kirsch, rhum, genièvre et wisky. Postérieurement !e
taux de cette taxe a été surélevé et porté à 50 francs par hec-
tolitre à 89° suivant délibération du conseil d'administration
du 12 mai 1902, approuvée par décret du 17 février 1903.
Les droits sur les spiritueux et les tabacs ne sont pas exi-
gibles à l'introduction ; un décret du 17 décembre 1885 a dé-
terminé les conditions dans lesquelles le payement peut être
cautionné.
Guyane. Ce fut à la suite d'une reduction de la subvention
métropolitaine que, pour assurer l'équilibre du budget et le
fonctionnement des services publics, le gouverneur établit une
taxe de consommation sur les spiritueux et les tabacs.
A la suite de différentes délibérations du conseil général, dont
la dernière est du 29 décembre 1893, et conformément à divers
arrêtés locaux, notamment à celui du 23 mars 1899, les spiri-
tueux de toute origine et de toute provenance contenant plus
de 21 centièmes d'alcool pur ont été soumis à une taxe fixée
de la manière suivante :
Pour les spiritueux en cercles, par litre d'alcool à 56 degrés
centésimaux
lf 10
Pour ceux en bouteilles, quel qu'en soit le degré, par litre de
liquide
1f 10
Pour les liqueurs et les fruits à l'eau-de-vie, soit en cercles,
soit en bouteilles, par litre de liquide..
1f 10
Actuellement aux termes d'un décret du 11 mars 1897, les
boissons fermentées et distillées sont assujetties à une taxe de
consommation dont le taux est fixé chaque année.
963. Afrique Occidentale française. Le décret du 14 avril
1905 soumet à un droit d'importation les alcools, les liqueurs
et les vins au-dessus de 16 0/0 entrant sur le territoire des COS-
COLONIES, f.
53

— 834 —
lonies dépendant du gouvernement général. Ce droit s'élève
jusqu'à 160 francs par hectolitre d'alcool pur indépendamment
d'une surtaxe de 30 francs au Sénégal et en Guinée. Le droit
est plus faible en ce qui concerne les liqueurs ; les vins sont
taxés proportionnellement à leur degré d'alcool.
Congo français. En conformité de la convention de Bruxel-
les du 8 juin 1899 (n° 961), des arrêtés des 7 juillet 1900 et
20 avril 1901 ont soumis les spiritueux à un droit de 1 fr. 80
par hectolitre et par degré.
Côte Somali. Comme en Afrique occidentale, et en confor-
mité de la convention de Bruxelles du 8 juin 1899 des droits
sont perçus sur les spiritueux à la Côte Somali. Le droit a
été fixé à 1 fr. 40 par hectolitre et par degré.
963 bis. Réunion. La taxe sur les spiritueux a été établie à
la Réunion par un arrêté du 20 décembre 1867 dans les
mêmes conditions qu'à la Martinique et à la Guadeloupe. La
taxe a été fixée, par arrêté du 16 décembre 1892, à 3 francs
par litre d'alcool pur pour les spiritueux importés ou fabri-
qués dans la colonie.
Les liqueurs douces, essences et parfumeries, fabriquées
dans la colonie ont été assujetties à une taxe de consommation
fixée à 30 francs par hectolitre de liquide. Les rhums étran-
gers furent prohibés.
Les alcools dénaturés destinés à la pharmacie ont été soumis
à un droit de dénaturation de 7 centimes par litre, conformé-
ment à un vote du conseil général du 8 décembre 1886.
Un décret du 19 mars 1884 a réglementé la fabrication des
parfums et huiles essentielles, de façon à prévenir la fraude
qui pourrait se produire si les industriels employaient leurs
appareils à la fabrication du rhum. Nul ne peut se livrer à
cette fabrication sans en avoir obtenu l'autorisation de l'admi-
nistration. Aucune fabrication de boisson spiritueuse ne peut
être entreprise en même temps. Les industriels sont soumis à
l'exercice.
Un décret du 19 août 1899 a réglementé la circulation des
sirops, mélasses et sucres de basse qualité. Une délibération
du conseil général du 18 avril 1902 a réglementé la circulation
des sirops dits de cuite, c'est-à-dire provenant des usines à
basse température, dont la densité n'est pas supérieure à 33°.

— 835 —
Une autre délibération en date du 3 août 1903, approuvée par
décret du 1er janvier 1904, a établi une taxe de 10 francs par
an sur les alambics à essences. Celte taxe a été réglementée
à nouveau par décret du 16 février 1905.
Mayotte. Un décret du 1er novembre 1902 soumet les bois-
sons, alcools et autres produits consommés dans la colonie
à une taxe de consommation dont la quotité est fixée par
arrêtés du gouverneur soumis à l'approbation ministérielle,
conformément au décret du 5 juillet 1901 ι n° 911).
Madagascar. Etablies par décret du 7 mars 1897, les taxes
de consommation sur les spiritueux ont été successivement
modifiées par les décrets du 22 février 1900, du 11 jan-
vier 1903 et du 26 août 1904.
• Les droits sur l'alcool ont été relevés. Le tarif actuel est
fixé à 250 francs par hectolitre d'alcool pur sur les eaux-de-
vie, autres boissons et alcools de toutes sortes y compris les
vins mouillés, les vins de raisins secs et tous autres vins non
naturels. Un décret, du 7 mars 1903 a exempté de cette taxe
l'alcool destiné à être dénaturé, et réglementé en même temps
la dénaturation de l'alcool destiné à des usages industriels,
ainsi que la circulation et la vente des produits en provenant.
Un décret du 16 novembre 1905 a déterminé le régime des
abonnements à la taxe de consommation.
Des décrets en date des 13 décembre 1902, 1er juin 1903 et
27 juillet 1905 ont réglementé, d'autre part, la circulation et
la vente des boissons alcooliques.
964.Inde. Un arrêté du 17 janvier 1874 a établi un droit
d'entrée et de fabrication sur les spiritueux à Chandernagor.
En outre le conseil général des établissements français dans
l'Inde a pris, dans sa séance du 15 décembre 1900, une déli-
bération en vue de créer à Pondichéry et à Karikal un droit
de consommation sur les alcools et liqueurs à forme euro-
péenne, et de réglementer le régime des alcools indigènes
dans ces mêmes établissements. Cette délibération a été ap-
prouvée par décret en date du 19 juillet 1902.
964 bis, Indo-Chine. En Indo-Chine, les droits sur les
spiritueux sont perçus sous forme de taxes de consommation,
Ils ont été successivement modifiés, sur les alcools européens,
par des arrêtés des 8 novembre 1897, 9 mars 1898, 4 juil-

— 836 —
let 1898, 16 septembre 1898 et 9 mars 1900, et sur les alcools
indigènes par des arrêtés des 16 septembre 1898, 7 décembre
1898, 20 et 22 décembre 1902 et 29 octobre 1904, approuvés
par décrets des 30 décembre 1898, 20 septembre 1900,
7 avril 1903 et 10 février 1905.
L'arrêté du 20 décembre 1902 soumet la fabrication des
alcools indigènes à une surveillance très étroite de la par t de
la régie (licence de fabrication, exercice). Il détermine les
conditions dans lesquelles doivent être fabriqués les alcools
indigènes en exigeant notamment le goût dit empyreumatique.
Il réglemente enfin les procédés de dénaturation et subordonne
la circulation des alcools à la délivrance de permis spéciaux.
Le second arrêté, celui du 22 décembre 1902, détermine les
conditions de la vente des alcools et permet à l'administration
des douanes et régies de l'Indo-Chine de concéder à des
particuliers portant le titre de « débitants généraux » le droit
de constituer et de gérer des entrepôts et des dépôts d'alcools
indigènes. Enfin l'arrêté du 29 octobre 1904 est relatif à
la vente des alcools indigènes dans des récipients revêtus de
systèmes de garantie, de marques et cachets officiels.
965. Nouvelle-Calédonie. Les liquides introduits dans la
colonie et ceux de fabrication intérieure sont assujettis à des
droits qui varient suivant la nature des liquides. Le tarif est
fixé actuellement par divers arrêtés annexés au budget de
chaque exercice. Un décret du 3 juillet 1903 a prohibé la
consommation de l'alcool parmi les indigènes de la colonie,
sauf à titre de médicaments.
Océanie. Les rhums de fabrication locale consommés dans
l'intérieur de la colonie sont assujettis à un droit de 80 cen-
times par litre, par des arrêtés des 13 février 1884, 18 décem-
bre 1886, il mars 1893 et par le décret du 26 juin 1891. Un
décret du 21 janvier 1904 a réglementé la vente des boissons
alcooliques à Tahiti et à Moorea.
§ 3. —Droits sur le tabac.
966. Un décret du 9 mars 1864 a autorisé les colonies de
la Martinique, de la Guadeloupe et de ta Réunion à établir
une taxe sur les tabacs de toute provenance, consommés dans

— 837 —
chacune de ces colonies, taxe indépendante des droits de douane
qui peuvent être perçus sur les tabacs étrangers.
Martinique. Le mode d'assiette et les règles de perception
de cette taxe ont été déterminés par un décret du 21 septem-
bre 1864 encore en vigueur.
La culture du tabac est libre, sauf l'obligation d'en faire la
déclaration à la mairie, en indiquant la situation et l'étendue
du terrain. Trois mois après cette déclaration, une commission
est chargée d'évaluer, en présence du planteur, le produit pré-
sumé de la récolte sur pied. La contribution, déterminée
d'après ces bases, doit être acquittée avant l'enlèvement de la
récolte. En cas de culture du tabac sans déclaration préalable,
une amende de 25 à 300 francs peut être prononcée, et les
plantations peuvent être saisies comme garantie du payement
de l'amende. L'enlèvement de la récolte avant payement
du droit est puni d'une amende de 50 à 500 francs, et de la
confiscation des tabacs.
967. Guadeloupe. La régie des tabacs fut supprimée en
1869, et remplacée par un droit de consommation sur les
tabacs de toute origine et de toute provenance. Cette taxe était
établie par le décret du 30 décembre 1864, d'après les mêmes
bases qu'a la Martinique.
Un décret du ti novembre 1883 a réglementé l'introduction
et la circulation des tabacs, et édicté certaines mesures de
nature à prévenir la fraude.
Un décret du 20 septembre 1890 institua de nouveau dans
la colonie le monopole de la fabrication et de la vente du
tabac. Mais cette expérience ne fut pas de longue durée, car
un décret du 20 mars 1893 supprima la régie une fois encore
tandis que, peu de temps après, un décret du 24 octobre de la
même année établissait des droits de consommation sur les
tabacs fabriqués et d'origine locale. Les droits sont actuelle-
ment de 100 francs par 100 kilog. sur les tabacs de toutes
sortes, suivant délibération du conseil général du 13 août 1903
approuvée par décret du 23 janvier 1904.
967 bis. Réunion. Un décret du 27 mai 1903 a approuvé
pour avoir effet jusqu'au 31 décembre 1903, les délibérations,
du conseil général, en date la première du 25 novembre 1902,
portant modification à la réglementation des tabacs, la

— 838 —
seconde, en date du 26 novembre 1902, fixant à 25 francs par
an le taux de la licence de débitant de tabacs. Le Conseil
d'Etat, saisi du projet de décret approbatif de ces délibéra-
tions, tout en insistant pour que l'application, dominée par des
considérations fiscales, en fût limitée au 31 décembre 1003, a
été d'avis en même temps de ne pas maintenir les peines
d'emprisonnement mentionnées édictées par des décrets anté-
rieurs, en date du 2 septembre 1887 et 28 février 1900. L'ar-
ticle 2 du décret du 27 mai 1903, conçu dans ce sens, a rejeté
l'article 13 de la délibération, qui avait trait à ces pénalités.
De nouvelles délibérations sont intervenues le 10 août 1903 et
le 19 juillet 1904; elles ont été approuvées par décrets du
16 janvier 1904 et du 26 février 1905.
968. Guyane. Les tabacs en feuilles, fabriqués, les tabacs
dits « bouts des Antilles », etc. sont, conformément au décret du
11 mars 1897, soumis au paiement d'une taxe de consomma-
tion dont le taux est fixé chaque année par le conseil géné-
ral.
Saint-Pierre et Miquelon. Comme pour les spiritueux, la
culture du tabac n'existant pas dans la colonie, la taxe est
perçue à l'importation, mais ce n'est pas une taxe de douane,
aucun droit différentiel n'étant établi en faveur des tabacs
français; c'est une véritable taxe de consommation. Elle est
actuellement de 45 fr. 70 les 100 kilogrammes.
969. Afrique occidentale française. Dans les possessions
dépendant du gouvernement général de l'Afrique occidentale
française, le décret du 14 avril 1905 a prévu l'établissement
d'un droit d'importation de 100 francs les 100 kilogrammes.
Sur les tabacs fabriqués, le droit est de 150 francs au Sénégal
et en Guinée, avec surtaxe de 50 francs sur les produits étran-
gers; à la Côte d'Ivoire, il est de 200 francs sans surtaxe. Par
exception, au Dahomey, le droit d'importation est, sans sur-
taxe, de 50 francs sur les tabacs en feuilles ou fabriqués.
Madagascar. Un droit de consommation a été prévu sur les
tabacs par les décrets des 7 mars 1897, 22 février 1900,
11 janvier 1903 et .26 août 1904. 11 est actuellement de 7 fr. 50
le kilogramme sur les cigares et cigarettes, et de 3 fr. 50 sur
tous autres tabacs fabriqués.
969 bis. Réunion. Jusqu'en 1883, la vente du tabac indigène

— 839 —
est restée libre de toute imposition. Le tabac venant de l'exté-
rieur payait un droit de douane; le décret de 187:5, portant
suppression des douanes à la Réunion, avait maintenu expres-
sément les droits sur les tabacs.
Le conseil général, en 1883, voulant que ces immunités
fiscales ne fussent pas plus longtemps maintenues en ce qui
concerne les tabacs indigènes, prit une délibération régle-
mentant la culture, la fabrication et la vente des tabacs. Depuis
lors, à la suite de différents votes du conseil général et confor-
mément aux décrets du 2 septembre 1887 et du 22 juin 1894,
une taxe de consommation est établie sur les tabacs indigènes.
Elle est perçue au moyen de vignettes de 0 fr. 02, 0 fr. 04,
0 fr. 08, 0 fr. 20, 0 fr. 40 et 1 franc. Les tabacs hachés dit
« résidus de fabrication » sont frappés d'un droit de 1 franc le
kilogramme. Les tabacs importés sont soumis à un droit de
douane. Les débitants paient un droit de licence.
970. Inde. L'assiette et le mode de perception du droit sur
le tabac sont déterminés par l'arrêté du 4 août 1869. Cet
arrêté avait été modifié par le décret du 14 mai 1882, mais
celui-ci a été rapporté le 6 septembre 1885.
Les règles concernant la culture et l'introduction des ta-
bacs varient dans les différents établissements.
A Pondichéry, la culture est libre dans les districts de
Villenour et Bahour, ainsi que dans la partie du district de
Pondichéry située en dehors de la zone des Joncans. La cul-
ture du tabac dans la zone en deçà des Joncans ne peut se
faire qu'après déclaration au bureau du receveur des contri-
butions indirectes. Dans les quinze jours de la date de cette
déclaration, son exactitude est constatée par une commission
qui dresse procès-verbal. Sur le vu de ce procès-verbal, il est
délivré, à chaque déclarant, une licence valable pour une
année et entraînant le payement d'un droit calculé sur la su-
perficie plantée (30 centimes par cougis de 24 pieds anglais
de côté, soit 56 fr. 60 par hectare). Le cultivateur doit fournir
une caution personnelle et solvable qui est responsable du
payement de ce droit. Les tabacs introduits dans la zone des
Joncans sont assujettis à des droits, quelle que soit leur origine
ou leur provenance.
En dehors de la zone des Joncans, l'impôt sur la culture est

— 840 —
remplacé par un privilège accordé aux débitants porteurs de
licences. Les tabacs récoltés dans cette partie du territoire
peuvent être consommés par les producteurs et leurs journa-
liers; les quantités excédant leurs besoins doivent être expor-
tées ou vendues aux licenciés.
Depuis une délibération du conseil général du 14 décembre
1894, le droit de débiter le tabac est adjugé aux enchères
publiques par lots séparés dans les cinq établissements. Si deux
adjudications demeurent infructueuses, l'administration peut
constituer des fermes par concessions faites de gré à gré.
Les marchands et débitants sont soumis aux visites et exer-
cices des agents du service des contributions. Ils sont tenus
d'inscrire sur un registre toutes les ventes au jour le jour; ils
doivent justifier, à toute réquisition, du payement des droits.
Ceux-ci sont fixés à 1 fr. 46 par touque (1 kilogr. 785 milligr.)
de tabac en feuilles ; 2 fr. 92 par touque de tabac en cigares,
carottes, et 68 centimes pour chaque bouteille (de 3 quarts de
litre) de tabac en poudre.
971. Indo-Chine. Les droits de consommation sur les tabacs
ont été fixés, pour l'étendue entière de l'Indo-Chine, par un
arrêté du 21 octobre 1899 approuvé par décret du 21 décembre
suivant. Un arrêté du 20 décembre 1904, approuvé par décret
du 10 mars 1905, a réglé d'autre part l'assiette et la quotité
d'un droit de circulation sur les tabacs.
971 bis. Tonkin. Un arrêté du 23 décembre 1894 a établi
un droit de consommation sur les tabacs. Il est de 0 S 70 le
kilog. sur les cigares, de 0 S 30 sur les cigarettes, de 0 S 20
sur les tabacs chinois et en feuilles.
Nouvelle-Calédonie. Deux décrets du 16 juillet 1903 ont
approuvé des délibérations du conseil général de la Nouvelle-
Calédonie en date des 7 décembre 1900 et 28 avril 1902, por-
tant règlement sur les tabacs dans la colonie et rendant appli-
cables à la taxe de consommation sur les tabacs les pénalités en
matière de douane. La taxe reste fixée à 4 francs le kilo-
gramme pour les tabacs à mâcher, à fumer, à priser et pour
les tabacs en figues et en tablettes, et à 6 francs le kilo-
gramme pour les cigares et cigarettes.

— 841 —
§ 4, Droits sur l'opium.
972. Guyane. Le conseil général, par différentes délibéra-
tions (1), a établi un droit de consommation qui est actuelle-
ment de 30 francs par kilogramme sur l'opium de toute pro-
venance introduit dans la colonie. Le mode d'assiette et les
règles de perception de ce droit sont absolument conformes à
ceux en vigueur pour le droit de consommation sur les tabacs.
Afrique occidentale française. En Afrique occidentale, l'o-
pium rentrerait dans les produits « non dénommés » soumis, con-
formément au décret du 14 avril 1905, à un droit d'importation
fixé à 5 0/0, avec surtaxe de 7 0/0, au Sénégal et en Guinée,
et à 10 0/0 à la Côte d'Ivoire et au Dahomey.
Madagascar. Un droit de consommation de 50 francs par
kilogramme est perçu sur l'opium conformément au décret du
26 août 1904.
973. Cochinchine. C'est un décret du 1er mai 1881, approu-
vant une délibération du conseil colonial du 10 février 1881.
qui a substitué la régie à la ferme. Les dépenses du person-
nel et du matériel de la régie sont classées parmi les dé-
penses obligatoires du budget local; le gouverneur est autorisé
à prendre, en conseil privé, tous les arrêtés nécessaires pour
réglementer ce service, ainsi qu'à édicter toutes pénalités pour
la répression de la fraude et des contraventions, sauf appro-
bation du ministre ; ces arrêtés sont provisoirement exécu-
toires. La fabrication et la vente de l'opium sont réglées par
l'arrêté du 7 novembre 1881. La vente de l'opium se fait dans des
boîtes d'une contenance déterminée, et le prix de vente est
fixé par taël (37 gr. 6). La vente au taël a été l'objet de vives
critiques; elle n'est pas en harmonie avec le système décimal
rendu obligatoire dans la colonie pour les poids et mesures,
mais la transformation des boîtes actuellement en usage en
boîtes d'un poids déterminé en grammes n'a pas encore été
votée par le conseil colonial.
Annam. Tonkin. Au Tonkin, la régie a été également substi-
tuée à la ferme, système appliqué de 1887 à 1893. Des droits
de licence, de 6 catégories différentes, sont payés par les dé-
fi) V. Déc. 8 juillet I88i approuvant Dél. 19 décembre 1883.

— 842 —
bitants. Le prix de vente est fixé par des décisions adminis-
tratives dans les limites du prix maximum et du prix minimum
inscrits dans les contrats des débitants. En Annam, le monopole
de l'introduction, du transport et de la vente de l'opium a été
concédé à un fermier, pour une durée de huit ans et trois
mois, par contrats des H juillet 1892 et 1 4 mai 1893.
974. Nouvelle-Calédonie. L'opium est frappé d'une taxe
spéciale fixée par arrêté des 15 octobre 1892 et délibération
du conseil général du 1er décembre 1894, à 10 francs le kilog.
Océanie. L'introduction, la manipulation et le débit de
l'opium, affermés en 1877, sont maintenant exploités en
régie (1).
Le colportage, la vente, la possession d'une quantité quel-
conque d'opium autre que celui de la régie, sont considérés
comme contrebande et punis d'une amende ou d'un emprison-
nement ou des deux peines cumulativement.
§5. Droits sur le sel.
975. Aux termes de la convention intervenue le 17 mars 1815
entre le Gouvernement français et le Gouvernement anglais,
le premier s'est engagé à fixer dans les possessions françaises
des côtes de Coromandel et d'Orixa et à Chandernagor le
prix du sel au même chiffre, à peu près, que celui réglé par le
gouvernement anglais dans les territoires voisins de chacune
desdites possessions.
La vente du sel s'effectue en régie partout, sauf à Chander-
nagor. Pour Pondichéry, un arrêté du 28 décembre 1882 a
fixé le prix du sel délivré dans les magasins du gouverne-
ment.
A Chandernagor, la vente du sel est libre, mais les mar-
chands qui l'importent sur notre territoire doivent l'acheter
sur le territoire anglais. Pour compenser la perte résultant
pour l'Administration française de l'interdiction de débiter du
sel, le gouvernement anglais s'est engagé à lui payer une
subvention annuelle de 20,000 roupies.
Dans l'Afrique occidentale française, conformément au
(1) D. 11 avril 1896.

— 843 —
décret du 14 avril 190"), il est perçu sur les sels gemmes un
droit d'importation de 1 fr. 50 par 100 kilog. avec surtaxe de
0 fr. 50 au Sénégal et en Guinée. Sur les sels marins, la taxe
est la même, sauf à la Côte d'Ivoire et au Dahomey où le
droit d'importation est de 1 franc par 100 kilog.
En Indo-Chine, un arrêté du gouverneur général du
20 octobre 1899 a organisé la régie des sels. 11 existe sur les
sels un droit de consommation. Ce droit a été fixé à 2 pias-
tres par 100 kilogrammes par arrêté du 2 février 1904 ap
prouvé par décret du 19 septembre suivant.
§ 6. — Droits de sortie sur les produits du-sol.
976. L'historique de ces droits, véritables contributions in-
directes, présente un certain intérêt.
Une ordonnance coloniale du 29 juillet 1763 avait remplacé,
à la Guadeloupe, la capitation sur les nègres de culture par
un droit à la sortie sur le sucre, le café, le cacao, la casse et
le coton.
Une ordonnance du gouverneur anglais de la Guadeloupe
du 29 mars 1810 supprima de nouveau la capitation, qui avait
été rétablie, et créa un droit de sortie sur les sucres.
L'arrêté du 18 octobre 1831 du gouverneur de la Guade-
loupe, portant règlement sur l'assiette et la perception des
taxes locales, indique sous la rubrique « contributions directes »
et fixe en principal la capitation des esclaves autres que ceux
affectés à la culture de la canne et du café et le droit de sor-
tie perçu en remplacement de la capitation des noirs de
culture.
Le décret colonial du 20 septembre 1837 sur l'organisation
des municipalités à la Guadeloupe (art. 57 et 63) permet aux
communes de percevoir des centimes ordinaires et extraordi-
naires en addition à la taxe de capitation et aux droits de sor-
tie sur les sucres.
Le décret colonial du 21 janvier 1841, sur l'assiette et le
recouvrement des impôts, porte, sous la rubrique « contribu-
tions directes », que le droit de capitation sur les sucreries et
caféières se percevra au moyen d'un prélèvement sur les sucres,
cafés, rhums, tafias, sirops, au moment de leur exportation.

— 844 —
977. Il résulte également de la loi du 25 juin 1841, rela-
tive au régime financier des Antilles et de la Réunion, que les
droits de sortie sur les sucres n'existent qu'à titre de rempla-
cement de la capitation des esclaves de grande culture et ne
sont pas des taxes indirectes spéciales. On peut encore citer
dans le même sens les dispositions de l'arrêté du commissaire
général de la République, du 8 novembre 1848.
L'article 39 du décret du 26 septembre 1855, sur le service
financier aux colonies, indique parmi les taxes locales : « les
« droits de sortie sur les denrées coloniales, représentatifs de
« l'impôt foncier ».
Néanmoins, le Conseil d'État au contentieux, appelé à se
prononcer sur ce point, a décidé que les droits de sortie, bien
qu'établis en représentation de l'impôt foncier, étaient de
véritables taxes indirectes en raison du titre de perception
qui constitue la caractéristique de l'impôt (1). Nous nous con-
formons à cette jurisprudence, bien qu'il nous paraisse peu
rationnel de classer un impôt uniquement d'après la qualifica-
tion donnée par une colonie.
978 Martinique. Le conseil général de la Martinique, par
délibération du 4 mars 1871, établit sur les sucres exportés
de la colonie un impôt ad valorem, tenant compte par con-
séquent des différences de qualité. Il résultait d'ailleurs de
la discussion qui eut lieu, à cette occasion, dans le sein de
l'assemblée locale, que ce mode de taxation était regardé
comme compensant, en fait, l'exemption de l'impôt des pa-
tentes dont bénéficiaient les usines centrales. Néanmoins, dans
sa session du mois de décembre 1881, le conseil général;
sans modifier le caractère du droit de sortie établi sur les
sucres, décida que les usines centrales à sucre seraient assu-
jetties à un droit de patente : 1° fixe; 2° proportionnel.
Ce droit de patente, se superposant à l'impôt spécial qui
atteignait déjà le revenu imposable des usines sous forme de
taxes ad valorem à la sortie des sucres, créait au détriment
des propriétaires d'usines une situation contraire au principe
de la proportionnalité des taxes et de l'égalité des citoyens
(1) Cons. d'Et. cont. 4 janv. 1878. (Souques et Cie contre la colonie de
la Guadeloupe.)

— 845 —
devant l'impôt. Cette proposition fut repoussée par le Gou-
vernement, et le conseil général, pour ne pas abandonner la
patente, substitua, en 1884, un droit spécifique de 1 franc par
100 kilogrammes au droit ad valorem perçu jusqu'alors. Ce
droit a été ramené sur les mélasses exportées à 50 centimes
par 100 kilogr. en principal, plus un décime additionnel
suivant délibération du conseil général du 19 décembre 1901,
approuvée par décret du 2 mai 1902.
979. Guadeloupe. Une délibération du conseil général de la
Guadeloupe du 18 décembre 1901, approuvée par décret du
2 mai 1902, a réduit les droits de sortie déjà établis sur cer-
taines denrées du cru et créé une taxe à l'exportation sur les
bois de campêche (1).
980. Afrique occidentale française. Le décret du 14avril 1905
a établi un droit de sortie sur le caoutchouc. Ce droit est de
7 0/0 ad valorem.
Congo français. En vue de rendre moins dissemblables les
régimes douaniers appliqués au Gabon, d'une part, à la partie
française du bassin conventionnel du Congo, d'autre part, un
décret du 31 décembre 1903 a établi des droits de 10 0/0 ad
valorem sur l'ivoire et le caoutchouc et de S 0/0 sur les autres
produits exportés des territoires de l'ancien Gabon. Ces droits
ont été fixés en tenant compte de ceux qui sont perçus dans le
bassin conventionnel en vertu du protocole de Lisbonne du
8 avril 1892, sur l'ivoire, le caoutchouc, les arachides, le café,
le copal, l'huile de palme, les noix palmistes, les sésames.
980 bis. Madagascar et dépendances. Un décret du
13 février 1903 a interdit l'exportation des vaches et des génis-
ses hors de Madagascar, l'exportation de ces animaux pouvant
être préjudiciable à la reproduction et au croît des troupeaux.
Cette mesure pouvant paraître revêtir, jusqu'à un certain
point, le caractère d'une prohibition douanière (2) a été con-
sacrée dans des formes nouvelles par un décret du 19 sep-
(1) Le tarif nouveau est de 1 fr. 20 par 100 kilog. pour les sucres, de
0 fr. 30 par 100 litres sur les tafias et les rhums, de 0 fr. 10 par 100 kilog.
sur les mélasses, et de 1 franc par 100 kilog. sur les roucous. Une ré-
duction également proposée sur les cafés et les cacaos n'a pas été approu-
vée par décret.
(2) Cf. en ce sens un arrêt de la cour de Tananarive du 5 août 1903.
Voir également n° 950.

— 846 —
tembre 1903, pris le Conseil d'État entendu. L'exportation a
été interdite d'abord jusqu'au 31 décembre 1904, puis jusqu'au
31 décembre 1906, conformément à un nouveau décret en date
du 29 décembre 1905 qui a fixé, d'autre part, à 2 fr. 50 le droit
de sortie sur les bœufs.
981. Réunion. Un droit de sortie existe à la Réunion sur
les denrées suivantes : sucre, café, clous et griffes de girofle,
muscades, cacao, macis, pommes de terre, aulx, oignons,
légumes secs.
Le droit est actuellement, en vertu d'un arrêté du 27 dé-
cembre 1888, de 2 0/0 de la valeur.
982. Inde. Un décret du 4 septembre 1905prohibe complète-
ment, à l'exportation par mer, dans les établissements de Kari-
kal et de Pondichéry, les dépouilles d'oiseaux.
983. Indo-Chine. Les riz et paddies sont assujettis à un
droit de sortie. Ce droit de sortie a été approuvé, quant à son
mode d'assiette et à ses règles de perception, par décret du
30 septembre 1898. Il est applicable à toute l'Indo-Chine.
Plus récemment, les bois, les poivres et autres produits expor-
tés de l'Indo-Chine ont été soumis à un tarif spécial de droits
à la sortie, établi par décret du 29 décembre 1898 modifié par
décrets du 11 juillet 1902 et du 15 mai 1904. Ces droits sont,
du reste, de véritables droits de douane et s'appliquent aux bois
exportés à destination des pays étrangers. Le droit de sortie
-
sur les poivres a du reste été supprimé par un décret du
25 décembre 1904.
Nouvelle-Calédonie. Un arrêté du 12 mai 1884 a créé un
droit de sortie de 10 francs par tonne de gomme de Kari
exportée de la Calédonie.
§ 7.—Droits de licences.
*
984. Le tableau suivant résume pour chaque colonie les
commerces et industries pour lesquels une licenee est exigée.
TABLEAU.

— 847 —
VENTE
DÉBITS
l
DÉBITANTS
'ABBICANTS
de

l'opium.
poudre.
tabac.
spiritueux.
ο
»
Martinique.
c
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»
Guadeloupe.
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Guyane.
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Réunion.
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§ 8. —Droits de navigation. Taxes accessoires de
navigation.
983. Nous avons réuni dans les tableaux suivants la liste
des droits de navigation et des taxes accessoires perçus dans
les différentes colonies.
TABLEAU

— 848 —
Droits de navigation.
CONGÉS,
COLONIE.
passeports
DROITS
FRANCISATION .
et permis
sanitaires
Martinique.
0. 13 avril 1846
19 mai 1866 D. 29 juin 1908
et D. 29 juiu 1903
Guadeloupe
0.13 avril 18iG
Idem.
D.14 sept. 1905
St-Pierre-et-Miquelon,..
A. 17 juil. 1843
A. 1er avril 1878
Λ. 1" avril
A. 3 mai 1860
1878
Guyane.
A. 30 déc. 1837
A. 26 déc. 1873¹
D. 5 fév. 1862
Sénégal et Guinée3.
A. 30 juin 1853-22 fév. 1854 |A. 28 juil.
Con
1879
GO
A. 31 décembre 1861: Α. 4 mai 1895.
Réunion
û. 13 avril 1846 ; L. 19 mai 1866;
D. 31 mai 1866; A. 11 déc. 1882.
Mayotte
A. 30 janv. 1880 Λ. 7 déc. 1880
»
Inde
A. 15 sept. 1846
i Λ. 19 juin 1856
(A. 20 nov.
Cochinchine
1856
A. 19 mai 1871
Tonkin
A. 29 août 1895 A. 21 déc. 1895
Nouvelle-Calédonie
D. 12 avril 1881
A. 19 juil; 1881
D. 2 avril 1881 A. 20 juin
Océanie
1882
A. 24 janv. 1848 A. 24 janv. 1848 A. 25 janv 1883
¹ Arrêtés relatifs au timbre. — ² Sauf Conakry, port franc.
TABLEAU

— 849 —

— 850 —
98G. Martinique, Guadeloupe, Réunion. Les droits de navi-
gation portent sur les congés, passeports et permis, la fran-
cisation des navires étrangers et les services sanitaires. Les
taxes accessoires comprennent : les droits de pilotage et
d'interprète, fixés d'après le tonnage des navires sans distinc-
tion de nationalité — les droits de pesage sur les marchan-
dises importées par tous pavillons et passant directement à la
consommation — les droits de phare et d'amarrage sur les
corps morts dans tous les ports de la colonie — les droits
d'entrepôt fixés d'après la valeur des marchandises et la du-
rée de leur séjour en entrepôt. Nous avons indiqué (nos 677
et suiv.) les règles applicables à la francisation et aux droits
de tonnage.
987. Dans toutes les autres colonies, les droits de naviga-
tion et les taxes accessoires sont les mêmes, sauf les excep-
tions suivantes (1), les tarifs eux-mêmes étant naturellement
variables.
Saint-Pierre et Miquelon. Les droits de tonnage sont dif-
férentiels; c'est ce qui résulte des décrets des 21 avril 1900 et
6 juillet 1901. Un droit de quai est perçu au profit des com-
munes : il est calculé d'après le tonnage et la durée du
séjour (2).
Cclonies africaines. Au Congo, il y a lieu d'ajouter à la
nomenclature des taxes accessoires le coût des permis d'em-
barquement.
Au Sénégal, une délibération du conseil général du 8 juin
1901, approuvée par décret du 19 décembre suivant, a sup-
primé les droits de tonnage annuels sur les caboteurs.
A la Côte d'Ivoire, il n'existe ni taxes de navigation ni
taxes accessoires.
Au Dahomey, il n'existe que des droits d'ancrage.
Inde. Les établissements de Chandernagor et d'Yanaon ne
supportent ni taxes de navigation, ni taxes accessoires.
988. Cochinchine. En dehors des droits ordinaires de navi-
gation, un impôt spécial est établi sur les barques de rivière
et de mer.
(1) V. la nomenclature de ces droits, n° 985.
(2) ARR. loc. ti mars 1879.

— 851 —
Les barques de rivière sont divisées en trois catégories sui-
vant leur nature : dans chaque catégorie l'impôt est calculé
d'après la jauge. Les barques jaugeant plus de 10 et moins de
80 piculs, qui, autrefois, étaient affranchies de tout impôt,
payent maintenant 60 cents par an, quel que soit le tonnage.
L'impôt des barques de mer est fixé conformément au tarif
déterminé par décision du 1er mars 1864. Les barques de mer
sont divisées en quatre catégories suivant leur longueur et
soumises à une taxe annuelle variant entre 2 S 81 et 4 $ 67.
Les barques de mer appartenant aux provinces annamites
non annexées à la France payent le même impôt que les
autres, mais à litre d'ancrage et de phare.
Tonkin. Un impôt sur les barques et jonques, divisées en
trois catégories, a été établi au Tonkin par arrêtés des 22 fé-
vrier 1867 et 16 mars 1892.
§9.— Taxes diverses.
989. Inde. Les véhicules étrangers, chargés totalement ou
partiellement de marchandises ou denrées autres que les
légumes et les fruits frais, doivent acquitter à leur entrée clans
les territoires français (1) un droit dont la quotité est chaque
année déterminée par le conseil général. Ce droit n'est
payable qu'une fois par jour.
Le service des contributions est autorisé à refuser l'entrée
de territoire à toute charrette dont le propriétaire ou conduc-
teur ne voudrait pas payer le droit, indépendamment des peines
de simple police auxquelles ceux-ci peuvent être condamnés.
Par délibérations des 6 et 12 novembre 1901, approuvées
par décret du 2 mars 1902, le conseil général des établisse-
ments français dans l'Inde a voté la suppression de l'impôt
dont le bétel était frappé, et inslitué une taxe sur les bicy-
clettes ( n° 954).
Indo-Chine. Un décret du 23 novembre 1898 a rendu appli-
cable en Cochinchine l'article 3 de la loi du 22 janvier 1872
sur les droits de statistique.
(1) L'extension aux cinq établissements du régime existant à Pondi-
chéry pour la zone des Joncans résulte d'une délibération du conseil
général du 30 novembre 1891.


— 852 —
Il faut citer, en outre, parmi les taxes diverses, spéciales à
l'Indo-Chine, un droit d'entrepôt sur les huiles minérales, un
droit de flottage sur les bois, un droit de consommation sur les
allumettes chimiques et sur l'arec (décrets du 29 décembre 1898,
du 9 novembre 1899, du 23 juillet 1899 et du 21 décembre 1899).
Afrique occidentale. L'oussourou, taxe spéciale sur les
caravanes, est perçu clans les territoires du Haut-Sénégal et
Niger. En Mauritanie, on perçoit les dîmes coraniques du
zekkat et de l'achom.
Établissements français de l'Océanie. Un impôt spécial dit
des routes, tenant lieu de la prestation rurale fournie en
nature, a été établi par le conseil général le 1er décembre 1897
et approuvé par décret du 7 juillet 1899.
Il y a lieu de mentionner enfin les droits de statistique éta-
blis dans certaines colonies, notamment à la Réunion (décret
du 23 mars 1903) , à Saint-Pierre et Miquelon (décret du (> juil-
let 1901), à la Côte Somali, etc.
ARTICLE 3. — Enregistrement, timbre et hypothèques.
990. L'enregistrement, le timbre et les hypothèques existent
dans les différentes colonies; ils y sont actuellement régis par
les actes suivants. (V. le tableau, p. 728.)
§ 1. Enregistrement.
991. L'enregistrement a été établi à la Martinique, à la Gua-
deloupe et à la Guyane par un même acte : l'ordonnance du
31 décembre 1828.
Cette ordonnance reproduit les dispositions essentielles de
la loi du 22 frimaire an VII, avec quelques modifications de
texte destinées à rendre celui-ci plus clair et qui ne sont que
la conséquence de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Martinique. Les droits d'enregistrement sont, comme dans
la métropole, fixes ou proportionnels, suivant la nature des
actes et mutations qui y sont assujettis. La perception de ces
droits est réglée d'après la forme extérieure des actes ou la
substance de leurs dispositions, sans égard à leur validité ni
aux causes quelconques de résolution ou d'annulation ulté-

— 853 —
rieures. Celte règle, qu'on peut considérer comme le principe
fondamental de l'enregistrement, ne se trouve énoncée d'une
manière explicite dans aucune des lois qui régissent cette
matière en France et leur silence a donné lieu à de nom-
breuses contestations; mais la Cour de cassation a toujours
repoussé les prétentions contraires et l'article 2 de l'ordon-
nance de 1828 n'a été que la consécration de cette jurispru-
dence.
Tous les actes civils et extrajudiciaires sont enregistrés sur
les minutes, brevets ou originaux, Quant aux actes judiciaires,
les uns doivent être enregistrés sur la minute, les autres sur
chaque expédition délivrée (art. 6). Il n'est dû aucun droit
d'enregistrement pour les extraits, copies ou expéditions des
actes dont les minutes ont dû être enregistrées. Les extraits et
les copies collationnés en sont seuls passibles.
Les actes passés en pays étranger ou dans les colonies fran-
çaises oû l'enregistrement n'est pas établi, les actes passés
dans les colonies soumises à l'enregistrement et relatifs à.des
droits, actions ou biens meubles situés hors de la métropole
ou de ces colonies, doivent acquitter les mêmes droits que les
actes de même nature passés à la Martinique pour des biens
qui y sont situés (art. 15). De même que dans la métropole,
les droits fixes sont établis sur les actes déclaratifs, et les
droits proportionnels, sur les actes ou faits attributifs de pro-
priété. Les actes translatifs de propriété, d'usufruit ou de
jouissance de biens immeubles situés en pays étrangers ne
sont assujettis qu'à un droit fixe.
1)92. Les dispositions relatives au calcul des droits, aux
expertises, aux délais, sont les mêmes que dans la métropole :
toutefois, en ce qui concerne les délais, les nécessités locales
ont motivé quelques modifications; mais en même temps des
mesures sont prescrites pour qu'on n'abuse pas de ces facilités
et une ordonnance du 1"' juillet 1831 (1) a modifié celle de
1828 en ce qui concerne l'organisation des bureaux.
L'article 32 de la loi de frimaire n'accordait au Gouverne-
ment qu'une action. La Cour de cassation avait pensé que
cette action était privilégiée comme toute action du fisc, mais
(1) V. Ann. marit. 1831, p. 430.

— 854 —
un avis du Conseil d'Etat du 21 septembre 1810 s'était pro-
noncé en sens contraire; c'est pour rétablir le privilège que
l'ordonnance de 1828 a édicté une disposition spéciale.
En ce qui concerne la juridiction, l'article 88 a maintenu,
comme en France, compétence au tribunal de première ins-
tance. Mais tandis qu'en France la décision du tribunal est en
dernier ressort, sauf recours en cassation, l'article 88, tout en
maintenant le recours en cassation, a autorisé l'appel devant
la cour, quel que fût l'objet ou la valeur de la demande.
903. L'ordonnance de 1828 avait exempté des frais de mu-
tation : 1° les legs et donations à cause de mort, de sommes
et d'effets mobiliers, en ligne directe, naturelle ou adoptive
pour la partie réservataire; 2° les mutations par décès de
biens immeubles en ligne directe, naturelle ou adoptive,
lorsqu'elles ne résultaient pas de dons ou legs. Le décret du
15 octobre 1883, portant approbation d'une délibération du
conseil général de la Martinique, en date du 18 décembre 1882,
a supprimé ces exemptions. Ce décret porte, en outre, que
les transmissions de biens immeubles à titre gratuit entre vifs
et celles qui s'effectuent par décès sont assujetties aux diverses
quotités de droits établis pour les transmissions d'immeubles
de la même espèce.
Les dispositions de la loi du 28 février 1852, portant éta-
blissement en France, sur certains actes, de droits fixes
gradués, n'ont pas été reproduites à la Martinique, mais, sur
d'autres points, l'ordonnance de 1828 a subi d'importantes
modifications.
994. Un décret du 30 septembre 1887 a autorisé l'enregis-
trement à un droit spécial des concessions de terrains sur les
cinquante pas géométriques.
Par délibération en date du 23 novembre 1899, le conseil
général a résolu d'établir un droit de transmission de 0 fr. 50
par 100 francs de la valeur négociée sur toutes cessions de
titres ou promesses d'actions et d'obligations dans une société,
compagnie ou entreprise quelconque. Cette délibération a été
approuvée par décret du 1er octobre 1900.
Une délibération du conseil général du 7 décembre 1900 (1)
(1) Approuvée par décret du 3 avril 1901.

— 855 —
approuvée par décret du 3 avril 1901 a, d'autre part : 1° aug-
menté d'un tiers les droits proportionnels sur les mutations
par décès et les donations entre vifs, à l'exception de ceux en
ligne descendante; 2° converti pour certains actes énumérés
à l'article 91 de l'ordonnance du 31 décembre 1828 les droits
fixes d'enregistrement en droits proportionnels.
Plus récemment, par quatre délibérations en date du 20 dé-
cembre 1901, qui ont été approuvées par un décret du
2 mai 1902, le conseil général de la Martinique a complète-
ment remanié le régime fiscal de la colonie, en matières de
frais de justice et d'enregistrement.
Les actes de procédure d'avoué à avoué, ainsi que les ex-
ploits de signification de ces mêmes actes, ont étédispensés
de la formalité de l'enregistrement. Le bulletin n° 2 du casier
judiciaire, délivré aux particuliers, n'est soumis qu'à un droit
d'enregistrement de 0 £ 25. Le droit fixe d'enregistrement auquel
sont assujettis les actes extrajudiciaires a été réduit à 1 fr. 25.
Il ne doit plus être perçu qu'un droit fixe d'enregistrement
pour chaque acte distinct d'acceptation, de succession ou de
renonciation à succession, quel que soit le nombre des accep-
tants ou des renonçants, et celui des successions acceptées ou
répudiées. Un grand nombre d'actes ont été dispensés de la
formalité de l'enregistrement, en matières de faillite et de li-
quidation judiciaire. Par contre, un droit proportionnel a été
institué sur les répartitions aux créanciers, les jugements ou
arrêts prononçant l'homologation de liquidation ou de par-
tage, etc.
Toute dissimulation dans le prix d'une vente et dans la
soulte d'un échange est punie d'une amende égale au quart de
la somme dissimulée.
Les droits de mutation par décès de biens, meubles ou im-
meubles sont liquidés sur la part nette recueillie par chaque
ayant droit. Ils sont perçus sans addition d'aucun décime, selon
des tarifs établis à la fois en tenant compte du degré de pa-
renté et de l'importance de la succession. Les droits d'enre-
gistrement des donations entre vifs, de biens, meubles et im-
meubles, sont également affranchis de tout décime; ils sont
'perçus selon des quotités calculées d'après le degré ou l'ab-
sence de parenté.

— 856 —
995. Guadeloupe. L'ordonnance de 1828 est, ainsi que nous
l'avons indiqué, applicable dans cette colonie : elle a été com-
plétée d'une manière à peu près identique aux règles que
nous venons de passer en revue par le décret du 5 juillet 1882.
Un décret du 14 mars 1887 a introduit dans la législation lo-
cale les dispositions des lois des 28 février 1871 et 18 mai 1850.
Une délibération du conseil général de la Guadeloupe
en date du 18 décembre 1901, approuvée par décret du
2 mai 1902,,a transformé le droit fixe gradué d'enregistrement
en droit proportionnel réduit. Sont soumis au droit propor-
tionnel les actes désignés dans l'article 1er de la loi du 28 fé-
vrier 1872. Une autre délibération en date du 13 août 1903,
approuvée par décret du 23 janvier 1904, a consacré certaines
modifications de tarifs, spécialement sur les actes de baux et
de quittance et sur les mutations à titre onéreux.
Guyane. L'ordonnance de 1828 est également applicable à
la Guyane. Un décret du 9 juin 1885 a, en outre, établi un
droit d'enregistrement sur les jugements et arrêts de divorce.
D'autre part, des délibérations du conseil général en date
des 8 et 12 décembre 1899 cnt apporté au régime fiscal de la
colonie, en matière de droits d'enregistrement, certaines mo-
difications. Les actes rédigés en exécution des lois sur les fail-
lites et les liquidations judiciaires ont été dispensés de la for-
malité de l'enregistrement. Le droit proportionnel a été subs-
titué au droit gradué. Un certain nombre d'actes (ventes de
navires, prestations de serments, etc.) ont été assujettis au
droit fixe.
Ces délibérations ont été approuvées par décret
du
26 juin 1903.
996. Afrique occidentale française. L'impôt de l'enregistre-
ment a été établi au Sénégal par le décret du 4 août 1860 qui
a déclaré applicables et exécutoires les dispositions de l'or-
donnance du 31 décembre 1828 relative à la Martinique, et les
articles 6 à 11 de la loi métropolitaine du 23 juin 1857 sur le
droit de transmission des actions et obligations dans les so-
ciétés;
Les tarifs ont été doublés par l'arrêté du 1er février 1877.
Le bureau d'enregistrement de Saint-Louis avait compétence,
non seulement au Sénégal, mais dans l'étendue des territoires

— 857 —
du Haut-Sénégal et Niger. Un décret du 15 décembre 1904 a
prévu la création d'un bureau spécial au chef-lieu de cette
dernière colonie.
Congo. Les droits d'enregistrement et de notariat ont été
tixés au Gabon par l'arrêté du 31 décembre 1864 et celui du
31 décembre 1892, à un franc par chaque expédition, copie ou
extrait d'acte.
En remplacement de tous les anciens droits de greffe et
d'enregistrement, un décret du 1er juin 1903 a créé une taxe
unique d'enregistrement et de timbre.
997. Réunion. La loi du 19 décembre 1790, qui substitue
en France les droits d'enregistrement au contrôle de l'ancien
régime, fut promulguée dans ses dispositions essentielles à
l'île de la Réunion. La loi du 22 frimaire an VII, qui apporta
à la loi de 1790 plusieurs modifications, y fut également
appliquée, mais avec une diminution dans les droits. Il en fut
de même de l'arrêté du 30 pluviôse an XII, qui apporta
quelques modifications à l'arrêté de l'an VII.
L'ordonnance du 19 juillet 1829 et l'arrêté du 27 dé-
cembre 1861 forment, encore aujourd'hui, la législation fon-
damentale de l'enregistrement à la Réunion. L'ordonnance de
1829 n'est que la reproduction de l'ordonnance du 31 dé-
cembre 1828 que nous avons analysée en traitant de l'enre-
gistrement à la Martinique.
Le tarif des droits d'enregistrement à la Réunion a été
modifié par une délibération du conseil général du 14 novem-
bre 1903, approuvée par décret du 8 mai 1904. Cette délibé-
ration a augmenté divers droits proportionnels d'enregistre-
ment. Elle a abrogé les exemptions accordées aux lettres de
change, aux mutations par décès et aux transmissions entre
vifs à titre gratuit d'inscriptions sur le Grand-Livre de la Dette
publique. Elle a transféré enfin en droits proportionnels les
droits fixes établis sur certains actes de formation et de pro-
rogation de sociétés.
998. Mayotte. L'enregistrement a été établi par l'arrêté local
du 11 novembre 1869, modifié par celui du 16 décembre 1872
et celui du 22 octobre 1896.
Madagascar. En remplacement de tous les anciens droits
de chancellerie, d'enregistrement et de timbre, un décret du

— 858 —
6 juillet 1902 a créé à Madagascar uue taxe unique d'enre-
gistrement et de timbre qui est tantôt fixe et tantôt propor-
tionnelle.
Inde. Un droit d'enregistrement sur les actes sous seing
privé est perçu dans les cinq établissements à raison de
4 annas par rôle. Un droit d'enregistrement a également été
établi dans les cinq établissements sur les actes de nan tisse--
ment de bijoux.
Des droits de lods et ventes sont perçus conformément à la
coutume de Paris (art. 78, 79, 80 et 84), dans les cinq éta-
blissements à raison de S 0/0.
999. Indo-Chine. On distingue pour l'application des droits
d'enregistrement en Cochinchine les actes régis par la loi
française, et les actes et transactions placés sous le régime de
la loi indigène.
Pour les premiers on applique, sauf quelques exceptions
énumérées dans les arrêtés locaux des 2 septembre, 5 décem-
bre 1865 et 21 avril 1898, les lois, décrets et ordonnances qui
régissaient en France les droits d'enregistrement jusqu'en 1865.
Quant aux actes et transactions entre indigènes, pour
lesquels la formalité est remplie par les administrateurs dans
les arrondissements, ils ont été réglementés par les arrêtés des
6 avril 1871 et 8 juillet 1883.
Au Tonkin, la législation métropolitaine de l'enregistrement
a été rendue applicable, dans l'étendue du protectorat, par
arrêté du gouverneur général de l'Indo-Chine du 11 avril 1893 (4)
mais seulement dans celles de ses dispositions qui ne sont pas
contraires à l'organisation judiciaire et administrative du pays.
Dans l'étendue entière de l'Indo-Chine, les droits d'enregis-
trement sont actuellement fixés par des arrêtés du gouverneur
général du 13 décembre 1900 et du 24 octobre 1903, approu-
vés par décrets du 2 février 1901 et du 10 mars 1904.
1000. Nouvelle-Calédonie. Les règles relatives à l'enregis-
trement dans la métropole sont actuellement tixées par des
délibérations du conseil des 1er et 2 décembre 1903, approu-
vées par décret du 2 mai 190 4. Les droits d'enregistrement sont
(1 C'est-à-dire que le gouverneur général a établi une législation
identique à la législation métropolitaine.

— 859 —
proportionnels ou fixes. Tous les actes civils, judiciaires et
extrajudiciaires s'enregistrent sur les minutes, brevets ou
originaux. 11 n'est dû aucun droit pour les extraits, copies ou
expéditions de ces actes. L'ensemble des dispositions applica-
bles se rapproche très sensiblement de la législation métro-
politaine.
Océanie. Les droits d'enregistrement sont perçus confor-
mément aux arrêtés des 13 novembre, 30 janvier 1873 et
-23 janvier 1883, 22 octobre et 27 décembre 1890, et 19 dé-
cembre 189G.
§ 2. — Timbre.
1001. Martinique et Guadeloupe. L'impôt du timbre a été
établi à la Martinique et à la Guadeloupe par le décret du
24 octobre 1860, qui déclare applicables dans ces colonies,
sauf le tarif des droits et quelques modifications peu impor-
tantes, les dispositions législatives métropolitaines.
Le délai de la prescription, en ce qui concerne le recouvre-
ment des amendes pour contravention en matière de timbre,
est de deux ans.
En outre, un décret en date du 12 décembre 1884 a rendu
exécutoires à la Martinique
: la loi métropolitaine du
30 mars 1872 sur le timbre des connaissements, le décret du
30 avril 1872 qui établit des timbres mobiles pour l'exécution
des articles 4 et 5 de ladite loi et le décret du 24 juillet 1872.
Sont également rendues applicables à la Martinique les dis-
positions des lois des
18 juillet 1866, 27 juillet 1870,
30 mars 1880 et du décret du 25 août 1832 concernant le
timbre des affiches.
Plus particulièrement, d'autre part, en ce qui concerne la
Martinique, une délibération du conseil général du 7 décem-
bre 1900, approuvée par décret du 3 février 1901, a sup-
primé, en matière de formalités hypothécaires, les droits de
timbre et d'inscription et les a remplacés par une taxe propor-
tionnelle. Une autre délibération en date du 20 décembre 1901,
approuvée par décret du 2 mai 1902, a dispensé du droit de
timbre certains actes de procédure. Enfin une délibération du
4 septembre 1903, approuvée par décret du 1er janvier 1904,
a gradué do 100 francs en 100 francs jusqu'à 1,000 francs, et,

— 860 —
au delà, de 1,000 francs en 1,000 francs, puis de 10,000 francs
en 10,000 francs, le timbre mobile à apposer sur les effets
négociables ou de commerce.
11 peut être fait usage en France, sans payement de nou-
veaux droits de timbre, de tous actes et effets venant des
colonies françaises où le timbre est établi, et qui sont régu-
lièrement revêtus du timbre colonial. Les actes et effets venant
des mêmes colonies, mais qui ne sont pas revêtus du timbre
colonial, donnent lieu, en France, à la perception des droits
et amendes de timbre établis dans ces colonies. (Décision du
ministre des Finances du 7 juin 1861.)
Un décret du 14 août 1887 a rendu applicable à la Guade-
loupe la loi du 29 décembre 1873, sur le droit de timbre des
copies d'exploits, le décret du 27 août 1884 sur les nouveaux
types de timbres, le décret du 14 juin 1813 (art. 48) et le
décret du 8 décembre 18G2 (art. 4).
Les dispositions en vigueur dans la métropole pour le mode
d'emploi et d'oblitération des timbres mobiles (effets négocia-
bles et affiches) ont été rendues applicables à la Guadeloupe
par un décret du 25 octobre 1887.
1002. Guyane. L'impôt du timbre a été établi à la Guyane
conformément à la législation en vigueur dans la métropole,
sauf le tarif des droits, par arrêté du 18 juin 1872.
Cet impôt a été, depuis lors, l'objet d'une coditication pro-
mulguée le 26 décembre 1873.
Un arrêté du 22 janvier 1879 a réglementé l'emploi des
timbres mobiles.
Une délibération du conseil général en date du 8 décem-
bre 1899, approuvée par décret du 26 juin 1903, a dispensé
de la formalité du timbre les actes rédigés en exécution des
lois sur les faillites et les liquidations judiciaires.
1003. Afrique occidentale française. Le décret du 4 août 1860
rendit applicables au Sénégal les lois, ordonnances, décrets et
dispositions métropolitaines relatives au timbre. Les tarifs
en vigueur sont ceux de la loi du 5 juin 1850, modifiés par
les articles 17 et 28 de la loi du 2 juillet 1862 et par la loi du
24 août 1871. Un décret du 28 mars 1899 a exempté du timbre
de connaissement, au Sénégal, les transports par mer pour le
petit cabotage.

— 861 —
Congo. En remplacement de tous les anciens droits de greffe
et d'enregistrement, un décret en date du 1er juin 1903 a créé
une taxe unique d'enregistrement et de timbre, tantôt fixe,
tantôt proportionnelle. Sont assujettis au droit proportionnel
les jugements, les baux, les sous-baux, les partages, adjudi-
cations, ventes et donations d'immeubles.
Le décret a créé, en outre, pour les perceptions à opérer
sur les minutes des actes et jugements sept types de timbres
mobiles, dont la valeur varie de 1 franc à 100 francs.
Un décret spécial du 1er juin 1903 a appliqué au Congo la
contribution du timbre des connaissements.
1004. Réunion. Un arrêté du capitaine général Decaen, du
28 vendémiaire an XII, reproduction des quatre premiers titres
de la loi du 13 brumaire an VII sur le timbre, est toujours en
vigueur, sauf quelques modifications introduites par les décrets
des 21 septembre 1864 et 30 juillet 1881, et, pour les effets de
commerce, par un arrêté local du 1er décembre 1885.
Une délibération du conseil général du 28 novembre 1902,
approuvée par décret du 21 juillet 1903, a institué dans la
colonie des timbres mobiles pour certains actes (effets de
commerce, connaissements, quittances de comptables publics)
déjà soumis à la formalité du timbre. Le tarif des droits de
timbre a été, d'autre part, augmenté par une délibération du
14 novembre 1903, approuvée par décret du 8 mai 1904.
1004 bis. Madagascar. Un décret du 6 juillet 1902 a établi à
Madagascar une taxe unique d'enregistrement et de timbre,
tantôt fixe et tantôt proportionnelle. 11 a créé, en outre, pour
les perceptions à effectuer, sept types de timbres mobiles.
100ο. Inde. L'impôt sur le timbre a été réglementé par une
libération du conseil général du 17 décembre 1897 approu-
vée par décret du 31 mai 1898.
Indo-Chine. Les droits de timbre ont été fixés par un arrêté
du 13 décembre 1900 et du 24 octobre 1903, approuvé par
décret du 2 février 1901 et du 10 mars 1904. Les droits sont
perçus, d'une part, sur les actes régis par la loi française et,
d'autre part, sur les actes indigènes. La contribution du timbre
sur les actes indigènes avait été primitivement fixée pour la
Cochinchine par arrêtés du 17 janvier 1895 et du 22 novem-
bre 1897. Elle s'applique : l° aux certificats de notoriété et aux

— 862 —
arbres généalogiques délivrés par les notables pour tenir lieu
d'état civil dans certains cas, aux extraits de dia-bo et à toutes
pièces de nature à faire foi en justice; à tous actes de pos-
tulation, soit en demande, soit en défense, des avocats défen-
seurs en matière indigène.
§ 3. Hypothèques.
1006. La conservation des hypothèques a été organisée dans
la plupart des colonies. L'ordonnance du 22 novembre 1829,
qui est l'acte fondamental en cette matière, reproduit les
dispositions essentielles des lois métropolitaines.
Cette ordonnance s'applique, sauf quelques modifications
portant sur le tarif, aux colonies suivantes : Martinique, Gua-
deloupe, Réunion, Guyane, Sénégal et Mayotte. Pour les autres
colonies, il suffit de se reporter aux actes dont nous avons
précédemment indiqué les dates. (V. n° 990.)
A la Martinique, la délibération du conseil général en date
du.7 décembre 1900, approuvée par décret du 3 avril 1901, a
fixé à 0 fr. 20 0/0 le droit d'hypothèque sur la transcription des
actes emportant mutation de propriétés immobilières. A la
Guyane, une délibération du conseil général du 17 décem-
bre 1901, approuvée par décret du 2G juin 1903, a fixé à
0 fr. 25 0/0 le droit sur la transcription des actes emportant
mutation des propriétés immobilières. Elle a, en outre, con-
verti en une taxe proportionnelle certains droits perçus sur
les formalités hypothécaires.
Les droits d'hypothèque perçus au profit du budget général
de l'Indo-Chine sont actuellement fixés par un arrêté du 13 no-
vembre 1900 approuvé par décret du 2 février 1901.
En Nouvelle-Calédonie, les taxes hypothécaires sont actuel-
lement déterminées par des délibérations du conseil des 1er et
2 décembre 1903, approuvées par décret du 2 mai 1904.
§ 4. — Droits de greffe.
1007. Martinique. Une délibération du conseil général du
20 décembre 1901, approuvée par décret du 2 mai 1902, a
supprimé à la Martinique les droits de greffe de toute nature.
Guadeloupe, Guyane. Les droits de greffe sont régis par

— 863 —
les lois métropolitaines des 21 ventôse, 22 prairial an VII et le
décret du 12 juillet 1808.
Saint-Pierre et Miquelon. Le tarif des frais de justice, en
matière civile et en matière commerciale, est déterminé par
l'arrêté du 2i octobre 1844. Les frais en matières criminelle,
correctionnelle et de simple police, sont taxés conformément
au décret du 18 janvier 1811 pour la ville de Paris, sous les
modifications portées au décret du 7 avril 1813.
Sénégal. Les droits de greffe ont été supprimés par déli-
bération du conseil général du 8 juin 1901, approuvée par dé-
cret du 19 décembre suivant.
Congo. Les droits de greffe ont été supprimés par décret du
1er juin 1903 (n° 1 003).
1008. Réunion. L'impôt des droits de greffe n'existe à la
Réunion que depuis 1817, car, antérieurement, les droits
étaient perçus sous différentes dénominations au profit des
greffiers. C'est pour en faire profiter le trésor public qu'est
intervenue l'ordonnance locale du 15 décembre 1817, portant
établissement des droits de greffe. Cette ordonnance, qui a eu
pour effet d'abroger, non seulement les articles 10, 11, 12 et
1 i de l'arrêté du capitaine général Decaen du 12 brumaire
an XIV, mais encore tous les autres actes locaux qui attri-
buaient des droits aux greffiers, a été modifiée par l'arrêté du
9 février 1830, portant réduction de divers droits de greffe.
Mayotte. Los droits de greffe ont été établis, dans cette co-
lonie, par arrêté du 24 janvier 1857, portant que les droits de
greffe seraient perçus suivant le tarif institué par les lois des
21 ventôse et 22 prairial an VII et le décret du 12 juillet 1808.
Toutefois, les droits d'expédition des actes de greffe, tarifés
par la loi de ventôse à 1 fr. 25 le rôle, ont été portés à
2 francs le rôle par arrêté du 16 décembre 1872, et ceux fixés
à 1 franc ont été portés à 1 fr. 50. Les droits de greffe sont
perçus par le trésorier-payeur de la colonie ou son délégué.
ARTICLE 4. — Recouvrement des contributions.
Agents de perception.
§ 1. —Recouvrement des con tributions. Poursuites judiciaires.
Compétence.
1009. Le mode de poursuites relatif à chaque nature d'im-

— 864 —
pôt, le tarif des frais et l'organisation des agents de pour-
suites sont déterminés par des arrêtés du gouverneur, rendus
en conseil privé. Ces arrêtés sont soumis a l'approbation du
ministre des Colonies, qui statue après avoir pris l'avis du
ministre des Finances.
Contributions directes. Nous avons indiqué que le gouver-
neur était chargé de pourvoir à l'exécution du budget du service
intérieur de la colonie et qu'il lui appartenait de rendre exécu-
toires les rôles des contributions directes. C'est en vertu de
ces rôles que les contributions deviennent exigibles, et que
des poursuites peuvent être exercées contre les contribuables
retardataires. Les contributions directes sont payables à des
époques déterminées par les décrets et arrêtés réglementaires,
époques différentes selon les impôts et selon les colonies.
Le privilège attribué au trésor par la loi du 12 novembre
1808, pour assurer le recouvrement de l'impôt, indépendam-
ment des droits qu'il a comme tout créancier sur les biens des
redevables, s'exerce :
1° Pour la contribution foncière de l'année échue et de
l'année courante, sur les révoltes, fruits, loyers et revenus
des biens immeubles sujets à la contribution;
2° Pour les autres contributions directes de l'année échue
et de l'année courante, sur tous les meubles et autres effets
mobiliers appartenant aux redevables, en quelque lieu qu'ils se
trouvent.
Cette règle a été déclarée applicable aux colonies, par un
décret du 22 janvier 1852, en même temps que les prescrip-
tions relatives aux biens des fabriques et autres établisse-
ments (l),'au payement de la contribution foncière des biens
tenus à ferme et à loyer (2), à la responsabilité des proprié-
taires et principaux locataires (3).
1010. Les règles de compétence, en cas de poursuites, sont
les mêmes qu'en France. En principe, les conseils privés et d'ad-
ministration qui, dans les colonies, tiennent lieu des conseils
de préfecture, ont compétence pour statuer sur les contesta-
(1) L. S novembre 1790. 13, 14, 15, 16.
(2) L. 3 frimaire, an VII, art. 147.
(3) L. 21 avril 1832, art. 22 et 23.


— 865 —
lions qui portent sur l'établissement de l'obligation du rede-
vable, c'est-à-dire sur l'assiette et la répartition de l'impôt et
sur la régularité des actes de poursuite qui ont précédé le
commandement. Les tribunaux civils sont, au contraire, com-
pétents, en général, sur toutes les questions de régularité des
poursuites à partir du commandement, de propriété, de re-
vendication de meubles saisis, de distraction des objets insai-
sissables, de solidarités entre propriétaires indivis, etc.
Cette répartition de la compétence qui résulte de l'ar-
ticle 176, § 13, de l'ordonnance du 9 février 1827, attribuant
au conseil du contentieux tout le contentieux administratif (1),
a été modifiée en ce qui concerne l'Inde, mais seulement pour
les établissements de Pondichéry et de Yanaon. Le tribunaldes
conflits, appelé à trancher cette question de compétence à la
suite d'un conflit négatif résultant d'un arrêt du Conseil d'Etat
et d'un arrêt de la cour d'appel de Pondichéry, a reconnu que,
par application des ordonnances rendues par le gouverneur
des établissements français de l'Inde, des 4 novembre et
15 décembre 1823, des arrêtés des 1er décembre 1855, 4 juil-
let 1808 et 24 mai 1871, c'est au conseil du contentieux, et
non pas à l'autorité judiciaire, que doivent être soumises
toutes les contestations auxquelles peuvent donner lieu, à
Pondichéry et à Yanaon, les poursuites en matière de taxes et
contributions directes, même lorsque ces contestations portent
sur la validité de saisies mobilières ou immobilières (2).
1011. Contributions indirectes. Nous avons vu que la
compétence administrative, en matière de contributions di-
rectes, s'applique aux réclamations sur le fond du droit, sur
l'assiette de l'impôt, et que la compétence judiciaire ne com-
mence que lorsqu'il s'agit des voies d'exécution de la con-
trainte décernée par l'autorité administrative et seulement
lorsqu'il y a lieu d'appliquer une disposition du droit commun.
Au contraire, lorsqu'il s'agit des impôts indirects, l'autorité
judiciaire est compétente, non seulement pour les voies d'exé-
cution, mais encore sur le fond du droit, pour l'application de
l'impôt.
(1) Compétence maintenue par l'article 3 du décret du 5 août 1881.
(2) Trib. des canflits, 7 avril 1884 ( aff. Jablin). L. 1884.

COLONIES, I.
55

— 866 —
Il suit de là qu'elle est nécessairement appelée à apprécier
la validité et la légalité des actes en vertu desquels les contri-
butions indirectes ont été recouvrées, et si le tribunal civil
ne peut pas, sans sortir de ses attributions et empiéter sur le
domaine de l'autorité administrative, déclarer l'illégalité d'un
acte et en prononcer le retrait, il a le droit d'examiner la
constitutionnalité, la légalité de l'impôt établi et de refuser les
moyens d'exécution et de contrainte réclamés contre le débi-
teur récalcitrant.
Aux termes des lois et décrets organiques des colonies, les
délibérations d'un conseil général, portant établissement d'un
impôt nouveau ou modifications à l'assiette d'un impôt déjà
existant, peuvent être, provisoirement, rendues exécutoires par
arrêté du gouverneur, sauf approbation par décret.
Si la délibération du conseil général est entachée de nullité,
le tribunal, sans attendre que le Gouvernement se soit pro-
noncé définitivement sur l'approbation ou la non-approbation
de cette délibération, peut refuser de la sanctionner. C'est à
tort qu'on soutiendrait qu'il n'appartient qu'au ministre d'an-
nuler ou de réformer ces arrêtés provisoires et que, jusqu'à
leur réformation, les tribunaux de la colonie sont tenus d'en
faire l'application, qu'autrement ils commettraient un excès
de pouvoir en exerçant, à l'égard des actes législatifs du pou-
voir colonial, un droit d'examen et de contrôle que la consti-
tution coloniale a réservé exclusivement au pouvoir exécutif
de la métropole. Le Conseil d'État a reconnu à cet égard la
compétence complète des tribunaux (1).
1012. On avait, en outre, contesté la compétence des tri-
bunaux judiciaires en matière d'impôts indirects, en se fon-
dant sur certaines dispositions des ordonnances organiques de
1823 et 1827 pour les Antilles, et la Réunion. On soutenait que
l'article 175, § 6, de l'ordonnance de 1827, en appelant le
conseil privé à se prononcer au préalable sur toute réclama-
tion des contribuables, avait, même en matière de contribu-
tions indirectes, par là même dépossédé la juridiction civile.
Il est facile de répondre à cette objection. En effet, de même
que, dans son paragraphe 5, cet article appelle le conseil
(1) Cons. d'Et. cont. 4 septembre 1856 (At'f. Lacaussade). L. 56.

— 867 —
privé à connaître administrativement du contentieux des con-
tributions directes, avant tout débat devant la juridiction du
conseil du contentieux, de méme il l'appelle à connaître ad-
ministrativement du contentieux des domaines, de l'enregis-
trement, des douanes et des contributions indirectes; mais il
ajoute que c'est « sans préjudice du recours des parties
« devant les tribunaux ordinaires ». Si, par suite, le conseil
privé, statuant administrativement en vertu de l'article 175 de
l'ordonnance organique- du 9 février 1827, est appelé à se
prononcer au préalable sur toute réclamation des contribua-
bles, soit en matière de contributions directes, soit en matière
de contributions indirectes, le conseil du contentieux adminis-
tratif n'a compétence qu'en matière de contributions directes,
en vertu de la disposition finale de l'article 17G. Les contesta-
tions sur les impôts indirects sont expressément réservées à
l'autorité judiciaire (1).
101*2 bis. Un arrêté du gouverneur général de l'Indo-Chine
du 5 juin 1903 a réuni toutes les règles en vigueur dans la
colonie sur la procédure en matière de contributions indirectes.
Cet arrêté a été approuvé par décret du 30 août 1903.
§ 2. — Agents et comptables chargés de la perception
de l'impôt. Payeurs.
1013. Les services financiers, leurs attributions, ne sont
pas constitués d'une manière uniforme dans toutes les colo-
nies. Aussi le décret de 1882 a-t-il donné seulement l'énumé-
ration des grands services qui existent presque partout. Les
chefs de ces services relèvent du directeur de l'intérieur; ils
ont sous leurs ordres des comptables spéciaux et des agents
chargés du contrôle ou du service actif, dont les attributions
sont déterminées par les règlements locaux. Ces différents
agents peuvent être choisis dans le personnel des administra-
tions financières en France et mis par le ministre des Finances
à la disposition du ministre des Colonies, ou nommés dans les
colonies par les autorités locales. (V. nos 523 et suiv.)
1014. Comptables des deniers publie:;. 11 y a dans chaque
(t) Cf. Cons. d'Et. cont. 4 janvier 1878 (aff. Souques contre la colonie
de la Guadeloupe). L. 78. 4.

— 868 —
colonie un trésorier-payeur chargé de la recette et de la dé-
pense, tant des services de l'État que du service local, des
mouvements de fonds et des autres services exécutés en
dehors du budget. Les trésoriers-payeurs sont, depuis un décret
du 22 décembre 1902, nommés par décret du Président de la
République,rendu sur la proposition du ministre des Finances,
après avis conforme du ministre des Colonies. Une circulaire
du 14 avril 1859 autorise les trésoriers-payeurs à déléguer
leur signature et à constituer des fondés de pouvoir clans les
mêmes conditions que les trésoriers généraux de France.
Dans les grandes colonies, il peut exister un ou plusieurs
trésoriers particuliers selon l'importance et la division du ter-
ritoire de la colonie ; ces comptables sont placés sous la sur-
veillance et sous les ordres des trésoriers-payeurs qui répon-
dent, comme en France, de leur gestion.
Les trésoriers particuliers sont nommés par arrêté du mi-
nistre des Finances après avis du ministre des Colonies.
Des arrêtés des gouverneurs, rendus sur l'avis des conseils
privés, déterminent les circonscriptions dans lesquelles doi-
vent s'exercer respectivement l'action directe du trésorier-
payeur et celle des trésoriers particuliers. Ces arrêtés sont
soumis à l'approbation du ministre des Colonies et du ministre
des Finances.
Le ministre des Finances correspond directement avec les
trésoriers-payeurs pour tout ce qui concerne leur service, et
réciproquement.
Des agents spéciaux peuvent être préposés au payement des
menues dépenses du service local; ils reçoivent, à Cet effet,
des remises fixées par des arrêtés locaux.
Par décret du 24 juillet 1857, les trésoriers-payeurs et les
trésoriers particuliers ont été assimilés, pour le règlement de
leurs pensions de retraite, aux agents du département des
finances recevant un traitement égal à celui qui est attribué
aux comptables coloniaux à titre de traitement personnel.
1013. Les cautionnements de ces comptables sont fixés par
l'article 156 du décret de 1882, sauf en ce qui concerne les
comptables de la Cochinchine, pour lesquels les cautionne-
ments sont déterminés par arrêté du ministre des Finances
conformément au paragraphe 1er de l'article 20 du décret du

— 869 —
15 mai 1874 portant organisation de la trésorerie en Cochin-
chine. Le cautionnement du trésorier-payeur du Tonkin est
fixé par le ministre des Finances.
Un décret du 19 janvier 1897 a étendu aux colonies la
loi du 5 septembre 1807 relative aux droits du trésor public
sur les biens des comptables.
1016. Les trésoriers-payeurs sont chargés du service de la
caisse des invalides, de la caisse des gens de mer, de la caisse
des prises. Ils sont, comme les trésoriers-payeurs généraux en
France, préposés de la caisse des dépôts et consignations. On
a agité dernièrement, mais sans la résoudre, la question de
savoir s'il y avait lieu de les charger de représenter dans les
colonies la caisse de retraites pour la vieillesse et la caisse d'as-
surance en cas d'accidents.
1017. Les trésoriers-payeurs sont responsables de la gestion
des trésoriers particuliers, dans les mêmes conditions que les
trésoriers-payeurs généraux de France sont responsables des
receveurs particuliers. En ce qui touche l'obligation imposée
au trésorier-payeur en cas de débet d'un trésorier particulier,
le décret se borne à appliquer les règles édictées pour la mé-
tropole par l'article 329 du décret du 31 mai 1862; il laisse,
par suite, le ministre des Finances statuer clans tous les cas,
sous la réserve que le ministre des Colonies devra être consulté
quand le débet porte sur le service local. Par analogie égale-
ment avec les règles adoptées dans la métropole, le soin de
procéder à l'installation de ces comptables et le visa des récé-
pissés à talon ont été confiés au directeur de l'intérieur.
1018. Le trésorier-payeur est chargé, dans chaque colonie,
de la perception des produits directs et des droits de douane,
de celle des produits divers, et, en général, du recouvrement
de tous les droits, produits et impôts appartenant au service
local, toutes les fois que ce recouvrement n'a pas été attribué
à d'autres comptables. Toutefois en Cochinchine ces attributions
sont dévolues à un payeur particulier qui prend le titre de
receveur spécial du service local.
1019. Les trésoriers-payeurs et les trésoriers particuliers
reçoivent un traitement fixe sur le budget de l'État, sauf en
Indo-Chine, et dans plusieurs de nos possessions africaines, où
ce traitement est à la charge des budgets locaux.

— 870 —
Indépendamment de ces émoluments fixes, les trésoriers-
payeurs et les trésoriers particuliers reçoivent sur le budget
local des remises proportionnelles pour la perception directe
et pour la centralisation des produits du service local. Ces
remises, aux termes du décret du 26 septembre 1855, figuraient
parmi les dépenses obligatoires des colonies: doivent-elles,
depuis le sénatus-consulte de 1866, être rangées parmi les
dépenses facultatives"? Celte question a été soulevée devant le
Conseil d'État à l'occasion d'une affaire Veyrières contre la
colonie de la Réunion, mais elle n'a pas été tranchée. L'admi-
nistration des finances soutenait que les remises proportion-
nelles des trésoriers-payeurs et trésoriers particuliers l'ont
toujours partie des dépenses obligatoires; que cela résultait
non des termes mêmes du sénatus-consulte, muet sur cette
question, mais du rapport qui a précédé le vote du Sénat sur
cet acte important (V. procès-verbaux du Sénat 1866, séance
du 16 juin, t. IV, p. 236 et '237), que la volonté de la haute
Assemblée avait été de soustraire le service du trésor aux
fluctuations d'opinion du conseil général. Le ministre des
Finances ajoutait que l'intention certaine du législateur devait
prévaloir sur l'omission d'un texte destiné à consacrer la
pensée qu'il venait d'exprimer. On pourrait ajouter que le
trésorier-payeur est, dans une sphère plus élevée, comme un
percepteur chargé des recettes municipales de sa circonscrip-
tion et qui reçoit un traitement de l'État et un traitement de
chacune des communes dont il gère les intérêts, que ce dernier
traitement est obligatoire dans son intégralité.
Il nous parait cependant bien difficile d'admettre que les
considérations invoquées par l'administration des finances
puissent, quelque intéressantes qu'elles soient, suppléer à un
texte précis dans une matière où tout est de droit strict.
Le décret du 20 novembre 1882, d'ailleurs, n'a pas reproduit
les dispositions de l'article 200 du décret du 26 septembre 1855
qui classait les remises des trésoriers-payeurs parmi les dé-
penses obligatoires. En outre, dans l'instruction relative à l'ap-
plication de ce décret, le ministre de la Marine et des Colonies
expliquait qu'il n'y avait pas lieu de reproduire cette disposi-
tion, attendu que le sénatus-consulte de 1866, en ne faisant
pas figurer ces dépenses parmi les dépenses obligatoires,

— 871 —
avait entendu, par cela même, laisser le conseil général libre
de les fixer comme il l'entendrait.
1020. Les contestations qui peuvent survenir entre le tréso-
rier-payeur et la colonie, sur le montant des remises qui doi-
vent lui être allouées, rentrent dans le contentieux adminis-
tratif. Les remises des
trésoriers-payeurs
et trésoriers
particuliers étant payées sur le budget local, et le gouverneur
restant le maître de déterminer le taux des traitements des
agents payés sur le budget local ( sauf à se renfermer pour
l'ordonnancement de ces traitements dans la limite des allo-
cations budgétaires), il peut, à la suite d'une délibération du
conseil général, modifier le tarif des remises proportionnelles
allouées au trésorier et fixer la répartition entre celui-ci et le
trésorier particulier (1).
1021. Percepteurs. Le Département des finances ayant été
chargé seul de diriger la comptabilité des produits et leur
centralisation entre les mains du trésorier-payeur rendu indé-
pendant, la responsabilité du comptable supérieur étant,
d'autre part, engagée vis-à-vis des percepteurs, on a pensé
qu'il n'était pas possible, sans compromettre le principe de
cette responsabilité, de continuer à laisser aux directeurs de
l'intérieur, comme précédemment, le soin de la présentation
des percepteurs. En conséquence, le décret de 1882 dispose
que ces comptables seront nommés par le gouverneur sur la
proposition du trésorier-payeur et sous la seule condition de
l'agrément préalable du trésorier particulier duquel ils devront
relever, ce qui est fort juste, puisque ce trésorier particulier
demeure responsable à l'égard des percepteurs placés sous ses
ordres. Pour la même raison, on a supprimé l'intervention du
directeur de l'intérieur pour la fixation du cautionnement des
percepteurs; les cautionnements doivent être déterminés par
arrêtés du gouverneur, pris sur la proposition du trésorier-
payeur. Ces arrêtés auraient dû être pris en conseil privé, mais,
le trésorier»payeur ne faisant pas partie de ce conseil, on a
pensé qu'il valait mieux autoriser le gouverneur à prendre son
arrêté sur la proposition du trésorier-payeur, sauf à soumettre
ces arrêtés à l'approbation du ministre des Colonies qui ne
(1) Cf. Cons. d'Et. cont. 17 février 1882. L. 82.169.

— 872 —
doit statuer qu'après avoir pris l'avis du ministre des Finances.
Mais si l'initiative des propositions à ces différents titres ap-
partient au trésorier-payeur, rien n'interdit au gouverneur de
consulter le directeur de l'intérieur sur les nominations qui lui
sont proposées par le comptable, comme sur le chiffre des
cautionnements à imposer.
Les percepteurs reçoivent des remises proportionnelles
dont la quotité est fixée par arrêtés du gouverneur. Dans les
colonies où il n'existe pas de conseil général, ces arrêtés doi-
vent être soumis à l'approbation du ministre des Colonies,
qui statue après avis du ministre des Finances. On a pensé
qu'on pouvait sans crainte supprimer cette approbation dans
les colonies où existaient des conseils généraux, ceux-ci devant
naturellement veiller à ce que ces remises ne soient pas
exagérées.
1022. Les percepteurs sont de droit receveurs des com-
munes, hospices et établissements de bienfaisance. Ils exercent
ces fonctions sous l'autorité et la responsabilité des trésoriers-
payeurs et des trésoriers particuliers et engagent la responsa-
bilité de ceux-ci aussi bien que s'il s'agissait de contributions
directes. Sous l'empire du décret du 26 septembre 1855, on
avait discuté la question de savoir si, en cas de déficit ou de
débet d'un receveur municipal, la responsabilité du trésorier
particulier de l'arrondissement était seule engagée, ou si le
trésorier-payeur devait contribuer à en couvrir le montant
dans le cas où les ressources du trésorier particulier n'y suffi-
raient pas. Un débat s'était élevé sur ce point entre le minis-
tère des Finances et le ministère de la Marine, à l'occasion d'un
débet constaté à la Réunion. Le décret de 1882 contient une
rédaction de nature à prévenir le retour de ces difficultés; il
a posé en principe la double garantie de la responsabilité des
deux comptables ; seulement, par analogie avec les dispositions
adoptées dans la métropole, il attribue au ministre des Finances
le droit de statuer sur les demandes en décharge, après avis
du ministre des Colonies, et de la section des finances du
Conseil d'État.
La décharge ne peut être prononcée que si le déficit provient
de force majeure ou de circonstances indépendantes de la
surveillance que les comptables sont tenus d'exercer. En cas

— 873 —
de décharge prononcée, ils ont droit au remboursement des
sommes dont ils auraient fait l'avance. Les décisions prises à
cet égard par le ministre des Finances sont toujours suscepti-
bles d'un recours contentieux devant le Conseil d'État.
§ 3. — Comptabilité financière.
1023. La comptabilité établie dans chaque direction de l'in-
térieur décrit toutes les opérations relatives :
1° A la constatation des droits mis à la charge des débiteurs
des colonies et aux recettes réalisées au profit de ces établis-
sements ;
2° A la liquidation, au mandatement et au payement des
dépenses du service local ;
3° Au compte du fonds de réserve.
1024. Nous avons indiqué (n° 906) le mode de présentation
et d'approbation des comptes établis par le directeur de l'inté-
rieur. Nous rappellerons seulement que la déclaration du
conseil privé, relative à la conformité des chiffres contenus
dans les comptes de gestion des trésoriers-payeurs et dans
le compte administratif, doit être jointe aux comptes d'exer-
cice à présenter au conseil général.
Le compte présenté au conseil général doit toujours être
établi d'une manière conforme au budget du même exercice,
sauf les dépenses imprévues qui n'y auraient pas été men-
tionnées, et pour lesquelles il est ouvert des chapitres ou des
articles additionnels et séparés.
1025. Les écritures et les livres des comptables des deniers
publics sont arrêtés chaque année le 30 juin pour les tréso-
riers-payeurs, les trésoriers particuliers et les percepteurs, et
le 31 décembre pour les autres comptables. Ils le sont
également à l'époque de la cessation de leurs fonctions. La
situation de leurs caisses et de leurs portefeuilles est vérifiée
aux mêmes époques par un fonctionnaire désigné par le gou-
verneur.
Les règles édictées dans la métropole et concernant les
comptes de gestion des comptables sont reproduites à l'égard
des comptables coloniaux (i).
(1; Déc. 20 novembre 1882, art. 200-218.

— 874 —
Le mode de poursuite relatif à chaque nature d'impôts, le
tarif des frais et l'organisation des agents de poursuite sont
déterminés par arrêtés du gouverneur en conseil privé.
1026. Les comptes des recettes et des dépenses doivent
être présentés chaque année par les trésoriers-payeurs à la
Cour des comptes qui statue conformément à ce qui se passe
en France pour les trésoriers-payeurs généraux des départe-
ments. Le conseil privé juge les comptes des autres compta-
bles, sauf recours à la Cour des comptes d'après les règles
imposées aux pouvoirs formés devant la même Cour contre
les arrêtés des conseils de préfecture métropolitains.
Pour la vérification des comptes de l'Indo-Chine (nos 908 et
suiy.) une commission spéciale a été instituée à Paris par décret
du 25 octobre 1890.'
Nous avons indiqué (n03 3 7 0 et suiv.) les attributions de
l'inspection des colonies en ce qui concerne lé contrôle des
services financiers.
§ 4. Service de trésorerie.
1027. Le service du mouvement des fonds a subi én 1882
une modification profonde (1). Avant cette époque, deux sys-
tèmes se trouvaient en vigueur : 1° celui adopté par le décret
du 26 septembre 1855 qui rendait obligatoire l'intervention du
ministre.de la Marine et des Colonies là comme pour toutes
les matières intéressant les colonies; 2° celui établi en Cochin-
chine en vertu du décret du 15 mai 1874 et qui permet au
ministre des Finances de donner directement aux trésoriers-
payeurs des colonies les ordres concernant le service du mou-
vement des fonds.
Le Département des Finances ayant insisté pour qu'on éten-
dît à toutes les colonies les règles formulées pour la Cochin-
chine, celte manière de voir à prévalu. Un concert entre les
deux ministres est en effet superflu en temps normal, et la force
même des choses l'établira dans les circonstances exception-
nelles.
Les agents du Département des Colonies n'interviennent
plus dans les formalités d'envoi et de réception des fonds, et
(1) Déc. 15 septembre 1882, art. 133.

— 875 —
les règles adoptées pour les colonies sont les mêmes que pour
la métropole, les directeurs de l'intérieur devant exercer les
attributions qui sont confiées aux préfets des départements
pour les opérations de l'espèce (1).
(1) Décret 15 septembre 1882, art. 132-136,

— 876

TITRE VU.
ORGANISATION
COMMERCIALE,
INDUSTRIELLE ET
AGRICOLE.
ARTICLE PREMIER. — Douanes et octrois.
1028. Le régime commercial auquel ont été soumises les
colonies françaises a subi de nombreuses et importantes
variations. Nous les avons déjà résumées (nos 103 et suiv.); il
suffira de rappeler ici les raisons principales de ces modifi-
cations successives.
Le principe qui présida à l'organisation commerciale des
colonies était celui d'une union intime et absolue entre elles
et la métropole. Leurs produits devant être réservés exclusi-
vement à la métropole, celle-ci leur accordant une protection
parfois exclusive, les colonies s'engageaient en échange à
n'accueillir chez elles que des objets de provenance française.
En outre, afin d'assurer à la marine marchande le fret des
colonies, les transports entre les colonies et la métropole, et
vice versa, étaient réservés exclusivement aux navires portant
pavillon français.
Cet état de choses avait sa raison d'être à une époque où
toutes les puissances coloniales suivaient le même système, et
où la métropole et ses colonies, par la nature si différente de
leurs produits, n'avaient que des échanges à opérer sans être
jamais en lutte. Mais lorsque, à la suite des guerres de
l'Empire, les relations commerciales entre la France et ses
colonies eurent été longtemps interrompues, lorsque la culture
de la betterave, d'abord faible et timide, devint pour la canne
à sucre une rivale redoutable, les intérêts que le pacte colonial
avait eu pour but et pour effet de sauvegarder se trouvèrent
en opposition.
Si, en effet, le monopole réservé aux produits français sur
le marché colonial subsistait toujours en droit et en fait (les
colonies n'ayant aucune manufacture ou fabrique capable de
nuire à l'importation française), le privilège accordé d'autre
part sur le marché français aux produits coloniaux se trouvait
en réalité sensiblement diminué. Il n'y avait plus réciprocité,
égalité de charges et d'avantages.
Enfin, l'obligation imposée aux colonies de ne se servir

— 877 —
dans leurs transports que de navires portant pavillon français
devint plus lourde, lorsque, par suite de l'importance acquise
par la marine marchande d'autres nations, le fret par ces
navires devint meilleur marché.
Le législateur comprit alors que, pour concilier dans une
juste mesure les droits et les intérêts mutuels des colonies et
de la métropole, il était temps d'apporter au pacte colonial
certaines modifications. De 1826 à 1845, diverses dispositions
législatives autorisèrent l'importation, aux colonies, de quel-
ques marchandises étrangères, et le transport, par navires
étrangers, de certains produits coloniaux destinés à d'autres
pays que la France.
1029. Λ ce moment, le commerce des colonies avec la
métropole atteignait un degré de prospérité remarquable. Il
était en 1846 de 57 millions pour l'importation en France, et
de 56 millions pour l'exportation aux Antilles et à la Réunion.
Quant à la navigation réservée au pavillon français, elle
employait 80,000 tonneaux à l'entrée clans les ports coloniaux,
120,000 tonneaux à la sortie de France.
Mais bientôt l'abolition de l'esclavage vint augmenter, dans
des proportions considérables, le prix de la main-d'œuvre, et
accroître pour les colonies les difficultés de la concurrence.
L'exportation des Antilles et de la Réunion subit une diminu-
tion de près de moitié. Après être venu en aide à l'industrie
sucrière par la création de sociétés de crédit, le Gouvernement
favorisa l'importation en France du sucre des colonies en
renouvelant dans la loi du 18 juin 1851 le principe d'une
détaxe en leur faveur, équivalant au sixième des droits imposés
au sucre indigène. Cette détaxe fut successivement réduite
pour prendre fin seulement au 1er janvier 1870.
C'était à cette époque un avantage fort important et dont
les colonies usèrent largement. La protection accordée ainsi
aux sucres coloniaux leur rendit, pour quelque temps au moins,
leur ancienne prospérité. Leurs importations en France, qui,
à la suite des événements de 1848, étaient tombées à 32 millions,
ne tardèrent pas à reprendre une marche ascendante et, dès
1854, atteignirent 57 millions. Six ans plus tard, en 1860,
elles s'élevaient à une valeur de 86 millions, dans laquelle le
sucre figurait pour 76 millions; si la production n'était pas

— 878 —
remontée à son niveau aux Antilles, jamais elle n'avait été
plus abondante à la Réunion. D'un autre côté, les envois de
la métropole se chiffraient à 63 millions.
1030. C'est alors que survint la loi du 23 mai 1860, suivie
du décret de janvier 1861, qui ouvrit le marché métropolitain
aux sucres étrangers.
Cette mesure porta un coup violent à la production des
colonies. Le sucre colonial français conservait encore, il
est vrai, le bénéfice de la détaxe dont ne jouissaient pas les
sucres étrangers, mais nos colonies avaient à faire entrer en
ligne de compte, dans la production du sucre, des charges bien
plus lourdes que les colonies étrangères où le travail esclave
subsistait encore. En outre, le fret par navires français, obliga-
toire pour nos colonies, était sensiblement supérieur au fret
qu'elles auraient pu se procurer par navires étrangers. Ce qui
restait du pacte colonial se trouvait rompu au détriment des
colonies; aussi firent-elles entendre de nouvelles et très vives
réclamations à l'effet d'obtenir leur assimilation complète
aux départements français.
1031. La loi du 3 juillet 1861 vint donner satisfaction à
ces réclamations.
Cette loi établit pour les Antilles et la Réunion :
1° La liberté d'importer, par tous les pavillons, aux mêmes
droits qu'en France, toutes les marchandises étrangères admises
dans la métropole ;
2° La liberté d'exporter les marchandises coloniales, à
l'étranger par tous les pavillons ;
3° La liberté de se servir des. navires étrangers pour les
échanges entre la colonie et la métropole et les colonies
entre elles.
Les transports de colonie à colonie, dans les limites du petit
cabotage, restèrent seuls réservés au pavillon français; celui-ci
était protégé d'ailleurs par une surtaxe de pavillon frappant
tous les transports par bateaux, étrangers. Cette surtaxe dis-
parut, elle-même, à partir de 1869, en vertu de la loi du
19 mai 1866 et du décret du 9 juillet 1869 (1).
(1) La loi du 30 janvier 1892 a soumis à un droit de quai tous les
navires venant des colonies, sans distinction de pavillon.

— 879 —
Ces modifications ne produisirent pas les effets heureux
qu'on en attendait.
Les colonies firent observer que, malgré l'ouverture de leur
marché aux importations étrangères, les prix de bien des
objets étaient loin d'avoir diminué, et que leur industrie su-
crière n'avait pas trouvé de débouchés rémunérateurs, obligée
qu'elle était de se présenter sur des marchés où se rencontre
une concurrence placée dans de meilleures conditions qu'elle.
D'autre part, la détaxe établie à l'entrée en France au profit
des sucres coloniaux, et modifiée à diverses reprises pour
prendre fin en 1870, était fort attaquée en France par les pro-
ducteurs de sucre.
Le Gouvernement essaya d'un autre moyen : l'autonomie
commerciale des colonies; il n'hésita pas à leur sacrifier l'ex-
portation métropolitaine et promulgua le sénatus-consulte du
4 juillet 1866.
10 32. La détaxe dont bénéficiaient les sucres coloniaux fut
supprimée en principe, mais les Antilles et la Réunion ob-
tinrent en compensation la liberté commerciale la plus étendue.
Les conseils généraux reçurent le droit de voter les tarifs
d'octroi de mer sur les objets de toute provenance, ainsi que
les tarifs de douane sur les produits étrangers naturels ou fa-
briqués, importés dans la colonie, sous la seule réserve de
l'homologation des tarifs de douane par décrets en Conseil
d'Etat.
Le Gouvernement aliénait ainsi au profit des assemblées lo-
cales toute initiative en matière de douanes, en se réservant
seulement la faculté d'approuver ou de repousser les taxes
votées, sans pouvoir les modifier.
1033. Les conséquences funestes de cet abandon extraordi-
naire des droits de la métropole ne tardèrent pas à apparaître.
Les conseils généraux des Antilles et de la Réunion s'empres-
sèrent de profiler de l'autorité que leur conférait le sénatus-
consulte de 1866 pour décliner toute solidarité commerciale
avec la France. Ils supprimèrent, en totalité ou en partie, les
droits de douane qui frappaient seulement les productions
étrangères (1) et les remplacèrent par des droits d'octroi de
(1) Suppression totale à la Martinique. (Déc. 6 novembre 18G7.) —

— 880 —
mer, qui atteignaient indifféremment les marchandises fran-
çaises et étrangères.
Cette suppression de la protection primitivement accordée
aux produits métropolitains lésait gravement les intérêts des
négociants et des fabricants français, qui voyaient peu à peu
disparaître leurs exportations aux colonies. De violentes pro-
testations se firent entendre et l'on réclama comme représailles
le retrait des avantages concédés en France aux produits co-
loniaux. Les conseils généraux, dans la crainte de perdre le
bénéfice des faveurs accordées à l'industrie sucrière, se déci-
dèrent enfin à voter le rétablissement des droits de douane sur
les marchandises étrangères ; les tarifs élaborés par les as-
semblées locales furent rendus exécutoires par des décrets en
Conseil d'État, à La fin de 1884 et au commencement de
1885 (1).
1034. En compensation des concessions qu'elles venaient
de faire aux intérêts de la métropole, les colonies obtinrent la
confirmation des avantages qui leur avaient été précédemment
conférés.
La détaxe dont les sucres coloniaux avaient bénéficié jus-
qu'en 1870 et qui avait été temporairement rétablie en 1880
sous forme de déchet de fabrication, fut maintenue sous cette
forme par la loi du 13 juillet 1886 : cette loi accordait aux
sucres coloniaux exportés à destination de la métropole un
déchet de fabrication (2) calculé sur la moyenne des rende-
ments de la campagne précédente (3) et fixé annuellement par
décret; ces déchets de fabrication, entièrement exempts d'im-
Suppression partielle à la Guadeloupe. (Déc. 25 avril 1868.) — Suppres-
sion presque totale à la Réunion. (Déc. 4 juillet 1873.)
(1) Déc. 16 novembre 1884 (Guadeloupe), 19 janvier 188a (Réunion).
25 avril 1883 (Martinique).
(2) Le déchet de fabrication n'a cependant pas, au point de vue juri-
dique, le caractère d'une détaxe : en effet, tandis qu'une détaxe ne se
comprend qu'autant qu'il y a lieu à l'application d'uue taxe, le déchet
de fabrication est attribué même aux sucres qui ne sont passibles d'au-
cun droit, notamment à ceux qui, introduits en France et placée en en-
trepôt, sont ensuite réexportés, (Cass. 22 juin 1886, S. 87.1.246 ; 8 mars
1887, S. 87.1.246; 5 juin 1888. S. 83.1.364.
(3) La campagne de fabrication est la période comprise entre le
1er septembre de chaque année et le 31 août de l'année suivante.

— 881 —
pôt au début, furent soumis (1) à une taxe fixée par la loi du
5 août 1890, a la moitié du droit plein (2).
La loi du 7 avril 1897 a institué en faveur des sucres indi-
gènes et coloniaux français des primes d'exportation et des
détaxes de distance. Elle a prévu le cas où le montant de ces
primes, pendant une campagne, excéderait le produit des taxes
(droits de fabrication et de raffinage) destinées à y faire face.
Le taux des primes doit être alors, pour la campagne suivante,
ramené au chiffre nécessaire pour couvrir le trésor de son
avance ; la réduction est effectuée par voie de décret rendu en
conseil des ministres et soumis ensuite à la ratification des
Chambres.
1034 bis. Toute celte législation a trouvé son terme extrême
dans le décret du 21 août 1903 qui a rendu applicable aux
colonies la convention signée à Bruxelles le 5 mars 1902 et
relative au régime des sucres. D'après cette convention, le maxi-
mum de la surtaxe douanière, applicable dans les Etats con-
tractants et dans leurs colonies aux sucres étrangers non
primés, se trouve limité à G francs par 100 kilogrammes pour
les sucres raffinés et à 5 fr. 50 par 100 kilogrammes pour les
autres sucres. Une loi du 27 janvier 1903 a ramené à ces taux
les droits du tarif général des douanes pour la France et pour
celles de nos colonies qui sont soumises à la loi du 11 jan-
vier 1892 et dans laquelle des mesures particulières n'ont pas
été prises contre les sucres. La Martinique et l'Indo-Chine se
trouvant dans ce dernier cas par suite de la prohibition des
sucres étrangers, des décrets en Conseil d'Etat ont dû y mettre
les droits sur les sucres en conformité avec la convention de
Bruxelles. Ainsi sont intervenus pour la Martinique et pour
l'Indo-Chine des décrets en date des 21 août et 19 octobre 1903.
Dans celles de nos possessions qui ne sont pas soumises au
tarif général des douanes, les droits perçus n'excédaient pas
le taux prévu par la convention, sauf dans les établissements
français de l'Océanie où le tarif était de 30 francs par 100 k i-
logrammes pour tous les sucres étrangers. Des décrets en
(1) D. 23 mai 1887 et 24 juillet 1888.
(2) Le droit plein est de 00 francs par 100 kilos de sucre raffiné.

COLONIES, [.
56

— 882 —
date des 21 août et 19 octobre 1903, pris le Conseil d'Etat
entendu, ont dû également pour cette dernière colonie mettre
les droits sur les sucres en harmonie avec les dispositions de
la convention de Bruxelles.
Un décret du 7 octobre 1905 a promulgué, d'autre part, les
droits compensateurs exigibles en France, en Algérie, dans les
colonies et possessions françaises et dans les pays de protec-
torat de l'Indo-Chine, sur les sucres provenant des pays qui
accordent des primes à la production et à l'exportation des
sucres.
L'article 5 de la loi du 28 janvier 1903 relative au régime
des sucres a abrogé, à partir du l er septembre de la même
année, les dispositions antérieures qui accordaient le bénéfice
d'une immunité d'impôts aux sucres indigènes ou coloniaux
français représentant des excédents de rendement ou des dé-
chets de fabrication.
1035 Le régime commercial de nos possessions autres que
les Antilles et la Réunion n'a pas eu à subir des fluctuations
aussi violentes, la fixation des tarifs douaniers y étant restée
dans les attributions du pouvoir métropolitain. Dans quelques
colonies cependant, à la Guyane par exemple (t), le Gouver-
nement avait cru pouvoir déléguer au conseil général le soin
d'établir cette réglementation, mais le législateur, instruit par
l'expérience tentée dans les trois vieilles colonies, s'opposa à
l'émanciption économique des nouvelles possessions et décida
que leurs tarifs de douane ne pourraient être réglés que par
décrets en Conseil d'État (L. 7 mai 1881).
1036. Telle était la situation économique de nos colonies,
orsque l'arrivée à échéance de nos traités de commerce vint
rendre possible la refonte de notre législation douanière. Devan
les sollicitations unanimes des industriels et des négociants,
le Gouvernement pensa que le moment était venu pour la
France de rechercher la compensation des sacrifices considé-
rables qu'elle s'ètait imposés pour son expansion coloniale,
dans un régime économique qui lui assurerait plus complète-
ment le bénéfice des échanges avec les colonies. L'opinion
avait déjà accueilli avec faveur la loi du 26 février 1887, qui
(1) Déc. 23 décembre 1878.

— 883 —
avait rendu applicable en Indo-Chine le tarif général de la mé-
tropole ; il s'agissait de faire un pas de plus dans cette voie,
de reculer la ligne des douanes jusqu'à l'extrême limite de nos
possessions d'outre-mer et de réserver aux produits français le
marché des pays sur lesquels flottent les plis de notre drapeau.
La loi du H janvier 1892, portant établissement d'un nouveau
tarif douanier, réalisa cette réforme en assimilant à la métro-
pole la presque totalité de notre empire colonial : quelques
colonies seules furent exceptées de cette mesure, soit à cause
de leur peu d'importance, soit en raison d'engagements avec
les puissances étrangères, soit parce qu'il convenait de ne pas
détourner les courants commerciaux qui empruntent leur ter-
ritoire. Cette nouvelle division de nos possessions d'outre-mer,
entièrement distincte du groupement établi par le sénatus-
consulte de 1854, servira de cadre pour l'étude de la législation
douanière de chacun de ces établissements en particulier.
§ 2. Colonies et pays de protectorat soumis au tarif
métropolitain.
1037. Le premier des deux groupes institués par le légis-
lateur de 1892 comprend : la Martinique, la Guadeloupe, la
Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, le Gabon, le Réunion, Ma-
dagascar (1), Mayotte (2), l'Indo-Chine et la Nouvelle-Calédonie.
Les produits originaires de ces établissements, importés
directement en France, bénéficient, sur la production des jus-
tifications d'origine réglementaires, d'un régime de faveur
fixé par le tableau Ε annexé à la loi du 11 janvier 1892 : les
sucres et les préparations sucrées acquittent les droits du tarif
métropolitain (n° 1032); les denrées coloniales proprement
dites ne sont passibles que de la moitié des droits du tarif
métropolitain ; enfin les autres produits coloniaux entrent en
franchise en France (3).
(1) Y compris Sainte-Marie et Nossi-Bé L. 16 avril 18'J7).
(2) Avec les Comores qui en sont une dépendance géographique ( Déc.
23 janvier et 23 mai 1896).
(3) Le terme employé par le législateur pour désigner les droits du
tableau Ε est impropre : ce sont, non des droits de douane, mais des
droits de consommation, portant sur des marchandises non produites
dans la métropole. Les véritables droits de douane sont les différences
entre les chiffres de ce tableau et les chiffres correspondants du tarif
général.

— 884 —
Les produits d'origine étrangère, expédiés en France après
passage par une colonie, payent à leur entrée les droits du
tarif métropolitain, bien qu'ils aient déjà été frappés de taxes
spéciales à leur arrivée dans la colonie. D'ailleurs toutes les
importations des possessions françaises, soit qu'il s'agisse de
produits coloniaux, soit qu'il s'agisse de produits étrangers,
sont sujettes aux prohibitions ou restrictions établies par le
tarif des douanes dans un intérêt d'ordre public ou comme
conséquence des monopoles.
Les poivres importés de l'Indo-Chine bénéficient en France
d'un régime spécial de faveur. D'après une loi du 1 2 juillet 1902,
des décrets rendus sur le rapport des colonies et du ministre
des Finances déterminent chaque année, d'après l'état des
cultures et la situation de la récolte, les quantités de poivre de
l'Indo-Chine admises au bénéfice de la détaxe coloniale. Plus
récemment, d'autre part, une loi du 29 mars 1903 a modifié le
tarif général des douanes en ce qui concerne les poivres. Au
tableau A, le droit général est de 430 francs les 100 kilogram-
mes, et le droit minimum de 312 francs. Au tableau E, le
droit à percevoir est le droit du tarif minimum diminué de
104 francs.
1038. Les produits étrangers directement importés dans les
établissements français placés sous le régime du tableau Ε
sont soumis en principe, aux mêmes droits que s'ils étaient,
importés en France; toutefois, un régime spécial peut être
déterminé pour certains de ces produits, par des décrets rendus
dans la forme des règlements d'administration publique, sur
le rapport du ministre des Colonies et après avis des conseils
généraux ou conseils d'administration des colonies intéres-
sées : l'initiative de cette mesure appartient indifféremment à
l'administration centrale ou aux assemblées locales (1).
(1) En exécution de cette disposition, des tarifications spéciales ont
été établies à la Martinique (Déc. 29 novembre 1892, 30 mars 1393, 10
mai 1895, 19 septembre 1897, 27 août 1898, 18 mars 1899, 21 avril 1900,
17 mars 1901, 17 juin 1903 et 8 juillet 1805), à la Guadeloupe (Déc. 29

novembre 1892, 3 juin 1893 , 6 septembre 1893, 18 août 1898, 24 janvier
1899 12 janvier 1900 et 3 septembre 1903), à la Guyane (Déc. 29 no-
vembre 1892, 3 avril 1894, 25 mars-20 juin 1895. et 19 septembre 1897),

à Saint-Pierre-et-Miquelon (Déc. 20 décembre 1892, 10 décembre 1893,

— 885 —
Les produits étrangers importés dans une de ces colonies,
après passage par la métropole, sont admis en franchise s'ils
ont déjà acquitté les droits à l'entrée en France : dans le cas
contraire, ils sont frappés des droits établis par la tarification
en vigueur dans la colonie (1). Les produits étrangers importés
après passage par une autre colonie n'ont à supporter que la
différence entre les droits du tarif local et ceux du tarif de la
colonie d'exportation.
1039. Les produits originaires de France ne sont frappés
d'aucun droit de douane ; il en est de même des produits ori-
ginaires d'une autre colonie française, même dans le cas où la
colonie exportatrice est exclue du régime du tableau Ε (2).
§3. Colonies et pays de protectorat exclus du régime du
tableau E.
1040. Le second groupe de possessions françaises comprend :
les territoires français de la côte occidentale d'Afrique (sauf le
Gabon), Tahiti et ses dépendances, les établissements français
de l'Inde, la Côte Somali (3). Les produits naturels ou fabri-
qués originaires de ces pays ne jouissent d'aucune exemption
lors de leur entrée en France et sont soumis aux droits du tarif
la juin 1897, 4 décembre 1899, 14 mars 1901, 25 juillet 1902 et 3 avril
1903), au Gabon (Déc. 29 novembre 1892 et 31 décembre 1903), à la
Réunion (Déc. 26 novembre 1892 et 23 mars 1903), à Mayotte (Déc. 26
novembre 1892, 13 janvier 1894 et 15 janvier 1895), aux Comores (Déc,
23 mai 1896), à Madagascar (Déc. 4 décembre 1899, 14 mars 1901 et 5
juin 1903), en Indochine (Déc. 29 novembre 1892, 29 décembre 1898, 4
juin 1903 et 20 août 1904), et à la Nouvelle-Calédonie (Déc. 20 novembre
1892. 13 janvier 1894, 24 juin 1890, 30 décembre 1897 , 8 mars 1909, 16
janvier 1901 et 12 juillet 1903). Ces divers décrets, en même temps
qu'ils substituent une tarification unique aux droits du tarif général et
dn tarif minimum, suppriment, dans les colonies les surtaxes d'entrepôt
et d'origine.
(1) Cependant les produits étrangers, qui ont bénéficié de l'admission
temporaire en France, peuvent, après transformation, être introduits aux
Antilles ou à la Réunion en franchise de tout droit de douane. Cette dis-
position, établie par la loi du 16 mai 1886 reste en vigueur faute d'abro-
gation en 1892 (Avis Cons. d'Et. Trav. et Fin. et juin 1892).
2) Par application de ce principe, le Conseil d'Etat a estimé que les
tabacs originaires d'Algérie peuvent entrer' librement dans tous les éta-
blissements français d'outre-mer (Avis Cons. d'Et. Fin. 1 mai 1897).
(3) Nossi-Bé, Sainte-Marie et Diégo-Suarez faisaient partie de ce groupe,
antérieurement à la loi du 16 avril 1897.

— 886 —
minimum. Cependant, ce principe comporte deux exceptions :
1° les guinées d'origine française provenant des établissements
français de l'Inde sont exemptées de droits à l'entrée des
colonies françaises dans une proportion déterminée par une
loi du 19 avril 1904; 2° les autres produits originaires des
colonies exclues du tableau Ε peuvent bénéficier d'un régime
de faveur établi par des décrets rendus après avis de la section
des finances du Conseil d'État (1). Les produits d'origine
étrangère, réexpédiés en France après passage par une de ces
colonies, acquittent à leur entrée les droits du tarif métropoli-
tain, qu'ils aient déjà été frappés ou non dans la colonie.
1041. Les produits étrangers directement importés dans les
établissements français exclus du régime du tableau Ε n'ont
été frappés d'aucune taxe douanière par le législateur, mais
ils sont soumis aux droits de douane dont les assemblées loca-
les peuvent demander l'établissement par décrets en Conseil
d'État, conformément à la loi du 7 mai 1881 (2). Les produits
étrangers, nationalisés par le payement des droits de douane
dans la métropole, ne sont pas frappés des taxes du tarif local;
au contraire, ceux qui sont expédiés de France sans y avoir
acquitté les droits sont atteints par la tarification locale : ce-
pendant ceux qui ont bénéficié de l'admission temporaire peu-
(1) En exécution de cette disposition, un décret du 28 juin 1892 a
accordé un traitement de faveur à un certain nombre de produits origi-
naires des établissements suivants : Territoire de la côte occidentale
d'Afrique, sauf le Gabon (bois et huile de palme, exemption ; café,
1/2 droit, Tahiti et dépendances (vanille. 1/2 droit) ; ces mesures ont
été complétées par le décret du 22 août 1896 (bananes de la Guinée,
exemption). Ces avantages ne sont accordés qu'aux produits importés
en droiture et sur présentation des justifications d'origine réglemen-
taires. Les bois et les huiles de palme de la cote occidentale d'Afrique
sont admis sans limitation à ce régime de faveur : pour les autres pro-
duits un décret fixe annuellement les quantités qui peuvent seules
bénéficier de ces avantages. 11 convient d'ajouter un décret du 22 avril
1899 accordant en France aux cafés et cacaos du Congo (bassin conven-
tionnel) une détaxe égale aux droits perçu sur les produits similaires
étrangers en vertu du protocole de Lisbonne du 8 avril 1892 et un dé-
cret du 14 septembre 1898 accordant une détaxe de moitié aux cacaos
originaires de la Guinée française (Voir également 1042 bis).
(2) Celles de ces colonies dans lesquelles il existe des droits de douane
sont: le Sénégal et la Guinée française (Uéc. 14 avril 1905) et les éta-
blissements français de l'Océanie (Déc. : 9 mai 1899, 10 mars 1897 et
2 mai 1904).

— 887 —
vent, après transformation, être introduits en franchise dans
les colonies exclues du régime du tableau Ε (4). Les produits
étrangers, importés dans une de ces possessions après passage par
une autre colonie, n'ont à supporter que la différence entre les
droits du tarif local et ceux du tarif de la colonie d'exportation.
1042. Les produits originaires de France ne sont frappés
d'aucun droit de douane et acquittent seulement les taxes de
consommation établies dans la colonie. Il en est de même des
produits originaires d'une autre colonie française sans aucune
distinction.
1042 bis. En règle générale, dans les colonies dont certains
produits bénéficient à l'entrée en France d'un régime de faveur,
les denrées de même nature importées de l'étranger sont, pour
éviter la fraude, frappées d'un droit de douane correspondant
à l'avantage accordé dans la métropole. Ce principe n'est pas
toutefois sans exception, car il est possible que ce droit de
douane ne puisse être établi. Il en est ainsi aux Nouvelles-
Hébrides; telle est la situation dans la partie française du bas-
sin conventionnel du Congo (n° 960). Il en est de même égale-
ment dans la zone africaine où la convention signée avec l'An-
gleterre le 14 juin 1898 ne permet pas à la France d'établir de
droits différentiels. Ainsi un décret du 23 août 1900 a, confor-
mément à la loi du 17 juillet précédent, autorisé l'application
au café originaire des territoires de la cote occidentale d'A-
frique (le Gabon et le Congo conventionnel non compris) de la
détaxe de 78 francs par 100 kilos à l'entrée en France. Les
cafés originaires de la Côte d'Ivoire bénéficient de cet avan-
tage, mais dans cette même colonie les cafés importés de l'é-
tranger n'ont pu être frappés d'un droit de douane correspon-
dant. Ce droit ne pouvait.être établi que sous la forme d'un
droit à l'importation perçu sur les produits entrant dans la colo-
nie sans distinction de provenance. C'est ce que le décret du
14 avril 11)05 a réalisé sous la forme d'un droit d'importation.
Au contraire, le même décret a pu établir en Guinée française,
sur les cafés d'origine étrangère, une surtaxe de 78 francs par
100 kilos, égale au montant de la détaxe dont bénéficient à
leur entrée en France les cafés originaires de cette colonie.
(1) Circulaire de l'Adm. des douanes, 31 janvier 1894.

— 888 —
À cette zone où se trouve comprise la Côte d'Ivoire et qui
englobe également le Dahomey, et de même à la zone com-
prenant du Tchad au Nil les régions situées entre les paral-
lèles 5° et 14° -20', s'appliquent les dispositions de l'article 9 de
la convention franco-anglaise du 14 juin 1898, complétée par
la déclaration additionnelle du 21 mars 1899. D'après cette
convention, ratifiée après autorisation des Chambres par décret
du 27 juin 1899, dans les deux zones indiquées, l'égalité de
traitement la plus complète doit être maintenue, au point de
vue commercial, entre les nationaux français et anglais. Bien
que cette disposition ne lie directement la France qu'à l'égard
du gouvernement britannique, elle entrave aussi par voie de
conséquence sa liberté d'action envers toutes les puissances
auxquelles elle a accordé, sur l'étendue entière du territoire
national, la clause de la nation la plus favorisée. Dans ces deux
zones, en d'autres termes, il faut considérer aujourd'hui comme
impossible, pendant la durée prévue par la convention de 1898,
c'est-à-dire pendant trente ans, l'établissement de tout tarif de
droits de douane proprement dits.'
1042 ter. Nous venons (1042 bis) de mentionner les Nou-
velles-Hébrides parmi les pays dont les produits peuvent béné-
ficier en France d'un régime de faveur. Cet archipel est, en
effet, soumis à des règles particulières. L'article 2 de la loi du
30 juillet 1900 a prévu que des décrets rendus dans la forme
des règlements d'administration publique pourraient fixer le
régime applicable, à l'entrée en France et dans les colonies
françaises, aux produits récoltés ou fabriqués dans les îles de
l'Océan Pacifique n'appartenant à aucune puissance civilisée.
Conformément à cette disposition, un décret du 12 novembre
1901 a soumis à un régime de faveur, à l'entrée en France et
en Nouvelle-Calédonie, les produits originaires des Nouvelles-
Hébrides, les maïs, les cafés, cacaos et vanilles. Un décret du
16 avril 1904 a étendu ce môme régime à l'introduction des
produits des Nouvelles-Hébrides dans les colonies françaises
autres que la Nouvelle-Calédonie. Des décrets annuels déter-
minent les quantités de ces produits appelées à bénéficier du
régime de faveur.
Ce régime spécial, qui tend à développer la production fran-
çaise aux Nouvelles-Hébrides, est fortifié d'autre part par un décret

— 889 —
en forme de règlement d'administration publique, portant la
date du 24 juillet 1902. Ce décret exempte complètement de
droits de douane à leur entrée en Nouvelle-Calédonie les ba-
nanes, ignames, taros, fruits à pain, cœurs de cocotiers,
oranges, citrons, ananas, évis, originaires de l'archipel.
Dans l'un et l'autre cas, les produits favorisés doivent être
accompagnés d'un certificat d'origine délivré par le délégué du
commissaire général dans les Nouvelles-Hébrides.
§ 4. — Droits d'octroi de mer.
1043. Dans les colonies, l'octroi de mer frappe d'une taxe de
consommation, établie au profit de l'ensemble des communes,
les-produits de toute nature et de toute provenance dénommés
au tarif local. Par son essence même, il est donc sans influence
sur le régime commercial de notre empire colonial et son étude
ne devrait pas trouver place dans ce chapitre si, à de certains
moments, les conseils généraux n'en avaient dénaturé le ca-
ractère et transformé ces droits de consommation en une taxe
douanière affectant les relations commerciales des colonies
avec la métropole.
1044. Originaire d'Algérie, où il a été créé pour remplacer
l'octroi de terre perçu depuis la conquête aux portes d'Alger,
introduit aux colonies vers 1848 dans le but de procurer de
nouvelles ressources aux communes, l'octroi de mer est une
institution sui generis, possédant les principaux caractères des
octrois municipaux établis en France, tout en s'en distinguant
très nettement sur un certain nombre de points.
1045. La différence la plus essentielle est relative à l'étendue
de la zone dans laquelle sont perçus ces droits : tandis que les
octrois municipaux portent seulement sur la consommation
locale, dans les limites d'un périmètre ne dépassant pas le
territoire de la commune, l'octroi de mer s'étend à la colonie
tout entière, à tout le pays compris entre les frontières de
terreet de mer (1).
(1) La Cour de cassation s'est basée entre autres motifs sur la consi-
dération suivante pour déclarer nuls et non avenus comme inconstitu-
tionnels plusieurs arrêtés du gouverneur de la Réunion (Cass. civ. 7 mai
1861. S. 61.1.728; 29 février 1868, 3.68.1.178 ; 11 mars 1885, S. 85.1.
425) : « La nature et l'essence mêmes des droits d'octroi sont de se

— 890 —
1046. En second lieu, tandis que l'octroi municipal est éta-
bli au profit d'une seule commune, les droits d'octroi de mer
sont perçus pour l'ensemble des communes de la colonie : le
produit net, après prélèvement de la part versée au trésor co-
lonial en compensation des frais de perception, est réparti
par arrêté du gouverneur, pris en conseil privé (1), entre les
communes selon certaines règles fixées par décret. Aucun
prélèvement autre que celui des frais de perception ne peut
être légalement opéré au profit du budget local : le produit
net de l'octroi doit, tout entier, faire retour aux communes (2).
1047. Enfin, tandis qu'en France les objets assujettis aux
droits d'octroi ont été longtemps limités par les dispositions
restrictives du décret du 17 mai 1809 et de la loi du 28 avril
1816, aux colonies, l'octroi de mer, faute d'un texte formel, a
pu s'appliquer à tous les objets destinés à la consommation
locale, aussi bien aux objets manufacturés qu'aux boissons,
matériaux, fourrages, comestibles et combustibles.
1048. Les droits d'octroi de mer doivent, comme les droits
d'octroi de terre, posséder le caractère de taxe fiscale pure et
simple, sans aucun caractère différentiel soit entre les objets
de telle ou telle provenance, soit entre les objets amenés du
dehors et ceux produits dans la colonie. Ils doivent donc
frapper également les produits récoltés ou fabriqués dans la
colonie et les marchandises importées soit de France, soit de
l'étranger, sans qu'aucune différence de traitement puisse être
établie à raison de l'origine, de la provenance, du pavillon
importateur ou de la destination : toute dérogation à ce prin-
référer uniquement à la consommation locale dans les limites d'un octroi
municipal circonscrit au territoire de la commune au profit de laquelle
il est établi, et la taxe qui étend son action au périmètre tout entier
de l'île et qui atteint ainsi la consommation générale du pays, présente
les caractères constitutifs d'une taxe douanière. » Cet argument nous
semble présenter peu de fondement et constituer une interprétation
trop rigoureuse du mot consommation locale : le caractère de l'octroi

résulte moins de sa perception au profit d'une seule commune déter-
minée que de son affectation aux besoins municipaux, et, en l'absence
de texte formel, l'union des communes pour la perception de leur
cctroi ne parait pas suffisante pour modifier la nature des droits ainsi
établis.

(1) Le conseil général ne saurait légalement se substituer au gouver-
neur pour opérer cette répartition. (Avis Cons. d'Et. Fin. 13 mars f 889.)
(2) Avis Cons. d'Et. Fin. 10 juin 1890.

— 891 -
cipe a pour effet de transformer les droits d'octroi de mer en
une taxe douanière, et l'illégalité d'une pareille mesure a été
reconnue à maintes reprises par le Conseil d'Etat et la Cour
de cassation (1). Ce principe ne fait pas obstacle cependant à
ce que l'exonération des droits d'octroi de mer soit accordée
aux approvisionnements, denrées et objets divers destinés
aux services publics (2) ou aux compagnies de navigation
subventionnées.
1049. Le sénatus-consulte de 1866, en même temps qu'il
émancipait les Antilles et la Réunion au point de vue du ré-
gime douanier, avait donné le droit aux conseils généraux de
ces colonies de voter librement, sans aucune intervention du
gouvernement métropolitain, les tarifs d'octroi de mer sur les
objets de toute provenance; les délibérations des assemblées
locales, relatives à ces matières, étaient exécutoires par elles-
mêmes si, dans le délai d'un mois, le gouverneur n'en avait
pas demandé l'annulation. Certains conseils généraux s'em-
pressèrent d'abuser de cette liberté pour accorder une protec-
tion illégale aux produits originaires de la colonie; arguant
des mots : objets de toute provenance, ils ne perçurent l'octroi
que sur les objets importés, sans y assujettir les objets simi-
laires produits à l'intérieur de la colonie. Les droits ainsi
établis et frappant indistinctement les produits étrangers et
les produits français ne présentaient pas vis-à-vis de ces
derniers le caractère protecteur, [le caractère différentiel propre
aux droits de douane, mais ces mêmes droits, en n'atteignant
pas les objets similaires fabriqués ou produits dans la colonie,
affectaient vis-à-vis de ces derniers le caractère de droits
différentiels, tandis qu'il est de la nature et de l'essence
même des droits d'octroi de se référer uniquement à la con-
sommation locale, sans jamais tenir compte de l'origine des
produits.
1050. L'expérience montrait ainsi, pour l'octroi de mer
comme pour les droits do douane, que les libertés accordées
(1) Cass. 11 mars 1885 (S. 83.1.425), ο juin 1889 (S. 90.1.326), 7 jan-
vier 1896 (S. 96.1.409); Paris. 20 juillet 1887 (S. 89.2.34); Cons. d'Ét.
Fin. 15 novembre 1892, 18 juillet 1893, 16 janvier 1894, 3 juillet 1894.
(2) Cette exonération s'étend alors aussi aux marchandises envoyées
à un négociant et livrées par lui a un service public en exécution d'un
marché de fournitures (Cass. 5 juin 1889, S. 90.1.327).

— 892 —
aux colonies étaient exagérées, que leur émancipation com-
merciale était trop complète : le remède fut apporté là aussi
par la loi du 11 janvier 1802. Pour empêcher que les rapports
de la métropole avec les établissements d'outre-mer ne soient
troublés par des décisions prises parfois d'une manière intem-
pestive, le législateur a soumis toutes nos possessions à une
règle uniforme pour l'octroi de mer. Il a décidé que les déli-
bérations des conseils généraux ou des conseils d'administra-
tion de toutes les colonies sans exception, relatives au mode
d'assiette, aux règles de perception et au mode de répartition
de l'octroi de mer, doivent être approuvées par des décrets
rendus dans la forme des règlements d'administration publique
et que les tarifs d'octroi de mer votés par les assemblées loca-
les sont rendus exécutoires par décrets contresignés par le
ministre des colonies (1). Cependant des arrêtés du gouverneur
peuvent autoriser l'application provisoire de ces tarifs et,
comme aucun délai n'a été imparti par la loi au Gouvernement
pour promulguer le décret en question, on peut en conclure
qu'il n'y a aucune limite à cette application provisoire des
tarifs votés par les conseils locaux (2).
(1) Celle? de nos colonies dans lesquelles existe l'octroi de mer sont:
la Martinique (Déc. 7 décembre 1889, 19 août 1891, 27 août 1898, 16 mai
1899 et 3 juin 1902), la Guadeloupe (Déc. 16 mars 1891, 20 octobre 1897,
23 octobre 1898. 12 janvier 1900, 3 juin 1902 et 5 septembre 1903), la
Guyane (Déc. 11 mars 1897 et 31 mai 1897), Saint-Pierre
et Miquelon
(Déc. 25 novembre 1890, 30 août 1893, 10 août 1895, 7 décembre 1895,
0 juillet 1901 et 3 avril 1903), la Réunion (Déc. 17 février 1891), la
Nouvelle-Calédonie (Déc. 1" août 1897, 30 décembre 1897, 3 février 1899
et 10 janvier 1901), les établissements français de l'Océanie (Déc.
11 mars 1897, 5 décembre 1900, 2 mai 1904 et 26 février 1905). Au Sé-
négal il n'y a pas d'octroi de mer, mais seulement trois octrois muni-
cipaux à Saint-Lou's, à Corée et à Dakar (D. 7 mars 1884 et 9 février 1889).
Dans presque toutes nos colonies il existe, en outre, des droits d'im-
portation, perçus au profit de la colonie. (Voir n° 930.)
(2) Il a déjà été parlé précédemment (V. n° 970) des droits de sortie
établis dans certaines colonies pour tenir lieu de l'impôt foncier dont
la perception entraînerait trop de difficulté dans des pays neufs. Il
n'existe point jusqu'à présent, dans notre empire colonial, de droits de
sortie institués dans un but économique, en vue de réserver les matières
premières a l'industrie locale et on s'est même demande s'il serait pos-
sible d'établir de telles taxes par des règlements d'administration pu-
blique. La loi du 11 janvier 1892 nous semble avoir donné très nette-
ment ce pouvoir aux décrets en Conseil d'Etat : le tableau des droits de
sortie peut ètre modifié comme celui des droit d'entrée et comprendre
des prohibitions spéciales à telle ou telle colonie.

— 893 —
1050 bis. Les hésitations que nous avons rencontrées dans
la doctrine nouvelle de la cour de cassation sur le caractère
douanier de certaines taxes (n° 956) doivent être rappelées
tout spécialement lorsqu'il s'agit de droits d'octroi de mer.
C'est même à l'occasion d'un droit d'octroi de mer et des
circonstances dans lesquelles il était établi que la cour suprême
a paru vouloir considèrer (1) comme taxe douanière tout droit
« différentiel ou protecteur ». Inversement, dans cette doctrine,
les droits d'octroi de mer, lorsqu'ils atteignent non seulement
les marchandises importées, mais encore les objets similaires
fabriqués ou produits dans le pays, ne pourraient être consi-
dérés comme ayant le caractère de taxes de douanes.
§ 5. — Règles de perception. Personnel des
douanes coloniales.
1051. Les colonies sont régies actuellement par la même
législation que la métropole pour ce qui concerne les règles
de perception et les pénalités en matière de douanes. Cette
uniformité est toute récente et remonte seulement au décret
du 16 février 1895, qui a mis fin à un désaccord entre le Con-
(1) Cass. Civ., 15 mars 1898 (Aff. Cayrol). D. P. 1900.1.425. — Attendu
en fait que les droits d'octroi de mer dont C. réclamait la restitution,
dans l'espèce, pour la période comprise entre le 15 janvier 1892 et le
6 mars 1895, ont été perçus en vertu d un arrêté du gouverneur de la
Guadeloupe du 22 décembre 1874, rendant provisoirement exécutoire
une délibération du conseil général de cette colonie, en date du 9 du
même mois, et en vertu d'un décret du 16 mars 1891, rendu sur le
rapport du ministre du Commerce, de l'Industrie et des Colonies, déter-
minant pour la Guadeloupe les articles soumis aux droits d'octroi
et l'assiette ainsi que le mode de perception de ces droits : — qu'il
n'importe que la loi du 11 janvier 1892 ait pu formuler d'autres pres-
cription et soumettre notamment les délibérations des conseils géné-
raux des colonies sur l'assiette, les règles de perception et le mode de
répartition de l'octroi de mer à une approbation par décrets rendus
dans la forme des règlements d'administration publique, cette loi ne
disposant que pour l'avenir et n'ayant pas d'effet rétroactif; — qu'il
n'importe non plus, en présence du droit de voter les tarifs d'octroi de
mer que conférait en termes absolus au conseil général le sénatus-
consulte du 4 juillet 1866, que cette taxe présente en soi, comme de
fait dans l'espèce, certains des caractères douaniers ; — que dès lors
l'arrêt attaqué n'a fait en ce point qu'une juste application des disposi-
tions applicables à la cause; par ces motifs, etc. — Cf. également Cass.
civ. 27 novembre 1901 (Aff. Cayrol-Bourjac) — Voir n° 956 note.

— 894 —
seil d'État et la Cour de cassation. La section des finances,
consultée par le ministre, avait estimé que l'application des
tarifs métropolitains aux colonies, en exécution de la loi du
11 janvier 1892, entraînait ipso facto l'application aux colonies
de toute la législation métropolitaine concernant les douanes (1 ),
mais la cour régulatrice, dans un arrêt postérieur (2), n'avait
pas partagé cette manière de voir et avait déclaré que les lois
et décrets en vigueur en France n'étaient pas devenus exécu-
toires dans les établissements d'outre-mer. Le Gouvernement
mit un terme à ces difficultés d'interprétation en promulguant
aux colonies les principaux textes métropolitains par les
décrets des 16 février 1895, 6 septembre 1895 et 17janvier 189G.
Le Gouvernement étend autant que possible aux colonies,
en matière de douanes, les principaux textes métropolitains.
Ainsi sont intervenus des décrets des 17 août 1897, 25 octo-
bre 1897, 31 mai 1898 et par celui du 20 août 1905 qui
a étendu aux colonies soumises au tarif général la loi du
1er mai précédent sur les répressions des fraudes en matière
de douane et de sels.-
Le fonctionnement du service des douanes a été réglementé
à la Côte d'Ivoire par décret du 2G janvier 1897, au Dahomey
par décrets des 28 septembre 1897, 2G octobre 1900, 28 jan-
vier 1902 et 19 mars 1903, à la Côte des Somalis par décret
du 18 août 1900. Un décret du 8 mars 1900 a réglementé le
paiement des droits à l'importation à Saint-Pierre et Miquelon.
Dans le même ordre d'idées, il convient de citer la création
dans certaines de nos possessions de l'entrepôt réel et l'établis-
sement de magasins généraux. Un décret du 19 juin 1900 a
autorisé l'ouverture de magasins généraux dans la colonie de
Madagascar. Ces magasins ne peuvent être établis que dans
les localités désignées par des décisions du gouverneur géné-
ral et qu'en vertu d'arrêtés pris par le gouverneur général
après avis du conseil d'administration, à la suite de contrats
spéciaux à chaque entreprise. Les magasins généraux sont
destinés à opérer la conservation et la manutention des marchan-
dises qui y sont déposées, et à favoriser la circulation des
1) Avis C. d'Etat Finances 17 janvier 1893.
(2) Cass. 27 avril 1894, 595.1.301.

— 895 —
marchandises et le crédit fondé sur leur nantissement par
l'émission de récépissés et de warrants. Ce régime a été établi à
Tamatave, où un entrepôt de douanes avait été déjà créé par
un décret du 27 juillet 1898; il y a été institué suivant con-
ventions du 27 juin 1900 et du 27 septembre 1904 et décrets
des 1er juillet, 24 décembre 1900 et 30 septembre 1904.
Des décrets du 1er février 1901 ont, à Djibouti, dans des
conditions analogues, établi le régime de l'entrepôt réel et
autorisé l'ouverture de magasins généraux.
Le régime de l'entrepôt fictif a été spécialement réglementé
en Nouvelle-Calédonie par décret du 28 octobre 1898; le
régime de l'entrepôt réel et fictif a été réglementé dans les
établissements français de l'Océanie par décret du 10 jan-
vier 1897. Un décret du 19 octobre 1901 a concédé l'entrepôt
réel des douanes à la commune de Diégo-Suarez.
L'entrepôt fictif a été établi en Indo-Chine dans les condi-
tions prévues par les décrets des 29 novembre 1892 et
17 août 1897. Ces décrets avaient limité la création d'entrepôts
fictifs, en Indo-Chine, aux villes de Saigon, Tourane, Haï-
phong, Hongay, Hanoï, ainsi qu'à des points de la frontière
sino-annamite déterminés par arrêtés du gouverneur général.
Un décret du 1er septembre 1903 a ajouté à cette liste le port
de Cam-Ranh (Annam).
Un décret du 8 janvier 1902 enfin a autorisé le receveur
principal des douanes et régies de l'Indo-Chine à accepter sous
responsabilité des traites cautionnées à 4 mois d'échéance
pour le paiement des taxes dont la perception est opérée par
son service.
1052. L'article 6 de la loi du 11 janvier 1892 a mis à la
charge des colonies, les dépenses du service des douanes tant
pour le matériel que pour le personnel. Des décrets, pris en
exécution de cette disposition, ont déterminé les sommes à
inscrire au budget local de chaque colonie pour le fonctionne-
ment de ce service et des arrêtés ministériels ont fixé, d'après
les ressources ainsi établies, le cadre du personnel employé
dans chacune de nos possessions.
Conformément à un décret du 13 mai 1899, les inspecteurs
des douanes coloniales de 1re classe, comptant dans le grade
dix années d'exercice en qualité de chef de service, peuvent

— 896 —
être promus au grade de directeur, au titre colonial. Mais les
directeurs ainsi nommés ne peuvent être réintégrés dans les
cadres qu'en qualité d'inspecteurs ou de receveurs principaux.
1053. En Indo-Chine, le personnel de la douane comprend à
la fois des agents européens et. des préposés asiatiques : il
dépend exclusivement du ministre des Colonies et est régi par
les décrets des 1G octobre 1901 et 10 juin 1905.
1054. Dans les autres colonies, les fonctionnaires et agents
des douanes font partie du service métropolitain, tout en étant
détachés sous les ordres du ministre des Colonies (1). Ils
jouissent d'avantages spéciaux pour le traitement et la retraite
et ont droit, après 5 ans de services aux colonies, d'être placés
en France avec le grade dont ils sont titulaires, quelle que soit
leur ancienneté dans ce grade. La durée du séjour est limitée
à trois ans pour ces mêmes fonctionnaires et agents, lorsqu'ils
servent à la Guyane, au Sénégal, au Dahomey et au Gabon,
mais ils ne peuvent être replacés en France ou en Algérie,
avec un nouveau grade, qu'autant qu'ils ont été employés
pendant deux ans dans ce grade et dans ces mêmes colonies.
Tous ces fonctionnaires ne sont admis d'ailleurs à prendre
rang dans les douanes de France et de l'Algérie qu'en raison
du nombre des vacances qui s'y produisent. Ces emplois sont
réservés aux fonctionnaires et agents des douanes coloniales
dans la proportion de 5 0/0 pour le personnel administratif
et de 2 0 0 pour le personnel actif (2).
ARTICLE 2. — Banques coloniales.
§ 1er. — Banques des Antilles, de la Réunion, du Sénégal
et de la Guyane.
1055. En même temps qu'il proclamait l'abolition de l'es-
clavage, le décret du Gouvernement provisoire du 27 avril 1848
établissait le droit pour les colons, possesseurs d'esclaves, de
recevoir une Indemnité.
L'Assemblée constituante se préoccupa bientôt de réaliser
la promesse faite par ce décret, et la loi du 30 avril 1849 fixa
(1) Ord. 25 octobre 1829.
(2) V. Déc. 8 février 1802 ; 2 octobre 1875 ; 15 août 1885.

— 897 —
l'indemnité qu'elle répartit entre les colonies suivantes : Mar-
tinique, Guadeloupe, Réunion, Guyane, Sénégal, Nossi-Bé et
Sainte-Marie. (V. n° 1059.)
Mais les colonies, fortement atteintes par cette brusque
transformation du travail, avaient besoin d'avances considé-
rables pour assurer la récolte et payer les salaires des nou-
veaux affranchis; le crédit n'existait pas encore, c'était le com-
merce qui subvenait aux besoins de la grande culture; or, ces
avances étaient faites à des conditions fort onéreuses pour le
planteur ; le taux d'intérêt et les diverses commissions pré-
levées montaient à 15 et 16 0/0. 11 ne se présentait qu'un seul
moyen d'arracher l'agriculture des mains de ses créanciers :
c'était de fonder des établissements de crédit.
Unecommission parlementaire fut nommée à l'effet de créer
et d'organiser dans les colonies des banques de prêt et d'es-
compte. La nécessité de pareilles institutions était incontes-
table, mais de quelle manière devait-on les créer? Il n'était
guère possible, dans l'état général des affaires coloniales, de
compter sur les souscriptions volontaires que dans une me-
sure très restreinte et insuffisante.
1056. Aux termes de la loi du 30 avril 1849, article 2, l'in-
demnité accordée aux colons, et qui devait leur être répartie
en proportion du nombre des noirs qu'ils possédaient lors de
la loi d'affranchissement, se composait de deux éléments.
Une somme de 6 millions payable, en numéraire et en to-
talité, trente jours après la promulgation de la loi;
Une rente de 6 millions à 5 0/0, inscrite au grand-livre de
la dette publique, dont les inscriptions devaient être délivrées
aux ayant droits à partir du 1er octobre 1852.
Sur cette dernière partie de l'indemnité, un huitième de la
partie de la rente afférente aux colons de la Martinique, de la
Guadeloupe et de la Réunion (1) devait être prélevé pour ser-
vir à l'établissement d'une banque de prêt et d'escompte dans
chacune de ces colonies. Toutefois, les colons dont l'indem-
nité totale n'excédait pas 1,000 francs étaient exemptés de
cette obligation.
(1) La loi avait fixé la part afférente à chaque colonie : la Martinique
la Guadeloupe et la Réunion recevaient environ les 11/12es de la somme
totale.
COLONIES, I.
57

— 898 —
En échange de ce prélèvement, tout colon indemnitaire
reçut des actions de la banque jusqu'à concurrence de la re-
tenue que sa part avait subie dans l'indemnité.
De ces dispositions découlent naturellement diverses consé-
quences.
D'abord le capital de la banque ne devait être connu défini-
tivement qu'une fois la liquidation de l'indemnité terminée.
En second lieu, l'entreprise, quoique commerciale par es-
sence, n'était pas faite par des spéculateurs se réunissant pour
former une société ; les indemnitaires se trouvaient associés
malgré eux de par la loi.
Enfin la société, commençant avec l'origine même du droit
des indemnitaires et avant que le droit individuel de chacun
d'eux ait pu être constaté, les intéressés ne pouvaient être
préalablement réunis pour présenter des projets de statuts.
1057. Aussi le législateur renvoyait-il au gouvernement le
soin de déterminer par des règlements d'administration pu-
blique l'organisation des banques coloniales. Mais, une partie
des points à traiter par les statuts étant en quelque sorte la
condition du privilège accordé par la loi, la commission de
l'Assemblée législative demanda que les statuts fussent joints
à la loi, examinés et votés par le pouvoir législatif.
La loi et les statuts annexés furent votés le 11 juillet 1851.
Cette loi fixa définitivement à 3 millions le capital de cha-
cune des banques de la Martinique (1), de la Guadeloupe et
de la Réunion.
1058. La Guyane fut adjointe aux autres colonies. Le capital
de là banque, fixé d'abord à 700,000 francs, fut réduit à
300,000 francs sur la demande des intéressés, puis élevé par
décret du 5 juillet 1863 et maintenu par décret du 4 no-
vembre 1875 à 600,000 francs.
La banque du Sénégal fut organisée par décret du 21 dé-
cembre 1853; le capital fixé à 230,000 francs; puis augmenté
en 1874, a été porté à 600,000 francs (Déc. 4 juillet 1888) jus-
qu'au jour où elle est devenue la banque de l'Afrique occiden-
tale.
(1) Une loi en date du 31 mars 1905 a fixé à Fort-de-France le siège de
la banque de la Martinique.

— 899 —
Toutes ces banques sont régies par les mêmes lois et sta-
tuts, sauf certaines modifications introduites par le décret du
2 décembre 1834 en ce qui concerne les banques de la Guyane
et du Sénégal, et que nous indiquerons plus loin.
1039. La durée des sociétés ainsi constituées était fixée à
vingt années à partir de la promulgation de la loi dans chaque
colonie; c'est par suite dans le cours de l'année 1871 que le
privilège aurait dû être renouvelé. Les événements politiques
ayant retardé cette mesure, des décrets, rendus annuellement
maintinrent la situation jusqu'à ce qu'une loi nouvelle, élaborée
par l'Assemblée nationale, pût donner satisfaction à certaines
réclamations des banques.
La loi du 24 juin 1874 a prorogé le privilège des banques
de vingt années à partir du 11 septembre 1874. Par suite de
certaines modifications introduites dans les lois antérieures et
de la suppression des parties de ces lois qui ne présentaient
qu'un caractère transitoire, cette loi et les nouveaux statuts y
annexés fixent aujourd'hui le régime des banques coloniales.
Le privilège des banques expirait le 11 septembre 1894 : un
arrêté ministériel du 21 juillet 1894 institua une commission
chargée d'étudier le renouvellement de ce privilège; en atten-
dant le résultat des travaux de cette commission, ce privilège a
été successivement prorogé jusqu'au 1er janvier 1902 par les
décrets des 10 juillet 1894,
21 décembre 1895, 13 dé-
cembre 189G, 18 décembre 1897, 27 décembre 1898, 28 no-
vembre 1899 et 9 novembre 1900. Puis une loi en date du
13 décembre 1901 a prorogé de dix années à partir du 1er jan-
vier 1902 le privilège des banques coloniales.
1060. Capital des banques. — Augmentation. — Diminu-
tion. Le capital des banques ne fut pas formé, ainsi que nous
l'avons dit plus haut, au moyen d'argent fourni par des sous-
cripteurs, mais par des titres de rente accordés par l'État et
prélevés sur les indemnitaires.
La loi de 1849 ne semblait pas autoriser la banque à aliéner
ou à engager ces titres de rente. Si elle n'avait pas été modi-
fiée, les inscriptions de rente déposées dans les caisses de la
banque n'auraient offert qu'une garantie illusoire des billets
émis par elle. En effet, l'encaisse métallique n'existant pas,
les billets seraient devenus une monnaie de papier non rem-

— 900 —
boursable, ayant cours forcé et dont l'émission n'eût pas tardé
à égaler le capital. La confiance si nécessaire, surtout à l'ori-
gine des institutions de crédit, aurait bientôt fait défaut, et
les banques, frappées de discrédit, auraient perdu tout moyen
d'agir efficacement sur la production coloniale.
Le législateur de 1851 comprit le danger d'un pareil sys-
tème et conféra aux banques, sous le contrôle du ministre des
Colonies, le droit de disposer librement des inscriptions de
rente pour arriver à la réalisation du capital nécessaire à leurs
opérations.
Ce pouvoir a été maintenu par la loi de 1874.
Un décret du 15 avril 1863, rendu en forme de règlement
d'administration publique, avait décidé que les inscriptions de
rente 3 0/0 formant le capital social des banques coloniales
seraient évaluées à 75 francs par 3 francs de rente. Cette éva-
luation ne correspondant plus à l'état du marché financier, un
décret pris dans la même forme le 19 avril 1902 a fixé à
90 francs le taux de capitalisation des rentes 3 0/0 formant le
capital social des banques coloniales. Ce taux de capitalisation
est calculé de manière à laisser une disponibilité de 10 0/0
entre la valeur nominale des rentes et la valeur à leur attri-
buer pour la fixation du maximun des engagements des banques.
1061. Le capital de chacune des banques ne peut être aug-
menté ou réduit que dans le cas où une modification a été
reconnue nécessaire par délibération de l'assemblée générale
des actionnaires, convoquée expressément à cet effet. Cette
délibération doit être approuvée par le gouverneur en conseil
privé et sanctionnée par un décret rendu en Conseil d'État.
S'il s'agit d'une augmentation de capital, la délibération dé-
termine la portion des fonds de réserve qui peut y être affec-
tée. S'il s'agit d'une diminution, elle doit être opérée par le
remboursement d'une portion du capital sur chaque action,
sans que ce remboursement puisse excéder 125 francs par
action (1).
La banque de la Réunion, pour faire face aux besoins de la
colonie —et notamment pour faciliter, par une extension plus
large du crédit, la transformation des cultures, — a demandé
(1) L. 24 juin 1874, art. 2.

— 901 —
en 1884 au Gouvernement l'autorisation de porter son capital
de 3 à 4 millions. Pour arriver à la réalisation de cette somme,
la banque proposa la création de 2,000 actions nouvelles de
500 francs, attribuées exclusivement aux actionnaires, pro-
portionnellement au nombre d'actions dont ils étaient pro-
priétaires. Cette délibération de l'assemblée générale fut
approuvée par décret en date du 15 décembre 1884 (1).
Un décret en Conseil d'Etat du 5 juillet 1889 a réduit le
capital de la banque de la Réunion de 4 à 3 millions de francs,
cette dernière somme paraissant mieux en rapport avec le mou-
vement d'affaires de la place; la réduction a eu lieu après avis
favorable du conseil général de la colonie et de l'assemblée
générale des actionnaires.
La banque de la Réunion était intervenue en 1892 pour évi-
ter la crise que pouvait faire naître dans la colonie la chute
alors menaçante du Crédit agricole et commercial; le concours,
d'ailleurs inutile, qu'elle avait prêté dans cette circonstance,
avait été pour elle l'occasion d'une perte de plus de 3 mil-
lions. Pour indemniser la banque, le conseil général de la
Réunion a décidé, par délibération du 30 septembre 1897, de
lui allouer une somme de 1,500,000 francs, payable par an-
nuités de 100,000 francs, sans intérêts. Cette délibération a
été approuvée et rendue exécutoire par décret en Conseil d'État
du 8 juillet 1898.
1062. Assemblée générale. L'universalité des actionnaires de
la banque est représentée par l'assemblée générale. Celle-ci se
compose des 100 actionnaires qui, d'après les registres de la
banque, sont, depuis six mois révolus, propriétaires du plus
grand.nombre d'actions. Pour les banques de la Guyane et du
Sénégal, ce chiffre est réduit à 30. En cas de parité dans le
nombre des actions, l'actionnaire le plus anciennement inscrit
est préféré ; s'il y a aussi parité de date d'inscription, c'est l'ac-
tionnaire le plus âgé qui obtient la préférence. Toutefois, nul
actionnaire non Français ne peut faire partie de l'assemblée
générale s'il n'a son domicile depuis cinq ans au moins dans
la colonie, dans une autre colonie française ou en France.
Les statuts règlent le fonctionnement de l'assemblée géné-
(1) B.. O. .)/. 1884, 2e sera., p. 1131.

— 902 —
rale : il ne nous paraît pas utile de les reproduire; nous cite
rons seulement les points suivants :
Tout actionnaire qui veut soumettre une proposition à l'as-
semblée générale doit en donner avis cinq jours à l'avance au
conseil d'administration (art. 35); si le renvoi de l'assemblée
générale à une époque ultérieure était prononcé, ce renvoi ne
saurait suspendre tout dépôt de nouvelles propositions, la seule
condition imposée par la loi consistant dans le dépôt de la
proposition cinq jours avant la réunion d'une assemblée géné-
rale quelconque (1).
Les décisions de l'assemblée générale sont prises à la majo-
rité des voix; toutefois, elles ne sont valables dans une pre-
mière réunion qu'autant que 50 membres au moins (15 pour
les banques de la Guyane et du Sénégal) y ont participé par
eux-mêmes ou par leurs fondés de pouvoir.
Dans le cas où ce nombre n'est pas atteint, l'assemblée est
renvoyée à un mois et les membres présents à cette nouvelle
réunion peuvent délibérer valablement, quel que soit leur
nombre, mais seulement sur les objets qui ont été mis à
l'ordre du jour de la première réunion.
1063. Conseild'administration . L'administration de la ban-
que est confiée à un conseil composé du directeur et de quatre
administrateurs. Le trésorier de la colonie est de droit adminis-
trateur, les trois autres sont élus par l'assemblée des action-
naires. Le conseil d'administration est assisté de deux censeurs.
En entrant en fonctions, chacun des trois administrateurs
élus est tenu de justifier de la propriété de 10 actions; pour
les banques de la Guyane et du Sénégal, ce chiffre est réduit
à 5. Ces actions demeurent inaliénables pendant la durée des
fonctions de l'administrateur.
Les administrateurs sont nommés pour trois ans et renou-
velables par tiers.
Le conseil d'administration se réunit au moins deux fois par
(1) Avis de la commission de surveillance des banques coloniales.
25 novembre 1876.
Pour la banque de l'Indo-Chine (n° 1093) il faut non seulement que la
proposition avait été déposée cinq jours d'avance, mais encore que le
conseil d'administration ait décidé qu'il y a lien de la porter à l'ordre du
pour de l'assemblée (art. 46 des statues modifiés en 1888).

— 903 —
semaine. Il se réunit extraordinairement toutes les fois que le
directeur le juge nécessaire, ou que la demande en est faite
par l'un des censeurs.
Aucune délibération n'est valable sans le concours du direc-
teur et de deux administrateurs et la présence de l'un au moins
des censeurs. Les délibérations sont prises à la majorité des
voix des membres présents ; en cas de partage, la voix du
président est prépondérante (art. 47).
Parmi les attributions du conseil, nous citerons : la nomina-
tion des employés, sur la proposition du directeur, le droit de
faire tous les règlements pour le service intérieur de la
banque et l'ouverture des guichets au public (1), la fixation du
taux de l'escompte et de l'intérêt. Dans la loi de 1874, on a
retranché les mots : dans les limites légales, qui figuraient à
l'ancien article 33 des statuts. Cette restriction, en effet, n'avait
pas de raison d'être : car, d'une part, en ce qui concerne
l'escompte, il n'existe pas de limite pour l'escompte de la
Banque de France, et, d'autre part, en ce qui concerne l'inté-
rêt, on n'a jamais considéré la loi de 1807, limitative du taux
de l'intérêt, comme étant applicable aux colonies, cette loi n'y
ayant pas été promulguée.
Aux termes de l'article 45 des statuts, le directeur ne peut
faire aucun commerce ni s'intéresser dans aucune entreprise
commerciale. Quoique l'article 37, qui confère au conseil d'ad-
ministration le pouvoir de nommer les employés, ne prévoie
pour ceux-ci aucun cas d'incompatibilité, la commission de
surveillance des banques coloniales a pensé que les conditions
restrictives de l'article 45 devaient être étendues par analogie
à tous les employés, et que, notamment, le secrétaire d'une
banque coloniale ne peut être en même temps commerçant (2).
(1) Cass.
req.
29 octobre
1901
(Affaire de
Vipart).
— Attendu
qu'en vertu du droit qui lui était ainsi conféré, le conseil d'administra-
tion a fixé de 8 heures à 7 heures du matin l'ouverture du guichet af-
fecté au remboursement des billets émis par la banque ; que le public
en a été averti par des affiches placardées dans les locaux de la banque ;
que l'arrêt constate que si de V... a subi un retard dans le rembourse-

ment des billets dont il était porteur c'est uniquement pour n'avoir pas
voulu se conformer aux indications données au public par le conseil
d'administration de la banque et se présenter au guichet à l'heure ré-
glementaire, etc.

(2) Avis de la commission de surveillance, 25 novembre 1876.

— 904 —
Les actions judiciaires sont exercées au nom du conseil
d'administration, aux poursuites et diligences du directeur.
Lorsqu'une action judiciaire est formée contre la banque,
celle-ci est-valablement assignée en la personne de son direc-
teur.
1064. Directeur. La population des colonies est peu
nombreuse, l'influence personnelle et les influences de famille
peuvent y jouer un grand rôle; il a donc paru convenable de
donner au Gouvernement métropolitain et aux autorités locales
qui le représentent une large part d'influence et d'action.
Nous avons déjà vu que le trésorier de la colonie était appelé
à faire partie de droit du conseil d'administration et que l'un
des censeurs était à la nomination du ministre des Colonies ;
le directeur de la banque ayant le droit absolu de juger en
dernier ressort de chaque opération proposée, puisque, aux
termes de l'article 43, nulle délibération ne peut être exécutée
que si elle est revêtue de la signature du directeur, et qu'au-
cune opération d'escompte ou d'avance ne peut être faite
sans son approbation, il importait qu'il fût, plus que tout autre,
soustrait aux influences locales. Aussi l'article 42 des statuts
réserve-t-il sa nomination au Président de la République,
appelé à faire un choix sur une liste triple de présentation
émanée de la commission de surveillance et sur le rapport
tant du ministre des Colonies que du ministre des Finances.
Le directeur ne peut être révoqué que par un décret du
Président de la République. 11 peut être suspendu par le gou-
verneur en conseil privé.
Avant d'entrer en fonctions, le directeur doit justifier de
la propriété de 20 actions (10 pour les banques de la Guyane
et du Sénégal) qui demeurent inaliénables et restent dé-
posées dans la caisse de la banque pendant la durée de ses
fonctions.
En cas d'empêchement, de suspension ou de cessation de
fonctions du directeur, le gouverneur nomme en conseil
privé, sur la proposition du conseil d'administration, un direc-
teur intérimaire qui a toutes les attributions du directeur
titulaire, mais qui n'est pas tenu à la justification de
20 actions. Le choix du gouverneur est alors entièrement libre ;
il n'est pas obligé de suivre les indications données par le

— 905 —
conseil d'administration, ni de lui demander de nouvelles
présentations. Le Conseil d'État s'est nettement prononcé dans
ce sens le 3 décembre 1897 (1).
1065. Censeurs. Les censeurs sont au nombre de deux :
l'un désigné par le ministre des Colonies, l'autre élu par
l'assemblée générale des actionnaires pour deux ans et rééli-
gible. Celui-ci doit posséder le même nombre d'actions inalié-
nables que les administrateurs. Un censeur suppléant est
nommé par l'assemblée des actionnaires; il remplit toutes les
fonctions attribuées au censeur électif en cas d'empêchement
de celui-ci : il est tenu des mêmes obligations et jouit des
mêmes prérogatives.
Le censeur désigné par le ministre était autrefois (de 1832
à 1891) l'inspecteur permanent des services administratifs des
colonies : le décret du 3 février 1901, qui a supprimé l'ins-
pection permanente des colonies, et l'arrêté ministériel du
16 février 1891 ont confié ces fonctions au chef du service
administratif. Un arrêté ministériel du 27 avril 1903 en a
chargé le secrétaire général. Ce censeur correspond avec le
gouverneur et le ministre; il rend chaque mois, et plus sou-
vent s'il y a lieu, compte au ministre de la surveillance qu'il
exerce. En cas de décès, démission ou empêchement, le gou-
verneur peut pourvoir d'urgence à son remplacement.
Le rôle des censeurs consiste à veiller spécialement à l'exé-
cution des statuts et règlements de la banque. Toutefois le
droit qui leur est conféré de proposer toutes les mesures
qu'ils croient utiles doit s'entendre seulement des mesures
propres à assurer cette- exécution ; en conséquence, les cen-
seurs n'ont pas le droit d'appeler l'examen des assemblées
générales sur des questions étrangères à cet objet, que les
conseils d'administration n'ont pas jugé à propos de soumettre
aux délibérations de ces assemblées (2).
(1) Avis de la commission de surveillance, 12 janvier 1867.
(2) C. d'Et. cont., 3 décembre 1897 (Aff. Beauperthuy et autres). —

Considérant que l'article 47 des statuts de la banque de la Guadeloupe
a réservé le droit du gouverneur de la colonie, en cas d'empêchement,
de suspension ou de cessation de fonctions du directeur, de nommer,
en conseil privé, un directeur intérimaire; — que. si, d'après la même
disposition, le gouverneur doit procéder à cette nomination sur la pro-
position du conseil d'administration de la banque, aucune disposition


— 906 —
l066. En 1869, la commission de surveillance des banques
coloniales avait émis l'avis que les fonctions d'administrateur
de la banque pouvaient être temporairement exercées par le
censeur électif, pendant l'absence d'un des administrateurs
titulaires. Elle se basait sur ces deux motifs : d'une part, le
censeur tenait comme les administrateurs ses pouvoirs de
l'élection; de l'autre, il était obligé comme eux de posséder en
garantie de l'exécution de son mandat le même nombre d'ac-
tions inaliénables. Lors de la revision de la loi et des statuts
en 1874, la banque de la Réunion avait proposé d'insérer aux
statuts cette innovation. Mais cette proposition n'a pas été
adoptée, elle a été remplacée par le dernier paragraphe de
l'article 50, aux termes duquel, en cas de décès ou de démis-
sion d'un administrateur élu, le conseil peut lui substituer un
autre actionnaire. Cet article ne prévoit pas l'hypothèse du
simple empêchement d'un des administrateurs, mais la
demande formée par la Réunion n'ayant pas été admise et cet
article lui donnant en partie satisfaction, nous pensons que
l'avis de la commission de surveillance ne pourrait plus être
aujourd'hui utilement invoqué.
1067. Dissolution, liquidation. Si, par suite de pertes sur
les opérations de la société, le capital est réduit des deux
tiers, la liquidation a lieu de plein droit. Si la réduction est
d'un tiers, l'assemblée des actionnaires, convoquée extraordi-
nairement, peut demander la liquidation. Mais, dans ce cas, il
ne suffit pas, pour qu'elle soit prononcée, de la majorité ordi-
naire pour rendre valables les délibérations de l'assemblée :
elle doit réunir la majorité en nombre et les deux tiers en
capital. Ce vote est ensuite soumis au gouverneur qui statue
par arrêté. En cas de dissolution, le gouverneur détermine
le mode à suivre pour la liquidation
et désigne les agents
qui en sont chargés (art. 57).
réglementaire ne l'oblige à se conformer dans son choix aux indications
données par ce conseil ; — considérant qu'il résulte de ce qui précède
que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour
excès de pouvoir de la décision par laquelle le gouverneur de la Gua-
deloupe a nommé directeur intérimaire de la banque de cette colonie,
après l'accomplissement des formalités prescrites par l'article précité,
un candidat autre que celui qui avait été proposé par le conseil d'admi-
nistration, etc.

— 907 —
Deux ans avant l'époque fixée pour l'expiration de la société,
l'assemblée générale est appelée à décider si le renouvel-
lement de la société doit être demandé au Gouvernement
(art. 58).
1068. Dividende et fonds de réserve. Tous les six mois,
les livres et comptes sont arrêtés et balancés; le résultat des
opérations de la banque est établi.
Les créances en souffrance ne peuvent être comprises dans
le compte de l'actif pour un chiffre excédant le cinquième de
leur valeur nominale. Il faut entendre par valeurs en souf-
france celles qui, n'étant pas susceptibles d'un renouvellement
acceptable, ne sont pas recouvrées à leur échéance et restent
impayées après protêt et accomplissement des formalités
propres à en amener le remboursement de la part des tiers,
sinon du principal obligé.
Ces valeurs doivent figurer
au bilan dès qu'elles demeurent impayées à l'échéance, sans
attendre la fin de l'exercice, avec leur valeur réduite, jusqu'à
ce que la perte soit devenue définitive ou que le payement ait
été effectué. Tant que le compte des valeurs en souffrance
n'est pas entièrement soldé, les recouvrements, de quelque
nature qu'ils soient et de quelque source qu'ils proviennent,
effectués sur lesdites valeurs, doivent être portés au crédit de
ce compte et ne peuvent figurer au compte de profits et pertes,
en augmenter l'actif et concourir ainsi à la formation de divi-
dendes à distribuer aux actionnaires.
Cette interprétation, faite par la commission de surveillance,
donna lieu à de vives réclamations de la part des banques
de la Martinique et de la Réunion. Elles prétendirent avoir le
droit de spécialiser chaque valeur en souffrance et d'appliquer,
au fur et à mesure que chacune d'elles donnerait lieu à un
recouvrement, les 4/5 de la somme recouvrée au compte
de profits et pertes, et 1/5 seulement au compte des va-
leurs en souffrance. La conséquence d'un pareil procédé,
si on l'eût admis, aurait été de laisser au débit du compte
des valeurs en souffrance 1/5 des valeurs complètement
caduques et d'autoriser la distribution, à titre de dividende,
d'une partie du capital. Les valeurs en souffrance doivent
être considérées comme un tout indivisible et solidaire ; il
doit donc être passé écriture, à l'époque de l'établissement

— 908 —
de chaque bilan trimestriel, de toutes les valeurs en souf-
france (1).
Avant toute distribution de dividende, il est fait sur les bé-
néfices nets et réalisés, acquis pendant le semestre, un pré-
lèvement de 1/2 0/0 du capital primitif; ce prélève-
ment est destiné à former un fonds de réserve. Un premier
dividende, correspondant à 5 0/0 du capital actuel, est ensuite
distribué aux actionnaires ; le surplus des bénéfices est partagé
en deux parties égales; l'une d'elles est répartie aux action-
naires comme dividende complémentaire, l'autre moitié est
attribuée pour 8/10 au fonds de réserve, 1/10 au directeur,
1 10 aux employés de la banque à titre de gratification. Dans
le cas où l'insuffisance des bénéfices ne permet pas de dis-
tribuer aux actionnaires un dividende de 5 0/0 sur le capital,
le dividende peut être augmenté jusqu'au maximum de 5 0 0
par un prélèvement sur la réserve, pourvu que ce prélèvement
ne la réduise pas au-dessous de la moitié du maximum sta-
tutaire. Ce maximum est fixé à la moitié du capital social, soit
1,500,000 francs pour les banques des Antilles et de la Réunion,
300,000 francs pour la banque de la Guyane et 150,000 francs
pour la banque du Sénégal.
1069. En ce qui touché la faculté conférée aux banques
de prélever sur le fonds de réserve les sommes nécessaires
pour compléter aux actionnaires un dividende de 5 0/0 que
l'insuffisance des bénéfices ne permettrait pas de distribuer,
nous devons faire observer que ce prélèvement n'est autorisé
que dans le but d'augmenter le dividende jusqu'au maximum
de 5 0/0 et que, par suite, tout prélèvement destiné non plus
à compléter le dividende, mais à le remplacer en totalité dans
le cas où les bénéfices de l'année ne permettraient aucune
distribution de dividende, serait illégal. Si la banque ne pou-
vait distribuer aucun dividende, si elle n'était arrivée à la fin
de l'exercice qu'à faire juste face à ses obligations, il serait, en
effet, souverainement imprudent d'entamer un fonds de réserve
dont l'utilité pourrait se manifester à brève échéance.
1070. Quant au prélèvement destiné à la formation du*
(1) Avis de la commission de surveillance des banques des 11 no-
vembre 1865 et 10 novembre 1866.

— 909 —
fonds de réserve, l'article 23, § 3, porte que ce prélèvement
est de 1/2 0/0 du capital primitif et l'article 2G fixe à la moi-
tié du capital social la somme à partir de laquelle le prélève-
ment cessera d'être fait à son profit. Nous pensons donc
que dans l'hypothèse où le capital primitif et le capital social
actuel ne seraient plus identiques, par exemple au cas d'une
augmentation ou d'une diminution du capital primitif de la
banque, il y aurait lieu de tenir compte des deux capitaux : 1° du
capital primitif pour déterminer le quantum du prélèvement
auquel la banque est obligée avant tout partage ; 2° du capital
social, réel, effectif, pour déterminer le maximum du fonds de
réserve; le maximum pourra varier en cas d'augmentation ou
de diminution, conformément à l'article 2 de la loi. En consé-
quence, pour la banque de la Réunion, par exemple, le capital
primitif de 3 millions ayant été porté à 4 millions, le prélè-
vement opéré au profit du fonds de réserve devra être continué
jusqu'à ce que celui-ci ait atteint la moitié du capital social,
soit 2 millions. Toutefois la société peut, conformément à l'ar-
ticle 25, ne faire porter ce prélèvement que sur le capital
primitif et par conséquent ne retenir avant tout partage de
dividende que 1/2 0/0 du capital primitif de 3 millions, soit
15,000 francs. Mais ce n'est là qu'une faculté; la loi, en effet,
en imposant à la banque un prélèvement destiné à alimenter
le fonds de réserve, n'indique qu'un minimum ; il est toujours
loisible à la société, si elle le juge convenable, de doter son
fonds de réserve plus rapidement et d'opérer un prélèvement
supérieur à celui que la loi lui impose.
On comprend que le capital social serve de limite au fonds
de réserve et que celui-ci doive s'augmenter en même temps
que le capital social s'accroît, car avec l'extension des affaires
s'accroissent aussi les risques et les pertes; il est donc juste
que le fonds destiné à y faire face s'augmente dans la même
proportion. Mais on peut se demander pourquoi le prélèvement
de 1/2 0/0 ne porte que sur le capital primitif. Peut-être la
distinction établie par les statuts dans les articles 25 et 26
a-t-elle échappé au législateur; quoi qu'il en soit, elle existe
et nous avons cru devoir la signaler.
1071. Opérations des banques coloniales. Les mots : ban-
ques de prêts et d'escompte, dont le législateur s'est servi

— 910 —
dans la loi de 1849 et dans celle de 1851, ne sont pas tout à
fait applicables aux banques coloniales. Ces institutions de
crédit doivent plutôt être classées parmi celles que les écono-
mistes dénomment banques de circulation, par ce motif que
leur caractère distinctif, comme l'objet essentiel de leur insti-
tution, est l'émission d'un papier fiduciaire. Emettant un papier
fiduciaire, elles font naturellement l'escompte, et les valeurs
de portefeuille sont la contre-partie nécessaire de billets
émis; faisant l'escompte, elles fonctionnent par les procédés
ordinaires à ce genre d'opérations. Elles exercent certaines
facultés privilégiées quant à la nature des garanties, mais
cette circonstance ne modifie point leur nature.
D'après les statuts, les opérations des banques se résument
dans l'émission des billets et dans l'escompte des effets à
ordre portant deux signatures. Mais l'une des signatures peut
être suppléée par la remise, soit d'un connaissement passé à
l'ordre de la banque, soit d'un récépissé de marchandises,
soit par la cession d'une récolte pendante. L'innovation était
hardie, mais elle était amenée par la force des choses; la
suppression de l'esclavage créait pour les colonies une situa-
tion difficile, l'organisation du crédit agricole pouvait seule
porter quelque remède au mal. La nécessité triompha des
scrupules des jurisconsultes de l'Assemblée législative, natu-
rellement émus des dérogations apportées par la loi nouvelle
aux principes de notre législation.
1072. Les attributions ordinaires d'une banque d'escompte
n'auraient pas suffi, dans des pays ou les affaires commerciales
et le mouvement des effets de commerce sont aussi peu déve-
loppés que dans nos colonies, pour mettre les banques colo-
niales à même de rendre tous les services qu'on en al tendait.
/
De plus, le capital des banques ayant été formé à l'aide d'un
prélèvement sur les planteurs indemnisés, il était juste de faci-
liter à ceux-ci le moyen de relever le travail agricole.
Les prêts hypothécaires étant dangereux comme immobi-
lisant trop longtemps les capitaux (une banque d'émission
ayant besoin de rentrer dans ses prêts à des époques assez
rapprochées afin d'assurer le remboursement des billets qui
. pourrait lui être demandé), le législateur a dû chercher à
aider l'agriculture en facilitant l'écoulement de ses produits.

— 911 —
De là les dispositions introduites dans la loi et les statuts
pour permettre à la banque les prêts sur récoltes.
1073. La banque ne peut clans aucun cas, et sous aucun pré-
texte, faire d'autres opérations que celles qui lui sont permises
par les statuts. En examinant les garanties additionnelles que
peuvent accepter les banques à l'appui des effets dont l'escompte
leur est demandé, nous aurons à faire souvent application de
ce principe. A plusieurs reprises, la commission de surveillance
a dû rappeler les banques coloniales à son observation. C'est
ainsi que la garantie hypothécaire ne peut suppléer aux garan-
ties déterminées par la loi; elle n'est pas prévue par les statuts
et de plus l'exécution prompte du gage imposé à la banque n'est
pas possible dans cette hypothèse.
1074. Nous avons vu que chacune des banques était auto-
risée, à l'exclusion de tous autres établissements, à émettre,
dans la colonie où elle est instituée, des billets au porteur de
500 francs, de 100 francs, de 25 francs et de 5 francs. Ces
billets sont remboursable à vue, au siège de la banque qui les
a émis. Par crainte de voir disparaître les pièces de 5 francs,
le législateur de 1851 n'avait pas voulu autoriser la coupure du
billet de 5 francs ; mais les gouverneurs des colonies durent
à plusieurs reprises, surtout après la démonétisation opérée en
1855 aux Antilles, autoriser les banques à émettre des chèques
de 5 francs. Aussi en 1874, devant, les réclamations des
colonies, le législateur substitua le billet de 20 francs à celui
de 25 francs et autorisa la coupure de 5 francs; mais ces
dernières ne sont remboursables à vue par la banque que par
groupe de 25 francs. A la Martinique, enfin, un décret du
16 septembre 1904 a obligé les détenteurs des anciens billets
de la banque à les échanger dans le délai d'un an contre les
coupures d'un type nouveau émis en 1903. Cette mesure a
paru nécessaire après la catastrophe de Saint-Pierre pour que la
banque put être fixée sur l'importance des billets en circula-
tion.
1075. Des lois et décrets qui ont institué les banques colo-
niales, il résulte que les billets émis par tous ces établisse-
ments ont cours légal dans la colonie où la banque qui les a
émis exerce son privilège, qu'ainsi ces billets doivent, dans
toute l'étendue de la colonie, être reçus comme monnaie légale

— 912 —
par les caisses publiques et par les particuliers, la banque
restant d'ailleurs tenue de les rembourser à vue lorsqu'on les
lui présente.
Ces dispositions ont-elles pour conséquence de faire encourir
une responsabilité pécuniaire à l'Etat ? Pour résoudre cette
question, il est nécessaire de préciser le sens des mots mon-
naie légale, appliqués par la loi aux billets des banques pri-
vilégiées, tant aux colonies qu'en France et en Algérie. Cette
définition est d'autant plus nécessaire que la loi du 3 août 1875,
en abrogeant le cours forcé des billets de la Banque de France,
leur a laissé le caractère de monnaie légale. On a entendu,
évidemment, en employant ces dernières expressions, intro-
duire en France le régime appelé en Angleterre legal tender ;
seulement, tandis que la législation anglaise définit avec soin
ce qui constitue le legal tender, il n'en est pas de même en
France à l'égard des mots monnaie légale.
« A partir du 1er août 1834 et jusqu'à ce qu'il en soit autre-
« ment ordonné, les offres faites en billets de la Banque
« d'Angleterre payables à vue au porteur seront réputées
« offres légales, et tenues pour valables (pourvu que la somme
« dont le payement est ainsi offert soit
supérieure à
« 5 livres) comme si elles étaient faites en numéraire, à con-
« dition que la Banque d'Angleterre continuera de payer
« lesdits billets à présentation en numéraire ayant cours,
« étant bien entendu que la Banque d'Angleterre ne pourra
« faire, elle-même, avec ses propres billets, des offres légales
« à ses créanciers (\\). »
Ainsi le legal tender n'est pas autre chose que ce qui est
appelé en France offres réelles, et, comme la loi anglaise
donne par là aux billets de la Banque d'Angleterre la même
situation légale qu'au numéraire, il en résulte que les billets
de la Banque doivent être reçus comme monnaie légale aussi
bien que le numéraire dans les conditions stipulées par la loi.
Telle est également la situation que la loi du 3 août 1875 a
voulu créer en France en faveur du billet de la Banque de
France, et que la législation des banques coloniales assure aux
billets de ces banques circulant dans leurs circonscriptions
(1 Act 2 and 4 William 4 th, letter 98.

— 913 —
respectives. Mais il est impossible d'assimiler une banque
jouissant de ce privilège à une banque dont les billets porte-
raient formellement stipulée la garantie de l'État : la garantie
ne saurait être implicite. A défaut d'un texte de loi qui l'en-
gagerait, le Trésor ne peut être tenu envers les porteurs.
La loi, en attribuant aux billets d'une banque le caractère de
monnaie légale, déclare que ces billets peuvent servir à des
offres réelles, et doivent par conséquent être acceptés dans
les caisses publiques, comme par les particuliers, à l'égal du
numéraire, à condition que la banque qui les a émis satis-
fasse à son obligation de les rembourser en numéraire. On
ne saurait admettre que, cette condition de remboursement
venant à cesser, le Trésor put encourir une responsabilité
quelconque pour un fait dont il a à subir les conséquences au
môme titre que les particuliers.
Le Conseil d'État, consulté sur celte question en 1878, à
l'occasion de la faillite de la banque de la Nouvelle-Calédonie,
s'est prononcé en ce sens (1).
1076. Le montant des billets en circulation ne peut, en
aucun cas, excéder le triple de l'encaisse métallique.
En imposant aux banques coloniales l'obligation de con-
server une encaisse métallique égale au tiers de leur circula-
tion fiduciaire, la loi organique a eu pour but d'assurer la
(1) Cons. d'Et. 10 août 1878. Considérant qu'en autorisant l'établis-
sement dans les colonies de banques d émission, en conférant à ces
banques le privilège d'émettre des billets qui auront cours légal et en
approuvant les statuts qui définissent et limitent les opérations auxquelles
ces banques peuvent se livrer, le législateur n'a fait qu'adopter les
mesures qui lui ont paru les plus efficaces pour créer et consolider le
crédit public et pour développer les relations commerciales, tout en
prenant les précautions qui semblaient alors de nature à assurer l'exis-
tence et le fonctionnement de ces banques ; — Que ces mesures qui ont
ainsi été prises exclusivement en vue de l'intérêt public ne peuvent, en
l'absence d'une garantie de l'Etat expressément établie par la loi, enga-
ger la responsabilité de l'Etat ;
Est d'avis : Que le fait, par le Gouvernement, d'avoir accordé aux
banques établies dans les colonies le privilège d'émettre des billets ayant
cours légal ne peut faire encourir à l'État aucune responsabilité de na-
ture à faire prononcer contre lui use «ondamnation pécuniaire.
Voir également : Rapport du ministre de la Marine et des Colonies en
vue de la création d'une banque à la Nouvelle-Calédonie et qui invoque
à l'appui du projet la nécessité de substituer aux bons de caisse du
Trésor, faciles à imiter, les billets d'un établissement privé qui seul
courrait tous les risques (1874).
COLONIES, I.
58

— 914 —
constante convertibilité de leurs billets; en déclarant les billets
de banque monnaie légale, elle oblige les particuliers comme
les caisses publiques à les recevoir.
D'autre part, le décret du 23 avril 1855 ayant enlevé aux
monnaies étrangères leur cours légal, les banques ne peuvent
être autorisées à s'en servir pour se libérer ni envers les
caisses publiques, ni envers les particuliers.
En conséquence :
1° L'encaisse métallique légale doit être exclusivement com-
posée de monnaies ayant force libératoire, c'est-à-dire de
monnaies françaises ;
2° Pour le surplus de l'encaisse métallique, toute liberté
doit être laissée aux banques coloniales de faire le commerce
des monnaies étrangères selon leurs convenances et leurs
intérêts, à condition que ces monnaies feront l'objet d'un
compte séparé (1). C'est pour cette raison que la commission
de surveillance n'admit pas, en 1867, que la banque de la
Guyane pût, comme elle l'avait décidé, faire figurer dans
l'encaisse l'or natif, même pour un sixième seulement de
cette encaisse et pour les quatre cinquièmes de la valeur de l'or.
La banque ne peut refuser le remboursement d'un de ses
billets de circulation dont les signatures auraient disparu, si
d'ailleurs il n'y a pas de cloute que le billet a été émis par
elle.
1077. Le montant cumulé des billets en circulation, des
comptes courants et des autres dettes de la banque ne peut
excéder le triple du capital social, à moins que la contre-valeur
des comptes courants et des autres dettes ne soit représentée
par du numéraire venant en augmentation de l'encaisse mé-
tallique. (L. 24 juin 1874, art. 4, § 6.)
Cet article doit être interprété en ce sens que le montant
des titres de rente constituant la réserve peut être ajouté
au capital social pour établir la proportion maximum qui ne
doit pas être dépassée par les dettes des banques coloniales,
à la condition que ces rentes soient capitalisées à 6 0/0. Les
rentes sur l'État, déposées par les banques coloniales au
comptoir d'escompte et constituant le fonds de réserve, peuvent
(1) Avis de la commission de surveillance. Juillet 1867.

— 915 —
en effet être considérées comme un accessoire du capital
social; ces rentes, capitalisées à G 0 0, c'est-à-dire à un taux
qui n'est pas atteint, même dans les moments de crise, offrent
une valeur réalisable, équivalente au numéraire. Enfin il y
aurait des inconvénients à restreindre, par une interprétation
rigoureuse, la base d'après laquelle est établie la proportion
servant de limite légale au passif des banques coloniales.
On doit comprendre dans le montant accumulé des dettes
celle de chaque banque envers le comptoir d'escompte, alors
même que cette dette est couverte par des garanties réelles (1).
La quotité des divers billets en circulation est, dans les
limites ci-dessus fixées, déterminée par le conseil d'adminis-
tration sous l'approbation du gouverneur en conseil privé (2).
1078·. Ln France, la banque n'escompte que sur trois
signatures; il a fallu donner aux banques coloniales le droit
d'escompter sur deux signatures, puisque dans les colonies il
n'y a pas d'escompteurs particuliers fournissant ta troisième
signature.
Les banques coloniales peuvent suppléer à une des deux
signatures par le dépôt de titres de rente ou d'actions de la
banque; cette faculté avait été également donnée, à l'origine,
à la Banque de France pour remplacer la troisième signature.
Les billets à ordre, escomptés par ta banque, ne doivent pas
avoir une échéance supérieure à cent vingt jours. Pour les
traites et mandats, l'échéance ne doit pas dépasser quatre-vingt-
dix jours de vue ou avoir plus de cent vingt jours si l'échéance
est déterminée. Ces divers effets doivent être timbrés.
1079. Depuis leur création, les banques coloniales négocient,
escomptent et achètent les traites sur la métropole ; la loi de
1874 a ajouté les traites ou mandats directs sur l'étranger, qui,
depuis l'émancipation commerciale des colonies, sont accueil-
lies par les banques.
Quant aux prêts consentis sur transferts de rentes ou d'ac-
tions de la banque, la loi de 1874 n'a fait que consacrer un
état de choses existant depuis longtemps. Les colonies avaient
demandé à prêter sur les obligations et actions des sociétés
(1) Conseil d'Et. fin. 14 lévrier 1877.
(2) Statuts, art. 22.
*

— 916 —
coloniales (usines centrales et autres), mais il n'a pas paru
prudent de souscrire à ce vœu, certaines de ces valeurs n'of-
frant pas de garanties suffisantes. La commission de surveil-
lance a considéré par suite comme antistatutaires les prêts
garantis par des actions de la Compagnie Transatlantique (1).
1080. Les dépôts faits par les particuliers ne peuvent
porter intérêt.
En 1864, le conseil d'administration de la banque de la
Guadeloupe chercha à établir, au profit de la classe ouvrière,
une sorte de caisse d'épargne, sous la forme d'un compte
courant spécial ouvert à tout travailleur, indigène ou immi-
grant, qui voudrait déposer ses épargnes à la banque. Le
minimum de chaque dépôt aurait été de 10 francs; un intérêt
de 4 0/0 aurait été servi aux déposants qui auraient pu opérer
à volonté le retrait de leurs fonds. Cette idée était excellente,
mais la commission de surveillance des banques coloniales
dut s'opposer à sa réalisation en se fondant sur l'article 19 des
statuts, aux termes duquel les sommes versées à titre de dépôt
ne peuvent porter intérêt.
1081. Les banques peuvent placer leurs fonds en souscri-
vant aux emprunts ouverts par l'État, par la colonie ou par les
municipalités de la colonie. Cette énumération est limitative;
aussi la commission de surveillance a-t-elle considéré comme
contraire au but de l'institution l'emploi des fonds soit à l'ac-
quisition d'immeubles, soit à l'achat d'obligations du Crédit
foncier colonial ou d'autres valeurs semblables (2).
Quant au droit pour les banques de recevoir les produits
des souscriptions publiques, il n'y avait aucun inconvénient à
se montrer moins réservé. On a cru devoir étendre ce droit
de recueillir les souscriptions jusqu'à l'agence centrale. Il y a,
en effet, un avantage très évident pour chaque banque à faire
recueillir dans la métropole, par l'agence centrale, les fonds
qui doivent être employés ou payés hors de la colonie; on
évite ainsi un double déplacement de numéraire.
1082. Il était nécessaire d'introduire dans la loi une mesure
propre à faciliter au planteur l'accès de la banque.
(1) Avis de la commission de surveillance. 10 juin 1865.
(2) Avis de la commission de surveillance. Mai 1865.


— 917 —
Or, quelle garantie pouvait-on lui demander ? Sa signature
et celle d'un commerçant patenté? C'eût été le forcer à
recourir à une adjonction onéreuse, et, en définitive, le prêt
aurait été fait par le commerçant engagé par sa signature et
non par la banque.
L'agriculteur ne saurait offrir, dans la plupart des cas, ni
titres de rente, ni lingots d'or ; il n'a, en général, d'autre ni
de meilleur gage que les produits de sa récolte. Lui per-
mettre d'engager sa récolte réalisée, c'était lui permettre
d'ajourner à un moment plus favorable une vente qui serait
désastreuse s'il fallait en subir d'avance la nécessité, d'obtenir
des avances pour se procurer les engrais nécessaires et
acquitter les salaires des ouvriers employés à l'exploitation.
De là la disposition de l'article 18 des statuts.
Mais la récolte, tant qu'elle reste pendante, suit, à certains
égards, le sort de l'immeuble; elle est soumise aux mêmes
privilèges, notamment à celui du propriétaire ; d'un autre
côté, le nantissement ne peut résulter, en ce qui la concerne,
comme pour le meuble proprement dit, de la tradition ma-
nuelle. Cette dernière considération a entraîné le législateur
de 1851 à n'accorder qu'au propriétaire le droit d'engager à
la banque les récoltes pendantes. Cependant, dans le cas où le
propriétaire manifesterait son intention de renoncer à exercer
son privilège à l'encontre de la banque, il n'y avait pas de
raison pour refuser ce bénéfice au fermier, locataire, ou à
tout autre possesseur à titre précaire. De là la disposition de
l'article 6, § 3, de la loi de 1874, portant que α tout fermier,
« métayer, locataire de terrains ou entrepreneur de planta-
« tions qui veut emprunter sur cession de récoltes doit être
« muni de l'adhésion du propriétaire foncier, qui sera inscrite
« sur le registre tenu à cet effet par le receveur de l'enregistre-
« ment en même temps que la déclaration relative à l'emprunt. »
1083. Afin d'assurer la banque contre les risques pouvant
résulter pour elle des prêts faits sur récoltes pendantes, sur
cession de marchandises, etc., la loi laisse aux règlements
intérieurs le soin de déterminer le rapport de la valeur des
objets ou titres fournis comme garantie additionnelle avec le
montant des billets. Toutefois l'article 13 des statuts fixe des
maxima que les banques ne peuvent dépasser.

— 918 —
Les marchandises déposées ou changées doivent être assurées
par les soins de la banque, à moins qu'elles n'aient déjà été
assurées, auquel cas la police est remise à la banque ou à son
représentant en Europe.
1084. En ce qui touche le prêt sur la récolte pendante, la
loi porte :
1° Que le prêt ne sera autorisé que pendant les quatre mois qui
précèdent la récolte, c'est-à-dire à une époque où son degré d'a-
vancement permet de la considérer comme un gage positif et réel ;
2° Que le prêt ne peut porter que sur le tiers de la valeur
estimative de la récolte;
3" Qu'une publicité assez grande pour donner aux créanciers
les moyens de se faire connaître, et même de s'opposer au prêt,
dans certains cas, serait organisée.
Les obligations non négociables appuyées d'une cession de
récoltes et donnant lieu à l'ouverture d'un compte courant
peuvent être, à l'échéance, prorogées jusqu'à l'achèvement de
a récolte cédée. Cette faculté de prorogation a pour but de
donner satisfaction à un besoin qui s'était manifesté précé-
demment aux colonies. Il a toujours été impossible de circon-
scrire à cent vingt jours la durée de l'engagement du planteur
contractant, puisque cette durée est commandée par la réalisation
de sa récolte, en sorte que les renouvellements étaient devenus
tacitement de droit pour ce genre d'opérations. En 1874, on
inscrivit ce droit dans les statuts, mais seulement en faveur du
contractant qui s'est fait ouvrir à la banque un compte courant,
c'est-à-dire qui n'a pas touché de suite le montant de l'obli-
gation souscrite.
La banque peut stipuler que les denrées provenant de la
récolte seront, F.U fur et à mesure de la réalisation, versées
dans des magasinsde dépôt désignés à cet effet par le gouverneur
en conseil privé, de manière à convertir le prêt sur cession en
pa'êt sur nantissement. La marchandise déposée dans ces maga-
sins est représentée par un récépissé ou warrant qui peut être
transporté par voie d'endossement. La remise à la banque des
clefs d'un magasin particulier est suffisante pour effectuer la
tradition légale du gage y déposé, lorsque cette remise est
régulièrement constatée par une délibération du conseil
d'administration.

— 919 —
1085. Celui qui veut emprunter sur cession de récolte
pendante doit faire connaître cette intention par une déclara-
tion inscrite un mois à l'avance sur un registre spécialement
tenu à cet effet par le receveur de l'enregistrement.
Tout créancier ayant hypothèque sur l'immeuble ou privilège
sur la récolte, ou porteur d'un titre authentique contre le
propriétaire, peut s'opposer au prêt demandé pourvu que la
créance de l'opposant soit exigible pour une portion quelconque,
ou seulement en intérêt, au moment même de l'opposition ou
à un terme ne dépassant pas trois mois. L'opposition est reçue
par le receveur de l'enregistrement; elle énonce la nature et
la date du titre ainsi que la somme et doit contenir, à peine
de nullité, élection de domicile dans l'arrondissement du bureau.
À l'expiration du mois qui suit la déclaration de l'emprunteur,
le prêt peut être réalisé par la banque.
Les droits qui appartiennent aux banques sur les récoltes
après l'accomplissement de ces formalités sont entiers et
absolus et ne peuvent, en aucune façon, être atteints ou
amoindris, ni par les droits des créanciers antérieurs qui n'au-
raient pas fait d'opposition régulière, ni même par les droits
des créanciers postérieurs, quelle que soit d'ailleurs la cause
de leur créance. Les droits des créanciers antérieurs sont, en
effet, sauvegardés au moyen de l'accomplissement des forma-
lités prescrites par l'article 6 de la loi du 24 juin 1874. Quant
aux créanciers postérieurs qui, en vertu des principes du droit
commun, pourraient avoir des droits sur ces récoltes, ils ont
pu avoir connaissance de la cession du gage par la transcrip-
tion, sur les registres des receveurs d'enregistrement, de l'acte
de prêt sur récoltes pendantes (1).
Si le débiteur néglige de faire, en temps utile, sa récolte ou
l'une des opérations qui la constituent, la banque peut, après
une mise en demeure et sur simple ordonnance du juge de paix,
être autorisée à l'effectuer. Les frais nécessaires sont remboursés
en addition au principal de la créance et par privilège sur la
récolte.
1086. Lorsque le payement d'un effet garanti par cession de
(1) Cf. Cass. civ. 10 février 1858 et Si novembre 1882 (Crédit foncier
colonial contre banque de la Guadeloupe), Sirey, 1883, 1.407.

920 —
récolte ou toute autre valeur n'est pas opéré à l'époque fixée,
la banque peut, huit jours après le protêt ou après une simple
mise en demeure,faire vendre les marchandises ou les valeurs
pour se couvrir jusqu'à due concurrence ; s'il s'agit de récoltes
pendantes, la banque a le choix de procéder à la vente sur
pied (1) ou de se faire envoyer en possession.
Les garanties additionnelles données à la banque ne font pas
obstacle aux poursuites contre les signataires des effets.
Aucune opposition n'est admise sur les fonds déposés en
compte courant auxbanques coloniales ou sur les crédits
ouverts par la banque et résultant d'une opération sur cession
de récolte.
Les souscripteurs, accepteurs, endosseurs ou donneurs d'aval
des effets souscrits en faveur des banques ou négociés à ces
établissements, sont justiciables des tribunaux de commerce à
raison de ces engagements et des nantissements ou autres
sûretés y relatifs (2).
1087. Les actes ayant pour objet de constituer des nantis-
sements par voie d'engagement, de cession de récoltes, de
transports ou autrement, au profit des banques coloniales, et
d'établir leurs droits comme créanciers sont enregistrés, au
droit fixe. L'exemption du droit proportionnel d'enregistrement
s'applique non seulement aux nantissements déterminés par
les statuts de la banque, mais encore à ceux qui constituent
des sûretés supplémentaires en dehors des statuts, sûretés que
la banque a tout droit de demander (3),
Les droits de timbre, à la charge des banques, sont perçus
sur la moyenne des billets au porteur ou à ordre qu'elles ont
tenus en circulation pendant le cours de l'année (4).
1088. Agence centrale. Les principales affaires des banques
devant aboutir en France, l'Assemblée nationale pensa qu'il
serait bon, au lieu de laisser les banques se mettre en rapport
avec des agents commerciaux ordinaires, de centraliser ces
(1) Dans ce cas, les conséquences de l'insolvabilité de l'acheteur de la
récolte doivent être supportées non par l'emprunteur, mais par la ban-
que. Cass. civ. req. 11 mai 1886, D. P. 86.1. 462.
(2) L. 24 juin 1874, art. S et 12.
(3) Cass. civ. 10 mars 1886, aff. Banque de l'Indo-Chine. S. 87.1.40.
(4) Déc. 22 avril 1863 et i mars 1865.

— 921 —
rapports aux mains d'une agence unique et spéciale placée sous
la surveillance de l'autorité supérieure.
De là l'origine de l'agence centrale dont les pouvoirs ont été
déterminés par le décret du 17 novembre 1852 et les arrêtés
ministériels des 4 décembre 1852 et 31 mars 1874. Cette agence
centrale, instituée à Paris, représente les banques dans les
opérations qu'elles ont à faire avec la métropole. Elle a à sa
tête un agent central nommé par décret (l)sur une liste triple
de candidats formée par la commission de surveillance. Il est
révocable par le ministre. Il doit, lors de son entrée en fonc-
tions, justifier de quatre actions de chacune des banques de la
Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion. Ces actions
restent inaliénables pendant la durée de son administration.
Le traitement de l'agent est supporté par les banques dans
la proportion déterminée par le ministre. Le conseil d'admi-
nistration de chaque banque détermine et règle le montant des
crédits qui doivent être ouverts à l'agent central pour le
traitement des employés, location et frais de bureau.
Un décret du 9 juin 1904 a institué un commissaire du
gouvernement près l'agence centrale des banques coloniales.
1089. L'agent central agit comme délégué des banques
coloniales près le ministre et près la commission de surveillance.
11 dirige la confection des billets et pourvoit, sur les instruc-
tions des conseils d'administration, à tous les achats de matériel.
Le ministre des colonies désigne l'établissement de crédit
avec lequel les banques doivent correspondre, en France, par
l'entremise de l'agent central; cet établissement doit tenir un
compte distinct et séparé pour chaque banque. L'agent central
ne peut faire directement aucun recouvrement ou payement
pour le compte des banques. Le décret du 17 novembre 1852
règle le fonctionnement de l'agence, les comptes à tenir, etc.
1090. Les inscriptions de rentes représentatives du capital
et des fonds de réserve des banques ou acquises par suite de
leurs opérations et celles remises en garde par des tiers, doivent
demeurer déposées à l'établissement de crédit, lequel est
chargé d'en percevoir les arrérages.
Tous les six mois, l'état des dividendes à payer en France
(1) Déc. 16 novembre 1905.

— 922 —
est arrêté par chaque banque et remis, avec le visa de l'agent
central, à l'établissement de crédit, qui ouvre pour chaque
banque un compte spécial. L'agent central remet, aux action-
naires des mandats de payement.
Les actions nominatives des banques coloniales peuvent être
transférées à Paris au siège de l'agence centrale suivant les
formalités édictées par l'arrêté ministériel du 31 mars 1874.
§ 2. — Banque de l'Indo-Chine.
1091. Le décret du 21 janvier 1875 avait institué, pour les
colonies de la Cochinchine et de l'Inde française, une banque
d'émission, de prêt et d'escompte, sous la dénomination de
banque de l'Indo-Chine. La société, dont la durée était fixée
à vingt ans, avait son siège à Paris et deux succursales, l'une
à Saigon, l'autre à Pondichéry. Après la conquête du Tonkin
et la faillite de la banque de la Nouvelle-Calédonie (n° 1102),
le gouvernement étendit la sphère d'action de la banque de
l'Indo-Chine à tout l'Extrême-Orient et modifia les statuts de
façon à assurer certains avantages à la société en compensation
des charges nouvelles qui luiétaient imposées (1).
Un décret du 16 mai 1900, complété par un décret du
3 avril 1901, a consacré des modifications très importantes à
l'organisation et au fonctionnement de la banque de l'Indo-
Chine. Il a prorogé le privilège de la banque et approuvé les
remaniements apportés aux statuts de cet établissement, de
manière à mieux les adapter au développement des intérêts
français en Extrême-Orient.
1092. Le capital social de la banque, qui depuis 1888 était
de 12 millions de francs, a été porté à 24 millions de francs;
il peut être augmenté par décision de l'assemblée générale,
approuvée par le ministre des colonies. Le siège de la société
demeure fixé à Paris, mais sa durée est prorogée de quinze
ans à partir du 21 janvier 1895. L'action de la banque s'exerce
dans les colonies de l'Inde, de l'Indo-Chiue et de la Nouvelle-
Calédonie. La banque peut être tenue de créer des succursales
ou agences nouvelles dans les colonies où elle est déjà établie,
et dans toutes autres colonies ou protectorats français de
(1) Déc. 20 février 1888.

— 923 —
l'océan Indien ou de l'océan Pacifique, ainsi qu'au Siam, en
Chine, au Japon et dans les ports de l'océan Indien et de
l'océan Pacifique non soumis à la souveraineté française. Elle
possède actuellement des succursales ou agences à Saïgon,
Pondichéry, Haïphong, Nouméa, Hanoï, Pnompenh, Tourane,
Bangkok, Hongkong, Shanghaï, Canton, Hankéou, Tahiti,
Battambang et Singapore, ces dernières créées par arrêté minis-
tériel du 12 mars 1898, et par décrets des 11 mars 1901,
24 février et 14 avril 1904. C'est, dans l'organisation nouvelle,
en vertu de décrets rendus sur la proposition du ministre des
colonies et du ministre des finances, la commission de
surveillance des banques coloniales entendue, que les succur-
sales ou agences sont créées ou supprimées; leur création
en pays étranger est, en outre, subordonnée à l'avis conforme
du ministre des affaires étrangères.
1093. Tout ce que nous avons dit sur la composition de
l'assemblée générale des actionnaires pour les banques régies
par la loi de 1874 s'applique à la banque de l'Indo-Chine
Mais en ce qui concerne le droit de vote, tandis que les mem-
bres de l'assemblée des banques régies par la loi de 1874
n'ont jamais qu'une voix, quel que soit le nombre de leurs
actions, dans la banque de l'Indo-Chine chaque membre dis-
pose d'autant de voix qu'il possède de fois dix actions, sans
toutefois pouvoir réunir plus de dix voix tant en son nom
personnel que comme mandataire.
Pour pouvoir se faire représenter à l'assemblée, il ne suffit
pas que le mandataire soit actionnaire, il faut qu'il soit appelé
à faire partie de l'assemblée, qu'il figure par conséquent parmi
les cent plus forts actionnaires.
Pour que les délibérations soient valables dans une pre-
mière réunion, il faut que vingt membres au moins soient
présents ou représentés et réunissent dans leurs mains le
quart des actions émises. Lors de la seconde convocation, les
délibérations sont valables, quel que soit leur nombre. Certaines
délibérations, en raison de leur gravité, ne sont considérées
comme valables que si l'assemblée se compose d'un nombre
d'actionnaires représentant au moins la moitié du capital
social.
1094. La banque de l'Indo-Chine est administrée par un

— 924 —
conseil composé de huit membres au moins et de quinze au
plus, nommés par l'assemblée des actionnaires sur la propo-
sition du conseil. Ils sont élus pour cinq ans et rééligibles,
et doivent justifier de la propriété de quarante actions qui
demeurent inaliénables pendant la durée des fonctions des
administrateurs.
Le conseil est investi des pouvoirs les plus étendus pour
l'administration des affaires de la société.
Le conseil d'administration nomme, avec l'agrément du mi-
nistre des colonies, des directeurs chargés, sous son autorité,
de la gestion des affaires sociales. Ces directeurs représentent
la société vis-à-vis des tiers pour l'exécution des décisions du
conseil. Ils sont astreints à posséder un certain nombre d'ac-
tions inaliénables et ne peuvent faire aucun commerce.
Il doit être établi auprès de chaque succursale un conseil
d'escompte dont la composition, les attributions et les émolu-
ments sont déterminés par le conseil d'administration.
1095. Un censeur administratif, nommé par le ministre,
remplit auprès de chaque succursale les mêmes fonctions que
les censeurs des banques coloniales. C'est, à Pondichéry et à
Nouméa, le secrétaire général qui a été désigné comme
censeur (1). En outre, un commissaire du gouvernement éta-
bli près le siège social, nommé par le ministre, veille à l'exé-
cution des statuts et règlements de la banque; il exerce sa
surveillance sur toutes les parties de l'administration et peut
faire inscrire de droit ses propositions et observations sur le
registre des délibérations du conseil d'administration.
Il
adresse chaque mois au ministre un rapport sur la situation
de la banque.
Les traitements du commissaire du gouvernement et des
censeurs administratifs sont fixés par le ministre et payés par
la banque.
Les pouvoirs conférés au ministre et au gouverneur, pour
la surveillance des banques coloniales, par la loi de 1874,
ont été reproduits pour la banque de l'Indo-Chine.
1096. Dividende et fonds de réserve. Les statuts de la
banque de l'Indo-Chine exigent la fixation de l'actif et du
(1) Arrêtés du 30 décembre 1903 et du 27 avril 1905.

— 925 —
passif tous les six mois, et un prélèvement sur les bénéfices
destiné à former un fonds de réserve.
L'intérêt des actions, payable après le prélèvement ci-dessus,
est fixé à 6 0/0. Après prélèvement de 1/2 0/0 du capital
versé, destiné à alimenter le fonds de réserve et distribution
aux actionnaires d'un intérêt de 6 0/0, le surplus des bénéfices
se partage de la manière suivante : 10 0/0 à un fonds de pré-
voyance ; 10 0/0 au conseil d'administration; 80 0/0 aux
actions comme second dividende.
Dans le cas où l'insuffisance des bénéfices ne permet pas
de distribuer aux actionnaires un dividende de 6 0/0 par an
sur le capital versé, le dividende peut être augmenté jusqu'au
maximum de 6 0/0 par un prélèvement sur le fonds de pré-
voyance.
Les statuts de la banque de l'Indo-Chine exigent donc la
formation de deux fonds distincts : un fonds de réserve formé
à l'aide d'un prélèvement sur les bénéfices avant toute distri-
bution aux actionnaires, et destiné à assurer le bon fonction-
nement de la banque; un fonds de prévoyance destiné à
assurer aux actionnaires, dans une certaine mesure, le paye-
ment régulier de l'intérêt de leurs capitaux au taux de 6 0/0
l'an, au moyen d'un prélèvement opéré sur les dividendes en
vue de parer aux diminutions de bénéfices qui pourraient se
produire dans l'avenir.
1097. Aucune répartition de bénéfices ne peut être faite
sans l'approbation du ministre des colonies. Les dividendes
sont payables aux caisses de la banque à Paris et dans les
succursales. Ils sont prescrits après cinq années au profit de
la société.
1098. Opérations de la banque. De même que les banques
des Antilles, la banque de l'Indo-Chine ne peut, en aucun cas
et sous aucun prétexte, faire d'autres opérations que celles
qui lui sont permises par ses statuts et qui sont, à peu de
chose près, les mêmes que celles des autres banques. (V.
nos 1078 et suiv.) Elles doivent avoir pour unique objet las
opérations financières se rattachant aux pays où la société a
régulièrement établi des succursales ou des agences.
Les modifications apportées aux opérations de la banque et
que consacre l'article lu des nouveaux statuts correspondent

— 926 —
aux vœux formulés sur différents points par les chambres de
commerce ou d'agriculture. La banque a la faculté de consen-
tir certains prêts et avances dans les conditions ordinaires ad-
mises sur les places où ses comptoirs sont établis. Elle peut,
lorsqu'elle le juge opportun, laisser entre les mains des em-
prunteurs les marchandises affectées à la garantie des escom-
ptes et remettre aux tirés des traites documentaires les con-
naissements correspondant à ces traites. Elle peut participer
aux emprunts d'État émis clans les pays où elle possède des
établissements, sans toutefois que le montant de ces partici-
pations puisse, sauf autorisation du ministre des Colonies,
après avis conforme du ministre des Affaires étrangères,
dépasser te quart du capital social. Elle peut également, dans
ces mêmes pays, participer à la création ou à la constitution
d'entreprises financières, industrielles ou commerciales, sans
que ces participations puissent excéder le tiers de ses réserves.
La banque émet des billets de 1,000 francs, 500 francs,
100 francs, 20 francs et 5 francs, ces derniers seulement avec
l'autorisation du ministre des colonies, après avis du ministre
des finances. Dans chaque pays, les billets peuvent être for-
mulés en monnaie locale. Dans les colonies ou protectorats
français, il ne peut être émis de billets que par les succursales.
Les succursales et agences en pays étrangers peuvent être au-
torisées à émettre des billets après avis tant du ministre des
Affaires étrangères que du ministre des Finances. A l'étranger,
comme dans les possessions françaises, le montant des billets
de chaque succursale en circulation ne peut excéder le triple
de son encaisse métallique. Le montant cumulé des billets en
circulation, des comptes courants et des autres dettes de la
banque ne peut excéder le triple du capital social et des réserves.
La banque de l'Indo-Chine doit continuer à être prête, si le
ministre des Colonies le lui demande et à des conditions qui
seront déterminées d'un commun accord, à se charger du ser-
vice de trésorerie dans les possessions françaises où sont éta-
blies ses succursales.
§ 3.
Banque de la Nouvelle-Calédonie.
1099. Une banque d'émission fut autorisée en Nouvelle-Ca-
lédonie par décret du 14 juillet 1874. Celte banque ne ré-

— 927 —
pondit pas anx espérances qu'on avait pu concevoir en la
créant, et, à la suite de pertes assez sensibles, la société fut
mise en faillite et le retrait du privilège ordonné. Bien qu'elle
n'existe plus, de nombreuses questions ayant été soulevées à
l'occasion de sa liquidation, nous croyons devoir examiner
sommairement les conditions dans lesquelles elle a été établie.
Une compagnie financière, la compagnie de la Nouvelle-Ca-
lédonie, avait passé, le 7 février 1871, un contrat avec le mi-
nistère de la marine, d'après lequel deux avantages principaux
lui étaient assurés :
1° Une concession de 23,000 hectares de terre au nord de
l'île, moyennant une somme do 25 francs par hectare, soit
625,000 francs en tout, à acquitter partie en argent, partie en
travaux ;
2° L'exemption du timbre pour les billets au porteur et à
vue qu'elle émettrait dans la colonie.
La société avait, en effet, deux buts : 1° la colonisation des
terres qui lui étaient concédées; 2° la constitution d'une
banque à Nouméa, en vue de faciliter les transactions en Nou-
velle-Calédonie, et celles de la colonie avec l'Australie et l'Eu-
rope.
1100. Quelques années plus tard, le gouvernement recon-
nut les inconvénients que présentait un établissement livré à
sa propre direction, et les avantages qui pourraient résulter,
au contraire, d'une institution de crédit sévèrement contrôlée.
La situation économique de la colonie paraissait exiger la
constitution d'une banque d'émission : le pays fournit peu à
la consommation, peu à l'échange; une partie considérable des
denrées apportées de l'extérieur doivent être payées en espèces.
Il s'ensuivait un drainage naturel du numéraire qui gênait
toutes les transactions. On avait remédié, dans une certaine
mesure, à cette situation par l'émission de bons de caisse re-
présentés par une.somme de même valeur gardée dans la
caisse du trésor ; mais le remède n'était pas sans présenter
des dangers, les bons de caisse étant faciles à contrefaire.
Une banque existant dans la colonie, il était préférable que
son papier fût seul en circulation ; l'établissement seul cour-
rait des risques.
Toutefois, l'application pure et simple des statuts des ban-

— 928 —
ques coloniales à la société de la Nouvelle-Calédonie ne parut
pas possible, à cause des différences existant entre son origine
et celle de ces établissements. On constitua la société en
France dans des conditions analogues à celles que nous avons
indiquées pour la banque de l'Indo-Chine.
1101.. Nous n'avons pas à examiner les règles concernant
l'administration, la direction et la. surveillance de la banque;
toutes ces questions ne présenteraient plus aujourd'hui qu'un
intérêt historique. Nous dirons seulement que, fondée à Paris
au capital de 4 millions, elle recevait pour vingt années le
privilège dont avaient été dotées les banques des Antilles,
d'émettre des billets au porteur remboursables à vue à l'éta-
blissement de Nouméa.
1102. Le titre III des statuts, reproduisant les dispositions
des statuts des banques coloniales annexés à la loi de 1874,
prévoyait le cas où le capital de la banque se trouverait réduit
du tiers ou des deux tiers; dans ce dernier cas, la liquidation
devait avoir lieu de plein droit; clans le premier, au contraire,
il était loisible à l'assemblée générale de demander ou non
la liquidation (art. 82). Mais les statuts n'avaient pas prévu le
cas de faillite.
Cependant la société suspendit ses payements le 16 oc-
tobre 1877. Le 27 novembre suivant, un jugement du tribunal
de commerce prononçait sa faillite, et par arrêt du 27 fé-
vrier 1878 la cour d'appel, statuant sur l'opposition formée
par le conseil d'administration de la société, confirmait pure-
ment et simplement la décision des premiers juges. Il impor-
tait, dans l'intérêt du commerce de la colonie, profondément
atteint par cet événement, que des banques particulières
pussent, le plus promptement possible, s'établir à Nouméa et
fournir aux négociants les moyens de remise sur l'Europe qui
leur manquaient absolument. Mais ces établissements ne pou-
vaient fonctionner qu'à la condition que le privilège concédé à
la banque de la Nouvelle-Calédonie eût été préalablement an-
nulé. Dans quelle forme pouvait être prononcé le retrait du
privilège? La liquidation ne pouvait résulter que d'un décret
en Conseil d'Etat. Il n'en était pas de même du retrait du pri-
vilège d'émission, concédé par un décret simple, et pouvant
être retiré par un acte de même nature; aussi est-ce seule-

— 929 —
ment en raison de l'importance de l'affaire que le gouverne-
ment crut devoir soumettre au Conseil d'Etat le décret qui
relira à la banque le privilège d'émission (1).
§ 4. — Banque de l'Afrique occidentale française.
1102 bis* Le seul établissement de crédit existant dans les
possessions françaises de l'Afrique occidentale a été pendant
de longues années la banque du Sénégal, dont l'action se
trouvait restreinte à cette colonie. Avec l'extension territoriale
de la France en Afrique et le développement du commerce
dans les nouvelles régions soumises à notre influence, cette
institution était devenue notoirement insuffisante. Sur l'initia-
tive des représentants les plus autorisés du commerce africain,
les actionnaires de la banque du Sénégal, tenant compte des
nécessités qui s'étaient ainsi manifestées, décidèrent de provo-
quer la création d'un nouvel établissement, auquel ils feraient
apport à leurs capitaux, la banque de l'Afrique occidentale.
Le gouvernement, après avis favorable de la commission de
surveillance, ayant donné son adhésion à ce projet, la banque
du Sénégal s'est dissoute et la banque de l'Afrique occidentale
s'est constituée,
suivant
décret
en
Conseil d'État du
29 juin 1001. Les statuts ont été modifiés par décrets des
21 décembre 1901 et 4 juin 1904.
La nouvelle banque est actuellement formée au capital de
6,986,500 francs (2), tandis que le capital de la banque du Séné-
gal était seulement de 60 0,000 francs. Ce capital est divisé en
11,973 actions de 500 francs.
La banque de l'Afrique occidentale est organisée sur le mo-
dèle de la banque de l'Indo-Chine; elle a comme elle son
siège à Paris et est dirigée par un conseil d'administration de
cinq à huit membres. Ce conseil a le droit de déléguer une
parlie de ses pouvoirs. La banque peut, en dehors du Séné-
gal, étendre ses opérations à la Guinée française, à la Côte
d'Ivoire, au Dahomey, au Congo français et aux pays étran-
gers de la côte occidentale d'Afrique. Elle a établi des suc-
cursales ou agences à Saint-Louis, Dakar, Rufisque, Conakry,
(1) Déc. 29 juin 1878.
(2) Déc. 28 janvier 1906.
COLONIES, I.
59

— 930 —
Porto-Novo et Monrovia. Lessuccursales et agences sont
créées, dans les possessions françaises, en vertu de décrets
rendus sur la proposition du ministre des Colonies et du mi-
nistre des Finances; elles sont créées dans la même forme
hors de nos possessions après avis toutefois du ministre des
affaires étrangères.
La banque de l'Afrique occidentale est une banque d'émis-
sion, de prêt et d'escompte. Elle émet des billets de 1,000,
500, 100, 50, 25 et 5 francs. Dans les colonies et pays de pro-
tectorat français, il ne peut être émis de billets que par les
succursales. En pays étranger, les succursales et les agences
peuvent être autorisées à émettre des billets après avis du mi-
nistre des Affaires étrangères et du ministre des Finances.
La banque est une société anonyme constituée pour 20 ans ;
un commissaire du gouvernement est nommé auprès d'elle
par le ministre des Colonies, à qui il adresse chaque mois
un rapport. Un censeur administratif peut être institué par le
ministre des Colonies près chaque succursale ; s'il s'agit d'une
succursale établie hors des possessions françaises, cette no-
mination ne peut avoir lieu sans l'avis du ministre des af-
faires étrangères. C'est, aux termes d'un arrêté du 27 avril 1905,
le chefdu service desdouanes du Sénégal, de la Guinée et du
Dahomey, qui remplit les fonctions de censeur à Saint-Louis.
Conakry et-Porto-Novo.
§ 5. — Commission de surveillance des banques coloniales.
1103. La loi de 1851 a institué, auprès du ministre de la
marine et des colonies, une commission de surveillance com-
posée de neuf membres, savoir :
Un conseiller d'État élu par le Conseil d'État en assemblée
générale: quatre membres, dont deux, au moins, actionnaires
en résidence à Paris, désignés par le ministre des colonies ;
deux membres désignés par le ministre des finances et deux
membres élus par le conseil général de la Banque de France.
La commission élit son président.
1104. Le règlement d'administration publique destiné à fixer
les attributions et le fonctionnement de la commission de sur-
veillance (art. 15 de la loi organique) n'a jamais été fait. Un

— 931 —
projet élaboré par la commission de surveillance en 1872
n'a pas abouti.
En fait, la commission de surveillance est appelée à donner
son avis dans toutes les questions qui intéressent l'existence
et le fonctionnement des banques coloniales ; elle veille notam-
ment à l'exécution des statuts, provoque telles mesures de véri-
fication et de contrôle qui lui paraissent convenables. Elle rend
compte, chaque année, au Président de la République, de la
situation des établissements. Ce compte est publié dans le
Journal officiel et dans un journal au moins de chaque colonie.
ARTICLE 3. — Crédit foncier colonial.
110ο. A la suite de la substitution du travail libre à l'escla-
vage, une crise économique très vive se produisit et il devint
nécessaire de prendre des mesures pour y remédier.
Les banques coloniales créées à cette époque furent autori-
sées à prêter sur récoltes à un intérêt réduit. Des dispositions
particulières furent édictées en vue de faciliter le recrutement
d'immigrants travailleurs libres. Mais si toutes ces mesures
étaient propres à assurer dans les colonies la continuation des
travaux, elles ne suffisaient pas pour les mettre en état de
lutter contre la concurrence si redoutable que le sucre de bet-
terave commençait à faire au sucre de canne sur le continent
européen.
Il fallait donc songer à procurer aux colonies les moyens de
diminuer leurs frais de production, d'augmenter et d'améliorer
leurs produits.
Une société se constitua à Paris pour prêter, soit à des in-
dividus, soit à des réunions de colons, les sommes nécessaires
à la création de sucreries nouvelles ou à l'amélioration du ma-
tériel des sucreries existantes; un amortissement sagement
calculé leur permettait de se libérer progressivement avec leurs
revenus annuels et de reconstituer graduellement le fonds de
roulement nécessaire à leurs opérations.
Un décret du 24 octobre 1860 reconnut ladite société sous
le nom de crédit colonial et approuva ses statuts. Mais, à la
suite de certaines réclamations des colonies, ces statuts durent
être modifiés ; la nouvelle rédaction fut approuvée par le dé-
cret du 31 août 1863.

— 932 —
Un décret du même jour homologua la convention réglant
les rapports entre la société et les colonies de la Martinique et
de la Guadeloupe, et déterminant les engagements pris par
chacune des parties contractantes.
Une convention analogue signée avec la colonie de la Réu-
nion fut approuvée par décret du 7 octobre 1863.
1106. En 1872, la société du crédit foncier colonial se sé-
para du comptoir d'escompte, qui, jusqu'alors, avait rempli le
rôle de mandataire dans les opérations de prêts faites par
la société. Les modifications dans les statuts qui en furent la
conséquence furent approuvées par un décret du 28 octobre
1872 (1).
Nous devons signaler, à ce sujet, les observations qui furent
alors présentées par les représentants des colonies tendant à
faire reconnaître comme nécessaire, en cette matière, l'avis
préalable des conseils généraux; conformément à un avis du
Conseil d'État (2), celte prétention fut repoussée par le gou-
vernement.
1107. Organisation. Administration de la société. La
société du crédit foncier colonial, dont le siège et le domicile
sont établis à Paris, est une société anonyme au capital de
12 millions de francs, divisé en 24,000 actions de 500 francs
chacune, constituée pour une durée de 60 ans à dater du dé-
cret d'approbation de 1863.
La société est administrée par un conseil composé de 10 à
15 administrateurs qui nomment parmi eux un président.
Les administrateurs, élus par l'assemblée générale des ac-
tionnaires, renouvelés chaque année par cinquième, sont tenus
(1) La
société fut en même temps
autorisée à modifier les
statuts de façon à faciliter la revente des immeubles qu'elle aurait été
obligée d'acquérir à la suite de l'exécution du débiteur. Cette modifica-
tion fut approuvée par un décret du 31 mars 1873.
(2) Considérant que cette intervention des conseils généraux n'est pas
justifiée en droit ; qu'aucune disposition de loi ou de règlement n'appelle
ces assemblées à donner leur avis sur les statuts des sociétés anonymes
qui feraient des opérations aux colonies ; que si le crédit foncier colo-
nial a passé une convention avec les colonies, cette circonstance n'au-
toriserait que les conseils généraux à s'opposer à la modification des
statuts et leur donnerait seulement le droit d'intenter une action contre
la société dans le cas où la modification qui serait autorisée porterait
atteinte aux droits qui résultent de la convention. (Commission provi-
soire. Trav. pub., 18 juin 1872.)

— 933 —
de déposer dans la caisse de la société 50 actions qui restent
inaliénables pendant la durée de leurs fonctions. Le conseil
d'administration possède les pouvoirs les plus étendus pour
assurer le bon fonctionnement de la société; il nomme et ré-
voque le personnel, arrête les règlements intérieurs, autorise les
prêts, procède à l'émission et à la vente des obligations, etc .
Un directeur, nommé par le conseil d'administration, est
chargé de l'exécution de ses délibérations et a la signature
sociale.
Des censeurs, au nombre de trois, nommés par l'assemblée
générale, sont spécialement chargés de veiller à la stricte
observation des statuts.
1108. L'assemblée générale se compose de tous les action-
naires possédant au moins 20 actions ; elle se réunit de droit,
chaque année, et extraordinairement toutes les fois que le con-
seil d'administration en reconnaît l'utilité.
Les délibérations sont prises à la majorité des voix des
membres présents. Chacun d'eux a autant de voix qu'il pos-
sède de fois 20 actions, sans que personne puisse en avoir
plus de 5 en son nom personnel, ni plus de 10 tant en son
propre nom que comme mandataire. Les pouvoirs de l'assem-
blée sont fixés par les articles 39 à 78 des statuts. Les délibé-
rations prises conformément aux statuts obligent tous les action-
naires, même absents ou dissidents.
En cas de perte de moitié du capital, la dissolution de la
société a lieu de plein droit. A l'expiration de la société, ou
en cas de dissolution anticipée, l'assemblée générale, sur la
proposition du conseil d'administration, règle le mode de
liquidation et nomme les liquidateurs chargés d'y procéder,
sous l'autorité du conseil. Les liquidateurs peuvent, en vertu
d'une délibération de l'assemblée générale, approuvée par
les ministres des colonies et des finances, faire le transport à
une autre société des crédits et engagements de la société
dissoute.
1109. Sur les bénéfices réalisés annuellement par la société,
après déduction de toutes les charges et de l'intérêt attribué
aux actions réalisées en espèces, un quart est attribué au fonds
de réserve, et le surplus est réparti aux actionnaires.
Lorsque le fonds de réserve ainsi constitué atteint le cin-

— 934 —
quième du capital social, le prélèvement n'est plus obligatoire,
mais il peut toutefois être continué, en vertu d'une décision du
conseil d'administration, avec une destination spéciale et pour
un objet déterminé.
C'est par application de cette disposition que dans les con-
ventions passées avec les colonies, la société s'est engagée à
continuer, une fois le maximum du fonds de réserve atteint,
le prélèvement du quart sur les bénéfices pour former un
fonds de garantie dont le montant sera affecté au rembourse-
ment des sommes que les colonies auraient avancées en exé-
cution de la garantie coloniale. (V. n° 1118.)
1110. Opérations de la société. La société a pour objet
les prêts soit aux propriétaires de sucreries pour la construc-
tion de celles-ci, ou le renouvellement de leur outillage, soit
aux propriétaires d'immeubles. Ces prêts ne peuvent avoir
lieu que clans les colonies françaises.
La société peut encore acquérir, par voie de cession ou au-
trement, et rembourser des créances privilégiées ou hypothé-
caires dans les conditions déterminées par l'article 44.
Elle peut enfin prêter aux colonies et aux communes colo-
niales, soit à long terme avec remboursement par annuités,
soit à court terme avec ou sans amortissement, les sommes
qu'elles auraient obtenu la faculté d'emprunter.
Elle est autorisée à créer et à négocier des obligations, pour
une valeur égale au montant des prêts, remboursables par
tirage au sort, avec la faculté d'y joindre des lots ou primes.
1111. Les prêts faits pour la construction des sucreries doi-
vent être garantis soit par une première hypothèque sur l'usine
à construire, soit par tous autres gages immobiliers ou mobi-
liers agréés par la société.
Si le prêt est fait à une réunion de propriétaires, chacun
d'eux s'oblige envers la société et prend l'engagement de
porter la totalité de sa récolte à l'usine pendant toute la durée
du prêt.
Aucun prêt ne peut être consenti si le demandeur ne justifie
préalablement de récoltes suffisantes pour l'alimentation de
l'usine. Les sommes prêtées ne peuvent être, sous quelque
prétexte que ce soit, détournées de leur destination. A cet
effet, les versements ne sont effectués qu'après justification

— 935 —
de l'accomplissement des formalités prescrites ainsi que de
conditions exprimées au contrat de prêt. Les emprunteurs ne
peuvent, en outre, disposer, soit en totalité, soit en partie, des
produits de la fabrication qu'après avoir justifié du payement
de l'annuité courante ou échue.
Quant aux prêts aux propriétaires d'immeubles, ils ne peu-
vent être faits que sur première hypothèque; toutefois, on
considère comme faits sur première hypothèque les prêts au
moyen desquels doivent être remboursées des créances déjà
inscrites lorsque, par l'effet de ce remboursement, l'hypo-
thèque de la société vient en première ligne et sans concur-
rence.
1112. La société n'admet comme, gages que les immeubles
d'un revenu durable et certain. Aussi a-t-on exclu du bénéfice
des prêts : les théâtres — les mines et carrières — les immeu-
bles indivis, si l'hypothèque n'est établie sur la totalité de ces
immeubles du consentement de tous les copropriétaires — les
immeubles dont la nue propriété et l'usufruit ne sont pas réu-
nis, à moins que le nu propriétaire et l'usufruitier ne donnent
leur consentement à l'établissement de l'hypothèque.
Lorsqu'il s'agit de prêts hypothécaires, autres que ceux qui
sont faits dans l'intérêt des sucreries, le montant du prêt ne
peut dépasser la moitié de la valeur de l'immeuble hypo-
théqué. Les bâtiments des usines et fabriques ne doivent être
estimés qu'en raison de leur valeur propre, sans tenir compte
de leur affectation industrielle.
La société ne peut consentir de prêt inférieur à 1,000 fr.
1113. Nous avons vu que la société de crédit foncier colo-
nial ne peut prêter, dans certains cas, que sur première hypo-
thèque. Cette règle avait déjà été imposée par le décret du
28 février 1852 aux sociétés de crédit foncier en France. C'eût
été rendre bien rare et presque impossible le recours à ces
sociétés, si on ne leur eût pas accordé en même temps la fa-
culté de payer les sommes dues, de purger les hypothèques
légales. Aussi, pour obvier à cet inconvénient, la loi du
10 juin 1853, applicable au crédit foncier colonial, règle les
formalités à remplir dans ces circonstances; le décret du
31 août 1863, approuvant les statuts de la société, a édicté
certaines formalités spéciales pour les colonies.

— 936 —
1114 ; Les demandes de prêts adressées à la société sont sou-
mises, dans chaque colonie, à l'examen d'une commission spé-
ciale composée de l'agent de la société, de deux membres élus
par le conseil d'administration et de deux membres désignés
par le conseil général de la colonie. Il peut être nommé des
membres suppléants (1).
La commission ne peut prendre aucune délibération sans la
présence de l'agent et de deux autres membres. Après examen
de la demande, elle détermine provisoirement la quotité du
prêt à faire et autorise l'agent de la société à réaliser, sauf la
ratification du conseil d'administration, le contrat conditionnel,
c'est-à-dire à inscrire l'hypothèque qui prend rang du jour de
celte inscription, quoique les valeurs ne doivent être remises
que postérieurement.
La commission adresse, en outre, un rapport détaillé sur
chaque affaire au conseil d'administration, qui statue et fixe
définitivement la quotité et les conditions du prêt. Toutefois,
lorsque le prêt n'excède pas 10,000 francs, le conseil d'admi-
nistration peut déléguer, et délègue en fait, ses pouvoirs à la
commission spéciale.
1115. Les prêts sont réalisés en numéraire dans la colonie :
le remboursement se fait par annuités comprenant : 1°l'inté-
rêt à 8 0/0 au plus; 2° la somme nécessaire pour amortir la
dette dans le délai de 30 ans au plus; 3° l'allocation pour
frais d'administration, qui ne peut excéder 1 fr. 20 0/0 du
capital emprunté. Cette annuité est payable en espèces au siège
de l'agence établie dans chaque colonie.
L'emprunteur conserve toujours le droit de se libérer par
anticipation, soit en totalité, soit en partie; mais, dans ce
dernier cas, l'acompte payé ne peut être inférieur à une
annuité.
Les annuités des prêts faits pour construction de sucreries,
ou pour renouvellement et amélioration de l'outillage des su-
creries existantes sont payables par année ; les annuités des
autres prêts hypothécaires sont payables par semestre et
(1) Les membres de la commission, autres que l'agent de la société,
exercent gratuitement leurs fonctions, mais reçoivent des jetons de pré-
sence dont la valeur est fixée par.le conseil d'administration.

— 937 —
d'avance pour toute la durée du prêt. Par suite de cette dispo-
sition, l'article 54 s'est trouvé modifié dans une certaine
mesure et le taux de l'intérêt s'est élevé un peu au-dessus du
maximum fixé à 8 0/0 par l'article 51. La colonie de la Mar-
tinique contesta la légalité de cette perception, mais ses pré-
tentions furent repoussées par une décision du conseil du con-
tentieux de la colonie. Consultée sur cette question, la section
des finances du Conseil d'Etat a émis l'avis, le 27 juillet 1880,
que les modifications apportées au taux de l'intérêt par suite
de l'application de l'article 54 n'avaient rien d'irrégulier, au-
cune loi ne limitant le taux de l'intérêt dans les colonies.
En cas de non-payement à l'échéance de l'annuité, celle-ci
porte de plein droit intérêt au profit de la société au même
taux que celui du prêt, et la dette devient exigible un mois
après la mise en demeure.
1116. Obligations. La société est autorisée à créer, sous sa
responsabilité, des obligations au porteur jusqu'à concurrence
du montant des prêts effectués. Aucune émission ne peut avoir
lieu qu'en vertu d'une décision spéciale du conseil d'adminis-
tration, après approbation des ministres des Colonies et des
Finances.
Les obligations sont au capital de 500 et de 1,000 francs,
et peuvent être fractionnées en coupures de 100 francs. L'in-
térêt, les époques et le mode de payement sont fixés par le
conseil d'administra tion. Les primes ou les lots payables au
moment du remboursement, qui peuvent être attribués aux
obligations, ne peuvent excéder 1 0/0 du capital représenté
par les obligations.
- Les obligations sont créées sans époque fixe d'exigibilité
pour le capital et remboursées par voie de tirage au sort à un
nombre déterminé, chaque année, par le conseil d'administra-
tion. Toutefois, les obligations restant en circulation ne doi-
vent jamais excéder les capitaux restant dus sur les prêts.
1117. Rapports du crédit foncier avec les colonies. En vertu
des conventions intervenues entre le ministre de la marine,
représentant les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe
et de la Réunion, et la société du crédit foncier colonial,
celle-ci s'est engagée à effectuer des prêts dans chacune de
ces colonies jusqu'à concurrence d'un minimum de 10 million-

— 938 —
de francs. Pour la Réunion et la Guadeloupe, ce minimum a
été porté à 20 millions.
Des prêts peuvent être faits soit à la colonie elle-même, soit
aux communes pour l'immigration des travailleurs étrangers,
travaux d'utilité publique ou autres besoins, soit aux particu-
liers, mais seulement sur hypothèque. Les conditions de ces
prêts sont déterminées conformément aux articles 52 à 54 des
statuts. Chaque convention spécifie que, dans le cas où la
société accorderait à d'autres colonies des conditions plus
favorables, la colonie contractante serait admise de plein droit
à réclamer le bénéfice de l'égalité de traitement.
Les colonies, en échange des engagements pris par la so-
ciété et pour assurer le bon fonctionnement de celle-ci, se sont
obligées à lui assurer : 1° la jouissance gratuite, dans chacune
d'elles, pendant toute la durée de son privilège, fixé à 40 ans,
d'une maison dans laquelle seront établis les bureaux de son
administration ; 2° le passage gratuit pendant le même temps,
de France dans la colonie et de la colonie en France, des
agents que la société jugera nécessaire d'envoyer soit pour
gérer ses intérêts, soit pour faire des tournées d'inspection,
mais sans que la dépense résultant de ce double engagement
puisse excéder 8,000 francs par an pour chacune des colo-
nies.
Ces stipulations cesseront d'avoir leur effet lorsque le fonds
de réserve de la société aura atteint le cinquième du capital
social. Elles devront reprendre leur cours si la réserve vient
à être entamée.
La colonie de la Réunion avait interprété ces dispositions en
ce sens qu'il appartenait à la colonie de fournir un local à la
société sans que celle-ci pût elle-même le choisir. Le Conseil
d'État, appelé à statuer sur cette réclamation, a rejeté les
prétentions de la colonie (1).
1118. Les colonies s'obligent, en outre, à garantir éventuel-
lement, chaque année, à la société du crédit foncier, une
somme égale à 2 1/2 0 0 du montant des obligations émises
par la société, en représentation des prêts réalisés par elle
dans la colonie, sans que la somme ainsi garantie puisse excé-
(1) Cous. d'Etat, cont. 15 novembre 1878. L. 78. P.

— 939 —
der 250,000 francs pour la Martinique et 500,000 francs pour
la Réunion et la Guadeloupe.
Cette somme est destinée à couvrir les pertes éprouvées
dans le cours d'un exercice soit sur le payement des annuités
dues par chacun des emprunteurs, soit sur le remboursement
du capital de chacun des prêts après liquidation du gage.
Cette disposition a donné lieu à de nombreuses contestations
entre la société du crédit foncier colonial et les colonies con-
tractantes : le Conseil d'Etat a été appelé à l'interpréter, à
plusieurs reprises, et sa jurisprudence peut être, sur certains
points au moins, considérée comme formée.
Quelle est, tout d'abord, l'époque d'exigibilité des sommes
dues en garantie par la colonie en raison des pertes subies par
la société. Aux termes de l'article 3, ce sont les pertes que le
crédit foncier peut avoir éprouvées dans le cours d'un exer-
cice, c'est-à-dire du 1er janvier au 31 décembre (art. 74 des
statuts). Mais, après la production de cet état, la dette de la
colonie doit être regardée comme immédiatement exigible,
sauf à la société à faire ultérieurement les justifications
nécessaires pour établir soit le montant des pertes subies, soit
le chiffre des obligations émises, d'après lequel doit être cal-
culé le maximum de la garantie.
L'inscription du crédit nécessaire au payement doit être faite
au plus prochain budget, c'est-à-dire au budget de l'exercice
qui suit la production de l'état annuel des pertes, et non au
budget sur lequel le conseil général est appelé à délibérer
après cette production.
Il ne résulte, en effet, d'aucune disposition du contrat qu'un
délai pour le payement ait été stipulé; bien au contraire, dans
les négociations qui ont eu lieu entre les parties, le crédit
foncier colonial avait demandé qu'une somme égale au maxi-
mum de la garantie fût inscrite chaque année éventuellement
au budget, de manière à ce que le payement de la somme due
en garantie suivit immédiatement la réalisation de la perte.
La nécessité de l'inscription préalable a été supprimée dans la
rédaction définitive; mais il résulte de l'instruction que c'était
dans le but de ne pas obliger la colonie à immobiliser tous les
ans une somme considérable en vue d'une éventualité parais-
sant ne devoir se réaliser qu'exceptionnellement, et non pour

— 940 —
lui accorder un délai de payement qui n'était môme pas
demandé par le conseil général.
C'est aux termes d'une convention en date du 14 mai 1886,
la garantie éventuelle consentis par la colonie de la Guade-
loupe au profit du Crédit foncier colonial dont le maximum
annuel était jusqu'alors de 250,000 francs a été porté à celui
de 500,000 francs. Par la même convention, la société du
Crédit foncier s'est engagée à porter à la somme de 20 millions
le minimum des prêts qu'elle s'était engagée à effectuer jusqu'à
concurrence de 10 millions par la convention du 9 août 1863.
Mais ces deux engagements ne sont pas, à proprement parler,
corrélatifs et inséparables. Ainsi, le maximum de garantie
de 500,000 francs a, selon la convention, reçu son application
à partir du 1er janvier 1886, sans qu'il y eut à rechercher si
la société avait dés lors observé le nouveau minimum auquel
ses prêts devaient être portés (1).
1119. Les sommes dues à la société en raison des perles
éprouvées portent intérêt, conformément à l'article 1153 du
Code civil, du jour où, ces sommes étant devenues exigibles,
les demandes d'intérêt ont été formées devant le conseil privé.
Le taux est celui de l'intérêt légal en matière civile, sauf dans
le cas où la société aurait demandé des intérêts inférieurs au
taux légal (2).
11 20. L'imputation de la dette d'un exercice ne peut jamais
être reportée sur les exercices suivants. D'après la convention,
(1) C. d'Et. cont., 13 mai 1898. — Considérant qu'en vertu de la con-
vention ci-dessus visée du 14 mai 1886, c'est à partir du 1er janvier 1880
que la garantie éventuelle consentie par la colonie de la Guadeloupe
au profit du crédit foncier colonial est élevée du maximum annuel de
260,000 francs à celui de 500,000, que si la société requérante s'est
engagée par la même convention à porter à la somme de 20 millions le
minimum des prêts qu'elle s'était obligée à effectuer

jusqu'à concur-
rence de 10 millions par la convention du 9 août 1863, il ne résulte
nullement des termes de la convention du 14 mai 1886 que, pour que la
disposition qui élève le maximum do garantie reçût son application dès
le ler janvier 1886, fût nécessaire que la société eût effectué de nou-
veaux prêts au cours de cet exercice ; — qu'ainsi la société est fondée

à soutenir, etc.
(2) Cons. d'Et. Cont. 16 mai 1873. L. 73. p. 424 (créditfoncier colonial
contre les colonies de la Guadeloupe et de la Réunion) ; Cons. d'Et.
Cont. 11 juillet 1890, L. 90, p. 664(crédit foncier colonial contre la colonie
de la Martinique).


— 941 —
la subvention réclamée par la société à la colonie ne peut
dépasser annuellement, par exemple, 250,000 francs pour la
Martinique; si les pertes éprouvées par la société s'élevaient
à 300,000 francs clans une année, 50,000 francs resteraient à
sa charge sans qu'elle puisse, l'année d'après, en réclamer le
remboursement, lors même que la somme réclamée pour l'an-
née échue serait inférieure au maximum déterminé par la con-
vention. Les effets de la garantie sont, en effet, épuisés dans
le cours de deux semestres.
Aux termes de l'article 3 de la convention, la somme garantie
doit être calculée, chaque année, dans la limite du maximum,
à raison de 2 1/2 0/0 du montant des obligations émises en
représentation des prêts. Mais si cet article n'a prévu que le
cas où la compagnie aurait émis des lettres de gage, ce qui est
le cas le plus général, il ne s'ensuit pas que la colonie ne doive
également la garantie à la société pour les prêts faits d'une
toute autre manière (1).
1121. Les annuités dues par les emprunteurs comprenant,
outre les intérêts des sommes prêtées et une allocation pour
frais d'administration, la somme nécessaire pour amortir la
dette clans le délai de 30 ans au plus, il y a lieu, en calculant
le montant des prêts en cours, pour établir le maximum de la
garantie coloniale, de tenir compte de la réduction qui a pu
être opérée sur le capital de chaque prêt par le payement des
avances antérieures (2).
Il y a lieu également de déduire la somme allouée par
l'emprunteur pour frais d'administration (art. 5).
La colonie peut s'affranchir du service des annuités en retard
en provoquant, de la part de la société, l'exécution immédiate
du gage. Mais le droit attribué ainsi à la colonie d'imposer à
la société les mesures à prendre à l'égard de ses débiteurs ne
saurait être étendu au delà des limites fixées par cet article. Il
suit de là que, lorsque la société ne réclame pas la garantie
coloniale pour le service de l'annuité non payée, la colonie n'a
pas le droit d'exiger l'expropriation immédiate du gage. La
(1) Cf. Cons. d'Et. Cont. 9 avril 1873 (colonie de la Réunion contre
crédit foncier colonial). L. 75, p. 295.
(2) lbid.

— 942 —
colonie n'a par suite aucun intérêt à demander qu'il lui soit
remis, chaque année, un état de toutes les annuités en retard ;
seulement, en ne comprenant pas les annuités en retard dans
l'état annuel des pertes, le crédit foncier renonce définitivement
à en réclamer le remboursement par la colonie, notamment
lors de l'expropriation du gage (1).
Lorsque le crédit foncier renonce ainsi à réclamer le rem-
boursement par la colonie des annuités en retard, la colonie
n'est pas fondée à déduire la fraction de l'amortissement
comprise dans ces annuités non réclamées de la somme à payer
lors de la réalisation du gage (2).
1122. La société de crédit foncier peut, si les annuités ne
sont pas régulièrement payées, procéder à l'expropriation des
immeubles hypothéqués et réclamer du nouvel acquéreur le prix
ferme et immédiat.
Mais la société peut également continuer les prêts purement
et simplement avec les acquéreurs nouveaux, en vertu d'une
clause du procès-verbal d'adjudication. La colonie conserve
toujours, il est vrai, le droit d'exiger une liquidation définitive,
mais en l'absence d'opposition de sa part, les prêts continués
dans les conditions ci-dessus indiquées doivent entrer en
ligne de compte, au même titre que les autres pour le calcul
du maximum de garantie (3).
Si, lors de l'expropriation du gage en cas de non-payement
des annuités, il ne se présente pas d'acquéreur pour un prix
égal au montant des prêts consentis par la société, celle-ci
peut se porter adjudicataire. On s'est demandé s'il devait
encore être tenu compte clans ce cas, pour l'établissement du
maximum de la garantie, des prêts dont les gages ont été
ainsi acquis par la société. Le Conseil d'État s'est prononcé
dans le sens de l'atlirmative (4).
Lorsque la colonie s'est rendue adjudicataire d'un immeuble
hypothéqué à la société, elle n'est pas fondée à déduire du
(1) Cons. d'Et. Cont. 9 avril 1875. L. 75. 294.
(2) Cons. d'Et. Cont. 21 février 1888, L. 88. 176. 3 août 1888. L. 88.496.
4 janvier 1889, L. 89.1.
(3) Cons. d'Et. Cont. 9 avril 1875, L. 75.
(4) Ibid.

— 943 —
maximum de la garantie à laquelle elle s'est engagée le prix
de son adjudication (1).
1123. En cas d'adjudication au profit de la société pour un
prix inférieur au chiffre des prêts consentis, la société peut
réclamer de la colonie le payement de la garantie jusqu'à con-
currence de la somme non recouvrée ; mais, lors de la revente
de l'immeuble, la société doit faire profiter la colonie, jusqu'à
concurrence du capital que celle-ci a fourni en exécution de la
garantie, de la plus-value qui peut résulter de la revente. Si,
par exemple, le crédit foncier ayant prêté 30,000 francs sur
hypothèque, se rend adjudicataire de l'immeuble moyennant la
somme de 10,000 francs, la colonie pourra être appelée à
combler la différence, soit 20,000 francs, qui devront servir
au rachat des obligations émises jusqu'à concurrence de cette
somme. Si plus tard cet immeuble est revendu moyennant un
prix de 45,000 francs, le crédit foncier devra compte à la
colonie de la somme de 20,000 francs remise par celle-ci : la
colonie ne peut, d'ailleurs, réclamer le bénéfice de cette dispo-
sition qu'au fur et à mesure du versement des annuités qui
sont le prix de la revente (2).
Mais, si le nouvel acquéreur ne remplit pas ses engagements,
et s'il y a lieu de procéder à une nouvelle expropriation faite
encore avec perte, la colonie devra la garantie à la société
pour la perte nouvelle résultant de cette revente, même si
celle-ci a été effectuée sans l'agrément de la colonie, malgré
une mise en demeure préalable. 11 a été jugé, en effet, que la
revente ainsi faite n'a pas pour résultat de clore définitivement
l'opération conformément à l'article 3 de la convention, et de
mettre fin à la garantie coloniale (3).
Le crédit foncier ne saurait d'ailleurs réclamer de la colonie le
payement intégral de toutes les sommes qui resteraient impayées
sur le montant du prix dû par l'acquéreur, mais seulement les
sommes payées pour le service des obligations émises, et les
impenses faites pour la conservation et la liquidation du gage.
Il y a lieu, notamment, de déduire du total de la garantie la
(1) Cons. d'Et. Cont. 28 mars 1790, L. 90.337.
(2) Cons. d'Et, Cont. 4 janvier 1889, L. 83. 1 ; 11 juillet 1870, L. 90.664.
(3) Cons. d'Et. Cont. 30 janvier 1S91, L. 91. 53; 17 mai 1895, L. 95.

il5. Cons. d'Et. Cont. 13 mai 1898.

— 944 —
valeur de l'immeuble resté entre les mains du crédit foncier
pour le prix d'adjudication.
Dans le calcul des sommes payées pour le service des obli-
gations émises, il faut faire entrer les sommes nécessaires
pour assurer le service des obligations et, par conséquent, une
prime pour frais de remise en France des fonds nécessaires.
On ne saurait prétendre que ces frais sont compensés par le
bénéfice que la société retire d'autres opérations de change (1).
Si nous reprenons l'hypothèse que nous avons envisagée ci-
dessus, si nous supposons que le crédit foncier, adjudicataire
lors de la première vente pour une somme de 10,000 francs,
se porte à nouveau adjudicataire de l'immeuble pour une
somme de 4,000 francs avant qu'aucune annuité n'ait été payée
par l'acquéreur, nous pensons que le crédit foncier pourra
réclamer de la colonie (si nous supposons que celle-ci ait
déjà versé, à titre de garantie, une somme de 20,000 francs
représentant la différence entre la valeur des prêts consentis
30,000 francs et le prix d'adjudication) la garantie jusqu'à con-
currence de 6,000 francs, plus les impenses, frais et loyaux
coûts que le crédit foncier justifierait avoir faits pour la conser-
vation du gage (2).
Si, au contraire, cet immeuble, acquis par le crédit foncier
pour une somme de 4,000 francs, fait l'objet d'une nouvelle
vente à un prix inférieur, — ou à un prix supérieur, mais que
le nouvel acquéreur, n'acquittant pas les annuités dues, soit
exproprié à son tour et que l'immeuble reste adjugé à la société
pour un prix inférieur à la somme nécessaire pour assurer le
remboursement des obligations restant émises sur ce prêt, —
la société pourra-t-elle faire un nouvel appel à la garantie de
la colonie?
Nous estimons que si la garantie de la colonie ne s'est pas
trouvée épuisée par le fait de la revente, si celle-ci n'a pu
procurer le remboursement des obligations émises en repré-
sentation du prêt, la garantie de la colonie ne saurait se trouver
éteinte par le fait d'une seconde revente dont les résultats
seraient identiques.
(1) Cons. d'Et. Cont. 24 février 1888, L. 88. 170.
(2) Cf. Cons. d'Et. Cont. 4 février 1888, L. 81. 142.

— 945 —
1124. Nous avons vu que, lorsque la société s'est rendue
adjudicataire d'un immeuble constituant le gage d'un prêt,
elle â seule qualité pour faire tous les actes préparatoires de
la vente. L'administration de la colonie excéderait ses droits
si elle publiait, sans l'assentiment du crédit foncier, un avis
annonçant la vente de cet immeuble et invitant les personnes
qui voudraient se porter acquéreurs à faire connaître leurs
offres au directeur de l'intérieur.
Mais le crédit foncier colonial ne saurait, contre le gré de
la colonie, ajourner indéfiniment la revente des immeubles
dont il s'est rendu adjudicataire et dont le prix doit venir en
déduction des sommes payées il titre de garantie. Si l'admi-
nistration ne peut faire d'elle-même aucun acte qui la substi-
tuerait au crédit foncier colonial, elle peut néanmoins avoir
recours à la juridiction compétente (conseil du contentieux
administratif) non pour poursuivre directement la vente, mais
pour obtenir une décision enjoignant à la société d'y procéder
dans un délai imparti, et ce à peine de dommages-intérêts pour
retard (1).
1125. Aux termes de l'article 10 de la convention, la garantie
de la colonie ne peut être invoquée par la société pour couvrir
ses pertes si celles-ci sont le résultat de l'irrégularité de ses
titres ou de toute autre faute lourde de sa part. Mais on ne peut
pas considérer comme une faute lourde, opposable à la société,
le fait d'avoir prêté sur un immeuble une somme supérieure à
la valeur de cet immeuble, reconnue lors de l'exécution du
gage, alors que toutes les formalités prescrites par les statuts
ont été observées, qu'il a été procédé à une expertise sur la
valeur des immeubles offerts en gage, et que la commission
instituée par l'article 61 a été appelée à se prononcer sur cette
estimation. Celte commission renferme, en effet, dans son sein,
deux membres du conseil général de la colonie chargés de
défendre les intérêts de celle-ci. Par suite, alors même qu'il
pourrait être justifié qu'une erreur d'estimation aurait été
commise cette erreur ne saurait constituer une faute lourde,
au sens de l'article 10 de la convention (2).
(1) Avis du comité cousultatif du contentieux de la
marine et des
colonies, 21 janvier 1884.
(2) Cous. d'Et. Cont. 12 juillet 1878, L. 78. 664.
COLONIES, I.
60

— 946 —
1126. La société de crédit foncier colonial a été fondée
en 1860, mais ce n'est qu'en 1863, après sa transformation,
que sont intervenues les conventions que nous venons d'exa-
miner; en conséquence, les prêts consentis antérieurement à
cette transformation ne sont point garantis par les colonies (1).
Aux termes de l'article 44 des statuts, les prêts doivent être
faits sur première hypothèque; mais cette disposition ne fait
pas obstacle à ce que, si un premier prêt a été consenti avant
1863 par la société, celle-ci puisse accorder de nouveaux gages
sur le même immeuble, à condition toutefois que la somme
totale des prêts concédés nu dépasse pas le maximum fixé par
l'article 49 des statuts, c'est-à-dire la moitié de la valeur de
l'immeuble. En effet, la société est créancière au même titre
des sommes prêtées avant sa transformation et de celles prêtées
depuis la convention; l'hypothèque lui appartient pour la sûreté
de la totalité de ses prêts, seulement il ne devra être tenu compte
que des prêts consentis depuis 1863, soit pour le calcul des
pertes, soit pour le calcul du maximum de garantie (2).
1127. La garantie coloniale ne constitue pour la société
qu'une simple avance, dont le remboursement à la colonie
devra être opéré quand les bénéfices de la société le permet-
tront.
Nous avons vu qu'aux termes de l'article 77 des statuts an-
nexés au déeret du 31 août 1863, lorsque le fonds de réserve
formé au moyen du prélèvement annuel du quart des béné-
fices atteint le cinquième du capital social, ce prélèvement n'a
plus lieu.
Pour faciliter à la société le remboursement des sommes al-
louées par la colonie à litre de garantie, la convention stipule
que le prélèvement du quart des bénéfices continuera à être
opéré pour former un fonds spécial de garantie.
Lors de l'expiration de la convention, ce fonds fera retour à
la société en tout ou partie, si la société n'a pas eu recours
à la garantie ou si les remboursements effectués ne l'ont pas
épuisé.
Des dispositions spéciales devront être prises à celte épo-
(1) Convention. 4 août 1863, art. 11.
(2) Cf. Cons. d'Et. Cont. 9 avril 1875. L. 75. 292.


._ 947 —
que, si le fonds de réserve a été constitué, pour régler sa ré-
partition entre les diverses colonies; rien n'est prévu jusqu'à
présent à ce sujet (1).
1128. Compétence. En cas de contestation entre la société
de crédit foncier colonial et les colonies, c'est aux conseils du
contentieux administratif qu'il appartient de statuer.
En effet, l'article 176, § 2, de l'ordonnance du 9 février 1827
concernant les Antilles, et l'article 160, § 2, de l'ordonnance
de 1823 concernant l'île de la Réunion, portent qu'il appartient
au conseil privé de connaître non seulement des marchés des
travaux publics et de fournitures, mais encore, et d'une ma-
nière générale, de tous les marchés passés avec l'administra-
tion ; le paragraphe 13 de ces articles confère au même con-
seil le droit de connaître en général du contentieux adminis-
tratif, disposition par laquelle l'ordonnance a entendu transfé-
rer à cette juridiction la connaissance de toutes les contestations
que la législation antérieure attribuait à l'autorité administra-
tive et.parmi lesquelles une ordonnance locale de la Réunion,
en date du 14 novembre 1817, rangeait toutes les contestations
pouvant s'élever à l'occasion des opérations de finances et des
autres actes de l'administration (2).
1129. En ce qui concerne le payement des sommes dues en
garantie par les colonies, il n'appartient qu'au conseil général,
et à l'autorité administrative supérieure, d'en assurer le paye-
(1) La convention du 8 septembre 1863 entre la colonie de la Réunion
et la société du crédit foncier colonial a donné lieu à de nombreuses
difficultés d'interprétation ainsi que l'on peut le voir par des arrets du
Conseil d'Etat. Pour mettre fin à cet état de choses, le conseil général
de la Réunion, dans sa séance du 21 juillet 1896, a approuvé une trans-
action intervenue avec la société dans le but d'obtenir la résiliation de
la convention de 1863, moyennant le versement d'une somme de
350.000 francs, payable en huit annuités avec intérêt à 5 0/0. Le droit
de la colonie de demander compte a la société de la gestion de chacun
des immeubles donnés en gage, ne paraît pas faire obstacle à la trans-
action, mais le vote du conseil général ayant pour objet de consti-
tuer la colonie débitrice d'annuités importantes nous semble constituer
uu emprunt déguisé et, dès lors, en exécution de l'article 1"' du décret
du 11 août 1866, cette délibération devra être sanctionnée par un dé-
cret en forme de réglement d'administration publique.
(2) Cf. Cons. d'Et. Cont. 16 mai 1873. L. 73 . 424.— La cour de cassa-
tion s'est également prononcée dans ce sens. Cass. civ. 8 avril 1874.
D. P. 74.1.

— 948 —
ment, comme de toute autre dette devenant exigible en cours
d'exercice, soit par l'inscription préalable lors du vote du
budget, soit par l'imputation sur le fonds pour dépenses
imprévues, soit enfin par l'ouverture d'un crédit supplé-
mentaire. Si le conseil général omet d'inscrire cette dépense
à son budget, il appartient au ministre des colonies, en vertu
de l'article 8 du sénatus-consulte du 4 juillet 1866, d'inscrire
d'office au budget les dépenses obligatoires et spécialement
les dettes exigibles.
1130. Les agences locales du crédit foncier colonial établies
dans nos diverses colonies sont assujetties à la patente. La
société soutint en 1870 que ses opérations financières se réali-
sant au siège social,"à Paris, elle ne devait pas être considérée
comme exerçant une industrie à Saint-Denis (Réunion) et à la
Pointe-à-Pître (Guadeloupe). Cette prétention fut repoussée
par le motif que, d'après les statuts de la société, la commis- -
sion locale et les agences installées à Saint-Denis et à la
Pointe-à-Pitre peuvent consentir définitivement les prêts n'ex-
cédant pas 10,000 francs; que les prêts consentis au siège
social à Paris sont réalisés en espèce et que les annuités sont
payables aux sièges des agences dans les colonies (1).
Le crédit' foncier colonial est assujetti, à la Martinique, au
payement d'une taxe de 2 0/0 sur ο millions, part du capital
social proportionnelle au chiffre des opérations garanties dans
la colonie.
A la Guadeloupe, le conseil général, après avoir organisé la
contribution des patentes sur les bases fixées en France par la
loi du 15 juillet 1880, avait voté, pour le crédit foncier colonial
seul, une taxe spéciale déterminée d'après le chiffre des affaires
de cette société et s'élevant à 1 fr. 2o par 1,000 francs de ca-
pital prêté dans la colonie. Conformément à un avis de la
section des finances du Conseil d'Etat (2), le gouvernement
(1) Cons. d'Et. Cont. 9 août 1879. L. 70. 1038.
(2) Cons. d'Et. Fin. — Considérant que cette contribution repose sur

des bases absolument contraires aux principes fondamentaux de notre
législation; — que si, en effet, la patente se compose dans la métro-

pole d'un droit fixe et d'un droit proportionnel, ce dernier droit a tou-
jours été établi sur des signes extérieurs et manifeste de l'importance
de l'industrie imposée, tels que la population, le personnel employé, la

— 949 -
n'approuva pas cette délibération, et le conseil général fixa la
patente du crédit foncier à 1 fr. 75 0/0 sur 5 millions, part
du capital social afférent à la colonie.
Les immeubles de la socié té du crédit foncier, bien qu'exempts
de la contribution des maisons, peuvent d'ailleurs, dans les co-
lonies, être soumis à la taxe des biens de main-morte (1).
ARTICLE 4. — Régime monétaire.
1131. Antilles.
Depuis 1650 jusqu'en
1826, on ne
compte pas moins de trente ordonnances, arrêtés et décisions
relatifs à la circulation métallique aux Antilles, et s'efforçant
d'y établir la computation monétaire de la métropole. Pen-
dant cette période, la circulation monétaire, soumise aux plus
grandes fluctuations, suivait naturellement les variations de la
balance commerciale; les crises sévissaient périodiquement.
L'ordonnance de 1826 établit que la computation admise en
France serait obligatoire, que le franc serait la seule monnaie
légale; mais les monnaies étrangères, les quadruples espagnols
en particulier, conservaient leur cours forcé. Un décret du
23 avril 1835 les démonétisa et leur interdit l'accès des caisses
publiques.
Pour faciliter celte transformation, les gouverneurs furent
autorisés à mettre en circulation des bons de caisse repré-
sentés par des monnaies nationales mises en réserve pour une
somme égale, dans la caisse du trésor, et ayant cours forcé.
Cet état de choses prit fin en 1868.
1132. Mais à la suite de la crise sucrière, il fallut dans l'in-
térêt surtout des banques, pourvoir aux moyens d'éviter une
exportation trop grande du numéraire (2).
valeur locative des bâtiments, etc., mais jamais sur le chiffre des
affaires, ce chiffre ne pouvant être connu qu'au moyen d'investigations
que le législateur n'a jamais voulu admettre.
(1) Cons. d'Et. Cont. 16 mars 1894. L. 94. 206.
(2) En effet, quand la récolte est bonne et que les prix sont rémuné-
rateurs, la balance commerciale est plutôt en faveur de la colonie, et
celle-ci arrive facilement à payer les dettes qu'elle a contractée en
France et à l'étranger. Lorsque, au contraire, la récolte est mauvaise ou
que les prix sont avilis, le consommateur créole n'a plus le moyen de
désintéresser ses créanciers par les denrées qu'il exporte. 11 est obligé,
pour faire face à ses obligations, d'expédier les monnaies qui se trou-
vent en circulation dans la colonie et de présenter à l'encaissement

— 950 —
Et pour parer aux inconvénients de cette situation, le gou-
vernement autorisa, par un décretdu l8 août l884, une nouvelle
émission de bons de caisse dans les colonies de la Martinique
et de la Guadeloupe (1).
En vue de rendre immédiatement réalisable le retrait dés
bons de caisse, dès que l'équilibre commercial sera rétabli,
les bons doivent, en tout temps, être représentés par des mon-
naies d'or, des pièces de 5 francs ou des monnaies division-
naires d'argent nationales, mises spécialement en réserve à
cet effet dans la caisse du trésorier-payeur pour une somme
égale aux émissions de papier; toutefois, en raison de la crise
économique traversée par la Guadeloupe, un décret du
9 avril 1903 a autorisé l'émission dans cette colonie de bons
de caisse avec un dépôt de garantie, constitué, non en espèces,
mais en rentes françaises 3 0/0 perpétuel ou 3 0/0 amortissa-
ble évaluées au taux de capitalisation de 90 francs par 3 fr.
de rente. Le montant total des bons de caisse ne doit pas
excéder 1 million.
Les banques ont été autorisées à comprendre les bons de
caisse dans leur encaisse métallique tel qu'il est déterminé par
l'article 4 de la loi du 24 juin 1874.
Le montant des émissions, le chiffre des coupures et les,
conditions de la fabrication des bons de caisse sont détermi-
nés par arrêtés du gouverneur (2).
des banques locales les billets qu'il possède, en vue de recevoir eu
échange du numéraire exportable.
Le numéraire et
l'encaisse métallique des banques sont menacés
d'exportation, et les bauques pourraient se trouver obligées d'arrêter
leurs opérations. Le trésor en éprouverait tout le. premier un sérieux
préjudice, puisqu'il possède dans ses coffres des sommes importantes en
en billets qu'il ne pourrait plus présenter à l'encaissement.
(1) Cass. Req. 9 janvier 1899 (Aff.
de Veyrart) D. P. 1899) 1.88. —
Lorsqu'un réglement d'administration publique est intervenu pour con-
jurer une crise monétaire en autorisant dans une colonie l'émission
de bons de caisse assimilés à des espèces
métalliques, la Cour de Cas-
sation le considère comme participant du caractère des lois de police
et de sûreté. En vertu de ce réglement, tous les habitants de la colonie
sont obligés de recevoir les bons émis, c'est une monnaie légale qui
s'impose à tous ; plus particulièrement il n'y a pas lieu de distinguer
entre les paiements faits à la banque de la colonie et ceux qui sont
dus par elle.
(2) L'exportation de la monnaie dé billon a été interdite aux Antilles
par décrets en date des 30 mai 1890 et 7 décambre 1895.

— 951 —
1133. Guyane. La computation monétaire de la métropole
a été mise en vigueur à la Guyane par arrêté local du 2 fé-
vrier 1820. Des bons de caisse ont été créés par arrêté local
du 8 juin 1844 ; il fut émis en outre pour 140,000 francs de
billon; depuis, ces bons de caisse ont été remboursés et les
payements en monnaies nationales ont été repris. Les monnaies
étrangères ont cessé d'avoir cours légal à partir de 1854.
Saint-Pierre et Miquelon. Quoique notre computation
monétaire ait été consacrée par arrêté du 7 juillet 1824, des
arrêtés locaux ont donné cours légal à des monnaies anglaises
et américaines pour les besoins des transactions. Un arrêté du
commandant, en date du 16 juin 1873, a même autorisé le
trésor à recevoir et à donner en payement les diverses mon-
naies étrangères d'or et d'argent dont le cours était fixé par
ledit arrêté. Mais ces monnaies ne peuvent être acceptées pour
leur valeur d'après ledit tarif que lorsqu'elles sont au titre
légal, qu'elles conservent les empreintes et n'ont pas subi par
le frai plus d'un centième de diminution dans leur poids.
Sénégal. Le régime monétaire est identique à celui de la
métropole. Aucune monnaie étrangère n'a de cours légal,
mais dans les transactions avec les traitants, notamment dans
le Haut-Fleuve, on emploie comme marchandise de troque la
guinée de Pondichéry, cotonnade ayant un cours très régulier.
Dahomey. En exécution de la convention franco-allemande
du 26 décembre 1889 les droits de douane peuvent être indif-
féremment payés en monnaie française, allemande ou anglaise.
1134. Réunion. La colonie de la Réunion a toujours été
tributaire de l'Inde pour le blé, le riz et le tabac. Au fur et à
mesure de l'accroissement de l'immigration étrangère il fallait
pourvoir à de nouveaux besoins, car les travailleurs ainsi
introduits n'étaient employés qu'à des cultures d'exportation.
D'autre part, les remises dans l'Inde ne pouvant se faire en
denrées de la Réunion, puisque l'Inde les produit également
en quantité suffisante pour sa consommation, les payements
doivent s'effectuer en numéraire. Les importateurs de la colonie
sont donc amenés à rechercher le numéraire et à l'expédier
dans l'Inde; de là la prime élevée et la raréfaction constante
des espèces métalliques. Aussi les crises monétaires étaient-
elles devenues extrêmement fréquentes et aiguës ; les monnaies

— 952 —
de toute provenance étaient accueillies par le commerce sans
trop s'inquiéter de leur valeur réelle, surtout celles qui pou-
vaient être acceptées dans l'Inde à un cours quelconque. Les
autres restaient dans la circulation au cours fixé par l'usage.
Pour remédier à ces inconvénients,
le Gouvernement
résolut d'appliquer à la Reunion le régime monétaire métro-
politain, en laissant au Gouverneur le soin de déterminer par
arrêtés les conditions et les délais dans lesquels s'opérerait le
retrait des espèces démonétisées.
En conséquence, un décret du 2 avril 1877 promulgua les
actes relatifs au régime monétaire de la métropole, et abrogea
toutes dispositions contraires, notamment les actes portant
fixation d'une valeur légale pour les monnaies étrangère-.
Des émissions de bons de caisse ayant cours forcé et repré-
sentés en tout temps dans les caisses du trésor par une valeur
égale en monnaies nationales facilitèrent cette transformation.
La réglementation des bons de caisse est la même qu'aux
Antilles. Dans les trois colonies, les pièces d'argent de 2 francs
1 franc et 50 centimes ont cours legal entre particuliers et
dans les payements effectués dans les caisses publiques, sans
limitation de quantité.
Grâce à ces mesures, grâce à la banque et au comptoir
d'escompte, qui ont fourni des moyens de remise sur la
France pour le solde des importations d'Europe, les crises
monétaires périodiques sont devenues moins vives; mais elles
restent cependant très graves, car le taux élevé du change sur
la France favorise les réexpéditions du numéraire dans la
métropole (1).
Un décret du 27 mars 1898 a retiré de la circulation, à la
Réunion, les bons de caisse en papier de 0 f'r. 50, 1 franc et
2 francs,
émis dans la colonie en vertu d'un décret du
2 mai 1879.
1136. Mayotte et Nossi-Bé. Par suite de l'introduction en
très grand nombre des roupies de l'Inde dans les colonies de
Mayotte et de Nossi-Bé, et de leur dépréciation, les caisses du
trésor avaient à supporter des pertes assez sensibles. N'osant
(1; L'exportation de la monnaie de billon a été interdite à la Réunion
par le decret du 31 juillet 1893.

— 953 —
y obvier par la démonétisation absolue et immédiate des
roupies et leur remplacement par la monnaie française, le
Gouvernement métropolitain avait été amené à fixer le taux
de la roupie à un chiffre assez bas pour que le commerce
n'ait plus intérêt à en introduire. Un décret du 14 mai 1880
avait fixé provisoirement le taux à 2 fr. 15.
Mais ce décret a été abrogé par celui du 27 août 1883, por-
tant qu'à partir du 1er janvier 1884 les lois, décrets et ordon-
nances relatifs au régime monétaire seraient applicables à
Mayotte et à Nossi-Bé. Les administrateurs sont autorisés à
émettre des bons de caisse dans les mêmes conditions qu'aux
Antilles. Les pièces divisionnaires d'argent nationales ont cours
légal, sans limitation de quantité.
1137. Inde. Notre système monétaire est officiellement en
vigueur dans les établissements de l'Inde, mais en fait, ce
sont les monnaies indiennes et leurs subdivisions qui sont en
usage. La plus habituelle est la roupie sica, dont le taux légal
est fixé d'après le cour commercial (1). A cet effet, le 20 de
chaque mois, un arrêté du gouverneur, en conseil privé, rendu
sur la proposition du trésorier-payeur et d'après la moyenne
des cours effectifs du change pendant le mois précédent,
détermine le taux officiel pour toute la durée du mois suivant.
Les arrêtes du gouverneur fixant le taux de la roupie sont
immédiatement notifiés par le trésorier-payeur aux comptables
sous ses ordres, et la diminution ou l'augmentation de la
valeur de son encaisse et des encaisses de ses préposés, qui es
la conséquence du nouveau cours, est portée au débit ou au
crédit du compte : « Frais de négociation et de change » (2).
Conformément aux dispositions d'un décret du 17 oc-
tobre 1895, le budget et le compte administratif des établisse-
ments français de l'Inde sont établis en roupies. Un décret du
31 mai 1898 a réglementé la fixation du taux officiel de la rou-
(1) Déc. 13 septembre 1884 ; Β. 0. M., 1885, 1er sem., p. 359. Déc.
17 octobre 1895.
(2) Le décret du 17 octobre 1895 a prescrit de prendre la roupie
comme unité de valeur pour l'établissement du budget, la perception
des contributions et l'acquittement des dépenses. Pour toutes les opé-
rations commerciales du service colonial et des services publics
métro-
politains, il faut donc convertir la roupie en francs.

— 954 —
pie dans nos possessions. Ce taux est fixé le 25 de chaque
mois, mais, si le cours officiel présente un écart trop considé-
rable avec le cours commercial, le gouverneur peut le modifier
sans attendre l'époque réglementaire.
1138. Indo-Chine. La piastre, avec ses subdivisions, est la
seule monnaie en usage pour toutes les transactions eu Indo-
Chine; aussi un décret du 5 juillet 1881, modifié par le décret
du 10 décembre 1887, a-t-il prescrit l'établissement en piastres
du budget local de la Cochinchine qui, jusqu'alors, était cal-
culé en francs (1); on voulait établir le parallélisme entre le
budget et les payements, mais si les opérations du budget lo-
cal, faites dans la colonie, devenaient ainsi très faciles, la dif-
ficulté renaissait en sens contraire pour les payements du bud-
get local hors de la colonie, pour les recettes et les dépenses
du service colonial et du service métropolitain dans la colo-
nie, enfin pour les opérations de trésorerie.
Il fallut déterminer la correspondance entre la piastre et le
» franc. Dans ce but, le taux auquel la piastre est convertie en
francs est fixé, le 25 de chaque mois, par arrêtés du gouver-
neur rendus en conseil privé, sur la proposition du trésorier-
payeur et d'après la moyenne des cours effectifs du change
pendant le dernier mois écoulé, sans fraction de centime.
Ces arrêtés du gouverneur sont immédiatement notifiés au
Département des colonies, à celui des finances, aux gouver-
neurs et commandants des autres colonies et aux chefs de ser-
vice de l'administration de la Cochinchine.
1139. Mais ces décisions de l'autorité locale, concernant le
cours et la valeur monétaire de la piastre mexicaine dans les
possessions françaises de la Cochinchine, s'appliquent exclusi-
vement aux recettes du trésor, ainsi qu'au payement des dé-
penses des services publics; elles ne régissent pas le règle-
ment des transactions privées et les payements à faire entre
simples particuliers; ces règlements et ces payements restent
sous l'empire du droit commun (2). En effet, aux termes de
(1) En 188G, cependant, on a essayé de revenir à l'ancien système et
d'établir le budget en francs, mais cette tentative fut de courte durée
le budget de 1888 a été établi en piastres.
(2) Cf. Cass. civ. 12 janvier 1880 (Lebourdais contre Hamonic frères).
D. P. 1880. 1.166.

— 955 —
l'article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854, la législation
sur le régime monétaire et le taux de l'intérêt ne pouvant être
modifiée en Cochinchine que par décret du Chef de l'Etat, les
gouverneurs n'ont pas le droit d'imposer de leur seule auto-
rité, comme obligatoire, dans les transactions privées, le taux
officiellement donné par eux à des monnaies étrangères pour
les payements aux caisses publiques (1).
Un décret du 14 avril 1898 a d'ailleurs fixé les conditions
de titre dans lesquelles sont frappées les pièces de 50/100, de
20/100 et 10/100 de la piastre française de commerce en Indo-
Chine. Les pièces de 20/100 et de 10/100 ont cours légal
entre particuliers jusqu'à concurrence de 2 piastres pour
chaque paiement.
1140. Nouvelle-Calédonie. Notre système monétaire est en
vigueur. Au début, les monnaies françaises étant en nombre
insuffisant, la plupart des payements de la trésorerie s'effec-
tuaient en bons du trésor qui ont été progressivement retirés
de la circulation, lors de la faillite de la banque.
Établissements de l'Océanie. Par arrêté du gouverneur des
possessions françaises de l'Océanie, en date du 20 avril 1845,
la pièce de 5 francs française a été considérée comme étalon
monétaire à Tahiti et assimilée comme valeur à la piastre forte,
dans les transactions du gouvernement et dans tous les paye-
ments à effectuer parle trésorier de la colonie. Pour remédier
à la sortie incessante du numéraire, divers arrêtés autorisèrent,
à partir de 1872, l'émission de bons du trésor. Un décret du
9 mars 1880 a autorisé la mise en circulation de bons de
caisse garantis par une réserve métallique dans les mêmes
conditions que dans les autres colonies (2).
(1) Les conditions de titre, de poids, de tolérance et de diamètre clans
lesquelles sont fabriquées la piastre française de commerce et ses sub-
divisions ont été fixées par le décret du 8 juillet 1894. Ces monnaies
n'ont pas cours légal en France et n'y jouissent pas du pouvoir libéra-
toire.
Il a été jugé que la prohibition établie par le décret du 11 mai 1807
atteint, en France, même les monnaies de billon frappées à l'effigie de
a République française à l'usage exclusif des colonies.
(Cass. crim.
21 décembre 1895, Bull. Crim. 1895, p. 553.1 Les dispositions de la loi du
30 novembre 1896 sont donc applicables à la confiscation de ces monnaies
de billon.
(2) Le décret du 22 juillet 1893 a interdit l'importation aux colonies
des monnaies divisionnaires d'argent italiennes. Les monnaies de cette

— 956 —
ARTICLE 5. — Régime industriel.
§ 1.Établissements dangereux, incommodes et insalubres.
1141. La nécessité de prévenir les dangers et les inconvé-
nients qui pourraient résulter de la formation, dans l'enceinte
des villes et bourgs et dans l'entourage des lieux habités,
d'établissements qui sont ou peuvent devenir insalubres ou
incommodes, a déterminé le législateur, en France, à édicter
certaines mesures restrictives du droit de propriété et de la
liberté commerciale et industrielle. Le même besoin n'a pas
tardé à se faire sentir dans les colonies où les agglomérations
d'habitants ont, depuis quelque temps déjà, pris un certain
développement. La législation de la métropole a servi de base
aux arrêtés ou décrets intervenus sur la matière.
Λ la Martinique, les établissements de cette nature sont en-
core régis par l'arrêté du 3 janvier 1845 et l'arrêté du
2 août 1870 (1).
La nomenclature annexée à l'arrêté de 1870 est très limitée
et ne comprend que les industries qui, à cette époque, exis-
taient ou étaient supposées pouvoir s'établir à la Martinique.
Quant aux établissements nouveaux qui, n'étant pas désignés
dans la nomenclature de 1870, seraient cependant de nature à
y être compris, le directeur de l'intérieur est autorisé à en
faire suspendre la création ou l'exploitation.
Les intéressés doivent adresser une demande en autorisation
à l'autorité compétente ; le gouverneur est appelé à statuer,
après avis du conseil privé et du conseil colonial d'hygiène,
sur le classement des nouveaux établissements.
1142. A la Guadeloupe, le décret du 10 mai 1882 reproduit
à peu près exactement la législation métropolitaine. Aucun
établissement dangereux, incommode ou insalubre ne peut
être formé sans l'autorisation de l'administration. Ces établis-
sements sont divisés, conformément à une nomenclature insé-
nature qui se trouvaient déjà dans nos établissements d'outre-mer ont
été rapatriées en exécution de la loi du 22 mars 1894, approuvant la con-

vention monétaire franco-italienne.
(1) Β. 0. Mart. 1845, p. 19 et 1870, p. 422.

— 957
rée au décret, en trois classes (1) soumises aux mêmes obliga-
tions que les classes correspondantes dans la métropole.
1143. Le décret de 1882 a été déclaré applicable à la Guyane
par décret du 24 septembre 1882, aux établissements de l'Inde
par décret du 13 janvier 1883, aux possessions françaises
d'Océanie par décret du 21 juin 1887, au Sénégal par décret
du 26 juillet 1890.
Λ Saint-Pierre et Miquelon, l'arrêté local du 8 août 1873.
(1) Les établissements compris dans les première et deuxième classes
sont autorisés par des arrêtés du gouverneur rendus sur le rapport du
directeur de l'intérieur ; ceux de la troisième classe, par des arrêtés
du direteur de l'intérieur.
Les arrêtés statuant sur les demandes d'autorisation peuvent être
déférés au conseil du contentieux administratif, qui statue, sauf recours
au Conseil d'État, dans les délais fixés par les articles 11, 86 et 87 du dé-
cret du ο août 1881.
S'il y a opposition, de la part de tiers intéressés, contre l'arrêté d'au-
torisation.
1 est statué de la même manière.
Aucune autorisation, ne peut être donnée avant l'accomplissement de
toutes les formalités prescrites par ne décret et qui sont presque iden-
tiquement les mêmes que celles du décret du 15 octobre 1810.
Les établissements en activité, au moment de la promulgation du dé-
cret de 188-2, peuvent continuer à être exploités sans autorisation spé-
ciale, sous la éserve des dommages et intérêts auxquels les voisins auraient
droit. Mais il tomberaient sous l'action du décret s'ilétaient transférés
dans un autre emplacement ou s'il y avait interruption d'un an dans
leur travail. Dans l'un ou l'autre cas, il ne peuvent être remis en activité
qu'après en avoir obtenu l'autorisation d'après les règles prescrites par
le décret de 1882.
Cependant, en cas de graves inconvénients pour la salubrité publique,
la culture ou l'intérêt général, l'exploitation des établissements de la
première classe existant antérieurement au décret de 1882 peut être
suspendue par arrêté du gouverneur après accomplissement des forma-
lités prévues à l'article 12 du décret. Cet arrêté cesse d'avoir effet
si la suppression de l'établissement n'est pas prononcée dans les six mois
par décret rendu en Conseil d'Etat.
La nomenclature est celle établie pour la métropole, sauf les modifi-
cations suivantes :
Indigoteries : 1° avec altération des eaux, 1re classe; 2° sans allé-
ration des eaux, 2° classe.
Dépôts de cuirs verts et peaux élevées de la 2e et la 3e classe.
Distillerie de produits alcooliques : avec rectification, 2e classe.
Engrais (dépôt d') obtenus au moyen de matières provenant de vidanges
ou de débris d'animaux; depôts de guano et de poudrettes. La quantité
limitée pour distinguer la classe est abaissée de 25 à 10.000 kil.
Sucreries : brûlant de la bagasse, 15· classe.
Tanneries : 1re classe.
Les vacheries dans les villes de 2,500 habitants, sont maintenues dans
la 3e classe.

— 958 —
étendu à la colonie les principales dispositions de la législa-
tion métropolitaine.
§2. — Appareils à vapeur.
1144. La loi du 21 juillet 1856, relative aux contraventions
aux règlements sur les appareils et bateaux à vapeur, a été
rendue applicable à la Guadeloupe par le décret du 6 juin 1878,
à la Martinique et à la Réunion par le décret du 17juin 1880,
avec les modifications suivantes :
Les articles 2 et 5 ont été supprimés; ces articles visaient
en effet les essais à faire sur les appareils eux-mêmes, cy-
lindres, etc., essais qui ont été abandonnés depuis longtemps.
L'obligation d'obtenir une autorisation avant de mettre en
service un appareil à vapeur est remplacée par l'obligation
d'une simple déclaration.
Les prescriptions de la loi relative aux chaudières ont été
étendues aux récipients de vapeur définis par l'article 30 du
décret du 30 avril 1880.
. .
Le pouvoir de faire des règlements pour les bateaux à
vapeur, attribué aux préfets dans la métropole, a été conféré
aux gouverneurs, qui peuvent également commissionner des
employés du service des travaux publics pour constater les
infractions au décret et aux règlements rendus en exécution.
1144 bis. Les dispositions du décret du 17 juin 1880 ont été
étendues au Sénégal par le décret du 26 juillet 1890.
A Saint-Pierre et Miquelon, l'arrêté local du 2 sep-
tembre 1884 a mis en vigueur dans la colonie les principales
dispositions de l'ordonnance du 17 janvier 1846 sur la navi-
gation maritime à vapeur.
En Indo-Chine, l'arrêté du gouverneur général, en date du
29 décembre 1893, a rendu applicable le décret du 1er fé-
vrier 1893 relatif aux appareils à vapeur à bord des navires
naviguant dans les eaux maritimes. La loi du 21 juillet 1856,
visée d'ailleurs dans le décret du 1er février 1893, a été ex-
pressément rendue applicable à l'Indo-Chine par décret du
2 juin 1897.
En Nouvelle-Calédonie, l'arrêté local du 1er octobre 1859 a
rendu applicable la loi du 21 juillet 1856 et l'arrêté du

— 959 —
15 mars 1860 a soumis les détenteurs d'appareils à vapeur aux
déclarations prévues par le décret du 25 janvier 1865.
1145. Γη autre décret du 17 juin 1880 a rendu applicable
dans les trois anciennes colonies le décret du 30 avril 1880
. relatif aux appareils à vapeur autres que ceux qui sont placés
à bord des bateaux, sous les modifications suivantes : les dis-
penses des prescriptions du décret sont accordées par le mi-
nistre de la marine ; l'avis des ingénieurs chargés de la sur-
veillance, du gouverneur et du conseil des travaux de la ma-
rine, est substitué à celui des ingénieurs des mines et du pré-
fet et de la commission centrale des machines à vapeur. Le
gouverneur est autorisé à désigner les associations de pro-
priétaires d'appareils à vapeur dont les certificats sont admis
à titre de renseignement pour dispenser de certaines épreuves.
Les attributions conférées au préfet sont remplies par le di-
recteur de l'intérieur.
1145 bis. Le décret du 17 juin 1880 a été rendu applicable
au Sénégal par le décret du 26 juillet 1890, et le décret du
30 avril 1880 a été étendu a la Nouvelle-Calédonie par arrêté
local du 12 mai 1884.
§.3. — Explosifs.
1146. La manutention, la conservation, la vente et l'emploi
de la dynamite et des autres matières explosibles ont été ré-
glementés, à la Martinique, par le décret du 12 décembre 1887
et à la Guyane par le décret du 23 mai 1896.
La législation métropolitaine relative à ces questions a été
étendue à l'Indo-Chine par le décret du 12 novembre 1894.
ARTICLE 6. — Régime commercial et agricole.
§ 1. — Chambres de commerce.
1147. Des chambres de commerce ont été successivement
créées dans toutes les colonies françaises de quelque impor-
tance. Quelques-unes d'entre elles, fort anciennes et qui exis-
taient déjà, sous un autre nom, avant la Révolution française
(V.. n° 147), ont été l'objet de dispositions nouvelles, de nature
à mettre leur fonctionnement plus en harmonie avec les prin-
cipes, qui ont fini par dominer en France sur cette matière ;

— 960 —
d'autres, créées dans des colonies de formation plus récente,
ont été, dès l'origine, constituées sur les mêmes bases que
celles de la métropole. Toutes les chambres de commerce
sont aujourd'hui recrutées à l'élection, mais les règles con-
cernant l'électorat et l'éligibilité' varient assez sensiblement
pour chaque colonie. Le conseil du contentieux administratif
de la colonie statue sur la validité des opérations électo-
rales (1).
Elles offrent toutes le même caractère d'établissement public,
jouissent de la personnalité civile et possèdent un budget dis-
tinct et des ressources propres composées presque exclusive-
ment de centimes additionnels aux patentes.
1148. Martinique. Une ordonnance du gouverneur de la
Martinique en date du 17 juillet 18*20 créa deux bureaux de
commerce, l'un à Saint-Pierre et l'autre à Fort-de-France,
transformés en 1848 en chambres de commerce. Ces deux
textes constituent, encore aujourd'hui, la législation sur la
matière à la Martinique, avec les modifications appprtc.es par
les arrêtés du 17 mars 1855 et du 20 novembre 189.').
Les
chambres de commerce sont composées
de neuf
membres à Saint-Pierre et de six à Fort-de-France, y compris
le président. Au début, les membres*des chambres ne pou-
vaient être choisis que parmi les patentés des trois premières
classes; l'arrêté de 1885 a abrogé cette disposition; il suffit,
pour être éligible, d'être Français, de jouir de ses droits civils
et de faire le commerce depuis trois ans.
Sont appelés à concourir à l'élection : 1°-Les citoyens payant
patente ou licence dans la colonie ; 2° Les capitaines de navires
de commerce des ports de France présents dans la colonie au
moment de l'élection.
Les membres de la chambre sont élus pour six ans et tou-
jours réeligibles; ils sont renouvelés par tiers tous les deux
ans. Le président et le secrétaire sont élus chaque année par
la chambre. Chacune des chambres peut désigner dans l'éten-
due de sa circonscription des membres correspondants, qui
assistent aux séances avec voix consultative.
(1) C. d'Et. Cont. 22 mars 1901 (Chambre de commerce de la Pointe-
à-Pitre ; requête Beauperthuy et consorts.)

— 961 —
Le gouverneur est membre de droit des deux chambres de
commerce; il préside les séances auxquelles il assiste.
Les chambres se réunissent, sur la convocation du président,,
toutes les fois qu'elles le jugent convenable et au moins une
fois par mois. Deux membres sont désignés pour suivre, avec
l'assistance du secrétaire, les affaires courantes dans l'inter-
valle de ces réunions. Elles peuvent appeler dans leur sein
des capitaines de navires de commerce : la présence de ceux-
ci peut même être obligatoire pour certains avis demandés par
le gouverneur.
Les chambres doivent, chaque année, présenter au gouver-
neur leur projet de budget. Un centime additionnel aux pa-
tentes est établi à leur profit.
1149. Guadeloupe. Les chambres de commerce ont été
créées à la Guadeloupe par arrêté du gouverneur en date du
31 juillet 1832 et réorganisées par les arrêtés des 8 novem-
bre 1852 et 29 octobre 1861 (1). Le mode d'élection des mem-
bres a été réglementé par un arrêté du 29 décembre 1887.
Les chambres de la Basse-Terre et de la Pointe-à Pitre sont
composées, la première de 6 membres, et la seconde de 12,
élus pour six ans, rééligibles et renouvelés par tiers tous les
deux ans. Elles nomment chaque année dans leur sein un
président, un vice-président, un secrétaire et un trésorier. Le
gouverneur a les mêmes attributions qu'à la Martinique.
Les membres des chambres de commerce sont nommés par
une assemblée composée de commerçants et industriels nota-
bles dont la liste est dressée par une commission composée
du président et d'un membre de la chambre, de trois conseil -
lers généraux et du maire de la ville où siège la chambre.
Le nombre des électeurs ne peut être inférieur à 50.
Sont éligibles : 1° les commerçants ou industriels ayant au
moins trente ans d'âge, et cinq ans d'exercice de leur profes-
sion; 2° les anciens négociants et industriels ayant exercé
pendant cinq ans et âgés de trente ans au moins, sans pouvoir
excéder le tiers du nombre des membres de la chambre.
11 existe en outre des membres correspondants nommés par
la chambre elle-même.
(1) B. O. Guad. 1832, 231 ; 18S2, p. 722, et 1861, p. C3C.
COLONIES, I.
61

— 962 —
Les chambres de commerce ont pour attributions de donner
au gouvernement les avis et renseignements qui leur sont
demandés sur les intérêts industriels et commerciaux. L'arrêté
de 1887, qui énumère leurs attributions, reproduit les princi-
pales dispositions du décret du 3 septembre 1852 qui a réor-
ganisé les chambres de commerce en France, et notamment
les articles 11 a 14, 17 et 19. Les chambres de commerce sont
déclarées établissements d'utilité publique.
Cinq centimes additionnels sur la contribution des patentes
leur sont attribués ; les communes doivent fournir un local
convenable pour la tenue de leurs séances.
Quand, clans la même ville, il existe une chambre de
commerce et une bourse, l'administration de la bourse appar-
tient, comme en France, à la chambre de commerce.
1150. Saint-Pierre et Miquelon. Une chambre de commerce
a été établie à Saint-Pierre (1). Elle est composée de H mem-
bres, dont 9 au moins doivent résider à Saint-Pierre; ils sont
élus pour six ans et renouvelables par tiers tousles deux ans.
La chambre nomme son président. L'administrateur est mem-
bre de droit et préside les séances auxquelles il assiste.
Sont électeurs : les commerçants notables, citoyens français
et majeurs inscrits depuis un an au rôle des patentes, en leur
propre nom ou comme gérants de maisons de commerce fran-
çaises, fondées depuis un an dans la colonie.
Sont éligibles : 1° les commerçants domiciliés dans la cir-
conscription, âgés de trente ans au moins et exerçant le com-
merce ou l'industrie de la pêche depuis cinq ans au moins;
2° les anciens commerçants réunissant les mêmes conditions,
les gérants des maisons de commerce domiciliés dans la cir-
conscription et réunissant les mêmes conditions. Toutefois
cette dernière catégorie d'éligibles ne peut jamais fournir plus
du sixième du nombre total des membres de la chambre.
Les attributions sont réglées comme à la Guadeloupe.
La chambre de commerce perçoit à son profit 10 centimes
additionnels : 1° au principal des cinq premières classes de
patentes; 2° au droit spécial sur les goélettes locales de 30 ton-
(1) Arr. loc. 1er août 1878 et 16 juin 1892.

— 963 —
neaux et au-dessus; au droit spécial sur les navires métropo-
litains (1).
1151. Guyane. La chambre de commerce, créée à Cayenne
par arrêté du 9 mai 1881, se compose de 12 membres élus
pour trois ans, rééligibles et renouvelables par tiers chaque
année. Elle nomme son président, son vice-président et son
secrétaire ; le gouverneur a les mêmes droits que dans les
autres colonies.
Tous les patentés sont électeurs de droit. Sont éligibles :
ceux qui ont exercé en personne le commerce ou une industrie
manufacturière, au moins pendant cinq ans.
Le budget de la chambre est préparé par elle, soumis au
gouverneur et réglé par le conseil général.
La chambre de commerce de Cayenne jouit des mêmes at-
tributions que celles de la métropole; c'est-à-dire qu'elle a des
attributions consultatives comme organe officiel du commerce
et peut être constituée mandataire du commerce pour la gestion
d'intérêts collectifs.
1152. Afrique occidentale. Il existe au Sénégal quatre
chambres de commerce : celles de Saint-Louis et de Gorée,
créées par arrêté du 29 décembre 1869, réorganisées par
arrêté du 29 janvier 1892, et celles de Rufisque et de Dakar
créées par arrêté du 29 janvier 1892. . Le nombredes membres
est de 9 pour Saint-Louis et Rufisque, 7 pour Dakar et
5 pour Gorée. Ils sont élus par des assemblées formées de
tous les négociants, citoyens français, majeurs, patentés ou
gérants de maisons de commerce françaises ; des anciens
membres de la chambre de commerce, des directeursde compa-
gnies anonymes, des agents de change, des capitaines au long
cours, etc. Sont éligibless les électeurs âgés de plus de 30 ans
et ayant exercé pendant plus de cinq ans et les anciens négo-
ciants ayant exercé pendant plus de cinq ans dans la colonie.
Les contestations relatives aux élections sont jugées par le
gouverneur en conseil privé, sauf recours au conseil du con-
tentieux.
Les chambres de commerce se renouvellent intégralement
tous les trois ans. Elles choisissent chaque année dans leur
(1) Arr. loc. 13 juin 1870.

— 964 —
sein un président, un vice-président et un secrétaire-trésorier.
Le directeur de l'intérieur, aujourd'hui le gouverneur, est
d'ailleurs président de droit de l'assemblée.
Les attributions des chambres de commerce sont analogues
à celles des chambres des autres colonies. Elles pourvoient
à leurs dépenses par une contribution établie sur tous les
patentés de leur circonscription.
Il existe également, depuis 1893, une chambre de commerce
à Kayes (Soudan).
1152 bis. Dahomey. Un arrêté local, en date du 8 février 1895,
a institué à Porto-Novo, à Ouidah et à Grand-Popo des
comités d'agriculture et de commerce destinés à donner leur
avis sur toutes les questions intéressant le développement
économique de la colonie. Ils sont composés de fonctionnaires,
de deux négociants français, d'un négociant indigène et d'un
négociant étranger.
1152 ter. Congo. Un comité analogue à ceux qui fonction-
nent au Dahomey a été organisé à Libreville, par des arrêtés
locaux en date des 29 novembre 1884 et 10 février 1888.
1153. Réunion. Une chambre de commerce fut créée à Saint-
Denis, pour toute la colonie, en 1830 et réorganisée en 1849 ;
mais, en 1857, les électeurs n'ayant pas procédé aux élections,
un arrêté disposa que désormais, en présence de cette abdi-
cation des négociants eux-mêmes, les membres de la chambre
de commerce seraient nommés par le gouverneur. En 1871,
sur la demande de la chambre, cet arrêté fut rapporté, et
celui du 4 août 1849 fut remis en vigueur (1). Aux termes de
cet arrêté, la chambre de commerce se compose de 12 mem-
bres, dont 9 au moins doivent résider à Saint-Denis; ils sont
élus pour trois ans et remplacés par tiers chaque année. Ils
sont élus par une assemblée composée de tous les commerçants
patentés, citoyens français, majeurs, inscrits depuis un an au
moins au rôle des patentes. Les listes sont dres sées par les
soins des receveurs des contributions directes et publiées
pour donner aux intéressés le temps de produire leurs récla-
mations.
Est éligible tout électeur qui a exercé trois ans au moins a
(1) ARR. 28 mars 1871, 15. 0. Réunion, 1871, p. 144.

— 965 —
profession de commerçant dans la colonie. La chambre élit
son président; mais le directeur de l'intérieur, aujourd'hui le
gouverneur, a le droit de présider quand il le désire.
La chambre de commerce -de Saint-Denis a les mêmes
droits et attributions que les chambres de commerce de la
Martinique.
1154. Inde. La chambre de commerce de Pondichéry, réor-
ganisée par arrêté du 13 août 1879, se compose de 14 men-
bres : 9 Européens ou descendants d'Européens, et 5 Indiens
ayant tous leur résidence dans la ville, élus pour six ans,
renouvelables par moitié tous les trois ans. Le directeur de
l'intérieur est membre de droit et préside les séances aux-
quelles il assiste.
Les membres sont élus par une assemblée composée de
négociants, commerçants, courtiers, banquiers et industriels
notables. Le nombre de ces électeurs ne peut être inférieur à
80 ni supérieur à 100, pris mi-partie parmi les Européens,
mi-partie parmi les Indiens. La liste est revisée annuellement
par une commission composée du maire, du président du tri-
bunal de commerce, d'un délégué de la chambre et de deux
conseillers généraux désignés par le gouverneur, dont un pris
parmi les natifs.
Sont éligibles : 1° les commerçants ou industriels ayant au
moins vingt-sept ans d'âge, figurant ou non sur la liste des
électeurs, quel que soit le temps depuis lequel ils exercent le
commerce; 2° les anciens commerçants ayant vingt-sept ans
d'âge et ayant exercé le commerce pendant trois années, sans
que les membres de cette catégorie puissent excéder le tiers
du nombre total des membres de la chambre.
La chambre de commerce élit, tous les ans, dans son sein,
un président, un vice-président et un secrétaire-trésorier.
La chambre peut désigner dans les établissements de Chan-
dernagor, Karikal, Mahé et Yanaon un ou plusieurs membres
correspondants, sans que le nombre total puisse excéder celui
des membres de la chambre elle-même. Ils ont voix consul-
tative aux délibérations de la chambre.
Les attributions de la chambre sont purement consultatives.
Ce sont les mêmes que celles indiquées par le décret du
3 septembre 1851 pour la métropole.

— 966 —
Un arrêté local en date du 6 juillet 1889 a institué un comité
consultatif du commerce à Karikal ; ce comité se compose de
10 membres nommés par le gouverneur pour deux ans et
renouvelés par moitié tous les ans. Le comité élit tous les ans,
dans son sein, un président et un vice-président.
1155. Cochinchine. Une chambre de commerce a été établie
à Saigon pour toute la colonie par un arrêté du 30 septem-
bre 18G8,dont les dispositions, en ce qui touche l'organisation
et le mode de recrutement de la chambre, ont été sensiblement
modifiées par deux arrêtés des 28 juillet 1863, 31 mars 1885
et 20 mars 1889. La chambre, composée, à l'origine, de
membres élus et de membres nommés par le gouverneur, se
recrute aujourd'hui entièrement à l'élection; mais, de même
que dans les établissements de l'Inde et contrairement à ce
que nous avons vu pour les autres colonies, elle comprend des
éléments étrangers et indigènes. Elle se compose en effet de
14 membres : 9 citoyens français, 1 annamite, 2 étrangers
européens ou américains, 2 étrangers asiatiques. Tous les
membres étrangers doivent avoir une connaissance suffisante
de la langue française.
Le collège électoral est diversement composé, suivant qu'il
s'agit de différentes catégories d'éligibles :
1° Les membres français sont élus par les commerçants
français de la colonie, âgés de vingt et un ans accomplis et
patentés par eux-mêmes ou par la société dont ils sont membres
responsables ou représentants;
2° Les deux membres étrangers, européens ou américains,
par les électeurs français et les commerçants européens ou
américains âgés de vingt et un ans accomplis et patentés par
eux-mêmes ou par la société dont ils sont membres respon-
sables ou représentants;
3° Le membre annamite, par les électeurs français et par les
annamites âgés de vingt-cinq ans accomplis et payant une
patente de 4e classe et au-dessus ;
4° Enfin, les deux membres asiatiques sont élus par les
étrangers asiatiques de toute nationalité, payant une patente
de lre et 2e classes, par eux-mêmes ou par la société dont ils
sont représentants.
Les commerçants électeurs français participent donc à la

— 967 —
nomination de tous les membres de la chambre de commerce,
sauf des deux membres asiatiques.
Sont éligibles : les électeurs qui habitent Saïgon, Cholôn
cru le 20e arrondissement, et qui ont vingt-cinq ans accomplis.
Les membres de la chambre de commerce sont élus pour quatre
ans et rééligibles. Le président et le secrétaire sont élus par
la chambre, mais ils doivent être choisis exclusivement parmi
les membres français. Le directeur de l'intérieur est président
d'honneur.
La chambre de commerce établit elle-même son budget,
mais celui-ci n'est exécutoire qu'après approbation du gou-
verneur. Les ressources se composent de centimes additionnels
portant sur tous les patentés; en cas d'insuffisance des recettes,
il peut être alloué à la chambre une subvention sur les fonds
du budget local.
Les attributions de la chambre, réglées par l'arrêté de 1868,
sont les mêmes que celles des chambres de commerce de la
métropole.
1155 bis. Un arrêté du gouverneur général de l'Indo-Chine,
du 30 avril 1897, a institué à Pnompenh une chambre mixte
d'agriculture et de commerce, composée de 6 membres fran-
çais élus par les colons et d'un membre indigène nommé par
le résident supérieur.
1135 ter. Tonkin. Il a été créé deux chambres de com-
merce, l'une à Haiphong (arr. 23 novembre 1884), l'autre
à Hanoï (arr. 3 juin 1886) : elles ont été réorganisées par
arrêté du gouverneur en date du 16 février 1889. Elles se
composent chacune de douze membres, dont un chinois et un
annamite : les membres européens sont élus par les commer-
çants européens patentés âgés de plus de 24 ans ; les membres
asiatiques sont élus par les électeurs européens et par les
négociants asiatiques âgés de 25 ans et patentés des quatre
premières catégories. Sont éligibles les commerçants français
inscrits sur la liste des électeurs et les commerçants asiatiques
patentés des deux premières catégories.
La chambre se renouvelle intégralement tous les trois ans.
A la première séance, elle procède à l'élection du président,
du vice-président et du secrétaire, qui doivent être choisis
parmi les membres de nationalité française; le résident-maire

— 968 —
est président d'honneur et peut toujours assister aux séances :
dans ce cas, il a la présidence effective.
Les chambres de commerce d'Haïphong et d'Hanoï établis-
sent elles-mêmes leurs budgets, qui ne deviennent exécutoires
qu'après approbation du résident supérieur. Les ressources
se composent de centimes additionnels portant sur tous les
patentés et institués par arrêté du 21 juillet 1888 : en cas
d'insuffisance de recettes, il peut être alloué des subventions
sur les fonds du budget du protectorat.
Les attributions de ces chambres sont les mêmes que celles
des chambres de commerce de la métropole.
1156. Nouvelle-Calédonie. Une chambre de commerce a été
créée à Nouméa par arrêté du 29 octobre 1879 et réorganisée
par arrêté du 8 mars 1894. Elle se compose de 12 membres
élus par une assemblée d'électeurs formée de tous les patentés
commerçants majeurs, inscrits depuis un an au moins au rôle
des patentes de la commune de Nouméa, des anciens membres
de la chambre de commerce, des directeurs des compagnies
anonymes, des agents de change, des capitaines au long
cours, etc.
Est éligible tout électeur qui exerce le commerce depuis
deux ans et réside, lors des élections, sur le territoire de la
commune de Nouméa, et tout ancien commerçant ayant exercé
pendant cinq ans.
La chambre est élue pour six ans, renouvelable par tiers
tous les deux ans. Elle procède chaque année à l'élection de
son président, de son vice-président et du secrétaire-trésorier.
Le directeur de l'intérieur, aujourd'hui le gouverneur, a les
mêmes droits que dans les autres colonies. La chambre n'a
que des attributions consultatives.
1157. Tahiti. Les raisons qui avaient déterminé l'introduc-
tion des étrangers dans la chambre de commerce de Saigon
ont été invoquées au début, à Tahiti, pour admettre l'élément
étranger dans la chambre de commerce de Papeete créée par
l'arrêté du 30 juin 1880. Cette situation a pris fin avec l'arrêté
du 28 mars 1887.
La chambre de commerce, aux termes des arrêtés des
23 mai 1884 et 28 mars 1887, se compose de 9 membres
français élus pour six ans, avec renouvellement par tiers, par

— 969 —
les commerçants et industriels français. Sont éligibles les
électeurs français âgés de vingt-cinq ans.
La chambre nomme chaque année un président, un vice-
président et un secrétaire. Le directeur de l'intérieur, aujour-
d'hui le gouverneur, est, comme dans toutes les autres colonies,
président de droit.
Les attributions de la chambre de Papeete sont les mêmes
qu'à la Guadeloupe.
§ 2. — Bourses de commerce, agents de change, courtiers
de marchandises.
1158. Martinique. Un décret du 28 novembre 1851 (1) a
institué une bourse de commerce et des charges d'agents de
change et courtiers à Saint-Pierre. Le nombre des charges
a été fixé à 4. Un deuxième décret, en date du 11 dé-
cembre 1863, a créé une seconde bourse de commerce à Fort-
de-France et fixé à 2 le nombre des courtiers.
La police de la bourse appartient au maire de la commune,
de concert avec la chambre de commerce en ce qui concerne
la fixation des jours et heures d'ouverture. Les dépenses an-
nuelles relatives à l'entretien et aux réparations de la bourse
devant être, comme en France, supportées par les négociants,
on y l'ait face au moyen d'une contribution proportionnelle sur
les patentes des commerçants et sur celles des courtiers.
Les courtiers sont nommés et révocables par le ministre des
Colonies. Ils exercent cumulativement les fonctions d'agents
de change, de courtiers de marchandises et d'assurances et de
courtiers interprètes conducteurs de navires. Pour pouvoir
exercer ces dernières fonctions, les courtiers de commerce
sont astreints à subir un examen portant principalement sur
les langues espagnole et anglaise (2).
Les courtiers sont assujettis à un cautionnement affecté,
par privilège, à l'acquittement des condamnations prononcées
ou des contraintes décernées contre eux à raison de leurs
fonctions.
Nul ne peut être courtier s'il n'est âgé de vingt et un ans
(1) AIT. loc. 27 février 1852, B. 0. Mart., 1852, p. 114,
(2) Arr. loc. 17 mars 1852.

— 970 —
accomplis, s'il ne justifie avoir exercé la profession de négo-
ciant ou avoir travaillé chez un notaire ou dans une maison de
commerce pendant quatre ans au moins et s'il ne produit un
certificat de moralité et de capacité délivré par la chambre de
commerce.
Les courtiers ont les mêmes droits et obligations qu'en
France.
1159. Guadeloupe. Un décret du 9 juin 1860 a fait appli-
cation à la Guadeloupe des dispositions essentielles du décret
de 1851 sur l'institution des courtiers agents de change à
la Martinique. Le nombre a été fixé à 9. Ils peuvent exercer
cumulativement les fonctions de courtiers de marchandises et
d'assurances, et de courtiers interprètes conducteurs de na-
vires.
Si dans le nombre des courtiers régulièrement constitués il
ne se trouve pas d'interprète ou de traducteur, le gouverneur
peut commissionner des interprètes ou traducteurs suppléants.
1160. Guyane. Les courtiers agents de change ont été
institués à la Guyane par décret du 30 juin 1860; ils sont au
nombre de 2 à Cayenne, nommés et révocables par le ministre
des Colonies.
Leurs attributions sont les mêmes qu'à la Martinique.
1161. Réunion.
Les agents de change jouissent à la
Réunion des mêmes droits et privilèges et sont soumis aux
mêmes obligations qu'à la Martinique (1). Ils sont nommés
par le gouverneur. Leur nombre a été fixé à 14, dont 8 pour
Saint-Denis (2). Il existe à Saint-Denis une chambre syndicale
composée de 3 membres, élus par leurs confrères, ayant pour
mission de maintenir la discipline, de rechercher et signaler
les contraventions aux règlements.
Une bourse de commerce a été créée en 1837 à Saint-Denis,
mais son existence a été de courte durée. .Nous ne croyons pas
qu'elle ait été rétablie.
1162. Cochinchine. La loi métropolitaine du 18 juillet 1866,
qui a supprimé en France le monopole des courtiers de mar-
chandises et réglementé pour l'avenir l'exercice de cette
(1) Arr. loc. -20 août 1850.
(2) Déc.
i juin 1882, Β. Ο. M., I. 2e sem., p. 1.

— 971 —
profession, a été promulguée en Cochinchine, avec quelques
modifications, par arrêté du 16 mars 1867 (1). Par suite, tout
individu, Français ou étranger, est libre d'exercer la profession
de courtier de marchandises. Toutefois le tribunal de com-
merce dresse une liste des courtiers de marchandises de la
localité qui demandent à y être inscrits et qui justifient : 1° de
leur moralité par un certificat délivré par le maire; 2° de leur
capacité professionnelle par l'attestation de3 notables européens,
commerçants de la place, pris parmi les patentés de 1re classe;
3° d'une résidence en Cochinchine depuis deux ans. Aucun
individu en état de faillite, ayant fait abandon de biens ou
obtenu atermoiement, sans être depuis réhabilité, ne peut être
inscrit sur la liste.
Tout courtier inscrit est tenu de prêter, devant le tribunal
de commerce, le serment de remplir avec honneur et probité
les devoirs de sa profession. Il est également tenu de se sou-
mettre, en tout ce qui se rapporte à la discipline de sa profession,
à la juridiction de la chambre syndicale élue annuellement par
les courtiers. L'organisation et les pouvoirs de cette chambre
sont déterminés par un règlement dressé par le tribunal de
commerce après avis de la chambre de commerce et soumis
à l'approbation du gouverneur.
La chambre syndicale peut prononcer, sauf appel devant le
tribunal de commerce, les peines disciplinaires suivantes :
l'avertissement, la radiation temporaire, la radiation définitive,
sans préjudice des actions civiles a intenter par les tiers
intéressés, ou même de l'action publique s'il y a lieu.
Si le nombre des courtiers inscrits n'était pas suffisant pour
la constitutiou d'une chambre syndicale, le tribunal de com-
merce en remplirait les fonctions.
Les tarifs des opérations des courtiers sont fixés par le
gouverneur.
Un arrêté du 15 mars 1867 a promulgué en Cochinchine les
deux lois du 28 mai 1838 sur les négociations concernant les
marchandises déposées dans les magasins généraux et sur les
ventes publiques des marchandises en gros, ainsi que le décret
du 12 mars 1859 relatif à l'exécution de ces lois. Les attrihu-
(1) 1$. 0. Coch., 1867, p. 333.

—972 —
tions conférées en France au préfet, par ces lois, sont exercées
par le directeur de l'intérieur. L'autorisation d'ouvrir un
magasin général ou une salle de ventes publiques est donnée
par arrêté du gouverneur.
1163. Il n'a pas été, jusqu'à ce jour, créé de charges de cour-
tiers de commerce à Saint-Pierre et Miquelon, au Sénégal,
dans l'Inde, à Mayotte, à Nossi-Bé, à la Nouvelle-Calédonie,
ni à Tahiti. Cette profession n'y a été, à notre connaissance,
l'objet d'aucune réglementation.
§ 2. — Chambres d'agriculture.
1161·. Les colonies françaises étant essentiellement des co-
lonies agricoles, l'attention du gouvernement métropolitain a
été de bonne heure attirée sur les moyens les plus propres à
développer l'agriculture et à répandre chez les habitants les
notions nécessaires pour assurer ce développement.
Les lois de 1845 et 1847 concernant l'irrigation des terres
ont été promulguées aux colonies; des comices agricoles, des
concours régionaux ont été établis dans un certain nombre de
nos colonies. Des encouragements ont été donnés aux diverses
sociétés d'agriculture qui se sont fondées; des comités d'ex-
position en rapport avec l'exposition coloniale de Paris ont
été organisés (Y. n° 728).
Des chambres d'agriculture, formées d'après des bases
analogues à celles que le décret de 1852 a créées en France,
et destinées à assurer des rapports suivis entre le gouverne-
ment et les agriculteurs, ont été établies dans certaines colo-
nies.
1165. Guadeloupe. Les chambres d'agriculture, instituées
par arrêté du 8 novembre 1852, fonctionnent actuellement en
exécution d'un arrêté du 14 février 1890.
Il y a trois chambres d'agriculture : à la Basse-Terre, à la
Pointe-à-Pilre et au Grand-Bourg (Marie-Galante). La cir-
conscription de chaque chambre est la même que celle de
l'arrondissement judiciaire.
Chaque chambre est composée de membres titulaires et de
membres correspondants.
Les membres titulaires, domiciliés dans la circonscription

— 973 —
de la chambre, sont nommés pour trois ans par le gouverneur,
sur la présentation des conseils municipaux. Le nombre des
membres titulaires est égal à celui des communes de l'arron-
dissement à l'exception de la chambre du Grand-Bourg, qui
compte deux membres par commune. Chaque membre repré-
sente spécialement une commune, qu'il y ait ou non son do-
micile ou des propriétés.
Le gouverneur est membre des trois chambres. Sont égale-
ment membres titulaires, de droit des chambres d'agriculture :
le maire de chacune des trois villes du siège des chambres ; à
la Basse-Terre, le président du jury médical, le chef du ser-
vice pharmaceutique de la marine et le directeur du jardin
botanique ; à la Pointe-à-Pitre, le directeur de la banque, le
médecin de la marine chargé du service médical et le directeur
du laboratoire agricole.
Deux membres du conseil général (un seul pour la chambre
du Grand-Bourg), désignés par le gouverneur, sur la présen-
tation d'un nombre double de candidats, font, en outre, partie
de chacune des chambres.
Les chambres d'agriculture ont la faculté de nommer elles-
mêmes des membres correspondants sans limite de nombre
et sans condition de domicile. La durée des fonctions de ces
membres est égale à celle du mandat de la chambre qui les a
nommés.
Pour faire face à ses dépenses, la chambre d'agriculture de
la Grande-Terre a été autorisée, par arrêté du 21 décembre 1871,
à percevoir 2 centimes par 100 kilogrammes, sur les sucres,
à la sortie de l'arrondissement de la Pointe-à-Pitre.
1165 bis. Guyane. Une chambre d'agriculture a été créée à
Cayenne par arrêté local du 19 janvier 1888 et réorganisée par
arrêté du 24 avril 1896. Elle se compose de 12 membres titu-
laires, nommés pour trois ans par le gouverneur, de membres
correspondants désignés par la chambre au nombre de 2 par
commune, et de membres libres élus par la chambre en nom-
bre illimité.
La chambre tient au moins 4 séances par an sous la prési-
dence de son président ou du directeur de l'intérieur : les
membres titulaires et les membres correspondants ont voix
délibérative.

— 974 —
La chambre s'occupe de toutes les questions pouvant inté-
resser le développement de l'agriculture dans la colonie. Des
commissions nommées par la chambre sont chargées des jar-
dins botaniques et des expositions.
En outre, les membres correspondants constituent dans
chaque commune un comité d'agriculture qui siège quatre fois
par an.
1165 ter. Sénégal. Un arrêté du gouverneur général de
l'Afrique occidentale, en date du 15 octobre 1895, a crée, au
Sénégal, un comité agricole composé de fonctionnaires et de
deux notables désignés par le lieutenant-gouverneur.
Les maires des communes et les administrateurs des cercles
sont membres correspondants. Le comité s'occupe de toutes
les questions relatives au développement de l'agriculture.
1166. Réunion. Une chambre consultative d'agriculture a
été établie en 1854 à Saint-Denis et réorganisée par arrêtés
des 15 septembre 1888 et 2 juin 1893. Elle est composée :
1° des présidents ou vice-présidents des 16 comices agricoles;
2° de 20 autres membres nommés pour quatre ans par la
chambre; en totalité, 32 membres.
Elle élit chaque année son président et son vice-président ;
elle tient une session annuelle obligatoire.
Elle présente à l'administration, soit sur sa demande, soit
spontanément, ses avis sur tous les objets qui concernent l'in-
térêt agricole ; elle est chargée de la statistique agricole de la
colonie.
Le directeur de l'intérieur, aujourd'hui le gouverneur, a en-
trée à la chambre et peut la présider. La chambre peut appeler
dans son sein les personnes qu'il lui paraît utile d'entendre.
Les comices agricoles, formés dans les communes de la
colonie, sont chargés de toutes les questions qui intéressent
l'agriculture du pays, mais il leur est interdit de délibérer sur
aucune matière, à peine de dissolution. Ne peuvent faire
partie des comices que les propriétaires, fermiers ou régis-
seurs de biens ruraux, jouissant de leurs droits civils, domiciliés
ou ayant leurs propriétés dans la circonscription du comice.
Les personnes qui remplissent ces conditions et qui veulent
faire partie d'un comice agricole doivent se faire inscrire sur
une liste déposée à cet effet au secrétariat de la mairie.

— 975 —
Le comice de Saint-Denis remplit les fonctions de comice
central et sert, à ce titre, d'intermédiaire entre l'administration
et les autres comices.
Une caisse agricole, alimentée par des dons volontaires et
par les subventions annuelles que le conseil général vote à
titre de secours à l'agriculture, est administrée par la chambre
d'agriculture qui, chaque année, en règle l'emploi clans un
budget transmis au directeur de l'intérieur et approuvé par le
gouverneur en conseil privé. Les fonds de la caisse sont
déposés à la banque coloniale et sont principalement affectés
à l'expérimentation des procédés de culture et de fabrication
dont l'application serait jugée avantageuse à la colonie.
1166 bis. Inde. Il a été constitué, par arrêté local du
27 septembre 1888, une chambre d'agriculture à Pondichéry
et des comités d'agriculture dans les dépendances. La chambre
se compose de fonctionnaires membres de droit, de membres
désignés par le gouverneur et de membres nommés par la
chambre elle-même : les comités ont une composition analogue.
La chambre nomme chaque année dans son sein un président ,
un vice-président et un secrétaire : le directeur de l'intérieur
préside les séances auxquelles il assiste.
Les attributions de la chambre et des comités d'agriculture
sont purement consultatives.
1166 ter. Indo-Chine. Un arrêté du gouverneur général du
30 avril 1897 a institué à Saigon une chambre d'agriculture,
composée de 6 membres français, élus par les colons, et d'un
membre indigène nommé par le lieutenant gouverneur.
Au Tonkin, un comité agricole et industriel avait été insti-
tué par arrêté du 20 mars 1883. Cette mesure a été complétée
par un arrêté du 10 février 1894, qui a créé une chambre
d'agriculture à Hanoï. Celte assemblée se compose de six
membres français élus et d'un membre indigène désigné par
le Kinhluoc.
Sont électeurs tous les agriculteurs français ; sont éligibles
les électeurs âgés de 21 ans accomplis; le vote peut avoir lieu
par correspondance. Les membres de la chambre sont élus
pour trois ans.
L'assemblée nomme elle-même son président, son vice-pré
sident et son secrétaire. Ses attributions sont purement con-

— 976 —
sultatives : il est pourvu à ses dépenses au moyen d'une
contribution spéciale portant sur le droit fixe de patente ; elle
peut obtenir d'ailleurs une subvention sur les fonds du budget
du protectorat (1).
1167. Nouvelle-Calédonie. La chambre d'agriculture de
Nouméa a été établie par arrêté du 12 mai 1884. Elle est
composée de 36 membres titulaires : cinq de ces membres
sont nommés par le conseil municipal dé Nouméa, seize par
les commissions municipales des communes et quinze par
l'administration.
Le gouverneur a les mêmes droits que dans les autres co-
lonies. Les attributions de cette assemblée sont purement con-
sultatives.
1167 bis. Tahili. Un arrêté du 27 mai 1884 a remplacé les
comités agricoles de la colonie par une chambre d'agriculture
à Papeete et des comités d'agriculture dans les dépendances
de la colonie. Ces assemblées ont été réorganisées par les ar-
rêtés des 17 mars 1887 et 15 janvier 1894.
La chambre d'agriculture de Papeete se compose de 9 mem-
bres, nommés pour trois ans par le gouverneur en conseil
privé. Le gouverneur préside les séances auxquelles il assiste.
L'assemblée nomme chaque année son bureau. Elle possède
seulement des attributions consultatives. Une subvention lui
est votée par le conseil général.
Les comités des archipels sont présidés par l'administrateur
local : ils se composent de fonctionnaires et de membres dé-
signés par le gouverneur ; ces comités élisent un vice-président
et un secrétaire.
(1) Un comité consultatif de l'agriculture a été institué à Hanoï (arrêté
du 20 août 189G).

— 977 —
TITRE VIII.
COLONISATION LIBRE. —RÉGIME DU TRAVAIL. —IMMIGRATION
ARTICLE PREMIER. Colonisation. Avantages offerts
aux immigrants.
§ 1. Immigration non réglementée.
1168. L'émigration de France à destination des colonies
françaises n'est soumise à aucune formalité spéciale autre que
celle résultant des lois générales, par exemple de celles rela-
tives au service militaire.
Les entreprises de transport d'émigrants partant de France
pour les colonies sont régies, comme pour toutes les autres
destinations, par la loi du 18 juillet 1860 et les décrets des
15 janvier, 28 avril 1855, 9 et 15 mars 1861, 15 janvier 1868,
14 mars 1874. En fait, aucune opération de cette nature n'a
été tentée un peu sérieusement : cependant quelques navires
de Bordeaux ont pris des émigrants à destination de la Nou-
velle-Calédonie; ces navires recevant en outre, le plus souvent,
des passagers de l'Etat, la présence à bord d'un commissaire
du gouvernement assure de la manière la plus complète l'exé-
cution des mesures prescrites en faveur des émigrants.
Un arrêté du ministre de l'Algérie et des Colonies du 23 mars
1849 a créé, dans chacun des ports de commerce, une com-
mission spéciale chargée de la visite des navires affectés à
l'émigration quand ils ont comme destination une colonie
française ; cette visite n'exclut pas d'ailleurs celle prévue par
la loi du 13 août 1791 (1).
1169. Des passages gratuits sont accordés par les soins de
l''Office colonial (V. n°287 bis) pour les colonies qui peuvent offrir
un avenir à la colonisation : le voyage, jusqu'au port d'em-
barquement, est à la charge de l'émigrant qui doit en outre
rembourser les frais de nourriture pendant la traversée.
(1) Le service de l'émigration relève uniquement du ministre de l'in-
térieur. (C. d'E. cont., 8 février 186i, aff. Saint-Martin).
COLONIES, I.
62

— 978 —
11 est inscrit dans ce but au budget de l'Etat un crédit
spécial.
L'émigration à destination des colonies peut se faire d'ail-
leurs, non seulement de la métropole, mais encore d'une autre
colonie française ou d'un pays quelconque, sans être soumise
au régime de la réglementation ; aucune entrave ne peut être
imposée à celui qui recrute des émigrants, à la condition qu'il
se conforme aux lois du pays où se fait le recrutement et aux
prescriptions du décret du 27 mars 1852.
Mais il est indispensable de rappeler que le travailleur re-
cruté dans ces conditions n'est soumis à aucun régime spécial,
que le contrat de transport qu'il passe avec le recruteur, les
engagements de travail qu'il contractera dans la colonie, n'ont
d'autre sanction que les règles ordinaires du Code civil.
§ 2. — Avantages spéciaux accordés dans certaines colonies.
1170. En vue d'encourager la colonisation, un certain
nombre d'établissements d'outre-mer accordent des avantages
spéciaux aux citoyens français qui consentent à s'expatrier.
A la Guyane, les terres du domaine leur sont cédées à prix
réduit, payable en argent ou en travail, au gré de l'acheteur.
Une prime de 200 francs par famille, de 100 francs pour un
immigrant seul, est accordée aux travailleurs (1).
A Mayotte, en dehors des aliénations de terre faite en vertu
du décret du 29 mars 1865, les immigrants peuvent trouver
des terres dont la concession est faite, moyennant une charge
très faible, conformément à l'ordonnance du 21 octobre 1845
et du décret du 5 mars 1856. Des concessions de ce genre
peuvent d'ailleurs être accordées aux colons dans nos diffé-
rentes possessions africaines. (V. nos 887 et suiv.)
En Cochinchine des concessions gratuites de terrain peu-
vent être accordées aux personnes qui en font la demande
pour créer des exploitations agricoles ou s'adonner à l'élève
du bétail (2) ; d'autre part, le conseil colonial a accordé fré-
(1) Arr. loc, 5 juin, 5 décembre 188i ; ces avantages sont accordés
aux colons de toute nationalité.
(2) ARR. loc, 2 juin 1874.

— 979 —
quemment des subventions à des colons, des planteurs ou des
industriels (usine et plantation de cannes à sucre ; scierie
mécanique ; savonnerie ; culture d'indigo ; chaufournerie, etc.).
La colonie alloue, en outre, aux immigrants ayant des con-
naissances industrielles ou en possession d'un métier, le rem-
boursement des frais de passage sur les transports (V. n° 1169) ;
le ministre désigne les personnes appelées à jouir de cette
faveur.
En Nouvelle-Calédonie, l'arrêté du 27 mai 1884 accorde à
chaque immigrant le passage gratuit de Nouméa au lieu de la
concession et la délivrance gratuite de vivres pendant six mois.
Chaque concession comprend : pour les artisans, un lot de
20 ares dans un village, pour les agriculteurs, un lot de 10 ares
dans un village, 4 hectares de terre à culture, 20 hectares de
terre à pâturage, 150 francs d'outils, graines, etc. Les mili-
taires et marins congédiés reçoivent en outre une prime de
250 francs. La concession est provisoire, pendant quatre ans
pour les ménages, pendant six ans pour les célibataires, avec
obligation de résidence et de culture durant celte période de
temps. Le décret du 10 avril 1897 sur le domaine ne fait pas
obstacle au maintien de ces dispositions.
A Tahiti, c'est la caisse agricole qui est chargée de faciliter
l'installation des colons ; elle achète près de Papeete des ter-
rains propres à la culture (1), qu'elle revend aux cultivateurs
au prix d'achat ; le prix est payable par semestre, en dix ans,
avec intérêt à 8 0/0 (2).
§ 3. — Restrictions apportées à l' immigration. Mesures
de police.
1171. A côté des avantages offerts aux immigrants pouvant
prêter un concours utile à la colonisation, il est nécessaire de
prévoir des mesures en vue d'empêcher l'introduction, dans
certaines colonies, d'éléments étrangers dangereux, ou de sur-
veiller les individus qui ne chercheraient dans une expatriation
(1) Arr. loc., G novembre 1885.
(2) Le taux normal dans la colonie est de 12 0/0.


— 980 —
qu'un moyen d'échapper à la répression qu'ils auraient méri-
tée et de commettre de nouveaux méfaits.
La plupart de nos établissements d'outre-mer ont jugé utile
d'organiser une surveillance des immigrants; cette surveillance
rentre le plus souvent dans les règlements généraux de po-
lice ; toutefois, il y a lieu de signaler un certain nombre d'actes
spéciaux.
1172. Λ la Martinique, deux arrêtés des 6 décembre 1880
et 19 avril 1883 ont établi, pour tous les habitants âgés de
plus de seize ans, l'obligation de l'inscription sur un registre
matricule et la délivrance d'un extrait de recensement. A la
Guadeloupe", cet extrait doit être visé par le maire pour les
personnes qui voyagent hors de leur commune (1). Nous
pensons qu'il n'existe plus dans ces deux colonies d'arrêtés
spéciaux de police en vigueur relatifs aux étrangers.
A Saint-Pierre et Miquelon, tout individu non domicilié dans
la colonie est astreint au permis de séjour (2) ; celui-ci n'est
délivré que sur la justification de moyens d'existence ou la
présentation d'une caution solvable. La caution est déchargée
après deux ans de séjour. Les passagers non autorisés à
débarquer sont laissés à la charge des capitaines. Cet arrêté
n'est pas applicable aux marins hivernant.
A la Guyane, un arrêté du 15 novembre 1883 a abrogé
toutes les dispositions prescrites par l'arrêté du 13 janvier
1829 relativement aux obligations de passeport et de permis
de séjour. Il rr'existe donc plus aucun moyen de surveillance
régulière.
Au Sénégal, un arrêté du S novembre 1847, qui ne paraît
pas avoir été rapporté'(3), prescrit à tout étranger arrivant à
Saint-Louis de se présenter au bureau des affaires extérieures
pour y déclarer son nom, les motifs de son voyage, etc.
A la Réunion, les immigrants, indiens ou autres, sont obli-
gés, par un arrêté du 19 mars 1887, de se présenter au bureau
de police pour obtenir un permis de séjour.
En Cochinchine, en raison de l'immigration chinoise crois-
(1) Arr. loc. 18 juin 1864.
(2) Arr. loc. 12 mars 1857.
• (3) Cet arrêté a été motivé cependant par un fait particulier, l'état
d'hostilité avec le Toro-Fouta.

— 981 —
sante chaque jour, il a été nécessaire de créer un service
spécial de l'immigration sous l'autorité du directeur de l'inté-
rieur. Ce service est organisé par les arrêtés locaux des 24 no-
vembre 1874, 6 avril 1876, 13 octobre 1876.
Un arrêté du 8 novembre 1880, approuvé par décret du G mai
1881, impose l'obligation du livret à tous les Asiatiques non
citoyens français; depuis le 29 octobre 1884 jusqu'au 27 juin
1885$ pendant la période d'hostilité avec la Chine, on a exigé
des immigrants chinois un laissez-passer délivré par les auto-
rités françaises de l'Annam, du Tonkin ou de la Chine. Enfin,
des arrêtés des 23 janvier 1885 et 25 janvier 1890 ont substitué
au livret une carte qui doit être présentée à toute réquisition ;
il oblige en outre les Asiatiques non sujets français à faire
partie d'une des congrégations constituées (1).
Les immigrants asiatiques ou africains, sujets français, ve-
nant s'établir en Cochinchine, doivent justifier de cette qualité en
produisant un acte de l'état civil dûment légalisé; les indivi-
dus nés dans les établissements de l'Inde doivent produire un
acte de naissance ou un acte de notoriété (2).
Au Tonkin, le séjour des immigrants asiatiques est régle-
menté par divers arrêtés imposant le port de cartes de circu-
lation (3).
En Nouvelle-Calédonie, la formalité du permis de séjour a
été supprimée par un arrêté du 14 juillet 1862, qui n'a main-
tenu cette obligation que pour les individus qui, après un
séjour de six mois dans la colonie, veulent y élire domicile;
ils doivent se faire délivrer un acte de résidence. Celte mesure,
quoique non abrogée, à notre connaissance du moins, parait
être tombée en désuétude.
A Tahiti, un permis de résidence était autrefois exigé de
toutes les personnes débarquant dans la colonie. Cette obli-
gation a été supprimée par arrêté du 16 février 1881, mais
(1) Les congrégations sont des associations d'Asiatiques de la même
origine, dont les chefs sont nommés par le gouverneur. Les indigènes
des pays de protectorat ( Cambodge, Annam, Tonkin) sont assimilés aux
sujets fiançais cochinchinois et dispensés, par suite, de faire partie d'une
congrégation.

(-2) Arr. loc. 4 octobre- 1879.
(3) Arr. 27 décembre 1886, 13 décembre 1893, 23 novembre 1895.

— 982 —
les Océaniens étrangers à la colonie restent soumis à certaines
conditions fixées par les arrêtés des 24 février 1868, 27 sep-
tembre 1871, 30 octobre 1877.
§ 4. — Restrictions apportées à l' émigration hors
des colonies.
1173. Des restrictions de ce genre existent au Sénégal, où
elles ont été établies en vue d'arrêter les abus auxquels don-
nait lieu le recrutement des travailleurs indigènes à destina-
tion des colonies étrangères.
Un décret du 17 juin 1895 a soumis ce recrutement à toU1
un ensemble de formalités et édicté diverses pénalités contre
les contraventions résultant de leur omission. Les pénalités
ont été très sensiblement aggravées par un décret, du 12 jan-
vier 1896; elles consistent aujourd'hui, soit en une amende de
50 à 5,000 francs, soit en un emprisonnement de six mois à
un an ; les deux peines peuvent être réunies.
Des dispositions analogues ont été édictées à Madagascar,
par arrêté du résident général du 26 avril 1897 (Déc. 10 juin
1897). Le recrutement de travailleurs malgaches, destinés à
être employés hors du territoire de la colonie, est puni d'une
amende de 50 à 5,000 francs et d'un emprisonnement de
15 jours à 6 mois. Enfin, une réglementation analogue a été
appliquée à la Côte d'Ivoire, au Congo, à Mayolte et aux
Comores.
ARTICLE 2. — Colonisation réglementée.
§ i. — Régime de l'immigration. Traités avec les pays
étrangers. Régime du travail.
1174. L'immigration ordinaire et le travail créole ne suffi-
sent pas dans la plupart des établissements d'outre-mer pour
assurer l'exploitation du sol, en particulier la culture de la canne
à sucre dans nos anciennes colonies. On a reconnu nécessaire,
aussitôt après l'abolition de l'esclavage, de faciliter l'intro-
duction de travailleurs étrangers, de maintenir la régularité
de leurs services, de leur en, assurer la rémunération. De cette
nécessité sont sortis les décrets des 13 février et 27 mars 1852.,

— 983 —
des traités faits avec divers pays étrangers et des règlements
locaux.
Les principes généraux qui régissent cette législation sont
les suivants : subvention de l'Etat ou des colonies en vue
d'assurer le transport des immigrants ; droit au passage de
retour; obligation pour l'immigrant d'exécuter toute la durée
de son engagement; obligations minima imposées soit aux
transporteurs, soit aux engagistes, en ce qui concerne les allo-
cations de toute nature à fournir aux engagés, les soins aux-
quels ils ont droit.
1175. Le recrutement des engagés peut se faire, soit en Eu-
rope, soit dans les colonies françaises, dans les conditions
prévues par le décret du 27 mars 1852, soit dans les pays hors
d'Europe en se conformant non seulement aux prescriptions
de ce décret, mais encore à celles des conventions interna-
tionales.
Il n'y a d'ailleurs de convention internationale que celle pas-
sée avec l'Angleterre pour l'Inde, le 1er juillet 18(>1 (1); en
outre, le gouvernement portugais, qui n'autorise l'émigration
de Mozambique que pour certains pays, a, par un décret du
23 juin 1881, fixé les conditions auxquelles il permet l'émi-
gration de cette province pour Mayotte et Nossi-Bé.
Le gouvernement anglais, par la convention du 1er juillet
18G1, applicable aux colonies de la Réunion, de la Martinique,
de la Guadeloupe et de la Guyane, s'est réservé le droit de
suspendre l'émigration pour une ou plusieurs de nos colonies
dans le cas où il considérerait comme insuffisantes les mesures
prises pour la protection des immigrants. Quoiqu'en fait les
immigrants soient, dans les colonies françaises, beaucoup
mieux traités que dans, les établissements anglais, le gouver-
nement anglais n'a pas hésité, en 1884, à porter un coup con-
sidérable aux intérêts de l'île de la Réunion, en supprimant
l'émigration pour cette colonie, ainsi qu'il l'avait déjà fait en
1877 pour la Guyane, sous le prétexte de l'excessive mortalité
des coolies qu'on y avait envoyés.
(1) Déc. 10 août 1861. Cette convention a été légèrement modifiée le
5 novembre 1872 (Déc. 19 novembre 1872) en ce qui concerne la période
pendant laquelle peuvent se faire les départs d'émigrants pour les colo-
nies à l'ouest du cap de Bonne-Espérance.


— 984 —
Le gouvernement français est donc autorisé à mettre fin im-
médiatement à la convention tout entière; il reprendrait égale-
ment sa liberté en ce qui concerne le recrutement des tra-
vailleurs à la côte orientale d'Afrique.
117G. Les conditions imposées par l'Angleterre pour auto-
riser le recrutement dans ses colonies sont relatives au droit
de surveillance des autorités anglaises dans les ports d'em-
barquement de l'Inde (art. G), aux stipulations et à la durée
des contrats d'engagement limitée à cinq ans, à l'obligation
au rapatriement pour l'immigrant et sa famille, au nombre maxi-
mum de jours de travail par semaine (6) et d'heures de tra-
vail par jour (0 heures et demie), aux époques d'expédition
des convois, aux conditions d'installation des navires transpor-
teurs, à la proportion entre le nombre des femmes et celui des
hommes (art. 16), au maintien des liens de la famille (art. 17),
à la possibilité pour les immigrants sujets anglais d'invoquer
l'assistance des agents consulaires britanniques, de se rendre
chez eux, etc.
Le décret du gouvernement portugais du 23 juin 1881 auto-
risant l'émigration des travailleurs de Mozambique dans les
colonies de Mayotte et de Nossi-Bé et le règlement pour l'exé-
cution de ce décret, du 14 octobre 1882, ne contiennent
aucune prescription de ce genre; ils fixent seulement l'orga-
nisation du recrutement à Mozambique et les sommes à payer
par les recrutants au service local de cet établissement. Le
gouvernement portugais, connaissant les sentiments huma-
nitaires de la France, s'est borné à déclarer « qu'il comptait
« d'avance et avec la plus grande confiance que le gouverne-
« ment français exercerait la protection et une vigilance
« convenables sur tous les émigrants ».
1177. L'Etat n'accorde plus aujourd'hui aucune subvention
pour l'immigration réglementée ; quant aux colonies, nous
examinerons plus loin la situation spéciale de chacune d'elles
au point de vue des encouragements à l'introduction des tra-
vailleurs étrangers.
1178. Les immigrants sont soumis au régime du travail, spé-
cial aux colonies, organisé par le décret du 13 février 1832.
Ce régime diffère de celui établi par le droit commun par les
points suivants :

— 985 —
1° La définition du vagabondage, donnée par l'article 16 de
ce décret, est beaucoup plus stricte que celle résultant de l'ar-
ticle 270 du Code pénal : un immigrant peut être condamné
pour vagabondage, même s'il possède un domicile certain;
2° Par dérogation au principe ordinaire des contrats, la re-
tenue d'une journée de travail supplémentaire est édictée, en
principe, à titre de dommages et intérêts, contre tout immi-
grant qui manque au travail pendant une journée ; dans le
droit commun, cela ne pourrait résulter que d'une convention
spéciale ;
3° L'immigrant est soumis à l'obligation d'un engagement;
il ne peut en être dispensé que dans des circonstances excep-
tionnelles;
4° Les contrats d'engagement, tout au moins ceux signés
sur le lieu de recrutement, ne sont pas faits en vue d'un enga-
giste déterminé; ils peuvent être rétrocédés; le travail des
engagés peut être sous-loué ;
5° L'engagé jouit d'avantages particuliers en ce qui con-
cerne le bénéfice de l'assistance judiciaire.
Le régime du livret est, en droit, toujours en vigueur dans
les colonies; ce sont des arrêtés des gouverneurs qui déter-
minent la réglementation relative aux droits et obligations
résultant des livrets, à leur forme, au mode de délivrance,
etc. (1).
Les immigrants sont considérés, au pointde vue du privilège
de l'article 2101, § 4 du Code civil, comme des gens de ser-
vice. Le fait seul d'être employés sur des exploitations agri-
coles, d'être soumis à un nombre d'heures de travail fixé par
un règlement, d'habiter un logement distinct de celui du pro-
priétaire, ne peut prévaloir contre ce principe qu'ils sont réel-
lement subordonnés à l'engagiste, que celui-ci les loge, les
nourrit, leur doit le vêtement, le rapatriement et les soins
médicaux (2).
1179. Des dispositions ont été prises, clans les différentes
colonies, pour faciliter aux immigrants les actes de la vie ci-
vile; par exemple, en ce qui concerne les mariages, un décret
(1) Déc. 13 février 1852, art. 12 ; Déc. 4 sept. 1852.
(2) Cf Cass. civ. 3 juillet 1886. D. P. 86, 1, 463.

— 986 —
du 14 juin 1861, applicable à la Guyane, accorde au gouver-
neur le droit d'autoriser les mariages, simplifie les publica-
tions, permet de remplacer les actes ordinaires de l'état civil
par des actes de notoriété, accorde aux immigrants dépourvus
de ressources le bénéfice de la loi du 19 novembre 1830 sur
le mariage des indigents. Des dispositions analogues ont été
prises le 25 novembre 1865 pour les établissements de l'Océa-
nie, le 7 novembre 1866 pour la Nouvelle-Calédonie, lé 20 juil-
let 1867, par un sénatus-consulte, pour la Guadeloupe, la
Martinique et la Réunion.
1180. Les immigrants sont, comme tous les habitants des
colonies, et par dérogation à l'article 1142 du Code civil, sou-
mis aux prescriptions des décrets des 16 août 1854 (art. 10),
Antilles et Réunion, 16 août 1854 (art. 22), Guyane, etc. Les
amendes prononcées contre eux sont converties en journées
de travail pour le compte et dans les ateliers de la colonie,
d'après le taux et les conditions réglées par arrêté du gouver-
neur en conseil (1). Ce principe résulte, d'ailleurs, de l'ar-
ticle 23 du décret du 13 février 1852. Quoiqu'en fait, dans
plusieurs colonies, les décrets de 1852 ne soient plus appli-
qués pour les créoles, on ne saurait prétendre qu'ils ne sont
plus en vigueur; ils n'ont pas été abrogés et pour les immi-
grants d'ailleurs, qui ne sont pas citoyens français, il est en-
core nécessaire de les appliquer. Les ateliers de discipline,
organisés
par l'arrêté du
Gouvernement
provisoire
du
27 avril 1848, reçoivent également (2) les individus condam-
nés à l'emprisonnement pour vagabondage, mendicité ou faits
réprimés par les articles 14 à 21 de ce décret.
Les ateliers de discipline existent en principe—soit séparé-
ment, soit juxtaposés aux prisons — dans les anciennes colonies
de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane et de la
Réunion; on en a également créé à la Nouvelle-Calédonie (3).
Il n'en existe pas, croyons-nous, dans les autres colonies.
(J) V. par exemple pour la Réunion Arr. loc. 14 février 1856. Dans
cette colonie, l'atelier de discipline existait antérieurement à l'arrêté
du 27 avril 1848; il avait été créé le 14 avril 1846.
(2) Déc. 13 février 1832, art. 22.
(31 Atelier d'Yahoué, créé le 6 mars 1876, transféré le 28 juin au
ca np de l'Orphelinat.

— 987 —
§ 2. Recrutement et transport des immigrants.
1181. Le recrutement des immigrants, dans les conditions
du droit commun, peut se faire partout où le gouvernement
local ne soulève pas d'objection, à la condition de se sou-
mettre aux règles édictées par ce gouvernement et aux pres-
criptions du décret du 27 mars 18.'>2. C'est ainsi que se fait
le recrutement des engagés en Chine ou à la côte occidentale
d'Afrique; dans ce dernier cas, un armateur, pour n'être
exposé à aucune difficulté, pour ne pas donner prise aux
soupçons de traite qui naissent facilement en présence d'opé-
rations de recrutement dans ces parages, doit autant que
possible tâcher d'obtenir la présence d'un navire de guerre
ou d'un agent du gouvernement français, pour constater que
les contrats d'engagement sont passés librement.
La jurisprudence rejette comme non recevable toute de-
mande qui soulève des questions relatives soit à la protection
due à nos nationaux par les consuls ou les officiers de la
marine militaire, soit aux réclamations auprès des gouverne-
ments étrangers pour préjudices causés à des agents de recru-
tement (1).
1182. Quant à l'immigration réglementée, elle peut se faire
actuellement soit dans l'Inde, soit à Mozambique, soit dans les
îles de l'Océanie.
Dans l'Inde, il existe des agents d'émigration à Calcutta (2),
à Pondichéry et à Karikal (3). Ces agents, nommés par le Gou-
vernement de la métropole , sont chargés, moyennant une
somme qui ne peut dépasser GO francs par emigrant au-dessus
de dix ans et 20 francs pour les enfants de cinq à dix ans,
somme remboursable par les colonies destinataires (4), de
(1) Cons. d'Ét. cont. 4 juillet 1862. Aff. Simon ; i février 1864. Aff.
Chevalier.
(2) Les agences de Bombay et de Madras rétablies en 1873 (V. Dép.
min. 17 décembre 1873, Β. Ο. I. 1874, p. 62) ne fonctionnent plus au-
jourd'hui.
(3) Antérieuremeut à la convention du 1er juillet 1861 qui a ouvert
l'Inde anglaise au recrutement, il existait à Pondichéry une société pri-
vilégiée dite d'émigration, livrant aux colonies les contrats d'engage-
ment aux taux de 39 roupies pour la Réunion, et 42 roupies pour les
Antilles.
(4) Arr. gouv. Inde, 3 juillet 1862, Β. Ο. I. 1862, p. 100.

— 988 —
recruter les emigrants clans les districts français ou anglais,
en se conformant dans ce dernier cas aux mesures de police
et aux règlements en vigueur pour le recrutement à destina-
tion des colonies britanniques. A l'arrivée dans les centres de
recrutement français, il est procédé à leur réception avec le
concours de l'agent consulaire anglais.
Le monopole des agents d'émigration a été attaqué devant
la juridiction administrative ; on a prétendu qu'il constituait
une violation non seulement de la convention anglo-française,
mais encore du droit public français et du principe de la li-
berté de l'industrie; cette prétention a été repoussée par le
motif que les mesures attaquées avaient été prises par le mi-
nistre et par les agents placés sous ses ordres dans la limite
de leurs pouvoirs et pour l'exécution de la convention diplo-
matique du 1er juillet 1861 (1).
Le gouvernement a, d'ailleurs, le droit de prononcer la
suspension de l'émigration (2) sans qu'il puisse être exposé à
aucune réparation.pécuniaire.
La suppression du droit de recrutement dans l'Inde an-
glaise, à destination de nos colonies, n'empêcherait nullement
le fonctionnement des agences de Pondichéry et de Karikal (3)
si le gouvernement français se décidait, comme il en a le
droit aujourd'hui, à dénoncer la convention de 1861. Le gou-
vernement anglais peut, s'il le juge utile, prendre les mesures
nécessaires pour empêcher ses nationaux de passer sur le ter-
ritoire français, mais son action ne peut évidemment aller
au delà. Les mesures qu'il prendrait en pareil cas ne sauraient
d'ailleurs être invoquées, par des recruteurs d'émigrants au-
torisés par le gouvernement français, pour lui réclamer une
indemnité (4).
Les navires destinés au transport des émigrants sont visités
par une commission d'émigration organisée à Pondichéry.
(1) Cons. d'Et. cont. 15 juin 1864. Aff. Montaulard.
(2) Cons. d'Et. cont. 26 février 1863. Aff. Viton.
(3) Il existe à Karikal. en outre de l'agence de recrutement pour les
colonies françaises, une commission pour le recrutement, à destination
des colonies anglaises (V. Dép. min. 6 juin 1874 ; Arr. loc. 3 no-

vembre 1876).
(4) Cf. Cons. d'Et. cont. 8 décembre 1853. Aff. Bédier, Prairies et con-
sorts.

— 989 —
1183. Une dépêche ministérielle du 6 janvier 1859 adressée
au gouverneur de la Réunion avait interdit tout recrutement
à la côte occidentale d'Afrique et à Madagascar ; mais cette'
interdiction ne s'étendait pas à Mayotte et à Nossi-Ré (1); ces
deux petites colonies purent continuer leurs opérations de re-
crutement soit à la Grande-Terre de Madagascar, soit aux Co-
mores. Nous avons déjà indiqué (n° 1176) qu'elles ont, en
outre, aujourd'hui l'autorisation de recruter des travailleurs à
Zanzibar. Un agent, désigné par elles, représente à Ibo les
engagistes et signe les contrats en leur nom.
La suppression du droit au recrutement, dans l'Inde, pour
l'île de la Réunion rend évidemment au gouvernement fran-
çais toute sa liberté pour autoriser à nouveau les engagements
à la côte d'Afrique.
1184. Les opérations de recrutement ont un caractère es-
sentiellement commercial (2) ; ceci est indiscutable quand il
s'agit de recrutement non réglementé ; il en est de même pour
les difficultés qui peuvent se soulever, pour le recrutement
réglementé entre les agents de recrutement et les capitaines
de navires, entre ceux-ci et les engagistes. La justice adminis-
trative est, au contraire, compétente pour les contestations
dans lesquelles est partie une colonie faisant elle-même une
opération de recrutement, à charge de distribuer, après leur
arrivée, les immigrants entre les engagistes.
1185. Le transport des immigrants est réglementé par le
décret du 27 mars 1852, applicable à tous les engagés, avec
ou sans le concours de l'État ou de ia colonie : ce décret fixe
le nombre maximum d'émigrants suivant le tonnage du na-
vire, les approvisionnements à embarquer, quelques disposi-
tions spéciales à prendre en vue de la sécurité des passagers.
Mais ces prescriptions sont peu nombreuses et peu précises :
(1) Dép. min. 17 mars 1859, 17 janvier 1860.
(2) Cass. Ch. Req. 10 novembre 1858. (Lory et Pitel contre Boyer et
autres) S. 59, 1, 61. Celui qui se livre à des engagements de travail-
leurs libres, qu'il transporte dans une colonie en vue de céder les en-
gagements à un tiers et d'en retirer un bénéfice sur le prix, fait acte
de commerce et devient, par suite, justiciable au tribunal consulaire

pour l'exécution de ces obligations. Il peut d'ailleurs, dans ce cas, être
actionné devant la juridiction commerciale par le cessionnaire des en-
gagements, bien que celui-ci ne soit pas commerçant et n'ait fait en
ce qui le concerne, qu'un acte ou contrat purement civil.


— 990 —
c'est ainsi que l'article 16 indique la manière dont doivent
être calculés les approvisionnements, mais ne prescrit pas la
composition minimun de la ration.
§ 3. — Régime spécial à la Martinique.
1186. Le régime de l'immigration à la Martinique est très
simple ; il résulte uniquement aujourd'hui d'un arrêté local du
17 janvier 1885, toute la réglementation antérieure ayant été
abrogée par un arrêté du 26 décembre 1884. Le principe
d'après lequel a été édicté ce règlement ressort des termes
suivants d'une délibération du conseil général du 18 dé-
cembre 1884 : « Le travail réglementé est aboli. L'Adminis-
« tration est priée de mettre la législation locale en harmonie
« avec ce principe de droit commun et de se conformer aux
« prescriptions de l'article 23 de la convention du 1er juil-
« let 1861. Aucun contrat passé sous le régime actuel ne sera
« renouvelé. La prime de réengagement est en conséquence
« supprimée. »
C'était donc la suppression de l'immigration réglementée et
dès lors il n'y avait plus qu'à rechercher, dans les anciens rè-
glements, ce qui était nécessaire pour assurer le fonctionne-
ment du service pendant la durée des contrats encore en cours.
L'arrêté du 17 janvier 1885 édicte ainsi quelques règles en
ce qui concerne le logement, la nourriture, l'habillement, les
soins médicaux auxquels ont droit les immigrants.
1187. Les immigrants peuvent, en cas d'insubordination
habituelle, être employés dans un atelier public ou sur une
habitation domaniale, sans que la colonie doive aucune in-
demnité aux engagistes ; il est probable qu'elle subvient à la
nourriture et à l'entretien pendant ce temps; mais le règle-
ment ne s'explique pas à ce sujet.
Un chef de bureau du secrétariat général, commissaire de
l'immigration, dirige le service, veille à l'exécution du règle-
ment. Des syndicats protecteurs, établis à Fort-de-France et à
Saint-Pierre, composés du procureur de la République, pré-
sident, d'un avocat ou avoué et d'un conseiller municipal, di-
rigent les immigrants dans les actions judiciaires qu'ils peuvent
avoir à soutenir et ont le droit de poursuivre d'office la rési-

— 991 —
liation des contrats d'engagement, même sans le consentement
des engagés; ils sont assistés de syndics cantonaux chargés
de leur transmettre les plaintes et réclamations des immigrants ;
ils peuvent être délégués par les commissaires de l'immigra-
tion pour exercer des visites sur les habitations; ils peuvent
intenter, dans l'intérêt des engagés, des actions contre les en-
gagistes devant le juge de paix. L'arrêté n'indique pas nette-
ment si ces actions peuvent être soutenues sans l'acquiesce-
ment de l'intéressé, sans l'autorisation du syndicat protecteur ;
il semble cependant que ce droit appartient aux syndics can-
tonaux.
Il n'a pas été nécessaire de se préoccuper de la liquidation
de la caisse de l'immigration., cette caisse fonctionnant à la
Martinique au moyen d'une subvention versée annuellement
et calculée de manière à combler le déficit.
§ 4. — Régime spécial à la Guadeloupe.
1188. Le régime spécial de l'immigration à la Guadeloupe
est déterminé par un certain nombre d'arrêtés locaux, notam-
ment ceux
des 24
septembre 1859,
19 février 1861,
16 juin 1877, 27 janvier 1880, 21 février 1881.
Les convois d'immigrants sont amenés dans la colonie aux
frais d'une caisse spéciale, dite caisse d'immigration, qui est
remboursée de ses dépenses, en partie, au moyen de primes
d'introduction payées par les engagistes. La colonie inscrit,
d'autre part, à son budget un crédit annuel pour les dépenses
du personnel et du matériel de l'immigration (1).
1189. La prime d'introduction est fixée par le gouverneur
en exécution des décrets des 13 février et 17 mars 1852 : le
chiffre actuel de 285 francs pour les immigrants venant de
Calcutta, de 322 fr. 50 pour ceux arrivant de Pondichéry (2) ;
c'est la somme qui doit être versée pour chaque engagiste à la
caisse de l'immigration pour tenir compte, à forfait, des dépenses
de recrutement.
Une prime de rengagement est payée par la caisse de l'im-
migration a tout immigrant qui, à l'expiration de son contrat,
(1) Budget local de 1897, crédit inscrit: 111,609 francs.
(2) Arr. loc. 16 février 1881.

— 992 —
consent à en signer un nouveau. Cette prime est de 158 francs
pour cinq ans, avec allocation proportionnelle en cas de ren-
gagement de moindre durée (i). Il existait autrefois une
prime de rangagement spéciale correspondant à la renon-
ciation au droit de rapatriement, mais cette renonciation
ayant été considérée comme contraire à l'article 9 de la con-
vention internationale du 1er juillet 18G1, la prime a été sup
primée par arrêté du 21 février 1881.
1190. La caisse d'immigration a été organisée par l'arrêté
du 18 février 18G0 ; elle est appelée à subvenir à toutes les
dépenses du service de l'immigration : personnel et matériel
des bureaux, frais de recrutement dans l'Inde et de trans-
port, frais de rapatriement, prime d'encouragement pour le
renouvellement des contrats, frais de traitement dans les
hôpitaux, entretien des dépôts de la Basse-Terre et de la
Pointe-à-Pitre.
Les ressources au moyen desquelles elle fait face à ces dé-
penses sont : une attribution sur les contributions et les reve-
nus de le colonie, le paiement des primes d'introduction
(V. n° 1189), un droit fixe et un droit proportionnel sur les
contrats d'engagement et de rengagement (2).
Le recouvrement des créances dues par les engagistes à la
caisse d'immigration est effectué par les soins des receveurs
de l'enregistrement.
1191. Parmi les règles particulières au régime et à la police
des immigrants, qu'il ne serait pas possible d'énumérer in
extenso, nous nous bornerons à signaler les prescriptions
relatives à la répartition des convois d'immigrants entre les
engagistes (3). Le nombre maximum d'engagés qui peut être
attribué à chaque exploitation est limité à 30 par an : aucune
exploitation ne peut compter plus de 150 immigrants intro-
duits avec le concours des fonds de la colonie. Un certain
nombre d'immigrants sont, à chaque convoi, réservés pour la
domesticité (15) et pour la petite culture des habitations au-
dessous de 10 hectares (25).
(1) Arr. loc. 28 août 1882.
(2) Budget local de 1897. Recette prévue : 15,000 francs.
(3) Arr. loc. 27 janvier 1880, 21 février 1881.


— 993 —
Un comité d'immigration est chargé de régler la distribution
des immigrants entre les engagistes.
Les engagés peuvent être retirés des exploitations par déci-
sion du gouverneur (1); en outre les engagements peuvent être
résiliés par les tribunaux, sur la poursuite des inspecteurs de
l'immigration, dans le cas où l'engagiste aurait été condamné
pour sévice envers ses engagés ou lorsque les conditions ré-
glementaires de salubrité et d'hygiène, ainsi que celles sous
lesquelles l'engagement a été contracté, ne sont pas observées
à l'égard des immigrants.
En vue d'empêcher le départ pour une colonie voisine d'im-
migrants liés au travail ayant reçu des avances ou tout au moins
profité du passage depuis l'Inde (2), en vue également de
protéger les immigrants contre les dangers auxquels ils s'ex-
posent en se mettant à la discrétion des maîtres ou patrons
d'embarcation (3), un arrêté local du 29 mai 1888 punit d'une
amende de 25 à 100 francs et d'un emprisonnement de cinq à
quinze jours tout capitaine, maître ou patron qui aura reçu, à
son bord, des immigrants liés au service d'autrui par un con-
trat de travail et non munis d'une autorisation spéciale de leur
engagiste.
1192. Le service de protection des immigrants est assuré
par un personnel spécial dont la composition et les attributions
sont déterminées par les arrêtés des 19 février 1861 (chap. V),
21 février 1881 et 7 janvier 1887. Un protecteur, chef de ser-
vice, relevant du directeur de l'intérieur, remplit toutes les
fonctions dévolues aux anciens commissaires de l'immigration ;
il centralise le service et fait, au moins une fois par an, une
tournée sur les habitations. Un inspecteur et un sous-ins-
pecteur font de fréquentes tournées, concilient les difficultés
entre les engagistes et les engagés, reçoivent et instruisent les
plaintes, etc.
(1) Arr. loc. 16 juin 1877, 1er juin 1878. Les sous-inspecteurs ont été
depuis substitués aux syndicats protecteurs.
(2) Ces actes ne tombent pas toujours sous l'application de l'article lu
du décret du 13 février 1852, relatif au délit d'embauchage ; un immi-
grant peut se présenter volontairement à un patron d'embarcation:
celui-ci, en le prenant à son bord, ne se rendrait nullement coupable
d'embauchage; il a fallu édicter des dispositions spéciales à ce sujet.

(3) C'est au moins le motif énoncé dans le rapport du directeur de
l'Intérieur au gouverneur du 28 mai 1878. B. 0. Guad. 1878, p. 231.
COLONIES, I.
63

— 994 —
Les syndics sont au nombre de sept ; ils reçoivent les plaintes
et réclamations des immigrants, veillent à ce que ceux-ci soient
munis de leurs bulletins d'immatriculation ; ils s'assurent
que les salaires et prestations dus aux engagés leur sont
régulièrement fournis ; ils visent les passe ports des immi-
grants.
Les sous-inspecteurs décident, s'il y a lieu dans l'intérêt des
immigrants, d'introduire une action devant les juridictions de la
colonie ; ils se constituent à leur place à titre de mandataires
légaux (1) ; le bénéfice de l'assistance judiciaire est acquis de
droit aux engagés pendant les cinq premières années de leur
séjour dans la colonie.
Les juges de paix étaient chargés de 1878 à 1881, en de-
hors de leurs attributions générales comme juges ou comme
officiers de police judiciaire, de recevoir les plaintes des immi.
grants à l'occasion des prestations auxquelles ils avaient droit
et du payement de leurs salaires; ils provoquaient les expli-
cations des engagistes et transmettaient tous ces renseigne-
ments au directeur de l'intérieur. Ces attributions paraissaient
en contradiction avec les fonctions mêmes de juge de paix ;
elles ont été supprimées par l'arrêté du 21 février 1881 abro-
geant celui du 29 mai 1878.
§ 5.
Régime spécial à la Guyane.
1193. Le régime de l'immigration à la Guyane est réglé par
un arrêté local du 28 décembre 1860, modifié légèrement par
les arrêtés des 27 mai 1877 et 12 octobre 1880. Un comité
d'immigration est chargé d'arrêter la liste d'inscription des
demandes d'immigrants et le tableau de collocation; il peut
exclure temporairement ou définitivement certaines personnes
de cette liste. Les décisions de ce comité peuvent être déférées
au gouverneur statuant en conseil privé.
La durée de l'engagement ne peut dépasser cinq ans ; il
peut être prolongé uniquement dans le cas où il y a eu inter-
ruption volontaire de travail 'de la part de l'engagé et si cette
interruption a été régulièrement constatée.
(1) Déc. 27 mars 1832, art. 36.

— 995 —
Un syndicat protecteur, constitué à Cayenne, est chargé de
diriger les immigrants pour tout ce qui touche à l'exercice des
actions judiciaires ; il peut seul ester en justice dans l'intérêt
des immigrants ; il a le droit, même sans aucune demande de
l'engagé, de poursuivre d'office devant les tribunaux la rési-
liation d'un contrat.
1194. Les dépenses de service de l'immigration sont parta-
gées entre le budget local et une caisse spéciale, dite caisse de
l'immigration ; le budget local subvient aux dépenses du per-
sonnel d'administration et de protectorat et au rapatriement
des immigrants; la caisse d'immigration paye les frais de trai-
tement, dans les hôpitaux, des immigrants sans engagement
ou en expectative de rapatriement, les frais d'entretien des
immigrants placés au dépôt permanent, enfin une part des
primes de rengagement.
Elle doit subvenir, mais à titre d'avance, aux frais d'intro-
duction. Ce service, qui ne fonctionne pas actuellement, est
assuré de la manière suivante : à l'arrivée de chaque convoi,
les colons appelés à y participer payent immédiatement une
certaine somme fixée chaque fois par le gouverneur, puis
souscrivent des obligations au profit de la caisse pour solder
le complément de la dépense du convoi ; ces obligations sont
en général remboursables dans un délai de huit ans.
En ce qui concerne les rengagements, la prime fixée chaque
année par le gouverneur est variable selon la durée de ren-
gagement; elle est payée par l'engagiste et par la caisse dans
les proportions suivantes (1) :
Part payée
Part payée par
par
la caisse
l'engagiste. d'immigration.
Engagements agricoles
1/4
3/4
Engagements pour la domesticité ou les
industries diverses
1/2
1/2
Engagements pour l'industrie aurifère.
3/4
1/4
Le régime de l'immigration à la Guyane a été complété par
un décret du 13 juin 1887 approuvant une délibération du
conseil général. Ce décret est à peu près identique à celui du
2 octobre 1885 applicable à Mayotte (V. n09 1198 et suiv.).
(1) Arr. 31 décembre 1833 applicable pour 1884.

— 996 —
§ G.— Régime spécial à la Réunion,
1195. Le régime des immigrants, spécial à la Réunion, ré-
sulte d'un décret du 30 mars 1881 réglementant le service de
protection et d'un certain nombre d'arrêtés locaux (1) fixant
les obligations des engagistes et des engagés. Un décret devait
également régler ces différents points.
1196. Ce décret est intervenu le 27 août 1887.Il a appliqué
à la Réunion les principes adoptés pour Mayotte en 1885
et pour la Guyane en juin 1887 (n° 1194). Nous signalerons
toutefois quelques différences avec ce dernier règlement.
L'émigrant a le droit de ne pas changer d'engagiste sans
son consentement (art. 83).
Le protecteur n'est pas investi du droit de provoquer le re-
trait des coolies (art. 61).
La limitation des traités qui, à la Guyane, n'est pas appli-
cable pendant la première année (art. 71), est obligatoire im-
médiatement à la Réunion (art. 68).
Le droit de recours de la colonie contre les introducteurs ou
les engagistes, pour remboursement des frais de rapatriement,
existe à la Réunion, mais non à la Guyane. Il en est de même
des frais de séjour, au dépôt, des immigrants à rapatrier ou
retirés par ordre du gouverneur, frais qui, à la Guyane, sont
toujours à la charge de la colonie.
1197. La colonie de la Réunion n'a pas de caisse spéciale
de l'immigration ; le budget local supporte directement les
dépenses du protectorat, celles du personnel du dépôt colo-
nial, enfin les frais de rapatriement qui ont été classés parmi
les dépenses obligatoires.
Pour subvenir à ces dépenses, la colonie perçoit : 1° un droit
fixe d'enregistrement sur les contrats d'engagement et de
rengagement (2) ; 2° une taxe annuelle sur la délivrance et le
renouvellement des permis de résidence temporaire, accordés
(1) Ces arrêtés sont reproduits, presque tous, dans la Législation de la
Réunion par Delabarre et Nauteuil, t. V, p. 326 et t. VI, p. 327. Nous
citerons spécialement l'arrêté du 31 décembre 1852 qui est encore, sur

beaucoup de points, le code du travail dans cette colonie.
(2) Déc. 17 juin 1863; Déc. 28 septembre 1872 ; Arr. loc. 28 décem-
bre 1888; Délib. Cons. gén. 6 novembre 1889.

— 997 —
aux travailleurs immigrants libérés de leur engagement (1).
Ces perceptions doivent produire 197,000 francs (2) alors que
les dépenses s'élèvent à 200,000 francs en y comprenant les
frais de l'atelier de discipline (23,000 fr.) et les primes à
l'introduction d'immigrants (35,000 fr.).
§ 7. — Régime spécial à Madagascar et aux Comores.
1198. Nous avons indiqué précédemment (Y. n° 1183) les
conditions particulières dans lesquelles peut s'effectuer le re-
crutement des immigrants pour Mayotte et Nossi-Bé. Ces deux
colonies se trouvent également dans une situation toute spé-
ciale au point de rue du régime de l'immigration; ce sont les
premières qui aient été régies, à ce point de vue, par un acte
émanant de l'autorité métropolitaine. Le décret du 2 octobre
1885 règle toutes les questions qui se soulèvent au sujet de
l'immigration; il présente, à ce sujet, une importance con-
sidérable : aussi quoiqu'un décret en forme de règlement
d'administration publique ne soit pas nécessaire pour ces
colonies, le gouvernement a-t-il cru nécessaire de soumettre
celui-ci à l'examen du Conseil d'État.
1199. L'organisation du service de l'immigration est établie
sur les mêmes bases qu'à la Réunion; toutefois, il n'y a pas
de chef de service relevant directement du gouverneur; ce
n'est pas, en effet, une mission assez importante pour motiver
une situation aussi élevée, et il est facile de supposer qu'à la
Réunion la création d'un chef de service indépendant du direc-
teur de l'intérieur a eu uniquement pour but de donner satis-
faction aux demandes du gouvernement anglais.
Les enfants des immigrants peuvent, à leur majorité, ré-
clamer la qualité de sujet français et, assimilés à ce titre aux
indigènes de Mayotte et de Nossi-Bé, être soumis aux principes
du droit commun en matière de louage de leurs services ; mais
on a pris soin, ce qui n'existe pas à la Réunion, de spécifier
qu'ils doivent pour cela renoncer à tous droits au rapatriement
et de fixer leur majorité à la majorité française, vingt et un ans ;
s'il est possible pour les Indiens d'appliquer la majorité du
(1) Déc. 10 août 1868 ; Déc. 17 juin 1887.
(2) Budget de 1897.

— 998 —
statut personnel, quinze ans, il eût été sans doute très difficile
de déterminer, pour les Africains, l'âge de la majorité légale.
La prescription du décret relative aux attributions du pro-
tecteur des immigrants à la Réunion, en matière de placements
de fonds, qui ne se justifiait guère que par l'obligation de se
conformer au protocole signé avec le gouvernement anglais, a
été supprimée pour Mayotte et Nossi-Bé.
Le commissaire de l'immigration et les syndics ne sont pas,
comme ils l'ont été, à tort, à la Réunion, qualifiés officiers de
police judiciaire; les seuls officiers de police judiciaire, en
effet, sont : le procureur de la République, le juge d'instruc-
tion et les auxiliaires du procureur de la République, maires,
commissaires de police, gardes champêtres. Quant aux agents
spéciaux adjoints à la police judiciaire (et c'est dans cette caté-
gorie que rentrent les fonctionnaires de l'immigration), ils ont
une partie des pouvoirs des officiers de police judiciaire, mais
ils ne le sont pas ; ils ne sont pas placés sous la dépendance
directe du ministère public; ils ne sont pas justiciables des
cours d'appel; leurs attributions sont strictement limitées à
certains actes expressément déterminés. C'est pour ces motifs,
sans doute, que les termes du décret du 30 mars ont été mo-
difiés.
Les dépenses du personnel et du matériel de l'immigration
sont classées parmi les dépenses obligatoires de la colonie;
c'était une conséquence nécessaire de l'autorisation qui lui était
donnée de percevoir certaines recettes, droit d'enregistrement
des livrets, des contrats d'engagement et de rengagement,
taxe de passation de contrat, taxe annuelle de 10 francs par
engagé. Avec ces ressources, la colonie assure le service du
personnel de l'immigration et les soins médicaux à donner aux
engagés.
1200. Le décret du 2 octobre 1885 règle les formalités à
remplir, soit pour le recrutement, soit à l'arrivée des immi-
grants, le mode de passation des contrats, les conditions gé-
nérales qui doivent y être insérées, les salaires et les fourni-
tures de toute nature dus aux engagés. Le recrutement (qui
jusqu'à présent ne se pratique qu'à Ibo) est toujours fait, non
pour le compte de la colonie, mais pour celui d'engagistes qui
s'obligent d'avance à solder toutes les dépenses d'introduction

— 999 —
et même de rapatriement. Ce n'est pas cependant en vue d'un
engagiste déterminé qu'est souscrit l'engagement, chaque
convoi étant, à son arrivée, distribué par les soins du com-
missaire de l'immigration; l'engagiste ne s'oblige pas à payer
les dépenses pour tel ou tel immigrant déterminé, mais pour
tel nombre d'immigrants. D'autre part, un groupe d'engagistes
peut faire venir un convoi pour son propre compte, s'assurer
alors les services de tels ou tels immigrants; mais les contrats
d'engagement doivent toujours être passés dans la colonie.
La durée de chaque engagement est réglée, de gré à gré,
entre les parties sans pouvoir excéder la durée fixée par les
conventions passées avec les pays d'origine (trois ans pour les
indigènes de Mozambique) et dans tous les cas le laps de
cinq ans.
On a porté à douze ans (1) l'âge auquel les enfants des
immigrants sont obligés de s'engager ; cette mesure, malgré
son apparence humanitaire, est de nature à nuire aux enfants
restant jusque-là à la charge des parents.
Les contrats de rengagement ne peuvent être passés qu'avec
l'autorisation de l'administration.
1201. Le gouverneur de la colonie peut empêcher (pour
une durée qui ne peut excéder trois ans) la passation de tout
contrat d'engagement ou de rengagement avec l'engagiste
qui a subi dans le cours des deux années précédentes une
condamnation pour mauvais traitements envers ses engagés,
pour manquements graves aux obligations résultant du
contrat, ou pour engagement fictif (2); le gouverneur peut
même, dans ces conditions, prononcer le retrait de la pro-
priété de l'engagiste, de la totalité ou d'une partie de ses
engagés.
Les deux peines peuvent être infligées séparément ou en
même temps. Une procédure a, d'ailleurs, été édictée pour
mettre les engagistes à l'abri d'actes arbitraires ; l'engagiste
(1) Dix ans à la Réunion.
(2) L'engagement fictif est celui contracté entre deux parties sans in-

tention sérieuse de s'obliger et en vue de s'assurer frauduleusement les
avantages attachés par la loi aux contrats d'engagement ; les parties
contractantes sont punies d'un emprisonnement d'un mois à un an et

d'une amende de 100 à 500 francs.

— 1000 —
doit être mis en mesure, huit jours avant la décision, de pré-
senter sa défeuse; l'ordre de retrait est révoqué si, avant sa
mise à exécution, l'engagiste condamné a cessé d'habiter ou
de gérer la propriété sur laquelle se trouvaient les immigrants;
l'ordre de retrait est publié dans les journaux de la colonie (1)
vingt jours au moins avant qu'il ne s'exécute; le gouverneur
rend compte de ces mesures au ministre qui peut toujours
prescrire de les rapporter.
Le décret du 2 octobre 1885 est toujours en vigueur malgré
l'organisation nouvelle de Mayotte et de Nossi-Bé. Ce sont
évidemment le résident général pour Nossi-Bé, l'administra-
teur pour Mayotte qui peuvent exercer les pouvoirs du gouver-
neur, ou plutôt de l'ancien commandant.
A Madagascar, un décret du 6 mai 1903 a, d'après des dispo-
sitions analogues, réglementé l'immigration.
§ 8. — Régime spécial à la Nouvelle-Calédonie.
1202. Le recrutement des immigrants pour la Nouvelle-
Calédonie ne se fait guère que dans les îles de l'Océanie, aux
Nouvelles-Hébrides, aux îles Salomon, Gilbert, etc. Le recru-
tement dans l'Inde n'est pas autorisé par la convention avec
l'Angleterre ; les immigrants chinois, d'autre part, représente-
teraient une main-d'œuvre trop élevée et on ne soucie guère
de recevoir, dans la colonie, cette race envahissante. Les enga-
gements dans les îles de l'Océanie ont été d'ailleurs interdits
pendant quelque temps et ne sont autorisés que depuis une
dépêche ministérielle du 28 novembre 1883, qui a prescrit
les mesures à prendre pour empêcher le renouvellement des
faits graves signalés l'année précédente. Des essais partiels de
recrutement ont eu lieu à Java, en 1895. Enfin, et quoiqu'il
n'y ait pas là immigration à proprement parler, on assimile,
jusqu'à un certain point, aux engagés étrangers les naturels
de la Nouvelle-Calédonie et des îles voisines. (V. n° 1205.)
(1) Cette disposition a été sans doute prise — pour Mayotte et Nossi-Bé,
où il n'existe pas de journaux — dans le projet de décret préparé par le
conseil général de la Réunion ; on devrait évidemment remplacer cette
insertion par une mesure analogue : l'affichage et la publication dans

le quartier de l'habitation.

— 1001 —
1203. L'arrêté local du 26 mars 1874 a réglé le service de
l'immigration. Ce service, confié à un commissaire de l'immi-
gration, relève du secrétaire général.
Les immigrants sont recrutés par des navires soumis à la
surveillance du gouvernement local, qui les fait visiter avant
leur expédition, fixe le nombre maximum d'indigènes qu'ils
peuvent recevoir, et désigne, pour surveiller l'opération, un
agent qui prend le titre de commissaire du gouvernement. Cet
agent, dont la solde est remboursée à la colonie par l'arma-
teur, s'assure que les engagements sont contractés librement
et que les immigrants reçoivent les allocations réglementaires,
etc.
A leur arrivée dans la colonie, les immigrants qui n'ont pas
été recrutés pour un engagiste déterminé sont, agrès une
période d'observation, placés dans un lieu de dépôt, où ils tra-
vaillent, pour le compte de l'administration, aux travaux pu-
blics de la colonie, jusqu'à ce qu'ils puissent contracter un
engagement (1). Si après trois mois passés au dépôt ils n'ont
pas trouvé d'engagiste, ils sont rapatriés aux frais de l'intro-
ducteur.
1204. Un décret du 11 juillet 1893 a réglementé à nouveau
le recrutement et la répartition des travailleurs indigènes à la
Nouvelle-Calédonie. Il reproduit la plupart des dispositions
déjà adoptées pour Mayotte, la Guyane et la Réunion.
Les contrats d'engagements ne peuvent être conclus pour
une durée de moins de 3 ans, ni de plus de 5 ans. Il n'y a pas
de minimum pour la durée des rengagements.
1205. Des mesures analogues à celles édictées par le
règlement, en ce qui concerne les travailleurs étrangers, ont
été prises par un arrêté local du 8 août 1882 pour les indi-
gènes.
Les naturels fournis par les chefs des tribus, et consentant
volontairement à s'engager, passent des contrats d'engage-
ment devant le commissaire de l'immigration; ceux d'entre
(1) Le service local de la colonie prend lui-même des immigrants pour
ses travaux : ces immigrants, recrutés soit au dépôt, soit au moyen de
contrats de rengagements, sont engagés pour trois ans (Arr. loc. 8 oc

tobre 1879).

— 1002 —
eux qui sont recrutés, non sur la Grande-Terre, mais sur les
îles dépendant de la Nouvelle-Calédonie, sont amenés au
dépôt de l'Orphelinat et n'en sortent que quand ils sont pour-
vus d'un engagement. Ils sont, comme les étrangers, soumis à
l'obligation du livret.
L'arrêté fixe les salaires et des minima pour les rations : les
chefs des tribus reçoivent un dixième des salaires des enga-
gés fournis par eux.
La caisse de l'immigration supporte les frais de transport
des îles à Nouméa, les frais de rapatriement et les frais de
séjour au dépôt. Pour la couvrir de cette dépense, les enga-
gistes payent, en outre de la taxe annuelle, une somme de
20 francs par contrat (10 francs pour la nourriture au dépôt,
10 francs pour le rapatriement).
1206. Un comité de patronage des immigrants a été cons-
titué le 25 mars 1877; sa composition a été, depuis lors, mo-
difiée. Ses attributions consistent en particulier dans la surveil-
lance du règlement trimestriel du compte des engagés et des
versements à effectuer dans la caisse des i mmigrants. Il peut
d'ailleurs faire des propositions en vue des modifications à
apporter dans le régime d'introduction et de protection.
Chaque année les engagistes élisent (1) un comité de
7 membres qui résume, dans un rapport remis au gouverneur,
ses vœux et ses observations sur le service de l'immigration.
Le gouverneur est protecteur général des immigrants, il a
sous ses ordres un chef du service de l'immigration.
1207. La caisse d'immigration, constituée par l'arrêté du
10 novembre 1865 pour faire face aux dépenses diverses de
ce service (avances aux immigrants, achat d'animaux et
de matériel destinés à être mis à leur disposition, frais de
passage, remboursement au domaine des bons donnés en
échange de terrains, etc.), avait jadis pour but principal l'im-
migration libre ; elle s'est, depuis, transformée en vue d'as-
surer surtout le service de l'immigration réglementée. Elle a
comme ressources les sommes payées par les engagistes, les
sommes remboursées sur les avances faites aux immigrants,
(t) Arr. loc. 26 mars 1874.

— 1003 —
enfin la subvention que la colonie peut accorder éventuelle-
ment.
L'ordonnancement des dépenses et le fonctionnement de la
caisse sont dans les attributions du directeur de l'intérieur.
§ 9. — Régime spécial à Tahiti.
1208. Le régime de l'immigration dans les établissements
français de l'Océanie a dû être constitué, dès 1864, à la suite
de l'introduction d'un convoi de mille Chinois destinés à un
établissement agricole. Un premier arrêté du 30 mars 1864
régla la police du travail, édicta des peines contre le vaga-
bondage, les infractions à la police des ateliers et chantiers,
etc. Mais ce fut en 1874 seulement que fut organisé le service
de l'immigration par deux arrêtés en date des 26 janvier et
11 février ; ces arrêtés, modifiés en certains points, les 22 avril
1878, 24 février, 2 mai et 25 août 1883, constituent encore
aujourd'hui le règlement de cet important service.
Les immigrants sont recrutés aux îles Gilbert, aux îles Sa-
moa, aux Salomon et aux Nouvelles-Hébrides. Un comité
d'immigration, composé du directeur de l'intérieur, prési-
dent, de quatre membres et du protecteur des immigrants,
secrétaire, dirige les opérations de recrutement et de rapa-
triement, surveille et contrôle l'immigration, règle toutes
les questions de détail relatives au fonctionnement de ce ser
vice. Il peut exclure, provisoirement et même définitivement,
les industriels et les agriculteurs de la répartition des immi-
grants.
1209. Le protecteur des immigrants, qui est un des chefs
de bureau du secrétariat général, a des attributions presque
identiques à celles du protecteur des immigrants à la
Réunion ; il a seul qualité pour ester en justice clans l'intérêt
des immigrants. Ceux-ci ont droit aux avantages prescrits
notamment par l'arrêté du 24 février 1883 en ce qui concerne
les allocations de diverses natures, les primes de rengage-
ment, etc. ; ils sont assujettis à l'obligation d'une carte d'iden-
tité et d'un livret.
Le fonctionnement financier de ce service est assuré par
une caisse spéciale, dite caisse d'immigration, confiée à la

— 1004 —
caisse agricole dans les écritures de laquelle elle constitue
un service absolument distinct. Elle doit faire face à toutes
les dépenses d'introduction et de rapatriement ainsi qu'au
service des ateliers de discipline, etc. Les fonds disponibles
sont placés en compte courant à la caisse agricole moyennant
un intérêt de 4 0/0.
Pour conserver autant que possible les immigrants et
réduire les frais d'introduction ou de rapatriement, la colonie
de Tahiti a accordé une prime de 60 francs à tout immigrant
renonçant à son rapatriement et s'établissant dans la colonie.
(Arr. loc. 14 février 1887.)

— 1005 —
TITRE IX.
COLONISATION PENALE.
SECTION
PREMIÈRE.
TRANSPORTATION.
ARTICLE PREMIER. — Administration pénitentiaire.
1210. La loi du 30 mai 1854, en prescrivant que la peine
des travaux forcés serait subie clans des établissements créés
par décret sur le territoire d'une ou plusieurs possessions
françaises, a établi régulièrement en France le système de la
colonisation pénale. La Guyane a tout d'abord été le seul
point sur lequel furent dirigés les convois de condamnés. Plus
tard, lorsque la Nouvelle-Calédonie eut été annexée à notre
empire colonial, des condamnés européens furent envoyés
dans cette colonie (1).
Le ministre de la marine, qui avait autrefois les chiourmes
dans ses attributions, resta chargé des établissements péni-
tentiaires jusqu'au moment où l'administration des colonies
obtint son autonomie. Actuellement, c'est du ministre des
Colonies que dépendent les services pénitentiaires d'outre-mer:
c'est lui qui assure le transport des condamnés dans la colo-
nie, c'est à lui qu'incombe le soin de les surveiller et de les
amender.
L'administration pénitentiaire est régie par les décrets des
16 janvier 1878, 20 décembre 1892 et 3 avril 1896. Ces actes
ont constitué l'administration pénitentiaire, dans chaque colo-
nie, à l'état de grand service dépendant directement du gou-
verneur, consacrant ainsi, en la développant, l'innovation que
(1) Le pénitencier d'Obock, affecté en 1886 aux individus de race arabe,
chinoise ou annamite et aux condamnés originaires de l'Inde ou de la
côte orientale d'Afrique, a été supprimé par un décret, du 11 août 1895.
Il en est de même des établissements pénitentiaires créés au Gabon
en 1887 pour les condamnés d'origine annamite ou chinoise supprimés
par un décret du 1er octobre 1898.

— 1006 —
le décret organique du 12 décembre 1874 avait réalisée à la
Nouvelle-Calédonie en faisant du directeur de l'administration
pénitentiaire un chef d'administration.
1211. A la tête de l'administration se trouve dans chaque
colonie un directeur nommé par décret.
Ses attributions sont définies par les décrets des 12 décembre
1874 pour la Nouvelle-Calédonie, et 16 février 1878 pour la
Guyane, modifiés par décret du 20 novembre 1882 ; il est
remplacé, en cas d'absence ou d'empêchement, par un sous-
directeur, nommé par le ministre et chargé spécialement de
la surveillance et du contrôle du service général.
Le personnel comprend en outre: le personnel des bureaux,
de la caisse et des services administratifs sur les pénitenciers,
les commandants supérieurs et les commandants de péni-
tenciers, les surveillants militaires régis par les décrets des
20 novembre 1867, δ octobre 1889, 10 mai 1895 et 27 no-
vembre 1903, le personnel de la police, le personnel du ser-
vice de travaux et du service topographique, les interprètes,
le personnel de l'instruction publique et des cultes, le personnel
chargé de la garde et de la surveillance des femmes détenues.
Les comptables spéciaux de l'administration pénitentiaire ont
été supprimés par le décret du 25 juin 1887 ; le service des
magasins est assuré par les comptables des colonies. Le ser-
vice sanitaire des pénitenciers incombe au corps de santé des
colonies et est organisé, sur les propositions du gouverneur,
en vertu du décret du 20 octobre 1896.
La hiérarchie, le recrutement et les conditions d'avancement
de chacune des catégories d'agents de l'administration péniten-
tiaire ont été fixés par les décrets [des 20 décembre 1892,
14 novembre 1895 et 3 avril 1896. Les fonctionnaires sont
appelés à servir successivement dans les diverses colonies
pénitentiaires suivant un tour de roulement établi entre eux.
Des arrêtés ministériels, on date des 20 février 1894 et
4 janvier 1896, ont déterminé, sur les proposition des gou-
verneurs, les attributions des bureaux, le cadre du personnel
et les indemnités de caisse, suppléments de fonctions et frais
de service de l'administration pénitentiaire.
L'administration pénitentiaire est donc un organisme com-
plet, subvenant par lui-même à tous ses besoins. Mais elle

— 1007 —
n'a pas qualité pour introduire un recours au nom de l'État
devant le Conseil d'État statuant au contentieux : elle doit se
faire représenter par le ministre des Colonies (1).
Les marchés passés pour le service de l'administration pé-
nitentiaire n'intéressent que l'État; les colonies ne doivent pas
être mises en cause dans les instances qui y sont relatives (2).
La surveillance des établissements pénitentiaires a été con-
fiée par les décrets des 20 mars 1895 et 4 avril 1897 aux pro-
cureurs généraux ; en cas d'empêchement, ces magistrats
peuvent se faire remplacer par leur substitut ou par le prési-
dent de la cour d'appel.
ARTICLE 2, — Organisation de la transportation.
1212. Envisagé dans son ensemble et au point de vue pénal,
le personnel condamné se divise en quatre catégories dont les
deux dernières se subdivisent en sections. La première caté-
gorie comprend les condamnés aux travaux forcés en cours de
peine — la seconde, les individus d'origine africaine et asia-
tique, condamnés à la réclusion dans les colonies et qui subis-
sent leur peine dans les établissements pénitentiaires en exé-
cution du décret du 20 août 1853
la troisième se subdivise
en deux sections comprenant : l'une, les repris de justice en
rupture de ban ; l'autre, qui n'existe plus que pour mémoire,
les condamnés politiques à la suite des événements de 1852
— la quatrième se subdivise elle aussi en deux sections : dans
l'une rentrent les libérés astreints à la résidence; dans l'autre,
les libérés non astreints à la résidence.
1213. Les condamnés sont obligés au travail, et l'adminis-
tration pénitentiaire s'est préoccupée, dans l'organisation de
cette partie du service, des moyens d'utiliser la main-d'œuvre
que la colonisation pénale mettait à sa disposition, soit pour
atténuer les charges pesant sur le budget de la métropole,
soit pour développer la prospérité de l'établissement où les
condamnés subissent leur peine, en mettant, sous certaines
conditions, des ouvriers à la disposition de la colonie, des
(1) C. d'Et. cont., 28 juillet 1888 (L. 88, p. 662); 15 avril 1890 (L. 90,
p. 410).
(2) C. d'Et. coat., 15 juin 1897 (L. 94, p. 402).

— 1008 —
municipalités, des entrepreneurs de travaux publics et môme
des simples particuliers (1).
Une colonie pénitentiaire ne doit donc pas être considérée
comme un lieu de détention analogue aux anciens bagnes de
nos arsenaux, mais comme un lieu d'internement où les con-
damnés devraient être soumis à une discipline des plus sévères,
astreints aux travaux les plus pénibles, profitant cependant
des avantages que donne la vie au grand air, et pouvant à un
moment donné aspirer à une liberté relative (2).
Cette conception du travail a nécessité une organisation
correspondante de la transportation. En dehors des pénitenciers
dépôts de l'île Nou (Nouvelle-Calédonie) et des îles du Salut
(Guyane) où sont détenus un certain nombre de transportés,
les autres sont répartis en camps lorsqu'ils sont affectés aux
travaux publics, en pénitenciers lorsqu'ils sont employés aux
travaux ruraux et de défrichement. Certains de ces péniten-
ciers sont devenus de véritables centres industriels ou agricoles,
comme le Maroni à la Guyane, où l'administration pénitentiaire
a établi une usine à sucre et une distillerie de rhum, comme
les usines à sucre de Bourail et les établissements agricoles de
Koé, à la Nouvelle-Calédonie.
1214. A la tête de chacun des centres ou des pénitenciers
se trouve, selon l'importance, un commandant supérieur ou
un commandant, relevant du directeur de l'administration pé-
nitentiaire et secondé, par tout ce qui a trait à l'ordre et à la
discipline, à l'emploi et à l'entretien des condamnés — par un
surveillant d'un grade plus ou moins élevé, dans les camps et
dans les pénitenciers dépôts — par un agent de colonisation
ou un chef de travaux industriels, dans les établissements
affectés à une exploitation agricole ou industrielle. Ces agents
ont sous leurs ordres tout le personnel de surveillance ainsi
que le personnel spécial que comporte la destination de l'éta-
(1) L'emploi de la main-d'œuvre pénale aux colonies est actuellement
réglementée par les décrets des 30 août 1898 et 13 janvier 1903, ce dernier
permettant, dans des circonstances exceptionnelles et notamment en
cas de calamités publiques, de mettre gratuitement la main-d'œuvre
pénale à la disposition des colonies pénitentiaires.
(2) Cette liberté plus grande laissée aux condamnés a nécessité l'éta-
blissement, dans les colonies, de mesures spéciales destinées à prévenir
les évasions (Déc. 22 septembre 1893 et 29 mai 1895).

— 1009 —
blissement. Le service administratif est confié, soit à un sous-
chef de bureau, soit à un commis rédacteur de l'administration
pénitentiaire, qui prend le titre d'officier d'administration.
1215. A la Guyane, le décret du 16 mars 1880 a érigé les
établissements du Maroni en une commune spéciale sous le
nom de commune pénitentiaire du Maroni. La présence, sur
ce territoire, d'un grand nombre de concessionnaires, entraî-
nait la nécessité de donner à ce centre une vie propre, le ca-
ractère d'une municipalité ; mais, en raison de l'origine de la
population, la commune a été rattachée au service péniten-
tiaire et non à la direction de l'intérieur.
La commune comprend tout le territoire pénitentiaire du
Maroni tel qu'il est déterminé par le décret du 3 mai 1860.
Investie de la personnalité civile et exerçant à ce titre tous les
droits et prérogatives attribués aux communes de plein exer-
cice, la commune pénitentiaire est administrée par une com-
mission municipale, composée du commandant supérieur, pré-
sident, de l'officier d'administration, du juge de paix et de
quatre membres nommés par le gouverneur et choisis parmi
les officiers et fonctionnaires des différents corps détachés sur
l'établissement du Maroni.
Le président de la commission municipale prend le titre de
maire et en exerce les fonctions sous l'autorité du directeur
de l'administration pénitentiaire; deux adjoints sont nommés
par le gouverneur parmi les membres de a commission mu-
nicipale. Cette dernière a presque toutes les attributions d'un
conseil municipal; elle est appelée notamment à délibérer sur
le budget de la commune, divisé en dépenses obligatoires et
dépenses facultatives. Au nombre des premières figurent les
frais d'entretien, de construction (1) et d'exploitation de l'usine
à sucre de Saint-Maurice du Maroni; il faut remarquer d'ail-
leurs que, comme compensation, le décret attribue au budget
des recettes de la commune les revenus de cette même usine
ainsi que ceux de tous les biens dont les habitants n'ont pas
la jouissance directe en nature.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, la commune péniten-
(1) Dn decret du 1er février 1899 a cédé à la commune pénitentiaire
les immeubles occupes par ses services à Saint-Maurice.
COLONIES, I.
46

— 1010 —
tiaire du Maroni dépend du directeur de l'administration péni-
tentiaire et c'est lui qui la représente lorsqu'elle a des intérêts
à débattre avec les autres communes de la Guyane. Elle
échappe complètement à l'action du conseil général, et nous
pensons que cette assemblée ne pourrait y établir de taxes
locales perçues au profit de la colonie.
ARTICLE 3. — Régime de la transportation.
1216. L'administration des colonies se trouvait en présence
d'un grave problème lorsqu'il s'est agi de fixer le régime de
la transportation. Au point de vue de la répression du châ-
timent, les bagnes offraient toutes garanties, réunissaient
toutes les conditions nécessaires, mais ils laissaient à désirer
sous le rapport de la moralisation du condamné qui, dans une
promiscuité de tous les instants avec les criminels les plus en-
durcis, ne trouvait pas, dans le règlement qui lui était imposé,
les moyens de s'élever par le travail, d'améliorer sa condition,
de revenir au bien « en goûtant à la propriété », selon l'ex-
pression pittoresque que nous avons relevée dans une notice
de la transportation.
L'administration des colonies estima que le système répres-
sif du bagne était incompatible avec la réglementation de la
transportation, qu'à une pénalité nouvelle il fallait un régime
nouveau. De là ce double courant que l'on constate dans la
transportation, tantôt sévère, tantôt bienveillant, que l'admi-
nistration résume dans cette formule : <« Il ne suffit pas de châ-
tier le coupable, il faut encore le moraliser. »
1217. Partant de ce principe, le Département a, d'une part,
édicté des règlements sur le régime disciplinaire des établisse-
ments pénitentiaires, règlements qui, bien que très adoucis, si
on les compare à ceux des barnes, donnent cependant à l'ad-
ministration des moyens de répression suffisants : il a pris,
d'autre part, un certain nombre de mesures bienveillantes qui
permettent au condamné de se faire une famille en lui faci-
litant le mariage, de se créer une propriété en l'admettant à
bénéficier de concessions de terres, de se constituer une
épargne en mettant à sa portée une caisse où il puisse déposer
ses économies et les faire fructifier.

— 1011 —
1218. La répression des crimes et délits commis par les
transportés a été organisée sur des bases nouvelles par le
décret du 5 octobre 1889, promulgué en vertu de l'article 18
du sénatus-consulte du 3 mai 1854; chacune des infractions
commises est immédiatement suivie d'un châtiment propor-
tionné et efficace. Aux termes de l'article 10 de la loi du
30 mai 1854-, cette répression appartient à un tribunal mari-
time spécial, ou, à défaut, au conseil de guerre siégeant avec
l'adjonction de deux officiers du commissariat. S'appuyant
sur les termes des articles 12 et 13 du décret du 21 juin 1858 (1),
qui rendent justiciables des conseils de guerre les condamnés
aux travaux forcés, le ministre de la marine avait prescrit de,
les déférer au conseil de guerre normalement composé (2.).
Cette mesure, dont la légalité était des plus contestables, est
restée en vigueur jusqu'à ces dernières années.
Les tribunaux maritimes spéciaux prévus par la loi de 1854
ont été enfin institués par le décret du 4 octobre 1889,
modifié par le décret du 24 avril 1897. Ils sont composés
d'officiers de vaisseau ou des corps de troupe, de commissaires
des colonies, de magistrats et de fonctionnaires de l'adminis-
tration pénitentiaire : les membres sont désignés par le gou-
verneur. La procédure applicable est celle prescrite par le
Code de justice militaire pour l'armée de mer; les jugements
peuvent être l'objet d'un recours en revision qui, depuis un
décret du 11 mai 1904, doit être porté devant le conseil de revi-
sion de la marine séant à Brest.
1219. L'article 14 de la loi du 30 mai 1854 confiait à un
règlement d'administration publique le soin de déterminer le
régime disciplinaire des établissements des travaux forcés.
En attendant, ce régime fut provisoirement fixé par un règle-
ment de 1885 sur le service intérieur des pénitenciers de la
Guyane, approuvé par le ministre et étendu à la Nouvelle-
Calédonie; ce règlement, qui autorisait l'emploi des châti-
ments corporels, resta en vigueur jusqu'en 1880. Le décret
du 18 juin 1880, qui le remplaça, préparé sous l'influence
(1) Décret portant règlement d'administration publique pour l'applica-
tion aux colonies du Code de justice militaire pour l'armée de mer
(2) Dép. -2 novembre 1865. B. O. N.-C. 1866, p. 3.

— 1012 —
d'idées très philanthropiques, fit une part trop large à l'in-
dulgence, en n'édictant, contre les transportés, d'autres peines
que celles en vigueur dans la marine. L'administration péni-
tentiaire se trouva désarmée vis-à-vis des criminels endurcis
et un retour en arrière ne tarda pas à s'imposer. Le décret du
4 septembre 1891, en maintenant toutes les mesures de douceur
propres à encourager l'amendement des coupables, a déve-
loppé les moyens de répression destinés.à punir la persistance
dans le mal. Ce décret est divisé en quatre titres : le premier
est relatif à la classification des condamnés, le second ren-
ferme la nomenclature des peines, le troisième réglemente le
prononcé des peines, et le quatrième établit un régime spécial
pour les incorrigibles.
1220. Les condamnés sont divisés en trois classes, d'après
leur état moral, leur conduite et leur travail. Les condamnés
de la première classe peuvent, seuls, obtenir une concession ou
être employés par les habitants de la colonie; ils peuvent, seuls,
obtenir une remise de peine. Les condamnés de la troisième
classe subissent la peine dans toute sa rigueur et sont em-
ployés aux travaux les plus pénibles : ils sont complètement
séparés des autres. L'affectation des condamnés aux diffé-
rentes colonies est faite par le ministre des Colonies et leur
répartition entre la deuxième et la troisième classe est opérée
par le ministre de la Justice sur la proposition d'une com-
mission. Le passage des condamnés à la classe supérieure est
prononcé par le directeur de l'administration pénitentiaire;
les condamnés ne peuvent être admis dans la première classe
que lorsqu'ils ont accompli la moitié de leur peine : les con-
damnés de la troisième classe ne peuvent être proposés pour
la deuxième qu'après avoir subi leur peine pendant deux ans.
Le renvoi d'un condamné à une classe inférieure peut être
prononcé par le directeur de l'administration pénitentiaire,
après avis de la commission disciplinaire, pour toute punition
de cellule ou de cachot. Les transportés sont astreints au ra-
vail : ceux qui n'accomplissent pas leur tâche journalière sont
mis au pain sec et à l'eau.
1221. Les punitions disciplinaires sont les suivantes : la
prison de nuit, la cellule, le cachot. Les condamnés punis son
mis pendant la nuit à la boucle simple ceux punis de cellule

— 1013 —
sont enfermés isolément et soumis au régime du pain sec un
jour sur trois. Ceux punis de cachot sont au pain sec deux
jours sur trois (1).
Pour les condamnés placés en concession, les peines de
prison de nuit et de cellule peuvent être converties en journées
gratuites de travail pour l'exécution des travaux d'utilité pu-
blique.
Les peines disciplinaires sont prononcées par une commis-
sion disciplinaire établie dans chaque pénitencier et composée
du commandant de l'établissement assisté de deux fonction-
naires désignés par le directeur.
1222. La faiblesse des moyens répressifs mis à la dispo-
sition de l'administration par le règlement de 1880 ne lui
permettait pas d'empêcher le retour des infractions réitérées
commises par les incorrigibles. Le décret de 1891 a comblé
cette lacune en instituant pour eux un régime spécial. Leur
envoi dans des quartiers spéciaux d'internement a lieu par dé-
cision du directeur de l'administration pénitentiaire et sur la
proposition des commandants de pénitenciers ; ils y sont
astreints aux travaux les plus pénibles et sont mis la nuit à
la double boucle ; les punitions qui leur sont infligées sont :
la salle de discipline, la cellule et le cachot. Leur renvoi du
quartier disciplinaire est prononcé par le directeur de l'admi-
nistration pénitentiaire.
Un décret du 31 juillet 1903 a modifié les articles 16 et 28 du
décret du 4 septembre 1891, de manière à atténuer certaines
rigueurs de la discipline. La cellule est infligée pour deux mois
au plus.
1223. Le décret du 26 mars 1860, dans le but de faciliter
aux condamnés les moyens de se créer une famille, a simplifié
pour eux les formalités exigées pour la célébration du ma-
riage en les dispensant des obligations imposées par les
articles 151, 152 et 153 du Code civil et en considérant comme
suffisantes les publications faites dans la colonie seulement,
même dans le cas où les parties n'y seraient pas domiciliées
depuis six mois.
(1) La mise à la boucle double a été supprimée par décret du 19 dé-
cembre 1900.

— 1014 —
1224. L'administration des colonies a complété l'ensemble
des dispositions qu'elle a prises pour améliorer la situation
morale des condamnés et leur faciliter le retour au bien, en
instituant par décret du 4 janvier 1878 une caisse d'épargne
pénitentiaire à la Nouvelle-Calédonie. « Depuis l'origine de
« la transportation, dit l'exposé des motifs, les fonds de pécule
« des condamnés sont versés dans une caisse spéciale dite de
« la transportation. Ces fonds ne sont pas productifs d'in-
« térêts, ils constituent un simple dépôt jusqu'au jour où ils
« sont restitués aux intéressés. J'ai pensé qu'il serait utile,
« tout en donnant aux possesseurs de pécule les garanties
« nécessaires pour la conservation de leur avoir, de faire
« rapporter aux dépôts un intérêt assez élevé pour exciter
« les condamnés à diriger leurs effort* vers le travail et
« l'épargne. »
Soumise aux règles d'administration qui régissent les caisses
d'épargne de France sous la réserve de certaines dévolutions
d'attributions, cette caisse d'épargne, à défaut de fonds de
dotation, reçoit de l'État une subvention annuelle fixée par le
budget. Ses statuts sont actuellement fixés par les décrets des
13 juin 1887 et 12 mars 1893. Le taux de l'intérêt a été
abaissé à 3 0/0 par un arrêté du 16 mars 1893.
1225. Dans le but d'éviter aux condamnés de nouvelles
infractions qui leur feraient perdre le fruit de leurs efforts, le
décret du 30 avril 1889 a interdit, d'une manière absolue et
sur tout le territoire des colonies, la vente du vin ou des spi-
ritueux aux transportés et aux relégués.
1226. Les transportés ayant subi leur peine principale sont
soumis à l'obligation du séjour dans la colonie pénitentiaire.
Les libérés avaient joui au début d'une assez grande liberté;
il en était résulté un véritable état de vagabondage, de
nature à inspirer les craintes les plus sérieuses. Le décret du
13 janvier 1888 a mis un ternie à cette situation en obligeant
les libérés à des appels; depuis lors, le décret du 29 sep-
tembre 1890 est venu augmenter encore les pouvoirs de l'ad-
ministration, en soumettant les libérés à l'obligation du livret.
Des arrêtés des gouverneurs, approuvés par décrets en date
des 4 avril 1892, 7 décembre 1892 et 27 février 1893 ont déter-

— 1015 —
miné les professions interdites aux libérés (1) et réglementé
les formalités du visa des livrets.
Les décrets de 1888 et de 1890 ont été pris :
1° En application de l'article 18 du sénatus-consulte de 1854
qui donne au gouvernement le pouvoir législatif à la Guyane
et à la Nouvelle-Calédonie ;
2° En vertu de la délégation de l'article 14 de la loi du
30 mai 1854, qui confie à des règlements d'administration pu-
blique le soin de statuer sur le régime disciplinaire des éta-
blissements de travaux forcés, les libérés étant, par le fait
même de leur résidence obligatoire sur le territoire de ces
établissements, soumis à ce régime particulier.
1227. Bien que la loi du 30 mai 1854 n'ait prévu, pour les
libérés, la juridiction exceptionnelle des tribunaux maritimes
spéciaux que pour la répression des évasions, les décrets des
29 août 1855 et 21 août 1858 les avaient rendus entièrement
justiciables des conseils de guerre. Le décret du 13 janvier 1888
a mis fin à cette.situation illégale et a fait rentrer les libérés
sous l'empire du droit commun, ce qui a permis de leur
appliquer la peine de la rélégation, qui ne pouvait être infligée
par les conseils de guerre. La connaissance des infractions
aux obligations imposées aux libérés, ainsi que de tous les
crimes et délits commis par eux, et de la compétence des tri-
bunaux répressifs ordinaires. Il n'a d'exception qu'en ce qui
concerne les évasions : les libérés, astreints à résidence, sont,
dans ce cas, justiciables des tribunaux maritimes spéciaux
établis par le décret du 4 octobre 1889.
ARTICLE 4. — Domaine pénitentiaire.
§ 1. — Domaine pénitentiaire en général.
1 228. Le décret du 5 décembre 1882, pour la Guyane, et
celui du 16 août 1884, pour la Nouvelle-Calédonie, ont délimité,
(1) Les colonies ont cherché parfois à empêcher le maintien des libérés
sur leur territoire: c'est ainsi que le conseil général de laGuyaneainterdit,
par une délibération du 25 novembre 1887, le droit d'exercer un commerce
à tout étranger non réhabilité. Cette délibération, contraire au droit que
le gouvernement tient de la loi du 30 mai 1854, a été annulée par un
décret du 6 février 1886.

— 1016—
dans chacune de ces colonies, l'étendue du domaine péniten-
tiaire. Celui-ci ne doit pas être considéré seulement comme
le territoire affecté à l'exécution de la peine des travaux forcés;
la distinction que nous avons indiquée dans le régime de la
transportation se retrouve dans le domaine qui comprend non
seulement les bâtiments et terrains affectés au logement et aux
travaux des condamnés, mais encore une grande étendue de
territoire que l'Etat s'est réservé pour le remettre, sous forme
de concessions, aux transportés les plus méritants et favoriser
ainsi l'essor de la colonisation pénale.
Le domaine pénitentiaire se compose des bâtiments, cons-
tructions, fermes, territoires et même bateaux (il existe au
Maroni une sorte de flottille pénitentiaire), affectés, sous quelque
forme que ce soit, au service de la transportation.
1229. Une question pourrait se poser, depuis la formation
d'une commune pénitentiaire au Maroni, celle de savoir si
l'Etat a fait abandon à la commune d'une partie de ses pro-
priétés. Il convient de remarquer, en effet, que le décret du
16 mars 1880 a constitué un domaine communal puisque son
article 12 appelle la commission municipale à délibérer sur
le mode d'administration des biens communaux, sur les con-
ditions des baux à ferme et à loyer des biens communaux, etc.
D'autre part, les articles 16 et 17 mettent à la charge du
budget de la commune, ou rangent au nombre de ses recettes,
les frais d'entretien ou les revenus de certaines parties du
domaine pénitentiaire.
Si l'on rapproche ces dispositions de celles du décret du
16 mars 1860, on peut se convaincre que l'Etat n'a pas voulu
se dessaisir de ses droits de propriété, mais a seulement con-
cédé à la commune un droit de jouissance, un droit d'usufruit
en quelque sorte. S'il en était autrement, s'il avait attribué à
la commune le droit intégral de propriété, on ne s'expli-
querait pas le soin pris par le législateur de spécifier que,
notamment, les frais de construction, d'entretien et d'exploi-
tation de l'usine du Maroni sont classés au nombre des dépenses
obligatoires. Le droit de propriété emporte celui d'user et
même de mésuser des choses qui vous appartiennent et des
dispositions du genre de celles qui font l'objet du n° 14 de
l'article 16 du décret du 16 mars 1860 n'ont de raison d'être

— 1017 —
que si l'on admet la réserve du droit de nue propriété au
profit de l'Etat. D'ailleurs l'article 1er du décret du ο dé-
cembre 1882 place le territoire du Maroni dans le domaine
pénitentiaire, et l'article 3 du même acte, qui remet au
domaine local les terres abandonnées par l'Etat, ne renferme
aucune disposition similaire pour la commune.
§ 2. — Régime des concessions.
1230. Le régime des concessions de terre à faire aux trans-
portés et la condition des concessionnaires, déterminés une
première fois par le règlement d'administration publique du
31 août 1878, ont été fixés par le décret du 18 janvier 1895.
Aux termes de l'article 1er de ce décret, les gouverneurs
peuvent accorder aux libérés et aux condamnés de la première
classe, ayant des ressources suffisantes, des concessions à titre
provisoire, devenant définitives à l'expiration d'un délai de
cinq années et après libération du condamné ; le temps com-
pris depuis l'obtention de la concession jusqu'à l'expiration de
la peine est compris dans ce délai de cinq années, sans toute-
fois pouvoir être compté pour plus de deux années. Les con-
cessionnaires ou leurs ayants droit sont soumis au payement
d'une rente annuelle et perpétuelle fixée par l'arrêté d'envoi
en concession. Le concessionnaire, à titre provisoire, doit jouir
par lui-même de sa concession; le droit de vente, de louage
ou d'hypothèque lui est refusé et sa concession lui est retirée,
de plein droit, s'il s'est rendu coupable d'un crime ou d'un dé-
lit, d'évasion ou de tentative d'évasion, ou s'il n'a pas payé la
rente à lui imposée, dans le délai de six mois après l'échéance
de chaque terme ; la concession peut encore lui être retirée
s'il est convaincu d'inconduite, d'indiscipline ou de défaut de
mise en culture.' Toutefois la femme et les enfants peuvent
obtenir, s'ils résident dans la colonie, l'autorisation de conti-
nuer l'exploitation aux lieu et place de leur auteur ; ilen est de
même en cas de décès du concessionnaire. La concession fait
place à la propriété définitive à l'expiration d'un délai qui ne
peut être inférieur à 3 ans ni supérieur à 5 ans : la femme et
les enfants sont d'ailleurs soumis à toutes les obligations du
cahier des charges.

— 1018 —
1231. Le concessionnaire à titre définitif ne peut être déchu
de sa propriété que pour non-payement de la rente dans le
mois qui suit la notification de la contrainte décernée contre
lui. La concession fait retour à l'Etat, sans pouvoir donner
lieu à aucune indemnité.
Le droit successoral de la femme est expressément reconnu
par le décret de 1895 : elle a droit à la totalité de la succes-
sion s'il n'existe pas de descendants dans la colonie, à l'usufruit
de moitié s'il en existe. Le transporté non libéré, auquel une
concession est accordée, rentre dans une partie de ses droits
civils ; il peut faire tous les actes nécessaires à l'administration
et à l'exploitation de sa concession et ester en justice. La
femme transportée concessionnaire est dispensée de l'autorisa-
tion maritale et de celle de la justice pour tous les actes d'ad-
ministration et d'exploitation si le mari ne réside pas dans la
colonie ; elle peut, dans les mêmes conditions, aliéner ou hypo-
théquer la concession devenue définitive.
1232. Les concessions sont de deux sortes: rurales ou ur-
baines ; les premières sont attribuées aux cultivateurs, les se-
condes aux industriels ou commerçants. Le concessionnaire
rural reçoit de l'Etat, pendant six mois, la ration pour lui et
sa femme s'il est marié, pendant un an, les soins médicaux ;
en outre, une maison, des outils et, s'il se marie, un certain
nombre d'objets de trousseau et de literie. Les mêmes faveurs
sont accordées aux concessionnaires urbains, mais ils n'ont
droit à la ration de vivres que pendant trois mois seulement.
La valeur de ces objets est remboursable. Les concessionnaires
doivent mettre en rapport la moitié du fonds après une période
d'une année et la totalité au bout de deux années ; aucune
culture spéciale ne leur est imposée. L'Etat se réserve une ins-
cription sur première hypothèque, prise d'office sur toutes les
concessions, pour assurer le recouvrement des frais de justice
encore dus et de la rente à laquelle la concession est soumise,
ainsi que le remboursement des avances faites au conces-
sionnaire.
SECTION II.
RELÉGATION.
1233. La peine de la relégation, créée par la loi du 27 mai 1885

— 1019 —
sur les récidivistes, est une peine accessoire, prononcée par
les tribunaux contre les individus qui ont encouru un certain
nombre de condamnations de droit commun; la loi du 28juil-
let 1894 a permis d'appliquer cette peine aux individus qui
ont subi certaines condamnations.
Cette peine, qui consiste en un internement perpétuel sur le
territoire des colonies, est régie par le règlement d'adminis-
tration publique du 26 novembre 1885.
Ce règlement pose les bases générales du service de la relé-
gation, les mesures essentielles à prendre pour son applica-
tion, soit en France, soit dans les colonies, et établit deux
degrés dans cette peine, la relégation individuelle et la reléga-
tion collective.
1234. La relégation individuelle est spécialement régie par
le décret du 25 novembre 1887.
L'individu à l'état de relégation individuelle est interné dans
une colonie, clans une situation qui a de grandes analogies avec
l'ancienne surveillance de la haute police; l'interdiction de
certains points de la colonie peut lui être imposée. Le bénéfice
de la relégation individuelle, qui est concédé par le ministre
de l'Intérieur, après enquête et avis d'une commission spéciale,
ne peut être accordé qu'aux relégables justifiant de moyens
d'existence, pouvant exercer une profession ou un métier,
aptes à recevoir des concessions de terre. En dehors des indi-
vidus désignés directement en France pour la relégation indi-
viduelle, les relégués collectifs peuvent obtenir, après un cer-
tain temps d'épreuve, du ministre des Colonies, le passage à la
relégation individuelle.
Le bénéfice de cette situation spéciale peut être retiré aux
relégués par le ministre des Colonies, en cas de nouvelle con-
damnation pour crime ou délit, pour inconduite notoire ou
violation des mesures d'ordre ou de surveillance auxquelles
le relégué est soumis, pour rupture volontaire et non justifiée
de l'engagement ou abandon de la concession. Le ministre
peut, après avis conforme de la commission de classement,
prescrire l'envoi d'un relégué individuel d'une colonie dans
une autre.
Les relégués individuels doivent constituer un fonds de ré-
serve destiné à faire face aux dépenses qu'occasionnerait leur

— 1020 —
traitement dans les hôpitaux de la colonie. Ils restent soumis
aux juridictions ordinaires et sont incorporés, lors de leur
appel sous les drapeaux, dans le corps des disciplinaires des
colonies (1).
1235. Les femmes envoyées en relégation individuelle sont
placées dans des maisons d'assistance et de travail jusqu'à ce
qu'elles trouvent à s' engager dans des conditions suffisantes
de bon ordre et de moralité. Leur situation doit être déter-
minée par un règlement d'administrationpublique, qui n'a pas
encore paru.
1236. Les relégués collectifs sont astreints au travail dans
des établissements où l'administration pourvoit à leur subsis-
tance. A leur arrivée dans la colonie, ils sont versés dans des
dépôts de préparation organisés par le décret du 5 septem-
bre 1887, où ils sont formés, autant que possible, à la pratique
des travaux qui peuvent leur être confiés. Dans ces dépôts,
ils sont répartis en groupes d'après les renseignements ren-
fermés dans le livret dont chacun d'eux est porteur; dans la
constitution de ces groupes, on tient compte non seulement
des besoins du service et des aptitudes spéciales des relégués,
mais encore de leur conduite, de manière à établir une véri-
table sélection, seul moyen d'obtenir un peu d'amendement.
Les relégués sont placés sous la surveillance d'agents spéciaux
formant une section du corps militaire des surveillants des
établissements pénitentiaires ; cette section a été organisée
par le décret du 24 mars 1887.
L'État supporte les dépenses de logement, d'habillement, de
nourriture et d'hospitalisation des relégués, mais sous réserve
d'une retenue à prélever sur leur salaire. Après ce prélève-
ment, la moitié du salaire constitue le pécule dont le relégué
peut disposer pour améliorer sa nourriture, faire face aux
menues dépenses ; l'autre moitié est versée à un pécule réservé
qui n'est remis au relégué que lorsqu'il quitte la relégation
collective.
L'article 36 du décret du 26 novembre 1885 prévoyait que
« les relégués placés dans les dépôts de préparation pouvaient
recevoir du dehors des offres d'occupation et d'emploi et jus-
(1) L. 15 juillet 1880, art. 4.

— 1021 —
tifier d'engagements de travail ou de service ». Un décret du
23 février 1900, complété par un décret du 31 juillet 1904, a
déterminé les conditions des engagements de travail à exiger
des relégués ainsi employés par des particuliers. Le bénéfice
de ces engagements, d'après l'article 1er du décret, est réservé
aux relégués collectifs qui s'en sont rendus dignes par leur
bonne conduite pendant six mois au minimum.
1237. Le régime disciplinaire des relégués collectifs mainte-
nus dans les dépôts de préparation et dans les établissements
de travail a été fixé par un décret du 22 août 1887, modifié
par un décret du 27 juin 1904. Les actes d'indiscipline sont
jugés par une commission disciplinaire constituée dans chaque
établissement et qui peut infliger la privation du tiers du pro-
duit du travail, la prison de nuit, la cellule et le cachot. C'est
un véritable tribunal composé du chef de l'établissement pré-
sident et de deux fonctionnaires ou employés de l'administra-
tion pénitentiaire : le relégué est admis à présenter ses explica-
tions. La commission peut accorder la remise des punitions
qu'elle a prononcées.
Les chefs de dépôt ou d'établissement de travail peuven
interdire les suppléments de nourriture à la cantine. Les sur-
veillants ne peuvent infliger aucune punition : ils se bornent à
les demander par des rapports.
Les incorrigibles sont réunis dans un quartier de punition,
sur la décision de la commission disciplinaire : dans les lieux
ou se subit cette incarcération, le travail et le silence sont
obligatoires,
La Cour de cassation avait déclaré que le fait, pour un relé-
gué collectif, d'avoir été rencontré en dehors du camp ou il
était interné, mais dans les limites du territoire affecté à la
relégation ne constituait pas le délit d'évasion. Il convenait dès
lors d'appliquer une sanction particulière à ce cas d'absence
illégale, et,- ce qui pouvait paraître le plus rationnel, c'était de
s'inspirer des dispositions adoptées déjà pour une circons-
tance analogue par le décret du 18 février 1888, dont l'article
10 répute en état d'évasion douze heures après sa disparition
tout relégué des sections mobiles absent sans autorisation.
Dans ce but est intervenu un décret en date du 6 janvier 1899.
D'après ce décret, les lieux dans lesquels les relégués collectifs

— 1022 —
subissent la relégation sont les dépôts de préparation et les
établissements de travail où ils sont placés. Tout relégué qui
s'est éloigné sans autorisation du dépôt de préparation ou de
l'établissement de travail auquel il est affecté, est réputé en
état d'évasion douze heures après la constatation de sa dispa-
rition.
1238. Les relégués collectifs sont justiciables, pour la répres-
sion des crimes ou délits, d'une juridiction spéciale; cette juri-
diction, instituée par le décret du 26 novembre 1885, n'a pas
encore été organisée. En attendant, les relégués collectifs res-
tent soumis à la juridiction de droit commun, c'est-à-dire sont
justiciables : 1° pour les crimes : à la Guyane, de la cour
d'assises; à la Nouvelle-Calédonie, du tribunal supérieur,
jugeant avec le concours d'assesseurs ; 2° pour les' délits et
les contraventions : des justices depaix à compétence étendue.
1239. Les territoires atlectés à la relégation collective sont:
la Guyane (1), l'île des Pins (2) et la baie de Prony (3), à la
Nouvelle-Calédonie. D'autres lieux de relégation collective
peuvent être désignés, à la Nouvelle-Calédonie, par des décrets
simples et dans les autres colonies par des règlements d'admi-
nistration publique. Les mômes établissements et les mêmes
circonscriptions territoriales ne doivent, en aucun cas, être
affectés concurremment à la relégation collective et à la trans-
portation.
1240. Les relégués collectifs ayant une constitution vigou-
reuse et présentant des garanties de bonne conduite, sont diri-
gés sur des ateliers et chantiers de travaux publics, exploita-
tions forestières, agricoles et autres : ils peuvent être mis
également, sur autorisation du gouverneur, à la disposition
d'établissements privés. Ces groupes ou détachements, qui
prennent le titre de sections mobiles, ont été organisés par le
décret du 18 février 1888 : les individus qui y sont envoyés
sont désignés par le ministre de l'Intérieur parmi les condam-
nés qui ont terminé leur peine principale dans la métropole et
par le gouverneur, sous approbation du ministre des Colonies,
(1) Déc. 26 novembre 1885 et 24 mars 1897.
(2) Déc. 20 août 1886.
(3) Déc. 2 mai 1889.


— 1023 —
parmi les relégués collectifs qui ont mérité cette faveur par
leur bonne conduite dans les dépôts de préparation. Ces
sections mobiles peuvent être envoyées dans toutes les colo-
nies et possessions françaises, mais jusqu'ici il n'en a été
constitué que deux affectées : la première, provisoirement, au
territoire du Haut-Maroni à la Guyane (1) et la seconde succes-
sivement au domaine de la Ouaménie et à l'exploitation fores-
tière de la baie de Prony, à la Nouvelle-Calédonie (2 .
1241. Les relégués collectifs sont exclus de l'armée; mais
ils sont mis à la disposition du ministre de la marine pour être
employés dans les sections d'exclus, à un service non armé,
soit pour leur temps de service actif, soit en cas de mobili-
sation (3).
Les sections d'exclus ont été organisées par un décret en date
du H janvier 1892; les hommes qui les composent sont jus-
ticiables des conseils de guerre en vertu de la loi du 24 mars
1897.
1242. Les femmes soumises à la relégation collective sont
enfermées dans des pénitenciers spéciaux; lorsqu'elles justi-
fient d'une bonne conduite et d'aptitudes suffisantes, on peut
leur accorder les mêmes facilités et avantages qu'aux femmes
envoyées en relégation individuelle.
1243. En vue de faciliter le mariage des relégués, un dé-
cret du 11 novembre 1887 leur a étendu les dispositions adop-
tées en 1866 pour les condamnés à la transportation, en les
dispensant de certaines formalités. On peut se demander si ce
décret, qui n'a pas été rendu dans la forme des règlements
d'administration publique, ne rentre pas dans les mesures né-
cessaires à assurer l'exécution de la loi sur la relégation,
mesures pour lesquelles le Conseil d'État doit être consulté (4).
Il en est de même du décret du 11 juillet 1887 qui a étendu
aux relégués les dispositions du décret du 4 septembre 1879,
concernant la curatelle d'office des successions et biens va-
cants. Ce décret simplifie d'ailleurs beaucoup les dispositions
réglementaires et convient parfaitement aux relégués collectifs
(1) Déc. 12 février 1889.
(2) Déc. 12 février 1889 et 12 février 1897.
(3) L. 15 juillet 1889, art. 4.

(i) L. 27 mai 1885, art. 18.

— 1024 —
qui ne laissent en général que très peu de ressources ; mais il
peut ne pas en être de même des relégués individuels et, en ce
qui les concerne, l'application du décret précité peut offrir de
sérieux inconvénients.
1244. La loi du 27 mai 1885 étant applicable dans les co-
lonies, la situation des individus qui y sont condamnés à la
relégation est réglée comme dans la métropole; seulement,
c'est le ministre des Colonies qui prononce sur le bénéfice de
l'admission à la relégation individuelle, après avis, non de la
commission centrale, mais d'une commission spéciale instituée
dans chaque colonie, conformément à l'article 8 du décret du
26 novembre 1885. Il en est évidemment ainsi pour les con-
damnés aux travaux forcés; c'est en effet dans le lieu ou se
subit la peine, non dans celui où elle est prononcée, que doit
être préparé le dossier relatif à la relégation ; par conséquent
il doit être procédé pour les transportés comme pour les
individus condamnés et subissant leur peine dans les colo-
nies.
1245. Les formes et conditions des demandes des relégués
tendant à se faire relever de la relégation ont été fixées par
le décret du 9 juillet 1892.
Le relégué adresse sa demande au procureur de la Répu-
blique près le tribunal de première instance de sa résidence.
Ce magistrat transmet la demande au directeur de l'Adminis-
tration pénitentiaire ou, dans les colonies où ce fonctionnaire
n'existe pas, au directeur de l'intérieur. La demande est en-
suite renvoyée au procureur de la République, avec le dossier
du condamné et les avis des ministres de l'Intérieur et des Co-
lonies. Le tribunal statue en chambre du conseil. En cas de
rejet le relégué ne peut introduire de nouvelle demande avant
un délai de 3 années.
1245 bis. Un décret du 31 décembre 1902 a édicté certaines
pénalités dans le cas de fabrication et de falsification de pièces
d'identité des transportés, relégués et libérés en Nouvelle-Calé-
donie, à la Guyane et à Madagascar.
En vue d'empêcher les évasions des transportés et des relé-
gués, un décret du 27 avril 1902 a soumis à des formalités
spéciales la visite des navires quittant la Nouvelle-Calédonie.

— 1025 —
SECTION III.
DÉPORTATION*.
1246. La déportation hors du territoire continental de la
République, introduite dans les lois françaises par un décret de
la Convention du 7 juin 1793, fut remplacée par la détention
dans une enceinte fortifiée lorsque les communications avec
les colonies furent coupées par la guerre. Cette peine fut
rétablie par la loi du 8 juin 1850, qui y distingua deux de-
grés : la déportation simple et la déportation dans une enceinte
fortifiée; celte dernière était substituée à la peine de mort en
matière politique, abolie par l'article 5 de la Constitution de
1848. Les lieux où celte peine est subie ont été fixés par les
lois des 23 mars 1872 et 9 lévrier 1893 : ce sont, pour la dé-
portation simple : l'île des Pins et, en cas d'insuffisance, l'île
Maré, dépendances de la Nouvelle-Calédonie, et pour la
déportation dans une enceinte fortifiée : la presqu'île Ducos,
dans la Nouvelle-Calédonie et les îles du Salut à la Guyane.
1247. Les condamnés à la déportation dans une enceinte
fortifiée jouissent, dans les lieux affectés à leur détention, de
toute la liberté compatible avec la nécessité d'assurer la garde
de leur personne et le maintien de l'ordre; ils ne sont assu-
jettis à aucun travail. Un règlement d'administration publique
du 25 mai 1872 a déterminé le régime de police et de surveil-
lance auquel ils sont soumis.
Des règles très rigoureuses ont été édictées par un décret du
27 juillet 1897, en vue de rendre à peu près impossibles toutes
communications par mer avec les îles du Salut où se subit, à la
Guyane, la peine de la déportation. Aucun bateau ne peut
communiquer avec ces îles sans être muni d'une autorisation
écrite, délivrée par le directeur de l'administration péniten-
tiaire et approuvée par le gouverneur. Il est fait exception
toutefois à cette règle en ce qui concerne les navires de guerre
de la marine nationale, les navires chargés d'assurer le ser-
vice postal entre la Martinique et la Guyane, les navires trans-
portant des condamnés et des relégués, les embarcations
appartenant à l'administration pénitentiaire. Le décret soumet
à des dispositions très sévères, le mouillage, l'atterrissemcnt,
COLONIES, I.
65

— 1020 —
le transport de passagers; il autorise la visite du bâtiment et
l'ouverture des colis; il punit enfin de certaines pénalités les
infractions aux règles qu'il édicte.
1248. Les condamnés à la déportation simple jouissent d'une
liberté plus étendue, limitée seulement par les mesures indis-
pensables pour empêcher les évasions et assurer la sécurité et
le bon ordre.
Leur condition est fixée par la loi du 25 mars 1873 et le
règlement d'administration publique du 10 mars 1877. Ils ne
sont astreints au travail qu'exceptionnellement, en cas de con-
damnation pour indiscipline; ils peuvent obtenir des conces-
sions et faire venir leurs familles aux frais du budget de la
déportation.
1249. Les déportés sont soumis au Code de justice militaire
pour l'armée de mer; ils sont justiciables des conseils de
guerre.
La déportation dans une enceinte fortifiée entraîne la perte
des droits civiques et d'une partie des droits civils; la dépor-
tation simple entraîne seulement la perte des droits civiques
et d'ailleurs le gouverneur peut accorder aux déportés ordi-
naires la jouissance de leurs biens et d'une partie des droits
civiques. Le décret du 4 septembre 1879 a chargé l'Adminis-
tration pénitentiaire de la curatelle d'office pour la gestion des
successions et des biens vacants des déportés en cours de
peine.
F I Ν

TABLE ALPHABÉTIQUE
DE LA PREMIÎ'.RE PARTIE
DU TRAITÉ DE LÉGISLATION COLONIALE
Abolition de l'esclavage, 73,
Afrique occidentale (Banque
121 et suiv., 127, 129.
de 1'), 143, 1102 bis.
Achantis, 229.
Afrique occidentale (Gouver-
Acte de gouvernement, 351.
nement général), 15, 17 bis,
Acte
général
de
Berlin,
77, 157 et suiv., 191, 223 et
21 bis, 22 bis, 116, 224, 232,
suiv., 322 bis, 356 bis, 362
276, 686, 959.
et suiv., 369 bis, 571 et
Acte général de Bruxelles,
571 bis, 644 ter, 652 et suiv.,
749 et suiv., 778 bis, 795,
129, 959, 963.
799. 800, 803, 850, 857 bis,
Administrateurs coloniaux,
881, 910 et 910 bis.
323, 360, 522 bis, 530.
Agence centrale des banques
Administrateurs en Cochin-
coloniales, 1088 et suiv.
chine, 337, 543-547. — V.
Agents de change, 1158 et s,
Indo-Chine (Services ci-
Agents d'émigration, 1181.
vils).
Agents de perception, 1013 et
Administration centrale des
suiv.
colonies, 43 et suiv., 90, 278
Agents de police, 696.
et suiv.
Agents
du
commissariat
Administration pénitentiai-
305, 307.
re, 444, 818, 1210 et s.
Agriculture coloniale, 48 bis,
Admission temporaire, 1038.
281 bis, 281 ter.
Affranchissement des escla-
Aidées de concession, 888.
ves,
Aliénés,
124, 129.
710, 712, 716.
Amovibilité de la magistra-
Afrique continentale (Régi-
ture, 739, 740.
me minier de l'), 644 ter.
Anjouan, 30 bis, 234 bis, 759.
— V. Mines.
— V. Comores.

— 1028 —
Annam, 33, 36, 79 bis, 172,
Arrêtés des gouverneurs, 268
245, 322, 245, 363, 481 bis,
et suiv., 330, 350, 404 et s.,
664 ter, 672 bis, 767, 768,
596, 697, 852, 911.
359, 880, 1027 bis. — V.
Arrêtés ministériels, 263.
Tonkin.
Arsenal de Fare-Ute, 214,
Antilles (Constitution), 49 et
692 et suiv.
suiv., 55 et suiv., 59 et s.,
Arsenal de Fort-de-France,
69 et suiv., 257, 386 et suiv.
314, 692 et suiv.
— (Domaine), 883 et suiv.
Arsenaux de la marine, 311.
— (Impôts), 133 et suiv., 403,
Artillerie coloniale, 92, 287
414, 813, 911 et suiv., 934,
et suiv.
937, 952, 954, 962, 978, 979.
Artillerie des colonies, 85 et
984, 986, 989, 991-995, 1001,
suiv.
1007, 1034, 1038
Artillerie de marine, 91, 290.
, 1050.
Assemblées coloniales et lo-
— (Instruction publique),
cales, 51, 55 et suiv., 67,
188 et suiv., 193, 195, 339,
385 et suiv.
550 et suiv., 554 et suiv.,
Assemblées générales, 55, 58.
560 et suiv., 568, 569.
Assesseurs, 746, 748, 750, 753,
— (Organisation judiciaire),
757, 760, 763, 765, 768, 771,
148 et suiv., 177, 742 et s.,
774, 857 bis, 860.
798, 856.
Assimilation, 81, 838.
-— (Organisation municipa-
Assinie, 21, 229.
le), 807 et suiv.
Assistance judiciaire, 805 et
— (Organisation religieuse),
suiv.
189, 196 et suiv., 339, 581,
Assistance publique, 708 et
593.
suiv.
— (Régime commercial), 104
Ateliers de discipline, 127,
et suiv., 109, 114, 1028 et
1180, 1187.
suiv., 1148 et suiv., 1158 et
Audiences foraines, 761, 775.
suiv.
Autonomie, 81.
— (Régime légal), 183 et s.,
Autorisation
de
mariage,
251 et suiv., 257 et suiv.,
513.
617, 841 et suiv., 884, 991
Avocats, 801 et suiv.
et suiv., 1001.
Avocats défenseurs, 804. —
— (Régime monétaire), 137,
V. Défenseurs.
1131 et suiv.
Avoués, 798 et suiv., 801.
— V. Martinique, Guade-
Baccalauréat, 194, 567.
loupe.
Badubo, 21 bis.
Appareils à vapeur, 1144 et
Baguirmi, 22 ter.
suiv.
Bammako, 17.
Archinard, 17.
Banoko, 229 ter.
Architectes des bâtiments ci-
Banques coloniales, 128, 141
vils, 676 bis.
et suiv., 143, 1055 et suiv.,
1091 et suiv., 1099.
Armée coloniale, 92, 287 et
suiv.
Barreau, 801 et suiv.
Basse-Cochinchine, 33.
Arrêtés d'expulsion, 352, 354.
Basse-Terre, 224.

— 1029 —
Bassin
conventionnel
du
Caisse d'épargne péniten-
Congo, 959, 1041.
tiaire, 1224.
Bâtiments civils, 676 bis.
Caisses d'escompte, 141.
Benito, 229 ter.
Caisses d'immigration, 1187,
Billets de banque, 1063, 1074,
1190, 1194, 1205, 1209.
1076 et suiv., 1098.
Caisse des invalides, 1016.
Dinger, 20 bis.
Caisses de prévoyance, 539 et
Binh Thuan, 34.
suiv.
Bonnier, 17.
Caisses de réserve, 907. .
Bons de caisse, 138 et suiv.,
Caisses de retraite, 538.
1131, 1135 et suiv.. 1140,
Cambodge, 35, 129, 171 bis,
1132, 1134, 1132.
245, 322, 764, 766 bis, 880,
Bons du Trésor. — V. Bons
889 bis, 928, 932, 944.
de caisse.
Cameroun, 22 ter, 230.
Bornage (Navigation au),
Campo, 22 quater, 229 ter.
684.
Cap Saint-Jacques, 102 bis.
Bouet-Willaumez, 21.
Capitaines généraux, 64.
Bouna, 17.
Cartes de circulation, 1172.
Bourbon, 24 et suiv.
Castes, 341, 460, 873 et suiv.
Bourses de commerce, 1158
Cavalerie indigène (Congo),
et suiv.
302 ter.
Bourses coloniales, 552.
Cavalerie indigène (Indo-
Bourses métropolitaines, 193.
Chine), 302 ter.
Brazzaville, 224, 231.
Cavalerie indigène
(Séné-
Brésil (Frontière du), 14,
gal). — V. Spahis.
226.
Cayenne, 13, 224.
Budapest (Convention de),
Cayor, 18, 227, 653 et suiv.
614.
Casamance, 19, 227.
Budget colonial, 312 et suiv.
Centimes additionnels, 813.
Budgets
d'arrondissement
Certificats d'études, 567.
(Cochinchine), 481.
Chambres d'agriculture, 51,
Budget
indo-chinois,
135,
65, 375, 730, 1164 et suiv.
908.
Chambres d'agriculture et
Budgets locaux, 135, 413 et
de commerce, 51, 1155.
suiv., 438, 447, 452, 460, 477
Chambres d'agriculture et
et suiv., 899 et suiv.
de commerce, 146 et suiv.,
Bureaux de bienfaisance, 708
1147 et suiv.
et suiv.
Chandernagor, 31 et suiv.
Bureaux de poste étrangers,
686.
612.
Charner, 34.
Bureau du commerce et des
Chasseurs annamites, 92.
colonies, 45.
Chefs d'administration, 321,
Bureau de commerce à la
332 et suiv., 353, 356 et s.,
Martinique, 146.
365.
Câbles télégraphiques, 211,
Chefs d'arrondissements, 337.
613 et suiv.,
Chefs de service, 321, 332 et
Cabotage, 682 et suiv.
suiv., 356 et suiv., 365.
Caisse agricole, 1170, 1209.
Chefs du service adminis-
Caisses d'épargne, 712 et s.
tratif, 356, 362, 707.

— 1030 —
Chefs du service de l'instruc-
— (Régime monétaire), 140,
tion publique, 549.
1138 et suiv.
Chefs du service de l'inté-
— V. Indo-Chine.
rieur. — V. Directeurs de
Codes (Promulgation), 185
l'intérieur et secrétaires
et suiv.
généraux.
Code annamite, 878 et suiv.
Chefs du service judiciaire,
Code civil, 70, 185, 839 et s.,
69, 359, 737.
869 et suiv., 878.
Chefs-lieux des colonies, 224,
Code de commerce, 185, 846.
392 bis.
Code de procédure civile,
Cheick-Saïd, 233.
185, 847 et suiv.
Chemins de fer, 17, 645 et s.,
Code d'instruction criminel-
633 et suiv.
le, 855 et suiv.
Cholon, 836.
Code mangarévien, 822 bis.
Cimetières, 597.
Code noir, 119.
Cinquante
pas
géométri-
Code pénal, 185, 852 et suiv.,
ques, 413, 884, 994.
879.
Cipahis, 85, 87, 92, 298.
Colbert, 24.
Clergé colonial, 585 et suiv.
Collèges, 193, 560 et suiv.
Cochinchine (Assistance pu-
Collège des fils de chefs, 571.
blique), 718.
Collège Calvé,
—- (Constitution),
573.
322, 466 et
Colonisation libre,
suiv.
130 et s.,
— (Domaine),
1168 et suiv.
889.
—- (Géographie),
Colonisation pénale, 220 et
236, 245.
— (Historique),
suiv.,
33 et suiv.
1210 et suiv.
— (Immigration. Régime du
Comices agricoles, 1166.
travail), 1170, 1172.
Comité agricole et industriel
— (Impôts), 476, 925, 928,
de Cochinchine, 728.
931, 943, 947 bis, 949, 954,
Comité central de l'instruc-
964 bis, 973, 983, 985, 987,
tion publique, 569.
999, 1005.
Comités consultatifs, 68.
— (Instruction publique),
Comité consultatif des colo-
191 et suiv., 575 et suiv.
nies, 376.
— (Organisation adminis-
Comité d'agriculture, 1167
trative), 322, 326, 355, 360,
bis.
480, 543 et suiv.
Comité d'exposition, 728.
— (Organisation judiciaire),
Comité d'immigration, 1191.
170 et suiv., 182, 764 et s.,
Comité de patronage des im-
877, 764 et s., 804.
migrants, 1206.
— (Organisation municipa-
Comité supérieur consultatif
le), 832 et suiv.
de l'instruction publique,
— (Organisation religieuse),
553 bis.
592.
Commandants des colonies.

(Régime
commercial),
— V. Gouverneurs.
1155, 1162.
Commandant de la défense,
— (Régime légal), 170, 265,
311 bis.
627, 840, 851, 877 et suiv.,
Commandants de la marine,
999.
309 et suiv., 335, 362.

— 1031 —
Commandants militaires, 288 I Commune pénitentiaire du
et suiv., 335, 362
Maroni, 1215, 1229.
Commandants supérieurs des
Communications postales,
troupes, 291, 325, 335, 362.
206 et suiv., 602 et suiv.
Commissaires de justice, 64.
Communications télégraphi-
Commissaires de l'immigra-
ques, 211 et suiv., 613 et
tion. — V. Immigration.
suiv.
Commissaires de police, 696.
Comores, 30 bis, 77, 129,
Commissaire du gouverne-
234 bis, 244, 322 bis, 445,
dent dans le territoire mi-
759,
882,
909,
909
bis.
litaire du Tchad, 22 ter,
1027 bis, 1173.
231.
Compagnies de colonisation,
Commissaires généraux, 73.
248 bis, 896.
Commissaires ordonnateurs,
Compagnie de Guinée, 20.
69.
Compagnie de la Côte d'A-
Commissaires-priseurs,
800.
mérique méridionale, 13.
Commissariat des colonies,
Compagnie de la France
305 et suiv.
équinoxiale, 13.
Commissions coloniales, 398,
Compagnie des îles d'Amé-
424 et suiv., 441, 448, 449,
rique, 4 et suiv.
453.
Compagnie des Indes, 3.
Commissions d'amirauté, 689.
Compagnie des Indes occi-
Commissions
des
charge
dentales, 5, 6, 14 et suiv.,
ments de morues, 723.
20.
Commission
de commerce,
Compagnie des Indes orien-
146.
tales, 15, 20, 24 et suiv., 31,
Commission des comptes des
52, 104 et suiv.
pays de protectorat,
Compagnie des Moluques,
906 et
31.
suiv.
Compagnie de la Terre-Fer-
Commission de surveillance
me d'Amérique, 6.
des
banques coloniales,
Compagnie d'Ostende, 13.
1103 et suiv.
Compagnie du cap Nord, 13.
Commission de surveillance
Compagnie du Sénégal, 15,
des bateaux à vapeur, 690.
108.
Compagnie auxiliaire d'ou-
Commission des monuments
vriers d'artillerie, 303.
historiques, 731.
Compagnies indigènes d'ou-
Commission de surveillance
vriers du génie, 92.
des prisons, 706.
Compagnie de discipline de
Commissions
municipales,
la marine, 295.
824.
Compagnies
disciplinaires
Commission supérieure des
des colonies, 92, 295 bis.
colonies, 377.
Comptabilité, 136, 815.
Communes, 807 et suiv.
Comptabilité financière, 1013
— (Comptabilité), 815.
et suiv., 1023 et suiv.
— (Dépenses), 814, 822, 830,
Comptables du matériel, 305,
835.
307, 530, 538.
— (Ressources), 813, 823, 835.
Conakry, 221.
Communes annamites, 837.
Concessions, 896.

— 1032 —
Concessions aux immigrants,
Conseils de revision, 179, 779
1170.
et suiv.
Concessions d'eau, 868, 897.
Conseils d'hygiène et de salu-
Concessions pénitentiaires,
brité, 719 et suiv., 1141 et
suiv.
1230 et suiv.
Conseils du contentieux. —
Concessions sur le domaine
V. Contentieux adminis-
public, 884 et suiv.
tratif.
Concordat, 199, 582.
Conseil du gouvernement de
Conducteurs d'artillerie, 304
l'Afrique occidentale fran-
et suiv.
çaise, 369 bis.
Congo, 22, 22 bis, 22 ter, 22
Conseil du gouvernement du
quater, 77, 116, 160, 223, 230
Congo français, 77, 369 bis.
et suiv., 242, 276 bis, 322
Conseils généraux (Antilles
bis, 326, 362 et suiv., 454,
et Réunion), 69, 74, 385 et
664 bis, 756, 845, 850, 857
suiv., 389 et suiv.
bis, 881, 886 bis, 896, 898,
— (Etablissements de l'In-
928, 954, 963, 1040, 1041,
de), 456 et suiv.
1173, 1201.
— (Guyane), 69, 453 et suiv.
— V. Gabon et Tchad
— (Nouvelle-Calédonie), 482
(territoire militaire du)
et suiv.
Moyen-Congo, Oubangui-
Chari.
— (Sénégal), 449, 472 et s.
— (Pouvoirs budgétaires),
Congrégation du Saint-Es-
75, 253, 414 et suiv., 452,
prit, 198, 200, 560 et suiv.
911.
585.
Conseils locaux (Inde), 463
Congrégations
religieuses,
et suiv.
589.
Conseils municipaux, 807 et
Congrégations
asiatiques,
suiv., 813.
1172.
Conseils privés, 69, 321, 362
Conseils agréés, 803.
et suiv.
Conseil colonial (Cochinchi-
Conseil du protectorat de
ne), 466 et suiv.
l'Annam-Tonkin,
79
bis,
Conseils commissionnés, 802,
363, 369, 481 bis, 778.
803.
Conseils provinciaux, 52, 161.
Conseils
d'administration,
Conseil souverain des Antil-
77, 362 et suiv., 453 bis et
les, 6, 148.
suiv.
Conseils
souverains
supé-
Conseils d'appel, 745 et suiv.
rieurs provinciaux, 50, 183.
Conseils
d'arrondissement
Conseils supérieurs, 148, 154,
(Cochinchine), 480 et suiv.
161, 168.
Conseil de défense, 335.
Conseil supérieur de l'Afri-
Conseil d'Etat (Recours au),
que occidentale, 369 bis.
866.
Conseil supérieur de l'Algé-
Conseils de guerre, 178, 779
rie et des colonies, 376.
et suiv.
Conseil supérieur de l'Indo-
Conseil de marine, 43.
Chine, 79 bis, 369.

— 1033 —
Conseil supérieur des colo-
800,
803,
850,
857,
881,
nies, 280 et suiv. 375, 378.
910 bis, 917, 959, 963, 969,
Conseil supérieur du com-
975, 987, 1041, 1051, 1173.
merce et des colonies, 45.
Côte française des Somalis.
Conseillers privés, 363 et s.
■—■ V. Côtes des Somalis. .
Constitution des colonies,
Côte occidentale d'Afrique,
59
et suiv., 68 et suiv., 73 et
850.
suiv., 251 et suiv., 385 et
Cotonou, 21 bis.
suiv.
Cours criminelles, 756 et s.,
Contentieux administratif,
763, 765, 768, 771.
Cours d'appel,
177, 630, 777 et suiv., 862 et
736 et suiv.,
suiv., 1010.
742 et suiv., 856 et suiv.
Cours d'assises, 742 et suiv.,
Contingents payés par les co-
lonies,
750, 758, 857.
317, 312 et suiv.,
Cours de droit,
Contrainte par corps,
554.
846,
Courtiers de commerce, 1158
854. .
Contributions. — V. Impôts.
et suiv.
Création d'écoles, 550.
Contributions
directes
et
Crédit foncier colonial, 118,
taxes assimilées, 887, 912 et
144, 1105 et suiv., 1123.
suiv., 1009 et suiv.
Cultes, 196 et suiv., 339, 580
Contributions indirectes, 955
et suiv.
et suiv., 1011 et suiv., 956
Culte brahmanique, 593.
et suiv.
Culte catholique, 581 et suiv.,
Contrôle central des colo-
589, 598.
nies, 373.
Culte musulman, 596.
Contrôle colonial, 69, 370 et
Culte protestant, 593 et suiv.
suiv. — Inspection des ser-
Curatelle aux successions va-
vices administratifs.
V.
cantes. — V. Successions
Inspection des colonies.
vacantes.
Contrôleurs coloniaux, 69.
Dabou, 21, 229.
Corvée, 947 bis.
160 ter, 229, 241, 625 bis,
Conventions diplomatiques,
Dahomey, 17, 19 bis, 21 bis,
249.
160 ter, 229, 241, 625 bis,
Corps de santé des colonies,
775, 910 bis, 917, 963, 969,
308, 308 bis.
975, 987, 1102 bis,
1051,
Correspondance de rang, 519
1133, 1152 bis, 1273.
et suiv.
Dakar, 18, 102 bis, 227 ter.
Corps des disciplinaires des
Dar-el-Kouti, 22 ter.
colonies. — V. Compagnies
Darfour, 22 ter.
disciplinaires.
Débits de boissons, 352, 719,
Côte des Somalie, 23, 77, 165,
962 et suiv., 984.
233, 454 bis, 664, 691, 757,
De Brazza, 22 bis.
850, 857 bis, 881, 906 bis,
Decaen, 62.
963, 1051.
Défenseurs, 802 et suiv.
Côte d'Ivoire, 19 bis et suiv.,
De la Revardière, 3.
116, 160 et suiv., 229, 241,
Délégations, 517.
322 bis, 453 bis, 571 et s.,
Délégués des colonies, 374 et
625 bis, 644 ter, 664 bis, 754,
suiv., 378.

— 1034 —
Délégués sénatoriaux, 502 et ι I Dodds, 21 bis.
suiv.
Domaine de l'Etat, 413, 883
Délibérations des conseils gé-
et suiv.
néraux (Déclarations de
Domaine local, 895.
nullité), 241 et suiv., 394,
Domaine pénitentiaire, 1228
433.
et suiv.
— (Annulations), 404 et s.,
Domicile, 514.
483.
Domicile de secours, 710.
Délits de presse. — V. Presse.
Dons et legs, 408, 598 et suiv.,
Dépenses de souveraineté,
711 et suiv.
312 et suiv.
Douanes, 109, 417, 436, 451,
Dépenses obligatoires des co-
459, 1028 et suiv., 1034 et
lonies, 253 et suiv., 312, 415
suiv.
et suiv., 447 et suiv.
Douanes (Personnel), 1053 et
Déportation, 14, 38, 213 et
suiv.
suiv., 1211 et suiv., 1246 et
Droit de visite, 123, 129.
suiv.
Droits à l'importation dans
Dépôts de la relégation, 1236.
les colonies,
Dépôt des papiers publics
956 et suiv.
Droits de consommation, 956
des colonies, 283 et suiv.,
et suiv.
789.
Droits de douane. — V.
De Pronis, 24.
Douanes.
Députés des colonies, 51, 65,
Droits de fabrication ou de
68 et suiv., 374 et suiv.,
consommation sur les spi-
379 et suiv.
Desbordes,
ritueux, 961 et suiv.
17.
Désirade,
Droits de francisation,
5, 9.
680.
D'Esnambuc, 4.
Droits de greffe, 1007 et suiv.
Diego-Suarez, 28, 167, 898.
Droits de licences, 984.
Directeurs de l'intérieur, 69,
Droits de navigation, 985 et
326, 356, 696, 706, 724, 810
suiv.
et suiv. ■— V. Secrétariats
Droits sanitaires, 985 et s.
généraux.
Droits de sortie sur les pro-
Directeurs de la santé, 724.
duits du sol, 110, 116, 976,
Directions d'artillerie, 86,
978 et suiv.
292, 335.
Droits sur l'opium, 972 et s.
Directions
de
l'intérieur
Droits sur le sel, 975.
(Personnel), 541 et suiv. —
Droits sur le tabac, 962, 966
V. Secrétariats généraux.
et suiv.
Direction des colonies, 44.
Duchêne, 27.
Directions des ports, 688. .
Dzaoudzi, 224.
Disciplinaires. —V. Compa-
Ecole coloniale, 48, 282.
gnies disciplinaires.
Ecole de droit, 195, 554 et s.
Dispenses de mariage, 339.
Divisions
administratives,
Ecole des arts et métiers, 189,.
239 et suiv.
569 bis.
Divorce, 843.
Ecole française d'Extrême-
Djibouti, 224.
Orient, 558 bit.
Djougou, 17.
Ecoles normales, 190, 579.

— 1035 —
Elections sénatoriales, 500 et
— (Organisation judiciaire),
suiv.
161 et suiv., 168 et suiv.,
El Hadj Omar, 17.
736, 762 et suiv., 802, 858.
Elobey, 231.
— (Organisation municipa-
Emancipation des esclaves,
le), 825 et suiv.
126, 129, 1055.
— (Organisation religieuse),
Emigration de la métropole,
198, 459, 591, 596, 873 et
1168 et suiv.
suiv.
Emigration
des
colonies,
— (Régime commercial), 32,
1173.
1154.
Emplois (Créations et no-
— (Régime légal), 184 et s.,
minations), 512.
265 et suiv., 341, 626, 644,
Emprisonnement, 701 et s.
846 et suiv., 869 et suiv.
Emprunts, 418, 652, 664 D,
.— (Régime monétaire), 140,
664 E, 672 bis.
1137.
Engagés, 130 et suiv., 1175 et
Etablissements de l'Océanie :
suiv.
— (Constitution), 80, 89, 362
Enregistrement, 991 et suiv.
et suiv., 424, 484 et suiv.
Enseignement primaire, 188
— (Domaine), 845, 894.
et suiv., 553 et suiv.
— (Géographie), 238, 247.
Enseignement
secondaire,
— (Historique), 39 et suiv.,
193 et suiv., 553.
89, 135, 217.
Enseignement supérieur, 195,
— (Immigration. Régime du
554 et suiv.
travail), 1170, 1172, 1208 et
Esclavage, 20, 73, 118 et s.,
suiv.
188 et suiv.
— (Impôts), 911, 932, 946 et
suiv., 954, 965, 974, 984 et
Etablissements de la côte de
suiv., 1000, 1034.
Guinée. — V. Côte d'Ivoi-
re, Dahomey.

— (Instruction publique),
191, 578.
Etablissements de l'Inde (As-
— (Organisation judiciaire),
sistance publique), 715.
174 et suiv., 182, 773 et s.,
— Constitution), 69 et suiv.,
803, 860, 882 bis.
71, 79, 456 et suiv., 495 et
— (Organisation religieuse),
suiv.
593 et suiv.
— (Emigration), 1182.
— (Régime commercial), 112,
— (Domaine), 887.
1040, 1050 et suiv., 1157.
— (Géographie), 245.
— (Régime légal), 265 et s.,
— (Historique), 331 et suiv.
626, 816, 843 et suiv., 882
— (Impôts), 911, 922, 942 bit,
bis, 910 ter.
950, 953, 964, 970, 975, 984
(Régime monétaire), 139,
et suiv., 987, 989, 998, 1005,
1140.
1008.
Etablissements
insalubres,
— (Instruction
publique),
723, 1141 et suiv.
191, 193, 195, 460, 558, 565,
Etablissements libres d'ins-
573 et suiv., 583.
truction publique, 551.
— (Organisation adminis-
Etablissements maritimes lo-
trative), 362 et suiv.
caux, 692 et suiv.

— 1036 —
Etat civil (Registres). 284,
— (Historique), 19 bis et s.,
840, 871 et suiv.
22 quater.
Etat de siège, 336, 352, 783.
— (Impôts), 454, 912, 918,
Etrangers, 352, 930.
940 bis, 980, 985, 987, 1037
Evêchés coloniaux, 189 et s.,
et suiv.
— (Organisation adminis-
196, 201, 581 et suiv.
trative), 310, 322 bis, 362
Exclus de l'armée, 295 bis.
et suiv., 454, 778, 910 bis,
Exécutions capitales, 343.
1027 bis.
Exercice budgétaire, 900 et
— (Organisation judiciaire),
suiv., 1026.
160, 755, 778, 857.
Experts visiteurs, 689.
— (Régime commercial), 1037
Explosifs, 1146.
et suiv.
Exportation, 213.
— (Régime légal), 265, 454.
Exposition permanente des
— V. Congo.
colonies, 281, 728.
Galliéni, 129.
Expositions permanentes lo-
Gambiers, 41, 77, 238, 424,
cales, 729.
822, 910 ter.
Expropriation, 617 et suiv.
Gange (Navigation), 686.
Extradition, 347.
Garde et défense des colo-
Fabriques, 588.
nies, 82 et suiv., 288 et suiv.
Faidherbe, 17, 21.
Gardes civils, 508.
Faillite, 846.
Gardes nationales, 56, 58, 98.
Falémé, 16.
Garnisons coloniales, 288.
Fleuves navigables, 685 et s.
Gendarmerie,
93 et suiv.,
Fonctionnaires, 353, 511 et s.
294.
Fonctionnaires locaux, 524
Gentil, 22 ter.
et suiv., 538.
Géographie des colonies, 223
Fonctionnaires
métropoli-
et suiv.
tains, 514, 523.
Gialong, 33.
Fonds secrets, 478, 696.
Gisements aurifères, 631 et
Forcados, 17 ter.
s., 640.
Forêts, 264, 898.
Gobert. 24.
Fort Dauphin, 27.
Golfe du Bénin, 19 bis.
Fort-de-France, 224.
Gorée, 16, 816.
Fortifications, 86.
Gourma, 17.
Foureau-Lamy (Mission), 17.
Gourounsi, 17.
Fouta-Djallon, 228.
Gouverneur général de l'A-
Frais de passage des emi-
frique
occidentale
fran-
grants, 1169.
çaise, 19 bis, 322 bis, 342.
Franchises postales, 609 et s.
Gouverneur général de l'In-
Francisation, 677 et suiv.,
do-Chine, 37 bis, 322, 331,
985 et suiv.
342.
Francis Garnier, 36.
Gouverneur général de Ma-
François 1er, 3.
dagascar, 77, 322 bis.
Futuna, 238 ter.
Gouverneurs, 50, 321 et s.,
Gabon-Congo (Géographie),
324, 521.
231, 241, 242.
— (Attributions), 53 et suiv.,
— (Domaine), 886 bis.
321 et suiv., 330 et suiv.,

— 1037—
338, 394, 398 et suiv., 422 et
— (Immigration. Régime du
suiv., 460, 479, 483, 487 et
travail), 1170, 1172, 1179,
suiv., 550 et suiv., 596, 598,
1193 et suiv.
617- et suiv., 630 et suiv.,
— (Impôts), 912, 916, 930,
695, 852 et suiv., 875 et s.,
039, 959, 955, 962, 968, 972,
911.
939, 949, 955, 962, 968, 972,
— (Pouvoirs militaires), 288,
1006, 1007, 1034 et suiv.,
309, 335.
1050.
•— V. Pouvoirs extraordinai-
— (Instruction publique),
res.
-191 et suiv., 566, 570 bis.
Gouverneurs
intérimaires,
— (Organisation adminis-
326 et suiv.
trative, 368.
Grâces, 705.
— (Organisation judiciaire),
Grand-Bassam, 21, 224, 229.
154, 747 et suiv., 857.
Grande - Comore ,
30
bis ,
— (Organisation municipa-
234 bis, 759. —V. Comores.
le), 816 et suiv.
Guadeloupe. — V. Antilles.
— (Organisation religieuse),
— (Assistance publique), 713.
197 et suiv., 591.
— (Banque), 141 et suiv.,
— (Régime commercial), 106,
1055 et suiv.
112, -117, 1037, 1151, 1160.
— (Géographie), 239.
— (Régime légal), 185, 265,
— (Historique), 5 et suiv.,
623, 630 et suiv., 845 et s.,
51, 56.
846, 854 bis, 857, 861, 1248
■— (Immigration. Régime du
bis.
travail), 118,
122,
1174,
— (Régime monétaire), 140,
1188 et suiv.
1133.
— (Organisation adminis-
— (Territoire contesté), 14,
trative), 322.
226.
— (Organisation judiciaire),
Hanoï, 224, 890.
743.
Haut-Ogowé, 242.
Guinée, 17, 19, 77, 157, 159,
Haut-Oubangui, 22 bis et s.,
223 et suiv., 322 bis, 356 bis,
223 et suiv., 322 bis. — V.
362 et suiv., 453 bis, 571 et
Oubangui-Chari.
571 bis, 644 ter, 664 B, 721,
Haute police, 339, 695.
753, 795, 799, 800, 803, 846,
Haut-Sénégal (Chemin de
850, 857 bis, 881, 886 bis,
fer), 663 et suiv.
910 bis, 928, 963, 1040 et
Haut-Sénégal et Moyen-Ni-
suiv., 1102 bis.
ger, 77, 135, 227 et suiv.,
Guyane (Assistance publi-
241 et suiv., 322 bis, 360,
que), 714.
522, 663, et suiv., 910 bis,
— (Banque), 142, 1058 et s.
989, 1027 bis. — V. Soudan
— (Constitution), 57, 67, 69
et Territoires militaires.
et suiv., 76, 443 et suiv.,
— V. Sénégambie-Niger.
S. 443 et suiv.
Henri IV, 3.
— (Domaine), 886.
Hiérarchie judiciaire, 736.
— (Géographie), 226, S. 226.
Honneurs et préséance, 519.
— (Historique), 3, 13 et s.,
Hôpitaux coloniaux, 308.
57, 64, 213, 215, 220.
Hué, 224.

— 1038 -
Huissiers, 799.
Impôt sur les permis de port
Hygiène, 719 et suiv.
d'armes et les passeports,
Hypothèques, 145, 590, 1006.
954.
Ile Bonaparte, 26.
Impôt sur le revenu des va-
Ile de France, 25.
leurs mobilières, 951.
Ile d'Arguin, 16.
Imprimeries du gouverne-
Ile des Pins, 38.
ment, 727.
Iles du Salut, 218, 1247.
Inde. — V. Etablissements
Iles du Vent, 39.
de l'Inde.
Ile Futuna, 238 ter.
Inde
anglaise
(Immigra-
Iles Glorieuses, 223.
tion), 1175 et suiv., 1182.
Iles Kerguelen, 223, 224.
Indemnités aux propriétai-
Iles Marquises. — V. Mar-
res d'esclaves, 128, 1055.
quises.
Indiens renonçants, 264, 406,
Iles Saint-Paul et Amster-
498.
dam, 223.
Indigénat, 355, 766 et suiv.,
Iles sous le Vent, 40.
772, 880 et suiv.
Iles Wallis, 238 ter.
Indo-Chine (Banque de l'),
Immigrants indiens, 1175,
143, 1091 et suiv.
1182.
— (Budgets), 135, 908.
Immigration, 130 et suiv.,
— (Directeur des affaires ci-
447, 842, 1108 et suiv., 1174
viles), 79 bis, 322, 356 bis.
et suiv., 1201.
— (Domaine), 890 et suiv.
Impôts, 118 et suiv., 133 et
— (Géographie), 236, 245.
suiv., 350, 414 et suiv., 451,
— (Historique), 33 et suiv.,
911 et suiv.
79 bis.
Impôt des patentes, 934 et s.,
— (Impôts), 911, 926, 928,
978, 1130.
932, 944, 947 bis, 964 bis,
Impôt des prestations, 947.
971, 973, 975, 983, 988, 999,
Impôt des routes, 989.
1005, 1027 bis, 1034, 1037,
Impôt des voitures,
1038, 1051.
952 et s.
— (Services civils), 361, 543,
Impôt foncier, 913 et suiv.,
547, 548.
976 et suiv.
— (Organisation), 321, 322,
Impôt mobilier, 933.
356 bis.
Impôt personnel, 928 et s.
— (Organisation judiciaire),
Impôt personnel spécial aux
170 et suiv., 764 et suiv.,
étrangers, 930 et suiv.
880.
Impôt pour la vérification

(Régime
commercial),
des poids et mesures, 949
1038 et suiv., 1051, 1155.
et suiv.
— (Régime légal), 672 bis,
Impôt sur les barques, 988.
673, 778 bis, 845 bis et s.,
Impôts sur les biens de
859, 880, 898, 1144 bis.
mainmorte, 954.
— (Régime monétaire), 140,
Impôt sur les chiens, 948.
1138 et suiv.
Impôts sur les étrangers, 930.
— (Régime financier), 135.
Impôt sur la propriété bâ-
Infanterie coloniale, 92, 288
tie, 924 bis.
quater et suiv.

— 1030 —
Infanterie de marine, 90,
Justice indigène au Laos,
289.■ V. Infanterie colo-
769.
niale.
Justice indigène à Madagas-
Infanterie indigène du Con-
car, 761.
go, 92, 297 ter.
Justice indigène à Tahiti,
Infirmiers, 308.
175, 176.
Inscription maritime,
102,
Justice indigène au Tonkin,
510.
768 bis.
Inspection des services ad-
Justice militaire. V. Tri-
ministratifs, 353, 370 et s.
bunaux militaires.
— V. Inspection des colo-
Justice musulmane, 157, 751.
nies.
Kabar, 761, 882.
Inspection des colonies, S.
Kanem, 22 ter.
370 et suiv.
Karikal, 31.
Instituteurs, 553 et suiv.
Kayes, 17, 224, 227 ter.
Instruction publique, 188 et
Kereguen, 138, 1135.
suiv., 339, 549 et suiv.
Khazna, 906 bis.
Intendants, 50, 54, 68.
Kotonou, 21 bis.
Intendants de justice, 148.
Kouang-tchéou-ouan (terri-
Jardin
Colonial,
48
bis, .
toire de), 77, 322 bis.
281. bis.
La Barbade, 4.
Jardins coloniaux, 281 bis,
La Bourdonnais, 25.
730.
Lagos, 347.
Jauréguiberry, 17.
Laos, 37 bis, 172, 245, 322,
Joalland (mission), S. 17.
769, 859, 880.
Journaux officiels des colo-
Lazarets, 726.
nies, 271, 272.
Léaba, 17.
Juges officiels de l'amirauté,
181.
Légion étrangère, 290 bis,
Juridiction royale, 54, 162.
Législation, 49 et suiv., 75,
Jury d'expropriation, 619 et
183 et suiv., 251 et suiv.,
suiv.
344, 349 et suiv., 838 et s.
Justice administrative. V.
Législation domaniale, 883
Tribunaux administratifs.
et suiv.
Justice annamite, 172, 877.
Législation douanière, 1051.
Justice consulaire. V. Tri-
Législation forestière, 898.
bunaux de commerce.
Législation indigène, 869 et
Justices de paix, 152 et s.,
suiv.
742 et suiv.
Léproseries, 713 et suiv., 722.
Justices de paix à compéten-
Libéria, 220.
ce étendue, 152, 158, 171,
173, 744, 747, 752 et suiv.,
Libérés, 696, 1217, 1226, 1248
762, 770, 773, 1231.
bis,
Justice indigène en Afrique
Libreville, 22, 224, 231.
occidentale, 157, 749 et s.
Lieutenants généraux, 5, 49.
J ustice indigène au Cam-
Lieutenant gouverneur du
bodge, 171 bis, 766 bis.
Gabon, 322 bis.
J ustice indigène au Congo,
Lieutenant gouverneur en
160, 756.
Cochinchine, 322.

1040 —
Lieutenants gouverneurs (A-
Maires et adjoints, 807, 810,
frique occidentale et Con-
818 et suiv., 828, 833.
go), 322 bis.
Mapa, 14.
Lignes de navigation, 202 et
Marchand (mission), 22 ter.
suiv., 602.
Maréchaussée, 93 et suiv.
Lignes télégraphiques, 211 et
Mariage, 841 et suiv., 1179,
212, 615 et suiv.
1123.
Lignes téléphoniques, 212.
Livrets, 1172, 1178.
Marie-Galante, 9, 744, 792.
Lobi, 17.
Marine marchande, 678 et s.
Logements insalubres, 721.
Maroni
(Fleuve,
naviga-
Loges, 32, 235.
tion), 685.
Lois, 253 et suiv.
Marques de commerce, 846.
Lois applicables aux colo-
Marquises, 41, 176, 323, 484,
nies, 253 bis et suiv.
845, 910 ter.
Louis XIII, 5.
Martinique (Assistance pu-
Louis XIV, 6, 24.
blique), 712.
Loyalty, 38,
— (Banque), 142 et suiv.,
Lycées, 193, 560 et suiv.
1055 et suiv.
Machines à vapeur. — V.
— (Géographie), 239.
Appareils à vapeur.
— (Historique), 5 et suiv.,
Madagascar (Constitution),
51, 55.
77, 322 bis, 356 bis, 362 et
— (Immigration, régime du
suiv., 455, 522.
travail),
118,
122,
1172,
— (Domaine), 887.
1186 et suiv. — V. Antilles.
— (Géographie), 234.
Mayotte (Budget), 909, S.
— (Gouverneur général de),
909.
77, 322 bis.
— (Constitution), 77, 323,
— (Historique), 24, 27, 77,
455.
214.
— (Domaine), 887.
— (Impôts), 221, 942, 954 et
— (Géographie), 234 bis, 420,
s., 969, 980 bis, 984, 998 bis,
244.
1004 bis', 1038, 1051.
— (Historique), 30, 77.
— (Instruction publique),
— (Immigration, régime du
572 bis.
travail), 1170, 1175, 1198.
— (Organisation judiciaire),
— (Impôts), 455, 911, 920,
167, 760 et suiv., 882.
928, 942, 963 bis, 985, 998,
— (Régime commercial), 105,
1006, 1008, 1037.
1038 et suiv., 1051.
— (Instruction publique),
— (Régime légal), 276, 609,
192, 572.
628, 644 ter, 664 E., 688,
— (Organisation judiciaire),
710, 723 bis, 837 bis, 840 et
152, 166, 759.
suiv., 896 et suiv., 1027 bis,
— (Régime commercial), 112,
1248 bis.
1037.
— (Régime du travail), 129,
—. (Régime forestier), 897.
1173, 1201.
— (Régime légal, 265, 838 et
Magistrature coloniale, 531,
suiv., 898, 1173.
733 et suiv.
— (Régime monétaire), 1136.
Mahé, 31.
Mazulipatan, 21.

— 1041 —
Médecine (Exercice de la),
Municipalités, 55, 58, 807 et
723.
suiv.
Médecins des colonies, 308,
Muny, 22 quater, 239 ter.
308 bis.
Mutualité, 718 bis.
Médine, 27.
Mytho, 34.
Mekong (navigation), 37 bis,
Nationalité et naturalisa-
686.
tion, 254, 260, 840 et suiv.
Mellacorée, 19, 228.
Navigation, 104, 109, 117, 677
Milices, 92, 96 et suiv., 506
et suiv., 686 et suiv.
et suiv.
Navires à vapeur, 690.
Milice cochinchinoise, 509.
Niger, 17 ter, 229, 686.
Milice du Dahomey, 99 bis.
Niki, 17.
Milice du Gabon, 99 bis.
Nossi-Bé (Constitution), 77.
Milice de Madagascar, 99 bis,
— (Géographie), 240, 246.
508.
— (Historique), 28 et suiv.
Milice d'Obock, 505.
— (Impôts), 455, 942, 955.
Milice de Saint-Barthélemy,
— (Instruction publique),
507.
572.
Milice tonkinoise, 99 bis, 508.
— (Organisation judiciaire),
Mines, 629 et suiv.
187, 760.
Ministère de l'Algérie et des
— (Régime commercial), 112,
Colonies, 46.
1037.
Ministère des Colonies, 47,
— (Régime du travail, im-
278 et suiv.
migration), 1175, 1198.
Ministère du Commerce et
— (Régime forestier), 898.
des Colonies, 47.
— (Régime monétaire), 1136.
Ministère de la Justice, 733.
— V. Madagascar.
Ministère de la Marine et
Nossi-Cumba, 29.
des Colonies, 45.
Notariat, 786 et suiv.
Missions coloniales, 316.
Nouméa, 102 bis, 225, 816.
Mizon (lieutenant de vais-
Nouvelle-Calédonie.
seau), 17 ter.
— (Banque), 1099.
Mohéli, 30 bis, 234 bis, 759.
— (Constitution), 80, 481 et
— V. Comores.
suiv.
Monnaies, 135, 137 et suiv.,
— (Domaine), 891.
1132 et suiv.
— (Géographie), 416.
Mont Pelé, 7.
— (Historique), 38, 219.
Mooera, 39.
Mossi, 17.
— (Impôts), 927 et suiv.,
Mormons, 580.
945, 949, 955, 965, 971, 974,
Morue, 140, 691, 723.
983, 985, 990, 1000, 1037,
Moussa, 17.
1038, 1038 bis, 1041.
Mouvement de fonds, 1027.
— (Indigènes), 881 bis.
Moyen-Congo, 77, 231, 242,
— (Instruction publique),
322 bis, 362 et suiv., 454,
191, 566, 578, 682.
778, 910 bis, 1027 bis.
— (Organisation adminis-
Mozambique
(Recrutement
trative), 326.
des
immigrants) ,
1175,
— (Organisation judiciaire),
1183.
173, 182, 770 et suiv., 860.
COLONIES, I.
66

— 1042 —
— (Organisation municipa-
Pacte colonial, 103 et suiv.,
le), 816 et suiv., 824.
110, 113, 1028.
— (Organisation religieuse),
Paix d'Amiens, 7, 12, 14, 31,
592, 593.
226.

(Régime
commercial) ,
Papeete, 224, 247.
1037 et suiv., 1051 et suiv.
Papier monnaie, 138.
— (Régime du travail, Im-
Paquebots, 202 et suiv., 602.
migration) ,
1170,
1172,
Parité d'office, 736.
1202 et suiv.
Passeports, 954, 1172.
— (Régime légal), 265, 634 et
Passot, 29 et suiv.
suiv., 669 bis, 691, 840, 843,
Patentes. V. Impôt des
851, 851 bis, 860, 1248 bis.
patentes.
— (Régime monétaire, 1140.
Pavie, 37 bis.
Nouvelle-France, 11.
Pays de protectorat, 267.
Nouvelles-Hébrides, 38, 40,
Pêche, 104, 691.
238 bis, 1038 bis, 1041.
Pensions de retraite, 320,
Obock, 23, 165, 233, 644 bis,
526 et suiv.
757, 1210. — V. Côte des
Percepteurs, 1021 et suiv.
Somalis.
Perceptions métropolitaines
Occupation étrangère, 250.
aux colonies, 320.
Océanie.■ V. Etablisse-
Permis de séjour, 930 et s.,
ments de l'Océanie.
1172.
Octroi de mer, 110, 113, 417,
Personnel colonial, 345, 522.
434 bis, 451, 459, 812, 1033,
Personnel de l'instruction
1043 et suiv., 1053.
publique, 553.
Office colonial, 48 bis, 281.
Personnel des postes et télé-
Officiers de police judiciaire,
graphes, 611.
856.
Pharmaciens, 308 bis, 723.
Officiers de port, 688.
Piastre, 140, 1135, 1138.
Officiers indigènes, 296 et s.
Pilotage, 310, 688.
Opium, 32, 972 et suiv.
Pnompenh, 224.
Ordonnances
constitutives,
Poids et mesures, 145, 949 et
68 et suiv.
suiv.
Ordres religieux, 196 et suiv.
Points d'appui de la flotte,
Organisation financière, 899
102 bis, 311 bis.
et suiv.
Poivre, 26, 33.
Organisation judiciaire, 132
Poivres coloniaux, 1037.
et suiv., 343 et suiv., 732
Police administrative, 696 et
et suiv.
suiv.
Organisation
municipale ,
Police judiciaire, 698.
807 et suiv., 813, 837 bis.
Police municipale, 699.
Ouadaï, 22 ter.
Police des ports, 688.
Oubangui. V. Haut-Ou-
Pondichéry, 31, 224.
bangui.
Port Courbet, 102 bis.
Oubangui-Chari, 22 ter, 77,
Porto-Novo, 21 bis, 224.
231, 242, 910 bis.
Ports, 310, 646 et suiv., 687.
Ouvriers d'artillerie,
290,
Port de la pointe des Galets,
303.
646 et suiv.
Oyapock, 13 et 14, 226.
Ports de guerre, 311.

— 1043 —
Postes, 206 et suiv., 602 et
Recettes du budget de l'Etat
suiv.
aux colonies, 318 et suiv.,
Poulo-Condor, 33.
538, 884, 893.
Poursuites contre les fonc-
Receveurs
des
communes,
tionnaires, 515.
1022.
Poursuites en matière d'im-
Réclusion, 701, 704.
Recours en annulation, 742
pôts, 1010 et suiv.
et suiv.
Pouvoirs extraordinaires des
Recouvrement des contribu-
gouverneurs, 351 et suiv.,
tions, 1009 et suiv., 1027.
355, 881 bis.
Recrutement aux colonies,
Préfets apostoliques, 197 et
100 et suiv., 288, 299, 504
suiv., 590.
et suiv.
Préfets coloniaux, 64.
Recrutement des immigrants,
Préséances, 519.
. 1181 et suiv.
Presse, 861, S. 861.
Régime commercial, 5, 103 et
Prestations, 947.
suiv., 261, 266, 1028 et s.,
Prêts sur récoltes, 1072 et
1147 et suiv.
suiv., 1082 et s., 1105, 1111.
Régime de l'indigénat, 355,
Primes à la construction,
756 et suiv., 766, 772, 880 et
683 bis.
suiv.
Primes à la navigation, 683
Régime des eaux, 897.
bis.
Régime douanier, 1028 et s.
Principe
de
souveraineté,
Régime économique, 1028.
248 et suiv.
Régime des sucres, 1029 et
Prisons, 700 et suiv.
suiv.
Prisons militaires, 707.
Régime
de
l'immigration,
Privilège du Trésor, 1009.
130 et suiv., 1171 et suiv.
Procédure
administrative,
Régime du travail, 118 et
852 et suiv.
suiv., 129, 132 bis, 1173 et
Procédure civile, 847 et s.
suiv.
Procureurs généraux, 69, 737
Régime électoral (Antilles et
et suiv.
Réunion), 388, 490, 501,
Produits
coloniaux,
1037,
810.
1040.
— (Cochinchine), 254, 467 et
Promulgation des lois et dé-
suiv., 480, 490 et suiv., 832.
crets, 268 et suiv., 349.
— (Guyane), 443, 490 et s.,
Protecteur des immigrants.
818.
— V. Immigration.
— (Inde), 254, 457, 495 et s.,
Protectorat, 24 et suiv., 267.
500 et suiv., 825 et suiv.
Protocole de Lisbonne, 959
— (Mayotte et Nossi-Bé),
et suiv.
490, 495, 498 et suiv.
Raiatea, 40, 177 bis, 238.
— (Nouvelle-Calédonie), 482,
Raivavac, 41.
492, 818.
Rang des magistrats, 739.
— (Océanie), 484, 491, 494.
Rapa, 41, 247, 910 ter.
— (Saint-Pierre et Mique-
Rapatriement des indigents,
lon), 429, 490 et suiv., 818.
709.
— (Sénégal), 450, 491, 818.
Ras Doumeirah, 23.
— Toutes colonies, 490.

— 1044 —
Régime financier, 133 et s.
— (Impôts), 403, 919, 928,
Régime foncier, 845.
930,
941,
948,
949,
952,
Régime forestier, 264.
963 bis, 969 bis, 981, 984,
Régime industriel, 1141 et
985, 986, 990, 997,
1004,
suiv.
1006, 1008, 1037 et suiv.,
Régime légal des colonies, 68
1197.
et suiv., 81, 251 et suiv.,
— (Instruction publique),
*
265 et suiv.
188 et suiv., 193, 550 et s.,
Régime monétaire, 137 et s.,
563 et suiv., 568, 579, S.
1131 et suiv.
563, 567, 569, 579.
Régiments coloniaux, 83.
— (Organisation judiciaire),
Règlements d'administration
161 et suiv., 178, 735, 758.
publique, 252 et s., 1038,
— (Organisation municipa-
1050.
le), 807 et suiv.
Règlements locaux, 350.
— (Organisation religieuse),
Règlements de police, 697,
180, 198, 581.
852.
— (Régime commercial), 105,
Relations étrangères, 347.
109, 111, 114, 1028 et suiv.,
Relégation, 222, 1211, 1233 et
1150, 1153, 1161.
suiv.
— (Régime du travail, Im-
Remises des trésoriers, 1019.
migration), 118, 122, 1195
Renonciation au statut per-
et suiv.
sonnel. ■— V. Statut per-
— (Régime légal), 183, 185,
sonnel.
251 et suiv., 257 et suiv.,
Rente de l'Inde, 32, 318.
615, 647 et suiv., 841 et s.,
Représentation des colonies,
854 bis, 856.
51, 65, 67, 73, 77, 378 et
— (Régime monétaire), 138
suiv., 500 et suiv.
et suiv.', 1134 et suiv.
Réseau télégraphique, 211.
— (Service militaire), 505.
Résidents, 361, 543, 547.
Richelieu, 4, 43.
Résidents supérieurs, 322.
Rigault de Genouilly, 34.
Ressources
des communes,
Rimatara, 41, 238.
813, 823, 835.
Rivières du Sud, 19 bis et
Retenues
sur traitements,
. suiv., 228.
320, 534 et suiv.
Roupie, 1137.
Réunion (Assistance publi-
que), 716.
Rufisque, 16, 18, 816.
— (Banque), 141 et suiv.,
Rurutu, 41, 238.
1055 et suiv.
Saïgon, 33, 102 bis, 224, 832
— (Chemin de fer et port),
et suiv.
646 et suiv.
Saint-Barthélemy, 9 et s.,
— (Constitution), 52 et s.,
255, 360, 774.
58 et suiv., 69 et suiv., 257,
Saint-Christophe, 4 et suiv.
374, 386 et suiv.
Saint-Denis, 224.
— (Domaine), 883 et suiv.
Saint-Louis du Sénégal, 224,
— (Géographie), 239.
816.
— (Historique), 24 et suiv.,
Saint-Jacques (Cap). — V.
52 et suiv., 58, 62.
Cap Saint-Jacques.

— 1045 —
Sainte-Marie de Madagas-
Secrétariats généraux, 326,
car, 27 et suiv., 112, 167,
356, 536, 542.
244, 255, 523.
Sections mobiles de relégués,
Saintes (Les), 9.
1240.
Saint-Martin, 5, 9, 225, 360,
Sel (Droits sur le), 975.
744.
,
Séminaire du Saint-Esprit,
Saint-Pierre
(Iles
Saint-
201, 585.
Pierre et Miquelon), 324,
Sénateurs des colonies, 383,
816.
500.
Saint-Pierre (Martinique),
Sénatus-consulte du 3 mai
7.
1854, 74, 251 et suiv., 265,
Saint-Pierre et Miquelon. —
312.

(Assistance
publique),
Sénatus-consulte du 4 juillet
714.
1866, 75, 113, 317, 386 et s.,
— (Constitution), 67, 69 et
414 et suiv.
suiv., 71, 78, 362, 427 et
Sénégal
(Fleuve,
naviga-
suiv.
tion), 685.
— (Domaine), 886.
Sénégal (Banque), 142 et s.,
— (Géographie), 240.
1055 et suiv. — V. Afrique
— (Historique), 11 et suiv.,
occidentale (Banque de V).
67.
— (Budgets régionaux), 136,
— (Immigration), 1172.
910.
— (Impôts), 915, 938, 948,
— (Chemin de fer), 652 et
955, 962, 968, 985, 987, 990,
suiv.
1007, 1037, 1038, 1050.
— (Constitution), 67, 69 et
— (Instruction publique),
suiv., 77 et suiv., 355, 449
191, 193, 566, 570.
et suiv., S. 77, 450 et suiv.,
— (Organisation judiciaire),
452 et suiv.
153, 182, 745 et suiv.
— (Domaine), 886 bis.
—- (Organisation municipa-
— (Esclavage), 129.
le), 816 et suiv.
— (Géographie), 223 et s.,
— (Organisation religieuse),
241 et suiv.
197 et suiv.
— (Régime commercial), 1037
— (Historique), 6, 15 et s.,
et suiv., 1050.
67, 135.
— (Régime légal), 265, 624,
— (Immigration), 1172.
849.
— (Impôts), 917, 928, 940,
— (Régime monétaire), 140,
949, 958, 963, 969, 979, 985,
1133.
996, 1003, 1006 et suiv.,
Salines, 32, 644 bit.
1040 et suiv.
Salubrité, 719 et suiv.
— (Instruction publique),
Samory, 17.
191 et suiv., 566, 571.
Sangha, 22 quater.
— (Organisation adminis-
Sapeurs-pompiers, 99, 506.
trative), 322 bis, 356 bis,
Savannaket, 37 bis.
360 et suiv., 450 et suiv.,
Say, 17.
910, 910 bis et 1027 bis.
Schœlcher, 73, 118, 127.
— (Organisation judiciaire),
Secrétaires annamites, 548 et
156 et suiv., 749, 750, 751,
suiv.
799, 800, 803, 881.

— 1046 —
— (Organisation municipa-
— (Impôts), 917, 928, 940,
le), 816 et suiv.
989.
— (Organisation religieuse),
— (Lieutenant gouverneur),
591, 601.
5, 322 bis.
— (Régime commercial), 108,
— (Organisation judiciaire),
112, 116 et suiv., 129, 1040
158, 752.
et suiv., 1152.
— V. Haut-Sénégal et Moyen-
■— (Régime légal), 185, 265,
Niger. ■— Territoires mili-
276 bis, 614, 625, 644 ter,
taires.
655, 662 bis, 850, 857 bis,
Sous-secrétariat d'Etat, 46
881.
et suiv.
— (Régime monétaire), 140,
Souveraineté, 248 et suiv.
1133.
Spahis cochinchinois, 92.
—V. Haut-Sénégal et Moyen-
Spahis sénégalais, 92, 302.
Niger.
Spahis soudanais, 92, 302 bis
Sénégambie-Niger (Territoi-
et ter.
re de la), 17 bis, 77, 157,
Stations locales, 309.
158, 227 et suiv., 322 bis,
Statut personnel, 185, 869 et
356 bis, 362 et suiv., 571 et
suiv., 877 et suiv., 811 et
571 bis, 614, 625, 644 ter,
suiv.
663, 664, 752, 778, 778 bis,
Subventions
métropolitai-
795, 799, 800, 803, 850, 857
nes, 312, 317, 319, 1169.
bis, 881, 910 et 910 bis.
Successions vacantes, 844.
Sergent-Mal amine (Bateau),
Sucres coloniaux, 107, 110,
17 ter.
115, 1028 et suiv., 1034.
Services financiers, 136, 1013
Surate, 31.
et suiv.
Surtaxes de pavillon, 117,
Service de la marine aux co-
1031.
lonies, 309, 311 bis. — V.
Surveillance des libérés, 696.
Points d'appui de la flotte.
Syndics de l'immigration. —
Services de trésorerie, 1027.
V. Immi g ration.
Service militaire. — V. Re-
Système métrique, 145.
crutement.
Tabellionat, 796.
Service postal. — V. Postes.
Tadjourah, 23, 233.
Service de santé colonial. —
Tagals, 931.
V. Hôpitaux coloniaux.
Tahiti. — V. Etablissements
Service sanitaire, 724 et s.
de l'Océanie.
Service télégraphique. — V.
Tananarive, 27, 224.
Télégraphes.
Tarifs douaniers, 103, 109 et
Siam, 35, 37 bis, 686.
suiv., 1028 et suiv., 1037 et
Snoussi, 22 ter.
suiv.
Sociétés d'agriculture, 730.
Taxes. — V. Impôts, Droits,
Société des études indo-chi-
Cont ribution s.
noises, 731.
Taxe des lettres, 207 et suiv.,
Sociétés de courses, etc., 731.
609.
Sokoto, 17.
Tchad (Territoire militaire
Soudan (Géographie), 227
des pays de protectorats
bis, 241 et suiv.
du), 22 ter, 77, 135, 231, 242,
— (Historique), 17, 77.
276 bis, 322 bis, 910 bis,

— 1047 —
1041. — V. Oubangui-Cha-
Transportation, 14, 38, 213,
rt.
216, 218, 220 et suiv., 1210
Télégraphes, 211 et suiv., 613
et suiv. V. Travaux for-
et suiv.
cés.
Territoire
contesté
à
la
Transport d'émigrants, 1168
Guyane, 226.
et suiv.
Territoires
militaires
du
Travaux forcés, 221, 703, 1210
Haut-Sénégal et Moyen-
et suiv.
Niger, 227, 241 A.
Travaux publics, 631 et suiv.
Timbre, 990, 1001 et suiv., S.
— (Personnel), 676 bis.
1001 et suiv.
Trésorerie (Service de), 1027.
Timbres-poste, 208, 608.
Trésoriers-payeurs, 522, 1014
Tirailleurs annamites, 92,
et suiv., 1027 bis.
299 et suiv.
Tribunaux criminels, 157 et
Tirailleurs cambodgiens, 92,
suiv., 750, 753, 760, 769, 857.
297 ter.
Tribunal de la Chauderie,
Tirailleurs chinois, 92, 297
168.
ter.
Tribunal du gouverneur, 149.
Tirailleurs gabonnais, 92.
Tribunal musulman,
157,
Tirailleurs sénégalais,
92,
751.
296.
Tribunal terrier, 178.
Tirailleurs tonkinois, 92, 301.
Tribunaux administratifs,
Tirailleurs haoussas, 92, 296
177, 777 et suiv.
ter.
Tribunaux de commerce, 182,
Tirailleurs malgaches,
92,
745, 764 ter, 770, 775.
297.
Tribunaux de première ins-
Tombouctou, 17.
tance, 152 et suiv., 742 et
Tonkin, 36, 79 bis, 172, 236,
suiv., 760, 762, 764 bis et
245, 363, 481 bis, 644 ter,
suiv.
672 bis, 767, 768, 768 bis,
Tribunaux indigènes. V.
859, 880. — V. Annam et
Justice indigène.
Indo-Chine.
Tribunaux maritimes, 180,
Toohitus, 776.
Tourane,
785.
33, 36, 890.
Tribunaux maritimes com-
Train des équipages, 92.
merciaux, 785.
Traite des noirs, 121, 123,
Tribunaux maritimes spé-
129.
Traitement des fonctionnai-
ciaux, 785, 1218.
res, 516.
Tribunaux militaires, 179,
Traités avec les pays étran-
779 et suiv.
gers, 224, 248.
Tribunaux supérieurs, 774.
Traité de Nimègue, 16.
Troupes coloniales, 83 et s.,
Traités de Paris 1763, 7, 11,
288 et suiv.
31.
Troupes indigènes, 92, 293 et
— 1797, 14.
suiv.
— 1814, 14.
Tuamotu, 39, 247, 484, 910
— 1815, 14, 16, 26, 31, 226.
ter.
Traité d'Utrecht, 11, 226.
Tubuaï, 39, 41, 238, 247, 484,
Tramways, 673 et suiv.
910 ter.

— 1048 —
Tumuc humac (Monts), 226.
Volontaires de la Réunio
Uniforme, 518.
92, 100, 297 bis.
Union générale des postes,
Waima (Affaire de), 17 t<
209, 605.
Wallis, 238 ter.
Vagabondage, 127, 1180.
Washington (Convention dé
Vérification des poids et me-
209, 605 et suiv.
sures, 949 et suiv.
Vicaires apostoliques, 591.
Yanaon, 31.
Vice-roi des îles d'Amérique,
Yunnan-Sen, 672 bis.
49.·
Zone du bassin du Congo.
Volontaires des Antilles, 100.
V. Bassin conventionne
Volontaires de Bourbon, 85,
du Congo.
87, 100.
Imp. PAUL DUPONT, 144, rue Montmartre.— Paris (2e arrt.)— 16.3.1906. (Cl.)





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