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Histoire de Surinam
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Histoire de Surinam
PAR
Alexandre LÉDI
Officier d'Académie, Licencié en Droit,
Vérificateur principal des Douanes
Ouvrage traduit du hollandais
d'après
l'Aperçu sur l'Histoire de Surinam
DE
J. R. THOMSON
Professeur à l'Ecole Primaire Supérieure de Paramaribo
et
l'Histoire abrégée de la Colonie de Surinam
DE
R. Bueno BIBAZ
Directeur d'une école privée à Paramaribo
CAYENNE
IMPRIMERIE DES COMPTOIRS COLONIAUX CHIRIS
1922
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PRÉFACE
Il peut paraître singulier que, ne connaissant pas le hollandais,
j'aie pu entreprendre, successivement, la traduction de l' « Aperçu
sur Ihistoire de Surinam »,
de M. J. R. Thomson et cello de
I' « Histoire abrégée de la colonie de Surinam », de M. R. Bue-
NO
Bibaz. Une telle tâche aurait dû en effet, me rebuter, en rai-
son même de la somme* d'efforts assidus et persévérants qu'elle
exige. .Mais, comme on ne trouve à Cayenne aucun livre français
ou anglais donnant des renseignements historiques sur la Guya-
ne Hollandaise; comme, en vue d'une étude comparée des Guya-
nes anglaise, hollandaise, française et brésilienne, ces renseigne-
ments m'étaient indispensables,
il m'a
fallu, par mes propres
moyens, essayer de me documenter sur les hommes et les choses
de la Colonie de Surinam. Dans ces conditions, je ne saurai dom-
ine flatter d'avoir produit un chef-d'œuvre. J'ai l'ait, cependant, de
mon mieux pour saisir la pensée des deux autours qui m'ont servi
de guides, et je m'estimerai suffisamment récompensé de ma pei-
ne, si les enseignements qui se dégagent de ta lecture de cette
petite Histoire de Surinam peuvent être retenus par tous ceux qui
ont à cœur de travailler au relèvement de notre chère Guyane.
Cayenne, le 1er juillet 1922.
L'Auteur.


INTRODUCTION
I — SURINAM ET SA POPULATION
1. — On appelle Surinam ou Guyane néerlandaise le pays
situé dans la partie nord-est de l'Amérique du Sud, entre le 2ème
et
le 6ème degré de latitude nord et le 54ème et le 58ème degré
de longitude; ouest.
Il est baigné au Nord par l'Océan atlantique ; borné à l'est,
par le Maroni qui le sépare de la Guyane Française ; au sud, s'éle-
vent les monts A carat et
Tumuc-Humac qui forment sa frontière
avec le Brésil ; à l'ouest, le Courantyne le sépare de la Guyane
Britannique ou Démerara.
Surinam tire vraisemblablement son nom d'une tribu d'Indiens,
les Surinen qui habitaient le pays autrefois et qui en furent chas-
sés par les
belliqueux Caraïbes. Les Surinen
devaient être parve-
nus à un certain degré de développement, car ils étaient très
adroits dans le travail du bois. Cela se voit dans les bancs et les
chaises en bois, richement garnis, de sculptures, qui étaient alors
fabriqués par eux.

Le pays occupe une superficie d'environ 3000 milles carrés
géographiques, soit plus ou moins 16 millions d'hectares, c'est-â-
dire à peu près cinq fois la superficie de la Hollande.

Une petite partie seulement de la Colonie
de Surinam est
connue. La partie cultivée ou habitée n'occupe également qu'un
peu plus dé la millième partie du pays entier.

Du bord de la mer jusqu'à environ 111 kilomètres à l'intérieur
le sol est constitué par des espèces de terres alluviales qui, de nos
jours encore, subissent çà et d'importantes transformations.
C'est d'ailleurs presqu'exclusivement sur ces terrains d'alluvion
extrêmement fertiles que furent établies, par les Anglais, les Hol-
landais et les Français, de nombreuses et riches plantations de sucre,
de café, de coton et de cacao.
La grande fertilité de la région côtière de Surinam donna
même;
lieu au récit légendaire qu'une badine, enfoncée inconsidé-
rément par un promeneur sur un point isolé du sol, avait, après à
peine; quelques jours, pris racine et s'était montrée te)ut aussitôt
couverte de touilles vertes.

Situé non loin de; l'équateur, Surinam a un climat chaud,
mais sain. Quoiqu'on y satisfasse a peine aux nécessités de l'hy-
giène, Je chiffre de la mortalité, comparé avec celui d'autres pays
plus privilégiés, n'y est pas défavorable.
La chaleur, qui, pendant quelques périodes de l'année, y est
très lourde et très accablante, est souvent tempérée par les
vents
frais ele mer et de terre. Il est très vraisemblable que la fatigue
occasionnée par le climat ne prédispose pas les natifs de Surinam
â déployer souvent un effort continu et persévérant. Aussi l'épar-
gne; et l'économie; font-elles rarement partie des vertus qui y sont
généralement pratiquées.

— 2 —
2. — Le pays, bien que richement doté par la nature, ne
peut cependant pas se flatter de posséder une population dont la
densité, aussi bien absolue que. relative, soit très forte. Surinam,
qui est cinq fois aussi grand que la Hollande, ne compte, en effet,
qu'environ 100,000 habitants, soit un peu plus de la sixième partie
de la population de la ville d'Amsterdam.
Il n'y a pour ainsi dire pas d'autochtones surinamois ; à la
vérité, la population se compose d'un mélange varié d'Européens,
d'Africains, d'Asiatiques et de leurs descendants.
Les aborigènes,'les Indiens ou Peaux Rouges, menaient une vie
nomade, et leur passion pour les liqueurs fortes causa de si grands
ravages parmi eux que le temps n'est, peut-être pas très éloigné où
cette race ne sera plus qu'un souvenir historique. Vivant le long
des bords des rivières et des criques, dans de simples cabanes
couvertes de feuillage (feuilles de counana, de ouaïe), ils possédaient
peu de meubles; une banquette appelée « malouë », quelques pots
et cruches en terre, quelques pagaras, couleuvres, manaris (sept) en
arrouman tressé, et une grosse pierre pour faire cuire le pain de
cassave, c'était la tout leur mobilier. Comme armes, ils avaient la
flèche et l'arc et, en temps de guerre, ils employaient, en outre,
une massue appelée apoetoe. Leurs principales occupations consis-
taient en la chasse et la pêche ; ayant l'oreille subtile et l'odorat
fin, ils imitaient le cri du gibier pour l'attraper. L'agriculture se
bornait, chez eux, au strict nécessaire ; la cassave et les ignames
en étaient les principaux produits. Avec la racine du manioc, ils
faisaient le pain de cassave et préparaient une sorte de boisson,
tapana, nommée également sakoera. Leur costume était simple :
seulement un kalimbé, kwejoe, couvrait une partie du corps. En
temps de repos, ils se tenaient, le plus souvent, couchés dans des
hamacs, tressés parleurs femmes avec les fibres des feuilles du pal-
mier de Maurice.
Ils croyaient à un Tout Puissant et a de bons et de mauvais
génies. Leurs prêtres, piaïmans, possédaient l'art de conjurer le Ya-
wahu ou démon, à qui ils attribuaient tout ce qui arrivait de fâ-
cheux. Les piaïmans étaient les maîtres des maladies et, par ce
moyen, exerçaient beaucoup d'influence sur les villages.
Parmi les descendants de ces Peaux Rouges, les pacifiques
Arowakke et Warrow ont été, à proprement parler, les premiers
habitants de Surinam. Ce n'est que plus tard que les belliqueux
Caraïbes vinrent aussi s'y établir. Rusés de nature, ils prirent très
vite un certain ascendant sur les autres tribus. Les unes et les au-
tres habitent encore dans de petits établissements sur les bords de
plusieurs rivières (Coppename, Maratakka, Boven-Suriname, Para);
aux rivières Lawa et Paloemeur, on trouve
des villages d'Indiens
Trio, Oejakoelé et Roucou.
§
— L'histoire de Surinam ne remonte pas à une haute an-
tiquité. Vers la tin du 15ème siècle,
vivait on Europe un navi-
gateur nommé Christophe Colomb, natif de Cènes, ville d'Italie.
Convaincu de la forme sphérique de la terre, il conçut le plan de
-parvenir aux Indes en suivant une direction occidentale. Il n'avait
cependant pas d'argent pour mettre ce projet a exécution. Pour

— 3 —
une telle expédition, il n'était pas non plus facile de s'en procurer,
car personne à cette époque ne croyait a la rotondité de la terre.
Après avoir vainement sollicité l'aide de plusieurs princes eu-
ropéens, il réussit finalement à obtenir l'assistance du roi d'Espa-
gne, Ferdinand d'Aragon, et de son épouse, Isabelle, reine de
Castille. Ils mirent à sa disposition trois petits navires, le Nina,
le Pinta et le Santa-Maria et l'argent nécessaire pour engager des
matelots. Avec cette petite flotte, Colomb se mit en route le 3
Août 1492 de Palos, pert situé au S. 0. de l'Espagne.
Cette expédition lut pour Colomb pleine de dangers; il réus-
sit pourtant, après .33 jours de voyage, à découvrir la terre le
11 octobre 1492. A cette terre, une
île,
(nommée Cuanahani
par les Indigènes), il donna le nom deSan Salvador ou Saint-
Sauveur.
Sur cette île comme sur
les autres terres découvertes,
il
trouva des hommes rouge brun qu'il désigna sous le nom d'In-
diens, persuadé qu'il était d'être arrivé aux Indes.
Après avoir entrepris quelques voyages au Nouveau Monde
Colomb mourut en Espagne. Sur une modeste
tombe, placée
dans la Cathédrale de Seville, ou trouve l'inscription : '
A Castilla y Aragon
Otro Mundo Dio Colon
Ce qui signifie: à la Castille et à
l'Aragon
Colomb donna
un autre monde.
Le Nouveau Monde reçut plus tard le nom d'Amérique d'un
certain Espagnol, Américus Vespucci, qui en lit une carte assez
exacte.
§ 4. — Après la découverte
de l'Amérique,
il
s'écoula
beaucoup d'années avant que Surinam n'eut une population fixe.
Alors que la Hollande était déjà parvenue à un
haut degré de
civilisation et de développement, les forêts épaisses, presqu'im-
pénétrables de la Wilde Kust, ainsi qu'on
appelait autrefois
la
Guyane, étaient seulement peuplées de sauvages, les Peaux Rouges,
vivant à l'état de nature.
Ce qui est noté au 17e et 18e et dans la première moitié du
19é siècle forme une suite ininterrompue d'horreurs et de trou-
bles. Les esclaves étaient exposés aux mauvais traitements les plus
redoutables et beaucoup périrent, autant par suite des ces sévi-
ces que par le travail éxcessif auquel ils étaient assujettis.
Ce n'est qu'en 1863, par l'abolition de l'esclavage, qu'une fin
fut décidément mise à cette barbarie qui déshonore l'humanité.
La secousse causée par l'Emancipation des esclaves entraîna
Surinam à deux doigts de la ruine, plusieurs plantations florissan-
tes ayant dû être, par manque de bras, abandonnées ou détruites.
On ressent, même encore de nos jours, le contre-coup de cette ré-
forme radicale ; toutefois on est obligé de reconnaître
que, soit
par l'interdiction de la traite des nègres que l'on doit aux nobles
efforts d'un Wilberforce, soit par l'abolition de l'esclavage dont le

— 4

mérite revient au père de la respectée Reine Whilhelmina (1), le
Gouvernement hollandais a fait son devoir, un devoir dont l'ac-
complissement pouvait être difficilement ajourné plus longtemps
dans ce siècle de civilisation qu'a été le XIXe siècle.
L'histoire de Surinam peut raisonnablement être partagée en
quatre périodes comme suit :
Première période — De la découverte de l'Amérique à la paix
de Bréda — (1492-1667).
Deuxième période
De la paix de Rréda à la paix d'Amiens
— (1667-1802).
Troisième période — De la paix d'Amiens à l'Emancipation
des Esclaves — (1802-1863).
Quatrième période — De l'Emancipation des esclaves en 1803
jusqu'à nos jours.
(1) Whilhelmina, fille de Guillaume IIIt reine de Hollande depuis

PREMIERE PERIODE
De la découverte de l'Amérique à la paix de Bréda 1492-1667
II. — Les plus anciens établissements et les
premiers colon.
§5. — Après la découverte de l'Amérique, le désir fut excité
chez bien des gens en Europe de faire des voyages d'exploration.
Différentes expéditions eurent lieu qui permirent de découvrir
beaucoup de terres inconnues. La première fut entreprise en 149!)
par deux des plus habiles marins de cette époque, Alonzo Ajeda
et Juan de la Cosa, commandants en second d'Américus Vespucci.
Us atteignirent la côte nord-est de l'Amérique du Sud,
laquelle
était en grande partie inculte et était, ainsi que nous le savons,
habitée par des Indiens sauvages ; c'est pourquoi ils donnèrent à
toute la région appelée Guyana par les
Indigènes
le nom de
Wilde Kust (côte sauvage).' Alonzo Ojedo et Juan de la Cosa
sont considérés comme les découvreurs de cette partie de l'Amé-
rique.
En 1500, la même année où Cabral découvrit le Brésil, Vin-
cent Juan Pinçon, qui avait accompagné Colomb à son premier
voyage (1492-149.3), réussit à découvrir le fleuve Amazone et la
partie orientale de la Guyane ; cependant le premier qui atterrit à
Surinam fut Dominique de Vera en 1599 (1)
Bientôt se répandit le bruit qu'une partie de la Guyane, qu'on
venait à peine de découvrir, était si riche en or que les habitants
île cette contrée demeuraient dans des maisons dorées
et que le
sable d'un de ses lacs nommé Parima était composé principale-
ment de poudre d'or et de pierres précieuses. Cette
partie de
la Guyane si renommée pour sa richesse fut désignée sous le
nom d'Et Dorado. Suivant une légende indienne, il devait demeu-
rer quelque part dans la région un roi qui était habitué chaque
matin à se peindre avec de la poudre d'or, et qui, pour cela, fut
surnommé le « Roi doré. » C'est à ce récit qu'au dire de quelques
écrivains, le nom d'El Dorado doit son origine.
Des milliers d'aventuriers, pour la plupart Espagnols et Por-
tugais, traversèrent la Guyane
à la recherche du fameux El
Dorado et du chimérique Parima. L'Espagne croyait tellement à
l'existence de cet Eldorado qu'en 1593, avec
beaucoup de peine
et à grands frais, elle fit prendre, par Domingo de Vera, posses-
sion de la Guyane. Cela se fit avec beaucoup de solennité et fut
accompagné d'une grande ostentation. Devant une croix tournée
vers l'est, commandant et soldats s'agenouillèrent et adressèrent
au ciel une prière en action de grâces.
Domingo de Vera
but
(1) Selon de vieux journaux de Zélande, déjà depuis 1581 de petits établis-
sements de Zélandais existaient en cet endroit et, par décret des Etats Géné-
raux des 10 et 14 Juin et des 7 et 22 Juillet 1568, le droit aurait été accordé
aux Zélandais de faire le commerce sur et le long des côtes de la Guyane,
entre l'Orénoque et le Maroni.


— 6 —
ensuite une pleine tasse d'eau et arrosa la terre aussi loin que
possible avec le contenu d'une seconde tasse. Puis, avec son épée,
il coupa l'herbe dont était couverte la terre sur laquelle il se trou-
vait, sous cette exclamation « Au nom de Dieu, je prends posses-
sion de cotte terre pour sa Majesté Don Philippe, notre souverain
légitime. »
La Guyane a donc été tout d'abord réellement une possession
espagnole. Pourtant les Espagnols ne s'y sont, pas établis à demeu-
re. Dans la partie qui est appelée maintenant Surinam, il n'y a-
vait pas, même au commencement du 17ème siècle, d'habitants
européens.
§ 6. — Si des milliers d'hommes trouvèrent la mort dans les
régions sauvages de l'Amérique, l'espoir de découvrir « le pays
de l'or » ne fut cependant pas abandonné. Certes, beaucoup y pé-
rirent misérablement, mais d'autres aventuriers ne se laissèrent
pas rebuter pour cela ; leur soif de l'or était malgré tout plus
grande que la crainte de trouver la mort dans ces marécageuses fo-
rêts vierges.
Le but de ces expéditions périlleuses ne fut cependant pas
atteint. Toutefois, elles eurent ce résultat que beaucoup de ré-
gions, qui autrement seraient restées inconnues, furent alors dé-
couvertes et parcourues dans tous les sens.
Une autre conséquence importante de la recherche infructueuse
de l'Eldorado est également l'introduction des esclaves d'Afrique.
Les Indiens, ayant été contraints par les Espagnols de les accom-
pagner dans leurs courses vagabondes, avaient été vite surmenés
par Jours nouveaux maitres, et, comme hommes libres, se rési-
gnaient difficilement à l'état d'esclavage dans lequel ils étaient
tout à coup plongés. L'une et l'autre cause eurent pour résultat
de les faire mourir en grand nombre. Apitoyé sur leur misérable
condition, Las Casas, prêtre catholique romain qui avait accom-
pagné Colomb a son deuxième voyage en Amérique (1493-1496),
donna à ses compatriotes le conseil d'introduire, d'Afrique de pré-
férence, une plus forte race que l'indienne. Ce conseil fut suivi et
ainsi prit naissance l'abominable traite des nègres.
Quant au moment où les premiers Africains furent transportés
à Surinam, il est difficile de.le dire avec certitude ; mais ce qui
est sur, c'est qu'un grand nombre d'esclaves y étaient déjà intro-
duits avant que ce pays ne devînt une possession de la Hollande.
Les nègres amenés à Surinam, hommes fortement constitués
et trempés au regard de toutes fatigues, provenaient de Saint Geor-
ge del Mina, sur la côte de Guinée, conquise pour la Hollande, com-
me le Brésil, par le valeureux Mauvits de Nassau.
Les nègres,
enlevés de l'intérieur du pays, étaient conduits sur la côte
et
échangés par les acheteurs d'esclaves contre un peu de quincail-
lerie, de poudre, de coquilles de Cauris, etc.. Ce que les malheu-
reux eurent à supporter dans le voyage vers leur nouvelle patrie
surpasse toute description. Dans les sales navires d'esclaves, quel-
quefois 600 de ces malheureux étaient entassés côte à côte. L'air
corrompu qu'ils devaient respirer causait fréquemment des mala-
dies contagieuses dont beaucoup mouraient. Ceux qui étaient enco-

— 7 —
re vivants arrivaient à Paramaribo pour être vendus aux enchè-
res. Souvent, les hommes étaient séparés de leurs femmes, les
mères de leurs enfants.
Quand le marché était terminé, le nouveau propriétaire faisait
marquer d'un fer rouge ses initiales sur la poitrine ou le bras de
sa propriété.
La plupart des esclaves étaient conduits sur les plantations
ou, moyennant une mauvaise nourriture, ils devaient faire un tra-
vail excessif.
§ 7. — Le premier établissement d'Européens à Surinam eut
lieu en 1630. En cette année, le capitaine anglais Marshall, ac-
compagne d'une soixantaine de ses compatriotes, s'établit
sur
la rivière de Surinam.
A l'endroit où se trouve maintenant la plantation Waterland,
ils fondèrent un village, nommé Thororica ou Santo Bridge, y cons-
truisirent un petit, fort afin de pouvoir se défendre contre les in-
cursions des Indiens et commencèrent bientôt à
s'appliquer à la
culture du tabac. Dans l'année, ils en expédièrent quelques mil-
liers de livres en Angleterre.
Près de la crique Siparipabo qui se jette dans la rivière de
Surinam fut établi un hameau Sandpoint ou Zandpunt, où les na-
vires allaient se placer après avoir jeté l'ancre. Lorsque David Piè-
terse de Vries,
chassé en 1634 de Cayenne par les Indiens Galibis,
avec un certain nombre de Hollandais, poussa jusqu'à la rivière de
Surinam et alla s'établir à la rivière Commewijne, il trouva le Ca-
pitaine Marshall, occupé à planter du tabac. On ne sait pas ce qu'il
est advenu de l'établissement du capitaine; il a dû vraisemblable-
ment l'abandonner pour une raison on pour une autre.
Quelques
années plus tard,
en 1640, 66 Français con-
duits par Poncet de Brétigny et de Noailly, vinrent dans la Colonie,
construisirent sur la rivière de Surinam un blockhaus ou fortin nom-
mé plus tard Zélandia, et vécurent amicalement avec les Indiens,
ils ne restèrent pas longtemps, car ils furent, aussi bien par les ma-
ladies que par les incursions des Indiens, obligés bientôt d'aban-
donner la Colonie.
Après le départ de ces colons, les Indiens respirérent et se
réjouirent à nouveau dans la possession paisible du pays. Mais cette
joie devait être de courte durée.
A l'époque où les Anglais firent la révolution qui coûta la vie
et la couronne à Charles 1er (1649) et sous le protectorat de
Cromwell (1653-1658), il se produisit en Angleterre un grand cou-
rant en vue d'établir des colonies en Amérique.
En 1650, Lord Willoughby, comte de Parham, qui avait en-
tendu parler de la fertilité et de la richesse de Surinam, arma un
navire à ses frais, et le dirigea vers la côte de la Guyane, Ce
navire atteignit Surinam, et l'équipage, accueilli amicalement parle»
Indiens, se fixa en cet endroit.|

— 8 —
Et cet endroit, qui avait été précédemment bâti par les Fran-
çais et que les Anglais agrandirent alors, reçut de Lord Parham le
nom de
Paramaribo (1)
En 1652, Parham vint en personne à Surinam. Par la parole
et par l'action, il contribua au développement de la nouvelle colo-
nie; il y séjourna cependant très peu, car, désigné alors comme

Gouverneur général des Antilles anglaises, il partit bientôt pour la
Barbade, après avoir confié au major Ruff l'administration de la

Colonie. Le petit fortin, construit par les Français et abandonne
par de Noailly, fut restauré et agrandi, et on y plaça quelques ca-
nons pour se défendre, le cas échéant, contre les irruptions des
Indiens.

Parham envoya en 1652 trois autres navires avec plusieurs fa-
milles anglaises, parmi
lesquelles beaucoup de Juifs, largement
pourvues de tout ce dont elles avaient besoin pour s'établir à demeu-
re dans le pays,

Le long des deux bords du Suniname, dans le voisinage du fort
et à la rivière de Para, à l'endroit où celle-ci tombe dans le Suri-
name, environ 50 plantations lurent établies par les Anglais, qui

y plantèrent surtout de la canne à sucre. Un nouvel essai, qui
d'ailleurs ne réussit pas, fut également fait avec la culture du ta-

bac.
En 1654, beaucoup de Français, attaqués par les Indiens Ga-
libis, partirent de Cayenne conduits par de Braglione et Du Pl asis,
et vinrent s'installer à Surinam comme cultivateurs. Aussi après
quelques années, Paramaribo s'était accru en étendue et en 1665,
on y comptait déjà une quarantaine de petites maisons.

, § — 8. Parham était le plus puissant des colons; il comprit
que pour bien assurer ses droits sur la terre qu'il avait découverte,
il lui fallait un titré émanant d'un prince. A cette fin, il s'adressa à
Charles II, roi d'Angleterre , qui, par décision du 2 juillet 1662,
lui accorda ainsi qu'a Laurens

Hide,
fils du grand chancelier,
comte de Clarendon, en pleine propriété et possession héréditaire,
tout le pays situé entre le Maroni et le Coppename, et leur promit
en outre sa protection
Après la réception du titre de concession Parham organisa
l'Administration et nomma Gouverneur William Biam auprès du
quel, pour l'assister, il plaça un conseil municipal; en même temps
il décida que les lois anglaises
auraient force et vigueur dans la
Colonie.
,
En 1664, la population fut considérablement augmentée par
beaucoup de Juifs qui, sous la direction de David NASSY. vinrent
de Cayenne à Surinam. Ils furent par Willoutfby mis en tout sur
le même pied que les Anglais et purent librement pratiquer leur
religion.

A cette époque, les Juifs avaient dans beaucoup de pays de
la peine à se tirer d'embarras. De l'Espagne et du Portugal où, à
(1}D'après M. Bueno Bibaz, Paramaribo emprunte vraisemblablement son
nom aux Caraibes qui avaient en cet endroit un petit village qu'ils
nommaient
Parimorbo

— 9 —
l'époque de la domination «les Maures, ils étaient parvenus à une
grande splendeur, ilsétaient* expulsés au nombre de 800.000
Encore qu'ils eurent en Italie la protection des Papes Alexan-
dre VI (1492-1503). Paul IV (1555 1559), Sixte V (1585-1500),
beaucoup allèrent
s'établir au Brésil, qui venait d'être découvert
Tout d'abord, ils n'y furent pourtant pas à l'abri de cruelles
persécutions; niais quand, pour une grande partie, le Brésil eut êté
conquis par les Hollandais et que le vaillant Johnn Maurits de Nas-
sau
y eut été nommé comme Gouverneur (1630 - 1644), un âge
d'or commença pour eux. Ils parvinrent à une si grande prospéri-
té que, lors du départ de ce Gouverneur, ils étaient assez riches
pour acquérir à un prix considérable le splendide palais qu'il avait
fait construire et pour y installer une synagogue.
Après le départ de Maurits de Nassau les affaires des Hollan-:
dais au Brésil empirèrent tellement qu'ils durent à la paix de la
Haye (1661), rétrocéder tout le pays au Portugal pour huit mil-
lions de florins. •
Les Portugais rendirent alors la situation si difficile aux Juifs
qu'en 1664, sous la direction de David Nassy, ils quittèrent le
Brésil et vinrent en grande partie s'établir à Cayenne.
Ce pays appartenait à la France depuis 1624, mais en 1657
les Hollandais en avaient pris possession et s'y étaient établis
sous les ordres de Gerrit Spranger.
En 1664, ils en furent cependant chassés à leur tour par les
Français commandés par l'officier
de
marine De la Barre. Ils
partirent alors pour Surinam où ils furent accueillis
avec joie
par Willoughby; car, soit par leur connaissance de l'agriculture
soit par leur richesse, ils pouvaient être d'une grande utilité
pour la Colonie. Le nombre des habitants s'éleva par ce moyen
à 4(XX). Cette foule
de nouveaux colons et les trésors apportés
par eux de Cayenne jetèrent les fondements de la prospérité ul-
térieure de Surinam.
Les Indiens n'étaient plus ainsi
les maîtres du pays. Ils fu-
rent refoulés à l'intérieur, et firent seulement de temps en temps
une faible tentative pour chasser les occupants étrangers. Finale-
ment, ils se réconcilièrent avec les (Européens de qui, hélas ! ils
devaient malheureusement apprendre l'usage de l'alcool.
III. — L'arrivée des Zélandais sous Abraham
Crynssen
9. — Parham ne demeura pas ..longtemps dans la
conces-
sion qui venait de lui être accordée. En 1665, la guerre, con-
nue sous le nom de
« Deuxième guerre anglaise » et qui ne
fut pas de médiocre importance, éclata entre': l'Angleterre et les
Provinces unies de Hollande.

— 10 —
Lors de cette guerre, les
Etats de Zélande équipèrent huit
grands et quelques petits vaisseaux de guerre, armés de
300
hommes, placés sous les ordres des Capitaines Julius Licktemberg
' et M urits de Rama afin de porter préjudice
aux Anglais éga-
lement dans les eaux américaines.
En décembre 1606, cette es-
cadre prit la mer sous le commandement de l'Amiral Abraham
Crijnssen ou Krijnssen et du
vice amiral Cullewaert et, le 28 fé-
vrier 1667, mettait le
cap sur la rivière de Suriname. De son
escadre, Crijnssen dirigea une
forte canonnade
contre le fort,
lequel opposa une grande résistance, si bien qu'il fut obligé de
faire semblant de déguerpir. Mais en secret il débarqua incon-
tinent ses hommes, attaqua le fort à
l'improviste du coté de la
terre et s'en empara d'assaut.
Crijnssen devint alors maître de la Colonie. Immédiatement
il ordonna l'emprisonnement du Gouverneur Biam et de la gar-
nison anglaise. Il rassura les habitants en leur déclarant qu'ils
continueraient à jouir des privilèges
accordés par les Anglais.
Les biens des habitants favorables à ces derniers ainsi que ceux
du Gouverneur Biam furent cependant confisqués. Le butin ainsi
fait par les Zélandais s'éleva à plus de 40 000 florins.
Crijnssen organisa ensuite l'administration, renforça le fort,
nommé par lui Zéélandia, avec 120 hommes et — quelques pièces
de canon, nomma le capitaine Maurits de Rama commandant en
chef de Paramaribo et sortit à nouveau du port avec son esca-
dre.
La paix de Brida mit fin le 31 juillet 1667 à la guerre entre
l'Angleterre et la Hollande.
Il fut
stipulé entre les parties con-
tractantes que chacune des parties belligérantes conserverait les
conquêtes faites antérieurement ou jusqu'au
10 mai 1667. En
vertu de cette clause, l'Angleterre acquit la possession de la Nou-
velle Hollande (Australie) et la Hollande celle de Surinam.

DEUXIEME PERIODE
Pe la raix de Bréda à la paix d'Amiens 1667-1802
IV. —Surinam, propriété de la Compagnie
des Indes Occidentales.
10.— La perte de
la colonie fut pour Parham un coup
sensible. Feignanl d'ignorer la conclusion de la paix, et peut-être
aussi pour se venger,
il envoya
une flotte,
sous le com-
mandement du capitaine Jonhn Hermans et de son fils Willoughby,
reconquérir Surinam. Après avoir pris Cayenne sur les Français,
le capitaine Hermans apparut le 18 octobre 1667 devant le fort
ZE- andia avec sept navires de guerre. Malgré la défenre héroïque
des soldats zélandais, assistés par 150 Français, sous les ordres
du vaillant chevalier e lazy, lesquels, après la prise de Cayenne
par Hermans s'étaient réfugiés à Surinam, le fort fut bientôt pris,
Après qu'Hermans eut causé beaucoup de dommages aux
habitants par la destruction de leurs moulins et le pillage de
leurs plantations, i! partit pour la Barbade où il débarqua le com-
mandant Maurits de Rama et beaucoup d'autres prisonniers.
Quoique lord Willoughbty, gouverneur de la Barbade, sût fort
bien que la paix était faite, il laissa pourtant transporter les
prisonniers à la Martinique. Puis, pour compromettre l'avenir de
Surinam, il envoya à Paramaribo son fils Henry afin d'engager
les Anglais oui y étaient installés à quitter la Colonie. Il en résul-
ta que plus de 1200 personnes, parmi
lesquelles les familles jui-
ves qui étaient venues à Surinam avec Willoughby, partirent pour
la Jamaïque et Mont-Serrat. C'est à ces laborieux juifs que la
Jamaïque a dû en grande partie sa prospérité ultérieure.
Le préjudice porté à la Colonie par Henry Willonghby fut
très grand. Non seulement il priva ainsi le pays d'une partie de
sa population, mais il laissa aussi transporter à la Barbade beau-
coup d'esclaves, de bestiaux et de sucre.
Dénoncé par les Etats Généraux de Hollande pour cette rup-
ture inouïe de la paix, Parham fut par Charles II roi d'Angleterre
mis en demeure de remettre en libellé le Gouverneur et la garni-
son zélandaise qu'il tenait prisonniers, de réparer le dommage
causé et de faire quitter sans délai la colonie par son fils.
11. Surinam ne se releva pas vite du coup que lui avait
porté Willoughby.
Le manque
de main-d'œuvre se tit grande-
ment sentir et dans la population qui était plus favorable aux
Anglais qu'aux Hollandais, il se produisit un esprit de méconten-
tement qui mit obstacle à tout progrès. En outre, Il y eut enco-
re le différend qui surgit entre la Zélande et les Etats Généraux
relativement au droit de propriété de la Colonie. Comme Surinam
avait été conquis par le commandeur zélandais Crijnsien, la Zé-
lande revendiqua l'autorité
sur la Colonie, changea le nom de
Paramaribo en celui de Nievv Middelburg et en février 1669 y

— 12 —
nomma Filip Julius Lic h enberg
comme Gouverneur. Les Etats
Généraux jugèrent au contraire que la conquête de Surinam avait
été faite à leurs fi ais et . que, dès lors, la souveraineté devait leur
revenir. Ce différend fut heureusement arrangé et Lichtemberg put,
enfin,prendre possession du gouvernement de la Colonie(1669-1671)
Pendant ses deux années d'administration, les oppositions des
habitants, qui auraient mieux aimé continuer à vivre sous l'auto-
rité préférée de l'Angleterre,
lui causèrent beaucoup de peine.
Il ne put réussir non plus à réduire les Indiens qui, par leurs
invasions, commençaient à inquiéter la colonie.
Lichtemberg retourna en
Hollande en 1671, laissant le gou_
vernement à Pieter Versterre, lequel à son tour le passa en 1667
au conseiller de police
Abel
Thisso qui ne resta lui-même que
quelques mois à la tète de l'administration.
Le 22 décembre de la même année, le capitaine Adrienssen,
sous le titre de capitaine commandant de la province de Surinam
prit en mains le pouvoir jusqu'à l'arrivée de Johau Heinzius.
12. A la paix de Westminster (1674) qui mit un terme à
la troisième Guerre Anglaise, la Hollande fut
affermie dans la
pleine possession de Surinam. L'Angleterre stipula cependant
dans le traité qu'il serait loisible aux habitants de partir avec leurs
esclaves. De cette latitude ne firent
usage que seulement quel-
ques familles juives, au plus environ 300 personnes.
En décembre 1668, le gouverneur Johannès Heinzius (1678-
1680) entra officiellement en fonctions. Comme secrétaire de la
cour de justice au Brésil, il s'était favorablement distingué, et une
bonne réputation l'avait précédé dans la Colonie. On fondait donc
sur lui de grandes espérances; cependant il ne réussit point à ap-
porter d'amélioration à la situation lamentable
dans laquelle se
trouvait Surinam. Aussi, lorsqu'on Avril 1680 survint sa mort à
Paramaribo, cette perte
ne fut grandement regrettée ni par la
population de la colonie ni par le Gouvernement hollandais.
Sous son gouvernement, les incursions des Indiens avaient
pris une extension si grande que, sur ses instances réitérées , la
Zélande se décida à envoyer l50 hommes dans la Colonie. Ils n'y
tirent cependant pas grand chose, car, déjà en 1682, ils s'en re-
tournaient dans la métropole.
Quoiqu'il en soit,
comme
l'administration de la colonie, au
lieu d'avantages, ne procurait à la Zélande que des difficultés et
des frais, elle vendit le 6 juin 1682, ses droits sur cette région à
la Compagnie des Indes Occidentales pour 260.000 florins. Les Etats
Généraux estimèrent bonne cette cession et accordèrent aux nou-
veaux propriétaires un privilège de dix ans.
Mais la Compagnie des Indes Occidentales était déjà depuis
longtemps en décadence; elle ne put pas faire face aux dépenses
engagées en vue d'améliorer la situation de la Colonie. Aussi,
dès le 25 mai 1683, elle revendait un tiers de sa nouvelle conces-
sion à la ville d'Amsterdam et un tiers à Cornélis van Aerssen van
Sommelsdijck,
qui prit l'engagement de partir lui-même à Surinam

— 13 —
comme gouverneur. Ces trois participants formèrent ainsi une
nouvelle compagnie qui prit le nom de Société concessionnaire de
Surinam.
La,souveraineté continuait à appartenir aux: Etats Généraux,
mais la Compagnie
des Indes Occidentales était obligée d'y im-
porter annuellement un nombre déterminé d'esclaves.
Le privilège précédemment accordé à cette compagnie de-
meura
en vigueur et passa à la société concessionnaire. Dans cet
acte était définie la manière d'administrer la colonie et réglé ses
rapports avec la métropole. Il peut donc être considéré comme la
charte fondamentale ou le règlement organique de Surinam. En
vertu de ce privilège, la Société avait le droit de lever des impôts;
trois de ces impôts : la capitation, les droits d'entrée et de sortie
et les droits sur les ventes publiques revenaient à la Société à la
charge, par elle, de pourvoir aux moyens de défense de la colonie
et à l'entretien de la garnison. Le produit des autres impôts devait
servir au maintien en bon état des différents bâtiments du Gouver-
nement.
V. — Le Gouvernement de Cornelis van Aerssen
van Sommelsdijck (1683-1688) et les
invnsionsdes Français
13. — Sommelsdijrk arriva à Paramaribo le 24 novembre 1683
par le navire « .Jonge Pieter » (Jeune ou Petit Pierre). La situation
de Surinam était alors loin d'être tout en rose. Par le départ des
colons anglais beaucoup de plantations étaient délaissées. Le dé-
règlement des planteurs,
les mauvais traitements des esclaves,
les incursions des Indiens, les querelies
intestines entre les ha-
bitants entravaient extrêmement le développement de cette colo-
nie si richement dotée par la nature.
Né d'une famille riche et respectable - un de ses ancêtres fut
pendant longtemps ambassadeur des Provinces-Unies à la cour
d'Henrii IV et de Louis XIV,— Cornelis Aerssen van SoMmelsdijck
élevé à la cour du stathouder Guillaume II, tut le compagne:: de
l' « Enfant d'Etat » qui fut plus tard
le si célèbre
stathouder
Guilluame III. Comme colonel d'un régiment de cavalerie,
il aida
en 1672 à défendre son sol natal de l'invasion des Français.
Généreux et chevaleresque de nature, il joignait â la piété
une grande tolérance
religieuse, et était même aussi charitable
que juste. Il est dommage que, par son caractère emporté et une
certaine
brusquerie, il se soit aliéné bien des gens et que, par
une trop grande sévérité, il se soit fait beaucoup d'ennemis.
A dater de son arrivée commença une nouvelle ère pour la
colonie, et, d'une main Sûre, fut par lui posé le fondement de sa
prospérité et de son bien-être ultérieurs.
Paramaribo était alors un grand hameau d'une soixantaine
de maisons irrégulières et mal bâties. La plupart des colons de-
meuraient sur les plantations et c'est là que se trouvaient les plus

— 14 —
magnifiques logements. Vite Sommelsdijck s'appliqua à améliorer
la situation. Selon un plan régulier, il
fit construire de larges
l ues et, en peu de temps, Paramaribo était transformé en une élé-
gante petite ville.
Il y a certainement peu
de gouverneurs de Surinam qui
puissent se glorifier d'avoir embrassé d'une vue aussi large la si-
tuation de la Colonie et d'avoir pris des mesures aussi décisives
pour en déraciner les abus, que le chevaleresque de Sommelsdijck
Et cela ressort de toute évidence de ce qu'il a fait durant ses cinq
années de gouvernement.
Il institua un tribunal : Conseil de Justice criminelle et de Po-
tice. Ce conseil était composé des habitants les plus notables, choi-
sis par les citoyens libres qui possédaient des biens certains il
créa également une chambre des successions et tutelles, établisse-
ment pour l'administration des successions dont les
bénéficiaires
étaient absents ou
mineurs. Cet établissement a duré plus de
deux siècles et n'a été supprimé que lors de la mise en vigueur
de la nouvelle législation de 1807. Par de sages réglements il
s'opposa autant que possible aux mauvais traitements dont étaient
l'objet les malheureux esclaves.
A la tête d'une petite force militaire, il se mit en marche
contre les Indiens qui attaquaient
les plantations et contraignit
les trois principales tribus, les Caraibes. les Arrowaks et les War-
rows à conclure avec lui un traité d'amitié. Il les reconnut alors
comme gens libres et aucun colon ne devait plus, à l'avenir, pren-
dre un Indien comme prisonnier ou en faire son esclave. Il fit éga-
lement la paix avec les négres boschs du Coppename, lesquels
étaient les descendants des esclaves qui, déjà sous les Anglais,
avaient abandonné les plantations et s'étaient enfuis dans les Dois.
Par les soldats qui, avant son arrivée, menaient une existen-
ce paresseuse et déréglée, il lit excuter beaucoup de travaux utiles
Ainsi il construisit le fort Sommelsdijck au confluent du Comme-
wijne et du Cottica. Il prit également des mesures pour la sûreté
«le Paramaribo et mit Zeelandia en bon état de défense.
Une petite crique existait par où se déversait l'excès d'eau
provenant des fortes pluies; il fut approfondi, élargi et prolongé
et reçut le nom de crique Sommelsdijck.
14.Pendant le Gouvernement de van Sommelsdijck, beau-
coup de
Français expatriés ou émigrés après la révocation de
l'Edit de Nantes (1685), fuyant leur pays natal, vinrent s'établir
à Surinam. Parmi ces émigrés, on trouvait
d'excellents ouvriers
charpentiers ou forgerons et de robustes cultivateurs. Sommelsdi-
jck qui, lui-même, était marié à une dame française issue d'une
noble famille, et comptait beaucoup d'amis
parmi les Français
protestants, accueillit favorablement les expatriés et leur donna
de la terre pour travailler. De ces Français beaucoup ne tardè-
rent pas, dans le commerce ou
l'agriculture, à parvenir à une
grande prospérité. Beaucoup des plantations portant des noms
français datent de cette époque. Même des emplois importants

— 15
furent occupés avec zèle et compétence par quelques uns d'en-
tr'eux. Les Gouverneurs Jean Coutier, Henry et Jacob de Chenues
sont les descendants de ces réfugiés.
Conciliant comme il était, van Sommelsdijck donna aux Juifs
la permission de fonder, sur
la rive droite du fleuve Suriname
sur un terrain situé à dix milles environ de Paramaribo que leur
avait donné leur coreligionnaire
Samuel Cohen Nassy, un grand
village qui reçut le nom de Savane des Juifs. Bientôt tous les is-
raélites habitant la région s'y établirent,
abondonnant ainsi le
village qu'ils avaient fondé en 1644 à l'embouchure de la crique
Cassepoer. Le nouveau village était régulièrement bâti, avait des
rues grandes et propres et de jolies et spacieuses maisons. Au
centre, y brillait une élégante synagogue.
La Savane des Juifs arriva vite à une grande prospérité. En.
1700, l'établissement comptait au delà de 500 âmes. Les Israéli-
tes y jouissaient de beaucoup de libertés, ils avaient leur justice
propre, tant au civil qu'au criminel, et leur tribunal pouvait infli-
ger des amendes jusqu'à 500 florins.
Leurs consistoires furent même jusqu'au commencement du
19ème siècle considérés comme leurs administrateurs légitimes. Ce
n'est que par le réglement organique entré en vigueur en 1825
qu'ils perdirent tous ces privileges.
En 1785, ils célébrèrent le jubile de la fondation de la Syna-
gogue avec une grande solennité; en dehors d'eux, plus de 1500
habitants, parmi lesquels le gouverneur Wichers, étaient présents.
Après cette époque, le village déclina petit à petit, par suite de
différentes circonstances. A cela s'ajouta aussi un incendie dû à la
malveillance qui, en 1832, détruisit la plus grande partie des mai-
sons. La plupart des habitants partirent alors pour le chef-lieu. Et
peu à peu le tout fut abondonné, de sorte que de ce qui fut un
jour un si beau village, où les Juifs tinrent leurs réunions religieu-
ses et étalèrent tant de luxe, il n'existe maintenant que des rui-
nes et des tombeaux.
Comme calviniste, le gouverneur van Sommelsdijck exigeait
que le repos dominical fût observé, mais il eut contre lui les Juifs
qui, à ce sujet, prétendirent être lèsés dans leurs privilèges, les
Anglais, du temps de leur domination, leur ayant permis de tra-
vailler et de voyager les dimanches avec leurs esclaves. (Test dire
que la création du Conseil de justie criminalle et de Police, ins-
titué précisément pour mettre un terme à la répétition impunie
de ces délits, ne fut guère agréable à beaucoup de maîtres d'es-
claves.
15. — Cependant, malgré tout le bien accompli par van Som-
melsdijck, il eut tout de même beaucoup d'ennemis parmi les ha-
bitants, et le mécontentement contre son administration fut si grand
ou'à plusieurs reprises
des plaintes parvinrent contre lui auprès
des Directeurs de la Société Concessionnaire. De toutes ces ac-
cusations, le gouverneur sut convenablement se défendre. Le récit
qui va suivre permet toutefois de se rendre compte combien l'in-
tolérance était grande à cette époque et combien les accusations
étaient parfois facilement émises.

—16 —
Une des nombreuses accusations dont il eut à se défendre
portait qu'il avait toléré dans la colonie des ecclésiastiques papis-
tes, par lesquels beaucoup de colons avaient été amenés à em-

brasser la religion catholique. Comme,
d'après les Etats de Zé-
lande, ce fait était contraire à une des clauses stipulées lors de la
cession de la colonie, van Sommelsdijck fut blâmé. Et, en outre,
comme, d'après l'opinion des Etats, toute la colonie était en péril
par l'admission des écclésiastiques papistes, ils exigèrent que ces
prêtres fussent renvoyés en Hollande. Vau Sommeltdijck lit déter-
rer les corps des prêtres qui étaient morts peu après leur arrivée
dans la colonie, et expédia leurs ossements en Zélande, en. faisant
savoir aux Directeurs de la Société Concessionnaire, qu'il avait,

par le Capitaine Johannès Plas, adressé aux Etats de Zélande les
ossements du trois « papistes » décédés. Sur l'ordre des Etats Gé-
néraux, les ossements furent renvoyés
à Surinam et y furent ré-
enterrés.

Alors, afin de mettre un frein à toutes les accusations calom-
nieuses portées contre lui, le gouverneur promulgua, à son de
tambour, une proclamation par laquelle il invitait quiconque au-
rait quelque chose à réclamer contre son administration, à soute-
tenir l'accusation devant la Cour où, pour donner toute satisfaction,
il comparaîtrait comme simple citoyen et non comme gouverneur.
Après qu'à un deuxième et un troisième appel, aucune suite n'eût

été donnée pas plus qu'au premier, il lit noter le fait dans les pro-
cès-verbaux de la Cour, et, tout à la fois, déclara les accusations
rejetées comme entièrement calomnieuses.
Sur la proposition de van Sommelsdijck et conformément à la
Résolution du 20 juillet 1684, les malfaiteurs qui, en Hollande, a-
vaient encouru des condamnations, furent envoyés à Surinam pour
y être utilisés comme soldats. Cette Résolution devait être funeste
au gouverneur.

Un travail pénible était exigé des soldats. C'est ainsi que, pour
la construction d'un talus au fort Zéélandia, ils devaient y trans-
porter de lourdes pierres d'une certaine distance; il arriva alors que,
par manque d'importation de
la métropole comme le cas s'était
présenté assez souvent — ils ne reçurent qu'une ration insuffi-
sante. Cela engendra parmi eux un esprit de mutinerie qui de-
vait coûter la vie à v n Sommelsdjck.
Le 19 juillet 1688, onze soldats à moitié ivres s'avancèrent
vers le gouverneur qui, en faisant le va et vient, se promenait
avec le Commandeur Verboom dans l'allée d'Orange (aujourd'hui.

Allée des Tamariniers), située le long de l'hôtel du Gouvernement.
. Sur un ton grossier, ils réclamèrent une augmentation de ra-
tion et une diminution de travail.
Le Gouverneur, qui était très,
emporté de nature, tira immédiatement son épée pourrepousser les
mutins; mais il put à peine s'en servir, ils firent tous feu sur lui
Touché mortellement,

le malheureux
tomba à
terre et rendit
l'âme immédiatement. Laurens Verboom reçut également un coup
de feu au bas-ventre et mourut neuf jours plus tard.

Les mutins, dont le nombre
s'éleva bientôt à plus de 200, se
rendirent ensuite maîtres de Zétandia et tirent prisonniers le capi-

— 17 -
pitaine Abraham van Vredenburg et les officiers De Kouper, Rayne-
oal
et de Graff. Les magasins et l'hôtel du gouvernement furent
pillés. Ala nuit, dans le fort, ils enterrèrent avec les honneurs mi-
litaires le corps du Gouverneur assassiné.
Ils étaient alors maîtres de la Colonie.
L'anxiété était si grande que le Conseil de police, pour ga-
rantir la vie et les terres des habitants, conclut avec les mutins
un accord provisoire aux termes duquel il leur était promis une
amnistie complète s'ils se soumettaient volontairement.
Cependant, on eut, dans les districts, connaissance de ce qui
était arrivé, et les officiers, avec des militaires et la garde civique
existant en ces endroits, partirent pour le chef-lieu. Sur ces en-
trefaites. Van Vredenburg réussit à s'échapper et, aidé de l'officier
Meunix il partit de Wajampibo contre les insurgés et les lit pri-
sonniers à bord du navire de guerre,
la Salamandre sur lequel
ils s'étaient réfugiés.
Les onze meurtriers furent condamnés à
mort et une soixantaine d'autres, expédiés en Hollande, y furent
exécutés.
Madame van Sommelsdijck offrit en vente la part de son mari
dans la Colonie, d'abord à la Société Concessionnaire et ensuite
au stathouder Guillaume III, mais elle ne réussit pas à traiter. Ce
n'est qu'en 1770 que la ville d'Amsterdam acheta cette part aux
héritiers de van Sommelsdijck pour 700.000 florins.
10.
- La mort de van Sommelsdick
fut une grande perte
pour Surinam. La main ferme avec laquelle il avait tenu les rênes
avait cependant, en peu de temps, transformé Paramaribo en une
petite ville propre et régulière. Les Etats Généraux apprirent éga-
illent avec tristesse la douloureuse nouvelle de sa mort, ils offri-
rent alors à son fils, François van
Aerssen de Chatillon qui, se
trouvait dans la Colonie, le gouvernement de Surinam. Mais celui-
ci crut devoir décliner cet honneur,
et le choix du Conseil de
police tomba sur Jan van Scharphuisen qui, en raison de son long
séjour dans la colonie, était très au courant des personnes et des
choses. Le commandeur van Viedenburg qui, depuis 1088, gérait
l'administration, lui passa Je pouvoir le 9 mars 1689.
Scharphuisen, â peine entré en fonctions, s'efforça de mettre
ordre à la situation embarrassée dans laquelle se trouvait la colo-
nie depuis la mort de van Sommelsdijck. En prévision d'une atta-
que toujours possible de la part
des Français, il se mit sans re-
tard à fortifier Zélandia, et il y travaillait lorsque le 6 mai 1689,
une flotte française de 9 bâtiments de guerre, sous le commande-
ment de l'amiral Du Casse, entra à pleines voiles dans le port. Le
fort, bravement défendu par des soldats et par des bourgeois, sup-
porta un bombardement de trois, jours. La résistance fut si for-
midable que Du Casse, pour garantir sa propre sécurité, dut re-
prendre; le large. Il le lit même avec une telle hâte qu'un de ses
navires resta échoué sur le banc de vase de Coppename et dut
se rendre à discrétion.
Van Scharphuisen laissa l'équipage de ce navire se fournir du
nécessaire et lui procura l'occasion de partir pour une île fran-
çaise. Ce traitement généreux à l'égard de ces prisonniers devait

— 18 —
lui profiter plus tard. Lorsqu'en 1696, il entreprit son voyage de
retour en Hollande, méconnu par beaucoup et surtout haï par les
Israélites,
il
tomba entre les mains de pirates français qui le
tinrent prisonnier pendant quelque temps à St Malo (au nord de
la France). L'autorité publique de l'endroit, eu égard au bon trai-
tement que les Français avaient eu en 1696, lui accorda la liber-
té de poursuivre son voyage.
Parmi les vaillants défenseurs de Paramaribo contre l'attaque
de Du Casse se trouvait Aerssen de t hatillon qui fut même blessé
mais se rétablit vite à la grande joie de la population. Il méritait
pleinement la considération et l'amour que les habitants de Suri-
nam lui témoignèrent. A lui, en effet, revient l'honneur d'y avoir-
le premier introduit le cacao ; on lui doit également que la Colo-
nie, en 1689, ne tombât point entre les mains des Français. A
près qu'il eut réglé la succession de son père, il partit pour la
Hollande où il fut
en 1712
nommé vice-amiral des Pays-Bas.
Quelque temps après Du Casse, les Français, dirigés par de
Gennis et Ferroles, tentèrent une nouvelle attaque, mais ils re-
partirent presqu'aussitôt, ayant été devant Braamspunt, avisés par
quelques Indiens, qu'il y avait dans le port deux navires de guerre
A son arrivée à Surinam, le gouverneur van Scharphuisen
eut l'imprudence d'accueillir d'une manière peu bienveillante] l'in-
fluent israélite Samuel Cohen Nassij; il était, en effet, déjà venu
à sa connaissance, en Hollande même, que Nassy se trouvait à la
tête du parti qui avait contrecarré et calomnié van Sommelsdijck.
L'ambitieux Nassy qui, par sa richesse et son influence, croyait
être l'égal sinon le supérieur du gouverneur, fut
très irrité de la
réception désobligeante qui lui avait été ainsi faite et, pour cette
raison, jura là perte du chef de la Colonie.
Dans ce but, il quitta Surinam et s'établit à Amsterdam où il
ne négligea rien pour obtenir du gouvernement le rappel de van
Scharphuisen. Les Israélites les plus importants adressèrent eux
aussi aux Directeurs de la Société Concessionnaire, une requête
urgente tendant au même but. Le Gouverneur, découragé par tant
de méconnaissance et d'opposition, demanda lui-même son rappel
qui fut honorablement accepté. Pour le remplacer fut nommé M.
Paulus van der Veen à qui, le 14 mai 1696, il remit les rênes du
gouvernement.
Sous l'administration paisible de P. van der Veen (1696-1707)
la colonie put se développer sans trouble. L'agriculture s'étendit
de plus en plus. La Culture du sucre et le commerce des bois de
lettre (bois de marqueterie) rapportaient des bénéfices considéra-
bles. Malheureusement, il n'a point su pourvoir à la défense de la
Colonie contre une attaque de l'ennemi, et les colons n'allaient
pas tarder à en subir les fâcheuses conséquences.
Durant le gouvernement de Johan de Goyer (1710-1715), deux
navires, placés sous le commandement de l'amiral Jacques tassard
sur l'ordre du gouvernement français, entrérent â pleines voiles
dans la rivière de Surinam et commencèrent immédiatement le
bombardement du fort. De même qu'en 1696, la population oppo-
sa une résistance si opiniâtre que l'ennemi, après deux jours, dut

— 19 —
reprendre le large, remettant à plus tard la conquête de la colonie.
Dès le 8 octobre de la même année (1712), Cassard refit son ap-

parition avec 8 navires de guerre et 30 petits bâtiments sur les-
quels se trouvaient 3000 hommes de troupe.
Que pouvait l'a bravoure de la population en présence d'une
telle supériorité de forces !
Le 9 octobre, les Français commencèrent à bombarder Pa-
ramaribo, mais, comme le Gouverneur de Goyer avait mis le
fort en bon état de défense, il fut vigoureusement répondu à leur
feu. Cassard continua alors tout simplement sa route, débarqua
ses troupes sur la rive opposée où se trouve maitenant la plan-
tation Mèerzog et y établit son quartier général. De là il lança
sur la ville quelques bombes qui ne causèrent point de dommages
Une partie de la flotte remonta plus haut la rivière de Surimame
et les Français furent bientôt maîtres des rivières Para et Surina-
me jusqu'à la Savane des Juifs. Beaucoup d'esclaves profitèrent de
la confusion générale pour se sauver dans les bois et aller ren-

forcer les bandes des anciens fugitifs.
Une fois maître de la Colonie,
Cassard menaça de tout dé-
truire par le feu et par l'épée, si l'on ne traitait pas au plus tôt
avec lui. Craignant encore le pis, le gouverneur convoqua, le 27
octobre, un conseil de guerre, afin de satisfaire à la demande de
Cassard. Celui-ci exigea 7 tonnes d'or (environ un demi million de
florins), laquelle somme lui fut payée en esclaves, sucre, argente-
rie et en traites. Chargé de ce butin, Cassard partit avec son esca-
dre le 12 décembre, laissant le pays fortement éprouvé.
L'invasion de Cassard eut pour Surinam des suites très pré-
judiciables qui se firent sentir encore longtemps après. La consé-
quence la plus fâcheuse fut le grand accroissement des fugitifs ou
marrons qui, durant le 18ème siècle, devinrent

un grand souci
pour les colons.
Pour couvrir le montant de la contribution de guerre, cha-
que citoyen fut invité à payer 8 à 10 % de la valeur de ses biens;
mais beaucoup s'y refusèrent, sous le prétexte que l'attaque de
Cassard aurait été repoussée si la Société Concessionnaire avait
procuré à la Colonie de meilleurs moyens de défense. Afin d'éviter

cette forte imposition, beaucoup de planteurs permirent à leurs
esclaves de délaisser les plantations et d'aller se cacher dans les
bois, jusqu'à ce que les fonctionnaires chargés de dresser l'inven-

taire des propriétés de chacun fussent repartis. Quelques esclaves
seulement retournèrent à l'appel de leurs maîtres, ce qui augmenta
encore considérablement le nombre des marrons.
Pour satisfaire à la demande de la population, appuyée par les
gouverneurs Johan Mahony, (1716-17), Johan Coutier, (1717-21) et
autres, l'ingénieur Draak fut, en 1733, envoyé en Hollande pour
établir un rapport circonstancié sur la question de la défense de

la colonie. Après une enquête approfondie, Draak proposa de res-
taurer les anciennes fortifications et d'en construire de nouvelles.
Les dépenses en furent estimées à 800.000 florins, et la population

y contribua pour les trois quarts.
Draak, qui estimait qu'un rempart était nécessaire pour barrer

— 20 —
l'avance éventuelle de l'ennemi, choisit, à cette fin, à la jonction du
Suriname et du Commswijne, une pièce de terre marécageuse, le
Krabbendam, où il projeta de construire un foil. Ce fort, qui reçut
le nom de New-Amsterdam, pouvait, si l'on se plaçait dans la di-
rection, de Braamspunt, avoir pleine vue sur
la mer et prendre
sous la portée de son canon tout navire entrant. Commencé en 1734
sous le gouverneur Jacob Alexander Henry de Chenses et sous la di-
rection de l'ingénieur Dominique de Marels, il ne fut achevé qu'on
1747 sous le gouverneur Mauricius.
VI. — Situation de la Colonie après (l'invasion de
Cassard et jusqu'à l'arrivée de Mauricius (1712-1742).
———————
m
18. Après l'invasion de Cassard et jusqu'à l'arrivée de Mau-
ricius la colonie eut une période difficile.
Elle paraissait tout près
de sa ruine. Les gouverneurs se
succédaient sans pouvoir apporter quelque amélioration a cette si-
tuation déplorable. Des conseils de police et de la cour de justice
scréés par San von Scharphuisen, ils ne subissaient que de l'oppo-
ition. Les conseillers de police, plaçant souvent leur intérêt per-
sonnel au-dessus de celui de la colonie, adoptaient continuellement
une attitude hostile à tous les gouverneurs qui voulaient prendre
en mains les intérêts de la Société Concessionnaire. Comme les
plus riches habitants en faisaient partie, ils s'opposèrent à toute
nouvelle
imposition,
donnant en quelque sorte aux autres cito
yens l'exemple pour se soustraire au payement de leurs redevan-
ces. De la sorte, au lieu de collaboration, la plupart des gouver-
neurs supportèrent la plus vive opposition de ceux-là mêmes qui
étaient appelés â veiller avec eux aux intérêts de la colonie. Tou-
tefois, on doit reconnaître qu'ils n'eurent pas toujours tort; que,
certaines fois, ils eurent le droit de leur côté, bien que leur façon
d'agir dans la circonstance méritât d'être critiquée.
Mais ce n'est pas seulement l'absence de collaboration entre
les gouverneurs et les conseillers de police qui entravait le déve-
loppement de la colonie, il y eut aussi les incursions des Marrons
Au commencement du dix-huitième siècle, le nombre des escla-
ves en fuite s'élevait déjà à près de six mille. Par l'invasion de Cas-
sard, ce nombre fut presque doublé, au point qu'ils se crurent as-
sez forts pour engager la lutte contre les colons.
Tout d'abord, les Marrons se bornèrent à piller les plantations
à la nuit, et, avant la pointe du jour, ils retournaient dans leuis
sûres retraites avec un riche butin. Mais, au fur et à mesure qu'ils
prenaient conscience de leur puissance, ils devenaient de plus en
plus audacieux, et, finalement, c'est en plein jour qu'ils vinrent
commettre leurs déprédations.
Ainsi, à la date du 28 Juin 1730, les Marrons du village de
Klaad, district de Saramacca, firent une brutale
expédition de
pillage sur la plantation Berg-en-dal, propriété du gouverneur Corel
de Cheuses (1728-1734) où les esclaves étaient humainement trai-
tés et, pour cette raison, étaient très attachés à leurs maîtres. Ils

— 21 —
se défendirent bravement, eux aussi, contre les envahisseurs,mais
durent finalement se soumettre aux Marrons qui leur étaient su-
périeurs en force. Déjà ces derniers étaient prêts à retourner dans
leurs forêts avec un riche hutin et quelques prisonniers de guer-
re féminins lorsque les esclaves qui étaient occupés dans le mon-
lin, répondant à l'appel des travailleurs des champs, partirent à
l'assaut et assaillirent si vigoureusement les Marrons, que ceux-ci,
après abandon de tout ce qu'ils avaient pillé, durent prendre la
fuite. En récompense de leur loyauté, les esclaves de Berg-en-dal
obtinrent beaucoup de privilèges, qu'ils ont conservés jusqu'à l'é-
poque de l'affranchissement en 1863.
La fuite des esclaves augmentait si grandement que le gouver-
neur Jean Confier (1717-1721), après que son prédécesseur eût
institué des primes pour la révélation des refuges des négres
boschs, éprouva la nécessité d'éditer la peine de mort contre les
fugitifs.
i
Pourtant si nombreuses qu'aient été les évasions des esclaves
les plantations n'étaient pas pour cela complétement dépeuplées;
cela tient à ce que les navires d'esclaves apportaient sans interrup-
tion de nouvelles réserves. Eu 1730, la Compagnie des Inde* Occi-
dentales s'engagea à livrer annuellement 2.500 esclaves à la Colo-
nie et, comme de 1730 à 1735, elle n'avait amené que 13.000 têtes
au lieu de 15.000, il fut, au compte de la Société Concessionnaire,
et de 1738 à 1745, envoyé plus de 70 navires à la côte de Guinée
pour parfaire la différence,
Pour l'instruction et l'éducation de ces esclaves qui étaient cou
sidérés moins comme des hommes que comme des outils pour la
production du sucre et des autres denrées d'entrepôt ou d'expor
tation, rien n'était fait. Les maîtres croyaient de leur intérêt de
laisser grandir les jeunes esclaves dans l'ignorance, dominés sur-
tout par la crainte que le savoir ne leur donnât le pouvoir de
briser leurs fers et de se soustraire ainsi à leur autorité.
19. — En 1730, le nombre des plantations s'élevait à plus de
4(X), et le sucre était récolté sur la plupart d'entre elles. Succes-
sivement, on s'appliqua également aux autres cultures. Les pre-
miers caféiers furent plantés en 1720 par l'allemand Hansbach,
Il les reçut vraisemblablement du gouverneur Côutier à qui
avaient été expédiés quelques jeunes caféiers du Hortus Médicus
d'Amsterdam, cultivés par le bourgmestre Nicolaas Witsen.
Ensuite fut par S'enhanus Laurentius Neale, propriétaire de
la plantation New-Levant, au Cottica, entreprise la culture du ca-
fé, dont les produits firent leur apparition en 1724 sur le mar-
ché d'Amsterdam. Egalement
un nouvel
essai fut fait avec le
tabac et cet essai réussit si bien qu'en 1740 plus de 30.000 li-
vres de cette denrée pouvaient être expédiées en Hollande.
-
Mais dès 1685, Ridder de Chatillon qui, sur l'ordre de son
père, s était mis à la recherche des soldats déserteurs, avait ap-
porté du Brésil à Surinam les premiers plants de cacao; cepen-
dant, ce n'est qu'en 1733 que le cacao de la colonie fut expédié
dans la Métropole.
Des essais eurent également lieu avec la culture du coton, et

— 22 —
en 1735 un premier envoi en était fait à Amsterdam. Ces essais
réussirent si bien que le conseiller Johap Félix, entr'autres, put
expédier de sa plantation de la crique Mattapica 20.000 livres de
coton et 50.000 livres de café.
De tels résultats, obtenus malgré les discussions régnantes et
les abus existants, ne peuvent s'expliquer que par la grande ferti-
lité du pays, l'activité extraordinaire des esclaves et la sévérité ine-
xorable de leurs maîtres.
VII. — Le Gouvernement de Johan Jacob
Mauricius (1742-1751)
20. — Mauricius arriva à Surinam le 15 octobre 1742 en
remplacement de Géra d van de Schepper (1738-1742) qui le pre-
mier porta le titre de gouverneur général et fut également le pre-
mier qui, pour abus d'autorité, eut été relevé d'office de ses fonc-
tions.
Quant à Mauricius, les espérances fondées sur lui par les co-
lons étaient exagérées; de lui on savait seulement, en effet, qu'il
avait déjà donné des preuves extraordinaires d'habileté et occupé
un poste important en Hollande.
Qui aurait cependant pu prédire que l'homme dont la nomi-
nation comme gouverneur avait fait pousser des cris d'allégresse,
devait, neuf ans plus tard, haï par une grande partie de la popu-
lation, partir pour la' Hollande afin de se disculper de graves accusa-
sations portées contre lui ?
Dans les premières années de son administration, Mauricius
se fit connaître comme un homme tranquille et accommodant.
Mais une abjecte calomnie et des incriminations malicieuses de la
part de quelques riches habitants, qu'il ne réussit pas à ranger à
sa manière de voir ou qu'il condamna quelquefois à cause de leur
existance déréglée, devaient remplir son cœur d'amertune. La fa-
çon dont il combattit ses adversaires n'était pas faite non plus pour
amener une réconciliation; elle ne fit qu'élargir le fossé entre lui
et le parti contraire désigné dans son journal local sous le nom de
c Cabale »
Un de ses plus puissants ennemis était Charlotte Elisabeth
van der Lith, plus connue sous le nom de Mada ne Autra qui
aurait pu se glorifier d'avoir été, avant sa mort, l'épouse de trois
gouverneurs et de deux pasteurs. Cette femme influente était f âme
de la « Cabale » et avait juré la chute de Mauricius.
Alliée à Salo non Duplessis, riche propriétaire foncier et mem-
bre du Conseil de police, madame Audra contrecarra Mauricius
en tout Dans des conversrtions calomnieuses, elle sut, même met-
tre de son côté certains partisans du gouverneur, et il se forma
ainsi un puissant parti, aux yeux duquel Mauricius ne faisait
rien de bon, et qui réussit à présenter ses meilleures
actions
sous un jour défavorable.
En mars 1747, Duplessis se rendit en Hollande à l'effet d'ob-
tenir le rappel du gouverneur.
Pour y parvenir, il ne négligea
aucune démarche, et lit flèche de tout bois; mais il ne réussit

- 23 —
qu'à demi. En effet, afin d'instruire la plainte portée contre le
gouverneur, le stathouder Willem
IV
nomma, en 1750, une
commission composée du général Hendrik Ernest Baron van Spor-
che comme premier commissaire et de Messieurs Karel Boschaart
et Jeronimus de Swart Steinis, comme commissaires adjoints.
Cette commission arriva à Surinam en décembre 1750 et ac-
corda immédiatement audience » tous ceux qui avaient des griefs
contre le g ouverneur. De l'enquête impartiale à laquelle il fut
alors procédé, il résulta que les mécontents appartenaient seule-
ment au parti de la Cabale et que la plupart des accusations pro-
duites étaient mal fondées. La commission, jugeant cependant que le
fossé entre le gouverneur et les habitants était trop grand pour
être comblé, donna honorablement congé à Mauricius, avec jouis-
sance de son traitement, et lui permit d'aller se défendre en
Hollande auprès des Directeurs de la Société Concessionnaire.
Mauricius ne tarda pas à triompher de ses ennemis. Son innocen-
ce fut reconnue et, comme ministre d'Etat, il fut envoyé à Ham-
bourg où, en 1765, il mourut en grande considération.
Par contre,
Duplessis, l'orgueilleux adversaire de Mauricius,.
Duplessis dont la fille Maria Susanna acquit une certaine renom-
mée par sa cruauté et ses forfaits et sur la pierre tumulaire de
laquelle en peut encore, dans l'église réformée de Paramaribo
lire ces mots : « enfin je suis arrivée au repos », fut condamné
aux frais du procès, et chassé de Surinam. Il dut même, sur une
accusation de Mauricius, rester
en prison pendant de longues
années.
*
Il est néanmoins regrettable, et pour Mauricius et pour la
colonie, qu'avec de si réels talents il n'ait pas eu plus
d empire
sur lui même pour se mettre au-dessus des mesquines chicanes
d'un Dnplessis ou des tracasseries odieuses d'une Madame Audra.
Sa grande activité et ses connaissances étendues auraient été plus,
utiles à la Colonie, et il se serait à lui même épargné bien du
chagrin.
21. - Cependant, en dépit des discussions continuelles, l'ad-
ministration de Mauricius n'a pas été inféconde. En vue de relever
le niveau moral, il
interdit formellement le serment et l'affima-
tion téméraires, ainsi que la profanation du nom de Dieu. Il mit
également une lin à la pratique détestable par laquelle les condam-
nés à mort étaient mis au pilori et maltraités avant de subir leur
peine.
Comme, à ses yeux, le christianisme était le meilleur moyen
d'adoucir les moeurs et de rendre plus supportable le sort des es-
claves, il mit tous ceux qui dépendaient de la Société Concession-
naire en situation de recevoir l'instruction religieuse, et, en 17i7v
pour la première fois, le baptême fut donné par le pasteur rie
Rondeà un de res esclaves nommé Benjamin. Ce fut certainement
une grande satisfaction pour Mauricius qu'un tel évènement eût
trouvé place durant son gouvernement, car ses ennemis n'avaient,
jamais cessé de contrecarrer la propagation du christianisme parmi
les esclaves. Il avait même dû', une fois, se plaindre auprès de la
Cour de police que ses efforts, en vue de rendre le christianisme

— 24 —
également accessible aux esclaves, n'aboutissaient point, et cela
parce que selon lui la conversion des prétendus chrétiens aurait
dû précéder celle des paiens.
Cependant, comme la Hollande avait pris part à la guerre de
succession d'Autriche, Mauricius, dans.la crainte d'une
attaque
des Français, fit, en vue de cette éventualité, construire la redoute
Purmerend, dont le tir, en liaison avec le feu du fort New-Amster-
dam, devait rendre difficile l'entrée de la rivière de Suriname.
Sur sa proposition, un plan fut formé, en 1747, pour effectuer
une colonisation par des cultivateurs européens. A cette lin,
quelques cultivateurs allemands furent, à des conditions avanta-
geuses, invités à venir s'établir dans la colonie; quelques paysans
du Palatinat et quelques familles suisses répondirent de bon cœur
à cet appel. L'Administration leur donna à l'oranjepad, bande de
terre située entre les rivières Para et Suriname, des champs, des
instruments aratoires et du bétail. Des habitations furent construi-
tes pour eux; ils eurent également quelques esclaves pour leur
venir en aide dans le travail. Au début, tout marcha à souhait, les
colons s'appliquèrent ardemment à la pratique de la petite culture,-
et, bientôt, ils- commencèrent à jouir de
quelque bien-être. Ils
se livraient malheureusement à une vie déréglée, d'où résultèrent
parmi eux de fortes maladies dont beaucoup succombèrent; ils fu-
rent également très inquiétés par les incursions continuelles des
Marrons. De sorte que cette colonisation, pleine de promesses, déjà
en 1751, était entièrement anéantie. Les ennemis de Mauricius ne
manquèrent pas de lui reprocher cet insuccès.
Mais en dépit de cet échec, le gouverneur Van der Meer (1754-
1756) essaya de nouveau, en 1754, de faire naître un établisse-
ment à l'Oranjepad. D'accord avec la cour de police, il résolut d'y
élever un petit village. A tous ceux qui s'engageraient à aller s'y
établir durant dix années consécutives, il devait être fourni des
demeures convenables, avec
champs, quelques têtes de bétail et
tout ce qui pouvait leur être encore nécessaire. A des conditions
aussi avantageuses, beaucoup consentirent à s'installer d l'Oran-
jepad. Un maire appelé Bulow, fut nommé pour cet établissement,
et parmi les nouveaux colons furent choisis deux échevins qui,
avec le maire, constituèrent l'Administration locale.
Cette colonisation parais sait, au début, devoir réussir très bien.
En peu de temps, le nombre des nouveaux colons s'accrut telle-
ment que deux autres échevins et un chirurgien y furent nom-
mé; on devait même y construire une église et une école. Cela
ne dura pourtant pas longtemps, une
brouillerie s'éleva entre le
maire et les colons, et elle fut si aigüe que le maire dut être des-
titué et une autre méthode d'administration locale instituée.
L'ordre une fois rétabli, les colons s'appliquèrent avec ardeur
à la culture de la terre; il apparut pourtant vite que la plus gran-
de partie du terrain était infertile et n'était guère propre â l'a-
griculture. La récolte ne répondant pas aux espérances, l'établis-
sement ne tarda à péricliter. Et, comme les frais étaient très éle-
vés, comme le but envisagé de faire de cet établissement un rem-

— 25—
part contre les Marrons n'était pas atteint, il fut bientôt Supprim.
Sous l'administration de Mauricius, William Hack fonda en
Hollande une société minérale à qui les Etats généraux accordè-
rent, en 1743, un privilège pour douze ans.
Cette société des minéraux de Surinam, au capital de 06.000
florins, reçut en concession d'exploration le Blauwe Berg (monta-
gne bleue). Beaucoup de mineurs partirent alors dans le but de
Chercher de l'or et des pierres, précieuses dans le sol de Surinam.
Mais cette société eut peu de succès, William Hack avait,
tout près de Berg-en-dal, fait creuser un puits qui, par ignorance,
fut si mal étayé qu'il s'écroula et que 40 travailleurs y restèrent

enfouis tout vivants. La société fut dissoute peu de temps après.
C'est seulement un siècle et demi plus tard, que la société
« Surinam » fondée à la Haye en 1897, procéda à la réouverture
de l'ancienne galerie; beaucoup d'instruments, ayant appartenu aux
travailleurs de William Hack, furent retrouvés tout à fait intacts.
22. — A l'instar du gouverneur Van Sommelsdijck qui avait
conclu la paix avec les Marrons du Coppename, Mauricius voulut
également faire la paix avec les Saramaccas et ce, afin de pouvoir
avec plus de force, combattre les autres tribus.
A cet effet, il en-
voya à différentes reprises un esclave lui appartenant nommé
Kwassie, auprès des négres boschs, en vue, de négocier la paix
avec eux. Mais l'opposition de la cour de Police et de quelques-
habitants lit échouer cette tentative.

Ce Kwassie eut une carrière singulière. Né d'un père africain,
il eut pour maîtres deux gouverneurs : De Cheusses et Mauricius.
Il avait appris des Indiens à connaître les bonnes propriétés de
beaucoup d'herbes, entr'autres du quassier {quassia ama a) qui en

1761, fat par le naturaliste Linné estimé d'une très grande valeur.
Cette connaissance le mit souvent à même de guérir des malades
déjà condamnés par le médecin. Renommé pour sa magie, vénéré

comme prêtre, il fut même mandé par les blancs pour dépister les
voleurs ou soigner les malades. En 1776, il lit un voyage en Hol-

lande où il eut l'honneur d'être présenté au stathouder Willem V
de qui, en récompense des bons services rendus contre les Mar-
rons, il reçut une épée d'honneur et d'autres présents de prix. En

l'honneur de Kwassie il fut également arrêté par le stathouder que
(
tout esclave qui, dorénavant, mettrait le pied au Texel, (île hollan- 1
daise, au nord de Zuvderzée)deviendrait immédiatement unhom-

'
me libre. Ce nègre extraordinaire, qui était de grande stature avec s
quelque chose de grave dans le ton et dans la contenance, exerça

sur ses contemporains une .grande influence, et, à un âge avancé,
mourut en 1787 * Paramaribo. (1)
(1) Nous lisons dans les mélanges de poésie sur Surinam du poète suri
namois P. f, Heos, la poésie suivante :
Epltaphe pour le nègre gramman Quassi décédé en 1787
«Hier rust een grijsard, die in de omkreils van ' zijn leven,
Van goed en kwaad aan't land veel blijken heeft gegeven
Die, en den neger en den woesten indiaan
Door zijn tooverkunst steeds deed ver wonderd slaan

— 26 —
23. — La principale raison pour laquelle les colons, s'opposaient
à la paix avec les Marrons était, selon leur opinion, que les fugi-
tifs considéreraient cette démarche comme une preuve de fail
(Jes-
se et que, par là, ils deviendraient encore plus insolents. Mauri-
cius ne tint aucun compte de cette opposition et, avec Kwassie,
chargea le capitaine C. 0. Creutz, à la tête de 100 soldats et de 300
esclaves, de mettre son plan à exécution.
Creutz s'acquitta à merveille de la mission qui lui avait été
confiée. Après qu'il eut, pour inspirer la crainte aux Marrons, dé-
truit quatre de leurs villages, il dépêcha quelques guides vers eux
afin de connaître leurs sentiments à l'égard de la conclusion d'un
accord.

Comme marque de soumission, les Marrons renvoyèrent les
guides avec de la terre, un arc et des flèches. Une entrevue eut
alors lieu entre Creutz et Adoe, le chef des nègres Saramaccas.
Adoe montra, à cette occasion, qu'il avait le cœur bien placé.
A la
demande de Creutz tendant à savoir où était le village des
nègres Loangos qui étaient alors les Marrons les plus redoutables,
il répondit franchement qu'il ne lui était pas possible de déférer

à cette demande, car ces nègres appartenaient à une tribu en re-
lations d'amitié avec lui.

Adoe reçut de Creutz une canne avec pomme d'argent, et
celui-ci lui promit en outre de lui faire parvenir l'année
suivante
beaucoup de présents de la part du gouvernement. De son côté
et comme gage d'amité, Adoe fit don à Creutz d'un arc et d'un

paquet de flèches, et, en outre, ajouta la promesse que toutes les
hostilitéscesseraient en attendant la conclusion de la paix.
L'année suivante, un certain Piolet, accompagné d'une ving-
taine d'esclaves, fut, par le gouverneur, chargé de la remise des
présents promis, mais, attaqué en route par Samsam chef de Pa-
padorp, Picolet prit la fuite en abandonnant les cadeaux destinés
à Adoe. Or, lorsqu'à l'époque fixée celui-ci constata que rien ne
lui parvenait, il présuma que les blancs avaient voulu le payer de
belles paroles jusqu'à ce que le renfort attendu de Hollande fût

arrivé. Il considéra alors l'armistice comme rompu et recommen-
ça à cœur joie à piller et à assassiner.

24. — Le Baron de Sporche (1751-1752) fut, après le départ
de Mauricius, chargé du gouvernement de la colonie. Il se mon-
tra très indulgent à l'égard des ennemis de son prédécesseur et

put, de la sorte, réussir à apaiser les esprits. C'est ainsi qu'il ré-
tablit dans sa dignité l'israélite C>rilho qui, comme capitaine de
Indien dit volk die kunst naar waarde wist te noemen
Met zou hem wis Apol, in plaats van Quassi noemen ».
TRADUCTION :
« Ici repose un vieillard qui, dans le courant de sa vie,
Donna au pays beaucoup de preuves d attachement et de ressentiment
Qui, et le nègre et l'indien de l'ouest,
Par son art magique frappa sans cesse d'étonnement,

Si ce peuple savait célébrer cet art à sa valeur
Au lieu de Quassi il l'appellerai certainement Apollon. »


- 27 -
milice, avait été congédié par Mauricius et contre lequel existait
même un arrêt d'expulsion de la colonie. Par des» fêtes brillan-
tes et des festins coûteux, il se rendit très populaire et put mettre
de son coté les conseillers de police et les intraitables adversaires
de Mauricius.

Les ennemis de ce dernier triomphaient . donc dans la colo-
nie. L'arrogance des conseillers de police devint de la sorte en-
core plus grande, et les gouverneurs qui, après, de Sporche, fu-
rent appelés à administrer la colonie, en subirent tous les incon-
vénients.

VIII. — L'administration du Gouverneur-Général
Wigbold Crommelin
25. — A la mort du Baron de Sporche survenue subitement
le 7 décembre 1752, le Commandeur Crommelin convoqua aussi-
tôt ta cour de police et communiqua à l'assemblée une lettre se-
crète des Directeurs de la Société Concessionnaire, aux termes de
laquelle il était appelé, en cas de décès du gouverneur, à le rem-
placer provisoirement. Crommelin étant un ami de Mauricius, ce
choix déplut aux cabaleurs ou adversaires de ce dernier, et le co-
lonel Verschuer fut engagé à se porter

comme
remplaçant du
gouverneur.
Et comme la Cour de police continuait à refuser
l'investiture à Crommelin, celui-ci porta à la connaissance; du peu-
ple, à son de tambour, qu'il avait pris possession du gouverne-
ment Sur incitation des conseillers

de police, le colonel Vers-
chuer, lit arrêter les tambours, et par d'autres tambours, sous es-
corte armée, fit savoir au peuple, que ce n'était pas Crommelin,
mais lui Verschuer qui était gouverneur p. i.

Il entra ensuite en fonction et reçut à cette occasion les féli-
citations et les souhaits
de
bonheur des Conseillers de police.
Malgré son bon droit, Crommelin dut se courber; mais dans un
rapport détaillé et circonstancié, il mit les Directeurs de la So-

ciété Concessionnaire au courant de ce qui s'était passé.
La conduite de Verschuer fut on ne peut plus blâmée par les
Directeurs; ils lui enjoignirent de remettre les rênes du gouverne-
ment entre les mains de l'homme qu'ils

avaient désigné pour
exercer le pouvoir. Mais l'influence de la Cabale était encore très
grande; cela ressort clairement du fait que trois seulement des

nombreux navires présents sur rade osèrent pavoiser en l'honneur
de Crommelin. Les Cabaleurs avaient, en effet, annoncé que les
capitaines, qui donneraient la moindre marque de sympathie à la
nomination de Crommelin, ne recevraient désormais aucun char-

gement de sucre ou de café.
Cependant, comme les Conseillers de police s'opposaient ou-
vertement à Crommelin, ils furent, par ordre des Directeurs, re-
levés de leurs fonctions, et d'autres membres furent nommés à

leur place. Par ce moyen fut en quelque sorte abattue la puissan-
ce de la Cabale, et, depuis lors, dans les réunions de la Cour de
Police, a régné un meilleur esprit, grâce auquel, au témoignage


— 28 —
de Crommelin, « en une semaine, il put être fait plus qu'aupara-
vant en des mois. »
26. En 1754, Crommelin passa le pouvoir au gouverneur Van
der Meer dont l'administration fut de courte durée, sa mort étant
survenue subitement en 1756. Mais les services qu'avait rendus-
Crommelin comme gouverneur intérimaire avaient été heureuse-
ment appréciés par
les Directeurs de la Société Concessionnaire,
si bien que dès le 15 septembre 1757, la nouvelle lui parvenait de
Hollande qu'il était nommé gouverneur titulaire de Surinam.
Son gouvernement de onze ans
(1757-1768) fut des plus
heureux. Bien qu'il ne sût point, par son caractère emporté, se
faire aimer de tous, ses ennemis attestent qu'il a administré la co-
• lonie d'une main ferme et qu'il a, par sa bonne attitude, tenu hau-
tement l'autorité. S'il avait été moins obstiné dans l'exécution d'un
plan une fois conçu, et été un serviteur moins esclave de la So-
ciété Concessionnaire, la nouvelle de sa demande de retraite au-
rait été apprise avec plus de regret par les colons.
Cependant, durant son long gouvernement, Crommelin a été
à même de mener bien des choses à bonne fin.
De 1758 à 1760, fut construit un vaste hôpital militaire, dont
le besoin s'était fait grandement sentir. Cet hôpital, plusieurs fois
amélioré et agrandi, est, de nos jours, un des meilleurs et des
plus beaux établissements de ce genre dans toutes les Indes Oc-
cidentales.
Comme les expéditions contre les Marrons avaient englouti de
fortes sommes,—les caisses du gouvernement étaient littéralement
épuisées, - il fut décidé,, en 1761, par la Cour de Police et par le
gouverneur, de recourir à l'émission de papier-monnaie.
One
somme de 600.000-florins de cette monnaie fut d'abord mise en
circulation. L'émission en fut renouvelée plusieurs autres
fois,,
et, jusqu'en 1827, le papier
monnaie fut le seul moyen de paye-
ment. (1)
On est redevable à Crommelin d'avoir, après l'incendie qui,
dans la nuit du 18 au
19 août 1763, réduisit en cendres une
grande partie de la ville, pourvu Paramaribo de 2 pompes à incen-
die.
Aussi bien, comme en raison de la longue sécheresse, il y
avait souvent manque d'eau, il fit creuser des puits dont il est en-
core souvent fait grandement usage. Au creusement d'un de ces
puits, un peu de poudre d'or fut découvert à la grande surprise des
ouvriers.
Mais de nombreuses calamités désolèrent la colonie durant son
gouvernement. Dans ce nombre, il y a lieu de retenir la maladier
anglaise ou variole qui sévit grandement surtout parmi les escla-
ves et qui, malgré les mesures prises par le gouverneur et la Cour
(1) Le papier monnaie, appelé par le peuple « Kartamonic » existait en
coupures de
cents, redi redi, 25 cents ou schelling (skoinsie) f 2, 50 dix
schellings (kartal, et autres de plus fortes valeurs (bigie karta). Plus lard, t
chellings (wan srèn) valut H cents: 10 schellings (IOsrèn) SO cents.

— 29 —
de Police, se propagea effroyablement. De plus, beaucoup d'entr'
eux furent atteints de la lèpre, vraisemblablement importée par les
navires d'esclaves.
On ressentit également à Paramaribo flans le mois d'octobre
1766 de violentes secousses de tremblement de terre qui, heu-
reusement, ne causèrent pas trop de dommage.
Enfin, c'est également sous le gouvernement de Crommelin
que se fit la paix avec les nègres Aucas et Saramaccas, paix dont
la base avait été antérieurement jetée par Mauricius. D'après les
termes de l'accord, ils furent reconnus comme gens libres, et il
leur fut promis annuellement quelques présents; ils s'engageaient
par contre, moyennant une prime déterminée, à rendre tout es-
clave fugitif qui chercherait un refuge chez eux. Ils devaient éga-
lement, en cas de nécessité, prendre les armes pour la défense de
la colonie. Quatre de leur fils, qui, comme otages, avaient été lais-
sés à Paramaribo, y apprirent à lire et à écrire et parvinrent à
un certain degré d instrurtion; ils exercèrent par la suite une
grande et heureuse influence sur leurs compatriotes.
Comme, par son séjour de vingt ans dans la colonie et par
l'opposition qu'il avait rencontrée du côté des Cabaleurs, Crom-
melin se sentait très fatigué et aspirait à un peu de repos, il solli-
cita en 1768 un congé pour la Hollande. Ce congé lui fut accor-
dé, mais il n'en lit pas usage et obtint l'année suivante d'être, sur
sa demande, mis honorablement à la retraite.
A son départ, il confia l'intérim au conseiller Jean Nepveu
qui, en 1770, fut nommé gouverneur général de Surinam.
IX. — Expéditions contre les Marrons.
27. — La désertion des Marrons s'était accrue énormément du-
rant la seconde moitié du 18ème siècle. Ni les primes promises
publiquement et chaque jour accrues pour l'arrestation des fugi-
tifs, ni les nombreuses expéditions entreprises contre eux, ni les
redoutables punitions qui étaient infligées aux Marrons arrêtés
ne purent empêcher que leur nombre devînt chaque jour de plus
en plus grand. Au contraire, toutes ces mesures semblaient en-
courager chez tous ces malheureux te désir d'aller chercher un
refuge daus les bois. De plus, les planteurs ne voulaient pas com-
prendre que le seul moyen d'empêcher ces évasions consistait
dans un traitement plus humain des esclaves.
Ah ! ils étaient bien barbares les propriétaires d'esclaves qui,
pour une légère faute, faisaient fouetter ces malheureux â un
point tel que la mort souvent suivait de près la fustigation !
Que doit-on penser d'une époque où de telles abominations ont pu
être commises impunément et où des maîtres inhumains ont osé
publiquement exposer la théorie « qu'ils , pouvaient détruire leur
propre bien, acheté de leur argent ! »
il est vraiment étonnant que les nègres n'aient pas gardé une
implacable haine contre les blancs et, en s'évadant, n'aient pas
nourri l'espoir de tirer une sanglante revanche de leurs bourreaux!

— 30 —■
28. — C'est surtout sous le gouvernement de Jan Nepveu (1770
4779) que les colons eurent oeaucoup à soufîrir des Marrons.
Diverses plantations furent pillées, beaucoup de planteurs assas-
sinés et maint esclave enlevé par eux bon gré mal gré. Souvent-
même ils attaquèrent les postes militaires et mirent en formida-
bles déroutes les patrouilles envoyées contre eux. Ce que les sol-
dats eurent à endurer dans ces expéditions est au dessus de toute
description. Beaucoup, épargnés par le plomb des esclaves, suc-
combaient pitoyablement dans les marais ou bien étaient empor-
tés par les fièvres paludéennes.
L'effroi qui régnait parmi les planteurs était
si grand que
beaucoup abandonnèrent
leurs plantations et allèrent s'établir à
Paramaribo où ils se considéraient plus en sûreté.
Ce sont les nègres originaires du district de Cottica et, pour
cette raison, nommés les Cotticaners, qui, par leurs attaques re-
doutables, semblaient avoir juré la perte de la colonie. Leurs chefs,
dont les plus importants étaient Baron, Boni et Joli-Cœur, se si-
gnalèrent comme des chefs hors ligne.
Baron a eu une jeunesse heureuse. Son maître, un nommé
Dahlberg, avait eu le jeune nègre en amitié à cause de son exté-
rieur intelligent; il lui fit apprendre à lire et à écrire et à prati-
quer un métier; et l'emmena plus tard en Hollande avec lui. Là,
Baron développa grandement son savoir. Ah! comme il dut se sen-
tir heureux, lorsque son maître lui eut promis qu'il retournerait à
Surinam en homme libre ! Dahlberg ne s'acquitta cependant pas
de sa promesse; à son retour à Surinam, il vendit Baron à un de=
ses amis. Ce dernier l'ayant maltraité, il se sauva de chez lui et
fut bientôt un des plus redoutables meneurs des Marrons.
Joli-Cœur avait fui dans les bois pour avoir été, un jour, té-
moin oculaire des mauvais traitemente que son maître faisait
subir à sa mére, et de la flagellation qui fut administrée à son pè-
re lorsque celui-ci, oubliant un moment qu'il n'était qu'un esclave,
s'efforçait d'arracher sa femme des mains de son bourreau.
Bonni était un vrai fils de ta contrée sauvage. A la vérité sa.
mère fatiguée des mauvais traitements de son maître, se sauva,
dans les bois et, quelques jours après, donna le jour à un fils qui,,
sous le nom de Bonni, devait devenir la terreur des blancs.
29. — Pour combattre les Marrons avec succès, le gouver-
neur Nepveu créa en 1772 un corps militaire appelé Guides ou
Chasseurs noirs se composant d'environ 300 esclaves affranchis. A.
cause de leurs casquettes rouges, ils reçurent du peuple le nom de
redimoesoe. Ces chasseurs noirs, encadrés par des officiers blancs,
ont bien mérité de la colonie, car ils ont contribué à la sauver
d'une ruine certaine. Par leur solide constitution et leur grande
force de résistance, ils supportaient mieux" que les blancs les fati-
gues des expéditions à travers les régions sauvages de Surinam;
aussi est-ce à eux que revient l'honneur d'avoir pris le camp for-
tifié de Baron et de Joli-Cœur et d'avoir obligé le puissant Baron à
prendre la fuite.

— 31 —
On avait établi un cordon ou ligne de défense, et des postes
fortifiés y étaient placés de distance en distance. Ce cordon allait
du poste militaire Gelderland, dans le Boven Surinam, vers le Cot-
tica, au poste
Uilkijk, au Molkreek. Peu de temps après, arri-
vaient dans la colonie 800 hommes de troupe sous le commande-
ment du lieutenant général Louis Henry Fourgeaud et du comman-
dant St- elman. Avec cette force qui, plus tard, fut renforcée par
des troupes fraîches de Hollande, Fourgeaud se mit en campagne
contre les Marrons. Au Tempatie, il attaqua les villages de Cour-
mantijn Codjo, de Joli Cœur et de Bonni. Beaucoup d'entr'eux fu-
rent faits prisonniers et il y eut également un grand nombre de
tués et de blessés. Bonni se sauva par la fuite et fonda un nou-
veau village sur une île dans le Maroni où Stoelman (1) le pour-
suivit vainement.
Tandis que Fourgeaud menait le combat au Tempatie, le ca-
pitaine Maryland, aidé par les guides sous le commandement du
lieutenant Frédérici, attaquait le village Boucou à la tête duquel
était Je fameux Baron. Bocou était une forteresse située au mi-
lieu d'un marécage non guéable, défendue par une clôture de
pieux d'environ 15 pieds de haut et munie de canons et de meur-
trières. Au dessus de la forteresse, flottait un pavillon : un lion
noir sur un champ jaune.
Sa prise ne fut pas facile. Après qu'ils "eurent cherché long-
temps, les guides trouvèrent un endroit guéable qui conduisait à
la forteresse. Alors, tandis que Maryland simulait une attaque sur
un côté et que Baron autour de ce point rassemblait toutes ses
troupes, le vaillant Frédérici avec ses guides inaperçus passait à
gué le marais, escaladait l'épée à la main le haut parapet et met-
tait Baron en fuite après un combat sanglant.
30.'- Le Marrons furent alors serrés de près dans toutes
leurs retraites ; mais, voyant qu'ils n'étaient plus en sûreté sur
le territoire hollandais, ils passèrent sur la rive française du Ma-
roni et y établirent leurs campements.
Cependant, le commandement en chef des forces militaires de
la colonie ayant été, par le stathouder Willem V, confié à Four-
geaud, cette décision excita la jalousie du gouverneur Nepveu, et
bientôt, entre ces deux hommes qui étaient appelés à veiller de
commun aux intérêts de la colonie, se produisit un refroidisse-
ment qui ne devait pas tarder à dégénérer en querelle
ouverte.
En tout cas, Fourgeaud montra à tous égards qu'il était à la hau-
teur de la lourde tâche qui lui avait été assignée. Il était infatiga-
ble dans la poursuite des Marrons et dans la destruction de leurs
campements. Il a, durant quatre ans, parcouru
dans toutes les
directions les régions incultes de Surinam, et réduit en quelque
sorte les Marrons au silence. Il estima alors sa mission comme
terminée, et partit en 1778 pour la Hollande.
(1) En souvenir de Sloelman, une des îles situées dans le Maroni un pos-
te militaire avait été établi, reçut le nom de Sloelmaneiland:
une rue de Pa-
ramaribo requt également son nom.

— 32 —
Mais, si les nègres boschs avaient été battus, ils n'étaient pas
exterminés. Au vaillant Frédérici, lequel, avec ses guides, avait
grandement contribué au succès de Fourgeaud, était réservé l'hon-

neur d'infliger aux Marrons qui, avec leur chef B nni, avaient tra-
versé le Maroni et qui, dès 1778, recommençaient par leurs atta-
ques à inquiéter les colons, une formidable défaite qui

obligea
Bonni à se retirer avec de grosses pertes.
X. — Situation financière de la colonie au I8èius siècle
31. — L'invasion de Cassard, les coûteuses expéditions con-
tre les Marrons, l'établissement d'un cordon ou
ligne de défense
(1774), l'envoi d'une commission pour vérifier les plaintes portées
contre Mauricius avaient exigé de la colonie de lourds sacrifices
d'argent ; les colons durent payer des impôts de plus en plus
élevés, contre lesquels la Cour de police protestait fréquemment.
Pourtant aussi longtemps que la récolte du café fut satisfaisante

et que les cours du marché des produits d'exportation se maintin-
rent assez hauts, l'acquittement des impôts ne coûta pas trop aux
colons. Ils purent même, malgré cela, mener une existence opu-
lente et coûteuse. Et, surtout
à l'époque du séjour du
Baron de
Sporche et sous le gouvernement de Nepveu, de si brillantes fêtes
furent données par les habitants notables, et, autant sur les plan-

tations qu'à Paramaribo, tant de superbes constructions s'édifiè-
rent que Surinam paraissait avoir atteint le comble de la prospéri-

té et du bien-être.
Mais tout cela n'était brillant qu'en apparence, et bien avant
la fin du 18ème siècle la simple vérité devait se faire jour et
maint colon notable être réduit à la mendicité.

32. — Déjà, sous le gouvernement de Mauricius, beaucoup de
propriétaires de plantations étaient devenus si pauvres qu'ils durent
contracter un emprunt à la maison de commerce Gédeon Dutz
d'Amsterdam, et donner leurs plantations en garantie. Mais l'argent
prêté ne fut pas employé à développer

ou faire prospérer les
plantation mais plutôt à construire de superbes villas et à vivre
sur un grand pied. Les conséquences ne devaient pas se faire at-
tendre.

En 1765, beaucoup de plantations furent vendues pour dettes
et les anciens propriétaires devaient se montrer très reconnais-
sants lorsque l'administration de leur ancienne propriété leur était

laissée ou qu'ils étaient chargés de la direction dune autre plan
tation.

En 1770, la maison de banque d'Amsterdam Schouten et Va-
Uns, par-son argent Lacroix, prêta des milliers de florins aux plan-
teurs pour l'extension des cultures. Mais Lacroix se mit à l'œuvre
en téméraire. Quiconque voulait acheter une plantation pouvait re-
cevoir de l'argent au moyen
de traites
tirées sur
la maison
Schouten et Valons. De ce Lacroix, un écrivain a «lit « que d'un
simple trait de plume, il faisait beaucoup plus rapidement des

laboureurs qu'autrefois Pyrrha ne sut créer d'hommes en lançant
des pierres ».

— 33 —
L'achat et la vente des plantations devint une spéculation
avec toutes les conséquences fâcheuses qui en résultent. Un luxe-
inouï était étalé fastueusement, si bien que les planteurs
furent
dans l'impossibilité de remplir leurs .engagements. Les traites ti-
rées par Lacroix revenaient toutes protestées, ce qui donna lieu
à de coûteux procès et eut pour résultat que beaucoup de planta-
tions furent vendues pour une très faible somme.
33. — De fait, Surinam fut, à cette époque, presqu'entière-
ment la propriété de la ville d'Amsterdam, laquelle, ayant ache-
té en 1770, pour 700.000 florins, la part d'un
tiers qui apparte-
nait à la famille Van Sommelsdijck, possédait alors les deux tiers
de la colonie, tandis que ses marchands avaient on pleine pro-
priété la plupart des plantations.
Le règne des planteurs de Surinam alla à grands
pas vers
sa tin. Et, à leur place, entrèrent en scène les agents des pro-
priétaires hollandais, lesquels, avec le titre d'administrateurs, fu-
rent bientôt si riches qu ils ne tardèrent pas, dans la plus grande
partie du 19ème siècle, à donner le ton dans la colonie et à exer
cer une grande influence sur la marche des affaires.
Les Juifs surtout, eux qui possédaient plus du quart des 400
plantations existant approximativement à cette époque, par l'agio-
tage des lettres de change, eurent à supporter beaucoup de per-
tes. Leurs plantations passèrent aux mains des marchands d'Ams-
terdam, et leur influence diminua progressivement, en même
temps et dans la même proportion que leurs richesses
34. — La situation de la colonie n'était donc, à la tin d u
18ème siècle, rien moins que favorable.
Cependant, la Hollande
tirait alors beaucoup de profit de Surinam. En
effet, des 265
millions de florins que le pays avait produits en sucre,
café, co-
ton, etc, soit en moyenne 10 millions de florins par an, la Société
Concessionnaire en avait profité pour 2 millions de florins annuel-
lement ; pourtant, les colons ne payaient annuellement pas moins
de 800.000 florin
environ de fret aux navires hollandais qui trou-
vaient toujours "il riche chargement à Surinam.
, *XI. — Constitution — Manières de vivre — Culte —
Enseignement au 18ème siècle
35. - - Selon le privilège de 1682, accordé par les Etats Géné-
raux à la Compagnie des Indes occidentales, la plus haute auto-
rité était entre les mains du gouverneur qui, dans les affaires
importantes, devait prendre l'avis de la Cour de Police et de
Justice Criminelle. Cette cour était composée
du gouverneur
Président, du Commandeur ou Commandant, vice-président, et
de 9 autres membres nommés à vie, choisis parmi les habitants
les plus notables.
Entre ces Conseillers de police et la plupart des gouverneurs
s'élevaient souvent
de
violentes querelles, car les
premiers

— 34 —
croyaient qu'ils avaient été appelés à administrer la
colonie avec
le gouverneur, tandis que les derniers considéraient la Cour sim-
plement comme une assemblée consultative.
Aux conseillers de police était aussi adjoint un conseiller fis-
cal. Comme celui-ci était ordinairement le seul érudit en droit
au sein de cette assemblée, les gouverneurs étant la plupart du
temps recrutés parmi l'élément militaire, il exerçait souvent une
grande influence.
Bien que le
Commandeur
fût le
remplaçant
désigné
du gouverneur et, par conséquent, la personne qui, en rang
venait après celui-ci, le Conseiller fiscal s'arrogeait souvent
la
plus haute autorité.
Naturellement cela donna, au préjudice de
la colonie, également naissance à beaucoup de querelles.
Maint différend à Surinam trouva sa source dans l'imperfec-
tion de la Constitution, de même qu'en Hollande, la défectueu-
se Union d'Utrecht, pacte fédéral qui, comme charte,
demeura
en vigueur jusqu'en 1795, donna lieu à dés disputes continuelles.
36. — La population blanche, composée principalement de
Hollandais, de Français et d'Allemands, était très faible auprès
du grand nombre des nègres esclaves et cela cause un véritable-
ment étonnement que la peur d'être écrasés par cette grande su-
périorité du nombre n'ait pourtant pas empêché les blancs de
traiter si cruellement leurs esclaves.
L'élément juif avait été tellement accru, par l'arrivée de nom-
breux israélites de la Haute Allemagne et de la Pologne, qu'il
constituait vers la fin du 18ème
siècle presque la moitié de toute
la population blanche. Pourtant ces derniers venus n'étaient pas
aussi cultivés et aussi puissants que les premiers colons juifs. Ils
arrivèrent dans la colonie dans un tel état d'indigence que l'Admi-
nistration jugea nécessaire de prendre une Résolution aux termes
de laquelle ceux-là seuls, qui auraient assez d'argent pour pouvoir
être propriétaires de plantations, seraient autorisés à s'établir.
Mais les juifs, déjà installés à Surinam, n'avaient aucune rai-
son de se plaindre. Persécutés dans la plupart
des pays par le
l'eu et par le glaive, ils jouissaient dans la colonie presqne des
mêmes droits que les
chrétiens; ils avaient leur justice accoutu-
mée et pouvaient pratiquer librement leur culte.
A la population blanche appartenaient également les soldats re-
crutés parmi la lie des peuples européens, lesquels, à première
vue, ne se distinguaient pas favorablement des esclaves
païens,
issus de l'élement noir de la population. A vrai dire, d'après Mau-
ricius, la plupart des blancs
de Surinam étaient des t gens ou
sans éducation ou qui, dans leur pays, n'ayant voulu être bons
à rien,
n'avaient aucune idée, ou alors des idées très faus-
ses du culte, de l'ordre et de la bienséance ».
37. — Tandis que les esclaves étaient surmenés sur les planta-
tations, la population libre menait à Paramaribo
une existence
sans souci.
Paramaribo, qui, à, l'arrivée de De Sommelsdijck, n'était qu'un
petit village, était, à la lin du 18ème siècle, transformé en une

— 35 -
jolie ville de plus de 1000 maisons, dont quelques-unes avaient
coûté plus de 50.000 florins.
La manière simple de vivre des premiers colons avait insensi-
blement subi un grand changeai rit. Dès le milieu du 18ème siè-
cle, le plus grand luxe régnait dans la colonie. Les superbes et
spacieuses maisons, dans lesquelles nombre de domestiques cou-
raient d'une pièce à l'autre, étaient remplies de meubles magnifi-
ques. Le penchant au luxe
se manifestait surtout dans la façon
dont s'habillaient les messieurs aussi bien que les dames. Quant aux
chevaux et voitures, il y en avait de splendides. Pour le trans-
port de ces chevaux, les■ capitaines, qui, suivant un édit de 1704,*
auquel on tenait strictement la main, devaient toujours, dans leur
chargement, en avoir un certain nombre, apportaient tout leur
soin. Le nombre des chevaux de selle était alors très grand, car
au dire de Mauricius un certain nombre de bourgeois qui s'ap-
pelaient les a: Chevaliers
de Maurits » purent, a l'occasion de
son anniversaire, le 3 mai 1743
organiser en son honneur une
brillante cavalcade, en tenue d'uniforme rouge.
38. — La vie morale laissait beaucoup à désirer; en ce qui a
trait à l'éducation des enfants, on y pensa à peine. Quant à l'ensei-
gnement, jusque vers la lin du 18ème siècle, il n'avait aucune im-
portance. Des soldats congédiés, des planteurs malheureux ou des
aventuriers étaient chargés de l'enseignement moyennant
une lé-
gère rétribution.
Avec la vie religieuse, les
choses n'allaient guère mieux.
Quoique le pasteur Batelier eût été. eu 1668, déjà appelé comme
ministre protestant à Paramaribo et qu'il y eût, depuis cette épo-
que, un ou plusieurs pasteurs dans la colonie, la prédication au
18éme siècle, n'avait pas porté beaucoup de fruit.
Les disciples du pieux comte Von Zinendorf, les frères Mo-
raves, qui, en premier lieu, vinrent s'établir en 1739, dans la colo-
nie, et sur lesquels reposait la lourde tâche de convertir au chris-
tianisme les esclaves païens, avaient plus
de raison de contente-
ment que les prêtres de la religion
réformée. Malgré la haine et
l'opposition des blancs, ils réussirent, le 21 juillet 1776, à ad-
mettre au baptême le premier esclave nègre, auquel ils donnèrent
le nom de Johnnnès, et le 18ème
siècle n'était pas encore à sa
tin que les Frères Moraves avaient une église particulière avec
une paroisse de plus de 300 membres.
Même parmi les sauvages Arourakken qui étaient loin d'avoir
atteint le même degré de civilisation que les Péruviens et les
Mexicains,
la mission des Frères Moraves, grâce au zèle et au»
mépris de la mort des Frères Dahne, Gottlieb, Fiss her et autres,
compta beaucoup de membres.
Les ecclésiastiques catholiques romains à qui, dans la deuxiè-
me moitié du 18 ème siècle, avait été accordée la permission de
prêcher leur culte à Surinam, durent, pour différentes raisons,
limiter leur apostolat à la population blanche ou libre. Mais déjà
en 1793, la situation financière précaire de cette paroisse forçait,

— 36 —
le révérend père Eeltjens à fermer l'église qui avait été ouverte
solennellement en 1787, et à quitter la colonie. Ce n'est qu'en 1810

que les offices divins purent être repris par le père SchincK.
Les Israélites portugais, au contraire, avaient déjà, eh 1720,
sous le gouvernement de Caret
He sheusses (1728-1734) par qui,
ils furent grandement protégés, l'autorisation de construire .une
synagogue entre Heerenstraat et Gravenstraat.

39. — Alors que les frais n'étaient jamais trop élevés pour sa-
tisfaire à l'amour du luxe, il n'en fut pas de même pour le déve-
loppement de l'intelligence, auquel
ne pensaient que quelques-
uns. Qu'on y songe donc ! les arts et les sciences n'étaient guère
cultivés, et l'on pouvait, aussi bien, se passer d'éducation et d'en-
seignement. Aussi, le nombre des blancs sachant lire n'était pas

grand, et beaucoup, qui, à Surinam, étaient parvenus à une gran-
de aisance, pouvaient à peine écrire leur nom.
Pourtant, de temps à autre, et par le gouvernement colonial et
par quelques colons instruits, quelque chose était effectué dans le
but de favoriser le développement intellectuel de la population.
C'est ainsi qu'à la demande du gouvernement colonial, le botanis-
te Isaac Eliaesr Augar, disciple du célèbre Herman Boerhaxe, fut
envoyé, en 1734, à Surinam pour y établir un jardin des plantes.

De même, fut fondée, par le gouverneur Texier (1780-1784), en
collaboration avec le conseiller fiscal Jan Gerhardt Wickers
et
quelques bourgeois instruits, parmi lesquels le poète surinamois
P. F. Roos et le médecin Schilling animé par l'amour de la scien-
ce, une Société pour l'étude de
l'histoire naturelle, et créé le
« Hortus Surinamensn » (jardin botanique de Surinam), où furent
cultivées toutes sortes de plantes tant indigènes qu'exotiques.
Egalement, par les mêmes bourgeois et quelques autres, par-
mi lesquels le vaillant Frédérici, fut fondée une bibliothèque qui,
bientôt, obtint un tel développement qu'elle ne le cédait â aucune
autre dans toutes les Indes Occidentales.
En 1783, sous le nom de Docendo Decimus fut encore,
par
quelques Israélites, créée une Société littéraire dont le gouver-
neur Texier, le lieutenant colonel Frédérici et le médecin Schil-

ling tirent partie en qualité de membres honoraires. Les membres
de cette Société se réunissaient régulièrement, deux fois par se-
maine, pour suivre dès Conférences sur le commerce, la naviga-

tion, l'agriculture, etc.

C'est sous l'administration du gouverneur Nepveu que Suri-
nam acquit sa première imprimerie (1772). L'honneur en revient
â Beeldsnijder Matroos qui, encore sous un autre rapport, a bien
mérité de la colonie, car tous les actes de la
Cour de Police
et
de Justice criminelle qui pouvaient être publiés furent confiés
à cette imprimerie, grâce à laquelle lit son apparition, le 16 août
1774, le premier journal de Surinam.

La création d'un théâtre put être, en 1775, également envisagée
comme un faible effort en vue de dégrossir en quelque sorte les
colons encore trop frustes.

- 37-
Durant le gouvernement de
Wichcus (1784-1700) fut, en 1780,
encore fondée, sous le nom d' « Amis des lettres de Surinam D,
une sorte de chambre de rhétorique, dont le président était le
poète P. F. Roos, de qui, existe encore un recueil de poésies
« Récréations de la Jeunesse surinamoise ». Aux réunions de ces
rhéteurs de Surinam, tout membre avait la permission de lire un
poème écrit par lui, lequel était alors critiqué par les autres,
quelque fois corrigé. Ces productions étaient annuellement impri-
mées par Beeldsnijder Matroos et ensuite publiées.
XII Le Gouvernement de Juriaan François de
Frédérici. (1792 1802)
40. — Après avoir, durant 45 ans, dépensé dans divers postes
toute son énergie dans l'intérêt de la colonie, Jan Nepveu mourut
à Paramaribo le 27 février 1770. Beaucoup d'événements, déjà men-
tionnés dans les chapitres précédents, eurent lieu durant son gou-
vernement de dix ans. Pour son successeur, fut nommé le com-
mandeur' Bernard Texier (1780-1783) qui par su te de la Quatriè-
me Guerre Anglaise, eut un gouvernement très difficile.
Ce fut vraiment un vrai bonheur pour les colons que, dans cet-
te période embarrassée, un homme modéré et habile comme Texier
eût en mains les rênes du pouvoir.
En dépit, des nombreux désastres qui, sous son gouvernement,
désolèrent Surinam, entr'autres toutes sortes de maladies qui,
aussi bien parmi les blancs que parmi les esclaves, tirent
beau-
coup de victimes, la famine provoquée par l'insuffisance de la ré-
récolte et l'empêchement de la navigation durant la guerre, un
violent incendie le 23 février 1780 qui occasionna de grandes per-
tes à Paramaribo. Texier, avec un calme imposant et un zèle infati-
gable, resta à son poste, incitant, par son exemple, tout le monde
à l'accomplissement loyal de son devoir.
La Quatrième Guerre Anglaise (1780 1784) ne fut pas seule-
ment très nuisible à la métropole, mais aussi à la colonie. Des
200 navires marchands et même plus capturés alors par les An-
glais, il y en avait beaucoup qui, de Surinam, faisaient route sur la
Hollande avec un riche chargement.
Bientôt toute communication fut ainsi rompue entre la colo-
nie et la métropole. Les corsaires anglais croisaient le long de la
cote et en chassaient les navires hollandais et américains qui
étaient, chargés de ravitailler Surinam. Privée de tout arrivage de
denrées, la colonie; ne tarda pas à souffrir et à se ressentir de ce
manque d'approvisionnements.
Jour et nuit, Texier,
en fonctionnaire zélé, était occupé à
prendre des mesures en vue de mettre la colonie en bon état de
défense. Aussi fu-ce une grande satisfaction pour lui de voir que
Surinam resta alors réservé à la Hollande, tandis que les autres
possessions des Indes Occidentales, telles que Berbice, Demerary.
St. Eustahe et Curaçao, tombaient au pouvoir des Anglais.

— 38 —
Il est très probable que les nombreuses difficultés auxquelles
Texier eut à faire face durant tout son gouvernement avaient trop
exigé de ses forces. Aussi, après une très courte maladie, mourut-
il le 25 Septembre 1783, profondément regretté de toute la popula-
tion. Pour son successeur, fut nommé Je Conseiller fiscal Jan
Gerhard Wichers (1784-4790) qui, dans
son précédent emploi,
s'était déjà fait connaître comme un homme savant et laborieux.
Sous son calme gouvernement, quelques sociétés littéraires, dont,
par sa présence, il honorait régulièrement les réunions, fleurirent
grâce à son puissant appui. On peut dire de lui et de Texier que,
durant leur long séjour dans la colonie, ils ont largement contri-
bué à relever le niveau intellectuel et moral des colons, et à créer
beaucoup de choses utiles.
A la suite de démêlés survenus entre la Cour de Police et
Wichers, ce dernier partit en congé pour la Hollande
en 1790,
mais il ne retourna pas à Surinam. Pour le remplacer fut désigné
Juriana François de Frédérici, le vaillant chef des guides qui, peu
de temps auparavant, avait été, en récompense des importants ser-
vices rendus par lui à la Société Concessionnaire, nommé Com-
mandeur et Conseiller de Police honoraire.
En raison de son long séjour dans la colonie, et des expédi-
tions qu'il avait faites, d'un côté ou d'un autre, à la tète de son
corps franc, Frédérici connaissait presque tout le monde et avait
acquis une grande connaissance du pays.
Nommé Gouverneur général après que Wichers eût, sur sa
demande, été relevé de ses fonctions, Frédérici fut installé le 24
août 1792 avec le cérémonial habituel.Les nombreuses fètea don-
nées alors en son honneur, l'illumination de beaucoup de maisons
particulières, le souper à l'hôtel du gouvernement où prirent part
plus de 250 invités, tout cela montre clairement que le nouveau
gouverneur était généralement aimé et estimé.
A l'avènement de Frédérici, la situation de la colonie n'était
déjà plus aussi défavoiable que quelques années auparavant ; et,
comme il était un ami de l'agriculture (sa devise était : t dans
l'agriculture git le bien être » ), on eut vite l'espoir qu'il réussirait
à faire fleurir et prospérer davantage le pays.
41. Comme les nègres de Bonni, qui, s'étaient enfuis vers
le Maroni, venaient à nouveau de piller quelques plantations, Fré-
dérici, expédia contre eux le lieutenant colonel Beutler qui, avec
l'aide des Aucaners, réussit à les battre et à tuer le vaillant chef
Bonni, et son commandant en second Courmantijn Codjo. Les Bon-
nis devinrent alors tributaires des Aucaners qui les traitèrent très
sévèrement. Eux et leurs descendants, traités en serfs, étaient obli-
gés de payer annuellement un certain tribut et d'exécuter pour
Bambi, granman des Aucas, et son peuple,les gros travaux des
champs. Ils restèrent dans cette situation jusqu'en 1856.
Les ir-
ruptions des nègres Boschs avaient ainsi complètement pris fin.
Pour encourager les colons à se livrer à la culture des terres
dans d'autres parties de la colonie, Frédérici fonda dans le Beneden-
Saramacca les plantations La Prévoyance et Catharina Sophia. Son

- 39 —
exemple ayant été suivi par d'autres, bientôt se forma Je district Sa-
ra macca qui, à ce gouverneur, est évidemment
redevable de sa
fondation. Dans le Boven-Saramacca et au Para, il lit également
établir «les chantiers forestiers qui contribuèrent aussi bien au
peuplement de ces régions. Dans le Suriname, le Gouverneur pos-
sédait les plantations Voorburg et Boek e (Leonsberg), dont le nom
était emprunté au premier des nègres marrons qu'avec ses guides
il avait conquis sur !e chef marron Baron.
Par rétablissement des ces plantations, le but du gouverneur
était moins d'en retirer un avantage pécuniaire que de procurer
beaucoup de pain et de développer l'agriculture.
Sous son gouvernement, lurent établies les premières planta-
tions du district de Nickerie, plantations grâce auxquelles cette par-
tie de. la colonie parvint vite à une grande prospérité.
Cependant Frédérici était à peine au pouvoir que des nua-
ges sombres s'accumulaient au-dessus de Surinam.
En Europe, survenaient à cette époque des évènements très
importants qui n'allaient pas tarder à exercer une grande influen-
ce sur la colonie. En France, venait en effet d'éclater, en 1789, la
grande révolution qui coûta
Louis XVI non seulement le trône
niais encore la vie. Après que, sous le coumandement du général
Pichegru, les armées des révolutionnaires eurent conquis la Belgi-
que, elles entrèrent en Hollande afin d'accorder aux Hollandais
les soit-disant liberté-égalité et fraternité.
Elles furent accueillies
avec une allégresse extraordinaire par les patriotes, et le stathou-
der Willem V n'eut rien autre à faire que de quitter lè pays et
d'aller chercher un refuge en Angleterre (17(.)5.)
42. — Les Provinces Néerlandaises Unies furent alors décla-
rées en République et reçurent le nom de République Batave. De
même, les Directeurs de la Société Concessionnaire -de Surinam,
par qui la colonie avait été gouvernée jusque là, durent faire pla-
ce au Conseil des Colonies et Possessions américaines institué pour
l'Administration des Colonies
Frédérici reçut des chefs de la République Batave l'ordre de
continuer à gouverner Surinam en leur nom et de ne suivre que
les instructions qu'il recevrait d'eux. Par contre, l'ex-stathouder
Willem V lui adressa l'ordre de continuer à présider en son nom
aux destinées de la colonie. Willem V le pria en même temps de
recevoir comme amies et alliées les troupes du roi d'Angleterre qui
venaient afin d'empêcher les Français de faire la conquête de Su-
rinam.
La position du gouverneur était comme on le voit loin d'être
enviable. Quoiqu'il fût un ardent partisan de la maison
d'Orange,
il dut, le 27 août 1795, sur les instances de la Cour de
Police
relever les autorités civiles, et, quelques jours après, les autorités
militaires, de leur serment de fidélité envers le stathouder Willem
V.
La situation de la colonie était très critique. Une grande ferai en
tation se manifestait parmi les colons, dont une partie était restée
attachée au Stathouder expulsé et une autre partie paraissait s'accom-

— 40 —
moder très bien an nouvel ordre des choses. L'amour de la
liberté
était chez les enclaves également si vif que beaucoup commençaient à
s'orner de cocardes tricolores, de sorte que
la crainte d'un
soulève-
ment général rendait les colons
ès inquiets.
Aussi bien, la crainte
que les Anglais ne fissent une attaque de Surinam n'était pas sans fon-
dement.
Frédérici déploya dans ces jours diflici es, une 'rès grande activité.
Par de nombreuses mesures appropriées, il mit la colonie en état de
repousser l'agression redoutée.
43. — L'événement appréhendé ne devait pas se
faire
attendre
longtemps.
13 août 1799, une flotte anglaise,
sous
les ordr s de
Lord Hugh Seymour se présenta à l'embouchure de la rivière de Suri-
nam, et, dès le 16, le commandant adressait une sommat on de
reddi-
tion au gouvernement de la colonie. Le Gouverneur convoqua immé-
diatement un conseil de guerre qui, à l'unanimité, déclara que la colo-
lonie ne saurait résister à un si puissant ennemi, et, par traité, elle pas-
sa alors aux Anglais.
Surinam fut, dans ces conditions, placé
sous le protectorat de
Georges III, roi d'Angleterre. Les Anglais n'apportèrent aucun change-
ment danr l'administration de la colonie. Frédérici fut maintenu à son
poste comme gouverneur ; parmi les fonctionnaires, ceux là seuls du-
rent quitter immédiatement la colonie qui ne voulurent point prêter ser-
ment de fidélité à sa Majesté Britannique.
44. —A la paix d'Amiens (1892),la Hollande,
à l'exception de
Ceylan rentra en possession de toutes ses colonies, donc aussi de Su-
rinam. Frédéric dut
alors remettre les rènes du
pouvoir (décembre.
1802) au capitaine de vaisseau Bloys van Treslong,
qui, sur
1 ordre
de la République Batave, était venu à Surinam avec une escadre forte
de 1100 hommes.
Frédérici avait encouru la disgràce du
gouvernement pour avoir
livré la colonie aux Anglais sa "savoir fait la moindre tentative pour la
conserver à la Hollande, et également pour, après la
reddition, être
resté au service du roi d'Angleterre. Il ne m ritait certainement pas ce
reproche. ! Durant de nombreuses années, il avait rendu d'inestimables
services à la colonie ; à la tète de ses chasseurs noirs, il avait souvent
couru les plus grands dangers et toujours montré le plus grand mé-
pris de la mort. La reddition de la colonie ne saurait être attribuée à la
lâcheté. Elle n'était que la conséquence nécessaire du manque de mo-
yens de défense suffisants. Tout le monde était d'accord avec le gou-
verneur, les conseillers de police comme les autorités
militaires, pour
reconnaître que le mieux était de se décider à una reddition
immé-
diate plutôt que de risquer la vie et les biens
des habitants par une
résts'ance qui n'avait point ou peu de chance de
sauver ia colonie.
Frédérici avait également cru que l'acceptation par lui de son maintien
au poste du gouverneur ne pouvait que lui pe« mettre de mieux veiller
aux intérêts des colons et, le cas échéant, de mieux défendre leurs droits.
Ayant été relevé du pouvoir, Frédérici resta établi à Paramaribo
comme homme privé et se consacra entièrement à l'administration de
ses plantations. Il y mourut le 11 octobre 1812, profondément regretté
par toute la population. Sur l'ordre du gouverneur anglais Bonham, sa

- 41 -
dépouille fut, avec les plus grands honneurs, enterrée dans l'église réfor-
mée, située au milieu du « Vieux jardin d'Orange» (I).
Et pour ho-
norer sa mémoire, on lui éleva dans cette église un beau monument en
marbre représentant un grenadier, pleurant sur un cercueil.
Ce monu-
ment disparut dans l'incendie du 21 Janvier 1821.
Surinam perdit en Frédérici un homme qui, à beaucoup de no-
bles qualités d'esprit et de cœur, joignai
un grand amour pour-a po-
pulation. Il y a peu de gouverneurs qui aient eu autant
de difficultés
à vaincre et qui, néanmoins, aient été aussi efficacement utiles à l'inté-
rêt <!e la colonie que ce Hollandais qui savait forcer même l'admiration
de ses ennemis.
(1) Le vieux jardin d'Orange (Onde Oranjetuin) était le plus vieux cimeliè-
ve de la colonie, II était presque nlièremenl planté d'orangers, les personnes de
qualité y étaient enterrées Le cimetière des qens moins aisés se trouvait à cin-
quante mètres p us loin, entre les Heeren et Klips'eenenstraal (rues des Mes-

sieurs et des Ecueils de inerres). A partir de 1758. on n' était enterré, au «vieux jar-
din d'orange» qu'à titre de faveur exceptionnelle et moyennant la comme de, 500
florin .Le« nouveau jardin d'Orange » fut alors assigné comme cimetière.


TROISIÈME PÉRIODE
De la Paix d'Amiens à l'Emancipation des esclaves (1802-1863)
XIII. — Surinam à nouveau colonie néerlandaise.
45. — Pierre Berranger, ex-secrétaire de Frédérici, fut, le 9 dé-
cembre 1803,appelé à la tête de la colonie, en remplacement de Bloys van
Tres/ong, mort peu après son entrée en fonctions. Quoiqu'il
ne restât
au pouvoir qu'une demi-année à peine, il eut l'occasion de révoquer
quelques règlements injustes qui avaient été édictés contre les catholi
ques romains, ce qui permit à ces derniers de réouvrir leur église, qji
avait été fermée sous le gouvernement de Frédérici. Il apporta égale-
ment de grandes améliorations dans l'administration de l'hôpital mili-
taire où le traitement et les soins donnés aux malades laissaient grande-
ment à désirer.
Le gouvernement de cet administrateur de grand mérite prit fin par
suite de la reprise de Surinam par les Anglais, le 30 avril 1804. Dès
le 25 avril, apparaissait devant les côtes de la colonie une flotte an-
glaise forte de 31 vaisseaux, armée de 3000 soldats, et les commandants
en chef sir Charles Green et Samuel Hood exigeaient la reddition
immédiate de la colonie.
Après que le fortin Purmerende et la
redoute Leijden eurent,
sans beaucoup de peine, été conquis, le fort New-Amsterdam fut si
violemment attaqué de front et de flanc que le Commandeur Batenburg,
sans même consulter le gouverneur, arrêta avec l'ennemi les termes
d'une capitulation. Lorsque Berranger en reçut entin l'avis, il lança une
proclamation par laquelle il déclarait formellement que tout s'était pas-
sé en dehors de lui, et que l'entière responsabilité de la situation in-
combait à Batenburg.
Les Commandants anglais, à la date du 7 mai, portèrent à la con-
naissance de la population que le pays était devenu une
conquête du
Royaume-Uni de Grande Bretagne et d Irlande, et ils garantirent en
même temps à tous les habitants les libertés acquises et la possession
paisible de leurs biens. C est ainsi que toutes les lois restèrent en vi-
gueur et que tous les fonctionnaires qui jurèrent fidélité à sa Majesté
Britannique furent maintenus dans leurs emplois.
La nouvelle de la reddition de la colonie aux Anglais fut saluée
avec joie par beaucoup de colons qui, se rappelant qu'à l'époque "du
protectorat il y avait beaucoup d'argent en circulation dans le pays,
crurent pouvoir espérer que, grâce aux capitaux anglais, leurs affaires
auraient une plus grande extension et des résultats plus satisfaisants.
XIV. — Surinam, pays de conquête de l'Angleterre-
46. Le vieux gouverneur Frédérici que la République Batave avait des
titué, crut devoir offrir ses services au gouverneur anglais, mais il reçut du
Secrétaire d'Etat LordHobard une lettre amicale dans laquelle sa deman-
de était poliment rejetée sur le motif que sir Charles Green (1804-
1805; était déjà chargé du gouvernement de la colonie.

— 43 —
Ignorant de la langue et des mœurs du pays, Green fut vite en
butte à beaucoup de difficultés ; aussi, avant d'être entièrement au cou-
rant des affaires, il n'hésita pas à demander son rappel. Il a ait déjà

pourtant par sa simplicité et sa cordialité, gagné à ce point tous les
cœurs que la Cour de Police, peu avant qu'il ne résignât ses fonc-
tions, prit la décision de lui allouer en sus des appointements de 00.000
florins qu'il touchait du trésor

d'Angleterre,
une somme égale au
montant de la subvention annuelle des fonds coloniaux.
47 — Le successeur de Green fut sir William Hugues (1805-1808)
Celui-ci se lit vite connaître comme un homme sévère, mais équitable.
Consciencieux même dans ce qu'il considérait comme une obligation,
il exigeait de ses subordonnes l'accomplissement du devoir et une scru-
puleuse fidélité
Il lut si aimé et si estimé par la population que beaucoup qui,
lout d'abord, avaient déploré que Surinam fût tombé sous la domi-
nation anglaise, ne Considéraient plus

sous son gouvernement
«•et événement comme une catastrophe.
Comme le commerce n'était permis qu'aux sujets anglais et
qu'en raison de la guerre entre la France et l'Angleterre aucun
transport régulier, par navires anglais, ne pouvait avoir lieu, il y
eut dans la colonie une telle disette qu'à la demande des colons,

Hughes autorisa l'importation de comestibles de toutes sortes par
des navires nord-américains, bien que cela fût contraire aux lois
maritimes et commerciales de la Grande-Bretagne.
Il y eut cependant un grand mécontentement sous son gou-
vernement ; ce fut lorsque, par décision du Parlement, la traite
des nègres fut déclarée abolie, laquelle décision devait entrer en
vigueur à compter du 1er janvier 1808. Le bon exemple donné ain-
si par l'Angleterre fut d'ailleurs bientôt suivi par les autres puis-

sances, de sorte qu'au commencement du 19e siècle un terme était
enfin mis au déshonorant trafic des esclaves. Hughes donna sa dé-
mission en 1808, mais avant son départ, il mourut à Paramaribo le
28 septembre.
48. — Tandis que le baron Charles Bentinck (1808-1811) en-
trait en fonctions en remplacement de Hughes, son frère Henry
Bentinck était nommé gouverneur de Demerara. Les Frères Ben-
tinck étaient les descendants d'une ancienne famille hollandaise
qui avait émigré en Angleterre pendant les troubles patriotiques
des Pays-lias.
Par sa justice et son esprit conciliant, Charles Bentinck ac-
quit à Surinam beaucoup d'amis. Il s'attacha si bien au pays et à sa
population que, dans le souci des intérêts de la colonie, il lui ar-
riva parfois de perdre de vue ceux de l'empire britannique. Son
indulgence confina presque à de la faiblesse, et cela l'enmena à
suivre, au détriment de l'Angleterre, l'avis de Conseillers qui ne
poursuivaient en tout que la satisfaction de leurs propres intérêts.

Or, par suite du blocus continental décrété par Napoléon pour
anéantir le commerce de l'Angleterre, les denrées coloniales ne pou-
vaient être vendues et se trouvaient accumulées sur les marchés an-
glais, et les colons faute d'argent, ne pouvaient payer leurs dettes à leurs

— 44 —
créanciers hollandais, qui les firent poursuivre et arrêter. Mais, à
la demande de la population, ces poursuites furent suspendu es par
le gouverneur, de sorte que les créanciers de Hollande durent se
borner â attendre tout simplement des temps meilleurs.
On vit
alors des pièces de théâtres montées par des officiers anglais et le
produit de ces représentations employé à remettre en liberté les
personnes qui étaient détenues pour dettes. De ce fait ressort de
toute évidence qu'une entente parfaite existait entre les Anglais et
les autres habitants de la colonie.
Bentinck gagna le cœur des protestants en décidant que la
Caisse royale (antérieurements de la Société) supporterait un tiers
des frais, soit 400.000 florins, occasionnés par la construction d'un
nouveau temple de l'Eglise réformée. Sur cette promesse, la Cour
de Police ordonna immédiatement les travaux, et le 26 juin 1810.
avait lieu, par le gouverneur, la pose de la première pierre d'une
jelie construction en forme de coupole qui, dès l'année suivante,
était complètement achevée.
Bentinck mourut le 8 novembre 1811, profondément regretté
par toute la population (1). Sous son gouvernement, l'enseignement
qui, jusque-là, avait été porté à un très haut degré, fut, d'un mouve-
ment rapide, mis en progrès par le professeur Johann is Vroolijk de
Surinam, mais formé en Hollande, Ce professeur plein de mérite
ouvrit une école en 1809, y forma beaucoup d élèves appelés plus
tard à des emplois importants, et prépara des professeurs qui su-
rent à leur tour continuer et faire avancer l'œuvre si bien commen-
cée par lui.
49. —Le-successeur de Bentinck fut le
lieutenant général
Person Bonham,
homme fort juste, mais un peu désobligeant, ce
qui l'empêcha de se faire aimer par ses administrés. Il se mit très
vite au courant des affaires et acquit ainsi la conviction que son
prédécesseur s'était laissé abuser par de mauvais conseillers. Il
découvrit que certains fonctionnaires, pour s'associer à la vie somp-
tueuse des colons, s'étaient approprié les ressources dos terrains
domaniaux. Boubam.se montra sévère envers ces fonctionnaires
qu'il sacrifia sans pitié : ce qui lui lit beaucoup
d'ennemis. Une
commission nommée par lui, et dont l'ancien gouverneur Frédéri
ci faisait partie, détermina le montant des sommes qui avaient été
détournées des revenus domaniaux et arrêta à plus d'un demi mil-
lion le déficit existant, de ce fait, dans la caisse coloniale.
Bonham prit alors de sages mesures, grâce auxquelles la per-
ception des impôts eut lieu d une manière plus régulière, ce qui
lui procura la satisfaction de pouvoir, dès 1813,
faire
savoir au
gouvernement britannique que non-seulement le déficit de la caisse
coloniale était comblé, mais quel y avait une réserve s'élevanf à
près d'une tonne d'or (100.000 florins).
A sa mémoire fut, en 1814, dans l'église rérfomée, élevé un magnifique
tombeau de marbre blanc, représentant une femme {fleurant sur la tombe de
son mari. De même que celui de Frédérici ce monument fut la proie des flam-
mes en 1821.

En vertu du recensement, commencé en 1811 sur l'ordre de
Bentinck, continué et achevé sous lé gouvernement de Bonham, la
population totale de la colonie se composait d'environ 5900 per-
sonnes libres (blancs, négres et mulâtres) et d'environ 50.000 es-
claves.
Il convient de dire, et c'est à l'honneur de Bonham, qu'il fut
porté par son bon cœur à prendre des mesures sévères contre les
mauvais traitements infligés aux esclaves, et qu'il ne ménagea pas
les colons, même les plus notables, qui en étaient les auteurs. Il
en résulta contre lui un très grand mécontentement qui, chez beau-
coup, se transforma en haine lorsque, sur ses instances, des fonc-
tionnaires furent chargés de l'administration des plantations hypo-
théquées par les capitalistes de Hollande. Le but poursuivi par
Bonham était d'empêcher qu : les gages de ces prêteurs absents ne
lussent compromis par les prodigalités de leurs débiteurs dans la
colonie.
Do cette surveillance fut chargé John Bent qui, avec le titre
de receveur-directeur, arriva à Surinam le 15 mai 1813.
5 ). — Deux jours après son arrivée, le gouverneur lança une
proclamation par laquelle notamment il était porté à la connaissan-
ce de la population que les administrateurs des plantations devaient
rendre compte et justification de leur gestion au receveur direc-
teur John Bent ; qu'ils devaient le mettre en possession de tous les
biens et documents appartenant aux propriétaires absents, qu'au-
cune grosse dépense ne pouvait être faite au sujet de ces planta-
tions sans son agrément et permission, etc.
Se considérant offensés par cette proclamation et soutenus par-
les négociants qui tiraient grand profit des plantations et étaient,
par conséquent, dans un certain sens, sous leur dépendance, les
administrateurs présentèrent à la signature des habitants un do-
cument dans lequel était formulée une protestation contre cette
mesure.
f
Cet incident était à peine parvenu à la connaissance de Bon-
ham qu'il interdisait de laisser circuler plus longtemps ce docu-
ment et mettait aux arrêts à domicile les rédacteur Ph.J. Vlier et
P. L. de Rives, sous la menace de les expulser de la colonie com-
me rebelles au cas où ils ne se soumettraient pas à l'autorité en
sujets bien pensants.
La sévérité montrée par Bonham dans cette circonstance eut
pour conséquence que beaucoup de citoyens résistèrent ouverte-
ment et que la plupart des administrateurs refusèrent de faire à
Went les déclarations exigées. Une explosion se produisit,
le 31
mai 1813, à une réunion extraordinaire de la Cour de Police. La
nomination du receveur-directeur y fut blâmée en termes violents,
et le conseiller Halfhide alla même jusqu'à déclarer, sur un ton
emporté, que le gouvernement anglais voulait ruiner la colonie.
Frémissant de fureur, Bonham lui déclara brusquement qu'il pour-
rait le suspendre pour cette expression, à quoi Halfhide répliqua
au gouverneur sur un ton menaçant : c je vous délie de me sus-
pendre ». Sur cette provocation, Bonham, qui n'était plus maître

— 46 —
de sa colère, s'écria : « Maintenant, vous êtes suspendu, je vous
suspends ! », et clôtura l'orageuse réunion.

§ 51. —On ne saurait méconnaître que
Bonham était un
honnête homme qui voulait le bien, et possédait beaucoup des
qualités demandées à un bon gouverneur. Mais il n'est pas facile

d'user, à sa guise, de son bon plaisir et de rigueur excessive. S'il
s'était montré plus modéré, il eût été entouré de plus de considéra-
tion, et le départ du dernier gouverneur anglais de Surinam n'eut
pas été, par une grande partie de la population, regardé comme

un heureux évènement. A lui cependant revient l'honneur d'avoir
amélioré la situation financière de la colonie et surtout d'avoir em-
pêché, dans toute la mesure du possible, les mauvais traitements

des esclaves. C'est également à lui que la Hollande est redevable
de ce que le district de Nickerie constitue encore maintenant une

partie de Surinam. Le Gouverneur de Berbice, Gordon, soutenu
par les propriétaires anglais de la plupart des plantations de Nic-
kerie, avait, en effet, en 1813, fait au gouvernement anglais la pro-
position de réunir le district à Demerara, pour la raison que Nicke-
rie était trop loin de Paramaribo et Que, par sa réunion

à Deme-
rara, il parviendrait à une plus grande prospérité. Le Gouverne-
ment anglais soumit cette proposition à l'examen de Bonham qui

déconseilla avec force d'y donner suite. Et tenant compte de cet
avis, le gouvernement rejeta la suggestion de Gordon.

§52. —A la grande joie des habitants, arriva en juin 1814
la nouvelle que la paix était rétablie entre l'Angleterre et la Fran-
ce et que le commerce entre la Hollande et Surinam était autorisé
par le gouvernement. Aussi, au mois de décembre de la même an-

née, les Surinamois, pour la première fois après
tant d'années,
purent revoir Hotter leur cher drapeau tricolore au màt du na-
vire « Les Amis de Surinam », qui, sous le commandement du
capitaine Kraay, entra à pleines voiles dans la rade de Paramaribo*
A la paix de Paris (20 novembre 1815), la Hollande, à l'ex-
ception de Berbice, Demerara, Essequebo et le Cap de Bonne Es-
pérance, recouvra toutes les possessious que l'Angleterre

avait
conquises. Surinam fut donc à nouveau une colonie
néerlandaise.
Bien que Bonham, en vue du rétablissement de sa santé, eût
demandé et obtenu un congé, il résolut cependant de ne pas user
de cette permission et de rester à son poste jusqu'au moment de
la remise de la colonie au gouvernement hollandais. Cette

reddi-
tion n'eut lieu que le 26 février 1816. Le pavillon anglais fut alors
abaissé lentement et le drapeau tricolore hollandais hissé majes-

tueusement.
Les ligures joyeuses et les heureux cris d'allégresse montrè-
rent nettement que la' réunion à la Hollande, après de longues an-
nées de séparation, n'était pas à Surinam considérée comme une
calamité.
XV — Surinam encore une fois colonie néerlandaise
§53. — Willem I, roi des Pays-Bas, nomma comme
Gouver-
neur de Surinam le Contre-amiral Willem Benjamin Panhuys,
le-
quel entra en fonctions le 27 février 1816. Le premier acte du
gouverneur a été, le même jour, de lancer une proclamation aux

— 47 —
termes de laquelle les.fonctionnaires civils et militaires ainsi que
les habitants étaient déliés du serment de fidélité envers le roi
d'Angleterre. La Cour de la Police et de Justice criminelle fut, par
la même proclamation, également déliée.
Mais cette « Cour perdit une grande partie de son autorité
antérieure » ; les nouveaux membres ne furent plus, comme autre-
fois, nommés a vie, mais seulement pour neuf ans ; de plus, les
délibérations furent strictement limitées aux seules affaires présen-
tées par le gouverneur. Et les habitants notables ne purent plus,
également, par la nomination de nouveaux membres, exercer la
moindre influence.
D'autres réformes furent encore introduites par Panhuys du-
rant son court passage au pouvoir : c'est ainsi qu'il lit supprimer la
subvention que la colonie touchait de la métropole à titre de con-
tribution partielle aux frais engagés pour sa propre défense ; Suri-
nam était alors, en effet, en état de faire seul face à ces dépenses
(environ 500.000 florins par an, qui étaient supportées pour la moitié
par h colonie, à l'époque de la Société Concessionnaire, et en partie
par l'Angleterre durant l'occupation anglaise. C'est ainsi également
que les traitements des fonctionnaires civils et les soldes de l'armée
de terre furent laissés depuis lors à la charge de la caisse coloniale.
Panhuys mourut à Paramaribo le 9 juillet 1816 quelques mois
seulement après son entrée en fonctions. Il eut pour successeur
le Conseiller fiscal Cornells Reinhard Vaillant. (1810-1822).
§ 54. — A Vaillant revient l'honneur d'avoir le premier, par
une ordonnance du 10 mai 1817, mis en vigueur à Surinam un
Règlement sur l'Enseignement primaire ; jusqu'à lui, n'importe qui,
si ignorant et immoral qu'il fût, pouvait se charger de
l'ensei-
gnement de la jeunesse. Désormais ce droit ne sera accordé qu'à
celui qui, à la suite d'épreuves subies devant une commission
scolaire, aura justifié de son aptitude et de sa capacité à l'exer-
cice de la profession d'instituteur. Grâce à ce réglement, l'en-
seignement lit de rapides progrès ; beaucoup s'appliquèrent à l'étu-
de avec zèle afin d'obtenir le brevet de capacité, et un demi-siè-
cle était à peine écoulé que l'on comptait à Paramaribo 22 écoles
et un ensemble de 1500 élèves. Ce fut pour l'enseignement un
grand bienfait lorsqu'en 1813 .
savant directeur
de renseigne-
ment Corstiaan Aert Batenburg vint s'établir à Surinam. Jusqu'en
18063, par conséquent durant plus d'un demi-siècle, ce digne hom-
me se consacra à l'éducation de la jeunesse et, durant toute cette
période,forma beaucoup d'élèves qui, plus tard, grâce à l'ensei-
gnement reçu, furent de très grande utilité pour le pays de leur
naissance.
Afin de mettre un terme à l'introduction clandestine des es-
claves, un traité fut, le 4 mai 1818, conclu à La Haye entre l'An-
gleterre et la Hollande, traité aux termes duquel une cour de
Justice mixte
composée d'un nombre égal d'Anglais et de Hollan-
dais était instituée à Paramaribo pour faire obstacle au trafic des
esclaves. Et, en vertu de cet accord, deux commissaires anglais
vinrent en octobre 1819 se fixer dans la colonie.

— 48 —
Surinam fut, sous le gouvernement de
Vaillant, ravagé
par
deux grandes catastrophes. En 1819, éclata une épidémie de va-
riole qui fit
rapidement de très nombreuses victimes. Parmi les
personnes vaccinées en 1813 par le Docteur Walter Cadell,
bien
peu succombèrent à cette maladie ; mais elle sévit surtout parmi
la population noire et emporta au tombeau plus de 15000 esclaves.
Beaucoup de blancs furent, par suite de la mort de leurs escla-
ves, complètement ruinés. De plus, l'insuccès de la récolte et le
manque de vivres engendrèrent la famine.
La population commençait à peine à se remettre de cette secousse
qu'elle fut à nouveau saisie d'effroi et d'angoisse par un autre
sinistre
qui frappa la colonie le 21 janvier 1821.
Vers deux heures de l'après-midi, tandis que les habitants de Parama-
ribo jouissaient de leur repos dominical, un incendie se déclara dans
la cour d une maison située au coin du Plein (la Place) et du Water-
kant. Comme la maison était attenante à un magasin de droguerie. le
fen attisé par du goudron, de la poix, de l'huile, de la poudre et autres
substances inflammables, prit bientôt de telles proportions qu'on dut
renoncer à l'éteindre. Dans les 2A heures, environ 400 maisons et
leurs dépendances, d'importantes collections scientifiques, furent la
proie des flammes. L'église Réformée à coupole, bâtie en 1811 sous le
gouverneur Bentinck, l'église catholique romaine, la Chambre des
Tutelles, le Tribunal, la Balance publique, et beaucoup d'autres splen-
dides édifices firent dévorés par le feu. La perte s'élèva à {dus de
16 millions de florins.
La situation fut épouvantable après l'incendie. Des centaines de gens,
qui, un jour auparavant, vivaient dans l'opulence, en étaient réduits à
implorer l'assistance publique. L'administration procura des vivres aux
indigents, et des baraques construites à la hâte permirent d'abriter la
nuit un grand nombre d'habitants.
Il est facile de comprendre qu'après tant de désastres, Vaillant n'eut
point l'envie de rester plus longtemps chargé du gouvernement de la
colonie. Il sollicita et obtint son rappel et fut, le 1er avril 1822, rem-
placé per Abraham de Veer.
§ 55. Né à Curaçoo, de Veer, après que les Anglais eurent, en
1807, conquis cette île, quitta son pays natal et partit pour la Hollande.
Il y fut d'abord appelé aux fonctions de Commandant de la Côte de
Guinée, et plus tard, nommé gouverneur de Surinam. La colonie se
trouva, sons son administration, dans une situation très difficile, Par
suite de l'épouvantable incendie du 21 janvier 1821. beaucoup de
bourgeois étaient réduits à la mendicité ; les caisses du trésor étaient
vides, si bien que, pour la reconstruction des édifices publics, l'admi-
nistration se trouva forcée de recourir à l'emprunt.
Le papier-monnaie qui, durant un long espace de temps, avait été le
seul moyen de payement dans la colonie, avait subi une telle dépré-
ciation qu'il ne pouvait être employé dans les transactions qu'avec des
pertes très sensibles. Comme ce papier-monnaie n était pas valable en
Holland'3, les marchands, les planteurs, etc , qui avaient à elfecluer des
payements aux Pays Bas, durent le faire au moyen de lettres de change.
De plus, comme en vertu d'un décret de Willem 1, les redevances des
terres devainet dorénavant être acquittées non en papier-monnaie, niais

- 49 —
en traites, il se produisit une telle demande de lettres de change que
pour 200 florins de papier monnaie, on obtenait tout au plus une traite
de l00 florins. Le cours du change montait donc en raison inverse de
la valeur du papier-monnaie. On demanda alors avec instance le retrait
de ce moyen de payement, ce à quoi le gouvernement consentit en in-
troduisant dans la colonie le système monétaire hollandais à compter
du 1er janvier 1827. Le papier-monnaie fut à ce moment là changé
contre de l'argent, non au pair, mais à raison de 300
florins de
papier-monnaie contre 100 florins de monnaie néerlandaise. Cela causa
un grand mécontentement et la conduite de l'administration fut à cet
égard vivement critiquée
§ 56. — Comme
de Veer tenait strictement la main au
respect de l'ordonnance contre l'introduction des esclaves en con-
trebande, cela lui valut beaucoup d'ennemis parmi les planteurs,
les administrateurs et autres. Il montra d'ailleurs que le. sort des
esclaves ne lui était pas indifférent en
promulguant
un arrêté
aux termes duquel étaient passibles d'une amende de 4000 à 5000
florins tous propriétaires de plantations, qui négligeraient d'établir
des terrains vivriers pour leurs esclaves et de les planter conve-
nablement. Cette menace était réellement nécessaire, car cette né-
gligence avait eu souvent pour conséquence que les esclaves, après
toute une journée de pénible labeur, étaient obligés, faute de
vivres sur les plantations, de se mettre au lit le ventre affamé.
Cependant, comme, en dépit du contrôle sévère des navires
d'esclaves exercé par le gouverneur et le tribunal mixte, les plan-
tations continuaient à manquer de la main-d'œuvre nécessaire, le
roi Willem I, par une ordonnance du 6 juillet 1821, décréta que
les transgresseurs de l'interdiction relative au trafic des esclaves
seraient punis d'une amende de 10000 florins, de la dégradation
civique et d'un emprisonnement de 15 ans.
De Veer donna une preuve de sa grande tolérance
en confé-
rant aux Juifs les mêmes droits qu'aux confesseurs de la religion
chrétienne. C'est sous son gouvernement que la mission catholi-
que romaine qui, lors de l'incendie de 1821, avait perdu son
église, lit l'acquisition à Gravenstraat d'un édifice où la
troupe
théâtrale " Le Phénix ressuscité " donnait ses représentations et
le transforma en une maison de prière qui fut inaugurée solennel-
lement le 4 mars 1826, Cette construction, qui a été à diverses
reprises agrandie et restaurée, est actuellement avec sa jolie fa-
çade ce qu'il y a de plus beau comme architecture à Suriname,
Quoique De Veer fût, par une grande partie de la popula-
tion, considéré et aimé, des plaintes
graves n'en furent pas
moins adressées contre lui au gouvernement hollandais. Il fut.
même accusé de tripotage avec le conseiller fiscal Baron
Van
Hetckeren.Mais cette accusation fut reconnue mal fondée par une
commission d'enquête nommée par le gouvernement, et de Veer
eut la satisfaction de pouvoir continuer à jouir de toute la confian-
ce de Sa Majesté Willem I.
§57 —Cependant dans la colonie continuait
à subsister
beaucoup de mécontentement et, dans la métropole, des plaintes

— 50 —
de toutes sortes étaient souvent portées relativement à l'adminis-
tration qui laissait à désirer. Cela amena le gouvernement à en-
voyer un commissaire général dans les
possessions des Indes
occidentales afin d'y effectuer les réformes nécessaires. Le choix
tomba
sur le major général
Johannes van den Bosch qui, deux
ans après, s'en alla aux Indes orientales pour y
introduire
le
réglement sur les cultures.
\\ an den Bosch arriva le 28 avril 1828 à Paramaribo où il fut
accueilli avec un grand enthousiasme par les
habitants,
qui
avaient fondé les plus grandes espérances sur le commissaire gé-
néral
investi du pouvoir le plus étendu. Van den
Bosch
s'atte-
la à la besogne avec beaucoup de
zèle
et
n'épargna aucune
peine pour se mettre à la hauteur de la tâche qui lui était as-
signée. Il travailla avec une application exemplaire à l'élabora-
tion d'un nouveau règlement
sur l'administration
des posses-
sions des Indes Occidentales, lequel règlement entra en vigueur
dès le 1er août 1828. En vertu.de ce réglement, toutes les pos-
sessions hollandaises des Indes Occidentales
furent placées sous
Ja liante autorité d'un gouverneur général résidant à Paramaribo.
La Cour de Police et de Justice criminelle fut dissoute et rempla-
cée par une Cour de Cassation et un Tribunal des petites
affai-
rer. Egalement,
afin d'améliorer la situation des esclaves,
Van
den Bosch nomma un fonctionnaire avec le titre de commissai-
re-conseiller, et plaça, dans les districts, des administrateurs sur
lesquels reposait l'obligation de s'intéresser au sort
des
esclaves
et de les protéger contre les mauvais traitements et
l'arbitraire
dont ils pouvaient ètr« l'objet de la part de leurs employeurs.
Pour aller à l'encontre du préjugé qui, chez les blancs, exis-
tait contre les Juifs et les gens de couleur.
Van don Bosch nom-
ma quelques hommes de couleur et des Juifs pleins de mérite à
de hauts emplois, et accorda les mêmes droits civils à tous les gens
libres sans distinction.
Le commissaire général s'intéressa très vivement,
comme MI.
le voit, à tout ce qui pouvait être favorable à la prospérité de la
Colonie. C'est dans ce sentiment qu'il alla à une séance de la
so-
ciété de bienfaisance de Surinam fondée en 1827 par le médecin
Coupijn, le jurisconsulte N. G. Vlier et quelques
philanthropes.
Et, comme il fut d'emblée convaincu de la grande utilité de cet-
te société, il la prit sous sa protection et la recommanda chaleu-
reusement à la sollicitude du
gouvernement
colonial. (Ministère
des Colonies).
Après avoir pris toutes les dispositions utiles à 1 intérêt de la
colonie, Van den Bosch quitta Surinam le 1er Août 1828, l'entrée
en vigueur du « nouveau Règlement » ayant, en effet -
mis un ter-
me à la principale partie de sa mission. Avant son départ, il nom-
ma comme gouverneur général de la colonie, le contre-amiral
Paulus R e'of Cantzlaar (1828-1831), alors gouverneur de Curacao,
lequel succéda ainsi à l'honorable gouverneur de Veer qui, sur la
proposition de Van den Bosch, fut mis à laretraite avec une pen-
sion de 8000 florins.

— 51 —
De Veer resta comme homme privé à Paramaribo où il mou-
rut le 2 février. 1838.
S 58. — C'est seulement après le départ du Cornmissaire gé-
néral que Cantzlaar put librement gouverner
Surinam selon ses
propres idées. Quoiqu'il continuât à régner un très grand mécon-
tentement dans la colonie, CantzJlaar réussit, par son impartialité
et sa rigoureuse équité, à gagner l'amour et la considération de la
population. Les nombreuses ordonnances publiées par lui attestent
particulièrement qu'il eut à fournir une grande somme de
travail
et qu'il avait pris sa tâche au sérieux.
Grâce aux efforts de Van den Bosch,
une banque des Indes
Occidentales avait été fondée en 1829, dans le but de mieux ré-
gler le (-ours du numéraire et de favoriser l'agriculture par
des
avances d'argent, aux planteurs (I). Cet important établissement
répondit d emblée à l'objet de s'a création. Ou n'eut plus désormais
autant de mal pour se procurer les traites dont on avait besoin, et
le cours du change descendit, jusqu'au pair. {Vautre part, plus d'un
million de florins furent par la Banque avancés à plusieurs plan-
teurs. L'agriculture fut de la sorte grandement aidée et beaucoup
de plantantions connurent une nouvelle ère de prospérité. Aussi,
pour la population dans son ensemble et pour les planteurs en
particulier, fut-ce une profonde et cruelle déception ' que l'ordre
donné â la Manque par le gouvernement hollandais, en 1830, de
cesser ses opérations de prêts et de ne plus tirer de traites sur
le Ministère des colonies. La caisse du Trésor était, en effet, épui-
sée â la suite de grandes pertes et, de plus, en raison de l'insur-
rection belge, la Hollande n'était plus en mesure de soutenir la
Banque pécuniairement.
La débâcle de la Banque des Indes Occidentales exerça sur
la situation pécuniaire de la colonie une influence très défavorable.
Le commerce et l'agriculture ne tardèrent pas à languir, à ce point
que beaucoup de négociants durent être; déclarés en faillite et que
de nombreuses plantations ne purent être vendues qu'au dessous
de leur valeur.
Pour comble de malheur, les Marrons se remirent à faire par-
ler d'eux ; heureusement, grâce à l'énergique intervention des
bourgeois et des militaires, ils furent vite réduits à l'impuissance,
et deux de leurs chefs, Sambo et. Amour, furent faits prisonniers
et beaucoup de leurs villages détruits.
Cependant, le fait que, malgré cette situation financière défavorable,
Surinam trouva tout de même le moyen des venir en aide à la métro-
pole et de contribuer pat l'envoi d'une somme de l0.000
florins
aux
dépenses occasionn es par l'insurrection belge, démontre, de toute évi-
dence, que la population était très attachée à la mére patrie.
(I) Celle Manque élail un établissent d'Etat et se trouvait sow; la direc-
tion du gouverneur et de quelques hauts fonctionnaires ; elle avait le privilège
d'émettre des billets de 50 cents à i1OO flor ns el faisait des Opérations d'escomp-
te et d'hypthèque,

— 52 —
C'est sous le gouvernement de Cantzlaar que fut, avec l'approbation
du Commissaire général Van den Bosch, fondée une société pour l'en-
couragement de l'enseignement religieux pariai les esclaves. Sous la
présidence du Procureur Général Baron Van Heeckeren, cette so-
ciété tut un grand soutien pour 1 œuvre de la mission des Frères
Moraves, car ils purent alors prêcher l'Evangile dans une sphère
plus étendue. Les membres de cette confession
augmentèrent si
vite que la mission dut se résoudre à
construire à Paramaribo
une plus grande église dont l'inauguration eut lieu le 21 juillet
1827.
A la suite d'une longue indisposition, Cantzlaar dut, le II no-
vembre 1831, charger le Procureur Général (antérieurement Con-
seiller fiscal) Baron Van Heeckeren de l'intérim du gouvernement ;
et, quelques jours après, la mort mettait une tin à la
vie de ce
gouverneur de grand mérite dont le 'dévouement inlassable aux:
intérêts de la colonie ne s'était jamais démenti.
§ 59. — M. Evert Lu lotph Baron Van Heeck ren était si con-
sidéré et si aimé par la plus grande partie de la population de
Surinam que beaucoup d'habitants notables adressèrent au gouver-
nement hollandais une requête en vue d'obtenir sa titularisation comme
gouverneur. Cette requête reçut satisfaction et, par décret royal du 6
mars 1832, le Baron Van Heeckeren fut nommé gouverneur gé-
néral de Surinam (1832-1838).
Comme il était réputé dans la colonie comme un homme de
grand talent et qu'il était, animé de beaucoup de sollicitude pour
Surinam, on nourrit l'espoir que son gouvernement porterait de
bons fruits. Mais cet espoir ne fut pas réalisé.
Il y avait à peine quelques mois que Van Heeckeren avait pris
en mains les rênes de l'administration qu'un grand incendie dé-
truisait une importante partie de Paramaribo. Le feu commença
dans la soirée du 13 septembre 1832 dans la maison du marchand
Monsanto, située au Heiligenweg, et s'étendit avec une telle
ra-
pidité qu'à la pointe du jour, à l'exception d'une seule maison (I),
toutes les constructions élevées entre le Waterkant (a), le Hei-
ligenweg (b), le Maagdenstraat (c), et le Steenbakkerijstraat (d),
étaient la proie des flammes. Durant deux jours et
deux
nuits,
les pompes durent rester en activité avant qu'on ne se rendît en-
tièrement maitre du feu. C'est grâce au concours unanime des
soldats, des marins et de la population civile que les dommages,
évalués à plus d'un million de florins, n'ont pas été plus
élevés.
Les esclaves eux-mêmes, en apportant de l'eau,
contribuèrent
grandement à l'extinction de l'incendie.
Parmi les nombreuses jolies constructions détruites par le feu,
il y avait l'église luthérienne aux si somptueux ornements. Elle
1
C'était une maison de style italien située au Maagdenstraat et appar-
tenant à M. Cohen qui avait été déjà également épargnée par l'incendie de \\82l
a Bord de l'eau, (b) ehemin sanctifié, (c rue des Lucelles, (d rue des
briquetiers.

— 53 —
fut d'ailleurs vite reconstruite au même endroit sur les vieux murs
restés debout, et fut inaugurée le 6 juillet 1834.
Afin de diminuer les risques d'incendie et de s'opposer à sa
propagation, le gouverneur, le 27 Septembre 1832, promulgua une
ordonnance aux termes de laquelle il était interdit désormais de
couvrir les maisons à Paramaribo autrement qu'avec des tuiles, des
briques, de l'ardoise ou autres matières incombustibles.
Quelques parties des terrains incendiés purent, envertu de la
même publication, être transformées en une place publique plantée
d'arbres. Celte place appelée « Loksidjari » fut durant plusieurs
années utilisée par le peuple comme balle aux poissons. Une fa-
brique de glace y existe présentement.
Il fut, en outre, stipulé que les propriétaires qui reconstrui-
raient leurs maisons entièrement en pierres ou en argile seraient,
durant 25 ans. exonérés de tout impôt locatif.
On avait cru tout d'abord que l'incendie avait été produit par
imprudence ou par accident ; mais l'on ne tarda pas à découvrir
qu'il était à la malveillance et qu'il avait eu pour auteurs trois
esclaves Codjo, Mentor et Présent.
Codjo était un esclave de la demoiselle Smith, surnommée mis -
sie Peggie, une négresse affranchie, qui, pour la moindre faute,
maltraitait cruellement ses esclaves. Un certain jour du mois de
juillet 1832, à Codjo, qui colportait du pain pour elle, vint à man-
quer 2 cents et demi. Il fut pour ce déficit régalé de quelques coups
de baton et menacé de recevoir le lendemain 300 coups de fouet.
Pour échapper à cette punition inhumaine, Codjo s'évada de chez
sa maitresse et se joignit à un vieux nègre Tom, et à quelques
autres esclaves fugitifs (| ni se tenaient cachés dans le Picorna-
bosch. Ayant eu par Présent accès à l'intérieur de la maison du
rnarchand Monsanto située au Heiligenweg, Codjo et ses compli-
ces, pour entrer en possession des aliments dont ils avaient be-
soin, mirent tout simplement le feu à la maison. On sait le reste.
Condamnés à être brûlés vifs, ils furent exécutés le 26 Janvier
183'), en présence d'une nombreuse multitude, à l'endroit même
où le feu avait été mis.
Au grand dommage que l'incendie avait causé à beaucoup de
colons qui, du jour au lendemain, se trouvèrent sans asile et sans
pain et à la ville.de Paramaribo qui resta.de nombreuses années
avant de reprendre sa belle apparence, s'ajouta encore une gran-
de disette de vivres dues à l'absence de moyens de transport, par
suite de l'embargo, au profit des Belges; mis par l'Angleterre sur
tous les navires hollandais.
§ 60 _ Le Baron Van Heckeren était à peine
à la tête de
l'Administration qu'il eut la mission de publier un nouveau Régle-
ment de Couvernement (Ordonnance organique) pour la colonie,
qui modifiait entièrement celui établi par Van Den Bosch en 1828
(I). Ainsi la Cour de Cassation lit place à un Conseil Colonial
l Les esclaves qui observaient que les modifications continuelles des lois et
de l'Administration n'apportaient à la situatio aucune amélioration chantaient
en leurs « does >• et autres fêtes de cette époque le couple1 suivant qui rendait


— 54

composé du Procureur Général, de l'Administrateur des Finances
(Auparavant Contrôleur Général) et de six des plus notables ha-
bitants, et la Cour de Justice civile et criminelle fut remplacée par
une Commission de la Cour.
Au grand préjudice des esclaves, le poste de Commissaire
Conseiller qu'avait créé Van den Bosch fut aboli de nouveau. Les
modifications apportées au Règlement du Gouvernement de
étaient donc loin d'améliorer la situation, et la suppression
du
protecteur des esclaves eut vite pour conséquence l'impunité des
mauvais traitements infligés à ceux-ci, et la désertion des
planta-
tions par ces. travailleurs.
§ 61. — Surinam eut, en 1835, l'insigne honneur d'être vi-
sité par le prince Willem Hend> ick, fils du roi Willem I, qui était
alors aspirant de marine à bord de la frégate « De Maas ». ( La
Maille).
Le séjour de cet hôte distingué dura seulement dix jours,
mais les fêtes éclatantes données en son honneur montrèrent com-
bien était grand l'attachement des Surinamois pour la
maison
d'Orange. Le Prince assista le 5 juillet à l'inauguration de l'église
protestante nouvellement construite, et, deux jours auparavant, il
posait la première pierre de la Synagogue des Hauts-Allemands
dont l'inauguration eut lieu seulement le 5 mai 1837.
Sous le gouvernement du Baron Van Heckeren fut également,
sur l'établissement pour lépreux de Batavia, construite une église
catholique romaine qui fut inaugurée le 7 février 1830.
Jusqu'en 1897, année où Batavia fut fermé en tant qu'établis-
sement pour lépreux, les bienveillants ecclésiastiques apportèrent
aux pauvres malheureux les secours de la religion, grâce auquels
ils purent se résigner à leur triste sort. A cet égard une mention
toute spéciale doit être faite pour le père Bonders,
le père des
lépreux, qui, de 1836 jusqn'à sa mort survenue le 14 janvier 1887,
s'est consacré, sans interruption et avec un dévouement inlassa-
ble, à apporter un adoucissement au sort si misérable des lépreux.
Le 25 juin 1838, fut également, par le gouverneur, posée la
première pierre d'un bâtiment destiné à
servir d'hôtel de
ville
lequel, avec sa jolie tour, constitue un ornement de la
Place du
gouvernement. Encore de nos jours y sont réunis les bureaux de
l'Administrateur des Finances, du Percepteur, du Trésorier-Pa-
yeur et la Justice de paix (autrefois collège des petites affaires.)
bien la situation.
Sranam. na kraboe holo, eh ! eh ! eh!
A habi wan mofo nomo, eh, eh, eh,
Den sani waka doro, eh, eh, eh,
So leki kraboc. na sjoro, eh, eh, eh,
Kondré na kraboe sondro hedé, eh, eh, eh,
Alla sani Je ■■■ aka leki krockloeteré, eh, eh, eh,

Surinam a l'apparence d'un trou de crabes,
Il n'a qu'un derrière « un canal »
Les affaires marchèrent ici toujours

Comme un crabe sur la terre
Le pays est comme un crabe sans tête
Tout marche ici comme le scorpion c'est-à-dire à reculons »

— 55 —
§ 62.
- Parmi les nombreuses publications promulguées par
Van Heckeren, on trouve celle du 19 novembre 1834- une des
plus intéressantes- aux termes de laquelle entrait en vigueur un

nouveau Réglement sur l'Enseignement primaire.
Ce réglement
et également l'établissement de deux écoles communales pour les
pauvres démontrent, de toute évidence, que Van Heckeren s inté-
ressait grandement à l'instruction et désirait la porter au plus grand
développement.

Mais le gouverneur fut moins heureux lors de la publication,
le 31 décembre 1835, d'un nouveau Règlement sur la garde ci-
vique. Ce réglement contenait des dispositions

choquantes
pour
une partie de la bourgeoisie et, comme ces bourgeois vainement
s'en plaignirent au gouverneur, il résulta un gros scandale suivi
de scènes plus ou moins tumultueuses. Van Heckeren appréhen-

dant une insurrection fit tirer sur la ville le canon du fort Zee-
landia et des navires de guerre mouillés sur rade.

Cela
ne fit
qu'augmenter l'agitation, et les insurgés ne consentirent à s'apaiser
que lorsque les dispositions blâmées eurent été révoquées.

Comme alors son état de santé laissait à désirer, Van
Hecke-
ren décida, le 5 juin 1838, de partir en congé pour la Hollande. Sa
gestion financière n'avait d'ailleurs pas obtenu l'approbation du

Ministère des < olonies qui lui reprochait d'avoir engagé beaucoup
de dépenses non justifiées. Arrivé â Curaçao, Van
Heckeren y
mourut subitement le 5 juillet.
§ 63. — Le Procureur Général Philippe de Kanter fut, au dé-
part du Baron Van Heckeren, chargé du gouvernement de la co-
lonie. Il devait par trois fois assurer cet intérim, sans jamais ar-
river a se faire titulariser, cela malgré ses hautes capacités et son
bon caractère.

C'est pendant l'intérim de De Kanter, le 6 décembre
1838,
que, pour la première fois, un coup de canon fut tiré vers 12
heures (midi) du fort Zeelandia, pour annoncer à la
population
que le milieu du jour était atteint.
On s'est, depuis, tellement ha-
bitué à ce coup de canon de midi que sa suppression aurait les
plus grands inconvénients.
Après avoir, durant plus d'une année, administré la colonie
avec une grande économie et beaucoup de tact, De Kanter remit
le pouvoir le 16 juillet 1839

au contre-amiral Julius Constantijn
Rijk (1839-1842), nouvellement nommé gouverneur de Surinam.
§ 64. — Il y a dans l'histoire de Surinam peu de gouverneurs
qui aient été, à leur arrivée dans la colonie, accueillis avec au-
tant de marques d'honneur que Julius Constantijn Rijk.

Aussi a-
t'il été un des rares gouverneurs qui n'aient été brouillés avec ces
puissants administrateurs et propriétaires de plantations qui for-

maient le soit-disant parti réactionnaire.
Pourtant Rijk ne réussit point à apporter d'amélioration dans
la situation
défavorable de la colonie ; c'est à peine s'il lui
a été donné de faire quelque chose dans l'intérêt des malheureux
esclaves. Il ne put que prendre des mesures sévères

contre la

— 56 —
fuite des Marrons, et les plus hautes primes_ furent par lui accor-
dées à la capture ou à la fusillade des fugitifs.
En mars 1842, il publia une ordonnance mettant en
vigueur
un Règlement sur la division de la colonie en districts, arrêté déjà
en principe par un décret royal de 1835.

C'est également sous son administration que, le 9 janvier 1842,
on vit entrer dans le port de Paramaribo le premier paquebot an-
glais. Cet évènement combla de joie la population qui, par contre,
fut désappointée lorsque lui parvint la nouvelle inattendne
que
Rijck était nommé Directeur général de la marine néerlandaise.
Les habitants notables eurent beau adresser une pétition
à
Sa
Majesté le roi Willem II en vue de son maintien à la tête do la
colonie, rien n'y fit et, le 31 mars 1842, après avoir confié Tinté
rim à de Kanter, Rijk retournait dans la métropole.

Durant ce deuxième intérim* qui
dura seulement quelques
mois, de Kanter s'efforça par des primes d'encourager la
petite
culture et l'élevage des bestiaux.
Bien que la population eût applaudi à sa
titularisation, le
choix du gouvernement hollandais se porta cependant sur le Secré-
taire général Burchard Jean Elias (1842-1845) qui, nommé gou-

verneur général, fut installé dans ses fonctions le 13 novembre
1842.
XVI. — Le Gouvernement du Gouverneur général
Burchard Jean Elias (1842-1845)
§ 65. — Elias qui, comme savant, avait la réputation
d'un
homme loyal et résolu, une fois nommé gouverneur, arriva à Su-
rinam avec la ferme intention d'améliorer le sort des esclaves et
de débarrasser les écuries d'Augias des abus et des vieux erre-

ments. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que, peu après son ar-
rivée dans la colonie, il entrât en conflit avec les hauts et puissants
administrateurs et propriétaires des plantations qui, eux, ne sup-
portaient aucunement qu'il y eût une puissance au-dessus

de la
leur. L'opposition que lit à Elias ce a parti réactionnaire » appuyé
par de gros négociants d'Amsterdam rappelle la tension fâcheuse
qui, au précédent siècle, a existé entre Mauricius et la Cour de
Police.
C'est surtout à cause de ses efforts incessants pour adoucir la situation
des esclaves qu'Elias fut haï par ceux qui employaient cette main-d'œuvre;
et lorsque, chargé par le gouvernement hollandais d'établir un nouveau

règlement sur les esclaves, Elias voulut s'y employer, il subit une
opposition violente de la part des administrateurs des plantations qui,

non-seulement pour protester contre toute modification à apporter au
règlement existant, firent appel à de puisssants négociants d Amsterdam,
mais encore les poussèrent à demander instamment le rappel du gou-
verneur, d'abord au ministre des colonies Baud, qui resta sourd à cette
requête, ensuite, par deux fois, au roi lui-même qui, lui non plus, n'y
donna aucune suite.

Cependant, convaincu qu'en présence d'une telle opposition il serait
mpuissant à relever Surinam de son état de décadence, et ne voulant


57

pas continuer contre le parti réactionnaire une lutte dont la colonie
seule supporterait les fâcheuses conséquences, Elias offrit à différentes
reprises sa démission qui fut, enfin, acceptée honorablement le
21 août 1845.
Avant de prendre sa retraite, il publia encore, toutefois, le décret
royal du 9 avril 1845, en vertu duquel Surinam était séparé administra-
tivement de Curasao et des autres colonies "Amérique, et par consé-
quent était supprimé le gouvernement général des possessions hollan-
daises des Indes Occidentales.
Mais profondément offensé par les accusations et les insinuations
perfides de ses arrogants ennemis, Elias n'eut qu'un désir, celui de
quitter au plus tôt la colonie. Aussi, loin d'attendre l'arrivée de son
successeur, le capitaine de vaisseau Reinier Frédéric Baron Van
Radin,
alors en service à Curaçao, chargea-t-il de 1 intérim du gouver-
nement le Procureur général De Kanter, qui était alors le plus ancien
membre du
Conseil colonial, et il quittait ensuite Surinam
le
15 juillet 1845,
XVII—COLONISATION
§ 66. — La colonisation par des cultivateurs européens a été par beau-
coup, tant au dedans qu'en dehors de la colonie, considérée comme un
des moyens par lesquels Surinam pouvait être arraché de son état de
décadence.
Déjà, sous le gouvernement de Van Sommelsdijck, une telle expé-
rience avait été tentée par les Labadistes (1). Ces colons, parmi lesquels
se trouvaient les trois sœurs du gouverneur, Anna, Maria et Lucia,
s'établirent à la Providence dans le Boven-Surinam, et y prêchèrent
l'Evangile anx Indiens et aux esclaves; mais bientôt l'insalubrité du cli-
mat, les maladies de toutes sortes, les querelles intestines et les inva-
sions des Indiens les obligèrent à abandonner la plantation.
Ce premier essai de colonisation échoua donc complètement
Avec celui des paysans du Palatinat, tenté à l'Oranjepad en
1747 et en 1754 par Mauricius et Van der MEER, les résultats,
comme cela a été déjà mentionné, n'ont pas été plus satisfaisants.
Après de longues hésitations, le gouvernement néerlandais
résolut de faire, aux frais de l'Etat, un essai de colonisation par
des cultivateurs européens, suivant le plan de trois pasteurs, les
révérends Betting, Brandhoff et Coupijn. Par décret royal du 25
Janvier 1843, le révérend Betting fut, en
conséquence,
chargé
d'aller à Surinam avec deux habiles cultivateurs, afin de choisir
un endroit convenable pour l'établissement de 50 familles hol-
landaises et de faire tous les préparatifs nécessaires en vue de
leur réception.
Après de longues recherches, le pasteur Betting de ma la
(1) Les Labadistes étaient une secte religieuse fondée dans la seconde moi-
tié du I7ème siècle par le pasteur Wallon Jean Labadie, de Bourg en Guyen-
ne. Ils vinrent en 1675 près de Wieuwerd (Frise), à Thetingen, où se trouve le
château
de van Sommelsdijck, et y tinrent des réunions religieuses. Ils vou-

laient supprimer la hiérarchie spirituelle, établir la communauté des biens, et
mettaient la suggestion intérieure au-dessus de l'Eglise et de la Bible.
Un
membre célébre de cette secte fut Anna Maria van Schurman (Dictionnaire).

— 58

préférence à Voorzorg, en face du porte
militaire de Groningen
dans le Saramacca.
Une enquête plus minitieuse l'amena cepen-
dant à la conviction que les difficultés naturelles jointes au dé-
frichement de cette région par des cultivateurs européens,
fe-
raient naitre des obstacles insurmontables. Ses rapports d'alors
au gouvernement témoignent même d'un complet découragement
Le Gouverneur .Elias nomma cependant une commission
« d'hommes d'expérience reconnue, de bonne foi et d'impartialité»
pour approfondir l'affaire. Cette commission combattit les objec-
tions du pasteur Betting et pressa le gouverneur « de mettre en
œuvre toute son influence sur le pouvoir
central afin de faire
continuer le plan de colonisation avecp ersévérance et vigueur?.
\\an de Brandhoff et Coupijn n'adhéraient pas non plus à l'opinion
de Betting.
A cause de l'économie excessive de l'Administrateur des Fi-
nances Leers les préparatifs pour la réception des colons furent si
mauvais que, lors de l'arrivée des premiers
207 cultivateurs sous
la conduite du révérend Coupijn, des 31 maisons d'habitation
qui
étaient en construction, 13 seulement, qui de
tous côtés étaient
entourées d'un bois touffu, étaient en quelque sorte habitables.
En présence de cette situation, les pauvres colons furent si
découragés que beaucoup manifestèrent sur le champ le désir de
retourner plutôt dans leur pays. Ils eurent bientôt fait de recon-
naître qu'en dépit des belles promesses faites, il n'avait été à Voor-
zorg, littéralement, pourvu à rien. Aussi, lorsque, quelques semai-
nes plus tard, y arrivèrent encore sous la conduite du pasteur
Brandhoff, 122 nouveaux colons, quelques grossières baraques du-
rent, pour les abriter, être installées en toute hâte.
Quelle honte perpétuelle pour les hommes
qui avaient été
chargés de la préparation et de la
conduite de cette colonisa-
tion ! A eux la faute que cet essai qui coûta 700.000 florins
échoua complètement. 189 colons, c'est à dire, plus de Ja moitié,
succombèrent par la mauvaise alimentation, l'insalubrité des lo-
gements et l'impropriété du terrain.
Des survivants quelques-uns retournèrent dans leur patrie et
les autres allèrent en 1853 s'établir dans les environs de Parama-
ribo.
XVIII, — Le Gouvernement de Reinier Frédérick
Baron Van Raders (1845-1852)
§ 67. — Le troisième
gouvernement
intérimaire
de De
Kanter
ne dura que trois mo s. Le 13 octobre 1845, il remit au baron van
Raders la direction de la colonie, que celui-ci lui repassa sept ans plus
tard, lors de son départ en congé.

Il convient de sonligner, à l'honneur de Van Raders, qu'à peine deux
jours après son entrée en fonction, il alla visiter les malheureux colons
installés à Vôorzorg, afin de se rendre personnellement compte de leur
détresse et
d'essayer d'apporter une amélioration à leur situation.
Pourtant
si bien intentionné qu'ait pu être le gouverneur à leur égard,
ils avaient pris Saramacca en une telle aversion qu'ils voulurent au plus


— 59 —
tôt quitter ce district. Après avoir tout préparé pour la réception
ceux qui n'avaient pas sollicité leur rapatriement, on leur céda des
lots de terrain dans le voisinage de Paramaribo où
ils se rendirent
par groupes et établireut des fermes. Beaucoup de leurs descendants
y habitent encore comme bourgeois aisés, et ils ont gardé un souvenir
reconnaissant du Baron Van Raders.
Le jour même de son arrivée dans la colonie, le Baron Van
Raders eut l'occasion de se rendre compte que les esclaves étaient
quelquefois sévèrement punis pour des fautes pourtant légères.
De la demeure du gouverneur intérimaire où une sérénade lui
était donnée par le corps de musique de la garnison, il vit quel-
qu'un expulser à coups de fouet quelques esclaves dont le seul tort
était de se trouver là et d'écouter la musique. Il ordonna immé-
diatement qu'on cessât cette réprimande et, sur sa demande, les
malheureux esclaves purent assister à toute la fête.
Le Baron Van Raders n'eut pas à attendre longtemps pour
avoir la conviction qu'il ne pouvait aucunement compter sur le
concours du gouvernement hollandais. Il en fit l'expérience notam-
ment lorsqu'il résolut de mettre à exécution le plan, pourtant mû-
rement étudié, de relier par un canal Paramaribo avec le district
de Saramacca. Le double but que poursuivait le gouverneur en
effectuant ces travaux était d'obtenir une plus courte jonction de
la capitale avec ce. district et, en même temps, de vaincre le pré-
jugé qui existait alors chez le travailleur libre, lequel trouvait le
travail de la terre un peu humiliant.
Les travaux commencés le 31 août 1846, en présence du gou-
verneur qui avait fait saluer d'un coup de canon la première
pelletée de terre enlevée du sol, se poursuivaient méthodiquement,
déjà s'y rendaient avec plaisir plus de 100 citoyens libres, lors-
qu'intervint une décision du ministre des colonies « Baud »
or-
donnant de les suspendre. Cette injonction du ministre causa une
grande déception aussi bien au gouverneur qu'à toute la popula-
tion.
L'interdiction du percement du canal obligea, par voie de
conséquence, le gouverneur à abandonner le projet qu'il avait for-
mé de placer sur les deux bords du canal des plants de cactus des-
tinés à la propagation des cochenilles.
Van Raders n'en eut pas moins la satisfaction d'avoir mis le
travail des champs en honneur chez l'habitant libre, et, sur ses
instances, s'établit une société pour l'avancement de l'agriculture
parmi la population libre, société qui, malheureusement, fut, faute
de ressources, dissoute peu d'années après sa création.
§ 68. Durant la longue sécheresse de 1846 qui eut comme
suite la famine et le manque d'eau, le gouverneur mit tout en
œuvre pour venir en aide à la population fortement éprouvée et, â
cet effet, aidé d'ailleurs puissammant par la Société de bienfaisance
de Surinam, fit apporter de la colonie anglaise voisine des vivres
qui, pendant quatre mois, furent distribués à tous les gens nécessi-
teux.

— 60 —
Cependant, Van Raders ne sut, pas plus qu'Elias, s'attirer les
bonnes grâces des administrateurs. Aussi, lorsque pour récompen-
ser les meilleurs esclaves du gouvernement attachés à la planta-
tion « Catharina Sophia », il leur fit faire une distribution de sou-
liers et de vêtements, cette mesure excita tellement la haine de ces
administrateurs qu'ils n'eurent de désir plus ardent que de le voir
partir au plus tôt de la colonie.
C'est sous son gouvernement que fut enfin promulguée, par
publication du 6 mai 1851, la modification introduite dès 1828 par
Van den Bosch dans le Réglement des
esclaves, modification
d'où résulta une amélioration sensible de leur sort.
Van Raders promulgua également le décret royal du 17 dé-
cembre 1847, en vertu duquel la navigation sur le Suriname était
ouverte à toutes les nations. Par cet acte était ainsi définitivement
abolie l'interdiction si injuste et, pour la colonie, si fatale qui ne
permettait de faire le commerce avec d'autres nations que les
Hollandais. Il en résulta pour le commerce un grand développement,
car les denrées coloniales qui, dès lors, trouvèrent en Amérique
et en Angleterre un meilleur, marché qu'auparavant en Hollande,
atteignirent des prix très élevés. Le premier navire étranger qui,
Je 28 août 1848, entra dans le port de Paramaribo, battait pavillon
suédois ; il fut bientôt suivi par les navires des autres puissances
en relations d'amitié avec la Hollande.
Les adversaires du Baron Van Raders ne furent pas peu en-
chantés quand, au commencement de 1852, fut reçue !a nouvelle
que Sa Majesté Willem III avait, par décret du 29 décembre
1851, relevé le gouverneur de son poste avec pension.
Ce renvoi
avait été amené par ce qui suit. La fièvre jaune qui, en 1851, sé-
vissait à Surinam, avait fait beaucoup de victimes parmi les mili-
taires et les marins. C'est ainsi que le navire autrichien
Venezia,
qui se trouvait sur notre rade, perdit tout son équipage. Van Ra-
ders fit vendre le bâtiment aux enchères comme bien sans maître.
Cela donna lieu à des complications entre les gouvernements au-
trichien et hollandais et conduisit le ministre des colonies Pahud
à proposer au roi le rappel de van Raders.
Le rappel de ce gouverneur de très grand mérite qui, de mê-
me que Van Sommelsdijck, occupe incontestablement
une place
d'honneur dans l'histoire de Surinam, fut appris avec beaucoup de
regret par la population, exception faite naturellement du parti des
administrateurs. Aussi lorsqu'il fut prêt à partir et après que, j
1er mars 1852, il eût remis le gouvernement à M.
Philippe de
Kanter, une adresse lui fut présentée, signée par beaucoup d'habi-
tants, qui l'y remercient en termes chaleureux des importants
services qu'il avait rendus à Surinam.
De Kanter mourut à peine deux mois après son départ et l'in-
térim du gouvernement dut, en attendant l'arrivée du gouverneur
titulaire, l'écuyer Von Schmith auf Altenstadt
(1852-1855,) être
confié à C. Barends qui était alors le plus ancien membre du Con-
seil colonial. Le nouveau chef de la colonie entra en fonctions le
23 juin 1852.

— 61 —
XIX. — Du Départ de Van Raders a
l'Emancipation (1852-1863)
§ 60. — L'épidémie de variole de 1810 avait réduit aux deux
tiers le nombre des esclaves et,
depuis, beaucoup de plantations
avaient dû, par manque de main-d'œuvre, être abandonnées. Pour
remédier à cette situation très alarmante, le gouvernement se dé-
termina à embaucher des travailleurs de n'importe
quelle pro-
venance. En 1853, il lit un essai avec 122 Portugais de Madère et
14 Chinois de Macao. Les Chinois étaient très iptes au travail
de la terre ; aussi, en
1858, 500 autres Chinois furent-ils,
de
nouveau, recrutés à Macao.
légalement, en 1853,
l'allemand
Auguste Ka'pler,
venu à
Surinam d'abord comme militaire et ensuite comme dépositaire
et chargé de la poste au Maroni, chez les Aucaners, arriva dans
la colonie avec une trentaine de travailleurs
libres recrutés par
lui dans le Wurtemberg dans le but de se livrer
à l'exploitation
des bois. Avec ces hommes et l'aide quelques Indiens il fonda sur
la rive gauche du Maroni l'établissement d'Albina. Les
colons y
restèrent en bonne santé, et parurent être de très bons coupeurs
de bois. Pourtant, comme Kappler n'observait pas la convention
passée avec eux, i s retournèrent, tous dans leur pays, peu de
temps après.
Un autre établissement fondé dans le même but dans le voi-
sinage
d'Albina par un Corse du nom du Monteealtin*,
assisté
d'environ 19 travailleurs, dut également, par suite
de dissenti-
ments mutuels, être encore abandonné.
Sous l'Administration du Gouverneur Van Altenstadt la variole qui,
depuis décembre 1853, avait éclaté parmi les Indiens du Coppename
tit. en janvier 1854, son apparition à Paramaribo, véhiculée en quelque
sorte par les canots venant de l'intériuer. Pour empêcher à l'avenir l'in-
troduction des maladies contagie
r les embarcations provenant
des régions de l'hinterland, le gouvernement fit desaffecter
le poste
milit ire Leijden situé en face du fort New Amsterdam et le. trans-
forma en Lazaret. Sur sa demande Van Altenstadt fut rappelé honora-
rablement, et, le 23 août 1855, il remit le pouvoir au Major général
Charles Pierre Schimph. nommé Gouverneur de. Surinam 1855-1859).
§ 70 — Durant «es quatre années de gouvernement, Schimph essaya
par des mesures libérales de développer la petite culture et d'encou-
rager \\e travail de la terre parmi les gens libres.
Pour les enfants pauvres et abandonnés, il fonda en 1857, sjr la
plantation Lustrijk dans le Boven-Commewijne,
avec
ie concours de
beaucoup de protestants notables, une colonie agricole appelée Pr -
testantsch Mettray [groupement protestant] . Bien que cert ins eussent
signalé, à ce sujet, que la situation éloignée de Lustrijk, le terrain ma-
récageux et malsain nuiraient à la prospérité du Me tray, la préférence
fut tout de même donnée à Lustrijk. Mais, à sa grande déception,
Schimph vit bientôt que l'établissement ne répondait pas au but pour-
suivi. Même la rigoureuse résolution du 8 février 1858, par laquelle

— 62 —
l'obligation était faite à tous les orphelins protestants indigents de se
faire admettre dans le Mettray , n'apporta aucun changement à la si-
tuation. Cette installation, qui avait coûté
beaucoup d'argent à la
caisse coloniale et eût pu être un triomphe pour la colonie, dut être
abandonnée après une existence languissante de seulement trois ans.
La mission catholique romaine fut plus heureuse
avec son
établissement d'orphelins. Grâce à la sollicitude de Mgr Schepers,
tous les orphelins catholiques romains indigents furent réunis dans
une construction située au Gravenstraat, connue sous le nom de
« Vieille Banque » que le gouvernement céda gratuitement
pour
une durée de 25 ans. En 1864, les filles, séparées des garçons, tu-
rent mises en pension chez les religieuses. L'affluence des orphe-
lines fut si grande, qu'on aut par la suite les transférer dans
un
meilleur établissement, situé à côté du couvent des religieuses où
elles sont, encore maintenant, soignées et élevées avec beaucoup
d'amour et de dévouement. L'orphelinat des garçons fut, en 1875,
transféré sur la plantation Lirorno située à 1 h. 1\\2 de distance de
Paramaribo, dans le but d'habituer de bonne heure les orphelins
au travail manuel et de les préparer à l'agriculture. Mais le but
que la mission romaine avait eu en vue avec cet établissement ne
parait pas avoir répondu à ses espérances, car les orphelins ont
été, en 1887, à nouveau transférés à Paramaribo.
§. 71 — Indulgent de nature, Schimph tomba très vite sous
l'influence du puissant parti des planteurs, dont la plupart du
temps il partagea les idées au grand préjudice de la colonie.
Le grand mouvement qui, dans la métropole, tendait à procé-
der le plus vite possible à l'émancipation des esclaves, offusquait
ce parti. En vue d'arriver à l'ajournement de cette mesure il
sut engager le gouverneur à faire parvenir au ministre des colo-
nies les informations les plus inexactes. C'est ainsi que,
dans
un rapport officiel, Schimph osa déclarer que
l'esclavage n'e-
xistait à Surinam que de nom, alors que, de
notoriété publique,
les esclaves y étaient pourtant continuellement
maltraités.
Le
ministre des colonies « Rochussen » se montra heureusement
d'une opinion contraire et déposa en 1858 une proposition de
loi sur la suppression de l'esclavage
dans toutes
les colonies
néerlandaises.
Comme mesure préparatoire à cette émancipation, fut dé-
cidée l'introduction à Surinam, en avril 1858,
d'environ
500
Chinois de Macao engagés comme immigrants pour le travail de
la terre. Quoique ces immigrants chinois
eussent, au
début,
donné lieu à beaucoup de difficultés et qu'il y eût souvent des
querelles violentes entre eux et leurs employeurs, ils n en ont
pas moins été, par leur
grande activité, le salut
d'un grand
nombre de plantations. Beaucoup s'installèren dans la colonie à
l'expiration de leur contrat,
et, par leur zèle et leur
persévé-
rance, y parvinrent à une grande aisance
En vue également de préparer l'affranchissement des esclaves
et en vertu d'un décret roval du 1er juiliet 1856, des fonction.

— 63 —
naires des routes gouvernementales de Hollande furent envoyés à
Surinam afin de veiller sur la situation et le traitement auxquels
les esclaves étaient assujettis, et, avec le titre
de commissaires
commandants, de prendre en mains l'administration des districts.
C'est sous le gouvernement de Schimph qu'en conséquence de
l'ouverture de la rivière de Suriname au commerce et à la naviga-
tion s'établit en .1855, à Paramaribo, le premier Consul, celui de
Belgique ; et bientôt, d'autres puissances y nommèrent également
des consuls ou agents consulaires pour veiller aux intérêts de leur
commerce.
En raison de ses démêlés avec le ministre des colonies
Ro-
chussen qui, dans maintes dépèches, désapprouvait sa conduite, et.
sa santé se trouvant altérée par les déceptions éprouvées, Schimpb
sollicita et obtiut son rappel. Pour son successeur, fut désigné
Reinhort Frans Van Lansberge (1859-1867) qui,
malgré son âge
avancé, n'hésita pas, en cette
périodo difficile, à prendre en
mains les rênes du pouvoir.
§ 72. — Le nouveau gouverneur se lit bientôt connaître com-
me un homme cousciencieux et de grand mérite dont l'intime désir
était de se consacrer entièrement à la chose publique ; sa bien-
veillance et sa grande simplicité en tirent un des gouverneurs les
plus populaires qui aient été placés à la tète des affaires de Suri-
nam.
En prenant possession du pouvoir, il trouva une tâche importante
et très vaste. L'émancipation prochaine d'un grand nombre d'esclaves
nécessitait notamment un certain nombre de mesures préparatoires.
I>e plus, la législation très imparfaite, qui était alors en vigueur dans la
colonie, demandait qu'on y apportât des modifications et une certaine
amélioration.
Pour remédier à cette situation, «ne commission d'Etat avait été
instituée le 30 septembre 1852 et avait pour, but de formuler, après
enquête, les propositions nécessaires. À cet etfet, un membre de cette
commission, M. Metman, accompagné de son secrétaire, M. H. M. Van
Andel, avocat à la cour de Cassation, arriva à Surinam en avril 18(30.
A Metman fut adjointe une commission administrative présidée par le
Procureur Général J. W. Gefken. Malgré le zèle et l'activité avec les-
quels Metman procéda à son enquête, il ne put achever sa tâche, car
il mourut le 5 octobre, à peine cinq mois après son arrivée. Le Pro-
cureur Général Gefken fut alors chargé d'achever le travail et de le
mener à bonne tin.
§ 73. — A la suite d'un ditférend survenu entre les gouvernements
hol andais et français au sujet des frontières respectives des Guyanes
française et hollandaise, une commission nommée par le ministère des
colonies et composée du « Baron Van Ileerdt », ancien officier de mari-
ne, et de « Cateau Van Rosevelt, » chef du département des construc-
tions, de concert avec une commission française dont le lieutenant de
vaisseau c Vidal » était le chef, s'employa à déterminer lequel de
l'Awa ou du Tapanahony était la continuation du Maroni. Le résultat

— 64

de cette exploration fut que l'Awa devait être considéré comme le cours
supérieur du Maroni et, par voie de conséquence, que tout

le pays
situé entre le Tapanahony et l'Awa appartenait à Surinam.
74-. — Durant le gouvernement de Van Lansberge Surinam eut
l'occasion de donner à la métropole une preuve éclatante de son atta-
chement. En effet, lorsque la Hollande fut, en 1861, ravagée par des
inondations qui semèrent par tout le pays la désolation et la mort, le
Gouverneur nomma une commission à l'effet de recueillir des souscrip-
tions et de venir en aide à ceux que le malheur avait le plus touchés.

La participation des Surinamois à cette triste infortune fut si grande
que, malgré la détresse financière de la colonie, une somme de près de
10.000 florins put être recueillie et expédiée aux malheureuses victi-

mes du désastre.

QUATRIÈME PÉRIODE
De l'Affranchissement des esclaves (1863) à l'année 1922.
XX. — De l'Emancipation ou Affranchissement des
esclaves et de ses conséquences pour la Colonie
§ 75.— Alors que, depuis 1883, juste trois jours avant la mort de-
William Wilberforce, qui témoigna de tant de zèle en faveur de l'affran-
chissement des esclaves, l'esclavage, sur la proposition de Lord Stanley,
était aboli dans toutes les colonies anglaises, la question, soumise en
Hollande, depuis 1853, à l'examen d'une commission d'Etat, n'avançait
que lentement. Ce n'est qu'après le rejet de plusieurs propositions re-
connues «L'une application impossib'e qu'enfin fut faite, en 186l, une
proposition nouvelle, laquelle, soumise à l'agrément des Etats Généraux,
fut aussitôt convertie en loi. Il lut par suite décidé que l'affranchis-
sement aurait lien le 1er juillet 1863 et que les propriétaires d'es-
claves recevraient une indemnité de 300 florins par tète d'esclave
libéré.
Par proclamation du 4 octobre 1862, Van Lansberge invita la popu-
lation locale à se conduire tranquillement et régulièrement en attendant
la date où les fers cruels de l'esclavage allaient être brisés pour toujours.
Ainsi, dans peu de mois, l'émancipation des noirs de Surinam,
depuis si longtemps promise et continuellement différée, allait être un
fait accompli, et l'année 1863 verrait naître pour eux un bonheur dont
les esc avts de Demerara jouissaient depuis 1838 et ceux de Cayenne
depuis 1848.
Mais il en était plus que temps 1
Les esclaves, fatigués du joug de l'esclavage tt déçus par l'ajour-
nement continuellement renouvelé de l'affranchissement cherchaient
dans les bois, et en grandes masses, la liberté si ardemment dés rée,
et, réunis aux Marrons appartenant au camp de Bross, situé au Sur-
naukreek, derrière Bac a Bac (ou Rorac) pillèrent, surtout en 1861,
plusieurs plantations. C'est ainsi qu'un bon matin, le directeur de la .
plantation Rac à Rac apprit à son étonnement, de quelques vieux nègres
restés fidèles, que la presque totalité des esclaves s'était, dans la nuit
enfuie vers le bois.
Les propriétaires de Rac à Rac n'épargnèrent ni leur peine ni leur
argent à 1 effet de ramener les esclaves fugitifs, mais ce fut en vain.
Même la proclamation du 20 octobre 1862, aux termes de laquelle
l'amnistie serait accordée à tous, n'amena aucnn résultat; les fugitifs
avaient perdu toute confiance dans les blancs et ne pouvaient, dès lors,
prêter l'oreille à cet appel. Le gouverneur résolut alors de faire ouvrir
un chemin à travers bois derrière Rac à Rac et d'envoyer le capitaine
Steenberghe, à la tète d un détachement de soldats, au camp de Bross,
y apporter aux Marrons la nouvelle de leur prochain affranchissement.
Ignorant le but de cette expédition et voyant marcher dans le bois
des militaires armés, les Marrons ouvrirent, à l'improviste, une forte fu-
sillade contre ces messagers de paix, dont les armes sur la recomman-
dation du Procureur général Gefken n'étaient même pas chargées. Cette
attaque inattendue causa une telle confusion parmi les militaires et les

— 66 —
esclaves qui étaient emmenés comme portefaix que Steenberghe se vit
obligé de battre en retraite en toute hâte.
Cet incident causa une grande consternation. Si au lieu de troupes
armées, le gouverneur avait chargé de simples citoyens de remplir au
camp de Broos cette mission de paix, il eût certainement épargné beaucoup
de chagrin, et prévenu une inutile effusion de sang. Malheureusement
on ne pense pas à tout.
La nouvelle de l'échec de Steenberghe était à peine connue que le
Gouverneur envoyait sur les lieux, le 2 novembre, les divisions de dé-
barquement du « Zoutman » et du » Amstel » pour, en liaison avec les
troupes de Steenberghe, châtier les Marrons. Mais celui-ci était à peine
entré dans le bois que les Marrons cachés derrière les arbres et les ar-
brisseaux, attaquaient les militaires et jetaient uns grande confusion
dans les rangs des soldats. Bientôt on cometait (plusieurs blessés et 2
tués, parmi lesquels l'aspirant de 1ère classe « F. Smit Van den Bro-
cke. » Le commandant ne perdit cependant pas courage ; il rétablit
vite l'ordre parmi ses troupes ; ouvrant une vigoureuse fusillade et
canonnade dans la direction d'où il avait été tiré sur les soldats, il mar-
cha en avant jusqu'à ce qu'un grand et profond marais l'empêchât d'al-
ler plus loin. Les Marrons, après avoir pendant quelques instants ripos-
té au feu des blancs, avaient d'ailleurs jugé prudent de déguerpir. Steen
berghe fit battre inutilement
le bois dans tous les sens ; il vit bien
une petite mare de sang, mais de tués ou de blessés, il n'en rencontra
nulle part. 11 cessa alors les opérations militaires et retourna à Parama-
ribo.
Après l'émancipation, Broos ayant eu, par les explications du Frère
Morave « Drexler, » connaissance du but de la première expédition,
fit alors sa soumission à l'autorité, en exprimant ses plus profonds regrets
de ce qui était arrivé. Il dut pourtant remettre les esclaves qui, durant
les trois années qui précédèrent l'émancipation, avaient cherché refuge
auprès de lui. Ceux-ci durent se soumettre aux stipulations de la loi sur
l'affranchissement.
Surinam était dès lors définitivement délivré des Marrons qui. du-
rant environ deux siècles, avaient, par leurs invasions et leurs pillages,
causé à la colonie un dommage incalculable.
§ 76. — Le Gouvernement, craignant pour la date de l'affranchis-
sement un soulèvement général des esclaves, avait
fait renforcer la
garnison des forts et envoyé dans la colonie 5 navires de guerre parmi
lesquels le Zoutman et l'Amstel. Cette crainte était sans fondement.
Le
1er juillet 1863 (I), 21 coups de canon du fort Zeelandia annoncèrent
1
Ce jour là, la chansonnette caractéristique suivante fut psalmodiée par
les émancipés, avec des cris de joie le long des roules de Paramaribo :
Eerste Juli ketie kotie;
Vefie hondro den no wani,
Sieksie hondro a no nofo
Ma drie hondro den moesoe teki
Katibo no dé moro
Ce qui signifie :

— 67 —
à la population de Paramaribo que l'esclavage avait cessé d'exister.
Avec de» cris de joie, les émancipés se rendirent le long des rues, ex-
primant à haute voix leur reconnaissance à S. M. Willem III, et, le
soir, ils se réunirent dans les églises magnifiquement décorées, pour
rendre grâce à Dieu qui leur ava t donné la liberté, le premier de tous
les biens.
Honneur aux Frères Moraves et aux ecclésiastiques catholiques ro-
mains, qui, malgré la plus grande opposition de la part des maîtres
d'esclaves, avaient converti en chrétiens 20.000 esclaves paiens! A ces
nobles hommes, on est redevable que le jour de l'affranchissement se
passa autrement que dans les colonies anglaises et françaises, et qu'on
n'eut aucun incident déplorable à signaler.
33.000 esclaves furent ainsi affranchis, et leurs anciens proprié-
taires reçurent à titre d'indemnité environ dix millions de florins. Les
émancipés durent cependant rester pendant dix ans sous la c surveil-
lance de l'Etat», et furent, en outre obligés, contre un salaire déter-
miné, de rester à travailler durant un certain temps sur les planta-
tions de leurs anciens maîtres
Cependant ce n'est pas sans mécontentemeni que les nouveaux
libres prirent connaissance des conditions de travail auxquelles les assu-
jettissait durant la période de dix ans de surveillance d'Etat le décret
libérateur, Beaucoup d'entre eux eux eurent l'impression très nette
que ce nouvel état des choses n'était qu'un esclavage déguisé.
Sur beaucoup de plantations, les nègres firent de l'opposition et
refusèrent catégoriquement de conclure avec leurs employeurs le contrat
de travail prescrit. Mais, par son intervention pleine ds tact, par sa
bienveillance et par son calme, Van Lansberge réussit à apaiser les
esprits; à ee point que, déjà en 1864, beaucoup d'affranchis qui, d'une
façon exemplaire, avaient satisfait à la loi, furent dispensés de la Sur-
veillance d'Etat, ce qni produisit sur les réfractaires la plus favorable
impression. Aussi bien, la promesse faite publiquement par quelques
propriétaires de payer des primes aux affranchis qui seraient disposés
à venir, sous les liens d un contrat, travailler sur leurs plantations, fit
disparaître chez beaucoup toute idée d'opposition.
Cependant beaucoup des ci-devant maîtres d'esclaves, ne pouvant
s'accommmoder au nouvel état «le choses, continuèrent à traiter les tra-
vailleurs libres comme des esclaves. Aussi leurs plantations ne tardèrent
pas à être dépeuplées et à être vendues à bon prix. Nombre de planta-
tions, autrefois florissantes. tombèrent de la sorte entre les mains
d'hommes qui n'avaient aucunement li'ntention de les exploiter, mais
bien le désir d'en retirer au plus tôt, par démolition ou morcellement,
un avant ge pécunaire. Beaucoup des travailleurs de plantations se
Le 1er juillet les chaînes de l'esclave rompirent,
On ne voulait pas de 500 florins,
600 florins, ce n'était pas encore assez:

Mais ils Jurent accepter 300 florins.
Il n'y a plus d'esclaves maintenant.
Les esclaves voulaient dire, par là, que les possesseurs d'esclaves qui
n'étaient pas satisfaits de recevoir 500 florins et même 600, par esclave qui
voulait racheter sa liberté, durent se contenter de bien moins à ce rroment là

où ils étaient obligés d'accepter 300 florins.

. -68-
rendirent à Paramaribo, où un» partie d'entr'eux passait le temps dans
le désœuvrement, sonffrait souvent de pauvreté, de sorte que pour ces
hommes la liberté était loin d être un bienfait.
De nombreux propriétaires arrivèrent vite par leur faute à de
grandes difficultés. Dans la crainte d'être ruinés par l'Emancipa-
tion ils n'avaient, durant la période qui l'a immédiatement précé-
dée, presque plus dépensé un seul sou pour leurs plantations, se
bornant à récolter tout ce qu'elles pouvaient produire. Les im-
portantes sommes qu'ils avaient reçues pour leurs esclaves furent,
en dehors de la colonie, affectées à d'autres besoins de sorte que,
souvent, ils furent gênés pour payer les salaires de chaque semai-
na, et durent, à cette fin, emprunter de l'argent à des conditions très
onéreuses. Cela alla finalement si loin que leurs plantations retom-
bèrent aux mains des spéculateurs qui au reste ne tardèrent pas à
poursuivre là encore leur œuvre de destruction.
Mais l'affranchissement des esclaves a été de haute significa-
tion pour l'histoire . Ainsi les Frères Moraves et les ecclésiasti-
ques romains n'ont plus été contrariés dans leur noble tâche de
civiliser les nègres païens. Loin de rencontrer de l'opposition, ces
communautés furent, pour se charger de l'instruction des enfants
des anciens esclaves, appelées à jouir de l'assistance pécuniaire du
Gouvernement.
Cependant les dix ans de « surveillance d'état » (1863-1873)
sont peut-être les plus malheureux de l'histoire de Surinam ; le
commerce et l'agriculture dépérirent, la plus grande partie de la
population vécut dans des embarras pécuniaires et le besoin de
bras se fit sentir chaque jour plus grandement. Une tentative
faite en 1865 pour introduire de nouveaux travailleurs chinois de
Macao échoua presque complètement, car sur les 400 engagés et
plus qui se mirent en route pour Surinam, plus de la moitié suc-
combèrent au cours du voyage,
§ 77. — C'est sous le gouvernement de Van Lansberge que fut
également introduite une grande réforme du régime politique de
la colonie. Le règlement organique de 1832 avait fait son temps
et fut alors remplacé par un nouveau, grâce auquel la population
obtenait son autonomie par l'institution d'une assemblée coloniale.
C'est à Van Lansberge qui. déjà par l'excellente manière dont
s'est effectuée l'abolition de l'esclavage, avait tant de titres à la re-
connaissance de la colonie, que Surinam est encore redevable
d'avoir été doté d'une représentation coloniale. Il avait, en effet, à
plusieurs reprises, insisté sur ce point auprès du département et
exprimé la conviction que la colonie était, à ses veux, mûre
pour cette réforme. C'est le 1er janvier 1866 que se réalisa cette
réforme de self-gouvernement par l'institution des c Etats Colo-
niaux ». Le Conseil colonial fut remplacé par un « Conseil d'ad-
ministration. Sauf le droit pour le gouvernement métropolitain de
rédiger également des lois pour la colonie,
le pouvoir législatif
passa aux mains du Gouverneur et des Etats coloniaux.

— 69 —
Ce corps fut composé de 13 membres, dont quatre
étaient
nommés annuellement par le gouverneur, tandis que
les
neuf
autres étaient choisis par les citoyens jouissant du droit de vote.
C'est le 8 mais 1866, qu'au milieu d'une grande allégresse, cette
assemblée tint sa première séance, et le gouverneur eut,, ce jour-
là, la douce satisfaction de paraître au milieu des représentants
du peuple et de recevoir d'eux, en même temps que les élo-
ges, les remerciements les plus chaleureux.
C'est encore sous le gouvernement de Van Lansberge que
fut, le 1er juillet 1865, par l'établissement de la Banque de Su-
rinam,
mieux réglée la circulation de l'argent dans la
colonie.
Cette banque obtint l'autorisation d'émettre des billets de ban-
que à partir de 5 florins.
78. — Après que Van Lansberge, qui, comme
on se le
rappelle, avait été, à un moment très difficile, appelé au gou-
vernement de la colonie, eut contribué à mener à bonne fin
toutes ces réformes,
il aspira a prendre du repos. A cette fin,
en 1866 il demanda son congé qui ne lui fut cependant accordé
que l'année
suivante.
Pour le remplacer, fut nommé Wi lem Hend ik Johan van
Idsinga qui débarqua à Paramaribo le 25 juin 1867. Sur l'ordre
du ministre des colonies, Van Lansberge dut, le jour même de
son arrivée, lui transmettre les pouvoirs.
Le Gouverneur plein de mérite qui, durant huit ans, avait,
avec la plus grande conscience veillé aux intérêts du pays et a
ceux du peuple, fut vivement sensible à ce traitement aussi bles-
sant qu'immérité. Par contre, il reçut de la population de Suri-
nam, qui vit partir avec regret le « Père Van Lansberge », ainsi
qu'elle le nommait avec une grande vénération, des preuves évi-
dentes d'estime et de sympathie.
Le 3 juillet 1867, quelques jours après la cessation de ses
fonctions, fut inaugurée, par le commissaire de district Alma, l'école
pour les enfants des affranchis qu'il avait fait établir à la station
« Frédériksdorp. » Il partit pour la Hollande le 2 août suivant.
XXI.
Le Gouvernement de William Hendrik Johan Idsinga
(18671873)
§. 79. — Bien que beaucoup eût été fait par « Van Lansberge »
pour relever la colonie de son état de décadence consécutif à
l'affranchissement des esclaves, son successeur allait, à son tour,
éprouver qu'il avait été appelé au gouvernement de la colonie à une
période encore très difficile.
Mais, heureusement, il n'était pas un étranger pour Surinam.
D'abord, comme officier de marine et ensuite comme commissaire
de Nickerie, il avait déjà passé quelques années dans la colonie et
acquis une certaine connaissance du pays et de sa population. Et la
preuve qu il s intéressait encore beaucoup à Nickerie. résulte de ce que
deux mois s'étaient à peine écoulés après son entrée en fonction, il

— 70 —
effectuait un voyage à ce district pour exam ner par lui-même ce qui
pouvait être fait pour le développement de cette partie de la colonie.
Au premier rang des moyens qui pouvaient favoriser et amener le
développement de la colonie, le gouverneur plaçait les voies de commu-
nication tant par terre que par eau. Et, dans cet esprit, bien que la
situation financière de Surinam fût alors très mauvaise par suite du
déclin de l'agriculture et du commerce, il fit creuser et rendre navi-
gable le canal de Saramacca, les criques Mot et Cras et remettre éga-
lement en état la route terrestre de Paramaribo au Para.
Deux événements très importants ont eu lieu sous l'administratoin
du Gouverneur Van Idsinga : r l'introduction d'une nouvelle législation;.
2° la suppression de la surveillance d'Etat.
Bien que la commission qui, après la mort de Metman, fut chargée
de l'achèvement de l'œuvre, eût déjà, depuis plusieurs années, présenté
au Gouvernement hollandais, en vue d'approbation, les projets de lois
qu'elle avait préparés, ce n'est qu'en 1869 que la nouvelle législàtion
fut adoptée. Le tribunal y était remplacé par une Cour de justice, et le
collège dee petites affaires par une justice de paix. Des justices de paix
y étaient également instituées dans les districts de Nickerie et de
tioronie.
§ 80. De même que pour le jour de l'affranchissement, 21 coups
de canon annoncèrent à la population, le 1er juillet 1875, que la pé-
riode de dix ans de surveillance d'Etat était terminée, et que les affranchis
avaient désormais les mêmes droits que les personnes nées libres. Les
émancipés célébrèrent ce jour d'une menière aussi tranquille qu'ils
l'avaient fait lors de l'affranchissement, et la crainte, qui, chez certains
esprits, faisait redouter que cette date ne fût marquée par la révolte et
des scènes de désordre, demeura, heureusement, dénuée de fondement.
§ 81. Par centaines, les affranchis quittèrent les districts et
vinrent se fixer à Paramaribo pour s'y livrer à la petite culture. Cet
exode eut pour conséquence que beaucoup de plantations, par manque
de main-d œuvre, durent être délaissées. Néanmoins l'intervention judi-
cieuse de Van Idsinga détermina un grand nombre d'affranchis à con-
clure des contrats de travail et sauva beaucoup de plantations d'une
ruine totale. Quoiqu il en soit, il devenait urgent de se procurer, n'im-
porte où et n'importe comment, les travailleurs qui faisaient défaut.
Un essai d'immigration libre tenté par l'Allemand « A. Wois »
ne donna aucun résultat. Wois, qui était établi depuis longtemps
à Surinam, se rendit en Allemagne pour y recruter des cultiva-
teurs. En présence de l'opposition formelle qu'il rencontra de la
part du Gouvernement allemand, il passa en Hollande où il réussit,
par de belles promesses, à décider quelques hommes à venir à
Surinam. Mais, arrivés dans la colonie, ils parurent bientôt être
incapables de s'adonner à l'agriculture, et la plupart succombèrent
des suites d'une existence immodérée.
Heureusement, le péril dont l'agriculture était menacée par
manque de bras put être conjuré grâce à l'intervention
du gou-
vernement métropolitain. La Hollande et l'Empire britannique
entrèrent en pourparlers en vue de l'établissement de. bureaux de

— 71 —
recrutement dans les Indes, aussi bien dans les ports que dans
certains points de l'intérieur. Après de longues et laborieuses né-
gociations, le' Royaume-Uni accorda, par traité du 8 septembre
1870, l'autorisation sollicitée de recruter aux Indes des travailleurs
libres ou coolies et de les introduire à Surinam. Ce traité fut pro-
mulgué dans le colonie le 27 mars 1872, et, quelques mois après,
sur la demande de l'Empire britannique, était nommé un « pro-
tecteur des Immigrants », Agent général, poste important qui fut
conlié à « Cateau Van Rosevelt, » commissaire du district de Sara-
macca.
Le 5 juin 1873, arriva dans la colonie le premier navire de
transport de coolies, suivi, dans la même année, de quatre autres
navires. Ce fut un triomphe dans la colonie ; l'agriculture était
sauvée ! Depuis, des milliers « d'Indiens britanniques» ont été in-
troduits, de sorte qu'à présent il y en a environ 25000, dont beau-
coup, par leur travail et leur activité, sont devenus des bourgeois
aisés. On compte, parmi eux, des cultivateurs, des
éleveurs, des
orfèvres des marchands et des propriétaires de plartations.
XXII. — Le Gouvernement de l'Ecuyer
Cornel is Ascanius Van Sypesteyn (1873-1882. )
§. 82. — Peu après la suppression de la t Surveillance d'Etat »
Van Idsinga sollicita et obtint sa retraite. Il eut pour succes-
seur l'écuver « C. A. Van Sypesteyn » qui entra en fonctions le 31
juillet 1873.
Ce gouverneur n'était pas, non plus que « Van Idsinga, » un
étranger pour les Surinamois, au milieu desquels il avait déjà,
comme fonctionnaire actif, passé une dizaine d'années. Envoyé
dans la colonie en 1846 comme 1er lieutenant de génie, il fut pres-
que aussitôt aide-de-camp du Gouverneur Van Raders et apprit
ainsi rapidement à connaître tout le monde surinamois. Une
« description de Surinam » publiée par lui en 1854 et de nom-
breux articles de la revue
West lndie » (Indes occidentales)
qu'il a rédigés en collaboration avec des hommes tels que « M.
Focke, Dr. Landré, Dr. Dumontier » et quelques autres, démon-
trent que, durant son séjour dans la colonie, il avait fait une étu-
de approfondie du pays et de ses habitants.
Retourné en Hollande en 1855, il fut, au Ministère des Colo-
nies, placé dans la division des affaires des Indes occidentales, et
il en devint bientôt le chef.Choisi en 1857 comme représentant
de la Capitale à la Deuxième Chambre, il ne tarda pas à s'y faire
connaître comme un spécialiste dans les affaires de Surinam, et
il s'appliqua à démontrer que, par une administration économe et
une révision radicale du système fiscal, la subvention de la mé-
tropole pourrait bien être supprimée. En le nommant Gouver-
neur de Surinam, le ministre des colonies, « FransenVan de
Putte, » le mit donc à même de mettre cette théorie en pratique.
Lorsque parvint à Surinam la nouvelle de sa nomination,
elle fut accueillie avec autant d'allégresse que celle de Frédérici,


— 72 —
à la fin du 18ème siècle. Comme, aussi bien qu'un natif de
la
colonie, il était au courant de la langue, des mœurs et des usages
de la population, il jouit bientôt de la confiance générale et beau-
coup virent en lui bien plus un vieil ami qu'un représentant du
Roi.
; Au cours de ses visites aux différents districts de la colonie,
il fut également reçu partout avec beaucoup
d'allégresse et d'en-
thousiasme.
Mais dès son arrivée, Van Sypesteyn se rendit compte que
la situation financière de la colonie n'était plus ce qu'elle était 20
ans auparavant, lors de son premier séjour. L'affranchissement
des esclaves et la suppression de la Surveillance d'Etat avaient eu
pour conséquence une augmentation considérable des dépenses
publiques. Dans les districts on a dû, en effet, installer non-seu-
lement un pouvoir administratif, mais aussi .un pouvoir judiciaire,
rendus indispensables par l'admission des affranchis à la pleine
jouissance de leur droit de cité. Mais d'autres circonstances, indé-
pendantes de la volonté du gouverneur, devaient jeter un grand
trouble dans les finances de Surinam.
C'est ainsi qu'à peine arrivé au gouvernement de la colonie il
eut à déplorer la perte du magasin et du chantier des
construc-
tions navales qui furent, dans la nuit du 31 mars 1875,
détruits
par un incendie, préjudice qu'on évalua à plus de 100.000 florins.
Egalement la cuisante sécheresse de 1877-1878 causa la perte de
presque toutes les récoltes, et par suite, le chiffre des impôts
re-
couvrés resta très au dessous des prévisions.
Pour prévenir
le
manque d'eau, le gouverneur dut, en outre, sur divers points de la
ville, faire creuser et maçonner un certain nombre de puits.
De 1870 à 1879, fut dépensée dans le district de Nickerie une
somme de 150.000 florins. La ville Niew-Hotterdam menaçait alors
d'être engloutie par lamer, de sorte que, non loin de l'embouchure
de la rivière Nickerie, entre « Margarcthenbufg » et « Waterloo»
une nouvelle ville, sous le nom de Nieuw-Nickerie, dut être bâtie
entièrement au compte de la colonie. C'est pourquoi, malgré
la
prospérité croissante de la colonie, le chiffre des subsides, au lieu
de baisser, continua à monter.|
.
Aussi non seulement le gouverneur renonça à son projet de faire
supprimer la subvention au détriment du développement de la colonie,
mais il est bon de souligner que c'est sous son gouvernement, en 1878,
que la plus forte conlribution aux dépenses coloniales (600.000 florins)
dut être fournie par 1 Etat, et que, depuis l'introduction de l'ordon
nance organique de I860, cela a été le plus fort chiffre auquel.se soit
élevée la subvention du département
§ 83 En ce qui a trait à l'enseignement, le gouvernement de
Van Sypesteyn a été très fécond. C'est à lui que revient l'honneur
d'avoir essayé de fonder à Surinam un établissement d'enseignement
secondaire. Cet établissement, ouvert le 15 novembre 1877, dut, quatre
mois plus tard, sur Tordre du gouvernement hollandais, être fermé,
sous le prétexte inexact que le nombre des élèves était trop faible. En

— 73 —
outre de cet établissement d'enseignement secondaire, fut également, en
1877, ouverte une Ecole normale pour le recrutement des iustituteurs.
Van Sypesteyn lit promulguer l'ordonnance du 8 décembre 1876
sur l'enseignement obligatoire, laquelle entra en vig eur le 1er sep-
tembre 1877. L'article 17 de celte ordonnance impose aux parents ou
tuteurs l'obligation de faire donnera leurs enfants ou pupilles, de 7 à
12 ans, là où les circonstances le permettent et par les personnes qua-
lifiées à cet effet, l'enseignement régulièrement établi. En vertu de la
même ordonnance, le contrôle de l'enseignement est exercé par un
Inspecteur assisté d'un comité de l'enseignement. Après que ce poste
eût. durant quelques mois, été occupé par l ex-inslituteur L. C. Batenburg,
le Dr H. Benjamins fut, le 25 mai 1878, appelé à remplir cette im-

portante fonction, et on lui est redevable de beaucoup de réformes
utiles réalisées depuis lors sur le terrain de l'enseignement.

En 1878, fut établie une Ecole de. Médecine pour la formation et
le recrutement des médecins de district et des pharmaciens. L'insti-
tution de cette école fut la conséquence de l'introduction des immigrants

des Indes britanniques. Le traité conclu a\\ec l'empire Britannique sti-
pulait, en effet, que, dans tout district où il y aurait des immigrants,
l'assistance médicale devrait pouvoir leur y être fournie, et c'est pour

satisfaire à cette exigence que le gouvernement colonial lit former à ses
frais des médecins qui, en cette qualité, l'étaient obligés ensuite de se

fixer cinq
ns dans un district, au service du gouvernement.
§ 8-4. — Mais si, comme on vient de le voir, le gouvernement
de Van Sypesteyn n'a pas été infécond sur le terrain de l'enseignement
on peut dire qu il ne l'a pas été moins sur le terrain financier, car, en
dépit de contretemps de toutes sortes, il a réussi à augmenter considé-
rablement les ressources du pays. L'industrie aurifère, qu'il a pour ainsi
dire appelée à la vie, y a surtout grandement contribué.

Déjà, en 1862, sur les instances d'un Anglais nommé « J. Ro-
senberg » qui avait passé beaucoup d'années dans les terrains au-
rifères de l'Australie et qui avait trouvé un peu d'or et des mine-

rais d'or dans les terres hautes
de Surinam, le gouverneur Van
Lansberge avait équipé une expédition afin que
Rosenberg indi-
quât au fonctionnaire « Cateau Van Rosevelt » l'endroit où Tor avaij
été découvert par lui. Bien que Rosenberg dût, par suite d'une
indisposition, retourner bientôt à Paramaribo, Rosevelt n'en fut
pas moins convaincu de l'existence de l'or dans le sol de Surinam.

L'écuyer Van Sypesteyn partagea également cette conviction et
quand, lors d'une entrevue avec le Gouverneur,de la Guyane fran-
çaise, il eut, en 1874, appris de celui ci comment l'industrie de

l'or s'était rapidement développée dans cette dernière colonie, il
désira essayer de la faire naître
également a
Surinam.
A cet
effet, il nomma une commission qui, sous la direction du savant
secrétaire du gouvernement, M. P. Alma, eut à procéder à une
enquête sur la présence ou l'absonce de l'or dans l'intérieur

ae
Surinam. Le résultat de cette enquête fut très satisfaisant : le rap-
port de la Commission portait qu'entre le Maroni et le Surinam le
terrain était ce aurifère ». Cette conclusion était à peine connue


— 74 —
que déjà beaucoup d'habitants demandaient et obtenaient l'autorisa-
tion de se livrer, sur les terrains du Domaine, à la recherche des
métaux précieux. La découverte de quelques terrains aurifères
provoqua chez beaucoup le désir de s'appliquer également à l'ex-
ploitation de l'or. Aussi quand, en mars 1870, sur l'ordre du gou-
verneur, quelques chemins eurent été tracés à travers les bois de
la région aurifère d'abord par le 2e lieutenant S. de la Parra ( 1 >
ensuite par l'arpenteur W. L. Loth (2) et qu'à la suite des expédi-
tions faites dans ces forêts impénétrables par ces deux hommes
énergiques qui y surent braver les plus grands dangers, il fut dé-
claré que les régions traversées étaient montagneuses et riches en
criques qui, vraisemblablement, contenaient beaucoup d'or, " la
fièvre de l'or " s'empara tellement de la population que beaucoup,
pour se procurer les fonds nécessaires à l'équipement d'une expé-
dition, se démunirent de tout ce qu'ils possédaient.
Si certains réussirent à faire de riches découvertes, la plupart
cependant, ignorants des méthodes par lesquelles devait se faire
l'exploitation, et moins heureux dans le choix du terrain à travailler,
ou encore mal préparés à la rude existence des bois, revinrent à
Paramaribo, aprés un temps plus ou moins long, sans avoir rien
obtenu, avec une santé affaiblie et presque totalement ruinés.
Mais, par contre, l'exploitation de l'or a été profitable à la
caisse coloniale. Par mille hectares de terre
concédés par Je
gouvernement en vue des recherches aurifères, !es
exploitants
avaient à acquitter un droit d'exploration et d'exploitation; de
plus, un droit de sortie était payé sur l'or récolté.
Et bien
que, par des méthodes encore très primitives, l'industrie aurifè-
re ait été alors pratiquée, les statistiques accusent pour la période
de 1875 à 1898 une exportation d'or d'une valeur de plus de 23
millions de florins. C'est donc à juste titre qu'elle fut considérée
connue le soutien de la colonie, puisque, grâce à elle, l'agricul-
ture réussit à sortir de la situation languissante où elle se trou-
vait depuis l'affranchissement des esclaves.
§ 85. En dehors de l'appel à la
vie de l'industrie minière,
le gouvernement de Van Sypesteyn est encore intéressant par
l'attention donnée par lui à la grande culture. Une exposition fut,
en 1870, tenue à Paramaribo. L'honneur en revient à l'adminis-
trateur des finances, le baron Schimmlepenninck van der Oye, à
l'initiative duquel on doit que les bâtiments réservés à l'exposi-
tion exercèrent sur toute la population et durant une longue
se inaine la plus grande attraction ; et, grâce au zèle de la
1
S. de la Parra quitta la colonie peu de temps après ; quelques années
plus lard ii se rendit dans les Indes Orientales en qualité de lieutenant-colo-
nel de l'armée hollandaise, il est le premier Surinamois qui soit parvenu à un
aussi haut grade militaire.
2
W. L. Loth dut encore sur l'ordre du gouvernement, et dans l'intérêt
de l'industrie minière,traverser les bois de Surinam dans presque toutes les di-
rections. Ce Surinamois a égalemeni bien mérité de son pays natal par l'éta-
blissement de nombreuses cartes de Surinam et de la Guyane.


— 75

commission qui avait été nommée à cet effet par le gouverneur
et dont le Baron Schimmelpenninck était le président, la partici-
pation des habitants surpassa les espérances les plus hardies. La
riche collection des objets des trois
règnes animal,
végétal
et minéral, envoyée avec la plus grande bienveillance par les
participants de la ville, des plantations et des bois
annonça,
hautement à tous les visiteurs que Surinam était fertile et abon-
dant en produits précieux de toute sorte.
§ 86. — Tandis que Surinam, sous l'administration excellente
du Gouverneur Van Sypesteyn, se développait peu à peu et que la po-
pulation, par les perspectives quê l'exploitation de l'or avait ouver
tes, se sentait renaître . comme à une nouvelle vie, la nouvelle
inattendue reçue de l'agent à Calcutta, le 8 octobre 1876, par l'a-
gent général à Paramaribo, que l'Angleterre avait suspendu l'im-
migration des Indiens britanniques troubla grandement la bonne
humeur des colons. Cependant, éclairé par le Gouverneur et par
le zéle agent général Cateau Van Rosevelt, le gouvernement néer-
landais réussit à convaincre l'Angleterre que le traitement
des
coolies à Surinam ne laissait aucunement à désirer. Aussi
n'est-
ce pas sans joie que fut, en février 1878, reçue la nouvelle que
l'immigration était reprise.
§ 87. — Que le sort de la masse laborieuse lui allât
au
cœur,
Van Sypesteyn le montra, entr'autres, en faveur des fem-
mes de la halle qui, jusque là, se trouvaient, dans l'exercice de
leur profession, exposées à toutes les intempéries, en
faisant
construire, au Heiligenweg, un marché couvert qui, le 30 août
1876, fut inauguré en sa présence avec
beaucoup d'éclat,
Le
gouverneur reçut à cette occassion, de la part des femmes de la
halle et de beaucoup d'autres citoyens, de touchantes
marques
d'attachement et d'estime.
Cet infatigable gouverneur a eu pour l'agriculture beaucoup de
sollicitude, et, aidé en cela par les Etats coloniaux et par le gouver-
nement hollandais, il réussit à faire étahlir un fonds d'immigration,
grâce auquel l'introduction des travailleurs libres dans la colonie allait
ét e encouragée, et la plupart des propriétaires des plantations dé-
chargés d'une partie des frais d'introduction et de renvoi des travailleurs
par l'entremise du gouvernement. La création du fonds d'immigration,
par quoi la confiance déjà ébranlée a pu être de nouveau rétablie dans
la colonie, a été pour la grande culture un bienfait de Dieu. Beaucoup
de plantations, qui, par manque de bras, seraient fatalement tombées
entre les mains des spéculateurs, reprirent, grâce à ce fonds, leur
ancien état et leur prospérité. A côté du gouverneur Van Sypesteyn
l'honneur d'avoir mené cette fondation à bonne fin revient au distingué
agent-général J.-F.-A. Cateau Van Rosevelt, à qui, à bien des égards,
Surinam doit encore beaucoup de gratitude, ne serait-ce au moins, que
pour l'établissement de son excellente carte de Surinam.
Au yeux des habitants de la ville, l'écuyer Van Sypesteyn a encore
bien mérité pour avoir essayé d'organiser a Paramaribo l'éclairage de
la voie publique. Quoique le besoin se fît déjà grandement sentir,

rien, dans ce sens, n'avait jusque-là été fait par aucun de ses pré-
décesseurs. Quand les maisons n'étaient pas éclairées, la ville, par
faible lune, était plongée dans une complète obscurité. Ceux
qui
sortaient le soir devaient se munir d'une lanterne allumée, s'ils
voulaient dans les rues sombres trouver leur chemin.
Pour mettre un terme à cette situation incommode,
Van Sy-
pesteyn promulgua, le 3 juillet 1877, une ordonnance aux termes
de laquelle un impôt était établi pour l'éclairage des rues
Quoi-
que cet impôt fût perçu durant l'année 1878 et produisit à peu
près 4.000 florins, les rues ne furent cependant pas éclairées, et
une nouvelle ordonnance de 9 juillet 1879 suspendit pour un temps
indéterminé la perception de cette contribution « par la
raison
que l'impossibilité était démontrée d'introduire pour le
moment
l'éclairage des rues à Paramaribo, et qu'il n'était dès lors pas jus-
te qu'en contribution aux frais de cet éclairage, un impôt fût per-
çu, aussi longtemps qu'il n'aurait pas été mené à bonne fin. »
Ainsi l'obscurité avait triomphé de la lumière, et beaucoup
d'années allaient se passer avant que Paramaribo ne pût se vanter
d'avoir un éclairage même imparfait de la voie publique.
Un des nombreux bons résultats de l'administration de Van
Sypesteyn est également la création d'une caisse coloniale d'épargne,
dont les statuts furent arrêtés par Résolution du 13 août 1879.
Selon l'article 1er, cette caisse, dont le but était d'amener la clas-
se ouvrière à des habitudes d'ordre et d'économie, et de mettre
les parents et les tuteurs à même de mettre quelque argent de
côte pour leurs enfants ou leurs pupilles, dut commencer ses opéra-
tions le 1er Janvier 1880. En 1882, sur la proposition
de l'inspec-
teur de l'Enseignement, le Dr. H. D. Benjamins,
à cette caisse
coloniale d'épargne fut attachée une caisse d'épargne scolaire.
§ 88. — Les dernières années du gouvernement de Van Sypesteyn
ne furent certainement pas les plus heureuses de sa vie. Lié par ses
déclarations, réitérées publiquement plus d'une fois, que la colonie au-
rait pu se passer de subvention, et voyant que, par suite de circons-
tances défavorables, le chiffre de la subvention montait sous sa propre
administration plus haut que jamais, il se croit. à la lin, obligé de
priver la colonie du grand nécessaire. On lui fit alors le reproche de
vouloir, même aux dépens de la prospérité de la colonie, arriver à la
réduction de la subvention. Dans l'assemblée des représentants du
peuple (Etats coloniaux), des protestations sérieuses s'élevèrent contre
sa conduite qui fut désignée sous le nom de « réduction de subvention
quand même », et il en résulta, entre le gouverneur et les Etats, des
rapports moins cordiaux.
L'industrie aurifère, dont il était le créateur, fut ég dement, plus
tard, pour Van Sypesteyn, une source de beaucoup de chagrin et la
pierre d'achoppement qui devait l'obliger à résigner ses hautes fonctions
de gouverneur.
A l'occasion d'un procès pour la possession d'une riche crique
qui survint entre deux exploiteurs d'or, le gouverneur refusa de pro-

— 77 —
longer la bail de l'un des deux concessionnaires. Celui-ci s'adressa alors*
à la Deuxième Chambre des Etats généraux qui, à une grande majorité
et après une minutieuse enquête, déclara que la non-prolongation du
bail ne iui paraissait pas justifiée. Van Sypesteyn était en quelque sorte
reconnu en tort, et vraisemblablement il y trouva l'occasion de résigner

le pouvoir. Sur sa demande, il fut relevé honorablement de ses fonc-
tions de gouverneur de Surinam, et, le 1er novembre 1882, il passa le
gouvernement au Baron A. W. Van Ileerd tot Eversberg.

On ne peut nier que l'administration du savant et zélé gouverneur
Van Sypeslexn n'ait été très féconde pour la colonie. C'est pourquoi
beaucoup déplorèrent son départ de Surinam où il eût pu, encore
durant de nombreuses années, employer son énergie à le faire pros-
pérer davantage.

Les nombreuses marques de sympathie qu'à son départ il reçut
d'une grande partie de la population indiqnent manifestement que Van
Sypesteyn avait su mériter rattachement de beaucoup de Surinamois.

Et bien qu'il ne réussit point à démontrer son assertion que la
colonie pouvait être administrée sans subside, à son retour en Hol-
lande, il reçut du roi Willem III, comme marque de sa satisfaction,
la Grand' Croix de de la Couronns de Chêne. .

§ 89.— Durant le gouvernement de Van Sypesteyn, la population
de Surinam eut, à plusieurs reprises, l'occasion de "donner, au roi et
à la maison royale, des preuves d'attachement et d'amitié.
Le 12 mai 1874, les Surimamois célébrèrent, avec beaucoup d'al-
légresse,le 25e ann versaire du jour où, 25 ans auparavant, le bien
aimé roi Willem III montait au pouvoir. Le souvenir du bien, qui,
à cette époque, fut réalisé par sa volonté, remplissait le cœur de
ses sujets d'un sentiment de gratitude et porta en ce jour mémo-

rable le nom du Prince sur beaucoup de lèvres.
En 1 honneur du Prince aimé, une place publique nouvellement
ouverte fut solennellement inaugurée par le Gouverneur sous le
nom de « Place du 12 mai », et quelques nouvelles rues reçurent
les noms de Sophiastraat, Koningstraat, Nassaustraat.
Par contre, lorsque fut reçue la nouvelle que l'épouse du roi, gé-
néralement aimée et estimée de tous, était décédée le 3 juin 1877,
la population de Surinam regretta vivement la mort de sa noble
Princesse et partagea la douleur de son Prince affligé.
Avec autant de chagrin fut, dans la colonie, apprise la nouvelle
que son Altesse Royale, le Prince Hendrick der Xeerlanden, qui,
lors de so visite à Surinam, en 1835, avait fait sur la population
une si agréable impression, était décédé le 24 janvier 1879. Avec

lui disparut le seul Prince de la Maison d'Orange dont les pieds
eussent foulé le sol de Surinam.
En raison du décès du Prince généralement aimé, il fut arrêté
par Van Sypesteyn que la fête populaire instituée par le Gouver-
neur Van Lansberge le 19 février 18(50, jour anniversaire du Roi
et, depuis, célébrée avec tant d'allégresse par la population de Su-
rinam, n'aurait pas lieu en 1879.

— 78 —
Egalement le mariage du Roi avec la Princesse Adélaïde Emma
Wilhelmina Thérésia, fille du Prince George Victor, prince régnant
de Waldeck Pyrmont, le 7 janvier 1879, et la perte douloureuse
qu'il éprouva dans la même année par la mort subite, à Paris, de
son fils aîné, le Prince héritier Wilhem, sont des évènements qui
eurent lieu durant le gouvernement de Van Sypesteyn et qui, à
Surinam, ne furent pas appris avec indifférence.
Pourtant, aucune de ces nouvelles tantôt tristes, tantôt joyeuses,
ne fit sur la population une impression aussi profonde que celle par
laquelle on apprit que la famille d'Orange qui, en peu de temps,
avait, par la mort, perdu ses membres les plus puissants et pa-
raissait destinée à s'éteindre bientôt, venait de recevoir une nou-
velle force vitale par la naissance de la Princesse Wilhelmina le
30 août 1880.
Jamais la naissance d'un Prince royal n'avait auparavant donné
lieu à Surinam à autant de scènes d'allégresse. Jamais auparavant
la population de la colonie n'avait donné des preuves aussi tou-
chantes d'attachement à la maison d'Orange que le jour où elle
fut informée de cet évènement mémorable.
XXIII. — L'administration du Gouverneur Herbert Au-
gust Willem Baron Van Heerdt tot Evesberg
(1882-1885)
§ 90. Avant sa nomination comme gouverneur de Surinam,
le Baron van Heerd avait déjà rempli d'mportantes fouctions dans
la colonie. D'abord conservateur des hypothèques, puis commis-
saire de district, ensuite administrateur de la flottille coloniale, il
fit également partie de la commission qui, en 1861, avait eu à dé-
terminer lequel de l'Awa ou du Tapanahony était la continuation
du Maroni. On avait donc toute raison d'attendre que sa connais-
sance du pays et de sa population profiterait à la colonie. Le Baron
van Heerdt ne réussit pourtant pas, durant ses trois années de
gouvernement, à mettre Surinam à un plus haut degré de déve-
loppement que celui auquel il était, arrivé sous l'administration de
Van Sypesteyn. Le Baron van Heerdt s'était fait l'opinion bien
arrêtée qu'il devait, aussi longtemps qu'une contribution annuelle
de la Caisse du Trésor de l'Etat serait nécessaire pour faire le
complément des ressources coloniales, se borner seulement aux
dépenses de première nécessité. Son dernier budget, celui pour
l'exercice 1880, lequel, selon sa propre déclaration, n'avait d'autre
but que de tenir le service en haleine, se solda par un déficit de
seulement 90.000 florins (le plus faible chiffre de subvention de-
puis l'introduction de l'ordonnance organique de 1806) bien que
les revenus de la colonie tussent fortement diminués.
Aux Etats coloniaux, ce « maigre budget » fut violemment
combattu et même repoussé par 5 voix contre 4. La prudence de
ce gouverneur fut, sur un ton caustique, blâmée par beaucoup
de membres de la représentation et on établit, dans l'assemblée.

— 79 —
que la situation de la colonie était peu à peu, de fâcheuse qu'elle
était, devenue on ne peut plus triste.
Pourtant au Baron Van Heerdt revient l'honneur d'avoir jeté les
fondements d'un réseau téléphonique entre Paramaribo et les diffé-
rentes parties de la colonie. C'est ainsi que, sous son administration,
fut, le 19 février 1885, établie la première ligne téléphonique reliant
la capitale avec le fort New Amsterdam.
Comme un résultat splendide doit être considéré l'établissement
du service postal royal des Indes Occidentales, par lequel Surinam fut
relié directement à la métropole. Le premier bateau de cette compagnie
l'Orange Nassau arriva d'Amsterdam à Paramaribo le 14 avril 1884.
A l'arrivée de ce nouveau bateau une foule immense, rangée
tout le long du quai et saluant de la main joyeusement, donna des
marques de son vif intérêt pour cette entreprise qui pouvait être
de si grande importance pour le développement de Surinam.
§ 91. La décadence de la colonie sous le gouvernement du
Baron Van Heerdt doit être attribuée surtout au bas prix du su-
cre et à la sécheresse extraordinairement cuisante qui, en 1883 et
1884, exerça une si fâcheuse influence sur la récolte du sucre, la
culture du cacao et l'industrie aurifère, les trois sources principa-
les de l'existence du peuple de Surinam.
Pour comble de malheur, la dysenterie, la coqueluche et la
fièvre paludéenne, par suite de mauvaises mesures d'hygiène, sé-
vissaient à cette époque, et faisaient beàucoup de victimes. Sur une
population d'environ 23.000 âmes il y eut en 60 jours plus de 300
décès et souvent, en un seul jour, de dix à quinze morts étaient
portés au tombeau. Cette année, le chiffre des décès surpassa de
415 celui des naissances.
Il y eut également, en septembre 1884, une double et violente
insurrection, parmi les coolies des plantations « Zoelen » et « Zorg
et Hoop. » Déjà, les planteurs avaient eu, souvent, à lutter contre
l'esprit de mécontentement et d'opposition qui se manifestait parmi
les immigrants des Indes britanniques, mais jamais jusque-là ceux-ci
n'avaient, comme en septembre 1884 sur la plantation Zoelen, oppo-
sé une résistance aussi sérieuse à l'autorité nécéssaire exercée sur
eux par les planteurs.
Tandis que le commissaire de district « Jessurun. » accompa-
gné de son secrétaire « Samson » et du directeur de la plantation,
était occupé à examiner l'affaire, il fut attaqué par les coolies mé-
contents, armés de bâtons et de coutelas. La force militaire, qu'on
lit venir du fort Niew-Amsterdam, réussit enfin à apaiser l'insurrec-
tion et à mettre les mineurs en état d'arrestation.
Environ 14 jours après, une insurrection éclata également par-
mi les coolies de la plantation Zorg et Hoop. Le commissaire de dis
trict, accompagné de gendarmes armés, s'y efforça vainement de
mettre les coolies insurgés à la raison. Loin de s'apaiser, leur fu-
reur ne faisait qu'augmenter, et, pour cette raison, l'on avait à re-
douter une nouvelle édition de ce qui s'était passé à Zoelen. C'est
seulement après qu'une cinquantaine de militaires commandés par

— 80
le lieutenant « Van Pesch » eurent paru sur les lieux et qu'on eut
fusillé sept coolies que les insurgés finirent par se soumettre. [
Chez beaucoup s'éleva ensuite la crainte que la fusillade de sept
immigrants Indo Britanniques ne donnât lieu à des complications
fâcheuses avec l'Angleterre et que cela n'eût pour conséquence défaire
suspendre l'immigration. Cette appréhension parut plus tard être
sans fondement.
§ 92. — Comme le Baron Van Heerdt avait fini par constater
qu'il n'avait aucune chance de relever la colonie de son état de lan-
gueur et qu'il lui apparaissait, de plus, que sa prudence n'était ap-
préciée ni par le gouvernement hollandais ni par les Etats Coloniaux,
il demanda son rappel.
Par décret royal du 12 mai 1884, M. Hendrick Jan Smidt fut
nommé gouverneur de Surinam, il entra en fonctions le 30 juillet
1885.
Peu avant la démission du gouverneur Van Heerdt, Parama-
ribo reçut l'agréable visite des professeurs à l'Université de Leyde
« Suringar » et « Martins » et d'un groupe
de trois étudiants.
Quoiqu'ils ne s'arrêtèrent à Surinam que seulement quelques jours
(du 30 Xbre 1884 au 3 janvier 1885), ils eurent à voir bien des
choses de la colonie, et, même, ils eurent l'occasion de procéder à
une rapide exploration de l'état géologique et botanique d'une par-
tie du pays. Le professeur Martins revint à Surinam le 22 mai
afin de continuer les recherches géologiques ; et, après un séjouri
«de quelques semaines dans l'intérieur de la colonie, il retourna en
Hollande où, dans un grand ouvrage sur la géologie des Indes
Occidentales néerlandaises, il publia le résultat de son exploration.
XXIV. — Le Gouvernement de M. Hendrick Jan Smidt
(1885-1888)
§ 93. — Parmi les gouverneurs qui, d'une main ferme,
ont'
présidé aux destinées de la colonie, Mr. H. J. Smidt occupe cer-
tenient une place d'honneur. De lui, il n'était d'ailleurs pas possi-
ble de s'attendre à autre chose.
Préparé par des connaissances solides, une grande volonté et ]
une forte puissance de travail, il était l'homme indiqué pour rele-
ver un peu la colonie de son état de décadence et pour ramener !
la confiance à un avenir meilleur.
Il y a peu de gouverneurs de Surinam qui, avant d'être ap-
pelés au gouvernement si difficile de la colonie, avaient derrière
eux, comme M. Smidt, une existence aussi laborieuse. Aprés avoir J
dans sa jeunesse, obtenu le grade de docteur en droit, il lui échut
en 1877 l'honneur c'entrer comme Ministre de la Justice dans le<
Cabinet de « Kappeyne Van de Cappelle, » et il était 4 aus plus
tard nommé membre du Conseil d'Etat. Il était, de plus, réputé
depuis longtemps comme savant, pour de nombreux écrits parus'
de lui.
Aussi peu après son arrivée dans la colonie, fut-on à même
d'admirer ses grandes connaissances et sa puissance surprenante j

— 81 —
de travail. Son travail législatif a été particulièrement fécond, et,
sur ce terrain, on peut dire qu'il n'a jamais été surpassé par au-
cun autre gouverneur. Durant toute son administration-, il fut in-
fatigablement occupé à préparer de nouveaux règlements ou à mo-
difier ceux déjà existants. Et à l'opposé du gouverneur Van Heerdt
qui, par la réduction des dépenses au strict nécessaire, pensait,
par ce moyen, arriver à la réduction de la subvention, il aima
mieux, ainsi qu'il l'avait déclaré un certain jour, se prêter à l'ap-
parence d'une administration coûteuse qu'assumer la responsabi-
lité d'une administration «économe » en apparence.
Comme on avait, sous les gouvernements précédents, négligé
bien des choses qui eussent dû être faites en vue du développe-
ment de la colonie, Smidt n'hésita pas à augmenter le chiffre de
la subvention, et à faire toutes les dépenses nécessaires à l'inté-
rêt du pays. Et le Gouvernement central avait une telle confiance
en sa prudence que ses budgets, approuvés comme parfaits par
les Etats Coloniaux, présentés aux Etats Généraux par le Ministre
des colonies, étaient en Hollande sanctionnés sans modication par
le pouvoir législatif.
Parmi lee nombreuses bonnes mesures prises par ce Gouverneur
dans l'intérêt de la colonie, méritent surtout d'être mentionnées:
l0 l'achat du terrain et les constructions faites à l'angle du Gravens-
traat et du Combeweg, dans lesquelles furent installés plusieurs bureaux.
Pour la bourgeoisie, c'était là une grande commodité, car, par ce moyen
plusieurs bureaux publics étaient réunis dans la même partie de la viile;
20 l'augmentation de la flottille coloniale par quelques bateaux à
vapeur, en quoi furent améliorées les communications par eau;
30 La mission du géomètre du gouvernement Loth, chargé de tra-
cer un chemin du village bosch Kriki à Gégé, grâce auquel les conces-
sions d'or situées à la Sarakreck se trouvèrent dans nne situation plus
favorable;
40 la suppression des droits de sortie sur le sucre, le cacao, etc.,
par quoi la grande culture, qui se maintenait avec peins, obtint une vi-
goureuse protection;
5o le redoublement de la surveillance de la contrebande, par quoi
fut considérablement augmenté le chitfre des revenus.
60 l'application rigoureuse des ordonnances sur la quarantaine,
par quoi la colonie demeura épargnée de maladies épidémiques, tandis
que le choléra faisait beaucoup de victimes à !a Guyane française, à Cu-
racao et au Brésil.
Ces mesures et encore beaucoup d'autres du Gouverneur Smidt
ont profité à la colonie et ont grandement contribué à l'arrêter dans
sa marche imminente vers la décadence.
Au sujet de l'Enseignement, Smidt a tout surpassé.
Par une nouvelle ordonnance sur l'Enseignement qui fut piomul-
guée le 3 mars 1886 et par l'établissement d'une é ole publique ponr
l'enseigneim nt primaire supérieur, la première et l'unique fondation de
ce genre dans toute la colonie, il essaya de rehausser le niveau de
l'Emeignement. Celle école, qui fut bâtie à 1 endroit où se trouvait tout

— 82 —
d'abord la soit disant vieille Banque et ensuite l'Orphelinat catholique
romain, fut inaugurée le 8 novembre 1887 par 1^ Gouverneur. Dans un
beaa discours, il indiqua, en parlant de cet établissement, ce qu'il le
considérait d'une importance très haute pour le présent, et même en-
core
plus haute pour l'avenir de cette colonie ».
Pourtant, ce n'est pas seulement à l'Enseignemeat que Smidt ac-
cordait toute son attention, la situation des instituteurs le préoccupa
aussi grandement. Et si, dans le sens du règlement sur les pensions, ils
doivent d'être considérés maintenant comme des fonctionnaires, à l'ins-
pecteur de l'Enseignement, le Docteur II. D. Benjamins qui av ut dé-
montré combien cela était souhaitable et avait, auprès des gouver-
neurs précédents, fait toutes les démarches utiles à cette lin, ils
en sont également redevables au gouverneur Smidt. C'est d'ailleurs
à ce titre que ce dernier s'est, dans le cœur de tous ceux qui por-
tent de l'intérêt à l'enseignement, élevé un monument de recon-
naissance.
Bien que Smidt n'ait pas pu mettre à exécution tous ses pro-
jets dans l'intérêt de la colonie et que tous ses actes n'aient pas
été approuvés par la population, l'enseignement n'en reste pas
moins à la gloire de son administration.
Mais sous maint autre rapport le gouverneur Smidt a encore
bien mérité.
Ainsi-, c'est grâce à lui que la population de la ville de Para-
maribo put enfin obtenir que les places et les rues fussent éclairées la
nuit. Après qu'échoua l'essai tenté en 1877
par Van Sypesteyn
d'éclairer la voie publique par la levée d'un nouvel impôt, le besoin
de lumière ne s'en était que plus fortement fait sentir ; c'est seu-
lement en 1886 que Smidt put pourtant réussir à pourvoir de ré-
verbères les plus importantes rues de Paramaribo.
Il embellit également la ville par de nombreuses rues plantées
d'arbres ombreux. Paramaribo lui doit en outre que ses rues ont
été indiquées par des plaques.
Dans l'intérêt des habitants du district de Coronie
qui, par
un banc de salle s'élargissant le long' de la côte, menaçait de ne
pouvoir bientôt être atteint par
mer, le gouverneur chargea le
géomètre Loth de procéder à une enquête afin de rattacher ce dis-
trict, autrefois si prospère, soit avec Nickerie, soit avec le Cop-
pename. Selon le rapport de Loth, l'établissement de voies de com-
municotion rencontrerait bientôt des obstacles presqu'insurmonta-
bles, étant donné que, des deux cotés de Coronie, le pays est très
marécageux. Si ce rapport avait été moins défavorable, le gouver-
neur aurait vraisemblablement sauvé ce district d'une perte cer-
taine.
§ 95. — Sous l'administration du gouverneur Smidt il se pro
duisit entre les Guyanes hollandaise et française un différend rela- \\
tif aux frontières. Ce différend, plus connu sous le nom de c ques-
tion de l'Awa » portait sur une bande de terre située entre l'Awa
et le Tapanahony, de l'étendue d'un million et demi d'hectares,
équivalant à la superficie globale des Provinces Drenthe, Guel-

— 83 —
dre. Hollande du Nord et Hollande
du Sud. Si le gouvernement
hollandais n'avait pas négligé de faire ratifier par le gouverne-
ment français la déclaration de la commission franco-hollandaise
nommée en 4801, que l'Awa et non le Tapanahony était la conti-
nuation du Maroni, l'administration de la Guyane française se se-

rait bien gardée d'accorder sur le terrain situé entre 1 Awa et le
Tapanahonv l'autorisation de faire des recherches de minéraux.
A l'attitude
prudente et pleine de tact du Gouverneur
Smidt qui insista fermement auprès du gouvernement central
en Hollande pour obtenir une rapide solution de cette affaire, on
doit qu'ille se termina par un arrangement amiable.

Dans l'attente d'une décision définitive, les efforts faits par le
Gouverneur af in que des mesures communes fussent prises pour em-
pêcher l'entrée des aventuriers dans le territoire de l'Awa, eurent
pour résultat que quelques postes du Haut Maroni furent occupés
par des militaires français et hollandais, ainsi que par des fonc-

tionnaires de la police, par quoi fut mise une lin au pillage qui
avait lieu en cet endroit.
Après que, le 14 novembre 1888, un arrêté fut promulgué
tant à Surinam qu'à la Guyane française interdisant les recherches
aurifères sur le terrain contesté, les gouvernements français et
hollandais décidèrent, d'un commun accord, de soumettre la ques-
tion à une sentence arbitrale.

Sollicité à cette fin, l'Emperèur de Russie fut chargé, comme
arbitre dans ce différend, d'établir et de démontrer lequel de
l'Awa ou du Tapanahony, devait être pris comme frontière. Même
le haut arbitre fut ensuite autorisé à fixer une autre frontière au

cas où il ne trouverait aucune raison pour se décider en faveur
de l'une des deux rivières indiquées. Ce n'est qu'en mai 1801,

longtemps après que M. Smidt eut quitté le gouvernement, qu'in-
tervint la sentence de l'arbitre dans ce différend. Grâce à l'im-
partialité absolue
du Tsar et aux nombreux documents con-
cluants présentés par le gouvernement hollandais, Surinam obtint
tout le terrain aurifère de l'Awa.

§ 96.— Quoique -Smidt, durant ses trois années de gouverne-
ment, ait rendu d'importants services à la colonie et qu'il ait en
même temps jeté les bases de son développement ultérieur, il y

avait à Surinam beaucoup de gens qui montraient de mauvaises
dispositions à son égard et qui ne regretteraient pas qu'il quittât
le gouvernement.

Il s'était fait beaucoup d'ennemis, surtout parmi les com-
merçants, par la promulgation anticipée de l'ordonnance relative
à 1 élévation des droits d'entrée et de sortie, contre laquelle ils
avaient formulé d'importantes objections. Aussi cette augmentation
accentuée des taxes valut-elle au Gouverneur de nombreux adver-
saires.

Dans une partie de la presse de Surinam certains de ses ac-
tes furent blâmés dans de violents articles, et, quelques voix, aux.
Etats coloniaux, s'élevèrent contre sa conduite.

— 84 —
Elu par sa circonscription électorale membre de la deuxième-
Chambre des Etats Généraux, Èmmen vit en cela motif suffisant
pour écarter M. Smidt comme Gouverneur de Surinam. Par dé-
cret Royal du 10 mai 1888, congé lui fut donné de la façon la
plus honorable, et, pour son suocesseur, fut désigné M. W. Tonc-
kens, fils de Jacob Louis, secrétaire du Gouvernement et membre
du Conseil d'administration, qui, le 18 juillet 1888, fut par lui ins-
tallé dans ses nouvelles fonctions.
Peu avant le départ de Mr Smidt le nombre des paroisses chré-
tiennes avait augmenté d'une unité.
Le fondateur de cette paroisse, qui porte le nom « d'association de
la Libre Evangelisation », est un Surinamois. nommé M. S. Bromet,
qui avait fait en Angleterre, dans un séminaire théologique, ses études
de pasteur.
La jolie petite église de la Libre Evangelisation fut inaugurée le
11 mars 1888 en présence du gouverneur, et depuis, tous les dimanches
et presque chaqne soir, les membres de cette paroisse tiennent des
réunions religieuses sous la direction du fondateur. Plus tard, à la pa-
roisse de la Libre Evangélisation ont été attachées une école du di-
manche, une école de couture et une école chrétienne de jour d'ensei-
gnement primaire supérieur.
Le départ de Mr Smidt a été une grande perte pour la colonie,
car mainte affaire préparée et commencée par lui était encore en cours
d'exécution ou attendait leur achèvement.
A son retour en Hollande, il fut, par décret royal du 10 mai 1889,
en témoignage de grande satisfaction pour la façon dont il avait gou-
verné la colonie, premu commandeur dans l'ordre du Lion de Hollande.
XXV. — Le Gouvernement de l'Ecuyer
Maurits Adrian de Savornin Lohman (1889-1891)
§ 97. Le gouvernement intérimaire de M. Tonckens, fils de
Jacob Louis, ne dura que six mois. Durant cette gestion, l'ordre et la
tranquillité régnèrent dans toute la colonie.
Il ne peut, hélas! en être dit de même de l'administration de l'écu-
yer de Savornin Lohman qui débuta comme gouverneur de Surinam
le 30 janvier 1889.
Ce gouverneur était à peine depuis un an à la
tète de
la colonie que l'ordre et la tranquillité tirent place à des troubles
sérieux, dont résulta une triste célébrité pour son gouvernement. Après
deux ans et demi, il dut résigner la pouvoir, détesté par une grande
partie de la population, et ce, malgré ses efforts sér eux pour améliorer
la mauvaise situation de la colonie, et en dépit du bien qui avait été
fait par lui.
Un des premiers griefs contre le gouverneur fut la non application
de l'ordonnance concernant la quarantaine au Prince Mawicey un des
bateaux de la compagnie Royale des Indes occidentales qui, venant de
Curacao où avaient «té constatés beaucoup de cas de lièvre jaune, n était
pas muni d'une patente nette de santé.

— 85 —
Convaincu que c'était seulement à la stricte application
de l'or-
donnance sur la quarantaine que Surinam était jusque la
redevable
d'être resté affranchi de cette
redoutable
épidémie, alors
que
les
colonies voisines, telles que Curaçao, Demerari, Cayenne en avaient été
affligées à différentes reprises, la partie cultivée de la population crai-

gnait que, par la libre pratique donnée au « Prince Maurice », les ger-
mes de la fièvre jaune ne fussent introduits aussi bien dans notre port
que dans l'intérieur du pays. Heureusement, cette crainte parut plus
tard mal fondée. Mais la confiance dans le gouverneur

n'en avait pas
moins été fortement ébranlée.
Bientôt le nombre des griefs contre l'écuyer Lohman formait une
longue liste, et aussi bien aux Etats Coloniaux que dans la Seconde
et la Première Chambre des Etats Généraux, furent portées contre
lui
des accusations graves, dont le Ministre des Colonies Mackay et
quel-
ques membres du Parlement essayèrent de le disculper.
§ 98. — A la fin de la première année de son gouvernement, la
tension entre le Gouverneur et les Etats coloniaux, l'assemblée
repré-
sentative de la Colonie, était à un tel point qu'il ne pouvait plus
être
question de collaboration entre lui et les Etats.
Cette situation fut amenée par ce qui suit :
Le Gouverneur avait, sur leur demande,

permis aux nègres de
Para de n'acquitter que six mois plus tard l'impôt personnel qui, sui-
vant l'ordonnance du 9 février 1886, devait être payé le 1er avril. Lors-
qu'à l'expiration du délai accordé, les habitants de Para omirent alors
de payer l'impôt qui était dû, environ 500 de ces redevables furent,
par le juge d instruction, condamnée au payement d'une amende. Com-
me également ils n'y satisfirent pas, on dut las frapper de peines d'em-
prisonnement, et le Gouverneur chargea a ors le commissaire de dislrict

« Lionarons », accompagné d'un détachement d infanterie sous les or-
dres du lieutenant « Schut », de se rendre au Para et de tenir la main
à ce que les condamnés subissent les peines qui venaient de leur être
infligées d'après la loi.
Cette expédition retourna à la ville deux jours après sans avoir
rien fait, pour la raison que les habitants de
Para s'étaient
munis
d'armes et avaient déclaré être, au cas où ils seraient attaqués, décidés
à se défendre jusqu au bout. De la sorte Lohman, qui avait agi de sa

propre autorité, en passant même outre à l'avis du Conseil du gouver-
nement, subit un sensible échec.

Se trouvant à la suite de cela dans une humeur massacrante,
il
reçut, en décembre 1889, des Etats coloniaux —qui, selon l'art.
105
de l'ordonnance organique, avaient le droit de demander
explica-
tions à 1 administration — une missive dans laquelle, au sujet d'une
motion présentée par le membre J. E. Muller, entr'autres, il était
invi-
té à donner aux Etats communication de la marche et de
la situation
de la question de Para.
N'admettant pas le ton et la tendance de cette lettre,
le Gouver-
neur, sur un ton élevé, refusa de donner suite à cette invitation.
Le 27 décembre 1889, dans une réunion aux Etats coloniaux, fut
lue, par le président
Mr. Inda,
la réponse du Gouverneur, qui pro-
voqu a une violente protestation de la part des membres présents. Le

— 86 —
membre « Heylidy » pour n'être pas, une autre fois, exposé à une réi-
tération d'insultes de ce genre, estima même devoir immédiatement don-
ner connaisiance au Gouverneur qu'il avait cessé d'être membre des
Etats coloniaux.
Maintenant, la rupture entre Lohman et les Etats était complète,
et le fossé, qui séparait l'un de l'autre ces deux pouvoirs, était si grand
qu'un rapprochement ou réconciliation était inconcevable.
Il en résulta pour la colonie une situation fâcheuse qui devait for-
cément porter obstacle au développemeut du pays. Beaucoup d'ordon-
nances présentées par le gouverneur aux Etats pour approbation furent
ou reje ées ou non mises en discussion, tandis que, par contre, le
Gouverneur, ou ne donnait tout simplement pas les explications deman-
dées par les Etats, ou ne tenait aucun compte des objections faites par
eux.
Cette affaire ne devait pourtant pas en demeurer là!
Quatre membres des Etats, en même temps fonctionnaires amovibles
savoir : l'Agent général Cateau Van Rosevelt; l'avocat général Barnet-
Lyon,
le médecin inspecteur Dr Salomons, le juge d'instructioni Da
Costa, mandés par le Gouverneur en son hôtel, reçurent en présence
du Secrétaire du gouvernement M. Tonckens, une sévère réprimande
pour avoir donné leur approbation à la résolution des Etats par laquelle
des explications étaient demandées au Gouverneur sur la situation de la
question de Para.
Cette conduite du gouverneur, tou à fait contraire à la lettre et à
l'esprit de l'ordonnance organique, causa un profond mécontentement
parmi une partie de la population. Dans une adresse, signée par nombre
de gens, de rang et de position de toute sorte, la bourgeoisie se plai-
gnit auprès du département de l'affront fait à ses représentants.
La tension qui existait déjà entre le gouverneur et les Etats
en devint encore plus grande.
Le gouverneur profitait de toute occasion pour dire aux Etats
des choses désagréables, tandis que, par les Etats, était répandue
l'opinion que Lohman ne respectait pas les lois et avait, à diffé-
rentes reprises, violé l'ordonnance organique, de sorte qu'il n'était
plus digne d'être plus longtemps le représentant du Roi dans la
colonie.
En revanche, le gouverneur était glorifié dans un journal
« De Volksbode » (Le Messager du Peuple), paru pour la pre-
mière fois au commencement de 1890, tandis que ses adversaires
y étaient vivement combattus. Tous les faits et actes de l'écuyer
Lohman trouvaient dans cette feuille une chaude défense et tous
ceux qui osaient critiquer les uns ou les autres étaient traités d'en-
nemis de la colonie.
Cette feuille fut à cause de cela indiquée comme l'organe de
l'écuyer de Savornin Lohman, et même beaucoup de gens affir-
maient qu'elle était soutenue par le gouverneur et placée sous son
influence.
Par contre, dans un autre journal, « De West Indiër » (l'In-
dien de l'ouest), tous les actes du gouverneur
étaient, dans de


87

violents articles, vivement critiqués et ses fautes grandement exa-
gérées. Il ne paraissait pour ainsi dire pas de numéro de cette
feuille où le public ne fût dans le cas d'apprendre de nouveaux
griefs ou accusations portés contre le gouverneur.
Deux partis se formèrent, qui en vinrent vite à être ennemis
l'un de l'autre :
10 le parti du Volksbode, qui était attaché au Gouverneur, et
20 le parti du West Indier qui se rangeait du côté des Etats
coloniaux.
Au premier parti appartenaient quelques notables ou esprits
tcultivés et la plus grande partie de la masse ignorante du peuple,
andis que le second parti se composait des gens les plus aisés et
es plus instruits de la société de Surinam et d une grande partie
de la classe moyenne. Tandis que beaucoup de ceux qui apparte-
naient au premier parti atteudaient tout du Gouverneur et, par lui,
espéraient parvenir à une meilleure situation sociale, le parti con-
traire ne voyait dans l'administration de M. Lohman que danger
pour toute la colonie.
Telle était la situation des deux partis l'un vis-à-vis de l'autre.
Dans le peuple qui, jusque-là, avait généralement du respect
et de la déférence pour les habitants les plus instruits et les plus
notables et qui maintenant était éclairé par le « Volksbode » dans
lequel paraissaient souvent des articles blessants contre beaucoup
des adversaires haut placés de M. Lohman, il était visible qu'un
esprit croissant d'opposition et de mécontentement se formait peu
à peu.
De jour en jour fut de la sorte réunie une grande quantité de
tisons qui n'attendaient qu'une petite étincelle pour s'enllammer.
Cependant, ce n'est pas seulement sur le terrain social, mais
aussi sur le terrain religieux qu'il y eut discorde parmi la popula-
tion de Surinam chez qui s'était montré jusque là un grand esprit
de tolérance religieuse.
Dans le « West Indiër » paraissaient souvent de véhéments
articles contre les Frères Moraves qui n'étaient accusés de rien
moins que d'oublier entièrement leur vocation en se tenant derriè-
re la redaction du « Volksbode >, et de soutenir aussi cette feuil-
le pour être agréables à l'Ecuyer Lohman qui souvent chez eux
allait à l'office.
Ces ' articles, dans lesquels les « Lerimans » ( Frères)
étaient quelque fois tournés en ridicule, excitèrent grandement
la colère et firent naître le mécontentement chez les deux mille
membres de la paroisse hernoute (ou des Frères Moraves.)
Dans le « Volksbode » étaient, en revanche, contre le t Dr.
Steijnis, » pasteur de la paroisse luthérienne, et contre les Juifs,
portées de graves accusations et souvent employées des
expres-
sions qui étaient blessantes pour leur sentiments religieux.
Dans la petite feuille limbourgeoise «
Het dompertje van
den ouden Valantijn (Le petit éteignoir du vieux Valentin) fut mê-
me accepté un article intitulé « Le Juif du Talmud » qui
suscita

88 —
une grande indignation non-seulement chez les Israélites mais aus-
si chez beaucoup de chrétiens. L'agitation causée par cet article
fut si grande que le gouverneur jugea nécessaire de déclarer dans
le « Volksbode » du 10 septembre 1890, qu'il n'avait, ni en sa
qualité ni en son propre et privé nom, eu aucune part dans la
fondation du « Volksbode » et qu'il n'avait avec la feuille d'autre
rapport que celui résultant du fait qu'il y était abonné.
Le vicaire du pape à Surinam, Monseigneur Wulfing, dénia
également et ouvertement tout rapport avec cette feuille et même
en blâma catégoriquement le ton et la tendance.
§ 99. — Tandis que la tension augmentait chaque jour
parmi
la population, le ministre des colonies « Mackay » n'en continuait
pas moins à soutenir aux Etats Généraux qu'il n'y avait aucune
tension dans la colonie. Non-seulement il prenait la défense de tous
les actes du gouverneur, mais il reprochait même aux Etats Colo-
nieux d'être la cause du rapport aigu existant entre l'Administra-
tion et l'assemblée des représentants du peuple.
Cependant la force des choses devait amener finalement le
Ministre à abandonner le gouverneur.
A l'occasion d'un différend survenu entre ce dernier et le pro-
cureur général M. « J Kalff » qui, jusqu'ici, avait été en très bonne
intelligence avec le gouverneur, les deux plus hautes personna-
lités administratives se plaignirent l'une de l'autre auprès du Dé-
partement en Hollande, et le gouverneur insistait pour que le Pro-
cureur Général fût rappelé. M. Kalff fut pourtant maintenu à son
poste par le gouvernement hollandais, et l'écuyer Lohman était par
conséquent reconnu dans son tort.
D'après un bulletin répandu par « West Indiër », le gouver-
neur aurait, en raison de cela, sollicité le 20 avril 1891 son rappel
par la voie télégraphique.
Lorsqu'alors, par une partie de la bourgeoisie, fut prise la dé-
cision de commémorer solennellement le 12 Mai, date anniversai-
re du jour où 25 ans auparavant, d'après l'ordonnance organique
entrée en vigueur le 1er janvier 1860, avait été, par le gouverneur
Van Lansberge, ouverte la première réunion des Etats Coloniaux,
le « Volksbode
traita ia célébration projetée de cette fête de dé-
monstration politique contre la population, l'Administration locale
et le gouvernement hollandais.
Dans de nombreux articles de cette feuille, écrits en nègre
anglais (taki-taki), était donné au peuple le conseil de ne souffrir
ni là célébration de la fête, ni le rappel du gouverneur et, au lieu
de cela, de faire au jour désigné une contre manifestation.
Cet article ne resta pas sans effet, et fit naître dans la classe
populaire l'opinion que la célébration de la fête devait servir à por-
ter le coup de grâce à M. Lohman, qui lui voulait tant de bien.
Des milliers d'habitants des districts, et surtout de Para et de
Saramacca, avaient donné suite à l'appel du « Volksbode » et s'é-
taient rendus à la ville quelques jours avant la fête.

— 89 —
A l'ouverture de la nouvelle session, le 12 mai 1891, la séance des
Etats était à peine levée que le soulèvement, annoncé déjà depuis quel-
ques semaines, éclatait dans toute sa violence, rendant ainsi impossible la
fête qui avait été préparée avec tant de soin.

Le long du Waterkant et de la place du Gouvernement, déjà de
grand matin fourmillaient des hommes très exaltés qui, à haute voix.
menaçaient de meurtre et d incendie
Le premier fait de violence eut lieu sur la Place du Gouvernement
dans le voisinage immédiat de l'Hôtel occupé par le Gouverneur. Tout
ce qui, pour l'amusement du peuple, avait été préparé là par la comission
des fêtes fut mis en pièces en présence de l'écuyer Lohman. Envers le

Procureur général qui, à la tète de la police, voulait s'opposer à ces
méchancetés, le peuple se mit en opposition ouverte. Cette résistance

s'étendit bientôt à d'autres parties de la ville. Se div rtissant bruyam-
ment et faisant du tapage, la population se rendit le long des rues, en

brisant les carreaux de beaucoup de maisons. Lorsque quelques heures
après le déchaînement du soulèvement, le Gouverneur se rendit, entouré
et suivi d'un grand nom re de mutins, le long du Waterkant, les plus
grandes méchancetés furent commises tout près de lui, et la police, qui
essayait de s y opposer, fut maltraitée déplorablement. De sévères me-

sures avaient été prises par M. Kallf pour la répression de l'insurrection,
mais l'attitude du Gouverneur semblait rendre les mutins encore plus
audacieux

Lorsque le Gouverneur fit, par son aide de camp, ordonner aux
patrouilles de la garn son de décharger les armes et de rentrer au fort,
la populace fut. ce voyant, fortifiée dans son opinion que l'interruption
de la fête des Etats et la résistance à la police avaient l'approbation
du Chef de la colonie. La conséquence en fut que le soulèvement redou-

bla tout naturellement de violence.
La crainte de ce qui arriverait le soir était si grande que le bal*
par lequel devait prendre fin la fête des Etats, n'eut pas lieu. Et
heureusement qu'une forte bourrasque éclata aux premières heures de
la soirée, de sorte que personne ne se montra dans la rue et que le

repos ne fut point troublé.
§ 100 - - Le malin du lendemain, 13 mai, deux mille nègres se
rendirent à la Place du Gouvernement pour faire une ovation à M. Loh-
man et le prier instamment de ne pas quitter le pouvoir.
Ln des meneurs de la foule fut, sur l ordre du Procureur géné-
ral, arrêté le lendemain pour rébellion à la police, mais lut, sur l'ordre
du Gouverneur, remis en liberté. Lorsque la fou e se fut rangée en un
large cercle, le gouverneur sortit et lui adressa une harangue qu'elle
écouta dans une humble posture. Après que les mutins eurent reçu de
Mr Lobman la promesse qu'ils pourraient, le soir, danser sous le mar-
ché couvert du Waterkant, ils se rendirent, par le Graven-traat, le long

du bâtiment des Etats Coloniaux, en faisant un vacarme épouvantable.
La scène que donnait à contempler cette multitude tapageuse qui
allait sans cesse en augmentant remplissait d'épouvante les cœurs des
bourgeeis, et l'on se demandait anxieusement quelle serait la fin de ce
singulier spectacle. Les désordres qui se produisirent alors surpassaient
considérablement ceux du jour précédent.


90

La police était impuissante !
Cependant, les Etats Coloniaux de même que le Gouverneur avaient,

par la voie télégraphique, donné au Gouvernement hollandais connais-
sement du soulèvement. Mais, tandis que dans « sa » dépèche, le Gou-
verneur indiquait comme cause de la perturbation, la mauvaise attitude

du Procureur Général agissant de concert avec les Etats, ceux-ci, dans
« leur » télégramme, priaient le Ministre des Colonies d'enjoindre au

Gouverneur de ne pas empêcher M. Kalff dt rétablir l'or re.
En attendant, l'émeute s'était tellement aggravée que l'inspecteur
de Police p. i. « Van Liérip » se vit, le matin du 14 mai, obligé, pour
sa propre défense, d'abattre un des meneurs d'un coup de feu.
§. 101. — A la suite d'un télégramme adressé à S. M. la reine
par les Etats Coloniaux et par le Procureur Général, dans lequel était
exposée la situation critique de la Colonie, le Gouverneur reçut l'ordre
royal de travailler au rétablissement de l'ordre, de concert avec la po-
lice, l'armée de terre et les forces navales.

Le Gouverneur s'abstint alors de toute immixtion plus grande et
dès ce moment abandonna tout au Procureur Général et aux deux Com-
mandants. Puis deux cents habitants, de tout rang et de teute

condi-
tion, se déclarèrent disposés, en liaison avec la police et
les forces dt
terre et de mer, à faire des rondes la nuit par la ville et à aider à la
garder.
L'insurrection fut dès lors bien vite réprimée.
La ferme attitude de la Marine sous les ordres du Lieutenant
de
vaisseau « G. H. Van Steyn, » fit surtout comprendre aux séditieux
Sue c'était maintenant sérieux et qu'une plus longue résistance aurait
es suites funestes pour eux.
Déjà, le 19 mai, le gouverneur était à même de prendre une Dé-
cision en vertu de laquelle les mesures extraordinaires provoquées par
l'insurrection purent être supprimées.

Maintenant, tout entra dans 1 ordre accoutumé et la Justice
put
fonctionner librement. De nombreux mutins subirent les peines pro-
noncées contre eux, tandis qu'une poursuite exercée contre le « Volks-

bode » pour cause d'excitation avait pour résultat la condamnation de
trois des éditeurs à des peines d'emprisonnement. La parution de ce te
feuille n'en continua pas moins jusqu'en août 1891.

Le 4 mai, l'Ecuyer de Savornin Lohman obtint, sur sa demande,
son congé « honorable. » Pour son successeur fut nommé l'Ecuyer Mr.
« Titus Anthony Jacob van Asch van Wijck, » qui entra en fonctions
le 22 juin 1891.
§ 102. — Si sombre qu'ait été le ciel de Surinam lors du gouver-
nement de l'Ecuyer Lohman, le soleil se montra parfois pourtant derriè-
re les nuages, si bien qu'il a pu être noté les points lumineux suivants :
P Les louables efforts faits par le Gouverneur Smidt pour procurer
à Surinam une liaison avec le réseau
télégraphique mondial furent
poursuivis avee zèle par Lohman et eurent pour résultat que, par la
société française des télégraphes sous-marins, à qui l'administratif n
avait accordé une concession pour la jonction de Surinam avec un ponit


— 91
quelconque de son réseau, le bureau du télégraphe du Gravenstraat
fut, le 19 décembre 1890, déclaré ouvert au public.
20 D'avril à novembre 1890, furent introduits les premiers 94 travail-
leurs javanais qui avaient été recrutés par la Compagnie commerciale
néerlandaise et qui s'étaient engagés à faire sur la plantation Marien-
burg pendant cinq ans, le travail des champs aussi bien que celui de
l'usine. Cet essai, soutenu fortement
par le Gouverneur Lohman,
réussit a merveille et eut pour résultat que l'immigration de Java fut,
sous la direction et la surveillance de l'adminstration, ouverte pour
le 17 mars 1896, ce qui permit à la grande culture de ne plus être,
comme jusqu'alors, soumise entièrement au caprice de 1 Angleterre.
30 Le 29 mai 1891, quelques semaines seulement avant que
Lohman ne quittât le pouvoir, le télégraphe apporta à Paramaribo la
nouvelle, pour la Hollande et pour Surinam si importante, que le diffé-
rend de frontière entre les Guyanes Hollandaise ej Française avait été
résolu en faveur de Surinam et que la riche région aurifère sitnée
entre l'Awa et le Tapanahony avait été adjugée à la Guyane hollandaise.
A lavantage des Français qui avaient obtenu de i admnistration de
la Guyane française des concessious pour l'exploitation de l'or dans le
terrain de l'Awa, l'arbi re stipula qu'il devait leur être donné la faculté
d'obtenir du gouvernement de Surinam la concession des terrains à eux
antérieurement adjugés (droits basés sur la bonne foi).
40 Durant l'administration du gouverneur Lohman les dépenses
diminuèrent et les recettes augmentèrent, si bien qu en 1890 la colonie
n'eut presque pas besoin de subvention de la métropole. Cet heureux
phénomène était dû pour la plus grande part au gouverneur Smidt
qui avait réformé le système des taxes et augmenté les droits d'entrée,
mais également pour une part au gouverneur Lohman qui.par un contrôle
plus sevère de la contrebande que les Etats avaient déjà d ma dé avec
insistance, enrichit la caisse coloniale d'une somme très importante.
50 Sous le gouvernement de Lohman, fut à l'usine centrale,
créée de 1880 à 1882 par la Compagnie commerciale Néerlandaise,
donné un développement considérable à la culture du riz, tandis
que sur la plantation Meerzorg était créée une nouvelle et ma-
gnifique usine à sucre par la Compagnie agricole des Indes Oc-
cidentales.
§ 103. Peu avant son départ avaient été, par décision du 18
juin 1891 du gouverneur Lohman, nommés les professeurs d'un
cours préparatoire à l'enseignement de l'agriculture créé par lui,
afin de procurer aux jeunes gens qui désiraient s'adonner à l'agri-
culture les moyens d'avoir la connaissance théorique nécessaire a
l'étude de la culture.
Par le Gouverneur
avait été également
le 5 avril 1890,
promulguée une ordonnance aux termes de laquelle était, dans l'in-
térêt du commerce, instituée, «
une Chambre dé Commerce et
d'Industrien » qui, cependant, par le peu de considération que lui
témoignèrent les commerçants, répondait si mal à son but qu'elle
dut être supprimée après seulement deux ans d'existence.

— 92 —
Par contre, Je manque d'accord entre le Gouverneur et les
Etats coloniaux eut pour résultat qu'une ordonnance proposée par
lui en vue de la réduction du cens ne fut point admise. Le but
que l'Ecuyer Lohman poursuivait était, ainsi qu'il l'a déclaré, de
donner aux habitants une plus grande influence sur la composi-
sition des Etats coloniaux, en étendant la capacité électorale à une
classe d'habitants qui, par leur condition et leur instruction, mé-
ritaient d'avoir le droit de vote, dont pourtant ils avaient été jus-
que là exclus en vertu du vieux règlement sur les élections.
Si l'Ecuyer de Savornin Lohman avait eu moins de suscep-
tibilité et possédé plus d'empire sur lui-même, sa grande énergie
et son activité auraient été bien plus profitables à la colonie, et
son nom aurait, d'un accord unanime, sans doute figuré parmi les-
gouverneurs qui ont le plus mérité de Surinam.
Sa méfiance à l'égard des Etats Coloniaux, le penchant à se
fier aux bruits de toutes sortes qui arrivaient jusqu'à lui, sa con-
duite souvent irréfléchie, suivant l'inspiration de l'heure, et le non-
examen sérieux de la question de savoir si le temps était oppor-
tum pour les réformes qu'il avait le dessein d'introduire, lui avaient
fait beaucoup de tort et, à la colonie, causé un grand préjudice.
A cela, il y a encore lieu d'ajouter que, souvent, là où pour ses-
bonnes intentions, il espérait recueillir une parole de reconnaissan-
ce, c'était plutôt un reproche qu'il recevait.
De retour en Hollande, il ne survécut que peu de temps à
l'échec qu'il avait essuyé à Surinam. Sa mort, survenue le 12 juil-
let 1899, mit un terme à son existence trop agitée.
XXVI. — Surinam à l'époque de la Régence.
14 novembre 1890—31 août 1898.
Le Gouvernement de l'Ecuyer Titus Anthony Jacob ran Asch van Wijck (1891-l89 6)
§ 104. Lorsque fut reçue dans la colonie la nouvelle que
le Destin avait, le 23 novembre 1890, mis une fin à la vie du roi
Willem III qui avait été si cher aux Surinamois et dont le vœu
était « que la belle colonie de Surinam fût une seconde Java
toute la colonie prit une part sincère à la perte cruelle qui venait
d'atteindre la maison royale.
Un grand nombre de citoyens de tous rangs et de toutes
conditions se rendirent à l'hôtel du Gouvernement pour exprimer
leurs sentiments de condoléances à l'égard du prince bien aimé,
et inscrire leurs noms sur une liste placée là â cet effet par or-
dre du Gouverneur Lohman.
. Bien avant la mort du roi son époux, la reine Emma avait
été, le 14 novembre 1890, chargée de la régence, et la loi qui
l'avait investie de cette fonction, fut, par publication du 15 dé-
cembre suivant, promulguée également à Surinam.
La Régente montra en beaucoup d'occasions un grand intérêt
dans la Colonie, entr'autres par la donation de beaucoup d'offran-
des aux établissements de bienfaisance. Elle gagna de cette façon

— 93 -
le cœur de ses sujets surinamois, et l'enthousiasme avec lequel son
anniversaire fut célébré montra clairement «le quelle manière la
mère de la jeune reine était, elle aussi, honorée et aimée à Suri-
nam.
Où se manifesta l'amour que Surinam portait à la jeune Rei-
ne, c'est lorsque, à la grande consternation de toute la popula-
tion, fut reçue et publiée par le « West Indier » la nouvelle que
la Reine Wilhelmina était malade et qu'elle pouvait mourir d'un
moment à l'autre. Mais cet amour trouva également l'occasion de
se montrer avec gaité et exaltation lorsque, sur sa demande au
Ministre des Colonies, tendant à savoir si l'état de la Reine inspi-
rait de l'inquiétude, le Gouverneur apprit en réponse que cet état
ne laissait aucunement à désirer. La tristesse se transforma alors
en une joie extrême.
Paramaribo se mit en fête. Les élèves des différentes écoles,
aux accents de l'hymne national, se rendirent à l'hôtel du gouver-
nement pour y présenter leurs compliments au Gouverneur.
Au nom des élèves des écoles catholiques, deux exemplaires,
imprimés sur satin, d'une chanson composée à cette occasion, fu-
rent, par Mgr Wulfing, offerts au Gouverneur avec prière de les
faire parveuir à Leurs Majestés la Reine et la Reine régente.
Des remercîments furent, dans les différentes églises, adres-
sés a Dieu pour la conservation de la bien-aimée princesse.
Les relations entre la colonie et la métropole furènt donc,
• sous la Régence, aussi cordiales qu'auparavant.
§ 105. — La nouvelle que le député antirévolutionnaire Van
Asch Van Wijck était nommé gouverneur de Surinam ne fut
pas
apprise avec joie, car il avait souvent, à la Deuxième Chambre, pris
la défense de l'Ecuyer de Savornin Lohman. Pourtant il était à
peine dans la colonie qu'il sut se conquérir tout le monde. Par
son extérieur affable, ses manières ' prévenantes et sa sollicitude
pour le pays et pour la population, il se fit bientôt très populaire ;
et, sous son gouvernement paisible, les esprits qui, peu de temps
auparavant, étaient si exaltés, redevinrent très calmes. Et de cet-
te façon la confiance en l'avenir, qui s'était quelque peu affaiblie,
fut de nouveau rétablie.
Avec les Etats Coloniaux, l'Ecuyer Van Asch Van Wijck se
trouva dans les meilleurs termes. Aussi, par une coopération cor-
diale de l'Exécutif et du Législati , se firent de nombreuses ordon-
nances et lois. Cependant, une de ces ordonnances causa un si
grand mécontentement parmi une partie de la population que l'or-
dre et la tranquillité, qui avaient été à peu près
rétablis sous
l'administration de Van Asch van Wijck, furent de nouveau trou-
blés. Ce fut provoqué par un projet d'ordonnance propose1 par le
Gouverneur aux Etats Coloniaux et relatif à la conclusion, avec
la paroisse catholique romaine, d'une convention concernant la
création et l'organisation d'un établissement pour le logement, l'en-
tretion et le traitement des lépreux.

— 94 —
Selon cette ordonnance, l'établissement Batavia au Coppename
où, depuis 1823, les lépreux étaient l'objet de soins de la part du
Gouvernement, serait supprimé, et tous les lépreux placés sous la
surveillance des ecclésiastiques catholiques romains dans leur éta-
blissement du Grand Chatillon au Boven-Surinam.
Le but que le Gouverneur avait en vue était, par ce moyen,
d'améliorer le sort des lépreux, qui à Batavia, éloigné et difficile à at-
teindre, devaient supporter les plus grandes misères. Mais les
conseils des différentes paroisses protestantes, considérant que la
liberté religieuse des malades ne serait pas suffisamment garantie,
étant donne que, selon l'ordonnance, ni les protestants ni les isra-
élites ne pourraient dans l'établissement, tenir dé réunion religieuse,
présentèrent une adresse aux Etats coloniaux, dans laquelle l'a-
doption de l'ordonnance était déconseillée.
Elle fut pourtant acceptée par les Etats le 2 juillet 1892 et
promulguée dès le 22 par le gouverneur. Celui-ci passa ensuite
avec le clergé catholique romain un contrat provisoire subordon-
né à la ratification du gouvernement hollandais.
Cet acte du gouverneur produisit-une impression très fâcheuse
sur la population hollandaise. Les administrateurs des églises pro-
testantes et une des dix centaines de membres des différentes sec-
tes religieuses s'adressèrent alors à S. M. la Reine Régente avec
prière d'ordonner la révocation de l'ordonnance.
Il en résulta que le Ministre des Colonies « van Dedem » in-
vita le gouverneur à s'entendre avec le chef de la paroisse catho-
lique romaine â l'effet de trouver le moyen de dédommager cette
paroisse de l'opposition faite au contrat passé conditionnellement
avec elle.
Mr. Wulfing, Vicaire apostolique de Surinam, n'eut pas cepen-
dant la liberté d'agréer les propositions qui lui étaient faites a ce
sujet par le gouverneur, de sorte que le contrai dut alors être
résilié.
§ 106. Comme l'Ecuyer Van Asch van Wijck était con-
vaincu que, pour le relèvement de la colonie, les voies de commu-
nication, le drainage, les chemins terrestres et les voies fluviales
devaient être améliorés, il fit établir des chemins vicinaux dans
différents districts, fit l'acquisition de bateaux à vapeur pour ren-
forcer l'effectif de la flotte coloniale et il n'hésita pas à ouvrir de
nouveaux chapitres à son budget pour l'exercice 1893. ce qui fit
monter le chiffre de la subvention a plus de six tonnes d'or
(600,000 florins,)
Cette somme fut ramenée par le ministre des colonies à trois
tonnes, car, d après lui, beaucoup d'articles n'étaient pas suffisam-
ment justifiés et certains autres ne lui apparaissaient pas tout à
fait nécessaires au développement de la colonie. Beaucoup d'ar-
ticles biffés furent, par le Gouverneur, reportés au budget pour
1894, et ils furent alors, bien que le chiffre de la subvention s'é-
levât à près d'un demi-million de florins, approuvés aussi bien par
Je Ministre des colonies que par les Etats généraux.

— 95 —
Dans son budget pour 1895, le 'Gouverneur demanda une
somme de plus de sept tonnes comme contribution de l'Etat aux'
dépenses tie la colonie. Mais ce oudget lut tortement réduit par le
Ministre et par la Deuxième Chambre, et le chiffre de la subven-

tion ramené à trois tonnes.
Grâce à ces fortes subventions et à l'augmentation des impôts,
les grands travaux suivants furent exécutés sous le gouvernement
de l'Ecuyer Van Asch van Wijck:

l0 La maison des aliénés à Wolfenbuttel.
Déjà, sous le gouvernement de Lohman, une tentative avait
été faite pour rendre l'existence des malades un peu plus suppor-
table; il était, en effet, apparu à ce Gouverneur que l'entretien, le

traitement et la surveillance laissaient entièrement à désirer Mais
les propositions faites en vue d'améliorer la situation de l'établis-
sement ne furent pas acceptées par les Etats coloniaux.
En décembre 1891 fut, par le gouvernement, acheté le terrain
W olfenbuttel, et deux ans après, s'y élevait une construction desti-
née non seulement à la garde, mais aussi à l'entretien des aliénés.
Les aliénés de la Wagenwegstraat (1) furent, lé 1er octobre 1895,
transférés dans le nouvel établissement.
Par la nomination d'un médecin des fous (Psychiâtre) comme
directeur de l'asile des aliénés, on espéra voir les malheureux mieux
traités et mieux entretenus, et l'on fit ainsi un réel progrès dans la
voie-de leur guérison.
2° L'établissement d'un jardin de culture ou laboratoire.
La réussite de cet utile établissement doit
être,
en grande
partie, attribuée aux efforts sérieux et à l'insistance du Directeur
du Muséum Colonial à Harlem « F. W. Van Eeden » qui s'était

toujours fait voir comme un bon ami de Surinam et dont l'opinion
était que la diffusion de l'instruction dans la Colonie était le meil-

leur moyen de l'amener à la prospérité.
Plus tard, on installa au Jardin de culture la station principale
pour les observations météorologiques, ce qui donnait enfin satis-
faction au souhait du Dr. Snellen, Directeur en chef de l'instifut
royal météorologique hollandais, que les observations météorologi-
ques pussent être faites sur une échelle plus étendue que, jus-
qu'alors, à l'hôpital militaire.

3° L'asile pour lépreux au Grand Chatillon.
Après que le contrat passé avec le clergé catholique romain
eût été supprimé le 1er mars 1893, les conseils des paroisses ré-
formées et luthériennes ainsi que les principaux membres de la
paroisse des Frères Evangélistes, s'adressèrent au Gouverneur en
lui déclarant qu'à la condition de s'accorder ultérieurement ensem-
ble, ils désiraient se charger de l'entretien des malades dans le

nouvel établissement.
.
Ce vieil asi t d'aliénés était appelé « Choléra » parce qu'il s'élevait à
l'endroit même où, en 1851, lors de l'épidémie de choléra, des baraques
m vaienl été dressée*.


— ,96 —
Le Gouverneur nomma alors une commission composée prin-
cipalement de représentants des différentes religions afin
d'exa-
miner sur quelle base devait fonctionner l'établissement et de quelle
manière l'entretien devait y être organisé.
La commission s'acquitta
merveille de sa tâche, et le rap-
port publié par elle le 19 décembre 189,1 eut
pour résultat que
l'administration, dans son budget pour 1895, inscrivit une somme
importante pour parer aux frais qu'exigeait la fondation d'un nou-
vel asile pour lépreux.
Le Grand-Chatillon lut, dans ce but, acheté par le Gouverne-
ment et, le 27 septembre 1897, les lépreux furent de Batavia trans-
férés au nouvel établissement.
Il y avait à Chatillon. en outre de l'établissement du Gouver-
nement, un autre asile pour lépreux, « Bethesda » fonctionnant
grâce à l'assistance d une association protestante.
L'argent nécessaire à cette fondation avait été recueilli par
l'association, tant à l'intérieur de la Colonie qu'au dehors,
surtout
en Hollande et en Allemagne.
Sous la direction du Frère Morave, le noble c Stinck .», assis-
té de quelques sœurs de charité, la souffrance
des malheureux
lépreux fut, dans cet établissement, rendue un peu plus suppor-
table.
Et cependant les religieux catholiques romains avaient été très
actifs dans cette voie !
Sur un terrain, au Gravenstraat, ils ont aussi édifié une cons-
truction particulière pour lépreux qui, dès le 16 octobre 1895, long-
temps avant que ne fût prêt l'établissement du Gouvernement, était
ouvert sous le nom de « Fondation Gérardus Magella » et où quel-
ques religieuses donnaient leurs soins charitables à ceux que
la
redoutable lèpre exile de la société.
4- Travaux productifs.
A l'occasion d'un crédit de .30.000 florins inscrits au budget
de 1892 pour subvention à une concession éventuelle pour la cons-
truction et l'exploitation d'une ligne de tramways à vapeur entre
Paramaribo et le Beneden Saramacca, le Ministre des colonies
van Dedem envoya à Surinam, en mars 1894, l'ingénieur de 1ère
classe du département des eaux et digues, « D. H. Havelaar, » afin,
entr'autres, de rechercher ce qui pourr ait être fait
pour obtenir
un meilleur moyen de communication entre la ville et le district
de Saramacca, le canal peu profond de Saramacca n'étant pas apte
à favoriser le développemont de ce district.
Après l'exécution de la mission qui lui avait été confiée, l'ha-
bile ingénieur Havelaar retourna en Hollande en septembre 1893.
Il traça les plans de deux grands travaux :
1- Le barrage du canal de Saramacca par des écluses et des
portes de décharge,
2 Le déssèchement et le drainage (mise en polder) d'un ter-
rain d'environ 2.500 hectares, situé près de Paramaribo, à l'est et
à l'ouest du chemin conduisant à Charlesburg.

-97-
Afin de pouvoir mettre ces travaux à exécution, une ordon-
nance fut établie par le gouverneur en vue de conclure un em-
prunt pour travaux productifs.
Le 22 février 1896, le gouverneur reçut du Ministre des co-
lonies « Bergsma » l'heureuse nouvelle que l'emprunt, s'élevant à
trois millions de florins et garanti par le gouvernement néerlan-

dais était approuvé par la Deuxième Chambre.
L'exécution des travaux fut confiée à l'auteur du projet l'ingé-
nieur Havelaar.
Ces travaux productifs, qui certainement devaient contribuer
pour beaucoup à la prospérité ultérieure de la colonie, commen-
cèrent par la contraction d'une écluse à la crique Dominé, le 48
janvier 1897, quelques mois après le départ de Van Ascii Van
Wijck. Le premier des pieux sur lesquels reposa l'écluse fut en-
foncé en présence du gouverneur Tonckens et d'un grand nombre
d'habitants. Le fond mou rendit nècessaire l'enfonçage de 683
pieux avant que la surface pavée ne pût être maçonnée. Déjà, à
la fin de l'année 1898, cette écluse pouvait être considérée comme
achevée, et une seconde écluse, commencée à Uitkijk au mois de

juin de la même année, entra en activité en 1900. Du nom de l'au-
teur du projet, ces écluses reçurent le nom d'écluses Havelaar.
A Uitkijk, l'ingénieur Havelaar fit des expériences pour cuire
des briques avec de l'argile recueillie sur les lieux ; les expériences
réussirent très bien, de sorte qu'il y a des chances pour que Suri-
nam y trouve plus tard les éléments d'une nouvelle industrie.

La deuxième série de grands travaux, en raison des difficultés
très grandes qui y sont liées, n'a pas encore été mise à exécution.
§ 107.— Tandis que l'attention est attirée sur tout ce qui se
réalisa sous l'administration de Van Asch Van Wijk, le moment est
venu d'expliquer pourquoi, tandis que les dépenses continuaient à

monter, et que les impôts étaient considérablement augmentés, la
contribution de l'Etat a été plus forte que sous les gouvernements
précédents.
Cela tient à ce que l'on faisait figurer au budget des articles
dont l'utilité ou l'urgence était douteuse, et le Gouverneur dut,
sur ce point, aussi bien du Ministre des colonies que de quelques

députés, entendre le reproche que la tendance à l'économie n'était
pas suffisamment marquée. Sa gestion financière fut même blâmée
par la Deuxième Chambre, ce qui, en janvier 1894, provoqua sa de-

mande de rappel.
Les Etats coloniaux insistèrent vivement alors auprès de Van
Asch van Wijk pour que, dans l'intérêt do la colouie. il revint sur
cette décision. La demande de rappel ne fut d ailleurs pas agréée
par la Reine Régente, de sorte que le Gouverneur dut rester à
son poste. Il sollicit » alors quatre mois de congé en Hollande pour

le rétablissement de sa santé. A son départ, le 13 mai 1894, la gé-
rance du gouvernement fut confiée à l'intérimaire désigné, le Se-

crétaire du gouvernement M. Warmolt Tonckens Jlz (fils de Jacob
Louis).

— 98 —
§ 108, Du côté des immigrants des Indes Britanniques, un
grand danger, qui devait mettre une certaine entrave à son déve-
loppement, menaça la colonie pendant le gouvernement de Van
Ascii van Wijck. Il régnait parmi ces coolies un esprit de rancune
et de mécontentement dont des méfaits de toutes sortes furent la
conséquence, et souvent les contre-maîtres et les directeurs des
plantations lurent par eux menacés, maltraités ou assassinés, parce
que, dans leur esprit, la tâche imposée était trop dure et le salaire
payé trop modique.
Ce n'est pas dans la manière dont les immigrants étaient 1 raités
par les planteurs qu il faut chercher la raison de ces manifestations de
ressentiment, car il ressort de la déclaration du Dr Comins protecteur
des immigrants qui, aucoursd'un voyage où il était chargé d'enquêter sur
la situation des imm irrants des Inde* britaniques, visita également
Surinant, que la façon dont ils étailent traités dansla colonie était très
satisfaisante.
Mais entre les coolies eix-mêmes, il y avait sotrvent de sérieux
contlils qui ne prenaient fin que lorsqu'ils s'étaient réciproquement
porté des blessures très graves. Entr'autres, le 16 août
1891, quelques
semaines a rès une Van Asch van Wijck eut pris possession du gouver-
ment, une collision eut lieu entre les coolies des plantations Zoelen et
ceux de Geertruidenberg.
.C'était à l'époque des fêtes de Tadja.
Les coolies de Geertruidenberg, en promenant leur Tadja, rencon-
trèrent sur la route conduisant à Zoelen les coolies de cette dernière
plantation ; et, comme ceux-ci ne voulaient pas sortir du chemin, cela
donna lieu à une querelle qui dégénéra bientôt en un combat sanglait
Lescoolies de Geertruidenberg, étant en minorité, battirent finalement
en retraite, poursuivis par leurs assaillants qui ne regagnèrent leurs
casés qu après s'être, sur la dernière plantation nommée, rendus coupa-
bles des, infractions les , plus graves.
Le Commissaire du district accompagné dn Procureur général se
rendit à Zoelen le lendemain pour procéder à une enquête. L'arres
talion de cinq coolies eut pour conséquence que tous les immigrants
résistèrent o vertement à l'autorité, et cette insurrection ne fut domptée
que lorsque, la force armée ayant reçu Tordre de faire feu sur les re-
belles, deux d'entre eux eurent été tués et plusieurs autres blessés.
Afin de mettre un ternie à cette situation intenable, les plan-
teurs présentèrent au Gouverneur, le 1er novembre 1801, une a-
dresse dans laquelle ils imploraient l'aide de l'administration con-
tre la méchanceté des immigrants des Indes Britanniques. Pres-
qu'au même moment des propriétaires et des administrateurs d'en-
treprises de culture à Surinam, établis en Hollande, s'adressèrent
également au Ministre des Colonies en lui demandant que des me-
sures fussent prises contre l'esprit de révolte qui, depuis quelque
temps régnait parmi les immigrants des Indes Britanniques.
Cependant, il n'y eut pas tout de suite d amélioration dans
cette situation alarmante. Le contraire est plutôt vrai.
A la fin, cette foule sanguinaire ne se borna pas seulement

— 99 —
aux menaces et aux brutalités ; bien mieux, sur quelques planta-
tions, les cultures lurent même détruites. C'est ainsi qu'en janvier
1893, sur Wecerzorg, deux mille caféiers environ furent, par ven-
geance, déracinés ou abattus par ces immigrants, parce que leur
salaire avait été réduit à cause de leur travail qui avait été mau-
vais ou insuffisant. Quelques semaines plus tard, l'ensemble des
coolies de cette plantation faisait grève et s'insurgeait contre
le
patron.
Comme, en vertu des lois en vigueur, ces infractions ne pou"
vaient être frappées de peines suffisamment fortes, l'on était fondé
à craindre que les coolies n'en vinssent à causer aux plantations,un
dommage encore bien plus grand.
C'est pourquoi les planteurs auraient vu d un bon oeil que l' on
cherchât à introduire une main-d'œuvre moins dangereuse, et deman-
daient instamment au gouvernement que 1 essai qui avait été t^nié en
1890 avec des immigrants javanais at qui avait produit des résultats
si favorables, fût repris SUr une plus grande échelle.
Ce vœu fut enfin exaucé.
En mars 1893, l'occasion fut offerte par le gouvernement co-
lonial de faire venir des immigrants de Java par son intermédiaire,
et, en juin 1804, entra à toute vapeur dans le port de Paramari-
bo le navire « Voorwaarts » avec, à son bord, le premier grand
convoi de Javanais.
L'immigration de Java devenait ainsi un fait tout à fait positif.
Malheureusement, :ies 612 immigrants embarqués,' par suite
de précautions insuffisantes et de mauvais traitements, 32 mouru-
rent en voyage. 16 autres succombèrent encore avant le débarque-
ment en rade de Paramaribo, sans compter environ 200 qui arrivè-
rent malades et lurent mis,en traitement à l'hôpital militaire, et des-
quels quelques-uns encore vinrent grossir le nombre des décédés.
Le déplorable résultat de cet essai produisit un grand désap-
poitement dans la colonie, et fit naître la crainte que l'immigration
javanaise ne fût vouée à un échec complet. Mais l'arrivée en mai
1807 île 700 nouveaux immigrants de Java démontra que cette
crainte n'était point fondée. Par la suite, l'introduction régulière de
Javanais a eu lieu par les bateaux de la compagnie de navigation à
vapeur « Nederland » de Java à Amsterdam, et de là à Paramaribo
par les navires à vapeur de la compagnie royale des Indes Occi-
dentales, et de cette façon on évita le renouvellement de ce qui
était arrivé avec le « Voorwaarts» .
§ 100. - - Sous l'administration de Van Asch Van Wijck, pn
chercha encore à augmenter d'une autre façon le nombre des cul-
tivateurs dans la colonie.
Le gouverneur, en octobre 1802, nomma une commission qui
avait pour but d'examiner si la colonisation par des Européens, et
spécialement des cultivateurs hollandais, était désirée à Surinam,
à quelle exigence il devait être satisfait et quel appui il fallait ac-
corder.

100 —
La nomination do cette commission était la conséquence de
la grande impression produite par une brochure intitulée ; « At-
tachés par un fil rouge. Emigration, Colonisation, Surinam. » El-
le était écrite par « H. Pijttersen, membre de la Deuxième Cham-
bre, qui déjà, par la parole et par la plume, avait donné à Suri-
nam des marques de sa grande sollicitude.
L'auteur donnait, dans cet écrit, beaucoup d'avertissements-
utiles à la prospérité de Surinam et recommandait entr'autres que
la colonisation fût faite par des Hollandais. De même ■ qu'à van
Eden, Surinam est très redevable à Pijttersen des louables efforts
qu'il a faits pour contribuer à son bien-être, en indiquant les
obstacles susceptiples de contrarier la marche de son dévelop-
pement progressif et en fixant l'attention sur de nouvelles ressour-
ces. La commission de colonisation ne fut prête avec son rapport
qu'en avril 1896, c'est à dire quatre ans après sa constitution. Il
résultait de ce rapport que la Commission « était plus pénétrée de
l'opportunité d'une immigration par des Européens que de sa pos-
sibilité ». En replaçant sous ses yeux le pitoyable et complet échec
de la colonisation à Groningen dans le Saramacca, en 1846, elle
hésitait en effet à répondre à la question de savoir si la colonisation
par des cultivateurs hollandais était possible à Surinam.
En février 1896, quelques semaines par conséquent avant que
ce rapport ne fût établi, quelques végétariens allemands, qui
voulaient s'établir dans les hautes régions de Surinam pour y pra-
tiquer la petite culture, vinrent de leur propre mouvement à Pa-
ramaribo. Comme ils étaient munis de bons certificats et qu'ils
laissèrent l'impression d'être des hommes honnêtes, l'Administration
ne vit aucun inconvénient à leur permettre de s'établir dans la co-
lonie.
Lt gouvernement leur offrit même l'assistance nécessaire pour
faire le choix d'un lieu d'installation. Leur choix tomba sur le ter-
rain Weltevreden, dans le voisinage de Berg-en-dal.
Quoiqu'on
leur indiquât que cette région n'était pas convenable au but envi-
sagé et était malsain, ils n'en firent pas moins leur volonté. Mais
il ne s'était pas passé beaucoup de temps que déjà quelques-uns
mouraient de la malaria, et les autres, ce voyant, dès le 2 avril,
retournaient à la ville, eux aussi mortellement atteints.
Ainsi cet essai de colonisation ne réussit pas encore, et ce fut
bien déplorable pour Surinam, car son succès aurait pu avoir pour
conséquence de faire diriger vers ce pays un fort courant de colons
allemands.
§ 110. Le 21 Juin 1895, les cultivateurs, issus de la mal-
heureuse colonisation de Saramacca, qui avec le concours du Gou-
verneur Van Raders, s'étaient établis aux environs de Paramaribo,
commémorèrent le jour où, 50 ans auparavant, ils étaient venus à
Surinam.
Ils avaient réussi, après une pénible lutte pour la vie, à par-
venir à un certain degré de bien-être. Les fermes florissantes ou

- 101 —
métairies que l'on voit dans le voisinage immédiat de Paramaribo
et qui sont la propriété de ces colons ou de leurs nombreux des-
cendants, sont les résultats de la grande activité et de la lutte de
tous les instants de ces hommes vigilants contre les influences
pernicieuses de toutes sortes.
§111 .— Van Asch van Wijck, de retour de congé, arriva à Suri-
nam le 14 Septembre 1894 et rentra le jour même dans l'exercice
de ses fonctions. C'est le premier gouverneur de Surinam qui, par-
ti en congé pour la Hollande, soit retourné dans la colonie.
Cependant le Baron Vau Dedem qui avait bien mérité de la
Métropole et des colonies était, en mai 1894, écarté comme Mi-
nistre des colonies et remplacé par Mr. Bergsma avec lequel l'Ecu-
ver Van Asch van Wijck avait eu, durant son congé, l'occasion de
causer d'affaires coloniales de toutes sortes. Le Gouverneur
était pourtant à peine retourné à son poste qu'il se produisait en-
tre le Ministre des Colonies et lui une divergence d'opinion rela-
tivement à la façon dont la colonie devait être administrée. Il en
résulta un fâcheux malentendu entre ces deux personnalités très
gouvernementales, et, le 4 août 1895, quatre mois seulement après
son retour, l'écuyer Van Asch van Wijck profita de cette circons-
tance pour faire savoir au Ministre des Colonies qu'il ne resterait
pas au gouvernement au delà du mois.de mai 1896. En décembre
1895, il sollicita en effet officiellement son congé qui, par décret
royal du 24 janvier 1896, lui fut accordé pour en jouir à partir du
12 mai suivant.
La nouvelle de ce rappel fut apprise avec regret par beau-
coup de gens ; et cela s'expliquait, car la colonie avait été, sous
beaucoup de rapports, en réel progrès durant l'administration de
ce gouverneur.
A son départ de la colonie, l'Ecuyer Van Asch van Wijck
reçut de différents côtés des marques de sympathie et de grande
estime. Il avait, quelque temps auparavant, fait beaucoup d'heureux
en distribuant de généreuses aumônes aux établissements de bien-
faisance. Ses adversaires eux-mêmes durent reconnaître qu'il avait
un excellent cœur. Son attachement au pays et à sa population,
n'avaient jamais été mis en doute. Retourné en Hollande, il y fut
élu membre de la Première Chambre ; et depuis lors, tant à la
Chambre qu'en dehors, l'occasion de discuter les intérêts de la co-
lonie lui fut donnée à plusieurs reprises et on eut la preuve que
son départ de Surinam n'avait en rien diminué sa sollicitude à
l'égard de la colonie. (1)
(/) Nommé Ministre des colonies le ter Août 1901, il mourut le 9 sep-
tembre 1902 profondément regretté par les habitants de Surinam. La bour-
geoisie, en reconnaissance des services rendus par ce gouverneur, lui érigea
un monument, le
29 août 1904, dans le parc situé devant l'hôtel du gou-
vernement. Ce monument consiste en un buste en

bronze reposant sur un
socle en pierre de taille.

102
XXVII. — Le Gouvernement de Mr. Warmold
Tonckens, fils de Jacob Louis
FIN DE ;LA RÉGENCE
(1896—1902)
§ 112. — Mr. Tonckens qui, par deux fois, avait assuré l'inté-
rim du gouvernement, fut, par décret royal du 20 janvier 1890,
nommé gouverneur de Surinam.

Ce choix fut en général bien accueilli dans la colonie.
Son séjour de longue durée à Surinam, qui lui avait permis
d'être entièrement au courant des situations et des personnes; les
hautes fonctions qu'il avait occupées sous des gouverneurs tels que
Smidt, Lohman et Van Asch, si différents l'un de l'autre ; la part
active qu'il avait eue dans la réalisation de beaucoup d'affaires im-
portantes, firent espérer que sous
1 administration de Mr. Tonckens
la colonie allait entrer dans une période de prospérité et de dé-
veloppement. Beaucoup virent même dans cette nomination le point
de départ d'un nouveau cycle pour Surinam.

C'est d'ailleurs, sous, bien des rapports, à un heureux moment
que le nouveau gouverneur de la colonie prit en mains les rènes
du pouvoir.
Le grand intérêt que la métropole avait témoigné à
la colo-
die durant tout le temps que le Baron Van Dedem avait été Ministre
des Colonies était resté aussi vif, après qu'à la suite de sa démis-
sion en mai 1894, il eut été remplacé par M. Bergsma et ensuite,
en juillet 1897, par Mr. Cremer.

Dans la population, régnait, en général, un bon esprit bien
différent de celui, tout d'animosité et de haine,
dont elle était
animée sous l'administration de Lohman.
Par des ordonnances répondant nettement au but envisagé,
les menaces et la destruction des récoltes existant dans les cam-
pagnes furent déclarées punissables et les attentats

furent si vite
réprimés que le danger qui, du côté des immigrants Indiens Bri-
tanniques, menaçait si grandement les planteurs et les plantations,
diminua progressivement d'une façon très sensible.

En outre, grâce à un emprunt venant grossir le fonds d immigra-
tion, la grande culture put se développer tranquillement, et.pour les
cultivateurs,— les coolies libres aussi bien que les travailleurs cré-
oles, — l'administration précédente avait laissé construire des lieux d'é-
tablissement grâce auxquels ils purent, avec plus de succès qu au; ara
vant, s'appliquer à la petite culture.

§ 113.— Du premier budget que M. Tonckens présenta, en mai
1897, à l'approbation des Etats coloniaux, ressortit nettement la di
rection dans laquelle il dési ait gouverner la colonie. Selon son opinion,
aussi longtemps que Surinam jouirait de la subvention de la Métropole,
l'économie devait être pratiquée et les trop grandes dépenses écartées.

Il n a pas hésité pourtant à introduire des dépenses nouvelles ou plus
élevées toutes les fois qu'il l'a jugé ; bsolument née ssaire. C'est ainsi
qu'il alla même à reporter au budget certains, articles déjà introduits

i
— 103 —
par son prédécesseur, niais que le Département n'avait pas jusque-là
cru devoir accepter. A ce titre, c'est à lui qu'on 'est redevable que Pa-
ramaribo eut enfin un abattoir, l'éclairage des rues, et que les commu-
nications téléphoniques furent étendues et qu'on commença à améliorer
les rues et les chemins en y facilitant 1 écoulement des eaux.
Du fait que, depuis l'administration du très distingué Gouverneur
Smidt, le chiffre des revenus est allé continuellement en augmentant, à
ce point qu'au budget de 1898 les évaluations en recettes pouvaient
être plus fortes de sept tonnes d'or que celles de ( exercice 1888, res-
sort que la colonie s'est trouvée lentement mais sûrement en état de
progrès. Ft l'on pouvait dès lors estimer selon toute vraisemblance, que
le temps n'était pas très éloigné où les revenus de la colonie couvri
raient entièrement toutes ses dépenses.
Surtout le grand essor pris alors par 1 industrie aurifère donnait
toute raison d'espérer que cette situation budgétaire ne tarderait pas à
se produire. Au dedans et au dehors de la colonie se formaient des so-
ciétés dans le but d'entreprendre sur une plus grande échelle l'exploi-
tation de plusieurs placers. A cette fin de coûteuses machines furent in-
troduites, car on ne voulait plus se 1 miter au procédé ordinaire de
1 extraction, consistant dans le simple lavage de l'or, mais extraire du
sol, à l'aide de puissantes machines, tout l'or y existant naturellement ou
à l'état de mélange, C'est ainsi qu en décembre 1896 arriva à Parama-
ribo Barr Robertson, le représentant d'un puissant syndicat financier
fondé à Londres, lequel demanda à l'administration la cession à bail
d un terrain de 170,000 hectares situé entre l'Awa et le Tapanahony.
et dut, en vertu de l'ordonnance sur les concessions aurifères, verser
immédiatement au Trésor à titre de redevance la somme de 170.000
florins.
Pourtant ce qui surtout permit d'espérer qu'une ère nouvelle et de
grand développement allait bientôt s'ouvrir pour Surinam, ce fut la
formation à La Haye, en juil et 1897. de la Société de Surinam. Le
Gouvernement accorda à cette Compagnie la concession d une ligne de
tremway (construction et exploitation) allant de Paramaribo à la région
aurifère de l'Awa.
L'administration locale et le gouvernement hollandais considéraient
la possession de ce tramway d'un si prépondérant intérêt pour le déve-
de la colonie qu ils joignaient à la concession faite à cette société les
plus grands privilèges.
Le 2 janvier 1898, arriva à Paramaribo, sous la direction de 1 in-
génieur de 1re classe Grinwis Plaat, du département des eaux et
digues, une mission de géologues et d ingénieurs à laquelle fut adjoint
l'arpenteur surinamois J. A Polak, actuellement géomètre du gouver-
nement. Cette mission se mit tout de suite au travail: des lignes furent
tracées, et on commença même sur le terrain les études d'avant-projet,
mais l'on né réussit cependant point à mettre sur pied l'entreprise pro-
jetée Nous verrons bientôt que le gouverneme t hollandais, encouragé
à cette fin par l'ancien gouverneur Van Asch van Wijck et par lex-
ministre du département des eaux et digues W. C. Lely, résolut de faire
Four la région de l'Awa, construire le chemin de fer par les soins de
Eut.
t

— 104 —
Le 31 août 1898, la Reine Wilhelmina, devenue majaure, dut
prendre elle même en mains les rênes du gouvernement.
La Reine Régente qui, durant huit ans, comme mère et comme
Régente, avait rempli sa tâche avec le plus grand dévouement et
beaucoup de tact, reçut à sa retraite du pouvoir des marques touchantes
d'estime et d affection de la part de toute la population de Surinam.
La colonie, participa également, avec un très grand enthousiasme,
aux fêtes données du 6 au I0 septembre en l'honneur de l installation
de a jeune reine, et ce fut ure preuve irréfutable de la grande
place qu'elle occupe dans le cœur de ses sujets surinamois. L'arbre de
Wilhelmina qui, en souvenir de cet heureux évènement, fut planté au
mil eu d une jolie clôture sur la Place du gouvernement, r stera comme
une attestation du nouveau lien formé en ce jour mémorable entre
la Hollande et Surinam. Toute la colonie a salué avec espoir l'avène-
ment de la noble descendante du feu roi Willem III,
< ar sous sa di-
rection sage et habile, inspirée par son amour pour ce beau pays, Su-
rinam pour/a, à juste titre, devenir ce que déjà
il aurait dû être
depuis longtemps :
« Une perle de la Couronne de Hollande».
XXVIII — Suite
du précédent (1898-1932) -
Le gouvernement de C. Lely (1902-1905) La maladie
du cacaoyer. — La culture des bananes
§155.— Peu après l entrée en fonctions de M. Tonckens, le krullo-
tenziekte (maladie du cacaoyer) menaça la culture du cacao d'une des-
truction complète. Un botaniste,
le professeur Went, envoyé par le
gouvernement pour combattre cette maladie, ne put pas en découvrir
les traees; elle continua à se répandre de plus en plus et lit mourir
les cacaoyers. La récolte du cacao tomba de 4 millions et demi de kilo-
grammes en 1896 à835.000 kilogs en 1904.) Beaucoup de cultivateurs
se trouvèrent ruinés et cédèrent Jeurs plantations à vil prix.
Cependant, afin de prévenir une débâcle, le Gouverneur Lely
avait préconisé une nouvelle culture et sollicité à cette fin l'appui
du Gouvernement ; il s'agit de la culture intensive
des bacoves
(bananes) qui fut établie en 1805. Le Gouvernement et les
plan-
teurs conclurent avec un
société américaine de fruits, The United-
Fruit
company, un arrangement pour I achat et la récolte des bananes
pendant un certain nombre d'années et à un prix déterminé par régime.
Les planteurs devaient collectivement avoir 3.000 hectares en culture,
moyennant quoi l'administration s'engageait à les aider de ses conseils
et de ses subsides. Pour le transport des fruits à New York
a société
coloniale des Indes Occidentales lit construire quatre vapeurs aménagés
spécialement à cet effet. Aussi, en très peut de temps, les champs de ba-
nanes furent-ils-plantés, les fruits, poussèrent avec vigueur et les récol-
tesfurent abondantes (elles s'élevaient déjà en 1908 à 410,000 régimes).
Malheureusement, environ un an après,> une maladie le
« Panama-
ziekto» éclatait parmi les bananes de la plantation Grosmichel. et les
plantes dépérirent Rapidement et moururent. Pour sauver cette culture,
sur les avis de la Fruit compagny on introduisit la variété dite du
Congo laquelle n était point sujette à cette maladie
Mais alors, en re-
tour,
cette , compagnie
exigea
des
conditions
plus
avanta-

— 105 —
geuses pour ses intérêts. Comme ses conditions n'eurent point l'agré-
ment du Ministre de Waal Malefijt, il déchargea en 1913 la société de
ses obligations et ne continua pas plus longtemps de soutenir les plan-
teurs. De ce fait, la culture des bananes appartient depuis lors à 1 his-
toire. Et l'on perdit ainsi plus de deux millions et demi de florins.
Afin de sortir de cette situation, les planteurs se mirent à nouveau
à la culture du café qui avait été jadis si avantageuse.
(Des 371 plantations que Surinam comptait en 1830, 160 étaient
des habitations ou propriétés caféières).
En peu de temps, des centaines d'hectares brillèrent du vert tendre
du libéria et du robusla. Et maintenant des milliers de kilogrammes
de café sont récoltés, grâce à quoi de modernes machines «à dessécher
les pulpes ont pu être installées sur plusieurs plantations. Entre-temps
â été reprise la culture du cacao, de telle sorte que le Krulloten est
pour ainsi dire passés l'éta sporadique. Egalement un essai d'hévéa fait
à Slootwijk par le gouverneur Idenburg sur les instances du Gouver-
nement
été à son tour remplacé par la culture du café.
Cependant un événement très grave se produisit snr la plantation
Marienburg quelques mois avant lu retraite du. Gouverneur Tonckens.
Le 29 juillet 1902, le directeur M. Mavor fut attaqué et tué par une
bande de coolies coupeurs de cannes, qui réclamaient un salaire plus
élevé ou une réduction des heures de travail, A la suite de ce fait, il y
tut une insurrection générale à laquelle prirent part presque
tous les
coolies de cette plantation. Le personnel de l'élablissement ainsi que le*
agents de pol ce placés à cet endroit, hués et accueillis à coup de
p:erres ou autres projectiles étaient insuffisants pour rétablir l'ordre.
Une force militaire envoyée à leur secours ne fut pas mieux accueille
et, pour vaincre l'insurrection, se vit dans 1 obligatien de faire usage de
ses armes. Il y eut environ 25 mutins de tués et un grand nombre de
blessés. Les meurtriers et leurs complices furent ensuite faits prisonniers.
§ 115. Expéditions scierdifiques — Avant 1900, la plus grande
partie de l'intérieur de Surinam était encore inconnue. La carte
du
pays montrait une grande et vaste étendue sur laquelle le
cours des rivières était indiqué à l'estime.
Cela attira
l'attention
des hommes de sciences et de la Société Royale de Géographie de
Hollande, qui voulurent savoir un peu plus de
l'intérieur de
la
colonie que n'en indiquait la carte. Pour y parvenir, le 15 août
1900, sous la direction du Dr.
H. van der
Capelle, une pre-
mière expédition partit pour le district de Nickerie afin
de
visiter le bassin du Courantyne. Ensuite, et dans le même but,
partirent sept autres expéditions. (1)
(1) L'expédition du Copenhame *' 5 août - 28 novembre 1901. Directeur
L.
A. Bakhuis.
L expédition du Saramacca " 31 octobre /902 - 27 avril 1903 ". A. I.
van Stockum.
L'expédition du Gonini " 28 juillet 1902 -8 janvier 1904 ". A. Franssen
van He iderschee.
.
-,
L'expédition du Tapanahony " ù juillet- 0 Décembre /Wb ". A. Franssen
van Hénderschee
L'expédition du Tumuc-Humac '' 3 juillet- 2.7 Décembre 1907". De Goeje
L'expédition du Surinam " 30 juin-20 Novembre 1908". J. Eilerts de Haan
L'expédition du Courantyne

19 fuin - 1910-2 août 1911", J. Ellerts de
Haan C. Kayser

— 106 —
Malgré les grandes difficultés et les oppositions rencontrées de
la part des habitants des bois, les chefs des Marrons « Oseisie »
et « Apansa, » les bassins des rivières furent l'un après l'autre,
visités, et les chaînes de montagnes ainsi que leurs sommets portés
sur la carte et pourvus d'un nom. (1)
En 1907, de Goeje pénétra jusqu'à la source de « Paloemeu, »
et, par cette voie, il entra en contact avec les Indiens « Majoli. »
Sur la Ananasberg (montagne des ananas), beaucoup de relevés
triangulaires ont été faits par Eilerts de Haan ; au Paloemeu, il
découvrit un sommet de montagne, haut de 700 mètres entière-
ment pelé, appelé le « Kasi kasima » Au cours de
la dernière
expédition, Eilerts de Haan mourut le 29 août 1910, à Steenport,
au Grand Rio, où son corps fut enterré. Un monument fut, en 1913,
élevé à sa mémoire à Paramaribo.
G. C. Kayser, qui ensuite avait pris la direction de l'expédi-
tion, découvrit la source du « Sipaliwini » ou
Roggerivier, et la
source du « Lucierivier, » qui sont tous deux des affluents du Cou-
rantyne.
Les expéditions eurent pour résultat une plus grande connais-
sance de la « faune » et de la « flore » de l'intérieur.
Elles per-
mirent également d'entrer en contact avec des tribus d'Indiens
inconnus jusque-là : les Try'os, les Oeyakoele's, les Majolie's, les Oja-
nàs et autres.
La manière de vivre de ces indiens se rapproche de celle des
Arowakkens et des Caraïbes; mais ils sont plus primitifs que ces
derniers. Ils ne connaissent que leur voisinage le plus immédiat.
C'est ainsi qu'ils n'avaient jamais entendu parler de la mer et que
c'était la première fois qu'ils se trouvaient en présence d'hommes
blancs. Dans leur numération ils n'allaient pas au delà du nombre 5.
Ainsi « une main égale 5; deux mains égalent 5 plus 5; deux mains
et un pied égalent 5 plus 5 plus 5; deux mains et deux pieds égalent
« un indien » 4x5.
S 116.- - Construction du chemin de fer . — On a vu plus haut
que la Compagnie américaine de chemin de fer ne réussit pas
dans sou entreprise, et que l'Etat, sur les instances de l'ancien
Gouverneur Van Asch Van Wijck, et de l'ex ministre du départe-
ment des eaux et digues. C. Lely, dut entrer avec elle en pour-
parler pour le rachat des droits et privilèges qui lui avaient été ac-
cordés. Cette rétrocession eut lieu pour une somme importante, et
pour que tout marchât désormais à souhait, le Gouvernement
nomma comme Gouverneur de Surinam le compétent W. C. Lely
qui, dès le mois de décembre 1902, prit possession de l'administra-
tion de la colonie.
(I) La chaîne Emma dont le plus haut point, le mont Hendrik, atteint
1080 m ; la chaîne Wilhelmina d'une hauteur de 1270m; la montagne Bakhuis;
les monts Lely ; la chaîne de Van Asch van Wtjck ; les monts Van Slockum:

la montagne Gopie. les monts Kayser et autres.
En 1903, Hen lerschee découvrit
les Timeri rotsen, "rochers Timeri"
avec des inscriptions en caractères indiens.

— 107 —
Sous la direction de l'Ingénieur des Eaux et Digues, l'êcuver
C. I. Van Reygersbe- gVersluijs, on commença, en 1903, la constr uc-
tion du tramway, et le 28 mars 1905, la ligne Paramaribo-Republick
était inaugurée solennellement et, le jour après, mise en exploita-
tion,

Plus de 1,500 travailleurs, parmi lesquels de nombreux habi-
tants de Curaçao, y trouvèrent un gagne-pain ; beaucoup, par con-
tre, atteints par la malaria, y perdirent la vie. En 1907, le 133e
kilomètre de la ligne était achevé et arrivait jusqu à Kabelstation,
et, en 1912, le chemin de fer était en pleine exploitation jusqu'à

Dam à la crique Sara (173 kilomètres.)
En 1905, eut également lieu, aux frais de l'Etat, et par l'ingé-
nieur des mines E. Middelburg (1) une exploration géologique sur
plusieurs concessions.

XXIX. — Les Gouvernements
de A. W. F. Idenburg (1905-08) et de M. D. Fock (1908-11)
§ 117—Le gouverneur Id. nburg sut vite, par ses manières préve-
nantes, gagner les cœurs. Son caractère, rigoureusement moral, qui
exerçait une grande influence sur les fonctionnaires et sur la popu-
lation, se dressait contre tout acte immoral. Suivant d'un œil attentif
tout ce qui avait trait à la santé publique, il améliora la situation hy-
giénique de la ville de Paramaribo par la création d UNE e brigade
d'agents sanitaires et par l'exercice d'un contrôle sévère sur la vente des
denrées. Par la «Loi du Dimanche», il assura à la classe ouvrière un
jour de repos par semaine. Hostile aux subventions, il conçut, la même
année, un dessein, appelé projet Idenburg, qui devait mettre un terme
aux contributions anuuelles de la métropole. D'après ce plan, le budget
de Surinam serait chaque année réduit d'une certaine somme, de telle
sorte que la colonie, au bout d un nombre d années déterminé
de-
viendrait, financièrement, indépendante de la métropole. La situation
économique défavorable
ne lui parmit pas cependant de mener ce
projet à bonne fin.
Mr Dr Fock, un érudit eu droit, suivit sur bien des points les
travaux de ses prédécesseurs. Sur le terrain hygiénique, il projeta
beaucoup d'utiles règlements. Il plaça également la vente des déniées
sous une surveillance microscopique.
Peu après son entrée en fonctions, pervintà Paramaribo, par la voie
télégraphique, la nouvelle de la naissance de la princesse Juliana.
.Aussitôt toutes les écoles donnèrent congé et toutes les cloches sonnè-
rent à toute volée pour annoncer la joyeuse nouvelle à la population.
En un clin d'oeil la ville fut en fête et le pavillon tricolore ainsi que la
bande role de la Maison d'Orange flottèrent aux fenêtres des maisons.
En 1909, la Société du gaz des Indes née landaises crés une fa-
1 En 1843, le géologue Robert Schomburgk avait déjà procédé à une,
■exploration du sol.
Quelques années après, de 1852 à 1555, le Dr Voltz entreprit dans le mi-
me oui plusieurs voyages au Boven-Surinam, au Tempatie ei au Coppename.
Des rel liions surprenantes furent à l'époque faites.par Voltz, mais, par
suite de sa m ri subite en 1855, elles tombèrent pourtant dans l'oubli. Bn sou-
senir de ce jeune géologue, on a donné le nom de
Voltzberg " montagne de
Voltz » à une montagne située au Coppename.

— 108 —
brique de gaz à Paramaribo, et depuis, la lumière au gaz remplace,
dans l'éclairage des rues et dans beaucoup de maisons, les lampes à
pétrole
Sous l'administration de ce Gouverneur, un événement très
grave fut la découverte d'une conspiration contre l'autorité du Gou-
vernement Hollandais. Un certain « Killinger, »
Autrichien de
naissance, inspecteur de police, essaya en 1010, avec quelques
mécontents, de fomenter une révolution afin, au cas de réussite,
de proclamer la Colonie en république. Mais son plan fut, par un
de ses complices, dévoilé peu avant l'exécution, à la suite de quoi
Killinger et ses satellites furent faits prisonniers," et, le 13 mars
1911, condamnés par la justice à,la peine de mort. Mais le Gouver-
neur commua l'arrêt en peine d'emprisonnement. Killinger eut à
subir six ans de cellule en Hollande et chacun de ses complices,
six ans de prison. Cet événement semble avoir produit une profon7
de impression en Hollande, car peu après une grande « Commis-
sion de prospérité » a été envoyée à Surinam pour examiner la
situation économique de la colonie.
Petite culture-Industrie-Enseiyneinent Costume
POPULATION
§118. — Dans les dix dernières années, la petite culture avait
pris un grand essor. De nombreux petits villages ou centres d'é-
tablissement s'étaient créés et même agrandis (Laarwijk, Johan et
Margaretha, Hecht et Sterk, Kronenburg, Warnicaweg Meerzorg.
S'étaient agrandis : Alkmaar, New-Amsterdam, Domburg, La Ren-
contre, Groningen, Paradijs dans le Nickerie et beaucoup dans le
Coronie.)
Pour instruire les petits cultivateurs, des professeurs d'agri-
culture furent nommés! Sur -ces petits villages, on cultiva du riz,
du maïs, des farineux et des légumes, du café, du cacao et des
noix de coco (Le Coronie à lui seul fournit environ 1 million
et
demi de cocos et, en même temps, du miel et de la cire.)
La récolte du riz s'élevait déjà à des millions de kilogs ( plus
de 7 millions de kilogs de paddi). Pour le décorticage des paddi,
on installa des moulins à décortiquer à Paramaribo et dans le Ni-
ckerie.
Entre-temps, l'industrie s'est également développée. Paramari-
bo s'est enrichi de trois fabriques d'allumettes : le Snake Fight et
le Vulcanus. Une première tannerie fondée à Paramaribo en 1900
a été suivie d'une deuxième installée dans.la ville de Niew-Nicke-
rie. De nouvelles scieries se sont fait jour. La fabrique de glace,
montée en 1890, fournit à la population un produit excellent. A
cette fabrique ont été ajoutées une fabrique de limonade et une-
chambre frigorifique pour les fruits et le bétail abattu. Cet
éta-
blissement fournit également à la population du poisson de mer
conservé à la glace. Aux frais du gouvernement, un
abattoir a
été, en 1900, construit par le Gouverneur Tonckens, en
même
temps a été nommé un vétérinaire pour l'inspection de la viande.

— 109 —
Au Kaizerestraat ( rue du Kaizer) a été installée une savonnerie
et, sur la plantation Kroonenburg, une distillerie de figues-bana-
nes. Des boulangeries à vapeur ont remplacé les vieux fours pas-
sés de mode. La ligne télégraphique installée en 1885 à été suivie
d'autres lignes, de sorte que Paramaribo possède maintenant un
réseau télégraphique qui s'étend jusqu'à Dam et embrasse la plu-
part des districts de l'intérieur. Une école professionnelle
forme
d'habiles charpentiers et ébénistes. L'école de tressage de chapeaux,
ouverte en .1910, fournit déjà de nombreuses et bonnes tresseuses.
Au point de vue minier, de nouvelles découvertes ont été
faites dans les dernières années. De grands gisements de bauxite —
minerai d'aluminium, — ont été découverts dans .les districts de
. Boven-Surinam, de Para et de Cottica. A la concession Guyana, de
nouvellés galeries de quartz ont été mises
à jour. Une société
aurifère, « la Mine d'or, » dans le Maroni, rapporte en ce moment
de 2 à 300.000 grammes d'or de lavage par an.
L'industrie du balata a, dans ces derniers temps, vu sa pro-
duction augmenter progressivement.
Par les soins du Gouvernement, l'instruction primaire a été
également plus répandue, de sorte qu en 1017, Paramaribo comp-
tait sept écoles publiques, 17 écoles privées ainsi que 5 écoles
particulières, avec un effectif total de 7,500 élèves.
Dans les dis-
tricts, il y avait 25 écoles publiques et 32 écoles privées fréquen-
tées par 3,300 élèves. Parmi ces dernières, il y a 9 écoles des
frères Moraves installées chez les nègres boschs, dont le Ganzres-
chool avec 90 élèves et une desCatholiques romains sur le Tamari s
au Cottica.
L'éducation supérieure acquise par l'enseignement a amené
un chargement dans le .costume de la basse classe du peuple. La
jupe ample et large (bigi koto) et le grand casaquin — qui avaient
remplacé le camisa et le châle, — ont été de-nouveau remplacés
parie paletot et la robe courte chez les gens de service. Egale-
ment, le mouchoir de tète a fait de plus en plus place au couvre-
chef ordinaire: le chapeau i. Presque tous les hommes sont habillés
en pantalon, chemise et redingote. La plupart sont
chaussés.
Entre temps, par l'introduction de coolies des Indes anglaises
et de Javanais, et par l'arrivée de Barbadiens et de Démérariens '
le chiffre de la population s'est élevé de 80 à plus de 100.000 Aines.
Paramaribo a" eu, de ce fait, un
grand développement. Des rues
nouvelles ont été créees : Célina et Anniestraat (rues de Céline et
d'Annette), Gonggrijpstraat. Jessurunstraat, Princessestraat. De son
coté, M. « H. Fernandes, » propriétaire de Kwatta, a prolongé
de 2 kilomètres plus au Nord Le chemin long de 6 kilomètres
qui
déjà allait de la maison d'habitation de la plantation au district de
Saramacca. Tout au long de ce chemin, on trouve de nombreux,
établissements de petits cultivateurs.

— 110
Les Gouvernements de H. D. H. Baron Van
Asbeck
(1911-1916)
de G. J. Staal (1916-1920.)
et du Baron van Heemstra (de 1921 jusqu'à nos jours)
119. Le baron van Asbeck et son épouse sont notés comme-
ayant été très bienveillants et très généreux pour le peuple. Afin
de venir en aide aux malheureux, madame le baronne van As-
beck fonda l'association c La croix verte. »
En raison des circonstances fâcheuses dans lesquelles, par sui-
te de la guerre mondiale de 1914-1919, s'est trouvée la colonie, Van
Asbeck a été arrêté dans beaucoup de ses bonnes intentions. Sous
son administration, la ville de Paramaribo a été dotée de bonnes et
solides rues avoc trottoirs ; et, dans les districts, on a fait des
routes carrossables. Un bac entre Léonsberg et Voorburg a servi
à relier la ville avec les districts de Beneden-Surinam et Beneden-
Commewijne. Des autos ont remplacé les voitures de place. A la
suite du grand incendie d'octobre 1915 dans le Wagenwegstraat,
qui a causé plus de 50.000 florins de dommages, il a réorganisé
le corps des sapeurs-pompiers et doté le matériel de deux pom-
pes à incendie à moteur. L'abolition du coup de canon du soir,
qui avait donné lieu à un grand mécontentement, était encore re-
gretté par beaucoup de gens. L'heure de midi est maintenant an-
noncée par un sifflet d'alarme à vapeur : « la Sirène ».
En raison de sa mésintelligence avec le Ministre des Colonies,
c M. T. H. B. Pleyte, » le Gouverneur demanda son rappel. Il a été
remplacé le 25 novembre 1916, par t M. J. H. Staal », Secrétaire
général du département des Colonies. Le Gouverneur Staal n'était
pas un imcriu dans la colonie. Comme secrétaire général du Gou-
vernement sous Idenburg, il jouissait déjà pour son impartialité de
l'estime générale. Bien qu'il eût pris les rènes de l'administration
daes une période très embarrassée, cependant le plus grand es-
poir a été fondé, pour le relèvement de la Colonie, de l'arrivée au
pouvoir de ce Gouverneur. La guerre mondiale avait arrêté et res-
treint le commerce et la navigation avec la métropole et les autres
pays. Les marchandises provenant de l'importation subissaient une
hausse allant jusqu'à 300 0\\0. L'introduction des denrées alimentai-
res était très faible, en raison de l'impossibilité pour le peuple d'en
supporter les charges. Redoutant la famine, le Gouverneur a été
amené à faire plusieurs voyages dans les districts afin de stimuler
les cultivateurs à augmenter la production des plantes et racines
alimentaires. Du « Syndicat d'Etude » fondé en Hollande sur son
initiative afin d'étudier l'agriculture et de mettre les plantations en
valeur, on attendait beaucoup de bien, et sa désignation comme
Gouverneur permit d'espérer que, sous son administration, Suri-
nam parviendrait à nouveau à la prospérité et au bien-être.
M. G. J. Staal est resté à la tête du gouvernement jusqu'en 1920,
et son successeur, le « Baron van Heemstra, » préside actuellement
aux destinées de la colonie. Ancien bourgmestre de la ville d'Ar-

— 111 —
nhem où il jouissait d'une popularité très grande et justement acqui-
se, le nouveau Gouverneur s'est, depuis son arrivée à-Surinam,-en
mai 1921, intéressé d'une façon toute spéciale â l'agriculture en
venant en aide, par des avances de fonds, aux propriétaires des
plantations de cacao et de café.
Il est d'une activité sans égale, et le voyage qu'entouré de tous
ses chefs d'administration et de service, il a effectué à la Guyane
française au mois de décembre dernier, témoigne éloquemment de
son vif désir de travailler à l'amélioration de la situation économique
du pays.


Banque de la Guyane
Instituée par la Loi du 11 Juillet 1851 soumise sous le contrôle
exclusif de l'Etat et dont le privilège m
été renouvelé par la Loi du
Si Mars 1949,
Les opérations de la Banque consistent :
1. — A escompter les billets à ordre ou effets de place à deux ou
plusieurs signatures ;
2. — A négocier, escompter ou acheter des traites ou des mandats
directs ou à ordre sur la Métropole ou sur l'étranger ;
3. — A escompter des obligations négociables, ou non négociables
garanties :
Par des warrants ou des récépissés de marchandises déposées,
soit dans des magasins publics, soit dans des magasins particuliers,
dont les clefs ont été régulièrement remises à la Banque ;
Par des cessions de récoltes pendantes ;
Par des connaissements à ordre ou régulièrement endossés ;
Par des transferts de rentes ou d'actions de la Banque de la
colonie ;
Par des dépôts de lingots, de monnaies ou de matières d'or et
d'argent ;
4. — A se charger, pour le compte des particuliers ou pour celui
des Etablissements publics, de l'encaissement et du recouvrement
des effets qui lui sont remis, et à payer tous mandats et assignations;
5. — A recevoir, moyennant un droit de garde, le dépôt volontaire
de tous les titres, lingots, monnaies et matières d'or et d'argent ;
6. — A souscrire à tous emprunts ouverts par l'Etat, par la Colo-
nie ou par les Municipalités de la colonie, jusqu'à concurrence des
fpnds versés à la réserve ;
7. — A recevoir, avec l'autorisation du Ministre des colonies, les
produits des souscriptions publiques ouvertes, soit dans la colonie,
soit dans la Métropole ;
8— A émettre des billets payables à vue au porteur, des billets
à ordre et des traites ou mandats ;
9. — A faire commerce des métaux précieux monnayés ou non
monnayés.
10. — A consentir des avances en compte courant.
DIRECTION
H. Poulet, Directeur
ADMINISTRATEURS
A. Darredeau, négociant-Conseiller privé.
A. Fanier. Représentant de commerce.
N. Administrateur.
N. Administrateur.

R. Théolade Fils, Administrateur- suppléant.
C. Lhuerre, Administrateur suppléant,
CENSEURS
Le Secrétaire Général du Gouvernement, Censeur légal
M. Marchand, Censeur élu
M. Gougis, Censeur élu suppléant
SECRETAIRE GENERAL
H. Floride, Secrétaire Général de la Banque

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La Conscience
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TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Pages
I. Surinam et sa population
1
Première Période
De la découverte de L'Amèrique à la paix de Bréda (1492-1667)
II. Les plus anciens habitants et les premiers colons
5
III. L'arrivée des Zélandais sous Abraham Crynssen
9
Deuxième Période
De la paix de Bréda à la paix d'Amiens (1667-1802)
IV. Surinam, propriété de la Cie des Indes occidentales
11
V. Le gouvernement de C. A. Y. Sommelsdijck
13
VI. Situation de la colonie après 1 invasion de Cassard
20
VII. Le gouvernement de Mauricius
22
VIII. L'administration du Gouverneur général W. Crommelin
27
IX. Expédition contre les nègres marrons
29
X. Situation financière de la colonie au 18e siècle
.12
XI. Constitution. Manières de vivre. Culte. Enseignement au
18e siècle
33
XII. Le gouvernement de J. F. Frédérici
37
Troisième Période
De la paix d'Amiens à l'Emancipation des esclaves (1802-1863)
XIII. Surinam à nouveau colonie néerlandaise
42
XIV. Surinam, pays de conquête de l'Angleterre .
42
XV. Surinam, encore une fois colonie néerlandaise
46
XVI. Le gouvernement de J. B. Elias
56
XVII. Colonisation
57
XVIII. Le gouvernement de R. F. baron van Raders
58
XIX. Du départ de van Raders à l'Emancipation
01
Quatrième Période
De l'affranchissement des esclaves à l'année 1922 (1663-1922)
XX. De l'émancipation des esclaves et de ses conséquences pour
la colonie
65
XXI. Le gouvernement de W. II. J. Idsinga
69
XXII. Le gouvernement de C. A. van Sypesteyn
71
XXIII. L'administration du Gouverneur H. A. W. baron van
Heerdt tot Evesberg
78
XXIV Le gouvernement de H. J Smidt
80
XXV, Le gouvernement de M. A. de Savornin Lohman
84
XXVI. Surinam à l'époque de la Régerce. Le gouvernement de
T. A. J. van Asch van Wijck
92
XXVII. Le gouvernement de W. Tonckens J. L.Z. Fin de la Régence
102
XXVIII: Suite du précédent. Le gouvernement de C. Lely. La ma-
ladie du cacaoyer. La culture des bananes. Expéditions
scientifiques. Construction du chemin de fer
loi
XXIX. Les gouvernements de A. W. F. Idenburg et de D. Fock.
Petite culture. Industrie. Enseignement. Costume.
Population
l07
XXX. Les gouvernements de W. D. II. baton van Asbeek, de
G. J. Staal et du baron van Heemstra
110

ANNONCES
Banque de la Guyane.
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Etablissements L. Castex.
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Comptoirs liesse et Cie.
C. I. P. 0.— Compagnie d'Importation de Produits d'Origine.
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Sen-Wo-Lee
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Agricoles et Commerciales. — Etablissements métallurgiques
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F. Tanon et Cie
R. Théolade fils
« La Conscience » gérée par M. Bruère-Dawson.— R. Bernardin.
Ho-Kong-Fou.— Veuve Julia Gomès.
E. Jorset — F. Nollier.
H. Roumi.— Emilio Gratien et Cie.— Compagnie des Mines d-Or de
la Guyane Hollandaise.
IL Chouanard. A. Chebance. — d'Espaux — Vve A.
Harmois.
Mme G. Millienne.— C. Lafontaine.- - Rambaud.— Georges Richard
A. Caveland.— J. Mendès d'Abreu.— Georges Doumit.



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