TROIS SIÈCLES
D'HISTOIRE ANTILLAISE
M A R T I N I Q U E
ET G U A D E L O U P E
DE 1635 A N O S J O U R S
PAR
ALFRED M A R T I N E A U et L . - P H . M A Y
Professeur Archiviste paléographe
au Collège de France Docteur en droit
Orné de dix illustrations hors-texte
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES
ET
LIBRAIRIE LEROUX
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN
1935
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GRAVURE EN FRONTISPICE
DE L'OUVRAGE DU PÈRE DU TERTRE
» HISTOIRE GÉNÉRALE DES ISLES SAINT-CHRISTOPHE,
DE LA GUADELOUPE, DE LA MARTINIQUE ET AUTRES
ISLES DE L'AMÉRIQUE » PARU A PARIS EN 1654.
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TROIS SIÈCLES
D'HISTOIRE ANTILLAISE
MARTINIQUE
ET GUADELOUPE
DE 1635 A NOS JOURS
PAR
ALFRED MARTINEAU
et
L.-PH. MAY
Professeur
Archiviste paléographe
au Collège de France
Docteur en droit
PARIS
SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DES COLONIES FRANÇAISES
ET
LIBRAIRIE LEROUX
108, BOULEVARD SAINT-GERMAIN
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Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation
réservés pour tous pays, y compris la Russie.
Copyright by Société de l'Histoire des Colonies Françaises, 1935,

I N T R O D U C T I O N
Les gains réalisés au x v i siècle par les Espagnols
e
grâce à leurs colonies de l'Amérique, dont ils possédaient
avec les Portugais la partie continentale ou de terre
ferme, déterminèrent assez tard nombre d'aventuriers
des autres nations à courir dans les petites Antilles
restées inoccupées et dans les mers les environnant

les chances d'opérations d'un caractère particulier
confinant à la piraterie. On arrêtait les navires espa-
gnols et on se partageait le butin. Ces opérations
étaient en général lucratives. O n acquit ainsi avec le
temps une connaissance exacte de toutes ces îles et l'on
se rendit compte que si elles s'abritaient derrière un
rideau de verdure prometteur de richesses, ces richesses

n'étaient gardées que par une population clairsemée
et d'apparence inoffensive. Pourquoi ne pas s'établir
dans le pays puisque les Espagnols avaient négligé

d'en prendre possession ? L'idée en vint simultanément
aux Français et aux Anglais au début du XVII siècle

e
et, sans formuler encore un programme de colonisation
auquel personne ne songeait, Richelieu, grand maître


8
I N T R O D U C T I O N
de la navigation en France, donna, en 1635, licence
à deux petits seigneurs normands, d'Esnambuc et

Roissey, de tenter la fortune pour leur compte, sauf à
leur accorder ensuite un appui plus efficace, si les cir-
constances l'exigeaient. Nulle idée humanitaire ou
religieuse ; ce sont là formules imaginées après coup
pour persuader aux peuples que leurs dirigeants
n'obéissent jamais qu'aux inspirations les plus nobles

et les plus désintéressées. Lisons plutôt ce qu'écrivait le
P . Dutertre, le grand historien des Antilles, trente ans
après l'occupation de la Martinique et de la Guade-

loupe :
« Ce n'est pas d'aujourd'hui que l'or et l'argent ont
fait de fortes impressions sur l'esprit des hommes et
que le désir de posséder des richesses leur a fait mépriser

les plus grands dangers et entreprendre les choses les
plus difficiles. Quelque violente pourtant qu'ait été
cette passion, il faut avouer qu'elle n'a jamais agi si
puissamment sur le cœur des habitants de l'Europe
que depuis 1493, auquel Christophe Colomb ayant

découvert l'Amérique, les richesses immenses de ce
nouveau monde animèrent toutes les nations à leur
conquête et il n'y en eut pas une qui ne voulut parta-
ger avec les Espagnols un butin si riche et si précieux ».

Ce sont les premières lignes de son ouvrage, les seules,
il est vrai, qui contiennent une morale ou, si l'on pré-
fère, une explication raisonnée de la colonisation et
il n'est nullement indifférent que ces lignes aient été

écrites en 1667 plutôt qu'en 1935 et qu'elles aient été
écrites par un missionnaire. En leur brutale loyauté,
elles fixent les bases réelles de la colonisation : la
colonisation est d'abord affaire de commerce.


I N T R O D U C T I O N
9
Les conditions d'établissement ont varié dans la
suite et elles ont varié tout à la fois suivant les climats
et suivant le caractère, le nombre et la force des popu-
lations avec lesquelles les Européens se sont trouvé en
contact. A u x Antilles, où la température est rarement
excessive, ot où le sol est fertile et riche, les Européens

ont pu assez aisément s'établir et y prospérer, et ils
auraient pu y développer leur race à peu près dans
les mêmes conditions que dans la mère-patrie, si le

travail, sous un climat quand même un peu chaud,
humide et amollissant, n'avait dû, pour être productif,
être exécuté par des hommes plus habitués à peiner et
à vivre sous un ciel aussi ardent. La race du pays, les
Caraïbes, se refusant à tout effort, on fit venir d'Afrique
des esclaves qui, en très peu de temps, donnèrent aux
îles assez de bras pour leur procurer une très grande
prospérité. Mais alors un nouveau problème se posa.

L'instinct de la Nature, l'éternelle Venus Genitrix des
temps anciens et modernes, fit naître une race nouvelle,
celle des sang-mêlés ou mulâtres, qui, bénéficiant en

général de l'affranchissement, commença à créer des
intérêts nouveaux et ceux-ci devinrent bientôt assez

forts pour que, par nécessité autant que par justice,
on dut composer avec eux. Cependant la situation des
sang-mêlés resta longtemps délicate et pénible, entre
deux races différentes, la noire et la blanche, car ils
demandaient l'égalité avec l'une et la repoussaient
avec l'autre.

Cet antagonisme dura plus de cent cinquante ans,
créant chaque jour entre les divers occupants de l'île
un fossé de plus en plus profond. Toutefois le nombre
des noirs était devenu si considérable que ni blancs ni


1 0
I N T R O D U C T I O N
mulâtres ne pouvaient leur opposer pour toujours une
résistance insurmontable. Dès l'année 1763, après la

violente secousse des guerres entre la France et l'Angle-
terre, qui nous avaient fait perdre le Canada et avaient
mis nos autres colonies d'Amérique en danger, le gou-
vernement royal de France comprit la nécessité d'adap-
ter les conditions des divers occupants de notre sol
antillais aux nécessités nouvelles d'une époque où il

y avait autant de justice que d'utopie. L'étude des
moyens était préparée en dehors de toute publicité
sentimentale lorsqu'éclata la Révolution qui, voulant
tout réformer, brouilla en fait toutes les réformes et les
ajourna. L'abolition de l'esclavage, trop brusquement

décrétée, nous fit perdre Saint-Domingue et nous eut
fait perdre aussi la Martinique et la Guadeloupe, si
ces îles avaient été plus étendues et plus peuplées. A v a n t
d'engager davantage l'avenir, il parut plus sage d'at-
tendre qu'un état de choses normal fut rétabli en

France.
Ce fut alors la continuation du passé, c'est-à-dire la
reprise de l'évolution régulière des différentes races de
no6 colonies. Il fallut pourtant encore trente années
pour que cette évolution s'accomplît. Elle fut, comme
on le sait, activée par la déclaration de l'abolition de

l'esclavage en pays anglais, en 1833 ; mais depuis dix
ans déjà, elle était préparée en France par diverses

manifestations parlementaires et par quelques écrits
qui avaient eu un certain retentissement. Enfin vint
l'acte libérateur de 1848, qui est moins encore la fin
d'un système économique basé sur de6 traditions sécu-
laires que l'origine d'une autre civilisation et peut-être
la création d'un peuple entièrement nouveau.


I N T R O D U C T I O N
11
Placés désormais sur un pied d'égalité politique et
sociale absolue, trop peu nombreux pour former une
nation indépendante, trop avisés pour se perdre en

des querelles locales qui affaibliraient leur autorité
vis-à-vis de la Métropole, les Antillais sont appelés
de plus en plus à fusionner leur sang, leurs intérêts et
leurs aspirations, et, le temps et le soleil aidant, à for-
mer peu à peu une race unique de demi-teinte, où le
blanc et le noir seront harmonieusement confondus : il
sortira de cette union un type nouveau, déjà très sen-
sible, où tous les atavismes anciens de l'Europe et de
l'Afrique se trouveront réconciliés.



LES ORIGINES
ET
SAINT-CHRISTOPHE


S A I N T - C H R I S T O P H E
A y a n t obtenu congé du roi pour chasser les pirates
qui empêchaient les marins français de naviguer au delà
du tropique du Cancer et du premier méridien des
Açores, Esnambuc et Roissey, gentilshommes nor-
mands, arrivent à Saint-Christophe en 1625, y trouvent
des Anglais déjà installés et s'entendent avec eux pour
le partage de l'île : les Anglais gardant le centre et les
Français occupant les deux extrémités, à l'est et à
l'ouest. Esnambuc revient en France dès l'année
suivante pour chercher des capitaux et fonde pour une
durée de trois ans une compagnie qui reçut le nom de
Saint-Christophe, avec obligation de transporter chaque
année dans cette île un certain nombre d'engagés. Cette
compagnie, dont la durée fut prorogée, subsista avec
des fortunes diverses jusqu'à l'année 1635 ; elle se
transforma alors en une société à but plus étendu, qui

s'engagea à faire passer en vingt ans 4.000 colons aux
îles d'Amérique (12 février) ; d'où le nom nouveau
donné à la Compagnie.

U n de ses premiers soins fut d'occuper la Martinique
et la Guadeloupe, qui devinrent la même année colonies
françaises, et furent rattachées au gouvernement géné-


16
S A I N T - C H R I S T O P H E
tal de Saint-Christophe. Mais elles jouirent en fait dès
leur origine d'une très large autonomie et prirent tout
de suite un grand développement, pendant que Saint-
Christophe d'une étendue plus restreinte et resserrée
encore par le voisinage des Anglais, voyait son activité
propre assez limitée. Esnambuc mourut cette même
année, laissant parmi la population européenne et

caraïbe de très vifs regrets.
Le roi lui donna comme successeur Philippe de Long-
villiers de Poincy, chevalier de Malte, alors âgé de
54 ans. Poincy fut un gouverneur entreprenant, mais
absolu, très personnel et qui eut maille à partir avec
le gouverneur de la Guadeloupe et même avec ses propres

administrés. Aussi la durée de ses pouvoirs étant expi-
rée, la Compagnie et le roi songèrent-ils à le remplacer.
On lui désigna comme successeur le marquis de Thoisy,
mais Poincy refusa de le laisser débarquer dans
l'île et garda l'autorité. Devant ce refus d'obéissance,

la Compagnie, soucieuse de ne pas pousser les choses
à l'extrême, envisagea la cession des îles à leurs gou-
verneurs respectifs et, en 1651, elle vendit Saint-Chris-
tophe à l'Ordre de Malte.

L'Ordre l'exploita pendant treize ans sous l'autorité
royale, plus nominale qu'effective, et conserva Poincy
comme gouverneur. Celui-ci mourut en 1660, et fut
remplacé par le commandeur de Sales, de la famille

de Saint François de Sales. La colonie comptait alors
de 7 à 8.000 colons européens.

L'Ordre de Malte, comme les gouverneurs de la Mar-
tinique et de la Guadeloupe, était en réalité le véri-
table propriétaire de l'île sans garantie suffisante
pour les colons qu'il pouvait impunément exploiter ;

C A R T E G É N É R A L E DES A N T I L L E S
dressée a u x e n v i r o n s d e 1650
(Cabinet des Estampes, Collection Lallemant de Betz,
Recueil Vx 8, p. 149).


1493-1625
1 7
le roi prit le parti de racheter a u x uns et aux autres
leurs droits à la possession du sol et à l'administration

du pays et, en 1664, il constitua la Compagnie des
Indes occidentales, plus étroitement rattachée à l'Etat.
Les guerres qui commencèrent peu de temps après
entre la France et l'Angleterre eurent leur répercussion
aux Antilles et notamment à Saint-Christophe qui
tomba deux fois au pouvoir des Anglais mais nous
fut restituée à la paix. E n l'une de ces expéditions, celle

de 1 6 9 0 , toute la population française fut déportée,
de telle sorte que l'île était pour ainsi dire sans valeur
pour nous au moment de sa restitution en 1697. Dépour-

vue de tout moyen de défense, la colonie était une proie
facile pour une nouvelle attaque et celle-ci se produisit
le 16 juillet 1 7 0 2 . Le traité d'Utrecht consacra la perte
définitive de cette première de nos possessions antil-

laises, dont la très faible étendue (la superficie totale de
l'île est de 6 8 milles carrés ou 1 7 6 kilomètres carrés)
limita dès le premier jour nos moyens d'action. Les

Anglais, qui depuis ce temps n'ont cessé de la posséder,
la nomment Saint-Kitt's.
L E S O R I G I N E S .
1493, 3-4 novembre. — Christophe Colomb , au cours de son
second v o y a g e , découvre Marie-Galante et la Guadeloupe,
n o m m é e alors Karukéra.
1502, 15 juin. — Descente de Christophe Colomb à la
Martinique.
XVI siècle. — Pendant ce siècle, les Espagnols n'attachant
e
d'importance qu'aux pays de terre ferme de l ' A m é -
ANTILLES 2

18
S A I N T - C H R I S T O P H E
rique négligent les petites Antilles, où ils abandonnent
parfois des matelots indisciplinés qui ne laissent après
eux aucune trace. Ces îles sont alors entièrement peuplées
de Caraïbes, apparentés à des peuples similaires habitant
le continent entre l'Orénoque et l'Amazone.
1522. — Juan Ponce de Léon, gouverneur espagnol d e
Porto R i c o , tente de coloniser la Guadeloupe, afin de
détruire le nid de pillards constitué par les Caraïbes qui
y étaient retranchés. Il échoue.
1570. — Le Gouverneur de Haïti, l'amiral Diego Colomb,
fils de Christophe, autorise Antonio Serrano à peupler
Karukéra et ses dépendances, savoir la Martinique, la
Dominique, la Désirade, Antigoa, Montserrat et la Barbade.
Cinq ans plus tard Serrano tente d'exécuter son projet ;
il échoue également.
1595, 18 octobre. — Drake atterrit, au cours de son second
voyage autour du m o n d e , sur une plage de la Guadeloupe,
qui sera plus tard Basse Terre.
1603-1604. — Le gouvernement espagnol envoie en 4603
à la Guadeloupe six dominicains en v u e de convertir
les indigènes ; ils sont massacrés. L'année suivante, des
missionnaires qui se rendaient en Chine débarquent et
tombent à leur tour victimes des indigènes.
Fin du XVI siècle et débuts du XVII siècle. — Les corsaires
e
e
d'Europe commencent à inquiéter les navires espagnols
naviguant dans les mers des Antilles, et se saisissent par-
fois de leurs équipages avec des nègres amenés d'Afrique,
qui formeront le premier peuplement noir de cet archipel.
Le succès de ces entreprises, d o n t il est impossible de
déterminer l'importance, décide quelques Français à tenter
un établissement durable en ces îles, ne résident encore
que de très rares Européens.

1625-1713
19
1612, 8 octobre. — Le roi crée la fonction purement h o n o -
rifique de vice-roi de l'Amérique. Cette fonction qui
dura jusqu'au 27 septembre 1737, f u t successivement
tenue par le comte de Soissons, (1612), le prince de Condé
(1612-1620), le maréchal d u c d e Montmorency (1620-1625),
le d u c de Ventadour (1625-1644), le d u c d'Anville (1644-
1660), le marquis de Feuquières (1660-1663), le comte
d'Estrades (1663-1687), le vice-amiral d'Estrées (1687-
1707), le d u c d'Estrées (1707-1737). La charge fut alors
supprimée.
1625. Création de la Compagnie du Morbihan, au capital
de 1.600.000 livres. Elle est pourvue d u monopole d u
commerce avec la Nouvelle-France, les Iles d'Amérique,
la Moscovie, la Norvège, la Suède, et Hambourg. Elle
échoue dès le début.
L A COMPAGNIE D E SAINT-CHRISTOPHE
1625-1635
1625-1626. Pierre Belain d ' E s n a m b u c , né à Allouville (Seine-
Inférieure), le 9 mars 1585, part de Dieppe en décembre
1625 avec Urbain d u Roissey, seigneur de Chardonville
et 35 à 40 hommes et arrive à Saint-Christophe, à la suite
d'un c o m b a t avec un galion espagnol. Il y trouve déjà
installés quelques Français et un certain nombre d ' A n -
glais, sous les ordres d'un n o m m é Warner. Unissant leurs
efforts, ils déjouent une conspiration ourdie par les
indigènes et en tuent une centaine. Ils repoussent égale-
ment avec succès une attaque de 3 à 4.000 indigènes
venant des îles voisines et, victorieux, ils envisagent le
partage de l'île.
1626, octobre. — Lettres patentes donnant à Richelieu
le titre de « grand-maître, chef et surintendant général
de la navigation et du commerce en France ».

2 0
S A I N T - C H R I S T O P H E
1626, septembre-octobre. — Retour d ' E s n a m b u c en France
(septembre). Soutenu par Richelieu, il fonde avec 12 autres
associés une société au capital de 45.000 livres ; Richelieu
s'inscrit pour 10.000 livres (31 octobre). Cette compagnie,
qui a reçu le n o m de Compagnie de Saint-Christophe,
devait en principe avoir une durée de 3 ans et « laisser
aux îles de Saint-Christophe, la Barbade et autres situées
à l'entrée du Pérou, le nombre et la quantité de ceux que
bon leur semblera pour y travailler et négocier des den-
rées qu'ils porteront aux habitants des dites îles, faire
instruire sur la religion catholique, cultiver et améliorer
la terre pour faire du petun (tabac) et toutes autres
sortes de marchandises, continuer et mettre en perfection
les habitations commencées ».
1627. Quatre vaisseaux portant 532 hommes partent d u
Hâvre pour Saint-Christophe avec d ' E s n a m b u c et Roissey
(24 février 1627). — Ils arrivent le 8 mai à la Pointe de
Sable, après avoir perdu la majeure partie de leur m o n d e .
Le capitaine Warner ayant obtenu de son gouvernement
une concession analogue, s'était déjà installé à la Grande
Rade avec 400 hommes. Le partage de l'île se fait entre
les trois capitaines le 13 mai. — Les maladies déciment
les colons dont la situation devient bientôt critique.
1627-1628. D u Roissey v a chercher du secours en France.
Ce renfort, qui fut de 150 hommes, partit en février 1628
et arriva à Saint-Christophe à la Pentecôte dans le plus
lamentable état.
De 500 hommes qu'elle aurait dû avoir, la colonie fut
réduite à 200. Profitant de notre petit n o m b r e , les Anglais
débordent insensiblement sur notre frontière. Esnambuc
prend le parti d'aller lui-même en France exposer la
situation. En son absence un navire hollandais ravitaille
opportunément notre colonie. Le convoi d'un autre
navire, français celui-là, exténué par les privations,

1625-1713
21
périt au bord de la mer, dévoré presque vivant par les
crabes, q u ' o n n'avait plus la force d'écarter.
1628. L'administration des Colonies est rattachée au dépar-
tement des Affaires Etrangères, d o n t le chef est Bouthilier.
1629, janvier. — Ordonnance, connue sous le n o m de Code
Michaut, rendue sur les plaintes des Etats assemblés à
Paris en 1614 et des Notables assemblés à Rouen en 1617
et à Paris en 1626. Les articles 430 et suivants c o n -
cernent la marine et constituent à partir de l'article 442
un véritable Acte de Navigation en faveur des nouvelles
Compagnies de commerce d o n t Richelieu exhorte les
Français à multiplier le nombre. Les gentilshommes ne
dérogeront pas en s'employant au commerce de mer.
1629. Richelieu envoie 10 navires commandés par M. de
Cahuzac (ou Cusac) pour secourir Saint-Christophe et
ramener les Anglais dans leurs limites. Partie de France
le 5 juin 1629, l'escadre, ramenant d'Esnambuc, arrive
à Saint-Christophe le 27 juillet ; elle défait en rade, en
un c o m b a t qui dura 3 heures, une escadre anglaise, et
Cahuzac impose aux Anglais l'obligation de rentrer dans
leurs limites (5 août). Ce résultat atteint, il met à la
voile pour Saint-Eustache, qui n'est qu'à trois lieues de là
(11 septembre) et va ensuite chercher fortune dans le
golfe du Mexique.
Le 17 septembre, une flotte espagnole composée de
35 gros galions et de 14 navires marchands armés en
guerre, et commandée par d o m Federico de Tolède paraît
devant Saint-Christophe. Les Français et les Anglais
s'unissent pour la résistance, mais celle-ci est mal orga-
nisée et tandis que les Anglais s'entendent avec les Espa-
gnols pour les rapatrier en Angleterre, les 400 Français
de l'île s'embarquent sur les deux navires qui leur restent
et s'éparpillent à Saint-Martin, Antigoa, Saint-Barthé-

2 2
S A I N T - C H R I S T O P H E
lemy et Montserrat. D u Roissey, d o n t la négligence avait
provoqué notre perte, s'embarque sur l'un de ces navires
et rentre en France, où il est mis à la Bastille.
Mal accueillis à Montserrat par les indigènes, les Fran-
çais sont ramenés moins de trois mois après à Saint-
Christophe par le capitaine Giron et, malgré la résistance
des Anglais, qui n'avaient pas quitté l'île, ils parviennent
à s'y réinstaller, au nombre de 350.
1629, 17 novembre. — Déclaration portant qu'il sera payé
un droit de 30 s. sur chaque livre d e tabac apporté des
pays étrangers, excepté pour celui venant des îles Saint-
Christophe, la Barbade et autres qui appartiennent à
la Compagnie de Saint-Christophe.
1630 (vers). Les colons ayant renoncé à toute culture pour
faire uniquement du tabac, sont menacés de famine.
L'île est secourue par un navire de Zélande qui l'approvi-
sionne des choses les plus nécessaires. Le commerce
hollandais se consolide au détriment de celui de la France,
qui est réduit pour ainsi dire à néant.
1632. D'Esnambuc règle les rapports des maîtres et de leurs
engagés européens : la durée des engagements est fixée
à trois ans. Le nombre des Français est alors de 360
contre 6.000 dans la partie anglaise, où la durée des
engagements était de 6 à 7 ans.
1634, 25 novembre. — Le roi défend aux colons de faire le
moindre commerce avec les étrangers. Les colons répondent
par la décision de ne plus rien envoyer en France et de
vendre tous leurs produits à la Hollande. C o m m e riposte,
on envisage en France la transformation de la Société.
1635. Les Anglais continuant à empiéter sur le territoire
français, d'Esnambuc règle définitivement la question de
frontière par un arrangement avec le gouverneur anglais,
communément appelé le règlement du figuier.

1625-1713
23
— Ordonnance — inobservée — imposant aux colons
l'alternative entre la culture d u tabac et celle d u c o t o n ,
et limitant à 7 ou 800 livres pesant la production d e chaque
habitant.
— Une dizaine d'associés, d o n t plusieurs appartenant
à la Compagnie de Saint-Christophe, obtiennent du roi
une réforme de cette Compagnie, qui devient la Compagnie
des Iles de l'Amérique,
avec pouvoir d'étendre ses opéra-
tions entre le 10° et le 30° de latitude nord, et obligation
de faire passer aux Iles 4.000 personnes en 20 ans. Réunis
une première fois le 31 janvier 1635, ces associés rédigent
le 12 février les conditions de leur association, qui c o m -
prend 16 articles. Ils n o m m e n t quatre directeurs. A la
suite de cet acte, un grand nombre de colons et trois
pères capucins passent à Saint-Christophe. — Des nègres
pris sur les Espagnols sont vendus pour la première fois
dans cette île.
L A COMPAGNIE D E S I L E S D ' A M É R I Q U E
1635-1651
1635, 14 février. — U n lieutenant de Belain d ' E s n a m b u c ,
Liénart de l'Olive, et un gentilhomme normand, Duplessis,
signent avec la Compagnie un contrat par lequel celle-ci
leur donne pour dix ans le c o m m a n d e m e n t des îles qu'ils
coloniseront. (Voir Guadeloupe et Martinique).
— 17 novembre. — Esnambuc prend possession de la
D o m i n i q u e , et en donne le c o m m a n d e m e n t au sieur d e
la Vallée. L'occupation de l'île est presque aussitôt
abandonnée.
Fin 1636. Mort de d ' E s n a m b u c . Il sera remplacé par Poincy.
1638, 13 septembre. — Poincy, encore en France, y forme une
association pour le commerce des Iles d'Amérique a v e c

24
S A I N T - C H R I S T O P H E
un sieur Rigault, armateur, et un n o m m é Desmartins,
banquier à Paris. — Cette association donnera lieu en 1646
à un procès qui n'était pas encore terminé en 1676.
1639. Poincy part de France le 12 janvier, arrive le 11 février
à la Martinique, le 17 à la Guadeloupe, et regagne presque
aussitôt Saint-Christophe.
— 26 mai. — L a culture d u tabac s'étant développée
outre mesure et les prix de vente n'étant plus rémunéra-
teurs, les gouverneurs anglais et français s'entendent pour
suspendre les cultures de cette plante pendant 18 mois.
— L'Olive, gouverneur de la Guadeloupe, refuse de se
prêter à cet a c c o m m o d e m e n t et vient à Saint-Christophe,
pour obtenir que l'interdiction ne s'applique pas à la
Guadeloupe ; il n ' y réussit pas.
— 11 août. — De graves contestations surgissent entre
les Français et les Anglais à propos des salines et des
mines du pays (avril ou mai). D'un c o m m u n accord, les
deux gouverneurs décident de soumettre le litige à leurs
Cours respectives.
1640. Poincy assure le ravitaillement de Saint-Christophe
par des accords passés avec des marchands de Flessingue.
— mars. — Poincy intervient dans les affaires de la
Guadeloupe. (Voir Guadeloupe).
1641. Sabouilly, capitaine au service de Poincy, réprime
un m o u v e m e n t séditieux provoqué par un n o m m é Clé-
ment Bugaud ; celui-ci peut échapper aux poursuites
dirigées contre lui ; le P. Dutertre attribue à sa fuite la
première colonisation de Cayenne.
— août. — Poincy fait prendre possession de l'île de la
Tortue, où s'étaient retranchés corsaires et flibustiers.
1644. Introduction de la culture de la canne à sucre.

1625-1713
25
1644-1645. Poincy propose à la Compagnie de ne pas lui
accorder le renouvellement de son mandat, à condition
qu'il lui soit permis de rester à Saint-Christophe jusqu'à
ce qu'il se soit acquitté de ses dettes (7 avril).
A la suite de cette offre, Noël Patrocles de Thoisy est
n o m m é gouverneur général par la Compagnie le 26 d é c e m -
bre et par le roi le 20 février 1645, « avec pouvoir de présider
aux sièges de justice de Saint-Christophe ». L e m ê m e
jour (20 février), Poincy est invité à rentrer en France et
son neveu, Longvilliers, qui est à la Rochelle, prêt à s'em-
barquer, doit lui remettre cet ordre en mains propres.
1645, juillet. — Poincy se préparant à la révolte contre les
ordres d u roi, expulse l'intendant général L e u m o n t ,
n o m m é en 1642, lequel se retire à la Guadeloupe ; il se
débarrasse ensuite de ses adversaires les plus gênants en
les renvoyant en France.
— Il y avait à Sainte-Croix 100 à 120 Français, déser-
teurs de Saint-Christophe. Sainte-Croix étant alors par-
tagé entre les Anglais et les Hollandais, et des rixes
s'étant élevées au cours desquelles les deux gouverneurs
furent assassinés, les Français craignent d'être les victimes
de leur rivalité et se font transporter à la Guadeloupe
par un certain capitaine Paul, qu'ils accusent ensuite
d'être un forban et font condamner c o m m e tel (16 août
1645).
— août. — Par une nouvelle lettre de cachet, le
roi réitère à Poincy l'ordre de quitter Saint-Christophe
(18 août) et Longvilliers, qui vient de s'embarquer pour
les îles, est confirmé dans les fonctions de gouverneur de
Saint-Christophe (22 août).
— 1 septembre. — C o m m a n d e m e n t fait en l'Assemblée
e r
des Seigneurs à Paris, à M . Robert de Longvilliers, g o u -
verneur à Saint-Christophe, de faire recevoir M . de Thoisy

26
S A I N T - C H R I S T O P H E
comme lieutenant général pour le roi aux îles d'Amérique.
— L a Compagnie autorise M. de L e u m o n t à prendre
à sa charge une partie des dettes de Poincy vis-à-vis des
Hollandais, mais celui-ci est déjà en pleine révolte contre
les ordres venus de France ; il venait d'expulser L e u m o n t .
— septembre-novembre. — Thoisy s'embarque au
Hâvre le 16 septembre, arrive à la Martinique le 16 n o -
vembre, à la Guadeloupe le 19 et le 23 devant Saint-
Christophe. Poincy et le gouverneur anglais refusent
tous deux de le reconnaître. Thoisy revient le 28 novembre
à la Guadeloupe et s'y installe.
1646. Les Anglais chassent les Hollandais de Sainte-Croix.
— Thoisy, d'accord avec D u Parquet, gouverneur d e
la Martinique, dirige une expédition contre Poincy (jan-
vier). Deux neveux de Poincy sont faits prisonniers, mais
D u Parquet lui-même t o m b e au pouvoir d u gouverneur.
Houel, gouverneur de la Guadeloupe, venu à son tour
dès le 28 janvier avec une nouvelle expédition, ne peut
même débarquer et retourne à la Guadeloupe le 3 février.
Resté maître de la situation, Poincy chasse de l'île les
Capucins qui prêchaient l'obéissance aux ordres d u roi
et ordonne ou laisse accomplir des représailles, allant
quelquefois jusqu'à la m o r t , contre ceux qui voulaient
s'y soumettre.
— 16-28 octobre. — Le roi donne l'ordre à Poincy et
à Thoisy (16 et 28 octobre) de faire l'échange des pri-
sonniers, amnistiant ainsi en fait la révolte de Poincy,
dont il n'a pu ou n'a pas voulu briser la résistance, celle-ci
ayant été dirigée moins contre le roi que contre la C o m p a -
gnie dont Poincy signalait et combattait les exactions.
1647, janvier-mai. — Poincy envoie à la Martinique de La
Vernade avec 5 bateaux et 800 hommes pour s'emparer

1625-1713
2 7
de Thoisy. Thoisy, livré par les habitants de l'île, est
emmené à Saint-Christophe (24 janvier). En passant à
la Guadeloupe, La Vernade embarque Longvilliers, l'un
des neveux de Poincy, contre promesse de mise en
liberté de D u Parquet. L'autre neveu, Tréval, reste c o m m e
otage.
Arrivé à Saint-Christophe, Thoisy est retenu prisonnier.
Devant les témoignages de sympathie de la population
pour sa personne, Poincy le fait embarquer nuitamment
pour France (fin avril) où il arrive le 17 mai. Il en résulta
un procès où Poincy fut c o n d a m n é à payer à Thoisy
90.000 livres. Ce procès, qui durait encore en 1671, porta
le plus grand préjudice au crédit moral de la Compagnie.
D u Parquet fut remis en liberté le 6 février.
— 25 février. — Dans l'ignorance des événements
qui s'accomplissaient aux Antilles, le roi rend un arrêt
maintenant Poincy pour un an c o m m e lieutenant général
de Saint-Christophe seulement et n o m m a n t Thoisy lieu-
tenant général de la Martinique et de la Guadeloupe,
avec résidence à la Guadeloupe. La durée du gouverne-
ment de Poincy terminée, Thoisy redeviendrait lieute-
nant général pour toutes les îles. — La compagnie des
Seigneurs des îles d'Amérique confirme ces dispositions
le 26 mars.
— Les directeurs de la Compagnie ayant demandé,
au mois de février 1646, qu'on informât sur les violences
et exactions de Poincy, et Poincy réclamant de son côté
le remboursement de frais qu'il avait faits dans l'île
et qu'il évaluait à 150.000 francs, on aboutit à un premier
accord, le 26 août 1647, en vertu duquel Saint-Christophe
est vendue au frère de Poincy, pour le prix de 90.000 livres.
Cet accord est approuvé par les Associés le 6 décembre ;
mais l'effet en resta suspendu, en raison de divers procès
engagés entre Poincy d'une part et ses associés en France,

28
S A I N T - C H R I S T O P H E
Rigault et Desmarets, de l'autre. La cession ne devint
effective que le 24 mai 1651.
— Poincy se débarrasse de 66 colons qui lui étaient
suspects en les envoyant coloniser les Iles Vierges. Ceux-ci
repoussent une attaque des Espagnols de P o r t o - R i c o ,
mais ayant perdu dans cette guerre toutes leurs embar-
cations et leurs plantations ayant été ravagées, ils se
trouvent c o m m e prisonniers dans leurs îles sans aucune
ressource et condamnés à une mort certaine. De désespoir,
onze d'entre eux confectionnent deux piperis, sorte de
radeaux, et parviennent à gagner Porto-Rico ; les autres
moururent probablement de faim.
1648. Les Espagnols ayant abandonné Saint-Martin, le
gouverneur hollandais de Saint-Eustache et Poincy d o n -
nent presque simultanément commission, l'un à Martin
Thomas, et l'autre à son neveu, Longvilliers, d'y établir
leurs nationaux. Poincy se basait sur une occupation
antérieure de l'île par les Français en 1638. Les deux
partis s'entendent pour leur partage de l'île (23 mars)
et de la Tour est n o m m é gouverneur de la partie française.
— 15 mai. — Les seigneurs de la Compagnie des Iles
d'Amérique, réunis pour aviser aux moyens de remédier
à la situation de la Compagnie en détresse, décident de
poursuivre activement le procès engagé contre Poincy
pour son administration et de convoquer une assemblée
générale des actionnaires pour aviser aux moyens de
combler le déficit ; il est décidé de demander à chacun
d'eux une contribution de 4.000 livres, — qui ne fut
d'ailleurs pas versée. On envisage d'autre part la vente
des îles à leurs gouverneurs : Poincy avait déjà fait des
propositions pour Saint-Christophe.
— (fin). — Après avoir occupé Saint-Martin, Poincy
envoie le sieur Jacques Gente avec une quarantaine
d'hommes pour occuper Saint-Barthélemy.

1625-1713
2 9
1649-1653. Un procès particulier entre Poincy et Thoisy
vient compliquer la procédure déjà engagée avec la
Compagnie et qui se poursuit en 1649 et 1650 ; enfin,
le 24 mai 1651, intervient un contrat en vertu duquel
l'Ordre de Malte acquiert pour le c o m p t e de Poincy la
propriété de Saint-Christophe, m o y e n n a n t 120.000 livres
tournois. A la mort de Poincy, tous ces biens doivent
revenir à l'Ordre, avec droits sur Saint-Martin et Saint-
Barthélemy. La ratification de cette vente qui eut lieu
en mars 1653, marque la fin réelle de la Compagnie
des Iles d'Amérique, déjà dépossédée de la Martinique
et de la Guadeloupe par des cessions de même nature faites
à leurs gouverneurs respectifs.
1650. Les Espagnols débarquent 1.200 hommes à Sainte-
Croix, chassent les Anglais et repoussent ensuite une
contre-attaque des Espagnols. Résolu à profiter des cir-
constances, Poincy envoie de Saint-Christophe Vaugalan
avec 300 hommes et chasse à son tour les Espagnols.
Il introduit aussitôt 300 colons dans l'île. Trois gouver-
neurs nommés pour administrer cette île meurent successi-
v e m e n t en 1650 et 1651.
L ' O R D R E DE M A L T E
1651-1665
1653. Poincy ayant cédé à l'ordre de Malte ses droits sur
Sainte-Croix, l'ordre en obtient la concession régulière
du roi par un acte de mars 1653.
1654. Poincy possédait en propre à cette date 600 à 700
esclaves, sur 12.000 qui se trouvaient dans l'ensemble de
nos îles. Un esclave valait 540 livres.
1656. L'escadre anglaise de Penn arrive devant Saint-
Christophe dans l'intention de s'en emparer, mais si

3 0
S A I N T - C H R I S T O P H E
désemparée et si dépourvue de vivres que l'amiral préféra
signer avec le gouverneur français un accord qui confirme
tous les précédents sur le partage de l'île entre les deux
nations.
1657. Poincy s'étant réservé le monopole de tout c o m m e r c e ,
même français, dans l'île de Sainte-Croix, les colons ne
pouvant plus subsister se saisissent d'un navire arrivé
dans leur île et s'y embarquent, au nombre d'environ
200, pour une destination restée inconnue et qu'on suppose
avoir été le Brésil.
— Les Caraïbes massacrent les Français de Saint-Bar-
thélemy et l'île est complètement abandonnée.
1658. Du Bois, chargé de l'administration de Sainte-Croix,
applique des mesures plus libérales, et ramène avec
quelques colons une certaine prospérité.
1659. Réoccupation de Saint-Barthélemy.
— Deux missionnaires dominicains arrivent à Sainte-
Croix.
1660. Saint-Christophe compt e de 7 à 8.000 colons.
— février. — Réunion à Saint-Christophe des g o u -
verneurs français et anglais des Antilles pour établir
en c o m m u n les bases d'une paix avec les Caraïbes. Houel
et le gouverneur anglais de Montserrat sont désignés
pour assurer l'exécution de cette paix, laquelle est ratifiée
le 20 mars à la Guadeloupe par les Caraïbes venus de
diverses îles, — sous condition qu'il n ' y aura aucun éta-
blissement français ou anglais à Saint-Vincent et à la
Dominique.
— 11 avril. — Mort de Poincy, âgé de 77 ans. Il avait
commandé 21 ans dans les îles, — 6 ans avec la commission
de lieutenant-général sur toutes les îles, 2 ans dans celle
de Saint-Christophe pendant les différends qu'il eut avec

1625-1713
3 1
Thoisy, environ 3 ans en vertu de l'arrêt du Conseil
qui le rétablissait pour un an seulement, et le reste avec
l'autorité de Son Eminence de Malte sur les Iles de Saint-
Christophe, Sainte-Croix, Saint-Martin et Saint-Barthé-
lemy.
Le commandeur de Sales le remplace avec le titre
d'Administrateur de la Seigneurie de Saint-Christophe
et chef de la nation française, établie par Sa Majesté pour

Son Eminence de Malte. Son administration, en opposition
à celle de Poincy, fut en général bienveillante et libérale.
1664. Un nègre est alors vendu 3 . 0 0 0 livres de sucre et un
cheval 1 . 8 0 0 livres.
— La population française de Saint-Barthélemy est
évaluée à cent personnes. Le gouverneur particulier de
cette île est alors M. de Beauplan.
— 17 avril. — En vue d'une transformation du régime
des colonies d'Amérique, le Conseil d ' E t a t rend un arrêt
invitant tous les propriétaires des îles à rapporter leurs
titres et contrats d'acquisition. Cet arrêt est sanctionné
par un édit du 1 0 juillet suivant.
LA COMPAGNIE DES INDES OCCIDENTALES
ET LE GOUVERNEMENT ROYAL
1 6 6 5 - 1 7 1 3
1665. L'Ordre de Malte cède Saint-Christophe à la Compagnie
des Indes occidentales pour 5 0 0 . 0 0 0 livres. La liquidation
des comptes ne paraissait pas terminée au début du
XVIII siècle.
e
— Sainte-Croix se développe sous la sage administra-
tion de Dubois. Il parvient à établir avec P o r t o - R i c o
des relations commerciales que le gouvernement royal
d'Espagne interdit au b o u t d'une année.

32
S A I N T - C H R I S T O P H E
1666. Les gouverneurs français et anglais de Saint-Chris-
tophe renouvellent (20 janvier) l'accord conclu entre
d'Esnambuc et Warner en 1627. Prévoyant une rupture
en Europe entre les deux pays, W i l l o u g b y , gouverneur
général des Antilles anglaises, refuse de le ratifier. La
guerre est en effet déclarée le 26 janvier et transportée
à Saint-Christophe, à Cayonne, la Cabesterre et Cinq-
Combles. De Sales l'emporte sur les Anglais, mais est
tué le 22 avril, ainsi que le gouverneur anglais, de W a t t s .
— Les Français sont maîtres de toute l'île.
L'année suivante, Saint-Laurent, successeur de De
Sales, repousse à la rivière Pelan (17 juin) une attaque
anglaise, conduite par Willougby.
1667. Les milices françaises s'emparent de Montserrat.
— En vertu du traité de Bréda, les Anglais rentrent en
possession de leur territoire de Saint-Christophe, qui leur
avait été enlevé au cours de la guerre.
1669. Le gouvernement général est transféré à la Marti-
nique.
1670, 17 décembre. — Lettres patentes sanctionnant l'éta-
blissement d'un Conseil souverain à Saint-Christophe.
1674. Le Gouvernement royal est substitué à celui de la
Compagnie.
1685. Construction à Saint-Domingue de la première maison
de Port-de-Paix par M. de Cussy. La ville se développe
rapidement, grâce à l'arrivée, cinq ans plus tard, d'habi-
tants de Sainte-Croix chassés par les Espagnols et les
Anglais.
1689. Mort du gouverneur Saint-Laurent ; il est remplacé
par le comte de Guitaud.
— Rupture de la paix entre la France, la Hollande et

.
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1625-1713
33
l'Angleterre. Reprise des hostilités en Amérique. Rlénac,
gouverneur général des Iles d u V e n t , fait évacuer Saint-
Martin et Saint-Barthélemy, qu'il ne peut défendre et
transporte la population à Saint-Christophe. Il enlève
ensuite Saint-Eustache aux Hollandais et la partie anglaise
de Saint-Christophe.
1690, juin. — Codrington enlève Saint-Christophe après
une résistance d'un mois et demi soutenue par le gouver-
neur Guitaud. Une partie de la population française
fut déportée par les Anglais, l'autre chercha refuge
à la Martinique, à la Guadeloupe ou à Saint-Domingue.
1696. Sainte-Croix ne faisant d u commerce qu'ave c les
Danois, on décide l'abandon de l'île ; tous les habitants
avec leurs esclaves sont transportés à Saint-Domingue
par leur gouverneur, M. de Galifet.
1697. Saint-Christophe est restitué à la France par le
traité d e R y s w i c k .
1701. Saint-Christophe ne comport e plus que 1855 noirs
ou mulâtres et 933 blancs.
1702, 16 juillet. — Saint-Christophe, à peine repeuplée depuis
le rétablissement de la paix en 1697, t o m b e sans résistance
au pouvoir des Anglais. L'île ne devait plus redevenir
française.
1706. Le roi envoie aux Antilles une escadre de 12 vaisseaux
sous les ordres d'Hydeville avec mission d'attaquer les
îles anglaises. Saint-Christophe et Nièves sont prises le
2 avril, occupées jusqu'au 22 et n o n conservées. L a
guerre ayant épuisé les belligérants, ils conviennent
d'une trève, mais la guerre des corsaires dura jusqu'à la
paix.
1713, 11 avril. — L e traité d'Utrecht consacre la perte
définitive de Saint-Christophe.
ANTILLES
3


MARTINIQUE, GUADELOUPE
ET DÉPENDANCES
GÉNÉRALITÉS


« Les possessions les plus importantes que les Français
ont acquises avec le temps sont la moitié de l'île Saint-
Domingue, la Martinique, la Guadeloupe et quelques
petites îles Antilles ; ce n'est pas la deux-centième partie

des conquêtes espagnoles, mais on en a tiré de grands
avantages...
» ( V O L T A I R E , Essai sur les mœurs et
l'esprit des Nations, chap. C L I I ) .
P R E M I È R E P É R I O D E : 1 6 3 5 - 1 6 7 4
« Les Antilles ne sont absolument que des établisse-
ments de commerce », les célèbres Instructions au
comte d'Ennery et au Président de Peynier, Gouverneur
et Intendant de la Martinique, l'affirmaient en 1765
presque solennellement.

L'auteur de ces instructions était Jean-Baptiste
Dubuc, le premier député que les Iles du Vent aient eu
auprès du Roi, à Paris, où il se fit rapidement remar-
quer par le Duc de Choiseul, qui lui confia la direction
du Bureau des Colonies. On ne saurait donc s'étonner
que l'histoire de la Martinique et de la Guadeloupe
soit avant tout une histoire économique. Pas une de
leurs institutions qui ne soit inspirée du souci de favo-


38 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
riser la culture et la production, pas un événement de
leurs annales qui ne trouve dans l'économique sa cause
et son explication. Quant
à la politique pratiquée par
les Gouvernements, elle ne recouvre qu'une rivalité
analogue à celle des aventuriers qui se postaient sur le
trajet des flottes à l'affût des cargaisons précieuses.

France, Grande-Bretagne, Provinces-Unies, Espagne,
et un peu plus tard Danemark et Suède, la plupart des

Puissances de l'Europe se disputeront, à la manière
des flibustiers, les îles de l'archipel considérées pri-
mitivement comme des bases d'opérations navales ou
des entrepôts de contrebande, et, dans la suite, comme
des mines d'un nouveau genre fournissant inépuisable-

ment, et au meilleur compte, le tabac, le sucre, le cacao,
le café et les plantes tinctoriales.

Le premier acte de cette rivalité se joua d'une part
entre l'Espagne et l'Angleterre autour de la Jamaïque,
d'autre part entre la France et la Hollande autour de
la Martinique et de la Guadeloupe. Nous n'avons à
parler ici que de ce dernier conflit.
Pourquoi la Martinique et la Guadeloupe ?
Ce n'est pas seulement parce que le hasard des cir-

constances fit échoir ces deux îles à des ressortissants
français auxquels le gouvernement central devait se
substituer un jour, mais parce que le succès des débuts

fit dès l'origine augurer du succès de l'avenir. Leur posi-
tion privilégiée sur la route des navires que les vents

ramenaient d'Afrique vers le Nord, leur atmosphère
salubre, la fertilité de leur sol et l'abondance de leur
faune, l'existence enfin, pour la Martinique au moins,

d'une rade de débarquement et d'un carénage — à Saint-
Pierre et à Fort Royal — tous ces avantages naturels


1635-1674
39
devaient les faire distinguer entre toutes et, selon les
propres termes de l'abbé Raynal, « les élever en peu
de temps à une fortune considérable. »

Dès 1650, l'homme qui prenait pour devise : « Quo
non ascendam ? » avait pressenti cet avenir. Rêvant
d'une fortune politique après avoir échafaudé une for-
tune pécuniaire, Nicolas Fouquet avait eu l'attention
attirée par l'activité de son propre père, membre du
Conseil de la Marine et du Commerce et co-directeur de la
Compagnie des Iles, vers l'archipel que Belain d'Esnam-
buc venait de révéler à la France. Il créait, presque
avec hâte, une habitation à Trois-Rivières de la Marti-

nique et la pourvoyait de vivres et de munitions, tandis
qu'il s'assurait par l'interposition d'un homme de paille,

Isaac de Feuquières, la Vice-Royauté d'Amérique. Belle
Isle et la Martinique, devenaient la double base d'un

complot dont on ignore encore le sens et la portée.
Lorsque Fouquet fut arrêté en 1661, ses papiers
révélèrent l'étendue de ses tractations et contribuèrent
peut-être à intéresser Louis XIV à des colonies jus-

qu'alors étrangères à la vie économique de la Nation.
E n dépit des efforts de Richelieu, le Roi n'avait pu
prendre en effet sa part du butin antillais et le drapeau
fleurdelysé, s'il flottait à la Martinique et à la Guade-
loupe, n'abritait que les opérations commerciales aux-
quelles se livraient avec les colons les gens des Pays-Bas.
Flessingue, Middelbourg, Amsterdam retiraient de ce

trafic des richesses immenses que Colbert mesura avec
d'autant plus de jalouse envie qu'elles lui semblèrent
ravies au patrimoine national.

Aussitôt parvenu au pouvoir en 1663 ce dernier monte
une expédition militaire puissamment pourvue pour

4 0 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
établir aux Iles l'autorité royale jusqu'alors plus nomi-
nale que réelle ; il décide l'achat des Antilles à leurs

seigneurs particuliers et les cède l'année suivante à la
nouvelle Compagnie des Indes Occidentales chargée de
leur mise en valeur. Pendant dix ans il lutte à coups de

tarifs protecteurs, de primes et d'encouragements de
toutes sortes accordés a u x armateurs. Il m e t sur pied

en 1669 une Compagnie auxiliaire, la Compagnie du
Nord, destinée à ouvrir des débouchés a u x denrées
tropicales vers la Scandinavie et la Baltique et
à
fournir les matériaux nécessaires à la marine — à quoi
concourt la célèbre Ordonnance sur les E a u x et Forêts
rendue la même année. Bien plus, il ne craint pas
d'engager le Roi dans une guerre avec les Provinces-

Unies, guerre dont l'analyse de la politique strictement
européenne ne suffirait pas à rendre compte.

En 1674, la Compagnie des Indes Occidentales, à
bout de souffle, doit être liquidée. Mais l'objectif est
atteint : les Hollandais ont été chassés de la Martinique

et de la Guadeloupe, et les sucres constitueront à la
fois un fret pour la flotte marchande et une matière
première pour les manufactures. Les Iles sont ratta-
chées à la Couronne et, désormais, le Gouvernement
s'efforcera d'exploiter directement son « Domaine

d'Occident ».
1633, 22 janvier. — Richelieu accorde à Guillaume de Caen
la concession d'un certain nombre des îles Lucayes ;
Guillaume n'en prit jamais possession.
1635, 1 septembre. — L'Olive et d u Plessis, colonisent
e r
la Guadeloupe.

1635-1674
41
— Les Français s'établissent à Saint-Pierre de la
Martinique avec d ' E s n a m b u c .
— 17 septembre. — D ' E s n a m b u c fait occuper la
Dominique par une petite troupe que conduisait le capi-
taine Baillardel ; ces premiers colons sont massacrés par
les indigènes.
1638. Anglais et Français s'accordent aux Antilles pour
limiter la culture d u tabac. Ils invitent les Hollandais à
se joindre à eux « parce que ce règlement ne peut réussir
s'il n'est observé par tous les habitants desdites îles ».
1638-1643. Poincy envoie Bonnefoy en reconnaissance à
la Grenade en 1634 et Aubert, gouverneur de la Guade-
loupe, y envoie Portel en 1643.
1637. Les poids à utiliser aux Antilles sont ajustés aux
étalons de la v i c o m t e de Dieppe.
— 2 septembre. — Première ordonnance concernant
l'établissement d'un « papier censier » ou Cadastre.
L'idée sera reprise en 1659, en 1670, en 1679, en 1706,
en 1721 et en 1764.
1639. L a Gazette de Théophraste R e n a u d o t relate les événe-
ments qui se sont produits l'année précédente à la Mar-
tinique.
1640. Première relation concernant les îles : Relation de
l'établissement des Français depuis l'an 1635 en l'isle
de la Martinique, l'une des Antilles de l'Amérique, publiée
à Paris par le P. B o u t o n .
1642, mars. — En raison des résultats obtenus à Saint-
Christophe, la Martinique et la Guadeloupe, le roi pro-
mulgue un édit confirmant la cession à perpétuité aux
associés de la Compagnie des Iles d'Amérique des îles
situées depuis le 6° jusqu'au 30° inclusivement, — réser-

42 MARTINIQUE, GUADELOUPE ET DÉPENDANCES
vant aux seuls associés le commerce de ces îles, — e x e m p -
tant de tous droits d'entrée en France les marchandises
en provenant, — et attribuant au Grand Conseil le règle-
ment des différends que la Compagnie pourrait avoir
relativement à ses opérations.
1643-1650. Houel, gouverneur de la Guadeloupe, envoie
Noailly à la Grenade pour s'y installer et y rester ensuite
c o m m e gouverneur (1643). Noailly ayant échoué, Beau-
manoir lui est substitué en 1646 et échoue également.
Enfin, en 1650, D u Parquet, gouverneur de la Martinique,
parvient avec l'agrément d u chef caraïbe Kairouanne à y
installer quelques colons qu'il place sous le c o m m a n d e -
ment d'un n o m m é Le Comte, son cousin. Après une o c c u -
pation de 8 mois, les Caraïbes c o m m e n c e n t à s'agiter
et il en résulte des mouvements qui, appuyés par les
Caraïbes de la Dominique et de Saint-Vincent, durèrent
plusieurs années. Le Comte se noie au cours d'une de ses
expéditions et est remplacé par Cacqueray de Valménière,
dont l'autorité n'est pas reconnue par tous les Français,
d'où des désordres qui épuisent tout à la fois nos forces
et nos finances.
1645, 3 mars. — Introduction par la Compagnie des Iles de
la Coutume de Paris.
— Histoire et voyage des Indes Occidentales, publiée
par Guillaume Coppier à L y o n . Cette relation est suivie
à un an de distance par la briève relation du voyage des
Isles de l'Amérique du P. Pacifique de Provins, imprimée
à Paris.
— 24 décembre. — T a b a g o est concédé à Louis Hurault
de Vueil et Charles de Saint-Remy.
1650, 27 septembre. — Du Parquet achète la Martinique,
la Grenade, les Grenadines et Sainte-Lucie pour la s o m m e
de 60.000 livres.

1 6 3 5 - 1 6 7 4
43
— Des colons français s'établissent à la Grenade, d'où
ils chassent les Caraïbes.
1651, 9 octobre. — Cromwell promulgue l'Acte de Navi -
gation, étendant au commerce d ' E u r o p e , contre les
Hollandais, l'acte de 1650. Cette loi demeurera intacte
jusqu'en 1821-1825.
1652. Publication au Mans d u Voyage des Isles camercanes
en l'Amérique qui font partie des Indes Occidentales, par
Maurile d e Saint-Michel.
1654. Expulsion des Juifs d u Brésil, où ils avaient apporté
l'industrie sucrière des Canaries. Ils émigrent vers l ' A m é -
rique d u Nord et vers les Antilles.
1656. octobre. — D u Parquet cède la Grenade à M. de Céril-
lac, gentilhomme gascon, m o y e n n a n t 30.000 écus.
1657. M. de Cérillac envoie son lieutenant prendre possession
de la Grenade (1657). Celui-ci est assassiné la m ê m e
année. Cérillac y v a lui-même en 1658.
1658. César de Rochefort publie son Histoire Naturelle
et Morale des Iles des Antilles de l'Amérique, qui inspira
de n o m b r e u x imitateurs.
1659-1660. L'usage d u chocolat se répand en France ;
il avait été mis à la m o d e par la nouvelle jeune reine Marie-
Thérèse. Le monopole de sa vente est octroyé pour 15 ans
à un marchand David Chalion qui s'installe rue d e l'Arbre
Sec. A la même époque les habitants des îles c o m m e n c e n t
à s'intéresser à la culture d u cacao.
1661. Arrestation de Fouquet. On découvre dans ses papiers
la contre-lettre par laquelle le vice-roi d'Amérique, Isaac
de Feuquières, s'engageait à lui remettre à première
réquisition la charge d e V i c e - R o i d'Amérique d o n t il
était pourvu, l'ayant achetée avec les deniers du surinten-

44 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
dant. L'activité déployée par Fouquet pour munir
d'hommes et de munitions l' « habitation » qu'il possédait
à Trois Rivières de la Martinique laisse penser que ses
projets aventureux s'étendaient jusqu'au Nouveau-Monde.
1662. Les Hollandais de Tabago demandent le protectorat
de la France.
— Établissement d'une raffinerie à Dunkerque.
1663. La population des Res s'élève à 30.000 âmes.
— Rachat par Louis XIV des îles d'Amérique en vue
de la constitution d'une nouvelle Compagnie placée plus
directement sous l'autorité du roi.
1664, mai. — Le commerce hollandais s'étant en fait substi-
tué au commerce français et les propriétaires des îles
perdant leur temps à des contestations personnelles au
lieu de s'occuper du peuplement des îles, le roi décide
de révoquer les concessions faites en mars 1642 et ordonne
à tous les intéressés dans la Compagnie des Iles d ' A m é -
rique de rapporter dans la quinzaine tous leurs titres
entre les mains commises à cet effet.
Arrêt préparatoire de la création de la Compagnie
des Indes occidentales (16 avril) : dans un délai de 15 jours
les anciens seigneurs propriétaires des diverses îles doivent
présenter leurs titres pour être dédommagés de leurs
acquisitions. Le privilège de la nouvelle compagnie,
comportant l'exclusivité du commerce, était fixé à 40 ans.
Le prix de chaque action était de 3.000 livres pour un
capital total de 455.000 livres.
— Édit en 43 articles instituant la Compagnie des
Indes occidentales (28 mai).
Les seigneurs propriétaires des anciennes compagnies
furent désintéressées c o m m e suit :
Les héritiers Boisseret (Guadeloupe). 120.000 livres
Les héritiers Houel ( G u a d e l o u p e ) . . . . 120.000 »

1635-1674
45
L'Ordre de Malte (St Christophe) 500.000 »
Du Parquet (Martinique) 120.000 »
Cérillac (Grenade) 100.000 »
Un capital réel de 1.415.000 francs était jugé nécessaire
pour le b o n fonctionnement de la Compagnie ; on pourvut
à la différence par des emprunts et des moyens de for-
tune. Houel, ancien gouverneur de la Guadeloupe, fut
l'un des dix premiers directeurs.
— 5 novembre. — Trac y part pour la Grenade, où
il n'y a plus que 150 habitants. Il en chasse Cérillac, fils
du gouverneur et y installe Vincent. — Cette île, étant
excentrique, est peu à peu abandonnée à elle-même.
Après avoir compté 500 habitants, elle n'en avait plus
que 150.
— 11 décembre. — Établissement des Conseils Sou-
verains de la Martinique et de la Guadeloupe.
1665. Adoption des unités de mesure de Paris. L e pas reste
à 3 pieds et demi au lieu de 5.
— 15 septembre. — Arrêt marquant une nouvelle
offensive contre le commerce hollandais aux Iles. A leur
sortie de la colonie, les sucres vendus aux étrangers sont
taxés d e la manière suivante :
22 l. 10 s. sur les sucres raffinés.
15 l. sur les cassonnades.
7. l. 10 sur les moscouades.
6 l. sur les sucres de San T h o m é .
4 l. sur les sucres bruts.
A leur entrée en France, les sucres étrangers sont soumis
à des droits 2 à 5 fois plus élevés (7 £ 10 à 22 £ 10) que
ceux perçus sur les sucres apportés par les Français
(4 £ ) .
1667, 31 juillet. — Paix de Bréda. La France restitue à

46 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
l'Angleterre Saint-Christophe, Antigoa et Montserrat ; elle
reçoit l'Acadie.
L'acte « uti possidetis » règle les relations anglo-hollan-
daises. L'Angleterre conserve la Nouvelle-Belgique, et
la Hollande Surinam.
Les Hollandais possèdent alors, outre leur Guyane, les
îles de Curaçao, Bonavie, Aruba, Saint-Eustache, Saba
et la partie sud-est de l'île Saint-Martin.
— Le P. Dutertre publie sa célèbre Histoire Générale
des Antilles habitées par les Français.
1668. Colbert préconise une sorte de fédéralisme économique
entre les Antilles et le Canada, afin que ces colonies
puissent se soutenir mutuellement en cas de conflit.
Le commerce ne prit de réelle consistance qu'à partir
de 1730.
— L'esclave est déclaré meuble non sujet à hypothèque,
mais immeuble par destination dans les successions et
inséparable du fonds en cas de vente. Il s'agit de conserver
à la sucrerie la main-d'œuvre nécessaire à son exploi-
tation. Le Code Noir de 1685 considérera en son article
XLIV l'esclave c o m m e meuble uniquement. A la suite
des protestations des colons, l'arrêt du 22 août 1687
consacrera l'usage antérieur.
1667. Jean de Baas, marquis de Castelmore, est n o m m é en
remplacement de M. de Tracy, avec le titre de gouverneur
général des Iles. Il doit s'installer à la Martinique au lieu
de Saint-Christophe où résidait jusqu'alors le chef de
l'administration. Le marquis de Baas était le frère de
Paul de Castelmore, dit le Baron de Baas, et de Charles,
connu sous le n o m de sa mère c o m m e le chevalier d'Arta-
gnan-Montesquiou, le héros de Dumas. Paul de Castel-
more était une créature de Mazarin qui l'avait e n v o y é
en mission diplomatique auprès de Cromwell en 1654

1635-1674
47
après l'avoir utilisé à des négociations avec les Frondeurs
pendant les troubles de la minorité. Il semble d o n c bien
que le gouvernement des Iles ait été dès cette époque
considéré par les familles en v u e c o m m e un poste de
choix, et cela dénote l'importance qu'elles avaient déjà
prise.
1669, août. — Édit portant règlement sur les Eaux et Forêts,
en considération notamment de « l'accroissement d u c o m -
merce par les voyages de long cours dans toutes les parties
d u m o n d e . »
— Édit renouvelant l'autorisation pour les gentils-
hommes de s'adonner au commerce de mer sans déroger.
— novembre. — Édit supprimant la charge de Grand
Maître et Surintendant de la navigation et commerce
de France rendue vacante par le décès d u d u c de
Beaufort, et rétablissant celle d'Amiral de France, consi-
dérée c o m m e plus digne de la marine, d o n t le d é v e l o p p e -
ment d u commerce avait permis la restauration.
— 9 décembre. — Colbert décharge les particuliers,
qui se rendent au x îles, d u droit de 6 1. par tonneau.
— Colbert détache l'administration des Colonies des
Affaires Etrangères et la rattache au ministère de la
Marine. (Voir 1628 et 1791).
— Colbert, qui encourage depuis cinq ans le oommerce
avec les pays scandinaves et baltes, crée une Compagnie
du Nord
munie d'un monopole pour vingt ans. Cette
Compagnie, qui signera un accord avec la Compagnie
des Indes Occidentales (et prendra fin en 1689), trouvait
dans les retours des Antilles la monnaie d'échange indis-
pensable à l'acquisition des bois que le Ministre désirait
obtenir pour les besoins de la Marine. La célèbre Ordon-
nance sur les Eaux et Forêts, rendue la m ê m e année,

4 8 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
devait assurer pour l'avenir la fourniture des matériaux
d'armement qu'il était nécessaire d'importer.
1670, 19 février. — Déclaration portant fabrication de
monnaie métallique pour les Iles d'Amérique.
— 27 février. — Arrêt d u Conseil portant que ceux
qui n'auraient pas payé les frais de leur passage aux Indes
Occidentales ne pourront être retenus plus de 18 mois
« en esclavage », à l'exception des artisans et gens de métier.
— 28 février. — La durée des engagements est réduite
de trois ans à 16 mois. Ces engagements deviennent
d'année en année moins nombreux.
— 19 avril. — Ordonnance sur l'enrôlement général
des matelots dans toutes les provinces maritimes d u
royaume. Elle sera complétée par un édit d'août 1673.
— 4 juin. — Une ordonnance royale décide que le prix
des denrées importées ou exportées, fixé jusqu'alors par
des commis d u gouvernement, sera désormais librement
débattu entre acheteurs et vendeurs.
— 10 juin. — Règlement interdisant aux bâtiments
étrangers d'aborder dans les îles d'Amérique à peine
de confiscation.
— 10 décembre. — Pour achever d'évincer les étran-
gers, et les Hollandais en particulier, d u commerce de
la Martinique, Colbert diminue les droits perçus sur les
sucres français (de 4 l. à 2 l.). Cette lutte économique
aboutit au conflit entre la France et les Pays-Bas.
— Les sucres antillais commencent à affluer à Bor-
deaux, où vingt raffineries seront bientôt construites.
— Colbert ordonne aux capitaines de vaisseaux d e
transporter aux Iles à chaque traversée deux cavales,
ou deux vaches, ou deux ânes.

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1635-1674
49
— Colbert tente de substituer aux chairs salées d'Irlande
des chairs salées d'origine française.
1671, 18 juillet. — Ordonnance interdisant au x proprié-
taires de navires construits aux Iles de commercer avec
l'étranger.
— 4 novembre. — Règlement sur le fait du c o m m a n d e -
ment des armes, de la justice, de la police, des finances
et d u choix des officiers aux Iles de l'Amérique. L e
lieutenant général pour le R o i et les gouverneurs parti-
culiers commandent la force armée, avec le concours d u
Directeur de la Compagnie des Indes ou de son repré-
sentant. Des Conseils souverains, composés d u lieutenant
général, des gouverneurs et d e membres nommés par le
Roi sur la proposition de la Compagnie o n t la haute main
sur la police et veillent à l'application de la coutume de
Paris. Les officiers de justice inférieurs sont nommés par
la Compagnie. Les concessions de terre sont accordées par
la Compagnie.
— Ordonnance interdisant de transporter des bœufs,
lards, toiles et autres marchandises étrangères aux Iles.
— 8 novembre. — De Cauchy n o m m é gouverneur de
la Grenade.
— 28 novembre. — Ordonnance autorisant le transport
aux Iles des vins de Madère.
— 14 décembre. — Le R o i autorise les Nantais à
trafiquer avec les Antilles, à condition de ne pas exporter
les sucres autrement qu'en remontant la Loire et en
passant par le bureau d'Ingrande. Un tarif préférentiel
de 4 l. par quintal leur est accordé, alors que le droit
était de 7 l. à la douane de Rouen et de 4 l. 5 à la douane
de la Rochelle et de Bordeaux.
Vingt ans plus tard les Nantais font plus de la moitié
du commerce des Iles et o n t anéanti celui des Normands.
ANTILLES
4

5 0 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
— L a Compagnie d u Levant construit une raffinerie
à Marseille. Elle est autorisée trois ans plus tard à intro-
duire cinquante milliers de sucre en p a y a n t 8 1. au lieu
de 22. Elle obtient des facilités pour le transit vers la
Savoie, la Suisse et l'Allemagne. Les huiles, les savons
et les fruits de Provence servent de monnaie d'échange
aux Antilles. En 1695, la raffinerie est à son apogée.
1672, 26 janvier. — On fait passer aux îles pour leur défense
six compagnies — portées à 8 en 1680 — de troupes déta-
chées de la marine. Ce régime dura jusqu'en 1763.
— 10 novembre. — Ordonnance d u roi introduisant
la monnaie métallique dans les colonies, afin d e mettre
un terme aux contestations sur la qualité des sucres
employés au paiement des marchandises.
1673. Admission aux Iles des viandes étrangères.
— 11 novembre. — Le roi accorde à la Compagnie d u
Sénégal un privilège pour la traite des noirs aux Antilles.
1674. Le Monopole d u tabac est établi en France.
La cherté des nègres de traite française entraîne la
cherté du tabac français que le tabac d e Virginie et d u
Maryland, approvisionnées en nègres à meilleur c o m p t e ,
concurrence victorieusement. Le prix d u tabac t o m b e
en Europe de 30 et 40 s. la livre à 5 sols. Aussi dès 1680
la culture d u tabac aura à peu près disparu de la Marti-
nique (sauf au Macouba).
— décembre. — L a Compagnie ne p o u v a n t subvenir
aux frais des guerres maritimes dans lesquelles la poli-
tique d u roi l'avait engagée, son privilège est révoqué
et les colonies sont réunies à l'Etat. En dix années
d'existence, elle avait contracté 3.525.000 livres de dettes ;
son capital initial de 1.287.185 livres lui fut remboursé.

D E U X I È M E P É R I O D E : 1674-1763
Les Antilles réunies à la Couronne, Louis X I V et
Colbert éprouveront pour la nouvelle province — car
les Iles sont constituées en gouvernement et possèdent
Gouverneur général et Intendant — une véritable
tendresse paternelle : il n'est pas de soins qu'ils ne
prennent pour assurer sa croissance et son épanouisse-

ment. On verra à propos de chacune des colonies avec
quelle minutie ils s'intéresseront à leur peuplement,
à l'accroissement et à la police de la main-d'œuvre, à

l'enrichissement des espèces végétales et animales, au
progrès des cultures et à la multiplication des échanges,
enfin à la sécurité de possessions aussi précieuses et
si lointaines.

« La petite île de la Martinique et la Guadeloupe,
que les Français cultivèrent en 1635, écrit Voltaire
en 1753, fournirent les mêmes denrées que Saint-
Domingue. Ce sont des points sur la carte et des événe-
ments qui se perdent dans l'histoire de l'Univers, mais

enfin ces pays qu'on peut à peine apercevoir dans une
mappemonde produisirent en France une circulation
annuelle d'environ soixante millions de marchandises. »


52 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
E t , en effet, grâce à ces atomes géographiques, la France
réussira à s'emparer du monopole des sucres, à vaincre
les Hollandais et les Anglais non seulement sur le
marché des Antilles, mais par toute l'Europe.

Les sucres de toutes qualités, le cacao, le tabac,
l'indigo, le rocou, le coton, les cuirs, plus tard le café,
affluent chaque année en quantités plus fortes à Nantes,
à La Rochelle, à Bordeaux, à Marseille m ê m e , jusque
dans les ports secondaires, d'où ils repartent par mer
vers les pays du Nord et de l'Est, vers le Levant qui

fournissait jadis le sucre, à moins qu'ils ne remontent
la Loire ou le courant du Rhône pour gagner les pro-
vinces les plus éloignées de la côte et atteindre parfois
l'Italie et l'Allemagne du Sud.

Pour leur transport, les fleuves se couvrent de cha-
lands et les routes de charrois, les raffineries et les manu-
factures se lèvent sur leur passage ; toute une multitude

d'hommes tirent leur vie d'une industrie nouvelle et
d'un commerce qui se ranime, la bourgeoisie des villes
maritimes s'enrichit, des quartiers luxueux se cons-
truisent autour des principales cités de négoce : l'or
blanc des Antilles coule à flot sur la France comme autre-
fois sur l'Espagne l'or rouge du Pérou.

Le commerce des Iles-à-Sucre est devenu le « trône »
de tout le commerce du R o y a u m e . « Il a la plus grande
influence sur notre agriculture et nos productions,
écrivent les Nantais au Chancelier, tant par l'exporta-
tion qu'il favorise que pour la subsistance et les besoins

des colons, de farine, vins, eaux-de-vie, lins, chanvres,
charbons, bois, merrains, feuillards, fer, plomb, légumes,
etc... que par la consommation immense des étrangers

de tous les pays et de toute condition, que ce commerce

1674-1763
53
attire dans le royaume ; enfin par l'enlèvement que
font du superflu de nos sels, vins et eaux-de-vie une
multitude de navires des autres nations que les denrées

de nos colonies appellent dans nos ports ».
Pendant tout le XVIIIe siècle le commerce colonial
constituera, pour prendre l'expression du marquis de
Mirabeau, « la pomme de discorde entre les Nations »,
chacune s'efforçant de s'emparer des possessions de sa
rivale ou plus simplement des richesses dont celles-ci
étaient la source. Les escadres de guerre ouvrent aux
convois marchands de véritables voies triomphales ;
l'Exclusif ou Pacte Colonial devient la forme des

égoïsmes nationaux et la puissance gouvernementale
se tient au service du Commerce, totalement. Cedant
Arma Lucro.

« Un bon traité de commerce, écrit d'ailleurs en 1697
le Roi à ses plénipotentiaires, vaut mieux que l'acqui-
sition de quelques places fortes » : la Victoire brandit
désormais le caducée. A cet égard, ce sont encore les
Antilles qui apparaissent comme un des enjeux les
plus prisés. A u cours des préliminaires de Ryswick,
d'Utrecht, d'Aix-la-Chapelle, de T a r i s , les négociateurs
se cèdent mutuellement les Iles comme les joueurs des

jetons pour marquer leurs succès ou égaliser leurs parts.
Saint-Christophe, Tabago, Trinité, Porto-Rico, la Gre-
nade, la Dominique, Saint-Vincent, changent de pavillon
au gré des événements d'Europe ; la Martinique, la

Guadeloupe et Saint-Domingue jamais. Ces possessions
sont trop précieuses à leur métropole pour qu'elle
consente à les abandonner : en 1763 Choiseul préférera
céder le Canada que de perdre les deux Iles du Vent.

Que feraient les villes maritimes qui trafiquent dans

54 M A R T I N I Q U E . G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
nos îles, interrogeaient les planteurs, sans le commerce
des Petites Antilles ?

E t Jean-Baptiste Dubuc avait le droit d'écrire un
peu plus tard : « A l'aspect de tous les ports de France,
le cultivateur d'Amérique peut dire : c'est par moi que
ces ports ont été créés, c'est à mes dépens que ces
fortunes immenses et promptes de nos échangeurs ont
été élevées... ; sans mon industrie, sans mon courage...,

ces villes, ces ports n'existeraient point et l'herbe
croîtrait encore où de magnifiques édifices annoncent

l'opulence de ceux qui les habitent et l'utilité des
colonies, qui seules ont amené cette opulence sur des
rives autrefois désertes et misérables ».

La France du XVIIIe siècle est avant tout Puissance
des Antilles. Ses armées combattent en Allemagne,
mais ses victoires s'inscrivent en Amérique : c'est en

Hanovre et sur l'Elbe ou l'Oder, comme l'avouera N a p o -
léon, que la faiblesse de notre marine nous oblige à
conquérir les « Indes ».

Les diplomates et les négociants, les grands seigneurs
à l'affût d'un gouvernement, n'ont pas seuls les yeux
tournés vers les colonies et les Iles-à-Sucre en parti-

culier. Les Économistes aussi, en quête d'une expli-
cation des grandes perturbations qui ont agité l'Europe
depuis 1492, et soucieux d'enseigner aux Nations la
vraie « manière de devenir riche », aperçoivent dans le
développement des établissements antillais une cause
efficace. Les mines du Mexique et du Pérou avaient
engendré des troubles monétaires fertiles en consé-
quences de tous ordres, les plantations de l'Archipel

et des États du Nord n'auraient-elles pas joué dans
:
l'économie de la France et de la Grande-Bretagne

1674-1763
55
un rôle aussi déterminant que l'or et l'argent dans
l'histoire de l'Espagne ? La première École économique
qui ait existé, celle de Quesnay et de ses amis — dont
le plus éminent, Le Mercier de la Rivière, sera intendant
des Iles du Vent de 1759 à 1764 — découvre dans le
fait antillais une première confirmation de ses hypo-
thèses.

De leur côté, les publicistes entrevoient dans le
régime des Iles et de l'Amérique du Nord la préfiguration
du gouvernement qu'ils appellent de leurs v œ u x . « E n
examinant seulement les colonies, qui se sont établies

dans ces derniers temps, écrit explicitement le marquis
de Mirabeau, et considérant celles où l'agriculture et
la population ont fait les progrès les plus rapides,
on découvrirait aisément par l'inspection des moyens
connus, des formes et des lois de ces nouveaux établisse-
ments, quelle est la nature du meilleur gouvernement
quant à la formation des sociétés, nature prouvée par
les succès mêmes de ces colonies ».

Or, les Antilles, qui avaient si bien réussi, jouissaient
de franchises et de libertés qui les constituaient en
véritable asile pour tous ceux qui fuyaient la régle-
mentation de la métropole. On n'y connaissait ni la

vénalité des offices, ni les corporations ; chacun pouvait
en principe accéder aux magistratures et s'adonner à

l'activité qui lui convenait. On y échappait surtout
aux impositions sous lesquelles succombaient les rotu-
riers de la métropole : point de taille, peu de corvées,
rien que des subsides octroyés par les habitants

consultés.
Un tel régime avait favorisé chez les Planteurs une
insubordination native et un goût prononcé de l'indé-

56 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
pendance. Leur Conseil Supérieur, dont la fonction
n'était autre que celle de ces petites Cours qui existaient
en Alsace et en Roussillon, aimait à se prévaloir de
sa compétence en dernier ressort pour se parer du

titre de Conseil Souverain et, jouant sur le terme, pré-
tendre à un véritable pouvoir législatif. Le Roi s'était

maintes fois opposé à une pareille titulature et l'avait
expressément condamnée, mais l'aristocratie sucrière
nourrissait des projets d'autonomie trop manifestes
— voir l'insurrection de 1717 conduite par les Dubuc —
pour qu'une politique de douceur et d'habileté ne

s'imposât pas. Dans les moments de crise les plus
graves, à la fin de la guerre de Succession d'Espagne
comme au cours de la guerre de Sept ans, les adminis-
trateurs témoignent sur le terrain de la fiscalité d'une
incroyable timidité lorsqu'on songe aux pratiques mises

en honneur dans la métropole. La Cour préférera affron
ter les pires difficultés financières plutôt que d'accorder

à la colonie l'Assemblée et le Syndic Général qu'elle
ne manque pas de réclamer en semblable occasion.

Le Ministre se sent peu à l'aise en face de sujets
aussi hardis. E t , de fait, les Planteurs sont dans la pre-
mière moitié du XVIIIe siècle à l'apogée de leur puissance,

de leur richesse : il faut compter avec de tels seigneurs.
L'institution servile sur laquelle se fonde leur fortune
n'est pas encore sérieusement discutée, ni ébranlée ;
les crédits consentis par les armateurs d'Europe ont

forgé une chaîne qu'ils ne sentent pas encore.
La question de l'esclavage et la question des dettes
ne se poseront que dans la période suivante, au cours
de laquelle les solutions révolutionnaires finiront par
l'emporter sur les réformes pacifiques.


1674-1763
57
E n dépit des difficultés que l'on sentait poindre aux
Iles dans tous les domaines, le Gouvernement ressentit
leur perte dans les dernières années de la Guerre de
Sept Ans avec une émotion non dissimulée. « N'est-il
pas aussi humiliant que mortifiant d'imaginer que la
perte de la Martinique ferait passer entre les mains des
Anglais un commerce de 70 millions, ce qui fait plus
des deux tiers de leurs dettes nationales ? » s'écriait
le Ministre d'Etat Puysieulx au Conseil du 17 mars 1760.

« M. le Duc de Choiseul a fait sentir les funestes
conséquences qui résulteraient de la perte de cette
isle importante, déclarait à la même occasion le ministre
de la Marine, si les Anglais s'en étaient rendus maîtres
lors de la négociation de la Paix. »

E t c'est bien pour éviter le retour d'une pareille
éventualité autant que pour lier les efforts de la diplo-
matie espagnole et de la diplomatie française au cours
des futurs préliminaires de la Paix, que Choiseul tra-
vaillait à la conclusion du Pacte de Famille. Tous les
documents se rapportant à cet Acte important démon-
trent que l'arrière-pensée constante du Ministre consis
tait dans l'établissement d'une alliance maritime, c'est-

à-dire d'une alliance coloniale.
« Je ne sais pas si l'on est bien persuadé en Espagne,
écrivait-il le 14 novembre 1760 à son ambassadeur, qu'en
l'état actuel de l'Europe ce sont les colonies, le commerce

et par conséquent la puissance maritime qui doivent
emporter la balance du Pouvoir sur le continent. La
Maison d'Autriche, la Russie et le Roi de Prusse ne
sont que des puissances de second ordre, ainsi que celles

qui ne peuvent faire la guerre que lorsqu'elles sont sub-
sidiées par les puissances commerçantes »...


58 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
E t dans ces Instructions au comte d'Ossun du 27 jan-
vier 1761 :
« Si le roi d'Espagne veut consolider son union avec
la France par un nouveau traité de commerce et défen-
sif entre les deux Couronnes, le Roi portera tous ses
efforts à la paix dans la partie maritime afin d'être
utile à un allié qui lui est aussi cher que l'est Sa Majesté
Catholique ».

Les Iles du Vent ont donc pesé de tout le poids de
leur richesse dans la signature de deux actes interna-
tionaux d'une importance capitale pour la France :
le Pacte de Famille et le Traité de Paris.

E t l'on comprend que dans son vaste tableau histo-
rique l'abbé Raynal ait pu donner à sa pensée une forme
aussi affirmative — ce sera notre dernière citation :

« Les colonies ont élevé les nations qui les ont fondées
à une supériorité d'influence dans le monde politique,
et voici comment : l'or et l'argent qui forment la cir-
culation générale de l'Europe viennent du Mexique,
du Pérou et du Brésil. Ils n'appartiennent pas aux

Espagnols et aux Portugais, mais aux peuples qui
donnent leurs marchandises en échange de ces métaux.
Ces peuples ont entre eux des comptes qui en dernier

résultat vont se solder à Lisbonne et à Cadix qu'on peut
regarder comme une caisse commune et universelle.

C'est là qu'on doit juger de l'accroissement ou de la
décadence du commerce de chaque nation... Celle qui
a plus vendu aux autres nations qu'elle n'a acheté

d'elles ne retire pas seulement ce qui lui est dû par
l'Espagne et le Portugal, mais encore ce que lui doivent
les autres nations avec lesquelles elle a fait des échanges.

Ce dernier avantage est spécialement réservé aux peuples

1674-1763
59
qui possèdent les isles. Ils voient grossir annuellement
leur numéraire par la vente des riches productions
de ces contrées et cette augmentation du numéraire
assure leur prépondérance, les rend arbitres de la Paix
et de la Guerre... »

1675. L e monopole d u commerce continue au profit de
l ' É t a t , mais au détriment des particuliers ; le commerce
avec l'étranger reste interdit, d'où développement d u
commerce interlope.
— L e R o i autorise les Nantais à introduire les sucres
raffinés dans le royaume à condition de payer au Bureau
d'Ingrande 18 l. par quintal de sucre royal et 17 l. par
quintal d e sucre raffiné ordinaire.
1676. Bordeaux envoie autant de navires que Nantes à la
Martinique.
1677. Charles Louis de Courbon, comt e de Blénac, succède
au marquis de Baas au gouvernement général des îles.
(Il mourut à la Martinique en 1696 et fut enterré dans
l'église de F o r t - R o y a l ) . Blénac fut le principal artisan
de la construction d u Fort et de la ville de F o r t R o y a l ;
il dota la colonie d'un réseau routier, se préoccupa de sa
mise en valeur et assura sa défense.
— 20 février. — D'Estrées détruit la flotte de l'amiral
hollandais Binkes à T a b a g o , mais il ne peut prendre la
Colonie.
— 9 décembre. — Ordonnance prescrivant d'appliquer
de meilleurs traitements aux engagés.
— 29 décembre. — D'Estrées enlève Tabag o au x H o l -
landais, mais les Français ne commencèrent à l'occuper
effectivement qu'en 1728.

6 0 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1678, 10 août. — Traité de Nimègue entre la France et la
Hollande. La France conserve T a b a g o .
— 7 novembre. — Règlement fixant le taux de salaire
journalier de chaque engagé.
1679, 25 mars. — Arrêté annulant le traité fait avec Jean
Oudiette, fermier du domaine d'Occident, par lequel il
était obligé d'introduire aux îles pendant quatre ans
800 nègres des côtes d'Afrique.
— 1er avril. — Création d'un intendant de justice,
police, finances et marine, résidant à la Martinique et
ayant juridiction sur toutes les îles ; le pouvoir civil
est institué à côté d u pouvoir militaire. Patoulet fut
le premier intendant.
— 12 août. — Le Conseil supérieur de la Martinique
demande au roi d'envoyer 100.000 écus d'argent m o n n o y é ,
afin d'abolir l'usage de stipuler en sucre. — Cette demande
n'est pas prise en considération ; la question du numéraire
restera pendant longtemps l'une des plus difficiles à
résoudre.
— Blénac a l'idée de conclure un traité de paix perpé-
tuelle avec les gouverneurs des îles anglaises ; le roi approuve
le projet (1680), qui cependant échoue.
1680, Le roi interdit à M. de Blénac de faire la guerre aux
Caraïbes de Saint-Vincent.
— Les appointements des gouverneurs sont ainsi
fixés : la Martinique, 64.000 livres de sucre ; Guadeloupe,
36.000 ; Saint-Christophe, 64.000 ; Sainte-Croix, 30.000 ;
Marie-Galante, 5.000 ; Saint-Barthélemy et Saint-Martin,
5.000
Le sucre à cette époque valait 5 à 7 francs le cent.
— Colbert abolit tous les règlements de fabrication
et toutes les taxes concernant les sucres.

1674-1763
61
— A partir de cette date (1680), plus de cent vaisseaux
marchands se rendent annuellement aux Iles. D i x ans plus
tard, on en c o m p t e 200 « depuis environ 100 jusques à
300 tonneaux, qui occupent plus de 7.000 matelots »,
alors qu'en 1664 la navigation au long cours était c o m p l è -
tement déchue.
1681. Les marchandises françaises ne peuvent être intro-
duites aux Antilles que par navires français.
Un arrêt d u roi interdit la sortie du royaume des sucres
bruts.
1682, 18 août. — Arrêt relevant de 4 à 8 l. le droit d'entrée
en France pour le quintal de sucre raffiné aux Iles. Néan-
moins le marquis d'Angennes Maintenon, venu s'établir
à la Martinique après avoir vendu son marquisat à d ' A u b i -
gné, ouvre à Saint-Pierre deux raffineries d o n t l'une
prendra rapidement une extension considérable.
1683, 6 septembre. — Mort de Colbert.
— 30 septembre. — Ordre du roi de chasser dans le
délai d'un mois tous les Juifs des colonies françaises.
Cet ordre fut exécuté.
1684, 21 janvier. — L a création de toute nouvelle raffinerie
est interdite aux Iles. Les habitants imaginent alors
de « terrer » le sucre, procédé inventé par le colon Martin
Le Fol pour blanchir sans raffiner.
— septembre. — Arrêt rendant la liberté de sortie au x
sucres bruts et créant en faveur des raffineurs une prime
à l'exportation de 9 1. 15 s. par quintal.
1685, mars. — Edit touchant la police des îles de l'Amérique
française, appelé le Code Noir.
— Les colonies sont interdites aux Protestants. Cette
mesure précède de six mois la révocation de l'Edit d e
Nantes.

6 2 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
— 24 août. — En vue de protéger la multiplication
des bestiaux, une ordonnance punit de 1.000 l. d'amende
quiconque abat une génisse o u une vache portante.
Cet acte reprenait un texte d u 5 juin 1679.
— La population des Iles s'élève à 52.000 âmes se
répartissant ainsi :
15.194 âmes à la Martinique.
11.149 — à la Guadeloupe.
10.269 — à Saint-Christophe.
992 — à Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
587 — à la Grenade.
2.296 — à Marie-Galante et Sainte-Croix.
800 — à Cayenne.
10.000 — à la Tortue et à Saint-Domingue.
La population noire s'augmentait tous les ans de 2 à
3.000 individus.
— Début des relations entre Nantes et les pays d u
Nord (Dantzig, Kœnigsberg, Riga, etc...), grâce aux retours
des îles (sirops et sucres).
Quarante ans plus tard Nantes envoie dans ces pays
des quantités considérables de produits antillais. Par
Hambourg, où sont installées trente raffineries, elle atteint
les marchés russes et finlandais.
1685-1688. Transportation aux Iles de « religionnaires »
des Cévennes et de Lorraine.
1686, 30 septembre. — Ordonnance édictant que le nombre
des engagés devra être égal à celui des esclaves travaillant
sur les propriétés. Elle ne p u t être appliquée.
— 16 novembre. — Traité de Londres entre la France
et l'Angleterre. Les deux pays s'engagent à ne pas c o m -
mercer avec les colonies de l'autre. Cet acte avait égale-
ment pour objet de soustraire les possessions d'outre-mer

1674-1763
6 3
aux vicissitudes de la politique européenne en établissant
une véritable neutralité coloniale. On consacrait ainsi
inconsciemment les velléités d'autonomie.
— 31 décembre. — L e recensement de la Martinique
accuse une population totale de 16.553 habitants, d o n t
5.019 blancs, 119 Caraïbes, 314 mulâtres et 11.101 noirs.
1688, novembre. — Le roi édicte que toutes les prises faites
dans les tropiques devront être amenées et vendues à
la Martinique ; — ce qui constitue au profit de cette île
une situation privilégiée qui durera jusqu'en 1759.
1690. D e Gémosat est n o m m é gouverneur de la Grenade.
1692. Un édit de janvier rétablit une ferme d u café, d u
thé, d u cacao et de la vanille, à l'imitation de celle d u
tabac. Un prix m a x i m u m était fixé à 4 francs la livre
de cacao, et 6 francs celle de chocolat, à 18 francs le
paquet de 50 brins de vanille. Les denrées devaient entrer
par Rouen et Marseille. Ce monopole fut supprimé l'année
suivante, sur les protestations des épiciers qui offraient
de payer en échange tels droits de douane qui convien-
draient au R o i .
1694. Le prix d u sucre t o m b e de 10 livres à 3 livres.
Le roucou valait à la Martinique 20 sols la livre, il avait
valu jusqu'à 30 et était t o m b é à 7. L'indigo se vendait
entre 3 et 4 livres la livre.
1695. L'intendant R o b e r t reçoit l'ordre de détruire toutes
les raffineries.
1696, 26 septembre. — Règlement d u Conseil d'Etat pres-
crivant de mettre en culture dans les six mois les terres
déjà concédées et n o n mises en valeur.
1697, 20 septembre. — Le traité de Ryswic k confirme la
France dans la possession de « la partie la plus belle et

6 4 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
la plus fertile de l'île, la plus belle et la plus fertile des Indes
occidentales et peut-être du monde », de Saint-Domingue.
Il restitue à chaque belligérant sa situation coloniale
de 1688. Le tarif de 1667 est annulé en faveur de la H o l -
lande. On vient d'ailleurs de découvrir que par leur
incidence les droits d'entrée frappent les sujets du R o i .
Pour la première fois aussi, d u côté français, le souci
économique l'emporte sur les considérations militaires :
« la restitution de quelques places est moins importante
qu'un bon traité de commerce ».
— Les relations commerciales entre le Canada et les
Iles commencent à être plus suivies.
1698, 5 mars. — Le gouvernement revient à la politique
des engagés. Un Arrêt du Conseil d ' E t a t oblige les capi-
taines de vaisseau à transporter de nouveau des travail-
leurs blancs.
— 20 juin. — Le droit d'entrée en France sur les sucres
bruts est abaissé de 1 l., tandis que le droit sur les sucres
terrés est élevé de 8 l. à 15 l. et que les sucres raffinés
sont traités c o m m e s'ils étaient d'origine étrangère (le
droit de 8 l. est élevé à 22 l. 50).
La raffinerie du Mouillage de Saint-Pierre est obligée
de fermer ses portes.
La raffinerie de Dunkerque est autorisée à exporter
des sucres à l'étranger.
— 20 août. — Edit rendant plus strict le régime des
prohibitions commerciales et en aggravant les sanctions.
— L'ambassadeur de Louis XIV à Madrid reçoit
mission de demander le droit pour les colonies françaises
de commercer librement avec les possessions espagnoles.
— Le prix d'un nègre valait cette année 425 francs,
le sucre brut valait 7 livres 15 sols le quintal. — Deux ans

1674-1763
65
après, en 1700, le sucre terré se vendait de 36 à 44 l.,
le sucre brut 12 livres. Une habitation valant de 350 à
400.000 francs rapportait 90.000 francs.
— Rouen possède 14 raffineries. Angers, Saumur,
Tours, Orléans en possèdent également.
1699, 4 mars. — Le roi publie une nouvelle ordonnance pour
le règlement du commerce et des îles et colonies fran-
çaises de l'Amérique. — Défense de transporter en A m é -
rique des espèces d'or et d'argent.
— 8 avril. — Ordonnance reportant a 36 mois la durée
des engagements avec obligation d'avoir un engagé par
vingt esclaves.
1700. L a Hollande frappe les sirops et les tafias français
d'un droit qui restreint leur débit dans ses colonies et
dans la métropole.
— Une raffinerie est installée à Nîmes.
1701, 27 août. — Traité de l'Asiento entre les rois de France
et d'Espagne, pour la fourniture par les Français de nègres
dans les Indes espagnoles.
1702. La guerre ayant repris en Europe, le ministre de la
Marine écrit le 6 septembre 1702 au gouverneur général
Machault d'essayer de conclure un traité de neutralité
avec les gouverneurs anglais des îles d'Amérique.
1703. Les Etats de Languedoc décident la création d'une
raffinerie à Sète. Celle-ci passait en 1717 pour « une des
plus c o m m o d e s et des plus grandes qu'il y ait en Europe ».
Les propriétaires arment eux-mêmes des navires pour le
transport des draps languedociens et le retour des sucres
antillais.
— Les manufacturiers de Lille demandent le droit de
s'approvisionner en coton et en indigo des îles.
ANTILLES 5

6 6 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1705, 29 novembre. — En raison de la pénurie des vivres
provoquée par la guerre, les colonies sont autorisées à
s'approvisionner dans les îles voisines, amies ou ennemies.
— Les nobles qui épousent des mulâtresses sont déclarés
déchus d e leurs titres.
— Ordonnance réglant les peines à infliger aux nègres
et mulâtres libres, qui permettent aux nègres marrons
de se retirer chez eux.
1708. Des mesures officielles sont prescrites pour combattre
la fièvre jaune devenue trop fréquente.
— novembre. — Des Français commandés par Coullet
chassent les Anglais de Saint-Vincent avec l'appui des
Caraïbes.
1710. Le roi accorde des passeports au x navires étrangers
pour approvisionner nos îles que la guerre prive à peu
près de toute subsistance.
1711. D e v a n t le n o m b r e croissant des affranchissements,
des restrictions sont apportées à la libération des esclaves.
1713, 11 avril. — A la suite de la paix d'Utrecht, la France
et l'Angleterre signent un traité d e commerce par lequel
est garanti le débouché des sucres et le ravitaillement
des Iles en chairs salées.
— Le gouverneur général Phélypeaux propose de per-
mettre la saisie des nègres, jusqu'alors interdite, pour éviter
l'arrêt des sucreries. Cette proposition sera reprise en 1720
par les administrateurs Feuquières et Bénard, et en 1762
par Le Mercier de la Rivière. L e Ministre refuse, mais on
distinguera en fait les « nègres de jardin », employés à la
plantation, pour lesquels l'interdiction sera maintenue,
et les « nègres domestiques » à l'égard desquels la saisie
devient possible.

1674-1763
67
Interdiction d'importer en France des sirops et
tafias des colonies, pour ne pas faire tort aux eaux-de-vie
fabriquées en France.
— Les Hollandais offrent à Louis XIV un plant de
caféier, dont un rejeton sera transporté plus tard à la
Martinique par Gabriel de Clieu.
1714. Saint-Domingue est distrait d u gouvernement général
des Antilles et constitue avec ses dépendances le gouver-
nement général des Iles Sous le V e n t .
1715. Les administrateurs Duquesne et Vaucresson laissent
s'établir entre les Iles et les colonies étrangères un trafic
portant sur les sirops et les tafias auxquels la France n'offre
aucun débouché. En vue de diminuer leurs frais d'exploi-
tation, les planteurs étaient en quelque sorte astreints
à tirer parti de ces sous-produits de la fabrication des
sucres. L a querelle qui s'instaure à ce sujet ne sera tranchée
qu'en 1765. Les administrateurs coupables sont révoqués
et remplacés par MM. de la Varenne et Ricouart.
Entre 1715 et 1 7 2 0 . L'usage de la houe est substitué à
celui de la charrue pour la culture des terres. On ne revien-
dra à la charrue qu'après l'affranchissement des esclaves
en 1848.
1716, 4 février. — Règlement renouvelant l'obligation
pour les capitaines de navires allant aux îles d'emmener
un certain nombre d'engagés.
1717. Feuquières, gouverneur de la Grenade, est nommé
gouverneur de la Guadeloupe, puis gouverneur général.
— Autorisation d'exporter à l'étranger les sucres
antillais, après entrepôt en France.
— avril, — Lettres patentes instituant aux Antilles
un régime de liberté relative. 13 ports sont affectés

6 8 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
au commerce colonial. Les marchandises françaises des-
tinées aux colonies peuvent sortir d u royaume sans payer
de droits ; il en est de même des marchandises étrangères
entrées dans le royaume et ayant déjà payé les droits.
Les denrées coloniales introduites en France ne payent
que des droits modérés, et si elles sont destinées à l'étran-
ger, elles peuvent être entreposées moyennant un droit
de trois pour cent.
1718. Le régent, qui jusqu'alors avait négligé Sainte-Lucie,
entreprend d'en faire une succursale de la Martinique.
Il en donne la concession au maréchal d'Estrées, gouver-
neur de Nantes, et l'administration au gouverneur de la
Guadeloupe.
Vers 1718. Obligation pour les commandants de navires
d'embarquer par voyage à titre d'engagés de 3 à 6 per-
sonnes, âgées de 18 ans au moins et 40 au plus.
1719. Le régent donne ordre de cesser toute installation
à Sainte-Lucie.
— 12 mai. — Ordonnance obligeant les capitaines de
navires à transporter aux îles des vagabonds condamnés
aux galères pour y servir pendant cinq ans en qualité
d'engagés. Les planteurs signalent le danger de ces
déclassés.
— 17 novembre. — Il est interdit aux gouverneurs
d'avoir des propriétés dans les colonies.
1720. Les administrateurs Feuquières et Bénard autorisent,
c o m m e leurs prédécesseurs, le trafic des sirops avec les
colonies étrangères.
— décembre. — On frappe pour les îles une monnaie
particulière, mais on continue d'exiger en sucre l'impôt
de capitation fixé en principe à 50 kgs par tête d'es-

1674-1763
69
claves, sauf exceptions totales ou partielles assez n o m -
breuses.
— 27 décembre. — Les sucres achetés au m o y e n des
cargaisons de nègres sont exemptés de la moitié des
droits.
— Les pertes éprouvées au cours de l'application d u
système de L a w obligent les planteurs, qui avaient pris
l'habitude de résider la plupart d u temps en France,
à revenir aux îles pour surveiller de plus près leurs inté-
rêts et leurs propriétés. — Il en résulte rapidement une
prospérité plus grande, mais aussi une application plus
stricte des conditions du travail, ce qui provoque en 1726
des soulèvements sur plusieurs habitations.
1721, 6 août. — Le Conseil de Marine interdit le surhausse-
ment de la monnaie dans les îles du Vent.
1722-1723. Les Anglais tentent une occupation privilégiée
de Sainte-Lucie (décembre 1722). Sur des représentations
du gouverneur de la Martinique, obéissant à des instruc-
tions préalables de notre gouvernement, ils quittent l'île
le 8 janvier suivant. — Les Anglais tentent alors, mais
sans succès, une occupation de Saint-Vincent sur les
Caraïbes.
La querelle au sujet de Sainte-Lucie dura jusqu'en 1755.
1722, 3 août. — Déclaration du roi sur l'époque de la mise
en valeur des concessions : un tiers dans les trois premières
années, un autre tiers les années suivantes, le troisième
tiers réservé.
— Les droits d'entrée perçus en France sur les denrées
des Iles d u Vent s'élèvent à 2.500.000 l. par an.
— Le P. Labat publie son Nouveau Voyage aux Isles
d'Amérique en six volumes.

70 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
— 28 décembre. — L'usage s'étant introduit que les
capitaines de navires négriers offrissent aux gouverneurs
un prélèvement par chaque cargaison de 10 nègres au
prix de 300 livres, alors que le prix réel était d'un millier
de francs, — pour parer sans les supprimer pourtant aux
abus qui en résultaient, le roi rend une ordonnance en
vertu de laquelle les capitaines ne seront plus tenus de
payer que deux pour cent sur leur cargaison, soit un pour
cent au gouverneur, un demi à l'intendant et l'autre demi
au gouverneur particulier.
1724, 18 mai. — Ordonnance royale traitant des mesures
à prendre pour prévenir les empoisonnements par les
esclaves, devenus plus fréquents depuis quelques années.
— 11 septembre. — Ordonnance sur la voierie, qui
demeurera en vigueur jusqu'à la fin de l'Ancien Régime.
Elle distingue les chemins royaux ou publics, les chemins
particuliers et les chemins de communication.
1726. Le roi valide le m o d e de partage des successions aux
îles, partage égal en valeur et non en nature, pour éviter
la division et la ruine des sucreries.
— Edit autorisant les colonies des Antilles à exporter
en Espagne, grande pourvoyeuse d ' o r , toute espèce d e
marchandises y compris les sucres, sauf les bruts réservés
aux raffineries d u royaume.
1726-1738. La classe des mulâtres commençant à devenir
assez nombreuse pour inspirer de l'inquiétude aux blancs,
on les déclare inhabiles à hériter des blancs (1726), on
leur défend de porter les mêmes noms que les blancs
(1733), on leur interdit le territoire de la métropole
(1738).
1727. D u p o y e t , gouverneur de la Grenade, est n o m m é
gouverneur de la Guadeloupe.

1674-1763
71
— octobre. — Edit rétablissant aux colonies un régime
de prohibition absolue. Toutefois l'importation des viandes
salées étrangères est autorisée, à condition qu'elle se
fasse par navires français. Il est également permis aux
navires français de porter directement en Espagne le
sucre raffiné des Antilles.
Est condamné a u x galères tout individu coupable
d'avoir introduit des nègres ou marchandises autrement
que par navire français.
— Ordonnance généralement connue sous le n o m de
Lettres patentes de 1727, établissant une sévère et minu-
tieuse répression d u « commerce étranger » que le traité
de neutralité de 1686 avait favorisé. Les Anglais useront
de représailles.
1729. Sur les instances de la Compagnie des Indes orientales,
Maurepas interdit la culture d u café aux Iles d u Vent.
Les colons continuent néanmoins et l'année suivante
exportent en France les premiers sacs.
1731. Autorisation du trafic direct avec l'Irlande, le Cap
Vert et le Danemark, d'où les Iles tirent les viandes salées
d o n t se nourrissent les esclaves. Cette autorisation est
renouvelée en 1741.
1732, 27 septembre. — Déclaration du R o y autorisant l'en-
trepôt du café dans les ports métropolitains de l'Atlantique
et de la Manche en vue de leur exportation dans les pays
étrangers.
1732-1733. Les Anglais et les Français cherchent mutuelle-
ment par des moyens détournés à s'assurer la possession
des îles Sainte-Lucie, Saint-Vincent et la Dominique,
— surtout celle de Sainte-Lucie où plusieurs de leurs
nationaux sont installés, contrairement aux prescriptions
de leurs gouvernements respectifs.

72 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1733. La France cède Sainte-Croix au Danemark pour
738.000 francs ; nous n'occupions plus en fait cette île
depuis trente ans.
1734. Larnage, gouverneur de la Grenade, est n o m m é
gouverneur de la Guadeloupe.
1735. A partir de cette date, l'impôt de capitation est payé
exclusivement en argent : il est de 6 livres.
1736. Le numéraire manquant aux îles ou y étant p r o m p -
tement accaparé, il est décidé que les capitaines de navires
venant de France seront tenus de vendre leurs marchan-
dises contre des denrées des îles propres à être écoulées
en France, à des prix non plus imposés, mais débattus
de gré à gré. Afin de se libérer, s'il était nécessaire, des
exigences de commerce métropolitain et de parer aux
causes de disette, le gouverneur, M. de Champigny,
ordonne de planter, entre autres cultures, le plus possible,
25 pieds de bananiers par tête d'esclaves (7 septembre).
— 29 mai. — Les cafés provenant de nos colonies sont
autorisés à pénétrer en France moyennant certains droits,
en concurrence avec la Compagnie des Indes qui avait
seule le droit d'en importer. L'excédent d'importation
pourra être entreposé pendant six mois avant de passer
à l'étranger. — A la suite de cette mesure, la culture du
café se développe rapidement aux Antilles.
— Un violent tremblement de terre est cause des plus
grandes pertes à la Martinique et à la Guadeloupe.
1737, 16 mai. — Ordonnance dispensant les capitaines de
transporter des engagés, et leur prescrivant de porter
à leur place les soldats nécessaires à la sécurité des îles.
1738. L'introduction des esclaves des Antilles en France
étant interdite, elle est cependant tolérée pour permettre

1 6 7 4 - 1 7 6 3
7 3
un apprentissage ouvrier, sans que cet apprentissage
doive dépasser trois ans ; un règlement royal d u 15 d é -
cembre fixe les conditions de cet apprentissage.
1744. L a France et l'Angleterre se déclarent mutuellement
la guerre les 17 et 29 mars. Dès le d é b u t des hostilités,
les Anglais capturent une quarantaine de bâtiments
français chargés de marchandises d'Europe. Les corsaires
français répondent par des prises à peu près équivalentes.
Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne pouvant être défen-
dues t o m b e n t au pouvoir des Anglais.
— 5 juin. — Champigny fait occuper Sainte-Lucie
par une compagnie conduite par de Longueville (8 juin).
Celui-ci est bientôt remplacé par de Beyne, envoyé
d'Europe.
1748, 28 octobre. — Paix d'Aix-la-Chapelle. Restitution
des conquêtes ; Saint-Vincent, la Dominique, Tabago et
Sainte-Lucie demeurent aux Caraïbes.
— Le Maréchal de Saxe demande la souveraineté de
Madagascar pour la coloniser avec des familles allemandes.
Le manque d'argent et de navires le détournent de cette
entreprise ; il se contente de Tabago, concédé en souve-
raineté relevant de la couronne.
1752. Bordeaux exporte au x îles pour plus de 5.500.000 1.
et en reçoit des denrées d'une valeur de 13.000.000 francs.
116 navires accomplissaient la traversée, 11 s'étaient
rendus en Guinée. De 1750 à 1758, cette ville gagne dans
son commerce avec l'étranger 194 millions de livres
tournois grâce aux denrées coloniales.
1754. Défense aux colons rentrant en France d'emmener
avec eux plus d'un nègre et obligation de le ramener à
leur retour, sous peine d'amende.

74 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1755. Après de longues contestations, la possession de
Sainte-Lucie nous est reconnue par l'Angleterre. De
Longueville en est n o m m é gouverneur ; il occupera ce
poste jusqu'à sa mort, en 1761.
1756. Les députés du Commerce à Paris proposent au
Ministre d'autoriser toutes les nations à faire le commerce
aux Iles jusqu'à ordre contraire. Les Chambres de C o m -
merce protestent. Le Ministre n'autorise que les navires
neutres munis de passeports. L'année suivante l'autori-
sation est étendue à tous les navires étrangers des colonies
voisines.
1757. Pendant la guerre de Sept ans, les Antilles privées
de subsistance tirent leur ravitaillement des colonies
hollandaises et espagnoles.
1758. Les Anglais s'emparent de la Guadeloupe.
— Les circonstances de la guerre obligent le gouverne-
m e n t à autoriser la libre introduction des viandes étran-
gères.
1759. 25 janvier. — Ordonnance des administrateurs accor-
dant pour quatre mois l'entrée sans droit et la sortie
de même à tous navires français et neutres apportant
des vivres dans les quatre ports principaux. Ils pouvaient
emporter les denrées diverses de l'Ile et non pas seule-
ment les sirops ou les tafias. Le Ministre autorise le
26 juillet une entière liberté de commerce pour les regni-
coles ou étrangers porteurs de comestibles et autres effets.
1759, juillet. — Edit de Création d'une Chambre mi partie du
Commerce et d'Agriculture aux Iles du Vent.
— 1 décembre. — Ordonnance accordant aux g o u -
e r
verneurs un traitement fixe en remplacement d u droit
de 2 % autorisé par l'Ordonnance de 1723. Il est accordé

1674-1763
75
au gouverneur un traitement de 150.000 livres et a
l'intendant 120.000. Par une autre ordonnance du même
jour, il est défendu aux gouverneurs d'épouser des filles
créoles.
1760, 15 a o û t . — Pacte de Famille, signé par les Maisons
de France et d'Espagne, puis par celles d e Naples e t d e
Parme. Il ébranle le système colonial en Amérique espa-
gnole, mais il assure l'union des Maisons de Bourbon pour
la protection de leurs possessions dans le Nouveau Monde,
les Antilles en particulier, dans l'état où elles se trouveront
lors de la paix générale. Le régime du traitement national
était accordé aux sujets des autres couronnes en matière
de c o m m e r c e , de navigation et d'établissement (art. 23-25).
L e Pacte créait d o n c une véritable union économique
entre les colonies de la France et de l'Espagne.
1761, 19 décembre. — Arrêt du Conseil d'Etat établissant
un Bureau de législation des Colonies. Il se transforme
rapidement en un bureau de contentieux.
— Election à la Martinique du premier député des
Iles en France : Jean-Baptiste D u b u c (1717-1795). Ce
créole, qui appartenait à l'une des principales familles
de la Martinique, connue pour ses sentiments « répu-
blicains », c'est-à-dire autonomistes, devait devenir en 1765
Premier Commis au Bureau des Colonies. Il joua c o m m e
tel aux côtés des ducs d e Choiseul et de Praslin un rôle
de premier plan.
1762, Les Anglais s'emparent de la Dominique.
1763, 10 février. — Traité de Paris.
La France recouvre la Martinique, la Guadeloupe,
Sainte-Lucie, Belle-Isle. Elle obtient le droit de pêche
à Terre-Neuve et Saint-Pierre et Miquelon. Elle perd le
Canada, l'Ile R o y a l e , la vallée de l'Ohio et celle du Mis-
sissipi, la Grenade et les Grenadines. Saint-Vincent, la

76 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
Dominique et Tabago demeurent îles neutres. Elle renonce
au Sénégal sauf Gorée. L'Espagne, pour reprendre la
H a v a n e , cède les Florides mais grâce au Pacte de Famille,
elle a reçu la Louisiane. Elle renonce au droit de pêche à
Terre-Neuve et reconnaît aux Anglais celui de couper le
bois de campêche sur les rives du Honduras, à charge de
détruire les fortifications. Elle perd aussi Minorque.
Elle restitue au Portugal ses possessions d'Amérique,
en particulier San Sacramento. L'Angleterre acquiert
de grands domaines, mais sa dette publique était passée
pour la défense de ses colonies de 74 millions de livres en
1739 à 132, et la mise en valeur de son empire colonial
devenait problématique.
A v a n t de conclure cette paix, trois thèses s'étaient
affrontées :
1° Obtenir la Guadeloupe en rétrocédant le Canada.
Les planteurs des îles anglaises espéraient s'assurer ainsi
le monopole d u commerce des sucres.
2° Garder le Canada en renonçant à la Guadeloupe.
3° Joindre au Canada toutes les Antilles françaises-
Benjamin Franklin avait soutenu la politique d'an-
nexion du Canada, réfutant l'allégation que les treize
colonies, lorsqu'elles ne se sentiront plus menacées par
le voisinage de la France, se rendraient indépendantes.
— 4 juillet. — M. de Bourlamaque, gouverneur, reprend
possession de la Guadeloupe, au n o m de la France. — Les
Anglais sont désintéressés des dépenses qu'ils avaient
faites dans l'île pour des constructions et travaux d'utilité
publique.
— 8 juillet. — Les Français reprennent possession
de la Martinique.

T R O I S I È M E P É R I O D E : 1763-1802
Lorsqu'en 1763 la Martinique et la Guadeloupe
furent restituées à la France après une courte occupa-
tion par les forces britanniques, le Gouvernement, qui
subissait depuis plusieurs années l'influence de la nou-
velle école physiocratique, décida de réformer de fond
en comble l'administration civile et militaire ainsi que
le régime commercial des deux Iles.

L'économiste Le Mercier de la Rivière, qui avait
assumé de 1759 à 1762 la tâche délicate d'Intendant
des Iles du Vent, fut renvoyé à Fort-Royal comme Inten-
dant de la Martinique aux côtés du marquis de Fénelon

nommé Gouverneur, tandis que le Président de Peynier
gagnait Basse-Terre en compagnie du Chevalier de
Bourlamaque : pour assurer le libre épanouissement de
la Guadeloupe le Gouvernement Général des Iles avait
été scindé en deux gouvernements particuliers afin
de supprimer le contrôle des commissionnaires de Saint-

Pierre sur l'ensemble du trafic des colonies jumelles —
et ceci marque une première offensive des habitants

débiteurs contre les négociants créanciers.
Tous ces administrateurs, hommes de grand savoir
et de grand caractère, étaient acquis au libéralisme et

78 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D E P E N D A N C E S
pour cette raison, semble-t-il, avaient été chargés
d'appliquer les lois nouvelles, dont les unes, d'ordre
politique, étaient inspirées des idées de Montesquieu
et les autres, d'ordre économique, reflétaient les idées
de Quesnay — lois à la rédaction desquelles ils avaient
assisté quand ils n'y avaient pas directement colla-
boré. Dès 1761, en effet, Choiseul avait créé à Ver-
sailles un Bureau de Législation des Colonies qui recueillit,
dans ses débuts au moins, toutes les suggestions utiles
à la grande œuvre qui lui était assignée. Le moment

avait paru être venu de réorganiser les possessions
antillaises en tenant compte de la maturité politique
de leur population, du développement de leur culture
et de leur industrie, enfin de la situation particulière
de la France et des conditions générales de l'économie

mondiale.
D u point de vue politique, la Cour avait accepté
d'associer les habitants à la gestion de leurs intérêts
collectifs, d'autant plus que le Roi, désirant se déchar-
ger sur eux de certaines dépenses militaires qu'il ne
pouvait plus supporter, était contraint de leur accorder
quelques concessions. Les Iles étaient donc dotées de
Chambres d'Agriculture, dont les députés auprès du
Conseil de Commerce seraient désormais en état de
faire entendre les avis des Planteurs que la voix des
négociants de la Métropole avait jusqu'alors étouffés.

Le Gouvernement semblait rendre de la bride, mais la
transformation des milices devait consolider l'autorité
royale en concentrant dans les mains du Général une puis-

sance demeurée éparse entre les grands planteurs « c o m -
mandants de quartiers ». Cette mesure n'alla pas sans
soulever de très vives résistances qui la tinrent en échec.


1763-1802
79
D u point de vue économique, une brèche sérieuse
était portée au principe de l'Exclusif en faveur des
sirops et des tafias dont l'écoulement à l'étranger était
enfin autorisé en échange de matériaux nécessaires aux
sucreries et de quelques comestibles indispensables.

Depuis le début du siècle les habitants avaient lutté
pour obtenir cette permission, à défaut de la permission
d'exporter les sucres que la métropole ne parvenait
plus à absorber ; la vente des sous-produits de l'indus-
trie sucrière contribuerait, disait-on, à diminuer les
charges d'exploitation sans cesse accrues par l'accu-
mulation des crédits et l'élévation du prix des esclaves.

Les colonies antillaises avaient donc gagné aux
réformes de 1763 une certaine liberté économique et
politique, mais toutes les questions demeuraient en
suspens. La cabale des Parlementaires et des Fermiers
Généraux l'emportait à Versailles sur les Physiocrates ;

les artisans principaux de ce qu'on appelait déjà la
« régénération » étaient disgraciés ou paralysés par
les intérêts particuliers coalisés pour mieux se défendre.

Les Planteurs, refusant d'entrevoir la libération, s'asso-
ciaient à des m e s u r e s toujours plus restrictives des
affranchissements ; les armateurs s'unissaient contre le

relâchement du Pacte Colonial — ni les uns, ni les
autres ne comprenaient qu'en comprimant certaines
forces on favorise leur explosion.

Les avances des gens de Saint-Pierre commençaient
en effet à peser durement sur les gens de la campagne :
la majeure part des bénéfices agricoles était dévorée

par le service des intérêts, tandis que les difficultés
auxquelles se heurtait la traite engendraient une hausse
du prix de revient de la main-d'œuvre servile. La


8 0 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E ET D É P E N D A N C E S
traite — et le système des engagements jusqu'en 1774
— avait longtemps fourni un travail gratuit dès l'ins-
tant que les fonds d'achat avaient été amortis, car la

« pratique du samedi », journée abandonnée au « nègre »
pour la culture de son carré de terre, rendait ce malheu-
reux responsable de son habillement et de sa nourriture.

Mais peu après la césure XVIII siècle, les premiers
e
méfaits économiques des excès, auxquels les chasseurs
d'hommes s'étaient livrés sur les côtes africaines,
s'étaient fait sentir. Les comptoirs s'étaient multipliés le
long de l'Atlantique, et les tribus riveraines avaient
été dévastées. Il fallut désormais pénétrer dans l'inté-
rieur des terres, jusqu'à deux cents lieues de l'océan,

et cette incursion, avec tous les dangers qu'elle compor-
tait alors, augmenta singulièrement le prix du « bois

d'ébène ». Ce fut un signe avertisseur ; la nécessité
de sauvegarder une race, dont la disparition en son lieu
d'origine menaçait d'arrêter le renouvellement des ate-
liers antillais, incita les administrateurs à se préoccuper
d'une protection tardive — et l'on se demanda si la

seule protection réelle ne consisterait pas dans l'affran-
chissement.

E n faveur de la libération tout un mouvement de
caractère évangélique était né parmi les Quakers de
l'Amérique anglaise ; en France, un mouvement ana-
logue, de caractère rationnaliste, se dessinait chez les

Philosophes, et ces deux tendances contribuèrent cer-
tainement à développer chez les Gouverneurs et les
Intendants des dispositions favorables. La question
fut agitée jusque dans les Bureaux du Ministre. Par un
enchaînement invincible de circonstances, l'institution

la plus efficace de la prospérité des Iles à Sucre était

1 7 6 3 - 1 8 0 2
81
condamnée ; la résistance que les Planteurs opposeront
à l'événement créera le plus profond remous de la

période proprement révolutionnaire.
M. de Sartines, en 1775, semble avoir deviné les
événements qui se préparaient à Saint-Domingue
comme aux Iles-du-Vent, si de sages réformes n'inter-
venaient à temps. Le soulèvement de l'Amérique du

Nord n'avait-il pas la valeur d'un présage ? D i x ans
après que le Bureau de Législation créé par Choiseul
eût clos ses travaux — infructueux — il réunit dans un

Comité de Législation des Colonies les administrateurs
et les juristes les plus remarquables qu'il pût atteindre.

Le comte d'Ennery, Guillemain de Vaivres, Malouet
alors à ses débuts, Foulquier, conseiller au Parlement
de Toulouse, Le Mercier de la Rivière, le Martiniquais
Moreau de Saint-Méry, juriste et archéologue, quelques
autres encore, tous ces hommes qui avaient vieilli dans

la pratique des affaires antillaises, et parmi lesquels
l'Empire trouvera des exécutants de premier ordre,
collaborèrent à la grande œuvre de rénovation que le
Maréchal de Castries, à la suite de M. de Sartines,

s'efforça de réaliser.
Dès 1780, l'accord des commissaires et du Ministre
était acquis, aussi bien sur la question des dettes et
sur celle de l'affranchissement des noirs, que sur la
nécessité de doter les colonies d'Amérique d'assem-
blées élues, par l'intermédiaire desquelles les habitants
pourraient participer à l'administration de leur île
d'une manière autrement efficace que par les Chambres
d'Agriculture. Les hostilités, qui se déroulaient alors

entre la France et la Grande-Bretagne, retardèrent
seules la publication des édits que le Comité avait

ANTILLES 6

8 2 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
longuement mûris. U n an après la Paix, le Roi signait
l'arrêt célèbre constituant en ports d'entrepôt Saint-

Pierre, Pointe-à-Pitre, Sainte-Lucie et Scarborough de
Tabago, ports où les étrangers étaient admis à porter
en échange des sirops et des tafias un certain nombre

de produits dénommés ; les facilités accordées en 1763
et 1765 étaient étendues (30 Août 1784). Quant à l'acte
de création des Assemblées Coloniales, il ne fut pro-

mulgué qu'en 1787, le 17 juin, quelques jours avant
l'acte établissant dans la Métropole les Assemblées

Provinciales calquées sur leur modèle.
Peu après le Maréchal de Castries quittait le pouvoir,
et aux réformes méthodiques que méditait une Monar-
chie pour laquelle le temps ne comptait pas, la R é v o -

lution allait donner un rythme précipité qui en
transfigura les effets. De 1789 à 1794 les Assemblées

métropolitaines voteront des mesures bouleversant sans
aucun ménagement, sans aucune préparation, des situa-
tions complexes résultant d'un passé séculaire. L'acces-

sion des mulâtres, puis des noirs à la liberté et à l'égalité
— c'est-à-dire la ruine brutale et inconditionnelle des
Planteurs — cette tentative de révolution sociale à
laquelle la révolution politique qui s'opérait en France
n'offre rien d'analogue, devait jeter les deux îles dans
des désordres sanglants. Chacune d'elles traversa « pour

son compte » la tempête : leur histoire particulière pré-
sente pour cette période une disparité complète.

Tandis qu'à la Martinique, les Planteurs appelaient
à leur aide l'Angleterre pour échapper aux lois fran-
çaises préparant l'abolition de l'esclavage et restaient
pendant huit ans, de 1794 à 1802 sous la domination
britannique, les Planteurs guadeloupéens qui avaient


1 7 6 3 - 1 8 0 2
83
adressé le m ê m e appel, ne purent conserver plus de six
mois les positions qu'ils avaient acquises avec le con-
cours de l'étranger.

Le Commissaire civil Victor Hugues, grâce à la
fidélité de Sainte-Lucie, reprenait pied à Pointe-à-Pitre
quelques mois après la reddition de Rochambeau au
Fort Royal devenu un instant Fort République, et la
Guadeloupe connut un régime de semi-liberté pendant
que les esclaves de la Martinique demeuraient sous le joug.

Jusqu'au traité d'Amiens en 1802, terminant la
guerre franco-anglaise, la Guadeloupe constitua un
vivant foyer de patriotisme d'où les idées révolution-
naires rayonnèrent sur toute l'Amérique du Nord.

Le rétablissement de l'esclavage et de la traite, le
retour à l'édit de 1784 limitant les ports d'entrepôt
y furent accueillis avec résistance et il s'en fallut de

peu que la révolte des noirs n'eût les mêmes suites qu'à
Saint-Domingue.

A la Martinique, au contraire, où la population avait
été sevrée de liberté, les lois de 1802 passèrent presque
inaperçues. Les Planteurs eux-mêmes, quelque avan-
tage qu'ils eussent retiré de l'ouverture de tous les
ports de l'île, ne se sentaient pas blessés dans leurs
intérêts ; sous la domination anglaise, ils avaient connu
la concurrence des autres Iles à sucre britanniques,

de la Jamaïque en particulier, sur le marché de leur
nouvelle métropole ; redevenus français, ils voyaient
s'établir à leur profit un Exclusif qui jouait dans les

cadres de leur patrie agrandie par les conquêtes de la
Convention et du Directoire.

La Révolution avait retardé de cinquante ans la
réalisation des réformes préparées par la Monarchie.

8 4 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1763. L a Martinique et la Guadeloupe formeront deux
gouvernements particuliers, indépendants l'un de l'autre.
Par cette mesure on s'efforce de rompre la sujétion é c o n o -
mique de la Guadeloupe vis-à-vis de la Martinique,
sujétion qui résultait de la concentration des affaires
entre les mains des commissionnaires de Saint-Pierre,
et qui paralysait le développement normal de la colonie.
Le transport des denrées à Saint-Pierre accroissait les
prix de revient et créait un véritable handicap au profit
des planteurs martiniquais.
— Sugar Act (dirigé principalement contre les colonies
françaises des Antilles), réduisant de 50 % les droits
prévus par la loi de 1733 sur les sucres importés de l'étran-
ger dans les colonies anglaises. La volonté de le mettre
en application, alors qu'un texte antérieur était demeuré
lettre morte, provoque un mécontentement général. La
contrebande, d'ailleurs, le rend inefficace.
— 9 avril. — Création d'une Chambre d'agriculture
à la Guadeloupe et à la Martinique.
— 18 avril. — Mémoire d u Roi pour servir d'instruction
générale aux gouverneurs et intendants de ces colonies
sur l'exportation des sirops et tafias de leur crû en échange
des effets et denrées spécifiées dans la présente instruction.
— 30 Juin. — Ordonnance décidant l'expulsion totale
des noirs qui se trouvent dans le royaume.
— juillet. — Etablissement d'un service régulier de
paquebots entre la France et les Iles.
— Les régiments de ligne sont substitués aux troupes
détachées de la marine pour la défense des îles. Des

1 7 6 3 - 1 8 0 2
85
détachements des régiments de Beauvais, de Saintonge, de
Vermandois et de Vexin arrivent successivement en 1763,
1765, 1767 et 1769. — Les planteurs ayant manifesté les
plus grandes répugnances à accepter ces détachements,
les régiments ci-dessus seront remplacés en 1772 par
4 régiments spéciaux, sédentaires, d o n t 2 pour Saint-
Domingue, 1 pour la Martinique et 1 pour la Guadeloupe.
Ces forces s'étant avérées insuffisantes au m o m e n t où
la guerre menaçait dans les colonies anglaises d'Amérique,
elles furent renforcées en 1775 à la Guadeloupe par l'envoi
du régiment d'Armagnac (affaire Laborde, 14 janvier 1778).
Ces mesures avaient pour résultat de superposer aux
milices, troupes locales dans la main des planteurs, des
forces métropolitaines chargées de sauvegarder un régime
que l'esprit d'autonomie des grands sucriers mettait sans
cesse en péril.
1766. Dubu c du Ferret remplace J.-B. D u b u c au Conseil du
Commerce.
1768, 20 septembre. — Rétablissement d u gouvernement
général des Antilles sous la dénomination de gouverne-
ment général des Iles du Vent de l'Amérique.
1771. Emilien Petit publie un recueil de lois antillaises
sous le titre de Droit Public ou Gouvernement des colonies
françoises.

1772, 18 août. — Création de 4 régiments coloniaux sous la
dénomination de régiments d u Cap, de Port au Prince,
Martinique et Guadeloupe.
1774, 10 septembre. — Arrêt supprimant officiellement les
engagements, qui avaient en fait à peu près cessé dès 1737.
— Recrudescence de la traite négrière.
— 29 décembre. — D e Nozières, gouverneur général, et
Tascher, intendant, promulguent une ordonnance astrei-

8 6 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D E P E N D A N C E S
gnant les gens de couleur se disant libres à représenter
dans un délai de trois mois les titres et leur affranchisse-
ment. — Cette ordonnance fut annulée par un arrêt d u
Conseil d'Etat d u 8 juin 1776.
1775, Sartines c o n v o q u e à Versailles des gouverneurs géné-
raux et des intendants de passage en France pour dis-
cuter de la réforme des colonies. Il constitue en 1778 un
nouveau Comité de Législation des Colonies, d o n t font
partie MM. d'Ennery, de Tascher, de Foulquier, Malouet,
etc.. L'année suivante Le Mercier de la Rivière y est
appelé et en devient le secrétaire-général. Ce comité
prépare un ensemble monumental de projets, d o n t cer-
tains passeront dans la législation en 1784 et 1787.
1776, juin. — Edit relatif à la conservation des Archives
et des papiers publics.
1777, 1 juin. — Ordonnance permettant l'introduction
e r
en France des sirops et des tafias des colonies, mais par
entrepôt et pour être ensuite exportés à l'étranger.
— 9 août. — Déclaration d u roi renouvelant l'interdic-
tion d u séjour des noirs en France et ordonnant de ren-
voyer ceux qui s'y trouvent.
— Emilien Petit publie son Traité sur le gouvernement
des esclaves.
— Malouet est envoyé en Guyane avec mission d'en
réformer l'administration et de créer une Assemblée
coloniale, sur le type adopté par le Comité de législation.
1778, 6 février. — La France signe un traité secret « d'amitié
et de commerce » avec les insurgés d'Amérique.
Par les art. 6 et 7 la France renonçait à toute revendi-
cation ou conquête sur le continent américain et les Etats-
Unis promettaient de ne point faire obstacle à des accrois-

1 7 6 3 - 1 8 0 2
8 7
sements de notre souveraineté dans les Indes Orientales.
L'article 32 d u traité d e commerce spécifiait que les ports
francs des Antilles — qui n'étaient en réalité que des
ports d'entrepôt — demeureraient toujours ouverts aux
« Américains ». Par l'interprétation que ces derniers pré-
tendirent donner à cette stipulation, le régime économique
des îles du Vent aurait été entièrement bouleversé ; il fut,
en réalité, profondément transformé.
— Les neutres sont admis à ravitailler les Iles, c o m m e
ils l'avaient fait dans les dernières années de la guerre
de Sept Ans. D e v a n t les protestations des armateurs, la
mesure est rapportée.
1778-1782. A u cours de la guerre franco-américaine, le
marquis de Bouille, gouverneur général des Iles, s'empare
de la Dominique en 1778, Saint-Vincent et la Grenade
en 1779, de T a b a g o , Saint-Eustache et Saint-Martin
en 1781, de Saint-Christophe, Nièves et Montserrat en 1782 ;
il échoue devant Sainte-Lucie. L e v i c o m t e de Damas
conquiert Saba.
De fréquents combats navals furent engagés entre les
amiraux français d'Estaing, Guichen e t , de Grasse, et
les amiraux anglais Byron et R o d n e y . D e Grasse, soutenu
par l'amiral espagnol Solano, succomba dans la dernière
attaque aux Saintes et fut fait prisonnier (12 avril 1782).
1781, 24 novembre. — Parmi tous les textes préparés par
le Comité de législation, le maréchal de Castries publie
une ordonnance sur les Missions et une autre sur les
chemins publics.
1782. François de Foulquier, Président au Parlement de
Toulouse et membre d u Comité de Législation des Colo-
nies, est n o m m é intendant de la Guadeloupe (2 février).
Il a mission de réformer l'administration et la justice ;
il y créera une Assemblée coloniale. Il deviendra en 1786
intendant de la Martinique où il décédera le 13 février 1789.

8 8 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
— 16 mai. — Suppression d u député des Antilles
auprès de la cour de France.
— Les droits sur les sucres sont portés à 60 livres
par quintal.
1783, 28 juin. — Arrêt encourageant la traite des Noirs.
— 3 septembre. — Traité de Versailles. L'indépendance
des Etats-Unis est reconnue. Les pêcheries de Terre-Neuve
et la navigation d u Mississipi sont communes à l'Angle-
terre et à l'Amérique. La France reçoit Tabago.
1784, 16 avril. — Le Ministre interdit de transporter des
nègres d'une colonie à l'autre. Il s'agit de préserver les
cultures en conservant à chaque exploitation sa main-
d'œuvre.
— 30 août. — Arrêt constituant en ports d'entrepôt
Saint-Pierre de la Martinique, Pointe-à-Pitre de la Gua-
deloupe, Sainte-Lucie, Le Cap Français, Port-au-Prince
et Les Cayes de Saint-Domingue ; et autorisant les étran-
gers à y porter certaines espèces de comestibles, quelques
matières premières (bois, charbons, cuirs, résines, g o u -
drons) et des animaux de toute nature. Ainsi s'organise
le système de l' « Exclusif mitigé ».
— 20 octobre. — Cession de l'île Saint-Barthélemy
à la Suède afin d'obtenir la faculté de déposer des mar-
chandises dans le port de Gottemborg et de les réexporter
sans payer de droits.
— 31 octobre. — Arrêt du Conseil d'Etat autorisant
tous les ports de France à participer au commerce des
Iles.
1786, 27 mai. — Arrêt instituant le « drawback » en faveur
des sucres. Les droits sont restitués et lorsqu'il s'agit
des sucres raffinés, une prime de 4 livres est payée pour
chaque quintal réexporté.

1 7 6 3 - 1 8 0 2
8 9
— décembre. — Organisation d'un service régulier d e
paquebots entre la France et les Antilles, y compris
Saint-Domingue. Une rivalité commerciale inquiétante
commence à s'établir entre Basse-Terre et Pointe-à-Pitre.
1787, 17 juin. — Ordonnance portant établissement dans
les Iles d u V e n t , après expérience à la Guadeloupe, d'une
Assemblée Coloniale et d'un Comité intermédiaire aux lieu
et place des Chambres d'Agriculture. Cette assemblée,
élue pour quatre ans et renouvelable par moitié par les
assemblées paroissiales, avait pour mission de délibérer
sur l'assiette et la répartition de l'impôt ordonné par le
Roi. T o u t propriétaire de 12 esclaves ou d'une maison
valant 40.000 £ était électeur.
L'Assemblée coloniale était composée d u gouverneur,
l'intendant, le plus ancien commissaire de la marine,
2 députés du Conseil souverain, 1 député élu de chacune
des paroisses de l'île, 2 députés des propriétaires de Saint-
Pierre et de Port de France (1 pour chaque ville).
La première assemblée se réunit le 27 décembre 1787.
1788, 11 septembre. — L a qualité de représentants de la
colonie est refusée aux neufs Commissaires d u Comité
Colonial envoyés en France.
— novembre. — Edit étendant aux colonies l'appli-
cation de l'édit de novembre 1787 restituant aux p r o -
testants un état-civil.
1789, 5 mai. — Necker, dans son discours prononcé à
l'inauguration des Etats Généraux, déclare :
« Un jour viendra peut-être, Messieurs, où vous éten-
drez plus loin votre intérêt ; un jour viendra peut-être
où associant à vos délibérations les députés des colonies
vous jetterez un regard de compassion sur ce malheureux
peuple dont on a fait tranquillement un barbare objet
de trafic ; sur ces hommes semblables à nous par la pensée

9 0 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
et surtout par la faculté de souffrir ; sur ces hommes
cependant que sans pitié pour leurs douloureuses plaintes
nous accumulons, nous entassons au fond d'un vaisseau
pour aller ensuite à pleines voiles les présenter aux chaînes
qui les attendent. »
— 1 juillet. — Moreau de Saint-Méry est élu prési-
e r
dent des Electeurs de Paris. A ce titre il jouera un rôle
important pendant les journées d u 13 et du 14. Il fait
n o m m e r le 15 L a Fayette c o m m a n d a n t de la Garde
Nationale, et décerne à Bailly le titre nouveau de Maire
de Paris. Il harangue le R o i lors de sa réception à l'Hôtel
de Ville le 17.
— 25 septembre. — Les colons de la Martinique
résidant à Paris élisent pour députés Moreau de Saint-
Méry et le comte Arthur de Dillon, maréchal de camp
depuis 1784 et ancien gouverneur de T a b a g o . Dillon
appartenait à une famille anglaise implantée en France
et avait acheté à la Martinique une importante habitation.
Il défendit la cause des Grands Blancs et s'opposa v i v e -
ment le 4 mars 1791 à l'admission à la barre de l'Assem-
blée d'une députation de gens de couleur. (Voir 1792).
1790, 28 mars. — Décret de l'Assemblée Constituante
autorisant les colonies à élire au suffrage universel (les
indigents seuls étaient exclus) des assemblées locales
chargées « de faire connaître leurs v œ u x sur la Consti-
tution, la législation et l'administration qui leur c o n -
viennent. »
— 9 avril. — Proclamation d u R o i sur un décret de
l'Assemblée Nationale d u 28 mars 1790 et concernant
l'élection des Assemblées coloniales.
— 15 mai. — Grâce à l'abbé Grégoire, à Robespierre
et à Rewbell, les droits de citoyens actifs sont reconnus

1 7 6 3 - 1 8 0 2
91
aux mulâtres « fils de père et mère libres ». Mais une colonie
telle que Saint-Domingue ne comptait que 20.000 mulâtres
sur 455.000 habitants.
— 21 juin-7 juillet. — Décret ouvrant tous les ports
de France au commerce colonial.
1791,15 mars. — Loi supprimant les primes de réexportation
et établissant les droits suivants : 18 francs par quintal
de sucre brut, 36 francs par quintal de sucre terré et
50 francs par quintal de sucre raffiné. Quelques jours plus
tard, le 29 mars, des surtaxes réduites sur les sucres
étrangers furent adoptées afin d e créer une légère pro-
tection en faveur des sucres des colonies.
— 3 avril. — Le Comité d'Agriculture et de Commerce
s'adjoint deux membres supplémentaires choisis dans les
« députations » de la Martinique et de la Guadeloupe :
Moreau de Saint-Méry pour la première et le sieur d e la
Charrière pour la seconde. Ainsi les intérêts de chacune
des deux îles pourront être librement défendus à l'Assem-
blée Constituante.
— 9 avril. — L'Assemblée Constituante, sur l'inter-
vention de Moreau de Saint-Méry, écarte le projet d u
Ministère des Colonies et laisse l'administration des terri-
toires d'outre-mer au Ministre de la Marine. (Voir 1669).
— 9 décembre. — L'Assemblée Coloniale de la Marti-
nique adopte l'idée des colons de la Guadeloupe de réunir
un Congrès Général chargé d'élaborer un statut c o m m u n
pour les Iles de la Guadeloupe, de la Martinique, de Sainte-
Lucie et de T a b a g o .
1792, 28 mars. — Décret accordant à tous les hommes de
couleur libres, sans distinction d'origine, les droits poli-
tiques.

9 2 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
— 4 avril. — Décret assimilant les hommes de couleur
et les nègres libres aux blancs, dans l'exercice des droits
politiques.
— Juin. — Arthur de Dillon, député de la Martinique,
est n o m m é c o m m a n d a n t en chef de l'armée du Nord.
Devenu suspect après le 10 août, il fut mis sous les
ordres de Dumouriez, mais il partagea ses intrigues.
Dénoncé à la Convention, il demanda à être relevé de
ses fonctions et à retourner aux Antilles. Déféré au Tri-
bunal Révolutionnaire, il fut condamné à mort le 14 avril
1794 et exécuté le même jour. (Voir 1789).
— 11 août. — L a Convention supprime par décret la
prime accordée à la traite des noirs.
— 22-23 août. — Loi organisant la représentation des
colonies françaises à la Convention. Saint-Domingue eut
18 députés ; la Guadeloupe 4 ; la Martinique 3 ; L a R é u -
nion, l'Île-de-France et l'Inde Française, 2 ; Sainte-Lucie,
Tabago et la Guyane, 1.
— 19 septembre. — Les républicains de la Martinique
réfugiés à Roseau de la Dominique élisent députés Crassous
de Médeuil, avocat au Conseil Supérieur de Fort R o y a l ,
Janvier Littée, h o m m e de couleur, et Arnaud de Corio,
député suppléant. Les Républicains de la Guadeloupe
élisent Guillermin, qui décédera en m e r , D u p u c h et,
c o m m e suppléant, Lion.
1793, 19 février. — Dubu c et L. de Curt, délégués par les
planteurs de la Martinique et de la Guadeloupe, signent
un accord avec les Anglais à Whitehall. (Voir Martinique),
accord formellement réprouvé par les Princes émigrés
qui espéraient établir leur autorité dans les deux îles.
— 19 février-26 mars. — Décrets accordant aux navires
des « Américains » des facilités pour commercer avec les
Antilles et les approvisionner en vivres.

1763-1802
93
— 29 mai et 16 novembre. — Le Martiniquais Alexandre
de Beauharnais est n o m m é général en chef de l'Armée
du Rhin (29 mai) et le Guadeloupéen Coquille D u g o m -
mier général en chef de l'Armée des Alpes et d'Italie
(16 novembre).
— 11 septembre. — L a Convention supprime tous les
droits perçus à l'occasion du trafic colonial. Les sucres
étrangers supportent des taxes très faibles d e 3 fr. 60,
7 fr. 20 et 10 francs par quintal suivant leur qualité.
Un droit de 0 fr. 50 fut rétabli pour les besoins de la
Trésorerie le 3 Frimaire an V sur les sucres coloniaux.
— 21 septembre. — Acte de Navigation par lequel la
Convention exclue les marines étrangères du trafic colonial
et d u cabotage : « Car sans marine, point d e colonies et
sans colonies, point de prospérité commerciale. » (Bar-
nave).
— octobre. — L a Martinique et la Guadeloupe se
constituent spontanément en départements.
— Les Anglais reconquièrent Tabago.
1794, 4 février (16 Pluviôse an I I ) . — « L a Convention
déclare aboli l'esclavage des nègres dans toutes les colonies ;
en conséquence elle décrète que tous les hommes sans
distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont
citoyens français et jouiront d e tous les droits assurés par
la Constitution. » — Cette mesure confirma l'affranchisse-
ment des noirs de Saint-Domingue accordé par le c o m m i s -
saire Santhonax, le 29 août 1793. A u x Petites Antilles
la loi ne parvint à la Martinique, qui venait de tomber
au pouvoir des Anglais, que plusieurs semaines après
sa conquête ; seule la population servile de la Guadeloupe
p u t en éprouver l'application.
— 13 octobre. — Crassous de Médeuil, député de la
Martinique, propose à la Convention l'érection à E r m e -

94 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
nonville du monument dédié à Jean-Jacques Rousseau.
Il sera n o m m é secrétaire de la Convention le 22 octobre.
1795, 18-19 juin. — Sainte-Lucie est reprise par Goyrand
aux Anglais, qui abandonnent dans la rade 150 bâtiments.
Elle est reperdue le 1 juillet 1796 après une héroïque
e r
défense. Les Anglais ayant perdu beaucoup de m o n d e
doivent renoncer à leurs opérations contre la Guadeloupe.
1799,11 janvier. — Achard présente à Frédéric-Guillaume I I I
de Prusse le premier échantillon d e sucre de betterave.
Il obtient une subvention royale. Les Anglais s'efforcent
de faire obstacle à la nouvelle industrie qui se développe
en B o h ê m e , en Silésie et en Russie.
1800. L a Constitution de l ' A n V I I I supprime la députation
coloniale, mais maintient les colonies sous la puissance d u
Législatif en fondant leur régime sur des lois.

Q U A T R I È M E P É R I O D E : 1802-1848
L'Exclusif mitigé et l'esclavage restaurés, les Plan-
teurs pouvaient espérer en un second dix-huitième
siècle. Mais l'Histoire ne recommence pas.

Pendant tout le cours des guerres napoléoniennes,
l'Angleterre isola les Antilles de la France, quand elle
ne les occupa pas : ces îles éprouvèrent donc les effets

de l'abolition de la traite dès 1807, année où Lord Gren-
ville la fit voter par le Parlement, et par conséquent
dix ans avant qu'elle fût promulguée en France. Le
prix de revient de la main-d'œuvre servile — toujours
plus rare — s'accrut au point de grever sensiblement
le coût de production du sucre.

L'utilisation de la betterave, rendue nécessaire par
le blocus et officiellement encouragée par l'Empereur
en 1812, porta un autre coup à la culture des colonies
du Vent. Très rapidement l'industrie sucrière, déchargée
de toute fiscalité, prit dans la Métropole des proportions

considérables et les Planteurs subirent une concurrence
que les lois de 1837, 1840 et 1843 eurent pour objet

d'affaiblir, mais non de supprimer.
Le mouvement des idées en faveur de l'affranchisse-
ment des noirs se manifestait d'autre part avec une

9 6 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
force imposante par tout l'Occident ; l'opinion publique,
en Angleterre comme en France, était entièrement
acquise aux principes pour lesquels Wilberforce avait
combattu depuis 1787, et que défendaient avec autant
de courage que de talent Tocqueville, Broglie, Passy
et Victor Schoelcher. Les conventions internationales,
qui se succédèrent à partir de 1831 en vue de dépister

la contrebande négrière, et certaines lois améliorant
le statut des esclaves annonçaient la grande mesure
libératrice. Celle-ci fut votée en Angleterre dès 1833.

Mais en France le parti des Planteurs demeurait puis-
sant, et en 1842, à propos du droit de visite que les
Anglais prétendaient exercer en vertu des accords
antérieurs, les négriers impénitents réussirent à faire
revenir en arrière le gouvernement royal, au risque
de compromettre les relations diplomatiques entre Paris
et Londres. E n dépit de ce sursaut de résistance, la

législation française s'acheminait vers l'abolition, et
la Seconde République put renouveler sans danger le

geste de la Première ; le gouvernement provisoire prévit
d'ailleurs de prudentes mesures d'application...

L'expropriation des Planteurs pour être adoucie n'en
était pas moins presque complète. L'essor de l'industrie
sucrière dans la Métropole semblait, à vrai dire, la

rendre inévitable ; on verra plus loin à quels efforts
d'adaptation les Antillais durent de sauvegarder leur
situation, en partie au moins, sur le marché de la
métropole.


1 8 0 2 - 1 8 4 8
9 7
1802, 25 mars. — Paix d'Amiens. L'Angleterre restitue la
Martinique mais garde la Trinité (espagnole) et la Guyane
(hollandaise).
— 26 mai. — Nouvelle organisation administrative
des colonies. Gouvernées par un Capitaine Général, un
Préfet Colonial et un Grand Juge, elles sont soumises
à un régime de décrets.
— 30 mai. — Loi rétablissant l'esclavage et la traite.
— 18 juin. — Organisation de la justice suivant le
régime de la métropole.
— 23 juin. — L e d i t de 1784 sur le commerce est
rétabli.
— 2 juillet. — Les mulâtres perdent leurs droits poli-
tiques. Il leur est interdit d'entrer dans la Métropole.
1803-1805. Le Code civil est promulgué aux Antilles.
1807, février. — L a traite des nègres est défendue au Por-
tugal.
— 2 mars. — Les Etats-Unis interdisent l'importation
d'esclaves africains à partir de 1808.
— 25 mars. — Lord Grenville fait voter par le Par-
lement l'abolition de la traite, déjà restreinte l'année
précédente. L'African Institution, qui s'organise, veillera
au respect de la loi, à son extension à l'étranger, à l'édu-
cation des noirs et au développement des connaissances
concernant l'Afrique. Les colonies d'Afrique deviennent
des colonies de plantation.
1809. Les Anglais conquièrent la Martinique sur Villaret
A N T I L L E S 7

9 8 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
Joyeuse, prennent les Saintes, et l'année suivante la
Guadeloupe.
1810. Les sucres bruts et sucres têtes sont frappés d'un
droit de 300 et de 400 francs par quintal. Les colonies
antillaises étant tombées aux mains des Anglais, cette
fiscalité n'atteint que les sucres étrangers. Néanmoins
ce tarif prohibitif fut supprimé par un texte d u 23 avril
1813 qui établit un droit uniforme de 40 francs par
quintal.
1812,15 janvier. — Décret en faveur de l'industrie d u sucre
d e betterave rendu par Napoléon à la suite de la visite
de la sucrerie fondée à Passy par Delessert.
Cinq écoles et quatre fabriques impériales sont fondées,
500 licences accordées et 32.000 hectares consacrés à la
culture de la betterave.
1814, 30 mal. — Traité de Paris. L a France récupère ses
colonies dans l'état où elles se trouvaient le 1 j a n -
e r
vier 1792, sauf T a b a g o , Sainte-Lucie cédées à l'Angle-
terre, ainsi que le Saint-Domingue espagnol rendu à
l'Espagne.
L a Belgique est donnée au Prince des Pays-Bas, qui
s'engage à indemniser la Suède de la restitution de la
Guadeloupe en lui abandonnant une des colonies hollan-
daises conquises par la Grande-Bretagne ; mais la Suède
se contente d'une somme de vingt-quatre millions payée
par cette dernière.
1814-1818, Divers textes surchargent les sucres étrangers
(surtaxe d e 20 francs en 1814, de 60 à 80 francs en 1816).
Grâce au tarif préférentiel d o n t elles profitent, les
Antilles accroissent leur production et entrent en lutte
avec B o u r b o n . Pour égaliser les situations, une loi de
1818 établit une distinction suivant l'origine et ramène
à 40 francs en faveur de la colonie de l'Océan Indien le
droit sur les sucres français porté précédemment à 45 francs.

1802-1848
99
1815, 4 février. — L'Angleterre soumet au x principales
puissances européennes l'acte d'abolition de la Traite
et obtient leur signature.
— 29 mars. — Napoléon, revenu de l'île d ' E l b e , et
désireux de plaire à l'Angleterre, abolit définitivement la
traite. En mars 1818, seulement, la mesure sera appliquée.
— avril. — Tandis que Napoléon se préoccupe de
négocier avec Saint-Domingue, les royalistes émigrés à
Gand travaillent à conserver coûte que coûte au R o i les
Antilles et le Sénégal, mais les Anglais s'en emparent.
1816, 28 avril. — Le droit d'entrée en France sur les sucres
étrangers est augmenté de 100 % et porté à 125 francs
par quintal. Les étrangers sont évincés du marché métro-
politain. La loi d u 27 juillet 1822, cependant, augmenta
encore les droits et les porta à 135 francs.
— L'Angleterre restitue la Martinique et la Guadeloupe
à la France.
1817, Le gouvernement français, dans l'esprit des Lettres
de 1727, s'attaque à la contrebande. — Abolition de la
traite.
— 30 avril. — Ordonnance surhaussant la monnaie
à raison de 185 livres les 100 livres de France.
— août. — Par ordonnances des 13 et 30 août le
Roi supprime les intendants. Le Gouverneur devient
« Gouverneur et Administrateur pour le Roi ».
— 17 décembre. — Les colons des Antilles réclamant un
abaissement d u tarif du 23 avril sur les sucres, le Trésor
répond en établissant un droit de 40 francs sur le quintal
de sucre brut des colonies et en portant à 60 et 65 francs
le droit sur le sucre étranger.

100 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1819, 22 septembre. — Les Conseils Supérieurs deviennent
Cours Royales et les Sénéchaussées des Tribunaux de
Première Instance. Un Comité consultatif est créé dans
chaque colonie et un Comité des Colonies, auprès du
Ministre, composé de délégués choisis par ce dernier.
1820, 7 juin. — L a prime accordée à la réexportation des
raffinés, fixée à 90 francs par quintal par la loi du 28 avril
1816, puis à 95 francs en 1818, est portée à 100 francs.
1821. Depuis 1815 le prix des sucres est t o m b é en France
de 90 francs les 50 kilogs à 60, 55 et 50 francs.
1822. Loi douanière sur les colonies françaises.
1825, 21 août. — Réorganisation de l'administration colo-
niale. Au-dessous d u gouverneur concentrant tous les
pouvoirs, le Directeur de l'Intérieur, le Procureur Général
et l'Ordonnateur se partagent l'administration intérieure,
la justice et la défense de la colonie. Le Conseil Privé
juge au contentieux avec appel au Conseil d'Etat.
Le roi n o m m e les conseillers municipaux qui p r o -
posent une liste sur laquelle le R o i choisit les conseillers
généraux. Les Conseillers généraux proposent le député
au Comité des Colonies. Une ordonnance d u 9 février 1827
précisera les modalités d'application.
1826, 26 janvier. — Convention franco-britannique, au x
termes de laquelle les navires des deux nations sont soumis
à un régime c o m m u n dans les deux métropoles et dans
leurs colonies.
— 5 février. — Ordonnance autorisant l'entrée dans
les îles de bâtiments étrangers.
1827, Création d'un conseil général au moyen des nomina-
tions faites par le roi sur une liste de candidats proposés
par les Conseils municipaux. — Le Conseil général n o m m e

1 8 0 2 - 1 8 4 8
101
le député devant faire partie du Conseil consultatif
siégeant à Paris.
1830, 12 novembre. — Abolition des règlements qui privent
les hommes de couleur des droits de citoyens, et procla-
mation de leur assimilation à la race blanche.
1831, 4 mars. — Loi mettant fin au trafic clandestin des
esclaves par des mesures rigoureuses de prohibition.
— 30 novembre. — Convention entre la France et
l'Angleterre autorisant le droit de visite réciproque afin
de faire respecter les lois d'abolition de la traite.
1832, 8 mars. — Les nègres trouvés dans les navires négriers
sont proclamés libres.
— 12 juillet. — La procédure de l'affranchissement est
simplifiée.
— Loi simplifiant les formalités de l'affranchissement
et supprimant la taxe perçue à cette occasion.
1833, 22 mars. — Convention au sujet d u droit de visite
précisant les juridictions compétentes en cas d'infraction
aux lois d'abolition suivant le lieu du délit.
— A la suite de débats à la Chambre des Pairs (le
1 mars) et à la Chambre des Députés d u 13 avril au 23,
e r
le Moniteur Officiel promulgue une double loi sur l'exer-
cice des droits politiques dans les colonies et sur leur
régime législatif. D'après cette loi, les colonies où les
Conseils généraux se composaient de membres nommés
par le roi, sont remplacés par des conseils coloniaux,
élus par des collèges électoraux spéciaux, constitués
c o m m e en France d'après le cens. T o u t h o m m e libre
payant 200 et 300 francs d'impôt était électeur au Conseil,
mais il fallait posséder, pour être éligible, un bien d'une
valeur comprise entre 60 et 40.000 francs, suivant la
situation.

102 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
Sur cette base, les blancs, quoi qu'inférieurs en n o m b r e ,
représentaient à eux seuls 16.665.271 francs de capital,
tandis que les électeurs de couleur ne représentaient
que 788.077 francs. Aussi les seuls blancs furent-ils élus
aux Conseils.
Les Conseils nommaient, pour chaque colonie, deux
délégués auprès d u roi.
Le gouverneur était assisté d'un Conseil Colonial, élu
pour 5 ans, obligatoirement consulté sur tout ce qui
concerne la police, l'affranchissement des esclaves, l'ins-
truction publique et la presse.
— 14 mai. — Lord Stanley, secrétaire d ' E t a t des
Colonies, dépose le projet du gouvernement anglais pour
l'abolition de l'esclavage. Ce projet v o t é le 12 juin par
la Chambre des Communes et le 23 par la Chambre des
Lords, fut promulgué le 28 août.
— 4 août. — Loi ordonnant le recensement obliga-
toire des esclaves. Les colons s'opposèrent vivement à
l'exécution de ce texte qu'ils interprétaient c o m m e une
mesure préparatoire de l'abolition. La Cour d'Appel de
la Martinique rend 38 arrêts d'acquittement contre ceux
qui ont contrevenu à la loi. La Cour de la Guadeloupe,
devant laquelle les prévenus furent renvoyés par la Cour
de Cassation, maintient les sentences.
— Loi supprimant la « marque » et la mutilation des
nègres marrons.
1834. L'Angleterre émancipe les esclaves de ses colonies.
A la suite de cette mesure plusieurs centaines de noirs
français passent à la Dominique et à Sainte-Lucie.
— Bissette fonde à Paris la Revue des Colonies
il poursuit sa campagne en faveur de l'abolition de l'escla-
vage.

1 8 0 2 - 1 8 4 8
103
1835. Les Conseils Généraux des Iles consultés au sujet de
l'affranchissement des esclaves déclarent que la Métropole
n'a pas le droit de légiférer sur une telle matière.
— 10 octobre. — Ordonnance affranchissant de tous
droits de douane les sucres exportés de nos colonies des
Antilles pour la France et créant un droit de 3 % sur les
marchandises venant de France.
1836. Loi rétablissant l'ancien adage de droit que le « sol
de France affranchit » : tout esclave débarqué dans la
Métropole sera réputé immédiatement libre.
1837. Henri Passy porte à la tribune de la Chambre la
question de l'abolition de l'esclavage. Une commission,
instituée à sa demande, vote l'abolition pure et simple,
après certaines mesures préparatoires. Les colons s'y
opposent résolument.
— Organisation des municipalités.
1837-1843. Pour réduire la concurrence de la Métropole,
un droit de 15 francs est établi par quintal de sucre
de betterave (18 juillet 1837). A la suite de cette l o i ,
103 fabriques disparurent et la production qui avait
atteint 40 millions de kilogrammes t o m b a à 23. Sur
les instances des colonies de nouvelles aggravations furent
décidées à l'égard des sucres métropolitains. Les lois d u
3 juillet 1840 et d u 2 juillet 1843 unifièrent les textes
et les fabricants européens conservèrent le seul privilège
de la vente des sucres raffinés : leur importation demeurait
interdite. Les sucres étrangers étaient fortement sur-
taxés (20 francs aux cent kilogrammes).
1839, 11 juin. — Ordonnance royale prescrivant le recense-
ment général de la population libre et esclave. Ce recen-
sement accusa une population de 96.322 esclaves, dont
11.741 dans les villes et 84.581 sur les propriétés rurales.

104 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
— Loi fixant un certain nombre de cas d'affranchisse-
ment de droit.
— Tocqueville, rapporteur de la commission chargée
d'étudier la question de l'affranchissement des esclaves,
conclut à la nécessité de passer outre aux « ingénieuses
clameurs... d'une des aristocraties les plus exclusives
qui aient existé dans le m o n d e ». Il estime à 250.000 le
nombre des esclaves et leur valeur à 300 millions ; il
propose la libération après une période préparatoire de
dix années. La proposition ne fut pas discutée ; une
nouvelle commission fut réunie l'année suivante.
— Le pape Grégoire X V I prend fait et cause pour les
abolitionnistes.
1840. Victor Schœlcher (né en 1804) publie l'Abolition
de V Esclavage.
1840-1845. Un projet de convention générale au sujet du
droit de visite et auquel toutes les nations devaient
participer est rédigé. A u m o m e n t de l'échange des rati-
fications, en 1842, les armateurs nantais protestent, et
au n o m d u principe de la liberté des mers s'élèvent
contre un traité à la suite duquel, selon eux, la Grande-
Bretagne se serait assuré une véritable suprématie mari-
time. La Chambre refuse la ratification et vote l'abandon
des conventions de 1831 et 1833, à quoi s'oppose Guizot.
Celui-ci fut cependant obligé de céder, et le 29 mai 1845
une convention fut signée avec l'Angleterre suspendant
pour dix ans les deux accords incriminés. Cependant,
le 20 février 1842, l'Angleterre, la Prusse et la Russie
avaient signé la Convention Générale en la laissant
ouverte à la France.
1841. Chaque colonie dispose d'un budget local distinct
des dépenses d'intérêt général.

1802-1848
105
1843, 20 avril. — Les denrées d u crû sont exemptes à leur
sortie des îles de tous droits de douane, mais, pour tenir
lieu de l'impôt foncier qui ne peut être perçu en l'absence
de cadastre régulièrement établi, elles acquittent un droit
spécial de 4 % sur les sucres et les sirops et de 3 % sur
les tafias, à la Martinique ; de 2 francs par quintal de
sucre et 3 francs par quintal de café à la Guadeloupe.
Le Mercier de la Rivière en 1764 avait, déjà eu l'idée
de percevoir l'impôt foncier sous forme de droits de sortie.
(Voir Martinique, 1764).
— 29 avril. — Loi autorisant l'entrée aux Antilles
de 61 marchandises étrangères dénommées, classées en
deux catégories distinctes :
1° Catégorie de produits pour lesquels il existe des
marchandises similaires en France ; un droit protecteur
est perçu afin d'avantager l'industrie métropolitaine.
2° Catégorie de produits pour lesquels il n'existe
pas de similaires en France ; un simple droit de balance
est perçu.
— 2 juillet. — Loi imposant graduellement au sucre
de betterave les droits établis sur le sucre de cannes.
Cette mesure ne supprime pas la concurrence de la p r o -
duction métropolitaine qui atteint en 1859, 102 millions
de kilogrammes alors que l'exportation réunie d e la
Martinique, de la Guadeloupe et Bourbon n'atteint que
93 millions.
1844, 23 janvier. — Deux pétitions signées par des ouvriers
de Paris et de L y o n sont adressées à la Chambre en faveur
de l'émancipation des Noirs.
1843-1845. — Broglio, rapporteur de la commission consti-
tuée en 1840, conclut à l'abolition au b o u t de 10 ans, les
propriétaires recevant une indemnité. Le Gouvernement

106 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
préfère à cette solution le système de l'affranchissement
progressif. D'où les lois suivantes :
La Chambre vote par 193 v o i x contre 52 un projet
d e loi, préparatoire à la libération des esclaves, sur le
rachat forcé des esclaves, le droit à l'instruction, la durée
du travail, le droit de propriété mobilière et les pénalités
applicables aux maîtres (14 mai 1844).
L'esclave est autorisé à posséder et à se racheter lui-
m ê m e , procédé déjà admis par l'Ancien Régime (1845).
Loi fixant, les crédits pour l'introduction de travailleurs
européens. (19 janvier 1845).
— L ' E t a t affranchit tous les esclaves du domaine de
la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et Bourbon.
— Des tribunaux spéciaux sont constitués pour juger
les crimes commis par des esclaves contre des hommes
libres ou inversement.

C I N Q U I È M E P É R I O D E : 1848-1935
Napoléon I I I avait effacé les effets politiques de la
Révolution de 1848, mais il n'avait pu et ne désirait
pas revenir sur l'abolition de la servitude. Très attaché
au libéralisme économique et animé de sentiments
anglophiles, il s'orienta dans une direction nouvelle
que les physiocrates avaient indiqué jadis sans pouvoir

y engager le Gouvernement.
L'Empereur signait en 1860 le célèbre traité de
commerce avec la Grande-Bretagne inaugurant le
régime du libre-échange : le marché métropolitain
cessait d'être réservé aux Colonies, le Pacte colonial
n'existait plus. U n an plus tard, ce nouvel état de fait
était consacré par un décret établissant dans les colo-
nies elles-mêmes le régime de la « porte ouverte ».

Les Planteurs obtenaient la liberté quand ils ne pou-
vaient plus, semble-t-il, en profiter.
Ils réussirent, cependant, à tirer parti des crédits
consentis par les Banques que le Gouvernement patro-
nait, et renouvelèrent avec les machines de provenance
anglaise le matériel de leurs usines. Grâce aussi à une
main-d'œuvre peu coûteuse recrutée en Inde, en Indo-
chine, et un moment sur les côtes d'Afrique, les habi-


108 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
tants de la Martinique et de la Guadeloupe conservèrent
une place enviable sur le marché français. De plus en
plus, les rhums qui jadis s'écoulaient exclusivement

dans les colonies anglaises furent appréciés par le
consommateur métropolitain, et ce qui n'était au
XVIII siècle qu'une monnaie d'appoint dans les échanges

e
des deux îles avec l'extérieur en devint à la fin du
XIX la monnaie principale. On revint d'ailleurs sous
e
la force des choses à un protectionnisme sévère et
la loi de 1922 réserva à la Martinique et
à la Guadeloupe
la majeure part du contingent des rhums affecté aux
colonies, leur sauvegardant ainsi un élément de richesse
qu'elles n'étaient plus assurées de trouver dans les
sucres.

E n définitive, les deux Iles ont su adapter leur écono-
mie aux conditions nouvelles de l'économie mondiale,
comme elles ont su s'adapter moralement et psycho-

logiquement au régime de liberté et d'égalité instauré
par les Lois et la Constitution de la République. Repré-
sentés au Parlement par leurs mandataires élus, les
Antillais revendiquèrent comme un honneur l'appli-

cation du principe du service militaire universel obli-
gatoire ; il leur fut étendu en 1911, et lorsque trois ans
plus tard leur patriotisme fut mis à l'épreuve, non con-
tents de contribuer à la défense de la Patrie commune,
ils assurèrent encore, après la paix, la reconstruction

des deux cités d'Étain et de Neuvilly.
1848, 4 mars. — Loi abolissant l'esclavage.
Une commission est n o m m é e , présidée par Victor

1 8 4 8 - 1 9 3 5
109
Schœlcher (1804-1893) avec mission de fixer les mesures
d'application.
— 5 mars. — Décret suivi d'une instruction le 8 mars,
établissant le suffrage universel. La Martinique et la
Guadeloupe reçoivent chacune trois députés ; elles élisent
l'une et l'autre Victor Schœlcher qui opte pour la pre-
mière.
— 27 avril. — Décret proclaman t libres tous les esclaves.
Une indemnité est prévue pour les propriétaires. Ces
mesures engendrent des troubles très graves, en parti-
culier à la Guadeloupe.
1849. L a loi sur l'inscription maritime est rendue appli-
cable aux Antilles.
— L'indemnité à verser aux propriétaires pour chaque
esclave affranchi est fixée à 430 francs à la Martinique,
470 à la Guadeloupe, 618 à la Guyane et 705 à la Réunion.
Ces chiffres très inférieurs à la réalité suscitent chez les
planteurs une vive indignation. Les colonies entrent
dans une période de crise grave. Pour retenir les noirs,
les habitants leur offrent un salaire, mais ne réussissent
pas à les conserver. Les affranchis se réunissent et forment
de nouvelles paroisses.
En v u e de parer au manque de main-d'œuvre on envi-
sage de recruter des travailleurs en Chine, dans l'Inde
et sur la côte occidentale d'Afrique. Grâce à cette nouvelle
traite déguisée, qui c o m m e n ç a en 1854, la production
du sucre, qui était tombée de 33 millions de kilogrammes
en 1848 à au-dessous de 12 millions en 1851, se releva
et dépassa en 1858 le niveau antérieur à l'abolition.
1851, 13 juin. — Loi protégeant le sucre métropolitain en
taxant le sucre colonial à 6 francs le quintal et le sucre
étranger de droits variant entre 12 et 32 francs selon
sa provenance et le pavillon. L'égalité entre le sucre de

1 1 0 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
betteraves et le sucre de cannes était prévue au terme
d'un délai de 4 ans. Les droits frappant les sucres étran-
gers furent augmentés de 1 o u 2 francs selon la catégorie
par le décret d u 27 mars 1852.
— Suppression d u Gouvernement Général des Antilles.
1852. Publication de la Case de l'Oncle Tom, de Madame
Beecher-Stowe.
— La Constitution nouvelle supprime la représentation
des colonies au Parlement et remet au Sénat le pouvoir
de légiférer à leur sujet. Un « Comité consultatif » est
créé la même année, composé de membres délégués par
les Conseils Généraux des Colonies ou nommés par le
Chef de l'Etat.
1854. Sénatus-Consulte distinguant les affaires coloniales
exigeant le vote d'une loi et les affaires pouvant être
réglées par un décret.
— 3 m a i . — Sénatus-Consulte réglant l'organisation
administrative de la Martinique et la Guadeloupe.
— 24 juillet. — Décret concernant les Conseils généraux
des colonies. — Décret instaurant au Ministère de la
Marine un Comité Consultatif.
1854-1860. Introduction de la main-d'œuvre exotique pour
suppléer à l'insuffisance de la main-d'œuvre autochtone.
En 1854, arrivent les premiers Indiens, en 1857 des
Africains, en 1859 des Chinois. — En 1860, la colonie
comptait 4.155 Indiens, 2.995 Africains, 184 Chinois.
— La propriété m o y e n n e , et m ê m e la petite propriété,
s'accroissent très sensiblement.
1855. Deux décrets du 31 juillet et d u 29 septembre c o m -
plètent le sénatus-consulte du 3 mai 1854. L a totalité
des impôts perçus dans les colonies est abandonnée aux

1 8 4 8 - 1 9 3 5
111
budgets locaux. Les dépenses de l'armée, d u gouverne-
ment et de la justice demeurent à la charge de l'Etat,
tandis que les charges correspondant aux travaux publics,
à l'enseignement, etc., incombent à la colonie. C'est en
définitive le retour au système pratiqué par l'Ancien
Régime.
1856, 30 janvier. — Décret, confirmé par la loi du 18 août
1857, autorisant l'importation aux Antilles de marchan-
dises de Pondichéry et de l'Inde Française spécialement
dénommées. Ces produits étaient nécessaires aux coolies
immigrés aux Iles depuis l'abolition de l'esclavage.
La loi de 1857 prévoyait également l'introduction, sans
droits, par tous navires d'animaux propres à la reproduc-
tion et l'admission d u tabac et de la vanille sous des droits
différents.
— 16 août. — Décret fixant les subdivisions territo-
riales des colonies antillaises ; création des quartiers,
sous-quartiers, etc..
1857, Hausse du cours des sucres. Grâce aux bénéfices
importants qu'ils réalisent, les usiniers renouvellent leur
matériel et perfectionnent la technique de la fabrication.
1857-1858. L a fabrication du sucre de betterave qui attei-
gnait 64 millions de kilogrammes en 1848 et dépassait
90 millions en 1855 se chiffre à 151 millions, grâce aux
progrès constants de la fabrication.
1858, 24 juin. — Création d u Ministère de l'Algérie et des
Colonies, confié au Prince Napoléon, fils de Jérôme.
— 21 novembre. — Création d'un Conseil Supérieur de
l'Algérie et des Colonies, organisme purement consultatif.
1859, 15 août. — Amnistie accordée à quelques proscrits
célèbres. Schœlcher refuse d'en profiter.

11.2 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1860, 28 m a i . — A la suite du traité de commerce signé
avec l'Angleterre, le marché métropolitain est ouvert
aux sucres étrangers. Un droit très faible de 1 fr. 50 par
100 kilogs les frappait lorsqu'ils étaient portés par navires
étrangers, droit qui fut supprimé par le décret du 16 j a n -
vier 1861. Les droits perçus sur les sucres étrangers étaient
considérablement réduits.
Depuis 1853 l'Administration étudiait la réforme du
régime colonial. La signature du traité de commerce
préparé par Chevalier devait modifier entièrement les
données du problème. Les villes maritimes, les Chambres
de commerce les plus attachées au système de l'Exclusif,
toutes reconnaissaient « qu'il n'est plus possible de main-
tenir les dispositions du Pacte Colonial à la charge des
colonies quand les dispositions à leur profit n'existent
plus. »
— A partir de cette date les planteurs utilisent les
crédits que leur accordent les banques à transformer les
usines de petites dimensions employant des moulins à
vent en de vastes manufactures outillées industrielle-
ment. La production totale du sucre s'accroît dès lors
dans une très forte proportion et atteint en 1884 105 mil-
lions de kilogrammes, d'une valeur de 61 millions de
francs. Mais le développement de la culture de la bette-
rave en France devait porter un coup presque fatal à
l'industrie sucrière des Iles. Le chiffre du commerce
total tombe à 60 millions en 1905 (32 pour la Martinique,
28 pour la Guadeloupe, chiffre qui se relève à 40 millions
en 1913).
— L'introduction aux Iles de Noirs de l'Afrique occi-
dentale est interdite.
1 8 6 1 , 3 juillet. — Loi établissant aux Antilles un régime
de liberté commerciale à peu près absolue.

1 8 4 8 - 1 9 3 5
113
Le principe de l'Exclusif ne jouait surtout qu'à l'égard
des Anglais puisque les vaisseaux espagnols avaient t o u -
jours bénéficié d'une exception et que les Américains,
depuis 1778, jouissaient également, de grands avantages.
Or en 1860 la France et la Grande-Bretagne avaient
signé le célèbre traité de commerce base d'une véritable
« entente cordiale ». Il était d o n c naturel d'abattre le
dernier rempart qui séparait les Antilles d u monde écono-
mique britannique.
Désormais toutes les marchandises étrangères dont
l'introduction est permise en France peuvent être importées
à la Martinique, à la Guadeloupe (et à la Réunion) sous
les mêmes conditions douanières qu'en France et sous
tous pavillons. (Une surtaxe variant de 10 à 20 francs
est cependant perçue dans le cas où le navire est étranger).
Les produits de la Métropole peuvent être également
portés dans les colonies — ou l'inverse — sous pavillons
étrangers, mais dans ce cas une surtaxe de 20 francs par
tonneau est perçue. Enfin les produits coloniaux autres
que le sucre, le cacao, le café et les fruits o n t l'entrée
libre en France.
— 27 juillet. — Décret doublant les droits perçus
sur les tabacs étrangers et les fixant à 120 francs par
100 kilogs s'ils sont en feuilles et à 240 francs s'ils sont
préparés.
1862, 12 décembre. — Un contingent de volontaires de la
Martinique et de la Guadeloupe débarque à la Vera Cruz
pour soutenir l'expédition française d u Mexique. Bazaine
félicitera en 1865 le corps antillais de sa belle conduite
au cours des hostilités.
1863, 31 août. — Décret établissant le Crédit foncier Colo-
nial, fondé pour une durée de 60 ans au capital de 12 mil-
lions de francs.
ANTILLES
8

114 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1864, 8 novembre. — Convention internationale signée par
la France, la Grande-Bretagne, la Hollande et la Belgique,
établissant un régime c o m m u n pour les sucres.
1865, L e procédé de l'extraction d u jus par diffusion r é v o -
lutionne l'industrie sucrière européenne. Elle ne sera
mise en pratique sur une large échelle qu'à partir de 1880.
1866, 4 juillet. — Sénatus Consulte modifiant celui d u
3 mai 1854 et élargissant les attributions des Conseils
généraux des colonies.
1867, 26 mars. — Déclaration diplomatique complétant la
Convention de 1864.
1875. L'Assemblée Nationale attribue au x Antilles une
représentation au Parlement.
1878, 16 mars. — Prise de possession de l'île Saint-Barthé-
lemy rendue à la France par le traité d u 10 août 1877.
La liberté du commerce avec tous les pays fut immédia-
tement accordée à la nouvelle colonie (10 octobre).
1880. L'institution d u jury est étendue au x Antilles.
1883, 19 octobre. — Décret organisant le Conseil Supérieur
des Colonies — (complété et modifié en 1890, 1891, 1898,
1904, 1905 et 1906).
— Les travaux de cultures vivrières occupent
23.149 travailleurs ; plus de 89.174 autres étaient attachés
aux travaux salariés d'agriculture.
Les importations furent de 28.110.848 francs et les
exportations de 32.235.938 francs.
1884. L a loi organisant les municipalités est appliquée
aux Antilles. L'une des plus anciennes revendications des
colons reçoit satisfaction.
— 26 juillet. — L a France adopte le système fiscal

1 8 4 8 - 1 9 3 5
115
pratiqué par l'Allemagne : l'impôt sur la betterave, au
lieu de l'impôt sur le sucre.
1889, 18 juillet. — Loi étendant a u x créoles l'obligation
du service militaire.
1893, 25 décembre. — Mort de Victor Schœlcher.
1897, 7 avril. — Nouvelle loi sucrière établissant un régime
nouveau en faveur des colonies et relevant les droits perçus
sur les sucres étrangers.
1898. Conférence de Bruxelles. E n v u e de remédier à
l'avilissement des cours d u sucre, des délégués de l'Alle-
magne, l'Autriche, la Grande-Bretagne, la France, les
Pays-Bas, la Russie et la Suède se réunissent à Bruxelles.
Ils reconnaissent l'impossibilité d'élaborer un statut effi-
cace tant que les Etats-Unis se tiendront à l'écart.
1911. Le service militaire universel obligatoire est intro-
duit à la Martinique et à la Guadeloupe à la demande des
deux colonies.
1914-1918. A u cours de la Grande Guerre, la Martinique, la
Guadeloupe — et la Réunion — fournissent un contingent
de 51.618 combattants sur lesquels 32.918 furent tués,
blessés ou mutilés.
1917,29 décembre. — Décret ratifié par la loi d u 13 mars 1920
interdisant l'importation en France de sucres, alcools et
mélasses en provenance de l'étranger.
1919,8 juillet. — Décret ratifié par la loi d u 20 décembre 1922
interdisant l'importation des sucres, mélasses, sirops et
alcools étrangers dans toutes les colonies françaises.
1920, 25 juin. — Loi fixant le régime des rhums coloniaux
aux Antilles et dans la Métropole. Ils sont exempts de
la surtaxe sous certaines conditions.

1 1 6 M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T D É P E N D A N C E S
1922, 31 décembre. — Loi sur le contingentement.
« A partir du 1 janvier 1923, seuls pourront être
er
importés en France en exemption de la surtaxe prévue
par l'article 89 de la loi du 25 juin 1920 et jusqu'à concur-
rence d'une quantité annuelle de 160.000 hectolitres les
rhums et tafias originaires des colonies françaises présen-
tant les caractères spécifiques définis par l'article 6 du
décret du 19 août 1921 et ne titrant pas plus de 65°. »
(art. 9)
A la suite de cette loi, un décret fut rendu le 20 fé-
vrier 1923, fixant ainsi la répartition entre les colonies du
contingent qui leur était alloué :
Martinique . 80.000 hl. Mayotte . . . 92 hl.
Guadeloupe. 60.000 » Madagascar. 630 »
Réunion... 18.000 » N o u v e l l e -
Guyane 140 » Calédonie. 2 »
Indochine... 1.133 » Océanie .. . . 3 »
Dans l'intérieur de chaque colonie la répartition était
faite entre les fabricants au prorata de leur production,
par arrêté du gouverneur sur avis de la Chambre de
Commerce, de la Chambre d'Agriculture et des délégués
des usiniers.
Le décret du 27 décembre 1923 éleva le contingent
pour l'année suivante à 185.000 hectolitres. La part des
deux îles fut accrue de 6.000 hectolitres chacune.
1923, 17 février. — Arrêté établissant la prohibition de
l'exportation des sucres.
1 9 2 8 , 1 3 avril. — Loi fixant le régime douanier des colonies.
Celles-ci sont divisées en deux groupes dont l'un, assimilé
à la Métropole, comprend les Antilles et la G u y a n e ,
Madagascar, la Réunion et l'Indochine.
1931, 10 juillet. — Loi autorisant les colonies à émettre
des emprunts pour faire face à leur outillage écono-
mique.

LA MARTINIQUE


« La Martinique, la meilleure et la
plus riche colonie qu'eut la France... »
(VOLTAIRE, Le Siècle de Louis XV, t. II,
chap. xxxv).
PREMIÈRE PÉRIODE: 1635-1674
La Martinique, dont la superficie est de 988 kilomètres
carrés, n'est que deux fois plus étendue que le départe-
ment de la Seine. Occupée et colonisée à l'origine,
comme la Guadeloupe, par l'initiative des deux pre-
miers gouverneurs de Saint-Christophe, d'Esnambuc et
Poincy, à qui elle resta nominalement plutôt qu'effec-

tivement subordonnée, la Martinique eut l'heureuse
fortune de rencontrer d'abord un gouverneur plus
humain ou plus avisé que ses collègues des autres î l e s ;
ce fut D u Parquet. A la liquidation de la Compagnie
des Iles d'Amérique, celui-ci acheta son propre gouver-
nement pour 60.000 livres et l'exploita jusqu'à sa
mort, en 1660, sans se heurter à trop de difficultés.

Il vit l'industrie sucrière se développer assez rapidement.
Sa mort fut suivie de l'expulsion des Caraïbes et, parmi
les colons, il régna pendant quelque temps un fort
mauvais esprit. D u Parquet laissait des enfants mineurs

120
LA MARTINIQUE
et leur tuteur fut un homme maladroit. Lorsque les
abus des seigneurs propriétaires des îles se furent accrus
au point de déterminer le gouvernement à racheter

leurs droits et à constituer une compagnie nouvelle qui
fut la Compagnie des Indes occidentales, le roi n o m m a

un gouverneur particulier de la Martinique, qui fut
M. de Clodoré.
La guerre ayant éclaté en Europe entre la France et
l'Angleterre, le Roi jugea que, dans l'intérêt de leur
défense commune, il était nécessaire de placer toutes
nos îles ou possessions des Antilles sous un gouverne-
ment unique et c'est alors, en 1667, que fut constitué
le gouvernement général des Antilles qui, avec quelques
retouches, a duré jusqu'à la Révolution. La Martinique,

dont les ports se prêtaient mieux à l'abri de nos flottes
et de notre commerce, fut choisie comme chef-lieu
de nos établissements et elle dut à ce choix la prospérité

privilégiée dont elle a joui pendant plus d'un siècle.
Le premier gouverneur général fut M. de Baas, de la
famille du célèbre d ' A r t a g n a n ; il était encore en
fonction lorsque la Compagnie des Indes occidentales

disparut en 1674.
Dès 1664, les premiers recensements effectués à la
Martinique accusent une population de 3.515 habitants,
dont 1.081 blancs, 2.416 noirs et 18 mulâtres.


1635-1674
121
1635. Après avoir fait occuper la Guadeloupe, en juillet,
par l'Olive et Duplessis, d'Esnambuc prend possession
de la Martinique, le 1 septembre, fait construire un fort
er
à Saint-Pierre et, laissant le c o m m a n d e m e n t à un sieur
Du Pont, revient à Saint-Christophe. Les Français et
les Caraïbes se font aussitôt la g u e r r e ; toutefois la paix
paraît rétablie dès la fin de l'année.
— D u Parquet s'installe au C a r b e t ; la rivière qui
le traverse prend le n o m de Rivière de Monsieur.
1636. Le sieur D u Pont ayant été pris en mer par les Espa-
gnols, au m o m e n t où il se rendait à Saint-Christophe
et ayant été retenu prisonnier durant 3 ans, d'Esnambuc
le remplace au gouvernement de la Martinique par son
neveu D u Parquet. — L a bonne conduite de ce dernier
attire de nombreux habitants.
1637,2 décembre.— D u Parquet est n o m m é par la Compa-
gnie pour trois ans lieutenant général de la Martinique.
1639. Un Flamand nomm é Trézel, recommandé par Grotius,
obtient l'exploitation exclusive d u sucre à la Martinique
jusqu'en 1645. On lui donne 2.000 arpents de terre.
Il doit c o m m e redevance 7 % d u sucre fabriqué. Après
l'échec de sa tentative, il s'établit à Rouen où il introduit
l'industrie de la confiserie.
1640 (commencement). — Les premiers missionnaires
arrivent à la Martinique.
1641. Début du commerce de la traite entre la Martinique
et l'Afrique. On paye 200 livres un nègre à Saint-Pierre.
1642. La Compagnie, désireuse d'établir la culture sucrière
aux Iles, se substitue à Trézel.

122
LA MARTINIQUE
1645. Insurrection des colons contre la Compagnie.
1646. Du Parquet, d o n t deux de ses parents venaient d'être
chassés de Saint-Christophe par Poincy, se décide à une
expédition pour obtenir raison. Il fait prisonniers deux
neveux de Poincy, mais t o m b e lui-même aux mains de
son adversaire (janvier). Une expédition d e secours
envoyée de la Guadeloupe par le gouverneur Houel,
fin janvier, échoue et revient le 3 février.
1647. 17 janvier. — Thoisy, gouverneur désigné pour Saint-
Christophe, est arrêté par des habitants de la Martinique
et livré à Poincy en échange de Du Parquet. Celui-ci,
libéré, rentre à la Martinique le 9 février.
— D u Parquet est confirmé dans le gouvernement de
la Martinique.
1650. La colonie exporte du sucre. En réalité, seul le c o m -
mandeur de Poincy est en état de blanchir le sucre. Son
procédé lui vaut des revenus de 30.000 livres par an.
Ces bénéfices considérables pour l'époque expliquent son
acharnement à conserver le gouvernement des Iles à
l'encontre d u chevalier de Thoisy, n o m m é par le R o i .
— Liquidation de la Compagnie des Iles d'Amérique.
D u Parquet achète 60.000 livres la Martinique, Sainte-
Lucie, la Grenade et les Grenadines (27 septembre 1650).
Il est n o m m é l'année suivante gouverneur et lieutenant-
général du Roi en ces îles (août 1650).
1654. Arrivée de juifs hollandais, fugitifs du Brésil. ils
apportent le secret du raffinage. On doit en particulier
à un de leurs noirs le procédé de préparation de la terre
en vue du blanchiement des sucres.
— Une révolte générale des Caraïbes, .provoquée en
grande partie par les pratiques de lucre des gouverneurs
et des colons, et aussi par notre établissement presque

1 6 3 5 - 1 6 7 4
123
simultané à Marie-Galante, la Grenade et Sainte-Lucie,
éclate dans toutes nos Antilles et fut particulièrement
grave à la Martinique. L a venue inattendue des juifs
hollandais contribua à l'apaisement de la révolte.
1657. Les habitants de la Martinique refusent de payer
quelques droits que le gouverneur veut imposer pour
pourvoir à la défense militaire de l'île, menacée par les
nègres et les Caraïbes.
1658, 3 janvier. — Mort de D u Parquet. — Le R . P. Feuillet
est envoyé en France pour demander la succession pour
le fils aîné de D u Parquet.
— 15 septembre. — Lettres patentes d u roi conférant
au sieur d'Esnambuc fils aîné de D u Parquet et à son
défaut à son frère, tous deux mineurs, le gouvernement
de la Martinique, sous la tutelle de leur mère.
— Expulsion des Caraïbes. — Insurrection des colons
contre Madame D u Parquet, qui est embarquée de force
pour la France. Création d'un syndic, chargé de repré-
senter et de défendre les intérêts des habitants; la
capitation est réduite de 100 à 50 1. de petun.
Ces deux réformes sont de courte durée. Colbert prend
prétexte de ces troubles pour intervenir; il promet aux
colons de donner satisfaction à leurs revendications, mais
il ne tiendra pas sa parole.
1659. Nomination d'un arpenteur et d'un voyer.
1660, 31 mars. — Le Conseil de la Martinique s'associe à
la paix générale conclue à Saint-Christophe entre les
Caraïbes, les Français et les Anglais.
— Plantation des premiers pieds de cacao. Cinquante
ans plus tard, la colonie exportera 5.000 quintaux par an.
1663, 19 novembre. — Colbert charge le marquis de Tracy

124
LA M A R T I N I Q U E
de reprendre les Iles, sur le sieur de Vaudroques, tuteur
des enfants D u Parquet, lequel s'est insurgé contre l ' a u t o -
rité royale. Vaudroques meurt avant l'arrivée de T r a c y ,
qui prendra possession de la Martinique sans difficultés.
1664. Etablissement de la Compagnie des Indes Occiden-
tales. (Voir généralités).
— Tracy reçoit l'ordre d'interdire pour six mois tout
commerce entre les îles et les Hollandais. L'exécution
de cet ordre tue tout commerce et plonge nos colonies
dans la misère.
— Un recensement de la population donne une
population totale de 3.515 habitants, dont 1.081 blancs,
2.416 noirs et 18 mulâtres. Ce recensement ne paraît pas
complet.
— 19 novembre. — Tracy étant venu de la Guadeloupe
à la Martinique décide que les lois françaises seront appli-
cables aux Caraïbes dans toutes nos îles.
— décembre. — L a nouvelle compagnie arme 4 vais-
seaux qui partent de la Rochelle le 14 décembre et arrivent
à la Martinique en février, Ils y apportent trop peu de
marchandises pour subvenir aux besoins de la population :
d'où première désillusion parmi les colons et quelques
mouvements qui durèrent jusqu'en 1666. — Ces vaisseaux
amènent M. de Chambré c o m m e intendant général et
M. de Clodoré c o m m e gouverneur de la Martinique.
1665, avril. — Tracy quitte les Antilles pour aller prendre
possession d u gouvernement d u Canada.
— Le gouverneur Clodoré décide la construction d u
fort Saint-Pierre, pour réprimer les fréquentes séditions
des habitants.
— Mouvement séditieux parmi les colons provoqué

1 6 3 5 - 1 6 7 4
125
par une question de tarif des marchandises transportées
en France. Les deux meneurs furent pendus.
— Règlement fixant le statut de la colonie. Colbert
conserve le régime a n t é r i e u r : les habitants âgés de 15
à 50 ans payeront 100 livres de petun à titre de capi-
tation, les créoles étant exempts et les hommes mariés
n'étant taxés qu'à 20 livres.
1666. La guerre ayant éclaté en Europe entre la France
et l'Angleterre, Clodoré arme un certain nombre d'esclaves,
que c o m m a n d e l'un d'eux, n o m m é Fabulé.
— La flotte anglaise commandée par Willougby paraît
devant la Martinique le 30 juillet et quelques jours après
arrive à la Guadeloupe. Elle est dispersée le 4 août par
un o u r a g a n ; la partie de l'armée, restée à terre, est réduite
à se rendre à discrétion le 15 août.
1666-1667. La Compagnie arme pour les Antilles 8 navires,
d o n t elle donne le commandement à M. de La Barre,
maître des requêtes promu lieutenant-général. L'escadre
appareille de Rochefort le 27 juillet 1666, et, après avoir
erré en mer, arrive à la Martinique le 1 octobre.
er
Une autre escadre envoyée par le roi était déjà arrivée
à la Martinique depuis le 15 septembre. Réunies, ces
deux escadres s'emparent sans peine de Montserrat
(15 fév. 67), Antigoa, (3 déc), Saint-Eustache (15 nov.)
et T o b a g o (fin août).
La paix ayant été conclue à Breda le 31 juillet 1667,
nous rendons nos conquêtes. Cette paix n'améliora pas
la situation de nos propres possessions qui, soumises au
régime de l'exclusif et mal ravitaillées par la métropole,
vivaient littéralement dans la misère.
1667. Les Anglais attaquent à plusieurs reprises (juin-
juillet) les Français sur les côtes de la Martinique et
notamment dans la rade de Saint-Pierre.

1 2 6
LA M A R T I N I Q U E
—1 février. — L a Martinique devient le chef-lieu
er
de tous nos établissements en Amérique, la Guyane y
comprise.
1669. De Baas, premier gouverneur général des îles, n o m m é
en 1667, prend possession de ses fonctions (4 février).
— Il embarque le gouverneur Dulion pour France. — Les
ordonnances ou règlements qu'il publie pour la Martinique
sont obligatoires pour toutes les îles.
— 3 octobre. — Fondation de la ville de Fort R o y a l .
1670. 19 août. — Assemblée des députés des habitants
réunie par le marquis de Baas. Elle demande notamment
le droit d'élire un syndic et la permission de commercer
librement avec « la nation française ».
— Le Conseil souverain de la Martinique décide que les
cinquante pas d u roi sur le littoral auront désormais
pour point de départ, d u côté de la mer, l'endroit où
l'herbe commence à pousser.
Introduction de la monnaie ; elle commence à remplacer
les paiements en nature.
— Baas établit un « jardin d u R o i », sorte de pépinière
où il tente d'acclimater — avec succès — les principaux
arbres fruitiers de France.
— Débuts d'un commerce entre la Martinique et le
Canada. Colbert le soutient.
1671. On procède au dénombrement des habitations.
En son volume (t. I, p p . 562 à 572), Dessalles donne
les noms des habitants propriétaires de la Martinique,
répartis par quartiers. (Il cite 42 quartiers, dont quelques-
uns n'ont que de deux à cinq habitants).
— On possède un état nominatif des habitants pro-
priétaires de la Martinique, envoyé aux Directeurs de

1 6 3 5 - 1 6 7 4
127
la Compagnie des Indes occidentales. Les quartiers indi-
qués comme habités sont: la Caravelle, Cul de Sac
Louis, Fort Sainte-Marie, Fort Saint-Jacques, Pain de
Sucre, Fond du Charpentier, Marigot, le Morne de Céron,
Grande Anse, Basse Pointe, Macouba, Potiche, Grande
Rivière, Anse du Lévrier, Anse du Céron, Prêcheur,
Pointe sur la Mare, Fonds Canonville, Rivière Blanche,
Ravine Sèche, Fort Saint-Pierre, Rivière Monsieur,
Rivière de l'Acajou, Rivière du Lamentin, Rivière du
Lézard, le Trou au Chat, Rivière Salée, les Trois Ilets,
l'Anse du Milan, Anse des Navires, Grande Anse d'Arlet,
Petite Anse du Diamant, Marigot du Diamant, les Trois
Rivières, Anse Laurent, Anse du Serrurier, Rivière Pilote,
Pointe de la Borgnesse, Cul de Sac Marin, Quartier des
Suisses et Pointe Marin.
— Les cultures se répartissent ainsi à la Martinique:
36.400 pas en tabac. 76.700 pas en cannes. 107.000 pas
en vivres.
Le prix du tabac tombe de 30 et 40 sous la livre à 5 sous
à la fin du siècle. Cette circonstance favorise l'essor des
plantations de cannes.
— Le prix du quintal de sucre brut tombe de 121. à 61.,
d'où obligation de raffiner les sucres à la Martinique à
peine de voir les plantations péricliter. Le Supérieur des
Jésuites soutient le premier ce point de vue; la Compagnie
envoie des ustensiles au sieur de Loover, Flamand installé
à la Guadeloupe.
— Incendie de Saint-Pierre.
Vers 1671. — La ferme des droits seigneuriaux et de capi-
tation est adjugée à Jean Oudiette, sous le titre de
domaine d'Occident.
1672, 26 janvier. — Sous le nom de troupes détachées de la
Marine, on fait passer six compagnies aux Iles du Vent:

128
LA MARTINIQUE
ces compagnies furent portées à 8 en 1680 : le gros des
troupes se trouvant à la Martinique. Cet état de choses
dura jusqu'en 1763.
1 6 7 3 . Baas dirige une expédition qui avorte contre Curaçao,
entrepôt depuis 1634 du commerce des Hollandais avec
les Espagnols.
1674. Le raffinage s'est développé dans les îles, grâce aux
efforts de l'Intendant Patoulet, qui avait pris l'initia-
tive de fonder une société. Ce sont les débuts du sucre
« terré ». Dix ans plus tard, la Martinique possédera
3 raffineries ; le prix du quintal de sucre, qui était t o m b é
à 50 et 60 sols se relèvera sensiblement.
— 20 juillet. — La Hollande, qui ne peut se résigner
à la perte du marché antillais, envoie des forces considé
rables devant Fort Royal. Une flotte de 48 vaisseaux,
armée de 1.142 canons et montée par 8.000 hommes
environ, attaque sous les ordres de R u y t e r la citadelle
dans laquelle se sont enfermés 161 Français commandés
par le gouverneur de Sainte-Marthe. L'intervention de
deux vaisseaux de la marine royale, Les Jeux, capitaine
marquis d ' A m b l i m o n t et le Saint-Eustache, capitaine de
Beaujeu, bouleverse la manœuvre ennemie et Ruyter doit
mettre à la voile après avoir perdu 1.200 hommes.



DEUXIÈME PÉRIODE: 1674-1763
Cette longue période de quatre-vingt-dix ans fut
une période de prospérité croissante sinon absolue.
La métropole se refusant à exporter son numéraire,
le commerce avec l'île devait se faire en principe par des
échanges et ces échanges étant insuffisants pour sub-
venir aux besoins de la population, celle-ci était pour
ainsi dire obligée de recourir au commerce étranger qui

était interdit. Les gouverneurs se prêtaient en général
à ces complaisances et souvent faisaient du commerce
pour leur compte personnel, en le déguisant par divers
artifices : de là, la disgrâce d'au moins deux d'entre
eux. Seul était autorisé et même favorisé le commerce
avec le territoire continental des Espagnols en A m é -
rique : les Espagnols payaient en métal.

Malgré ces entraves à la liberté ou ces entorses aux
principes, la Martinique connut une prospérité crois-
sante que favorisait encore son titre de métropole
antillaise. Ses sucreries et raffineries se développèrent
et en 1721 ce fut l'introduction de la culture du café.

Quelques autres cultures, comme celle du mûrier, qu'on
voulait également acclimater, se heurtèrent devant
l'indifférence de la population.
ANTILLES 9

130
LA MARTINIQUE
La mise en valeur du pays était presque entièrement
faite par les esclaves : les engagés européens avaient à
peu près disparu dès 1 6 8 3 .
La sécurité, que ne menaçaient plus les Caraïbes,
disparus de l'île, fut à peine troublée par les deux guerres
avec l'Angleterre de 1744 à 1748 et de 1756 à 1763 ;

l'attention des Anglais, en cette dernière guerre au
moins, était surtout tournée du côté du Canada et
notre commerce antillais en souffrit à peine.

Le nombre des colons d'Europe augmentant sans
cesse, quoique dans des proportions assez faibles, des
idées de liberté commencèrent à naître dans les esprits ;

dès 1713 le roi songea à accorder aux habitants quelques
droits au contrôle de leurs contributions ; on envisagea
qu'une assemblée des paroisses se réunirait chaque
année pour voter l'octroi. Cet esprit d'indépendance

ou de liberté se révéla d'une façon toute particulière
en 1717, lorsque la population soulevée renvoya en

France le gouverneur et l'intendant, qui, au nom de la
métropole, voulaient leur imposer la limitation du
nombre des sucreries.

D'ailleurs nul incident réellement dramatique ne
caractérise cette longue période, où l'autorité royale
fut absolument souveraine ; le seul qu'on puisse relever

est plutôt du genre burlesque, celui dont le faux
prince de Modène fut le héros en 1748-1749.
Le mouvement intellectuel paraît avoir été nul ; dans
les paroisses l'autorité du clergé était pour ainsi dire
souveraine et se maintenait pourtant dans des limites
qui ne provoquaient aucune intervention du pouvoir.


1674-1763
131
1675. L e sieur Blondel établit les dessins d u Fort R o y a l .
1676. Des boucheries publiques sont établies à Saint-Pierre :
le prix des viandes fut réglé en 1678.
1677. Mort de Baas (15 février).
— Blénac est installé le 8 n o v e m b r e .
1678. 8 novembre. — Création d'un Grand V o y e r en la
personne d u sieur du Joncheray. La construction d'une
route est entreprise entre Fort R o y a l et Trinité, elle
sera achevée en 1680.
1679. Blénac réprime une légère insurrection des nègres
à la Martinique.
— Débuts du Diamant.
1680. Le R o i interdit à Blénac de faire la guerre au x
Caraïbes de Saint-Vincent.
1680-1682. Le marquis d'Angennes Maintenon, venu à la
Martinique en 1674 après avoir vendu ses terres à la
nouvelle favorite du R o i , reçoit d u gouvernement mission
d'établir entre la colonie et les territoires espagnols d u
continent un trafic qui doit faire affluer aux Antilles
les espèces métalliques. Colbert espère remédier ainsi
à l'absence de monnaie qui se faisait sentir dans les Iles,
sans entamer le stock métallique de la métropole.
1680-1686. Transport aux Des de femmes tirées d e l'« H ô p i -
tal de Paris » où elles sont choisies avec soin.
1681. 14 septembre. — Blénac ordonne de transférer le
pavillon royal de Saint-Pierre à Fort Royal.
1683, mars. — Saint-Laurent, gouverneur de Saint-Chris-

132
LA MARTINIQUE
t o p h e , est chargé de l'intérim du gouvernement de la
Martinique pendant l'absence de M. de Blénac.
— L e s engagés o n t à peu près disparu à la Martinique ;
ils o n t été remplacés par les Noirs.
1683-1700. Louis XIV soutient chaudement les tentatives
faites pour introduire le mûrier aux Antilles. Il fait
envoyer des ouvriers spécialisés dans la manufacture de
la soie. Bégon, alors intendant des Iles, s'efforce d'accli-
mater la nouvelle culture ; il est secondé par les sieurs de
Lacalle et de Manoncourt, qui obtiennent en récompense
les deux seules érections de fiefs qui aient été concédées
à des colons de la Martinique.
1686. Assèchement d u marais de Fort R o y a l par le creuse-
ment d'un canal débouchant dans la rivière Le Vassor.
1690. Débuts de la Trinité.
— Blénac ordonne l'établissement d'un nouveau che-
min entre Fort Royal et Saint-Pierre, qui passera par
les hauteurs au-dessus de Case Pilote.
1691. Le R o i décide que tout esclave venant des Antilles
sera libre de droit en touchant le sol de France.
1692. Le siège d u gouvernement général, décidé, en 1681,
est transféré de Saint-Pierre à Fort R o y a l , d o n t le port
offrait plus de sécurité.
1692-1693. Les Anglais se livrent à des démonstrations
navales sur les côtes de la Martinique ; ils échouent dans
leurs attaques contre Saint-Pierre (1692) et contre le
Cul de Sac Marin (1693). — Un recensement des milices
donne le chiffre de 1.430 hommes armés.
1693. Descente des Anglais à Sainte-Anne et à Saint-Pierre.
1694. Prise de deux vaisseaux anglais par des flibustiers
de la Martinique.

1674-1763
133
1695. Les Jésuites desservaient à la Martinique 5 paroisses,
les Capucins 5, et les Jacobins 7. — A la m ê m e d a t e ,
le P. Labat donne un état des paroisses de toutes les Iles,
et des curés qui les desservent avec leurs droits respectifs.
— L'ensemble routier de la Martinique est achevé.
— Achèvement des fortifications de Fort Royal.
1697. Claude de Fuchsamberg, marquis d ' A m b l i m o n t , suc-
cède au comte de Blénac. Il mourut le 17 août 1700 du
mal de Siam ou fièvre jaune et fut enterré à Fort R o y a l .
— Achèvement d'un fort à la Trinité.
1698. En dépit des interdictions royales, la Martinique
possède 18 raffineries. Toute-puissance du marquis d ' A n -
gennes Maintenon.
1700. La Martinique compte 22.000 habitants.
— Le roi refuse la permission d'établir à Saint-Pierre
un collège, qui serait tenu par les Jésuites; « pour le latin,
disait-il, il n'est rien de moins nécessaire pour faire de
bons habitants et on peut m ê m e dire qu'il leur serait
contraire. »
— Charles d'Esnots succède au marquis d ' A m b l i m o n t .
Il meurt l'année suivante à Fort Royal de la fièvre jaune.
— Débuts du Cul de Sac Marin.
1701. La population est de 23.362 noirs et mulâtres et
6.961 blancs.
1702. Charles François de Machault succède à Charles
d'Esnots au gouvernement général. Il mourut à Fort
R o y a l , où il fut inhumé, le 16 janvier 1709.
1705, 10 juin. — Le gouvernement royal refuse de créer
un évêché à la Martinique pour ne pas créer un nouveau

134
L A M A R T I N I Q U E
fonctionnaire, qui, par son autorité propre, pourrait entrer
en conflit avec le gouverneur de l'île.
1706. L a Martinique fournit 1.200 volontaires, habitants
et flibustiers, à une expédition que d'Iberville se propose
de conduire en Louisiane. En route, un premier détache-
m e n t de ces volontaires, conduits par le comte de Cha-
vagnac, dévaste Saint-Christophe. L'escadre elle-même
ayant touché la Guadeloupe fin mars en repart le 31,
ravage l'île Nièves et revient à la Martinique le 26 avril.
— Débuts de Sainte-Marie.
1709. R a y m o n d Balthazar Phélypeaux succède à Charles
de Machault au gouvernement général. Il meurt dans
la colonie le 21 octobre 1713. Petit-fils du Secrétaire
d ' E t a t et fils de l'intendant, il avait été envoyé extra-
ordinaire du Roi auprès de l'Electeur de Cologne. C'est
le premier gouverneur qui n'ait pas appartenu au corps
de la marine.
1710. Le régime de la monoculture s'est généralisé dans
la colonie.
1711. D u b u c livre c o m b a t au navire anglais la Julie en
rade de Saint-Pierre et la met en fuite.
Cassard part de la Martinique pour attaquer la petite
île de Montserrat et menace Curaçao et Saint-Eustache.
1713. Le R o i , devant les difficultés financières que la guerre
lui fait éprouver, songe à se décharger sur les colons des
frais de troupes et de fortifications.
Pontchartrain propose aux habitants de suivre l'exemple
des colons de Saint-Domingue et d'établir une dîme sous
forme d'octroi librement consenti. En vue d'obtenir une
somme de 200.000 1. il les autorise à n o m m e r cinq syndics
dont un représenterait les négociants. Les 22 paroisses
de la Martinique éliraient chacune un syndic particulier,

1674-1763
135
membre d'une assemblée qui choisirait dans son sein
les cinq Syndics généraux. Cette assemblée se réunirait
à la Noël et voterait chaque année l'octroi.
— 21 octobre. — Mort de Phélypeaux, gouverneur
général. Après un court intérim de la Malmaison, il est
remplacé par Duquesne, qui arrive dans l'île le 7 novembre
1714.
1714. En v u e de satisfaire au désir toujours latent des colons
de posséder un représentant, Pontchartrain songe à
accorder à la colonie un député d u Commerce au Conseil
de Commerce.
1715. 16 janvier. — Réunion par les administrateurs d'une
assemblée des députés des paroisses en v u e de leur d e m a n -
der le v o t e d'un octroi.
1716. Le Conseil de marine interdit l'établissement de toute
nouvelle sucrerie.
1716-1717. Instructions au gouverneur général de la Varenne
et à l'intendant Ricouart pour réprimer des abus d'ordre
religieux, mettre fin aux vexations des officiers de justice,
soutenir les petits habitants qui font la force des colo-
nies et limiter les manufactures (25 août 1716).
Munis de ces instructions, de la Varenne et Ricouart
arrivent à la Martinique le 7 janvier 1717. Ils interdisent
la création de nouvelles sucreries et ordonnent la d é m o -
lition de celles qui ne sont pas achevées. Ils mettent
également l'embargo sur des navires espagnols chargés
de piastres.
Les intérêts menacés se coalisent contre eux ; ils sont
arrêtés le 17 mai et embarqués pour France le 23. Le roi
couvrit ces actes par une amnistie le 22 septembre.
Ce m o u v e m e n t témoigne de l'esprit d'autonomie des
planteurs, d o n t certains affichaient des opinions répu-
blicaines et réclamaient la sécession. Il témoigne égale-

136
LA M A R T I N I Q U E
m e n t de l'intérêt que les colons portaient à une contre-
bande qui faisait affluer dans l'île non seulement des
vivres mais des espèces métalliques.
1716-1717. Tentatives d u Régent pour introduire le caféier
à la Martinique. Le gouverneur d ' A m b l i m o n t avait déjà
proposé en 1699 une pareille transplantation.
1717. Tentative des grands planteurs conduits par les
Dubuc pour établir dans la colonie une sorte de république
aristocratique indépendante.
1718. 2 octobre. — Mort à la Martinique de l'Intendant des
Iles, Constant de Silvacane, ancien Président de la Cour
des Monnaies, et Intendant des armées navales. Fin
lettré, il avait traduit Perse et Juvénal.
1719. Le gouverneur de la Martinique confie à Poulain
la conduite d'une expédition qui échoue contre les Caraïbes
noirs de Saint-Vincent.
1720. L a Martinique possède 338 sucreries.
— Apparition à Saint-Pierre d'une nouvelle sorte de
trafiquants, les commissionnaires, qui joueront un rôle
capital dans le développement économique de la ville
et des Iles. Travaillant pour leur propre c o m p t e , ils
monopolisent rapidement le négoce entre la Métropole
et ses colonies, et centralisent les affaires de toutes les
Petites Antilles à S a i n t - P i e r r e : le sort de la Guadeloupe
devient étroitement lié à celui de la Martinique (voir 1763).
Prélevant 5 % de commission, ils constituent de très
grosses fortunes qui leur permettent de servir de ban-
quiers aux planteurs c o m m e aux a r m a t e u r s ; ils ne tar-
deront pas à arbitrer la situation.
1721. Gabriel de Clieu réussit à transporter un caféier de
France à la Martinique et à en implanter la culture dans

1674-1763
137
cette colonie. Deux ans plus t ô t l'intendant Bénard
avait vainement repris les projets du Régent. Grâce à
l'arbuste de G. de Clieu et à des graines apportées de Bour-
bon et de Surinam, le café prend pied aux Antilles où il
devient rapidement un nouvel élément de richesse.
1725. Rivière Salée est détachée de la paroisse du Cul de Sac
à Vaches.
1726. L a Martinique a son premier imprimeur privilégié ;
ce fut un n o m m é D e v a u x , ancien notaire à Nantes.
— L'Intendant Blondel propose d'accorder aux colons
un député au Conseil du Commerce. — Refus indigné
du Ministre.
1727. 1 octobre. — Révocation de M. de Feuquières,
e r
gouverneur général des Iles, coupable de spéculations
commerciales interdites à ses fonctions.
— 21 octobre. — Rappel d u gouverneur de M o y e n -
court, suspect de se livrer pour son compte au commerce
étranger.
— Un tremblement de terre dévaste la colonie et ruine
les cacaoyères. A la suite de cette catastrophe la Cabesterre
se tourne vers la culture d u café, à laquelle le gouverneur
de Champigny accorde sa protection.
1728. Un détachement de troupes françaises se rendant
par mer au Fort Royal se révolte, tue quelques-uns de
ses officiers et, étant arrivé à Saint-Thomas, livre les
autres au gouverneur danois. Le gouverneur de la Marti-
nique ayant réclamé les coupables et en ayant obtenu 8 0 ,
en fait exécuter une partie et envoie les autres aux galères.
— Débuts de la paroisse Sainte-Anne.
1731. Débuts d u coton sur une large échelle. On c o m p t e
2.900.000 pieds.

138
L A M A R T I N I Q U E
1731-1736. La Martinique c o m p t e 58.548 habitants d o n t
11.980 de population blanche. — En 1734 cette population
sera de 12.705, sur une population de 66.595 habitants.
En 1736, les blancs seront 13.917 sur 69.609 habitants.
1736. Le roi rappelle au gouverneur M. de Champigny
les prescriptions de 1713, tendant à entraver le d é v e l o p p e -
ment des affranchissements d'esclaves.
1738. Un commerce assez régulier est établi entre la Mar-
tinique et les colonies espagnoles. Les Espagnols payaient
en argent. L e R o i favorise ce commerce.
1740, 21 octobre. — Arrivée à la Martinique d u marquis
d'Antin, envoyé aux Antilles pour parer à toutes les
éventualités pouvant surgir de la guerre déclarée entre
l'Angleterre et l'Espagne ; il en repart le 30 pour Saint-
Domingue.
— La population de la Martinique est de 74.042 indi-
vidus.
1742. La Martinique possède 456 sucreries. Le prix d u
quintal de sucre est remonté de 8 1. à 20 1.
— Introduction d u cacao de Cayenne.
1745 (fin). — Une flotte marchande de 43 navires conduite
par Degay arrive à la Martinique ; seize de ces bâtiments
t o m b e n t au pouvoir des Anglais au large de Fort R o y a l .
1748, mars. — Arrivée au Marin (17 mars) d'un pseudo agent
secret d u gouvernement français chargé, sous le n o m de
comte de Tarnaud, d'enquêter sur les facilités accordées
par le gouverneur général de Caylus au commerce étranger
et sur la participation personnelle d u gouverneur dans
ce commerce. — Ce faux comte de Tarnaud n'est autre
que le fameux prince de Modène, qui sut maintenir la
légende de ce n o m jusqu'en mai 1749, et fit partout des

1674-1763 139
dupes au Marin, puis à Saint-Pierre. Réfugié en Espagne
en juin 1749, il fut mis en prison. D'Argenson, dans ses
mémoires, le représente c o m m e un agent de l'Angleterre.
1750. 13 mai. — Le gouverneur de Caylus, menacé de dis-
grâce en raison de ses opérations commerciales, disparaît
fortuitement par mort mystérieuse ou fuite précipitée
à l'île de Saint-Thomas. Il est remplacé par le chevalier
de Bompar, chef d'escadre.
1751. On compt e à la Martinique 12.068 blancs, 1.413
mulâtres libres et 65.905 esclaves. A u total 79.386 habi-
tants, d o n t 15.000 à Saint-Pierre et 4.000 à Fort R o y a l .
1752. Un esprit de révolte soufflant parmi les esclaves,
— à la Martinique — des arrestations sont opérées et
six coupables sont rompus vifs.
1754, 9 mars. — Ordonnance portant défense à tous maîtres
de bateaux d'avoir à leurs bords des nègres autres que
ceux de la Martinique ; on veut ainsi réserver à cette île
le monopole absolu d u commerce, en supprimant le
cabotage.
1756. Les armements pour la Martinique qui, en 1750,
étaient de 236 bâtiments et de 390 en 1756, s'élèvent
à 308 dans les sept premiers mois de 1757.
1758, 20 mars. — L'amiral anglais Moore tente contre
Fort Royal une attaque, qui a moins pour b u t d'occuper
cette place que de se saisir des navires français qui i n c o m -
modaient le commerce anglais dans les mers des Antilles.
1759, 17-19 janvier. — Une nouvelle escadre anglaise
commandée par Moore et portant 6.000 soldats et 2.000
miliciens paraît devant la Martinique, Fort de France
puis Saint-Pierre ; elle est repoussée et se porte presque
aussitôt à la Guadeloupe.

140 L A M A R T I N I Q U E
— 23 juillet. — Création d'une Chambre mi-partie
d'Agriculture et de Commerce avec faculté d'avoir à
Paris un député à la suite d u Conseil.
— 1 décembre. — Ordonnance qui défend au G o u -
e r
verneur de percevoir le droit de 2 % sur les nègres et
supprime toutes les fermes existantes. Cette ordonnance
répond au souci des Physiocrates de mettre un terme
aux abus administratifs et de supprimer les profits des
particuliers en matière fiscale.
1 7 6 0 . Les corsaires de la Martinique, parmi lesquels se
distingue un n o m m é Marès, i n c o m m o d e n t le commerce
anglais dans les mers antillaises.
1 7 6 1 , 28 mars. — Ordonnance réunissant au Domaine la
Ferme des Cabarets. La suppression des fermes est désor-
mais absolue.
— 19 décembre. — Arrêt d u Conseil d ' E t a t établissant
une Commission pour la législation des colonies. Cette
commission se transforme rapidement en un Bureau de
contentieux, manque à sa mission et prend fin en 1768.
— L'intendant Thibault de Chanvalon présente à
l'Académie son Voyage à la Martinique, contenant diverses
observations sur la physique, l'histoire naturelle, l'agricul-

ture, les mœurs et les usages de cette île, fait en 1751 et
dans les années suivantes ;
il le publie en 1763.
— L e Parlement de Paris condamne le Père Jésuite
Lavalette, Préfet Apostolique à la Martinique, solidai-
rement avec sa compagnie à l'occasion d'une banqueroute
de trois millions. Le P. Lavalette avait fondé, en associa-
tion a v e c des juifs de la Dominique, un fructueux c o m -
merce entre Saint-Pierre et Marseille mais basé sur des
crédits trop prolongés. La perte de plusieurs cargaisons
saisies par les Anglais entraîna sa chute. Le procès fournit

1 6 7 4 - 1 7 6 3
141
des armes contre la Société de Jésus qui fut bannie de
France peu après.
1762. Les flottes anglaises des amiraux R o d n e y et Douglas,
fortes de 49 vaisseaux et portant de 15 à 18.000 hommes,
paraissent devant la Martinique le 7 janvier, attaquent
le Marin d'où ils sont repoussés, puis les Anses d'Arlet
et Case Navire dont ils s'emparent, et paraissent le
16 janvier devant Fort R o y a l , qui capitule le 13 février.
La capitulation, étendue à Saint-Pierre, y est ratifiée
le 2 mars et l'île entière passe sous la domination anglaise.
— Des secours tardifs, amenés par Blénac, arrivent le
8 mars : Blénac continue sur Saint-Domingue.
La Grenade et Sainte-Lucie capitulent les jours sui-
vants. Monkton est n o m m é provisoirement gouverneur
de la Martinique.
— 21 m a i . — Arrêt du Conseil d'Etat fixant les bornes
du pouvoir militaire dans les Colonies par rapport à la
Justice.
Ce texte est visiblement inspiré du principe de sépara-
tion des pouvoirs. Il s'agissait en l'occurrence de réfréner
les abus auxquels se livraient les grands blancs, chefs de
la milice de leur quartier.

TROISIÈME PÉRIODE: 1763-1802
La Martinique connut de 1763 à 1764 une véritable
expérience de réforme gouvernementale analogue à
celle que Turgot venait d'entreprendre dans son inten-
dance du Limousin, mais en plus vaste.

On a v u précédemment dans quelle mesure les nou-
velles idées « économiques » influencèrent les édits des-
tinés à fixer le régime commercial et politique des

deux î l e s ; il reste à indiquer ici l'œuvre de Le Mercier
de la Rivière assisté de son collègue le marquis de

Fénelon, telle qu'elle s'est accomplie dans le cadre par-
ticulier de la Martinique. Chargé d'établir l'imposition
de la colonie, l'ami de Quesnay construisit un système
très original, qui fut appliqué en 1764, dans lequel il
taxait les habitants non en raison du nombre de leurs
noirs, comme on l'avait souvent fait auparavant, mais en

fonction du rendement des esclaves eu égard à la ferti-
lité des terres qu'ils cultivaient. Donc, impôt propor-
tionnel au produit net, et non au produit brut comme

il l'était précédemment, ce qui le rendait destructeur.
Les faibles droits de sortie, auxquels on recourait à
titre de complément, prenaient place dans le système, à
raison de leur incidence, pour tenir lieu de contribution


1763-1802
143
foncière, procédé auquel recourut explicitement le légis-
lateur de 1843.

Par la création d'une maréchaussée, par l'organi-
sation de nouvelles milices bien en main, par la cons-
truction de fortifications importantes, Le Mercier de
la Rivière s'efforçait, d'autre part, d'assurer la « sûreté »

intérieure et extérieure de la colonie, sans laquelle,
selon lui, les agriculteurs toujours inquiets ne pouvaient
étendre leurs exploitations.

Il manifesta, enfin, par son désir d'abolir l' « abo-
minable » pratique du samedi, l'intérêt qu'il portait
à la classe servile dont il voulut améliorer la condition
pour des motifs d'ordre économique autant que d'ins-
piration humanitaire.

De telles initiatives devaient inévitablement atteindre
les Planteurs dans leurs intérêts les plus immédiats ; le
Conseil Supérieur et la Chambre d'Agriculture s'y
opposèrent furieusement et obtinrent son rappel au
moment même où il rentrait en France pour rétablir
une santé usée au service de la colonie, pour laquelle
il avait déjà sacrifié sa fortune : n'avait-il pas consenti,
de 1759 à 1762, pour les besoins de la défense, des
avances dont il ne fut que partiellement remboursé ?

Le marquis de Fénelon le suivit dans sa disgrâce.
Les successeurs de ces deux administrateurs coura-
geux et désintéressés n'eurent les moyens d'entreprendre
aucune réforme quelconque ; ils assurèrent le respect
du régime établi par les textes de 1763 et 1765, auto-
risant le commerce sirops-comestibles si nécessaire à
l'équilibre de la balance commerciale de la colonie, et
sous certaines conditions l'introduction de nègres étran-

gers.

1 4 4
LA MARTINIQUE
Les événements d'Amérique conférèrent à la Marti-
nique — à cause de sa rade de Fort Royal — une impor-
tance stratégique de premier ordre qu'elle partagea
avec Saint-Domingue. Le traité d'alliance, signé avec
les Insurgés (1778), consolida les liens qui s'étaient

établis de fort longue date entre les habitants et les
colons anglais du continent ; il offrit une sorte de dédom-

magement à la perte du Canada d'où les Planteurs reti-
raient depuis 1730 des vivres et des bois.
E n définitive, hormis les innovations éphémères de
Le Mercier de la Rivière, aucune réforme réelle. Les
revendications des habitants au sujet d'une transfor-
mation des paroisses en municipalités et de la création
d'une Assemblée et d'un Syndic-Général demeuraient
toujours insatisfaites. La réforme judiciaire, proposée
dès 1761 par Le Mercier de la Rivière, tendant à per-

mettre la saisie réelle des débiteurs de mauvaise foi,
n'avait pu être accomplie non plus, et la Colonie
connaissait toutes les conséquences de l'effondrement
de son crédit.

Surchargés de dettes — elles dépassaient vingt
millions de livres — les Planteurs n'obtenaient plus les
avances nécessaires au développement ou simplement
à l'entretien de leurs cultures : les commissionnaires de

Saint-Pierre, leurs créanciers, n'avaient cure d'accroître
leur passif. E n effet dans l'impossibilité où ils étaient
d'exercer aucune poursuite, ces derniers n'obtenaient
de payement que dans la mesure où ils opéraient des
retenues sur les produits dont les Planteurs leur faisaient
remise, comme les y astreindra d'ailleurs le texte de

1784 fixant l'entrepôt de Saint-Pierre.
Les batailles que se livreront au cours de la Révolution

DE LA MARTINIQUE
L'ISLE
)DANS
.PIERRE
St

FORT
LE



1763-1802
145
les deux partis adverses, « Patriotes » de la Ville et
« Planteurs » de la Campagne, se localiseront autour des
trois points suivants :

1. — « Ouverture », sinon de tous les ports, au moins
des trois autres ports principaux, Trinité, Marin et
François, acte correspondant à une véritable abolition
des dettes.

2. — Création de municipalités, dont la composition
intéressait directement la situation des Planteurs dans
leurs quartiers et influerait sur l'orientation de l'Assem-

blée Coloniale, créée en 1787, assemblée qui devait
donner son m o t sur la question précédente et sur le
statut des hommes de couleur.

3. — Affranchissement des Noirs, imposé par la
Métropole et que les Patriotes de Saint-Pierre finiront
par souhaiter en haine des Planteurs.

Les diverses péripéties de la Révolution à la Marti-
nique, de 1789 à 1794, expriment fidèlement les alter-
natives de fortune que connurent partisans et adversaires

de ce programme en trois points.
Lorsque les Patriotes auront réussi, après maints
épisodes dont les détails suivent, à s'emparer du p o u -
voir, les Royalistes, dont les biens ont été séquestrés
et pour partie incendies, — devant la double menace
d'une ruine complète et de désordres sanglants auxquels
une libération prématurée, il faut bien le dire, eût inévi-
tablement conduit, — ils prépareront la voie aux forces
britanniques. Le 23 mars 1794, la Martinique, bloquée
par toute une flotte, envahie par une armée de 16.000
hommes, est obligée de capituler. Rochambeau, enfermé

dans le Fort de la Convention, avait pendant plus
d'un mois prolongé une défense sans espoir, au cours

ANTILLES 10

146
LA M A R T I N I Q U E
de laquelle, pour la première fois, les h o m m e s de cou-
leur ont combattu par amour de la Patrie et de la
Liberté.
Le Département de la Martinique, créé le 3 0 Octo-
bre 1793 par un acte spontané de l'Assemblée des
Représentants des paroisses, redevenait la Colonie de
la Martinique ; celle-ci, soustraite à la Révolution,
retournait aux lois de l'Ancien Régime, mais sous le
contrôle de l'Angleterre. Les Planteurs avaient obtenu
l' « ouverture » de tous les ports, et ils la conservèrent

jusqu'en 1802. Ils firent ainsi l'expérience de ce régime
de quasi-autonomie que les révoltés de 1717 et 1792

avaient rêvé d'instaurer, mais la concurrence des
autres colonies britanniques leur en fit connaître le
prix.

1 7 6 3 , 25 février. — Arrêt du Conseil d ' E t a t consacrant le
projet d e Le Mercier de la Rivière en matière fiscale :
i m p ô t proportionnel et à certains égards progressif ;
i m p ô t de quotité.
L a totalité de la charge est répartie sur l'ensemble de
la colonie, et non sur les agriculteurs seulement c o m m e
le voulaient les disciples de Quesnay.
— 24 m a r s . — Règlement concernant l'administration
générale de la colonie de la Martinique, désormais séparée
de la colonie de la Guadeloupe. Les deux pouvoirs civils
et militaires se limitent réciproquement.
Le marquis de Fénelon et Le Mercier de la Rivière,
nommés gouverneur et intendant de l'île, gagnent F o r t -
R o y a l .

1763-1802
147
— 9 avril. — Arrêt du Conseil d'Etat créant pour les
Iles d u Vent, aux lieu et place de la Chambre mi-partie,
la Chambre d'Agriculture prévue dans le Règlement
précédent. A la suite de cette transformation le Ministre
autorise la nomination de « Commissaires mi-partie d u
commerce de France et de la colonie. »
— 18 avril. — Mémoire (voir Généralités) autorisant
l'importation de bestiaux, de comestibles et de toutes
sortes de matériaux nécessaires aux constructions et aux
sucreries, en échange de sucres et de tafias.
— 29 juillet. — Ordonnance de Le Mercier de la Rivière
concernant la levée d'une somme de 750.000 1. argent
des Iles, sur la colonie de la Martinique pendant les six
derniers mois de l'année 1763. Cette ordonnance, rendue
à la suite d'une délibération de notables habitants,
tendait à établir une imposition proportionnelle au
« produit net » des terres, compte tenu de leur degré
de fertilité.
— 15 août. — Mémoire d u R o i pour servir d'instruction
aux gouverneur et intendant de la Martinique. Ce texte
confirme le mémoire d u 18 avril et reconnaît à Sainte-
Lucie la qualité de port neutre.
— 15 octobre. — L e Mercier de la Rivière, fidèle aux
principes physiocratiques, substitue une Régie à la gestion
par les « Frères de la Charité » de l'hôpital de Fort R o y a l .
Cette mesure contribue à sa disgrâce.
— 18 octobre. — Organisation de la maréchaussée
créée par L e Mercier de la Rivière. Cette innovation blessait
tous les grands Planteurs dans leurs habitudes d'indé-
pendance puisqu'elle remettait entre les mains d u g o u -
verneur toutes les forces de police de la colonie jusqu'alors
à la seule disposition de l'aristocratie locale.

148
LA M A R T I N I Q U E
Le même souci, très physiocratique, d'assurer la
« Sûreté » de la colonie avait inspiré à l'intendant un plan
de fortifications capables de tenir en échec tous les assauts
de l'étranger. A cet ensemble de travaux appartient le
Fort Bourbon, aujourd'hui Fort Desaix, d o n t la construc-
tion entreprise en 1763 fut achevée en 1771.
— décembre. — Organisation des dénombrements. Ici
encore perce le souci physiocratique de substituer à
l'impôt de répartition un i m p ô t de quotité, d'où nécessité
des recensements.
1764. Le comt e d'Ennery est n o m m é gouverneur de la
Martinique, en remplacement du marquis de Fénelon,
lequel partage la disgrâce de Le Mercier de la Rivière.
— 25 février. — Arrêt du Conseil d'Etat établissant
l'imposition à percevoir sur la Martinique. Il reproduisait
un projet rédigé par Le Mercier de La Rivière l'année
précédente, tout entier inspiré des principes de la nouvelle
école. On recourait à un système nouveau d'assiette,
dit de la « part proportionnelle », que Turgot, après l'avoir
esquissé, avait renoncé à établir dans son intendance.
1765, 25 janvier. — Mémoire du R o y pour servir d'instruc-
tions au comte d'Ennery, gouverneur de la Martinique.
Ce texte, rétablissant l'arrêt du 15 août 1763, est l'œuvre
de D u b u c ; en vue de ménager les Chambres de Commerce,
il commence par affirmer la doctrine protectionniste
orthodoxe, mais prévoit in fine une exception qui empor-
tera la règle. E t c'est en quoi ce mémoire, considéré d'ordi-
naire par les historiens c o m m e le dernier manifeste de la
Royauté en faveur de l'Exclusif, constitue en réalité
le premier succès d u parti des colons sur le parti des
négociants de la Métropole. « Il peut y avoir des
circonstances, dit-il, où la richesse et la prohibition
qu'il faut réunir dans les colonies seraient dans un état

1763-1802
149
d'incompatibilité, et alors la loi de la prohibition, tout
essentielle qu'elle est, doit néanmoins céder. »
En conséquence, le Mémoire autorise le commerce
sirops-comestibles, y ajoute l'introduction de la morue
sèche et établit à Sainte-Lucie un port d'entrepôt où
devront s'échanger les produits des Iles contre les denrées
étrangères. Cette concentration du trafic engendra, par
suite des frais de transport, une élévation du cours des
sirops français et rendit, en fait, leur achat impossible
aux Anglais et aux Hollandais. Ainsi, en dépit des inten-
tions du Gouvernement le nouveau texte législatif anéantit
le commerce qu'il prétendait consolider. (Voir 1784).
— 16 décembre. — Lettre d u Roi permettant, en
échange des sirops et des tafias, l'introduction aux Iles
de nègres étrangers par des navires venant directement
des Côtes d'Afrique, à condition que la cargaison soit
supérieure à 180 têtes. Le gouvernement finissait par
accorder lui-même l'autorisation qu'il avait suffi d'attri-
buer l'année précédente à Le Mercier de la Rivière pour
permettre aux adversaires de ce dernier d'obtenir sa
disgrâce.
— Choiseul fait introduire à la Martinique des familles
alsaciennes qui s'établirent à « Champ Flori » dans le
centre de l'île.
1766, 4 mars. — Création d'une poste, projetée depuis 1739.
— D u b u c d u Ferret, frère de Jean-Baptiste D u b u c ,
est n o m m é représentant de la Martinique à Paris.
1767, 29 juillet. — Arrêt du Conseil confirmant le port
d'entrepôt de Sainte-Lucie et en créant un second à
Saint-Domingue, au Môle Saint-Nicolas.
— Petit de Viévigne, fils d'Emilien Petit, publie le
Code de la Martinique. Des suppléments paraîtront en 1772
et 1786.

150
LA M A R T I N I Q U E
1768, 7 juillet. — Le Conseil supérieur de la Martinique
crée à Fort R o y a l le collège Saint-Victor.
1771-1773. L a Vallière est n o m m é gouverneur de la Marti-
nique à la place d'Ennery, mais c'est le nouveau g o u v e r -
neur de la Guadeloupe, le comte de Nozières, qui va o c c u -
per le poste : l'indépendance de la Guadeloupe est de
nouveau sacrifiée.
Dioré est n o m m é gouverneur de la Guadeloupe (28 nov.).
Malade, il rentre en France le 14 avril 1773, laissant
l'intérim à son second, M. de Tilly.
1774, 29 décembre. — MM. de Nozières et Tascber renou-
vellent une ordonnance, non mise en vigueur, d u 18 juin
1761, par laquelle tous les gens de couleur étaient tenus
dans le délai de trois mois, de remettre à l'intendance
les titres de leur affranchissement — la vérification d e
ces titres exposant ceux qui ne seraient pas en règle
avec les ordonnances à être vendus au profit d u roi.
Le Conseil supérieur de la Guadeloupe proteste et l'ordon-
nance n'est appliquée q u ' à la Martinique, où elle est
annulée par un arrêt d u conseil d'Etat le 8 juin 1776.
1778. L e marquis de Bouille, gouverneur de la Martinique,
s'empare de la Dominique (8 septembre). L e marquis
de Bouille devait s'illustrer plus tard, lors de la « Fuite de
Varenne ».
1783, 3 novembre. — Traité de Versailles. — L a France
conserve d e ses conquêtes l'île d e T a b a g o . L a guerre
qui se termine avec ce traité, a surtout favorisé la Mar-
tinique, où s'étaient faits tous les armements et préparées
toutes les expéditions.
1784, 30 août. — Arrêt établissant le régime de l'Exclusif
mitigé. Saint-Pierre, Sainte-Lucie et Pointe à Pitre sont
érigés en ports d'entrepôt pour les Petites Antilles ; il

1763-1802
151
est ainsi mis fin aux effets néfastes d u Mémoire de j a n -
vier 1765. Les tafias et les sirops peuvent passer à l'étran-
ger ; certaines vivres et matériaux indispensables peuvent
être introduits.
L a politique économique préconisée par Le Mercier
de la Rivière dès 1763 triomphe grâce à lui. (Voir Géné-
ralités, 1778).
— 26 octobre. — Une station navale est établie à la
Martinique pour les Iles du Vent.
1784 (après). — Le gouverneur général, vicomte de Damas,
supprime les commandants de quartiers et les remplace
par des commandants de paroisses ; il atteint par là le
prestige des grands propriétaires.
1786, 7 mars. — Le Président de Foulquier, intendant de la
Guadeloupe, est n o m m é intendant de la Martinique. Il
retourne en France rendre compte de son administration
(juin-décembre) et revient avec mission d'instaurer défi-
nitivement le système des Assemblées Coloniales préconisé
par le Comité de Législation, d o n t il avait fait partie,
et qu'il avait expérimenté à la Guadeloupe. (Voir Géné-
ralités,
1778 et Guadeloupe, 1782).
1787, avril. — Arrivée à la Martinique, venant de France,
de Moreau de Saint Méry, chargé par le maréchal de
Castries d'étudier sur place les effets probables des réformes
entreprises par le Conseil.
— 17 juin. — Ordonnance créant dans les colonies
des Antilles des Assemblées coloniales chargées d'asseoir
et répartir l'imposition ordonnée par le R o i . Quelques
jours plus tard une ordonnance crée pour la Métropole,
sur le même t y p e , des Assemblées Provinciales.
— Création à Paris de la Société des Amis des Noirs par
Brissot, Condorcet, La Rochefoucauld, etc..

152
LA M A R T I N I Q U E
1788, 16 août. — Ouverture des ports de la colonie au c o m -
merce étranger jusqu'au 1 janvier 1789.
er
1770 (vers). — Le gouverneur général d'Ennery réprime
sévèrement le duel qui était devenu d'une m o d e courante.
1789, 9 février. — L'Assemblée coloniale de la Martinique
demande au roi d'envoyer des députés aux Etats généraux.
— Le roi oppose un refus à cette demande.
— 13 février. — Mort à Fort Royal du Président de
Foulquier, intendant de la colonie. Le fils de l'intendant
des Finances, Foulon d'Ecotier, à qui la succession de
Necker devait échoir le 12 juillet 1789, le remplace.
— 10 mai. — Ordonnance permettant l'entrée des
farines et des biscuits jusqu'au 15 octobre. Cette ordon-
nance sera prorogée jusqu'au 1 mars 1790.
er
— 28 mars. — Loi établissant des Assemblées colo-
niales élues au suffrage universel, et dotées d u pouvoir
législatif.
— septembre. — Dans les premiers jours d u mois
la cocarde tricolore est arborée à la Martinique. Une
grande fête a lieu à F o r t - R o y a l , le 27, pour célébrer la
nouvelle alliance entre la Royauté et la Nation. Le g o u -
verneur général, le v i c o m t e de Vioménil, h o m m e de guerre
déjà illustre pour sa conduite en Pologne lors de la guerre
de Succession, accomplit un geste qui excite l'indignation
des planteurs et des blancs de Saint-Pierre : il embrasse
un mulâtre.
— 17 octobre. — L'Assemblée coloniale de la Marti-
nique, représentant surtout les intérêts des villes, se
constitue en assemblée générale coloniale pour n o m m e r
deux représentants à l'Assemblée constituante, elle n o m m e
Moreau de Saint-Méry et le comte A . de Dillon. Les plan-
teurs résidant à Paris avaient auparavant désigné trois
représentants parmi lesquels Moreau de Saint-Méry.

1763-1802
153
L'Assemblée pressentait « les avantages qui doivent
résulter pour la colonie de porter elle-même par l'organe
de ses députés son h o m m a g e , ses doléances et ses v œ u x
à l'Asemblée Nationale » et nourrissait « l'espoir que
cette Assemblée solennelle et respectable qui a bien
voulu déjà recevoir dans son sein les députés de Saint-
Domingue accueillera de même ceux de la Martinique
et procurera ainsi à cette province éloignée de l'Empire
Français un m o y e n de rapprochement et d'union à la
grande famille de l'Etat. » Les Planteurs réagissent v i v e -
ment et s'opposent à l'élection de députés dont l'action
aurait neutralisé à Paris celle de leurs délégués.
— octobre. — A la demande des Planteurs et des
Saint-Pierrais une assemblée se réunit le 10 octobre
pour juger le g o u v e r n e u r ; elle se déclare incompétente
et réclame la convocation d'une assemblée générale.
Le gouverneur est cependant désavoué par les colons.
— 16 novembre. — Réunion de l'Assemblée générale
sous la présidence de Dubuc. Les intérêts de la campagne
y prédominent.
— 23 novembre-2 décembre. — Règlement de l'Assem-
blée coloniale pour l'établissement des municipalités dans
chaque paroisse. (La municipalité de Saint-Pierre devait
comprendre 1 maire, 4 échevins, 8 conseillers et 1 secré-
taire greffier; celle de Fort Royal 1 maire, 2 échevins
et 4 conseillers et chaque paroisse 1 maire ou juge de paix
assisté d'un lieutenant d u maire).
La création de ces municipalités répondait à l'une des
plus anciennes revendications des habitants, mais elle
portait atteinte aux prérogatives des grands Planteurs
auxquels le régime des milices assurait une influence
décisive et une domination absolue sur toutes les paroisses.
L'Assemblée coloniale s'efforça donc de réduire à néant
les droits qu'elle ne pouvait refuser d'attribuer aux n o u -

154
LA MARTINIQUE
velles municipalités en ajoutant au m o m e n t de se séparer,
le 2 décembre, les articles 31 et 3 2 , articles que les Saint-
Pierrais refuseront d e reconnaître.
Ces articles rendaient les officiers municipaux person-
nellement responsables de tous les désordres qu'ils auraient
pu prévenir en en appelant préventivement au pouvoir
exécutif, c'est-à-dire au Gouverneur. Ces dispositions
aboutissaient donc à restituer en fait aux autorités mili-
taires la suprématie que la création m ê m e des munici-
palités avait eu pour objet de faire disparaître.
— 3 décembre. — Arrêté de l'Assemblée générale
ouvrant a u x navires américains les ports de Fort R o y a l ,
de Trinité, d u Marin et d u François, et supprimant les
droits sur les marchandises mentionnées à l'ordonnance
d u 30 août 1784. Vioménil consent, le 19 décembre, à
promulguer une ordonnance donnant satisfaction aux
Planteurs, mais limitée à 4 mois seulement. (Il main-
tient le droit de 1 % ) .
— 8 décembre. — Arrêté concernant la formation
d'une nouvelle Assemblée : le nombre des représentants
de Saint-Pierre est diminuée des 3/4.
— 11 décembre. — L a loi martiale est proclamée
pour réprimer les mouvements de protestation d e la
population de Saint-Pierre.
— 19 décembre. — Les arrêtés de l'Assemblée sont
promulgués.
— Arrêté établissant un contrôle sévère des entrées
dans la colonie. — Les Planteurs s'efforcent d'isoler la
Martinique de la métropole ; le Conseil Souverain, d o n t
ils occupent tous les sièges exprime le désir d'attendre
sous le régime ancien que les nouvelles lois soient ache-
vées.

1763-1802
155
— Introduction dans la colonie sur l'ordre d u Ministre,
le comte d e la Luzerne, botaniste distingué, d e l'arbre-à-
pain et de l'hévi qui se multiplient f a c i l e m e n t ; d u c a m -
baran, d u bilimbier, d u carambolier et d u mangostan
qui réussissent également. Le Ministre envoie à la fin de
l'année des arbres à épices.
1789-1790. A la fin de l'Ancien R é g i m e , Marseille envoie
à la Martinique autant de vaisseaux que Bordeaux.
Sur un trafic total de 358 millions d e francs, le négoce
venait pour 40 millions avec les Antilles, pour 92 millions
avec le Levant.
Le nombre des raffineries était passé de 12 en 1776
à 30 en 1783.
1790, 9 janvier. — Nouvelle Assemblée de députés habile-
ment sélectionnés par les Planteurs, qui espèrent faire
voter le statu quo.
— Saint-Pierre constitue sa municipalité. L a « c o m -
mune intermédiaire » établit la liaison entre la munici-
palité et la p o p u l a t i o n ; cet organisme original a tous
les caractères d'un club.
— 21 février. — Deux officiers de Saint-Pierre accusés
d'avoir piétiné la cocarde tricolore sont arrêtés par la
foule et mis au cachot. Les troupes de la garnison se
retirent et se concentrent à Fort R o y a l . Les habitants
de Saint-Pierre font appel à leurs partisans des paroisses
voisines et demandent des secours à la Guadeloupe. Le
gouverneur de cette colonie, d e Clugny, leur envoie
110 volontaires commandés par Dugommier. On convient
d'une trêve et les volontaires retournent à la Guadeloupe
le 13 mars.
— 1 mars. — Une nouvelle Assemblée générale,
e r
représentant les intérêts des campagnes, confirme les

156
LA MARTINIQUE
pouvoirs de Moreau de Saint Méry et du comte Dillon.
— Les députés des villes protestent contre les tendances
et les actes de cette assemblée.
— 5 mars. — Arrivée à Saint-Pierre des volontaires
de la Guadeloupe sous la conduite de Coquille D u g o m -
mier. Mouvement en faveur d'une « Réunion fédérative »
des diverses îles.
— 16 mars. — L'Assemblée se sépare. Ses membres
font campagne dans toute la colonie contre les habitants
de Saint-Pierre auxquels viennent se rallier ceux de
Fort R o y a l . Ils préparent une expédition contre Saint-
Pierre.
— Saint-Pierre envoie à Paris des députés chargés
de faire connaître ses revendications et de contrebalancer
l'influence des députés des Planteurs, parmi lesquels
Moreau de Saint-Méry.
— avril. — Les Saint-Pierrais envoient à Paris deux
députés, le sieur Ruste et le sieur de Corio, Procureur
du R o i , afin de tenir en échec le nouveau député des
Planteurs, le sieur de Blanchetière Bellevue.
— 23 avril. — Les « députés de la jeunesse citoyenne
des Iles d u V e n t réunis dans la salle des spectacles de
Saint-Pierre » après avoir formé un « pacte d'union, de
fraternité et de confédération » font serment :
1° de respecter les décrets de l'Assemblée Nationale ;
2° de haïr les Emigrés ;
3° de se réunir au premier signal sous les ordres des
chefs municipaux lorsque la colonie qui aura besoin
de secours en aura formé la demande par son corps repré-
sentatif.
— avril. — Les malentendus persistant entre les plan-
teurs et les patriotes, Dugommier revient à la Martinique

1763-1802
157
avec 300 volontaires dans le courant d'avril. N'ayant
pu concilier les partis, il retourne à la Guadeloupe à la
fin du même mois pour y comprimer une révolte des
esclaves.
— mai. — L'ordonnance de décembre ouvrant les
quatre ports étant venue à expiration l'agitation renaît
autour de cette question. L'intendant prend parti pour
les Saint-Pierrais et s'oppose au renouvellement de la
permission; il propose de s'en remettre aux décisions
de l'Assemblée Nationale. Colère des Planteurs d o n t les
représentants à Paris demanderont aussitôt le rappel
de Foulon d'Ecotier: le Conseil d'Etat refuse.
— juin-septembre. — L'ordre ne se rétablit pas à
Saint-Pierre. Le 3 juin, jour de la Fête-Dieu, des troubles
graves éclatent durant une procession; les planteurs et
les hommes de couleur d'un côté, la classe moyenne de
l'autre. Le gouverneur occupe militairement Saint-Pierre;
les principaux des patriotes emmenés prisonniers à Fort
Royal sont délivrés par la garnison soulevée. Le gouver-
neur abandonne la ville aux rebelles et, appuyé par les
hommes de couleur, résiste aux patriotes. Dugommier
part de nouveau avec 300 volontaires pour les soutenir
dans leurs revendications (6 septembre). Il soutient contre
le gouverneur une lutte où il est défait au Camp du Grand
Morne par les mulâtres conduits par Percin. Les deux
partis restent un temps sur leurs positions. Le 3 octobre
D u b u c fait appel aux A n g l a i s ; ceux-ci refusent d'inter-
venir.
— 7 juillet. — L'Assemblée élabore pour la Colonie
un Statut. Elle prétend au pouvoir législatif et dépossède
l'intendant en établissant un « Directoire », qui sera
élu le 14. (Il comprendra les députés de Saint-Pierre,
2 députés de Fort Royal et 15 députés de la campagne.)

158
L A M A R T I N I Q U E
Elle s'attribue un pouvoir législatif absolu en ce qui
concerne les esclaves (art. I ) .
— 21 juillet. — Suppression d u tribunal d u gouver-
neur, d o n t le fonctionnement faisait échec au principe
de la séparation des pouvoirs.
— 22 juillet. — Décret de l'Assemblée restreignant
la liberté d e la Presse, v u « le danger de trop éclairer
les hommes sur leurs droits dans des pays où l'oubli de
ces droits a fait établir l'esclavage et où la servitude est
tellement inhérente à leur constitution qu'ils ne pour-
raient pas exister sans elle. » Il fallait une permission de
la municipalité; l'impression de toute relation des troubles
populaires était punie de 500 1. d'amende.
— 6 août . — Décret de l'Assemblée au sujet des
municipalités; celles-ci sont réduites à de pures fonctions
de salubrité et d'hygiène.
— 29 novembre. — L'Assemblée Nationale décide
l'envoi d'une escadre et de quatre commissaires avec
6.000 hommes. Elle suspend l'assemblée coloniale et
casse le « Directoire ». Elle donne l'entrepôt à la Trinité
et à Fort R o y a l pendant l'hiver s e u l e m e n t ; les Planteurs
obtiennent d o n c satisfaction, pour moitié.
1791, mars. — Informé des troubles survenus à la Marti-
nique, le roi remplace le gouverneur de Damas par M. de
Béhague, qui arrive à Fort R o y a l le 12 mars avec
4 commissaires pour rétablir l'ordre. La Colonie se sou-
met dès le lendemain et Dugommier retourne à la Gua-
deloupe. L e Conseil souverain est c o n v o q u é le 26 aux
lieu et place de l ' A s s e m b l é e ; le 29, les commissaires
décident la création d'un comité de conciliation de douze
membres qui sera élu par la population de Saint-Pierre
« afin d e proposer tous les moyens d'union. » Cependant

1763-1802
159
les forces des planteurs occupent les forts et les troupes
ralliées aux patriotes sont embarquées pour la France.
— L a connaissance des événements qui se sont p r o -
duits à Saint-Domingue parvient à F o r t - R o y a l ; elle
contribue à jeter dans les bras des Planteurs le gouverneur
général, qui rétablira les milices despotiques de l'Ancien
régime. Quelques secours partent de la Martinique pour
le Cap le 3 avril.
— avril. — Les Planteurs poursuivent leur campagne
contre Saint-Pierre, dont ils « b o y c o t t e n t » le port; ils
envoient toutes leurs denrées à la Trinité ou à F o r t - R o y a l ,
ou dans les diverses petites rades de la côte que fréquentent
les navires étrangers.
— Les commissaires des colons de la Guadeloupe
proposent à ceux de la Martinique la réunion d'un « Con-
grès » — le m o t était en faveur depuis l'insurrection
américaine — qui serait chargé d'élaborer le statut poli-
tique des Iles.
— 15 mai. — Décret de l'Assemblée Nationale en faveur
des h o m m e s de couleur libres nés de parents libres, qui
deviennent électeurs. Leur nombre était des plus restreints;
ce texte reste au surplus lettre morte dans la colonie.
Le lendemain Moreau de Saint-Méry et le c o m t e Dillon
se retirent de l'Assemblée Nationale en manière d e
protestation.
— 3 juillet. — Emeute grave à Saint-Pierre, où l'on
apprend la fuite d u roi et les événements subséquents.
La population est surexcitée par suite du « boycottage »
auquel se livrent les p l a n t e u r s ; le trafic maritime est
paralysé et les commissionnaires touchent à la ruine.
— 28 septembre. — Loi émanant de la Constituante
et réservant aux colonies la législation quant aux per-

160
LA M A R T I N I Q U E
sonnes. L a question de l'affranchissement des noirs et
des libertés des hommes de couleur est d o n c réservée,
aux assemblées locales.
Ce texte a pour effet de transformer chaque colonie
en un champ de bataille entre partis adverses. Les mulâtres
se détachent des Planteurs dont la mauvaise volonté
à leur égard apparaît désormais d'une manière évidente.
Les Commissaires civils, d'autre part, se divisent et
deux d'entre eux regagnent la France (24 octobre).
— 27 novembre. — Les mulâtres s'assemblent et
décident de défendre leurs droits contre les Grands Blancs.
Ils s'inspirent d u Concordat de Port au Prince. L e len-
demain, le gouverneur général se décide à promulguer
le texte d u 28 septembre qu'il est devenu impossible de
cacher plus longtemps.
— 7 décembre. — Crassous de Médeuil et Dugommier.
députés de la ville de Saint-Pierre, réclament à la barre de
l'Assemblée Nationale le rappel de Béhague et de tous les
chefs civils et militaires compromis dans les troubles.
— 9 décembre. — L'Assemblée Coloniale de la Marti-
nique adopte l'idée d'un Congrès général où les quatre
colonies de la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie
et Tabago seraient représentées. Elle n o m m e six députés,
les sieurs Saint Cyran, Godet, Gondrecourt, Dondoire,
Clairefontaine et L a Salinière. Le Congrès se tiendra à
Fort R o y a l , à mi-distance entre la Guadeloupe et les
deux autres îles.
— 12 décembre. — Béhague s'oppose à l'ouverture
d u port d u Marin réclamée par les Planteurs.
1792, janvier-avril. — Le « Congrès Général » tient ses
séances à Fort R o y a l . Il limite les droits accordés aux
mulâtres par le décret du 15 mai en jouant sur les nuances

MÉDAILLES COMMÉMORATIVES
En haut et à gauche: Fortification de l'Ile de la Guadeloupe. 1721. A
l'exergue: GVADALVPA INSVLA MVNITA. PHILIPPO REGENTE.
(Bronze, 41 mm. Cab, des Médailles).

En haut et à droite: Etablissement de la Compagnie des Indes. 1664.
« JUNGENDIS COMMERCIO GENTIBUS ». A l'exergue: SOCIETATES
NEGOTIATORVM IN VTRAMQUE INDIAM. (Bronze. 41 mm. Cab.

des Médailles).
En bas à gauche: Echec de l'expédition Hollandaise contre la Martinique.
1674. « COLONIA FRANCORUM AMERICANA VICTRIX ». A l'exergue:
BATAVIS AD MARTINICAM CÆSIS ET FVGAT1S. (Or, 41 mm. Cab,
des Médailles).
En bas et à droite: Possession de l'Ile Saint-Christophe. 1666. « COLO-
NIA FR. STABILITA ». A l'exergue: ANGL. EX. INSVLA ST. CHRIS-
TOP. EXTVRBAT. (Argent, 41 mm. Cab. des Médailles).



1763-1802
161
et les couleurs. L e projet final déclare que les colonies
font « partie de l'Empire Français », mais que les députés
des Colonies à l'Assemblée Nationale n'ont que v o i x
consultative. Les tendances à l'autonomie apparaissent
d o n c de la façon la plus marquée.
— 28 mars-4 avril. — Loi métropolitaine accordant
les droits d u citoyen à tous hommes de couleur et nègres
libres sans distinction d'origine. Des commissaires civils
sont nommés pour assurer l'exécution dans les colonies
de ce nouveau texte.
— 1er avril. — Ordonnance tendant à faire rentrer
les impôts. Depuis 1790 aucune recette n'a pu être
accomplie.
— 15 avril. — La colonie, à nouveau isolée de la
Métropole par suite de la guerre, est contrainte de faire
appel aux vivres de l'étranger. Béhague autorise, le 15,
l'entrée des farines.
— 3 juin. — L'Assemblée de la Martinique, laquelle
s'intitule « Assemblée Constituante de la Martinique »,
accepte les dispositions de la loi du 28 mars-4 avril qu'elle
promulgue. Elle espère ainsi échapper à l'action des
commissaires civils et de l'escadre, contre l'envoi desquels
elle s'élève avec force, dans une protestation au R o i .
— 16 septembre. — Arrivée à la Martinique d u nouveau
gouverneur général R o c h a m b e a u accompagné de trois
commissaires ; la flotte est sous les ordres de Bruix.
Ils avaient quitté la France le 10 août, mais la nouvelle
des nouveaux troubles révolutionnaires les avait précédés.
Dénoncés a u x habitants par les Planteurs c o m m e des
« brigands », les commissaires et leurs hommes ne peuvent
débarquer ; ils continuent sur Saint-Domingue. Les Iles
entrent en insurrection et arborent la cocarde blanche,
le 17 septembre.
ANTILLES 11

162
LA M A R T I N I Q U E
— 17 septembre. — L e comt e de Provence délègue
aux Antilles avec mission de les soulever un révolution-
naire repenti qui a surpris sa c o n f i a n c e : cet aventurier
était autorisé à promettre la liberté d u commerce avec
l'étranger.
— A la Martinique la plus grande inquiétude règne
dans le milieu des Grands Blancs. Béhague entre en liaison
avec les Emigrés par l'intermédiaire d e son neveu, tandis
que Dubuc se fait envoyer par les planteurs en mission
à la Cour de Londres.
On parle à Paris de l'indépendance des Colonies.
— 19 septembre. — Les Patriotes d e la Martinique
et de la Guadeloupe réfugiés à la Dominique affirment
leur attachement à la République et se déclarent seuls
capables d'élire des députés à l'Assemblée.
Les Martiniquais c h o i s i s s e n t : Crassous de Médeuil
et Janvier Littée, h o m m e d e couleur.
— octobre. — L'Assemblée locale adresse au R o i un
manifeste vibrant où s'affirme son loyalisme. — Les
patriotes abandonnent la c o l o n i e ; ils élisent le 28 des
députés chargés de faire connaître à Paris les derniers
événements.
La Convention décide le 8 n o v e m b r e de rappeler les
commissaires précédents et d'en envoyer des nouveaux.
— 1 décembre. — L e m ê m e jour parviennent à la
er
Martinique le capitaine de vaisseau Lacrosse, chargé
de soumettre les Antilles, et le délégué des Princes.
Celui-ci est accueilli avec enthousiasme par les Planteurs
d o n t il préside une réunion mais il éprouve la froideur d u
gouverneur général. Lacrosse tente d'impressionner les
habitants par une proclamation qu'il fait répandre à
terre, mais Béhague maintient son autorité en consentant
le 4 décembre à l'ouverture du Marin.

1763-1802
163
— 1 3 décembre. — L'Assemblée Coloniale se réunit,
jure fidélité aux Princes et déclare la guerre à la R é p u -
blique. La sécession est consommée. Quelques jours plus
tard la Convention en possession des dernières nouvelles,
décrète Béhague d'accusation et envoie des commissaires
civils. Dubuc de son côté se rend à Londres où il retrouvera
les députés de la Guadeloupe, M M . de Curt et de Claire-
fontaine.
Grâce à la fidélité de Sainte-Lucie, Lacrosse peut prendre
pied a u x Antilles et les inonder de ses proclamations.
1793, 7-9 janvier. — Les promesses de Lacrosse n o t a m m e n t
en ce qui concerne le statut des nègres et les menaces d e
répression que contiennent tous ses manifestes ébranlent
les habitants. Les hommes de couleur, enfin convaincus
des bonnes intentions de la Métropole à leur égard,
se rallient à la Révolution. L a Martinique et la Guadeloupe
se rendent à Lacrosse. L'Assemblée se transporte au
Lamentin sur l'Habitation Carrière et décide de recon-
naître la République (9 janvier). Les royalistes sont c o n -
traints de suivre Béhague dans sa fuite (10-11 janvier)
en empruntant une partie de la flotte en station.
— 12 janvier. — Création à la Martinique d'un « Conseil
exécutif » chargé d'administrer la colonie en l'absence de
toute autorité.
— 21 janvier. — Le jour même de la m o r t d u R o i ,
l'Assemblée Coloniale fait amende honorable devant la
Convention dans une adresse qui témoigne de sa part d'un
retournement complet.
— 1er février. — Entrée en guerre de l'Angleterre.
— 3 février. — R o c h a m b e a u , revenu de Saint-
Domingue, débarque à la Martinique et s'installe à Fort
Royal qu'il baptise Fort République ou Républiqueville.
(Le Fort Bourbon devient le Fort d e la Convention).

164
LA M A R T I N I Q U E
— 8 février. — Création dans les bourgs de « Comités
de Surveillance » faisant fonction de municipalités. Ces
comités seront nommés par des commissaires concilia-
teurs choisis par R o c h a m b e a u . Les mulâtres jouissent
pour la première fois de l'égalité politique. — Action des
clubs, et de la « Société des Amis de la Convention Natio-
nale
», en particulier, club de Saint-Pierre : la Mar-
seillaise.

— 16 février. — R o c h a m b e a u ferme tous les ports,
sauf Saint-Pierre.
— 19 février. — D u b u c et Louis de Curt signent un
accord avec les Anglais à Whitehall. Les Antilles passe-
ront sous la domination britannique mais seront rendues
à la France lors de la restauration de la dynastie des Bour-
bon à condition que toutes les colonies anglaises dont la
France aurait pu s'emparer fussent restituées et toutes
les dépenses d'amélioration remboursées.
— 19 mars. — Béhague signe un accord avec les Anglais
de Trinidad où il s'est réfugié, en v u e de s'emparer de la
Martinique. Les royalistes de la colonie, en intelligences
avec le gouverneur fugitif, s'agitent.
— 17 avril. — R o c h a m b e a u ordonne aux Planteurs de
dissoudre leurs rassemblements ; ceux-ci lui répondent
en le s o m m a n t de fermer les Clubs.
— 27 avril. — Début d u c o u p de main des royalistes
et des Anglais.
— mai. — Béhague tente d'exécuter son plan de
conquête. Les Patriotes et les Royalistes entrent en
lutte.
— 8 juin. — Victoire de R o c h a m b e a u grâce à la
belle conduite d u bataillon de mulâtres conduits par
Bellegarde.

1763-1802
165
— 13 juin. — Arrivée de D u b u c , porteur des accords
de Whitehall. Il encourage les rebelles, que soutiennent
les troupes d u général Bruce.
— 21 juin. — Déroute des Blancs, qui s'embarquent
sous le feu des Révolutionnaires dans le plus grand désor-
dre. Les Anglais couvrent leur retraite.
— juillet. — Mise en vente des biens des Emigrés ;
la valeur totale de ces propriétés est estimée à cent millions
à la Martinique seulement.
— 11 septembre . — Abolition par la Convention de
tous les droits perçus au sujet du commerce des colonies.
— 17 septembre. — Proclamation de R o c h a m b e a u
annonçant la formation des municipalités.
— 22 septembre. — R o c h a m b e a u réunit à Saint-Pierre
les « Commissaires Représentants » de la Martinique,
au nombre de 64. Ils représentent 17 paroisses sur 27.
L'Assemblée élit c o m m e Président, Levassor.
— 24 septembre. — Nationalisation des biens du Clergé
votée par l' « Assemblée Républicaine ».
— 25 septembre. — Ouverture des quatre ports jus-
qu'en avril 1794.
— 3 octobre. — Création de milices et d'escouades de
vétérans, chargés de la défense de la colonie. Deux batail-
lons de gens de couleur sont également créés.
— 18 octobre. — Création d'un Tribunal Révolution-
naire composé d'un jury et de cinq juges nommés par
l'Assemblée. Ses jugements sont sans appel.
— 26 octobre. — Les Clubs sont officiellement reconnus
et protégés.

166
L A M A R T I N I Q U E
— 26 et 28 octobre. — L'Assemblée représentative de
la Martinique arrête :
« L a Colonie de la Martinique sera considérée c o m m e
département, quant à son administration indépendante
des îles Françaises d u vent de l'Amérique ».
Le gouverneur général R o c h a m b e a u donne son a p p r o -
bation à cet arrêté le 30 o c t o b r e .
— 8 décembre. — L'Assemblée m e t sur pied une
« Administration Provisoire ». L a Révolution triomphe.
Le département de la Martinique est divisé en quatre
districts : Républiqueville, Saint-Pierre, Trinité et Marin ;
les districts en cantons. T o u t h o m m e âgé d e 21 ans et
inscrit sur le registre d e la Garde Nationale est citoyen.
Les Assemblées primaires n o m m e n t 4 assemblées élec-
torales (1 par district). Les Assemblées électorales élisent
un Directeur et un Procureur général Syndic qui siégeront
à Républiqueville.
1794, 10 janvier. — Retour offensif des Anglais ; la colonie
est bloquée par la flotte d u lieutenant général Grey, montée
par 16.000 h o m m e s .
— 23 mars. — Après une courageuse défense que rend
inutile la trahison de Bellegarde, R o c h a m b e a u , assiégé
dans le fort de la Convention, doit capituler. Héroïsme
de Lucas et d u jeune mulâtre R o c h .
R o c h a m b e a u reçoit les honneurs de la guerre et gagne
les Etats-Unis avec la pensée de demeurer ainsi à pied
d'oeuvre si la reprise des Antilles devenait un jour possible.

QUATRIÈME PÉRIODE: 1802-1848
Redevenue française en 1 8 0 2 , la Martinique, où
l'abolition de l'esclavage n'avait pu être proclamé et
réalisé par la Révolution française, se retrouva natu-
rellement sous les lois de l'Ancien régime français,
appliquée avec un peu plus de rigueur encore.

Perdue à nouveau en 1 8 0 9 , mais recouvrée définitive-
ment en 1 8 1 6 , elle passa dans les années qui suivirent
par une série d'agitations tumultueuses et parfois sédi-
tieuses comme celle de la Grande Anse en 1 8 3 3 ;

d'autres conspirations furent étouffées avant d'avoir pu
éclater. U n nom, celui de Bissette, synthétise un moment

toutes les espérances de la population noire vers un
affranchissement intégral. Sans leur donner encore
satisfaction, certaines réformes, tendant à une moindre
inégalité politique, sont cependant accordées à la popu-

lation noire sous le règne de Louis-Philippe. Enfin
l'affranchissement des esclaves est proclamé en 1848.
1 7 9 4 , 30 mars-25 avril. — Les Anglais rétablissent le
régime ancien à la Martinique où la loi d'affranchissement
n'a p u parvenir avant leur victoire.

168
LA M A R T I N I Q U E
Les tribunaux de la Monarchie sont reconstitués, les
royalistes regagnent leurs propriétés et reprennent leurs
fonctions. Serment de fidélité à Guillaume I I I est prêté
entre les mains du gouverneur R o b e r t Prescott.
— 24 mai. — D u b u c devient administrateur général
de la Colonie pour le c o m p t e des Anglais. Ceux-ci lèvent
une contribution de guerre au profit de leurs armées d e
terre et de mer.
— 8 juin. — Victor Hugues, nouveau commissaire
chargé par la Convention de reprendre les Iles perdues,
leur adresse une proclamation. Il tente de renouveler
l'exploit de Lacrosse en profitant du mécontentement
des hommes de couleur et des noirs auxquels il annonce
la liberté. (Les Anglais avaient annulé le 21 mai tous les
affranchissements postérieurs au 12 janvier 1793).
— juillet. — Ordonnance supprimant tous les droits
d'entrée et de sortie et établissant l'assiette de l'imposition
sur les mêmes bases qu'en 1792.
— 15 juillet. — Les autorités anglaises interdisent
tout affranchissement.
— 20 juillet. — Ordonnance ouvrant les ports de
l'Ile aux étrangers jusqu'au 1 n o v e m b r e . Elle sera renou-
er
velée de trois en trois mois jusqu'en 1802. Les reven-
dications des Planteurs obtiennent satisfaction entière.
— 15 août. — Démission de D u b u c ; il demeure membre
du Conseil Privé.
1795, 6 janvier. — Arrivée à la Guadeloupe de renforts
destinés à la reprise de la Martinique et des îles perdues.
— 19 juin. — Sainte-Lucie est reprise par Goyrand.
Elle devient une base d'opérations contre les Anglais
de la Martinique.
— 30 octobre. — Ordonnance portant règlement de
la police des Noirs. Toutes assemblées leur sont interdites.

1802-1848
169
— novembre-décembre. — Dans les derniers jours de
n o v e m b r e , les citoyens Fourne et Thibierge, Martiniquais
installés à Sainte-Lucie, se rendent dans les environs de
Fort R o y a l en vue de préparer le débarquement de l ' e x p é -
dition préparée par Goyrand pendant les mois précédents.
ils sont livrés aux Anglais par les Planteurs et fusillés.
Une soixantaine de républicains décidés à les venger
quittent Sainte-Lucie au début de décembre et descendent
au Vauclin. Une « confédération » de 400 patriotes d u
François tentent inutilement de les rejoindre. Les Anglais
les attaquent et les dispersent. Une partie de l'expédition
réussit à regagner Sainte-Lucie. Dès lors, la Martinique,
où les autorités britanniques se livrèrent à de sévères
représailles, demeura hors d'atteinte.
1800, 3 novembre. — Arrêt du Conseil Souverain concernant
les affranchissements et renforçant les dispositions res-
trictives.
— Introduction à la Martinique d e la canne à sucre
de Tahiti qui régénère une culture m e n a c é e ; les cafés
dépérissent par suite de l'épuisement d u sol.
1802, 25 mars. — Traité d'Amiens. L a Martinique et
Sainte-Lucie sont restituées à la France.
— 18 avril. — Arrêté consulaire donnant à Fort Royal
le n o m de Fort-de-France, et au Fort Bourbon celui de
Fort-Desaix.
1802, 26 mai. — Organisation administrative des colonies
de la Martinique et de Sainte-Lucie.
— 14 septembre. — Villaret Joyeuse reprend posses-
sion, au n o m de la France, de la Martinique. Gouverneur
de la Colonie, il applique avec rigueur les lois de réaction
et établit un régime militaire.

170
LA M A R T I N I Q U E
— 10 novembre. — Fermeture de toutes les écoles.
« L'ignorance, écrit Villaret Joyeuse, est un lien nécessaire
pour des hommes enchaînés par la violence o u flétris
par les préjugés. »
1803, 1 janvier. — Ordonnance fixant le régime douanier
er
de la colonie. Les marchandises françaises sont exemptes
de tous droits à l'entrée et à la sortie, les bâtiments
étrangers payeront 2 % d e la valeur de leur cargaison
et des sirops qu'ils emporteront, et 6 francs d'entrée
par quintal de morue et par tête de nègres introduits.
Les vaisseaux espagnols suivant la tradition mercantiliste
sont exempts d e tous droits d'entrée et de sortie.
1804, août. — Les Anglais, avec lesquels les Grands Plan-
teurs sont demeurés en liaison, bloquent la Martinique.
1808. Etat désastreux de la Martinique. Les impôts ne
rentrent pas. Le commerce est arrêté, la culture de la
canne est abandonnée au profit de la culture des vivres.
Seuls les navires américains assurent le ravitaillement de
la colonie.
1809, 24 février. — Les Anglais s'emparent de la Martinique
sur Villaret Joyeuse, qui n'oppose aucune résistance
sérieuse. Ils font sauter le fort Desaix.
1815, 4 juillet. — Proclamation des administrateurs Vaugi-
raud et D u b u c en v u e d u maintien de la souveraineté de
Louis XVIII. Ils acceptent la convention proposée le
20 mai par l'amiral anglais.
— L e vice-amiral comte de Vaugiraud, n o m m é g o u -
verneur par Louis XVIII, livre la colonie aux Anglais
lorsqu'il apprend le retour d e Napoléon à Paris.
1822, 14 octobre. — U n soulèvement, p r o v o q u é par les
traitements infligés à quelques mulâtres et noirs s o u p -

1 8 0 2 - 1 8 4 8
171
çonnés de préparer une révolte, éclate au Carbet. Une
vingtaine d'exécutions en fut la conséquence.
1823. Publication à Paris d'une brochure d'un sieur Alvila,
ayant pour titre: De la situation des gens de couleur libres
aux Antilles françaises.
Cette publication p r o v o q u a une
agitation au cours de laquelle on procéda à la Martinique
à l'arrestation des véritables auteurs de la publication,
Bissette, V o l n y et Fabien. Bissette est poursuivi devant
le Tribunal de la Martinique qui le condamne aux tra-
v a u x forcés à perpétuité. Une trentaine de Martiniquais
furent déportés au Sénégal. Ces faits produisirent en
France une vive é m o t i o n ; l'arrêt fut cassé par la Cour
de Cassation et les autres condamnations révisées. En
fin de c o m p t e , la révision aboutit à une apothéose
de Bissette.
1824. Une conspiration générale contre les Blancs est d é c o u -
verte et étouffée avant d'éclater.
1831, 24 février. — Les hommes de couleur obtiennent
les droits civils.
1833. 26 décembre. — Mouvement séditieux de la Grande
Anse. Il y eut 87 prévenus et 190 témoins. L'instruction
et les débats se poursuivirent jusqu'en juillet 1834 et
se terminèrent par plusieurs condamnations à mort.
1834. Sur 750 électeurs appelés pour la première fois à
l'exercice des droits politiques pour l'élection au Conseil
Colonial de l'île, 650 prirent part au v o t e . Sur 25 inscrits
de couleur, il ne se présenta que 5 o u 6 électeurs. Aucun
h o m m e de couleur ne fut élu.
1835. La Martinique a 109.916 habitants d o n t 23.407
hommes libres et 86.499 esclaves.
1839, 11 janvier. — Destruction de Fort de France par un
tremblement de terre.

CINQUIÈME PÉRIODE: 1848-1935
A partir de 1848 jusqu'à nos jours, on peut dire que
la Martinique n'a plus d'histoire. Toutes les revendi-
cations sociales sont satisfaites; il n'y a plus d'autres
luttes que celles d'intérêts parfois contradictoires
créés par un régime économique nouveau, tout à la
fois plus libéral et plus anarchique. E t comme dans la
France elle-même les habitants de la colonie marchent
vers des destinées nouvelles à travers un avenir incer-
tain.

1848. — L a Martinique élit députés à l'Assemblée Cons-
tituante Victor Schcelcher, Mazulime et P o r y - P a p y .
Schœlcher élu également à la Guadeloupe opte pour
la Martinique. (Voir Biographies).
1849. — Bissette et Pécoul sont nommés députés à
l'Assemblée Législative.
1850,26 novembre. — Création de l'évêché de Fort de France.
Le siège sera transféré à Saint-Pierre le 12 n o v e m b r e 1853
et reviendra à Fort de France après la catastrophe de 1903.
1851, 5-6 août. — Premiers réveils de la Montagne Pelée.
1854, 3 mai. — Senatus-Consulte supprimant la représen-
tation parlementaire et déterminant les fonctions du
Conseil Général. Ce texte sera modifié en 1866 (4 juillet).

1848-1935
173
1862-1867. Guerre du Mexique. — L a Martinique, et Fort
de France en particulier, sert de base navale pour les
opérations.
1867. Fort de France est constitué en escale de la ligne
transatlantique France-Amérique d u Centre.
1870 , 22 septembre. — Proclamation de la République à la
Martinique.
— 24 septembre. — Le Sud de la colonie entre en
effervescence. L'insurrection est réprimée.
1871. Victor Schœlcher et P o r y - P a p y sont élus députés à
l'Assemblée nationale. Schœlcher élu également par la
Martinique, la Guyane et la Seine, opte à nouveau pour
la Martinique.
1880. Institution du jury à la Martinique, où fonctionnait
un Collège d'Assesseurs.
1882. Création du Lycé e de Saint-Pierre.
1888. Le bourg de Case Navire prend le n o m de Schœlcher.
1890. Incendie de Fort de France.
1891. L a colonie est ravagée par un cyclone.
1902, 8 mai et 30 août. — Eruption de la Montagne Pelée.
Destruction de Saint-Pierre ; trente mille habitants suc-
c o m b e n t sous les ruines.
1911. Le recensement de la Martinique donne une popula-
tion de 185.000 habitants.
1912. Introduction à la Martinique de la loi d u 5 juillet 1889
sur le service militaire obligatoire.
1931, 10 juillet. — Loi autorisant la Colonie à emprunter
150 millions ; elle permit l'électrification de l'île.
1934. A u 31 décembre, la population était de 244.908 habi-
tants, d o n t 239.296 sédentaires, 5.123 métropolitains et
489 étrangers.


LA GUADELOUPE


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(Cabine


«La Guadeloupe, petite, florissante,
où se fabriquait le meilleur sucre... »
VOLTAIRE, Le Siècle de Louis XV, t. II,
chap. xxxv).
PREMIÈRE PÉRIODE: 1635-1674
La Guadeloupe, dont la superficie est de 1.868 kilo-
mètres carrés ou 186.800 hectares, est à peu près quatre
fois plus grande que le département de la Seine qui
ne compte que 47.900 hectares. Après la Seine et la
Martinique, elle serait encore le plus petit département
de France.

Dès 1635, date de son occupation, jusqu'en 1674,
où elle passa sous l'autorité royale directe, elle fut régie
plutôt qu'administrée par trois compagnies successives,
celle de Saint-Christophe, celle des Iles d'Amérique
et enfin, en 1664, celle des Indes Occidentales. Les
deux premières furent des compagnies de proprié-
taires, exploitant le pays pour leur c o m p t e ; leurs
agents supérieurs ou Gouverneurs jouirent d'un pouvoir
à peu près sans limite. Ce pouvoir était naturellement

exercé au profit d'intérêts personnels d'autant plus
exigeants que les engagés de France puis les esclaves

ANTILLES 12

1 7 8
LA G U A D E L O U P E
d'Afrique auxquels on ne tarda pas à avoir recours,
ne pouvaient se prévaloir d'aucun droit réel, mais
seulement de considérations d'humanité dont à cette
époque on n'avait guère le sentiment. Aussi ne doit-on
pas s'étonner que, dans la poursuite du gain, les gouver-

neurs propriétaires aient souvent manifesté un mépris
du droit naturel, et aient ainsi éprouvé l'opposition et
parfois la révolte de leurs administrés ou plutôt de
leurs sujets, blancs et noirs. Tel fut notamment le

cas de M. Houel, qui fut gouverneur, avec des fortunes
diverses de 1643 à 1663. Subordonné en droit au gouver-
neur général de Saint-Christophe, il méconnaissait en
fait son autorité, comme celui-ci méconnaissait celle du
roi. Mais ces abus d'autorité ou ces aspirations à l'indé-

pendance ne portaient que fort peu d'atteinte au déve-
loppement économique de la colonie. E n 1674, celle-ci

comptait plus de 3.000 blancs, contre 4.300 noirs et
5 0 métis ; le problème des races commençait à se poser.
1633-1634. Liénart de l'Olive, lieutenant de d ' E s n a m b u c ,
agissant pour son propre c o m p t e , fait reconnaître la
Guadeloupe par le sieur Guillaume d'Orange, en vue d'y
fonder un établissement (1633 ou 1634) et v a ensuite en
France (1634), en demander la concession.
1635. L'Olive et un gentilhomme dieppois, Duplessis, qui
avait pris part à l'expédition de Saint-Christophe en 1629,
signent avec la Compagnie un contrat par lequel ils
obtiennent en concession la Dominique, la Martinique
et la Guadeloupe, s'engageant à y faire passer en dix ans
jusqu'à 800 Français, tous catholiques (14 février), non

1635-1674
179
compris les femmes et les enfants. Ils s'embarquent le
25 mai et arrivent à la Martinique et à la Guadeloupe
les 25 et 28 juin, avec 4 missionnaires, 150 engagés et
quelques familles les accompagnant à leurs frais. Ils se
fixent à la Guadeloupe ; s'entendant mal, ils forment au
nord de l'île deux établissements limitrophes mais dis-
tincts. — Duplessis meurt le 4 décembre.
1635, 17 novembre. — D'Esnambu c occupe la Dominique
où il place le sieur de la Vallée, mais il l'évacué presque
aussitôt, l'abandonnant aux Caraïbes.
1636, Le pays n'étant pas organisé ni cultivé pour nourrir
des colons, ce premier essai débuta par une famine qui se
prolongea avec plus ou moins d'intensité pendant cinq
ans. Pour s'approvisionner, l'Olive déclare aux Caraïbes le
26 janvier une guerre des plus barbares qui dura jusqu'en
1639. Les Caraïbes finirent par abandonner la Guadeloupe
pour la Grande Terre, les Saintes, Marie-Galante et la
Dominique.
1637, 2 décembre. — L'Olive est confirmé pour dix ans dans
son poste de seul capitaine o u gouverneur général de la
Guadeloupe, mais étant en fait subordonné à Poincy,
il résultera de cette situation de graves difficultés.
1639. L'Olive a des démêlés avec ses engagés, d o n t le
contrat de trois ans était expiré et qu'il veut garder de
force. Malade et devenu par surcroît aveugle, il se retire
à Saint-Christophe où Poincy le retint c o m m e prisonnier.
1640. L a colonie restée sans gouverneur, et étant menacée
de guerre par les Caraïbes, Poincy y envoie 260 colons
de Saint-Christophe sous la conduite de Sabouilly et
de la Vernade (28 janvier). Ceux-ci reprennent la
guerre contre les Caraïbes, dont une partie se réfugie
à Antigoa. Dans une autre rencontre qui dura trente
heures (16 et 17 mai), les Caraïbes sont également défaits.

180
LA G U A D E L O U P E
Poincy, qualifié de Restaurateur de la colonie, en reporte
l'honneur à M. de Sabouilly. Une mortalité effrayante
termina cette expédition.
Six religieux arrivent de France, parmi lesquels le
P. Dutertre.
— A u b e r t , ancien chirurgien de Saint-Christophe et
capitaine en cette île, où il avait épousé la veuve de Duples-
sis, est n o m m é pour trois ans lieutenant général de la
Guadeloupe, en remplacement de l'Olive (4 avril). Aubert
arrive à la Guadeloupe le 15 septembre, v a prêter serment
à Poincy et revient à la Guadeloupe où il trouve quelque
hostilité dans son entourage. Il conclut la paix avec les
Caraïbes.
1641-1642. Aubert interdit formellement au x religieux de
faire acte de prosélytisme à la Dominique et fait revenir
deux religieux qui s'y étaient rendus malgré ses ordres.
1642, 16 décembre. — L a Compagnie décide d'établir pour
son compte une usine à sucre à la Guadeloupe ; elle
charge de l'entreprise le Flamand Trézel, déjà installé
à la Martinique.
— mars. — Edit confirmant les privilèges des seigneurs
de la Compagnie accordés le 12 février 1635, et étendant
encore leur pouvoir qui devient un véritable despotisme ;
le même édit accorde la nationalité française aux sauvages
convertis au christianisme.
— Houel, l'un des seigneurs de la Compagnie, est
envoyé à la Guadeloupe pour y faire une enquête générale.
Sa mission accomplie, il revient en France, avec l'idée
de se faire nommer gouverneur à la place d'Aubert.
1643. Houel est n o m m é gouverneur de la Guadeloupe,
Aubert lui étant subordonné. Il débarque au début de
septembre.

1636-1674
181
Houel va à Saint-Christophe et refuse de prêter serment
à Poincy.
Arrivée de Madame de la Fayolle avec une douzaine de
jeunes filles de France.
1644. Houel accuse Aubert d'avoir voulu fomenter contre
lui une insurrection des C a r a ï b e s ; Aubert se retire à
Saint-Christophe. Poincy envoie aussitôt un enquêteur
qui, paralysé par les manœuvres d'Houel, revient moins
de quinze jours plus tard sans avoir rien pu déterminer.
Poincy se considérant c o m m e lésé dans ses droits de
gouverneur général, donne sa démission de gouverneur
pour la Compagnie et retient seulement la qualité de
commissaire du roi.
Houel sentant sa situation menacée, s'embarque pour
la France (août), confiant au juge Marivet l'intérim du
gouvernement. Poincy ne ratifie pas ce choix et envoie
à sa place M. de Leumont, qui arrive à la Guadeloupe
le 3 novembre. Il n'est pas reconnu et doit se rembarquer
le 3 décembre. Un ancien boulanger, Mathurin Hédouin,
appuyé par Madame de la Fayolle, usurpe l'autorité, tandis
que Marivet est mis aux fers et y reste pendant huit mois
(1644-1645).
A Paris, Aubert est condamné à mort par contumace,
sur les déclarations d'Houel, et l'un de ses prétendus
complices, Durivage, est effectivement condamné aux
galères.
N'ayant pu obtenir la charge de gouverneur général
à la place de Poincy, Houel se lie d'amitié avec Thoisy
qui est n o m m é à ce poste le 26 décembre.
— La fabrication du sucre commence à la Guadeloupe.
1645, mars. — D'Aubigné fait avec la Compagnie, pour la
colonisation de Marie-Galante, un contrat qui n'eut pas
de suite.

182
LA G U A D E L O U P E
— 1 août. — Déclaration d u roi établissant une j u s -
e r
tice souveraine dans chacune des îles.
— Houel, précédant Thoisy, revient à la Guadeloupe
le 29 mai. Il fait reconnaître Lambert c o m m e lieutenant
général des Iles d'Amérique au n o m de Thoisy et destitue
Marivet de ses fonctions de lieutenant civil et criminel.
Thoisy arrive à la Martinique le 16 n o v e m b r e et à la
Guadeloupe le 19. Houel lui prête serment. Le 25, il est
à Saint-Christophe, où Poincy refuse de le reconnaître
c o m m e gouverneur général. Il revient le 28 à la Guade-
loupe, où la Compagnie, prévoyant les difficultés qu'il
pourrait avoir avec Poincy, l'avait autorisé à résider le
cas échéant. Ce contretemps, dérangeant les projets
ambitieux d ' H o u e l , celui-ci envisage dès ce m o m e n t les
m o y e n s de se débarrasser de Thoisy.
1646. Dans une pensée de conciliation, Thoisy promulgue
la déclaration royale du 1 août précédent, relative à
er
la justice souveraine. Par cet acte, il se désaississait en
fait au profit d'Houel de ses pouvoirs souverains à la
Guadeloupe « étant écrit dans ledit édit que « tous appels
des contestations et sentences rendues dans chacune des
îles » seront jugés et terminés par celui qui commandera
pour lors en icelles. » (29 avril). Dès le 7 mai, Houel
se prévalant de ses droits, rend un arrêt contre le lieute-
nant du Grand Prévôt, qui instruisait la révolte de Poincy.
Thoisy répond à cette attaque par l'établissement d'un
conseil de guerre pour juger des crimes de lèse-majesté,
dans le cas particulier de Poincy (1 août).
e r
— 22 août. — Thoisy fait remise aux colons d'une partie
des droits que la Compagnie percevait sur eux.
— 22 novembre. — Houel se prétendant dépouillé
de ses droits de gouverneur par la présence de Thoisy
dans l'île, provoque contre lui une sédition que celui-ci

1635-1674
183
conjure avec un grand esprit de conciliation et d'abné-
gation (22 novembre).
1647, Informé qu'on voulait l'assassiner, Thoisy s'embarque
dans la nuit d u 31 décembre au 1 janvier pour la Mar-
er
tinique, où il arrive le 3. — Son départ fut suivi d'une
persécution générale de ses partisans. — De la Martinique,
Thoisy passa à Saint-Christophe, d'où Poincy, conti-
nuant à ne pas reconnaître son autorité, le renvoya en
France le 17 mai.
Après son départ, Houel persécute de diverses manières
ses principaux partisans.
— 8 février. — L a Compagnie concède pour 4 ans
l'île de Marie-Galante aux capitaines Camo et la Fontaine,
victimes de Poincy. Ceux-ci promettent d'introduire
chaque année dans l'île 60 colons. Faute de fonds, ils
ne peuvent bénéficier de cette concession.
1648, 8 octobre. — Houel demande à la Compagnie la
concession de Marie-Galante aux mêmes droits qu'elle
la tenait d u roi (8 octobre 1648). Il fait occuper l'île
par un sieur Lefort le 8 n o v e m b r e .
— Houel fait occuper les sept îlots des Saintes (for-
mant ensemble 1256 hectares) par le sieur D u m é
(18 octobre). Elles sont presque aussitôt abandonnées,
pour être réoccupées en 1652 par un sieur de Hazier
Dubuisson.
1649, 4 septembre. — Boisseret achète la Guadeloupe, la
Désirade, Marie-Galante et les Saintes, la somme de
60.000 livres et une rente de 600 livres de sucre fin rachetée
aussitôt pour une somme de 1.500 livres argent à raison
de 12 livres 10 sols le cent pesant de sucre.
1651 (après). — Comm e réglement d e ses contestations
avec Thoisy, Houel est condamné à lui payer 61.715 livres
de tabac.

184 LA G U A D E L O U P E
1653. Houel envoie le capitaine Dumé à la Dominique
venger la mort de Français qui venaient d'être tués par
les Caraïbes de cette île.
1654. A u commencement de l'année, un millier de Hollan-
dais, chassés du Brésil par les Portugais, débarquent à
la Guadeloupe et 300 à la Martinique. Ils y améliorent
la fabrication du s u c r e ; le plus grand nombre d'entre eux
retourne en Hollande.
1656. Boisseret refuse de vendre sa part de propriété à
son beau-frère venu en France, et meurt. Houel revient
à la G u a d e l o u p e ; il renvoyé en France son frère le
chevalier et ses deux neveux.
— Houel exonère les habitants de l'obligation de
monter la garde pour la sécurité de l'île; en retour il
double les droits seigneuriaux payés par les colons.
1656 (fin). — Deux nègres, Pèdre et Jean Leblanc sus-
citent un m o u v e m e n t , qui coûta la vie à quelques Fran-
çais et se termina par l'écartèlement des deux nègres.
1659. Madame de Boisseret et ses fils organisent une expé-
dition militaire à la Guadeloupe pour amener leur beau-
frère et oncle à reconnaître leurs droits dans l'adminis-
tration de l'île. Cette expédition arrive à la Guadeloupe
en juin. Le peuple se déclare en faveur des Boisseret.
Houel veut résister, mais il est forcé d'accepter un a c c o -
m o d e m e n t , à la suite d'un arbitrage de 9 membres (3 août-
13 septembre). En vertu de cet accord, une partie de
l'île est accordée au gouverneur et l'autre à ses parents.
Le différend risquant de renaître, le roi donne l'ordre
à Poincy de concilier les deux parties (25 mai 1660).
— Les îles anglaises de Montserrat et de Nevis, et
la colonie française de la Guadeloupe « s'unissent en une
ligue solide, absolue et durable. contre les Indiens ».

1635-1674
185
Les gouverneurs de Montserrat et de la Guadeloupe
étaient chargés de la direction de cette ligue ; les
autres îles pouvaient y adhérer.
* 1663, 19 novembre. — Houel et ses associés ne s'entendant
pas, le roi les rappelle tous en France et n o m m e Prouville
de Tracy c o m m a n d a n t général de toutes nos possessions
en Amérique, même le Canada.
1664, 28 mai. — Edit instituant la Compagnie des Indes
occidentales. L'autorité du roi est substituée à celle des
seigneurs propriétaires. (Voir Généralités, 1664).
— 10 juillet. — Madame de Boisseret, devenue Madame
de Champigny, cède à la Compagnie ses droits sur la
Guadeloupe pour 120.000 livres.
— Willougby sacre gouverneur de la Dominique W a r -
ner, fils naturel d'une Caraïbe et de l'ancien gouverneur
de Saint-Christophe (16 avril 1664). Boudet, commandant
du Saint-Sébastien, croisant devant la Dominique, par-
vient à s'emparer de Warner, qui est retenu prisonnier
jusqu'à la paix.
— Tracy, après avoir passé par Cayenne et s'être arrêté
15 jours à la Martinique, arrive à la Guadeloupe le 23 juin ;
dans la quinzaine qui suit, il renvoie en France Houel
et ses neveux et établit Dulion et des Roses comme g o u -
verneurs respectifs de la Guadeloupe et de Marie-Galante.
Tracy édicté une série de mesures pour l'administration
des îles ; il crée à la Guadeloupe l'hôpital de la Charité.
1665. De Vincent remplace Cérillac comme gouverneur de
la Grenade.
— Théméricourt, fils de Boisseret, est nommé gouver-
neur de Marie-Galante, — il y arrive en mai.
Cette île compte alors 500 habitants.

186
L A G U A D E L O U P E
1669. Le gouvernement de la Guadeloupe est réuni à celui
de la Martinique.
1670. 24 février. — L a durée des engagements est réduite
de 36 à 18 mois.
1671. Un recensement fait cette année fait connaître le
n o m et la résidence de tous les habitants de la G u a d e -
loupe. L a population blanche est de 3.083 habitants
contre 4.267 noirs et 47 métis.
Dessalles publie par quartiers (t. I I , p p . 438 à 452) les
noms des habitants de la Guadeloupe. Les quartiers
étaient : le bourg de Saint-Louis, la Montagne de Saint-
Louis, la Montagne d e Beausoleil, la Montagne de Bellevue,
la Montagne de l'Espérance, la Montagne Saint-Charles
et des Palmistes, le Quartier d u Vieux Fort, la ville de
la Basse Terre, le D o s d ' A n e , la Grande Anse, le Petit
Carbet, le Petit Cul de Sac, le Quartier d e Saint-Marc,
le Quartier de Sainte-Anne, le Quartier des Citronniers, le
Quartier des Anses Dumont-Gosier, le Quartier d u Grand
Cul de Sac, le Quartier de l'Ile à Goyaves, le Quartier
dex Vieux Habitants, l'Anse à la Barque, la rivière Beau-
gendre, la Montagne d u Plessis, la Montagne Saint-Robert,
et le bourg d u Baillif.
—La Compagnie envoie à de L o o v e r , Flamand installé
à la Guadeloupe, des ustensiles pour fabriquer d u sucre-
1674. Saint-Barthélemy est réunie au domaine royal et
rattachée au gouvernement de la Guadeloupe.
— décembre. — Suppression de la Compagnie des
Indes occidentales.

DEUXIÈME PÉRIODE: 1674-1763
Libérée du joug de ses gouverneurs particuliers qui
sacrifiaient tout à leurs intérêts particuliers, mais
vassale de la Martinique devenue le siège d'un gouver-

nement général et qui centralisait obligatoirement le
commerce de la métropole, la Guadeloupe ne connut
pas, durant cette période, la grande prospérité de

l'île voisine. Cependant, grâce à son étendue et à la
fertilité de son. sol, l'industrie sucrière se développa,
là aussi, dans des conditions satisfaisantes. Les Caraïbes
avaient disparu; les mulâtres n'étaient pas encore assez
nombreux pour élever des revendications inquiétantes
et, si les esclaves corrigeaient parfois quelques bruta-
lités patronales par le poison, leur obéissance passive
n'était jamais un obstacle au travail et elle ne

paralysa point la prospérité de l'île, entravée néanmoins
par le monopole dont la Martinique jouissait à son
détriment. Le gouverneur de Clieu fit tous ses efforts
en 1736 pour obtenir des relations directes avec la
m é t r o p o l e ; il ne put y parvenir. Le commerce qui

pouvait se faire en contrebande avec les autres îles
du voisinage, n'était ni assez sûr ni assez régulier pour

entretenir un mouvement d'affaires, où la confiance

188
LA G U A D E L O U P E
n'était pas moins nécessaire que l'esprit d'aventure.
— Par ailleurs, le chiffre des engagés qui était de 8 0 0

en 1662 était tombé à 175 en 1 7 3 0 ; de plus en plus, la
colonisation de l'île devenait l'œuvre des esclaves
d'origine africaine.

Nul autre fait que ceux de l'administration courante,
désormais régulière et canalisée, ne s'impose particu-
lièrement à l'attention, sauf peut-être l'établissement
d'une léproserie à la Désirade en 1728. Le plus grand
intérêt que présente alors l'histoire de la Guadeloupe
réside dans les faits extérieurs. Lorsque la guerre éclata

en Europe entre la France et l'Angleterre, la Guade-
loupe, de toutes nos possessions antillaises la plus
rapprochée des colonies anglaises, se trouva la plus

directement menacée, et elle fut en effet attaquée
à plusieurs reprises. Partiellement occupée en 1 6 9 1 ,
elle se dégagea l'année même de l'étreinte ennemie.
Menacée à nouveau en 1702, elle rejeta encore une fois

les Anglais à la mer. La guerre de 1 7 4 4 - 1 7 4 8 la laissa
hors de toute atteinte, mais celle de 1756-1763 devait
lui être fatale. E n 1759, le général Barington débarqua

près de la Basse-Terre et, après une guerre de trois
mois, triompha de toute résistance.

La Guadeloupe resta sous la domination anglaise
pendant quatre ans et c'est durant ce temps que furent
arrêtés et entrepris les travaux d'un établissement à
Pointe-à-Pitre, dont la première idée avait été émise
par le gouverneur Dupoyet vers l'année 1730.

Dès que la Guadeloupe se fût rendue, les Anglais
se préoccupèrent d'assurer à cette colonie que Pitt
qualifiait de « fertile et d'opulente » une prospérité
que la fiscalité royale n'avait guère favorisée.


1674-1763
189
Grâce à la traite négrière effectuée par les armateurs
de Liverpool, l'île put en quelques mois accroître son
« troupeau » de nègres, pour prendre l'affreuse expression
du temps, à des prix particulièrement avantageux ;

grâce au commerce régulièrement noué avec les plan-
teurs de l'Amérique du Nord et les négociants de

Londres, les habitants réalisèrent des bénéfices impres-
sionnants, et en moins de deux ans la colonie dépassa
sa voisine en richesse et en vitalité.

A u point que, le moment venu de discuter les clauses
de la Paix, la Cour de Saint-James s'interrogea anxieu-
sement sur l'opportunité de sacrifier la conquête du
Canada à celle de la Guadeloupe ou inversement.
Lord Chatham en 1762 n'hésitait pas à plaider publi-
quement en faveur des îles Caraïbes — la Martinique
venait d'être occupée à son tour — et des journaux
comme le
London Chronicle ralliaient une part de l'opi-
nion à cette thèse :

« Le commerce du sucre emploie plus de vaisseaux qu'au-
cun autre commerce et quand bien même aurions-nous
assez de sucre pour notre usage, ce qui n'est pas, devrions-
nous céder lâchement à nos ennemis une branche de commerce
aussi considérable ? Quel avantage le Canada peut-il rappor-
ter à la Grande-Bretagne en comparaison des Isles Caraïbes
dont nous sommes actuellement en possession, sans consi-
dérer les avantages qu'elles nous donnent sur la France
et l'Espagne dans ces pays ? Les seules raisons que l'on e x p o -
sait pour que l'on garde le Canada étaient premièrement la
sûreté de n'être point inquiété par le voisinage de la France,
secondement le grand bénéfice de la pêche de Terre-Neuve »...
(Numéro du 9 septembre 1762).
L'argument politique l'emporta, surtout lorsque

190
LA G U A D E L O U P E
Franklin fut venu à Londres affirmer que l'expulsion
de la France du continent américain ne favoriserait
pas spécialement la tendance autonomiste des vieilles
colonies britanniques. Choiseul, de son côté, préféra
sacrifier au commerce du sucre les pêcheries de Terre-
Neuve, pro parte du moins, ainsi que les pelleteries

du Canada auxquelles les Anglais du Nord de l'Hudson
faisaient depuis longtemps une concurrence victorieuse.

E n récupérant la Guadeloupe, que de nombreux
publicistes londoniens considéraient avec la Martinique
comme « le bien le plus précieux tant par leur produit
que par leur situation », la Cour de Versailles pensait

accomplir une acrobatie diplomatique. E t c'est ainsi
que la vieille Karukéra pesa d'une manière déterminante

dans la négociation d'un traité qui marque une date
de l'Histoire universelle.

1691 Les Anglais commandés par Codrington s'emparent
en mars de Marie-Galante et descendent à la Guadeloupe,
où ils occupent les deux villages alors distincts de Saint-
François et Basse Terre, formant aujourd'hui l'unique
ville de Basse Terre. Ils en sont chassés en mai par le
marquis d'Eragny, gouverneur général des îles, et éva-
cuent ensuite Marie-Galante.
1695, 15 juillet. — Mort d'Hincelin, gouverneur de la
Guadeloupe. 11 est remplacé le 1 mars 1696 par Auger,
er
créole de Saint-Christophe, gouverneur de Marie-Galante.
1697, 31 décembre. — Le premier recensement tout à fait
régulier de la Guadeloupe accuse pour cette île et ses
dépendances une population totale de 11.437 habitants,
d o n t :

1674-1763
191
8 . 6 9 8 pour la Guadeloupe seule, soit 3 . 6 4 5 blancs,
4 . 9 8 3 noirs et 1 7 0 mulâtres ;
4 . 2 7 7 pour Marie-Galante ;
1 . 0 3 9 pour Saint-Martin ;
et 4 4 3 pour Saint-Barthélemy.
1699. Il y avait 1 9 églises, 1 hôpital, 7 bourgs, 4 8 sucreries,
et 1 raffinerie.
1702. L e P. Labat organise les travaux de défense de la
Guadeloupe. Le total des forces pouvant défendre l'île
est alors de 1 . 4 1 8 h o m m e s .
1703, mars-mai. — Codrington fils s'empare de Marie-
Galante (mars) avec 4 . 0 0 0 h o m m e s , il débarque le 2 0
d u m ê m e mois à la Guadeloupe, qui compte alors
1 . 4 1 8 défenseurs, tant hommes de troupes que milices.
Il attaque Basse-Terre et après diverses opérations,
8 0 0 hommes de secours étant venus de la Martinique,
avec Gabaret, gouverneur particulier de cette île, il est
obligé de reprendre la mer le 1 8 mai, ayant perdu
1 . 9 6 4 h o m m e s . — Marie-Galante est réoccupé.
— 23 août. — Ordonnance réorganisant les milices
de la Guadeloupe ; elle fut révoquée dès 1 7 0 5 .
— Auger, gouverneur de la Guadeloupe, est n o m m é
gouverneur de Saint-Domingue ; il est remplacé par la
Malmaison, qui, arrivé en 1 7 0 4 , chasse les Anglais de
Marie-Galante.
1717-1719. Mort de la Malmaison, (mai 1 7 1 7 ) ; il est
remplacé par le marquis de Feuquières, qui n o m m é
presque au m ê m e m o m e n t gouverneur général des
Antilles, en remplacement de la Varenne, laisse la place
de gouverneur de la Guadeloupe au comte de Moyencourt.
Celui-ci prend possession de son poste en mai 1 7 1 9 .
1720. Le recensement accuse 215 affranchis sur une p o p u -
lation de 1 4 . 2 5 0 habitants.

192
LA G U A D E L O U P E
— Premier recensement où l'on voit figurer le cotonnier
à la Guadeloupe. Il y a alors dans l'île 1.447.000 pieds ;
en 1767, chiffre m a x i m u m d u XVIII siècle, il y en aura
e
12.157.000. En 1790, la Guadeloupe exporta en France
257.000 livres de coton et la Martinique 957.400.
— La même année 1720, il y avait 3.650 pieds de
cacaoyers ; en 1777 il y en a aura 45.000.
1721-1728. Le Conseil supérieur ordonne d'isoler les lépreux
des autres éléments de la population (14 mai 1721).
— Un impôt spécial de 20 sous par tête de nègre est ulté-
rieurement décidé (1726) pour créer des installations
d'isolement : la Désirade est affectée à cet effet. — L e
c o m m e n c e m e n t d'exécution n ' a lieu qu'en 1728. Il y a
alors dans le petit archipel 125 lépreux, d o n t 22 blancs,
6 mulâtres et 97 nègres. Des mesures draconiennes sont
prises pour l'application de cette mesure.
1726. Création de la paroisse des A b y m e s .
1730 (vers). — Le gouverneur D u p o y e t songe à fonder une
ville à Pointe à Pitre.
1730. L a Guadeloupe, qui avait 800 engagés en 1662 ,
600 en 1689, n'en a plus que 175 en 1730.
— Un recensement opéré en 1730 donne 7.731 blancs,
27.739 mulâtres et noirs. Total 35.470. Il y avait 17 bourgs,
19 paroisses, 1 hôpital, 252 sucreries ; la quantité de
sucre blanc faite par année était de 8.003.460 livres
et celle du sucre brut de 5.046.000. On comptait 11.820
pieds de cacao, 10.300.834 pieds de cotonniers et 20.000
pieds de café.
1732,16 juillet. — Etablissement à la Guadeloupe de C o m p a -
gnies de cavalerie.
1736. Le gouverneur de Larnage fait tous ses efforts pour

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GUADELOUP
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1674-1763
193
développer le commerce direct entre la France et la
G u a d e l o u p e ; il ouvre un marché pour les sucres à la
Basse Terre.
1737. Le gouverneur de Clieu réprime un soulèvement de
noirs à la Guadeloupe. — Il doit envoyer trois compagnies
de milice contre les nègres et les mulâtres libres de la
Grande Terre qui refusaient de payer la capitation.
— Révolte de nègres dans une douzaine d ' h a b i t a t i o n s ;
elle fut suscitée par une disette de vivres, causée elle-même
par un ouragan. Les meneurs sont pendus. Par suite de
la famine, des colons et des esclaves passent dans les
colonies anglaises.
— Larnage n o m m é gouverneur de Saint-Domingue
est remplacé par G. de Clieu, qui arrive à la Guadeloupe
le 17 avril 1737.
1738. La population de la Guadeloupe est de 42.653 per-
sonnes, d o n t 9.338 b l a n c s ; à la suite d'ouragans qui ont
dévasté la colonie et c o m m e conséquence de l'interdiction
de faire le moindre commerce avec l'étranger, une partie
de cette population doit émigrer, et en 1740, il n'y a plus
que 41.236 individus, soit en moins 1.417 individus,
d o n t 588 blancs.
1739. La population blanche était, de 9.212 h a b i t a n t s ;
la population noire ou métissée de 33.381. — Il y avait
22 bourgs, 22 paroisses, 5 églises conventuelles, 1 hôpital.
On comptait 865.803 pieds de café, 13.770 pieds de tabac,
13.816 pieds de cacao et 6.919.767 pieds de coton: —
253 sucreries.
1740-1748. La centralisation de tout le commerce à Saint-
Pierre de la Martinique, développe à la Guadeloupe une
misère réelle, qu'accroît encore la difficulté des rapports
avec la France pendant la guerre avec l'Angleterre de
ANTILLES 13

194
L A G U A D E L O U P E
1744 à 1748. (Voir Martinique, 1720). Sans avoir été la
victime directe d'aucune opération militaire, la Guade-
loupe, malgré la sage administration de de Clieu, souffre
profondément de la stagnation générale des affaires ;
le sucre, faute de pouvoir être exporté, t o m b e à 3 livres
les 50 kilogs, le café à 2 sous la livre, tandis qu'une barrique
de vin venant de France se payait 1.200 livres argent.
1743. Pour 8.601 blancs et gens libres, il y a 33.778 esclaves.
Population totale : 42.379 habitants.
1745, 25 décembre. — Naissance d u fameux mulâtre Saint-
Georges, plus connu sous le n o m de chevalier de Saint-
Georges.
1749, décembre. — L a lèpre se développe d'une façon anor-
male à la Guadeloupe.
1753. G. de Clieu est remplacé par le chevalier de Mirabeau,
frère d u marquis de Mirabeau, père d u grand orateur d e
la Révolution. Clieu mourra retiré à la Martinique en 1775.
1754. Il y a 10.538 blancs libres, et 45.653 esclaves, soit
56.191 habitants.
1759. Une flotte anglaise paraît devant la Guadeloupe le
21 janvier. L a colonie n'a que 4.000 h o m m e s à opposer
à 8.000 Anglais. Ceux-ci occupent Basse Terre le 23 j a n -
vier et l'incendient. Les Français continuent la lutte à
l'intérieur, d'abord au Grand Camp puis au Grand Réduit.
La Grande Terre est également occupée et les habitations
incendiées. Après trois mois de résistance, la population
demande au général anglais Barington une capitulation
que le gouverneur français finit par accepter également
après huit jours de négociations (22 avril-10 m a i ) . A ce
m o m e n t arrivaient des secours venant de la Martinique ;
devant le fait accompli, ils se rembarquent. La Guade-
loupe passe pour quatre ans sous la domination anglaise.

1674-1763
195
Le gouverneur français Nadau d u Treil et trois de
ses officiers furent dégradés à la suite de cette capitula-
tion. — 6.000 esclaves furent transportés dans les colonies
anglaises.
1759-1763. Pendant les quatre années de son occupation,
la Guadeloupe fut successivement administrée par B a r i n g -
ton, K r u m p et Dalrymple. Ils ouvrirent largement le
commerce du dehors, introduisirent dans l'île de 20 à
30.000 esclaves, fondèrent à Pointe à Pitre un port plus
sûr que celui de Basse Terre, et dotèrent le pays d'ins-
titutions représentatives sous forme de commissaires de
quartiers, ayant la faculté de se réunir pour discuter des
intérêts g é n é r a u x ; ces derniers se réunirent alors au Petit
Bourg — leur première réunion eut lieu dès le 11 juillet 1759
— et l'un d'eux, Deshayes, fut délégué à Londres pour
représenter officiellement la colonie. — L'occupation de
la Guadeloupe par les Anglais fut en somme la libération
économique d u pays.
1 7 6 3 . Traité de Paris. — Par ce traité la Guadeloupe nous
est rendue, mais nous perdons définitivement la D o m i -
nique, Saint-Vincent, T a b a g o , la Grenade et les Grena-
dins. Le 6 juillet, reprise de possession de la Guadeloupe.

TROISIÈME PÉRIODE: 1763-1794
Redevenue française par le traité de Paris et le
gouvernement général des Antilles n'ayant pas été
rétabli, la Guadeloupe, trouvant plus de facilités pour
développer son commerce, jouit aussi d'une plus grande
prospérité. La suprématie de la Martinique fut, il est
vrai, rétablie dès 1768 par ordonnance r o y a l e ; mais

devant les protestations de la population et après la
démission de deux gouverneurs la mesure fut rapportée
en 1771 et la Guadeloupe reconquit en fait son indé-
pendance en 1775, sauf pour les questions d'ordre
militaire.

Nul événement de quelque importance ne peut être
signalé jusqu'en 1 7 8 9 ; seules les idées nouvelles d'indé-
pendance et même de séparatisme, inspirées par l'exem-

ple des colonies américaines, hantaient quelques esprits,
surtout parmi les planteurs les plus riches. Les colons

d'origine plus modeste étaient plus sensibles à des
conceptions philosophiques d'égalité sociale, qui avaient

fini par pénétrer aux îles depuis une trentaine d'années.
U n désir de nouveautés était dans tous les esprits et
le mouvement révolutionnaire qui, aux colonies comme
en France, prit parfois les formes d'une explosion brutale


1763-1794
197
et inattendue, ne fut que l'aboutissement d'une vibra-
tion plus condensée que réellement comprimée dans
les esprits depuis un demi-siècle. La transition entre

1788 et 1790 est moins absolue qu'elle ne paraît.
La Guadeloupe n'avait pas été conviée à envoyer
des députés aux Etats Généraux, mais elle fut repré-
sentée à l'Assemblée Constituante et aux assemblées
qui suivirent. Les débats d'ordre colonial qui se dérou-
lèrent en ces assemblées ne sont peut-être pas à l'hon-
neur de la prévoyance française ; sans vouloir les juger,
disons seulement que l'esprit qui les anima inspira
également les colons et surtout les petits colons de nos
îles, qui ne virent pas tout d'abord le parti que les
populations noires ou métissées devaient tirer des
principes que nous posions. Sans tenir compte des
grands planteurs, des mulâtres et des esclaves, les
petits colons, qui formaient la majorité de la popu-
lation blanche, se considérèrent comme les maîtres des
destinées du pays, et le gouverneur de Clugny les

rencontra tout d'abord sur son chemin. C'est par un
miracle de prudence et de sagesse qu'il endigua plutôt
qu'il ne refoula des mouvements qui tendaient sans
cesse à le déborder.

U n de ses successeurs, le général Collot, arrivé dans
l'île en mars 1793, s'inspira des mêmes principes ; mais
déjà le mouvement révolutionnaire était plus démo-

cratique et plus violent. Obligé de composer avec les
éléments les moins recommandables de la population,
Collot sut néanmoins maintenir l'ordre par son courage
personnel et par un esprit de décision des plus remar-
quables dans plusieurs situations des plus critiques.
Attaqué par les Anglais en avril 1794, il dut capituler


198
L A G U A D E L O U P E
devant les forces supérieures et pendant un temps,
un temps très court du reste, la Guadeloupe passa sous
la domination britannique.
1763. Le gouvernement d e la Guadeloupe est constitué en
gouvernement général.
— 12 juillet. — Une ordonnance royale permet a u x
étrangers d'importer à la Guadeloupe des bestiaux et des
bois, en échange des sirops et tafias. — En contrepartie,
un i m p ô t de 375.000 livres est imposé a u x habitants.
— 19 février. — L e chevalier d e Bourlamaque ami
des physiocrates, est n o m m é gouverneur de la Guadeloupe
et M. de Peynier, intendant. Bourlamaque prend p o s -
session de son gouvernement le 4 juillet. Pour ramener
à la Guadeloupe le c o m m e r c e particulier que cette île
était obligée de faire antérieurement par le port de Saint-
Pierre, Bourlamaque défend l'exportation des denrées
de l'île et l'importation des marchandises françaises par
la voie de la Martinique. Il meurt le 24 juin de l'année
suivante.
— 15 juillet. — L a Désirade est érigée en lieu de dépor-
tation pour les jeunes gens de famille, d o n t on veut se
débarrasser en France.
1765. L a Chambre d'Agriculture de la Guadeloupe désigne
R o b e r t Deshayes c o m m e député au Conseil d u Commerce.
Deshayes, qui était c o m m a n d a n t de milices, avait repré-
senté la colonie à Londres, au temps de l'occupation
anglaise, mission au cours de laquelle il avait manifesté
une très grande habileté. Il représenta la Guadeloupe
jusqu'au 7 mai 1781, date de sa m o r t .

1763-1794
199
1765-1768. Sous le gouvernement de Nolivos, on décide
l'ouverture d'une voie terrestre entre Basse Terre et
Pointe à Pitre, une poste aux lettres est installée à Basse
Terre, le canal du Lamentin est achevé, la Matouba est
défrichée; une promenade plantée de tamarins, et appelée
encore aujourd'hui Cours Nolivos, est créée à Basse Terre,
le siège de l'Amirauté est transféré à Pointe à Pitre.
La Guadeloupe continuant de prospérer sous un régime
de plus grande liberté commerciale, tandis que le c o m -
merce de la Martinique décline, les grands propriétaires
de cette dernière île obtiennent par une ordonnance du
20 septembre 1768, sous le n o m de gouvernement général
des Iles du Vent de l'Amérique, le rétablissement du
gouvernement général des Antilles, avec la Martinique
c o m m e chef-lieu. Devant ce fait, Nolivos quitte le g o u -
vernement de la Guadeloupe le 29 novembre de la même
année. Il est remplacé par le comte de Malartic.
1 7 6 7 . La Guadeloupe c o m p t e 11.683 blancs, 762 libres et
affranchis et 72.761 esclaves, soit 85.206 habitants.
1768. Etablissement à Pointe à Pitre d u Tribunal de l ' A m i -
rauté et de la Juridiction de la Grande Terre. La ville
se développe.
1769-1771. L'ordonnance du 29 septembre 1768 sur le
rattachement de la Guadeloupe à la Martinique ayant
été enregistrée à la Guadeloupe le 7 mars 1769 y soulève
une émotion générale. Une visite du gouverneur général
d'Ennery n'apaise pas l'agitation. Le Conseil supérieur et la
Chambre d'agriculture protestent. Le gouverneur Bouille
demande au roi son indépendance ou son r a p p e l ; il est
rappelé et quitte la colonie au mois d'août 1771, laissant
l'administration à Dion, commandant en second.
Le roi rend à la Guadeloupe son indépendance
(16 août 1771) et le comte de Nozières est n o m m é g o u -
verneur avec Tascher c o m m e intendant.

200
LA G U A D E L O U P E
1772. L e gouvernement de la Guadeloupe est séparé p e n -
dans six mois de celui de la Martinique.
1775, 24 octobre. — La Guadeloupe obtient une adminis-
tration indépendante, sauf pour la partie militaire et les
finances pour lesquelles elle reste subordonnée à la Mar-
tinique. L'interdiction du cabotage avec la Martinique
est maintenue.
D ' A r b a u d est n o m m é gouverneur et Peynier intendant,
ils arrivent à Basse Terre le 29 novembre 1775.
1782. François de Foulquier, Président au Parlement de
Toulouse, est n o m m é intendant de la Guadeloupe. Il
faisait partie d u « Comité de Législation des Colonies »
et devait procéder aux grandes réformes administratives
et judiciaires. Il crée en particulier une Assemblée Colo-
niale. (Voir Généralités).
Il passe en 1786 à la Martinique avec mission d'établir
définitivement l'assemblée représentative d o n t on avait
fait l'expérience à la Guadeloupe. (Voir Martinique).
— 16 mai. — Le Conseil supérieur de la Guadeloupe
a le droit de présenter des magistrats à la nomination
des gouverneurs. Suppression d u député à Paris.
1783-1784. L e baron de Clugny est n o m m é gouverneur
de la Guadeloupe le 20 juillet 1783 et arrive dans la colonie
le 27 mai 1784. Il a c o m m e second le comte d'Arrots,
gouverneur de la Grenade.
1784, 24 juillet. — Ordre d u gouverneur de ne plus inhumer
dans les églises et d'établir les cimetières hors des villes.
1789. L a Guadeloupe c o m p t e 13.712 blancs, 3.058 libres
et 89.523 esclaves. Total 106.393.
— Le roi en France c o n v o q u e les E t a t s - G é n é r a u x :
les colonies ne sont pas a d m i s e s ; néanmoins les colons
de la Guadeloupe présents à Paris élisent les députés qui

1763-1794
201
prêtent serment au Jeu de Paume et d o n t deux, de Curt
et de Galbert, sont néanmoins admis à l'Assemblée Consti-
tuante (22 septembre). — Les hommes de couleur, soutenus
par la Société des Amis des Noirs, fondée à Paris,
demandent à leur tour leur admission dans le b u t de
tout faire échouer. Le club Massiac, créé en opposition
à cette société, pousse les noirs à réclamer les mêmes
droits.
Dans la colonie, le gouverneur juge expédient de c o n v o -
quer une assemblée coloniale spéciale, qui, pour départager
la rivalité entre la Basse Terre et Pointe à Pitre, se réunit
à Petit Bourg le 1 décembre au nombre de 96 membres.
e r
Cette assemblée prend le titre d'Assemblée Générale
coloniale et n o m m e 3 députés à la Constituante : Chabert
de Lacharrière, Nadal de Saintrac et Robert Coquille.
Ces députés arrivent à Paris le 22 juin et sont admis à
siéger avec ceux précédemment désignés par les colons.
1790, avril. — Un c o m p l o t d'esclaves, déterminé par les
idées nouvelles d'égalité et de fraternité, est arrêté dès
son origine. Cinq des meneurs sont exécutés.
— 10-26 septembre. — Le gouverneur de la Guade-
loupe, M. de Clugny, est gardé à vue en son hôtel pendant
17 jours (10-26 septembre) par un groupe de patriotes
qui le soupçonnent d'être d'accord avec le gouverneur
de la Martinique pour étouffer leurs libertés.
— 15- octobre. — Organisation des municipalités à
la Guadeloupe. Pautrizel, de tendances républicaines, est
élu maire de la Basse Terre ; cette municipalité ne tarde
pas à être en opposition avec le gouverneur.
— L'Assemblée coloniale, réunie à Pointe à Pitre, se
déclare en permanence.
1791. Quelques noirs ayant formé le projet d'incendier les

2 0 2
L A G U A D E L O U P E
propriétés, sont arrêtés et exécutés, les uns en mai à
Sainte-Anne et les autres à Noël à Marie-Galante.
— 25 août. — Arrivée des commissaires civils venant
de la Martinique.
— 12 août. — L a nouvelle de la fuite du roi à Varenne,
connue le 12 août, jette l'administration dans l'incertitude
sur la marche qu'elle doit suivre, et favorise d u m ê m e
coup le développement des idées révolutionnaires.
— 12 septembre. — L'Assemblée Coloniale prononce
la dissolution de la municipalité de Basse Terre, c o u -
pable d'afficher des principes inconstitutionnels et d'en-
tretenir dans le pays une agitation coupable. Les c o m -
missaires prenant fait et cause pour la municipalité,
Clugny donne sa démission de gouverneur (3 octobre) ;
son second, le v i c o m t e d'Arrots, imite son exemple.
La municipalité se déclare contre les commissaires qui
quittent la colonie le 19 octobre. Clugny reprend ses
fonctions.
— 21 décembre. — L'Assemblée Coloniale d e la Gua-
deloupe se déclare « Constituante ».
1 7 9 2 . La colonie jouit d'une tranquillité parfaite pendant
les premiers mois. — Le 28 mars, l'Assemblée législative
ayant décrété que les hommes de couleur et les nègres
libres jouiraient de tous les droits politiques, cette loi
rencontre un accueil favorable auprès de l'assemblée
coloniale. Les électeurs sont convoqués pour le 24 juin.
— 25 juillet. — Mort d u baron de Clugny ; d'Arrots
lui succède.
— Envoi aux Antilles d e 2.000 hommes avec deux
nouveaux gouverneurs, R o c h a m b e a u pour la Marti-
nique, Collot pour la Guadeloupe, en vue d'appliquer la
loi d u 4 avril. Les deux colonies refusent de les recevoir.

1 7 6 3 - 1 7 9 4
203
Sur la nouvelle fausse de la restauration de l'autorité
royale, l'Assemblée coloniale de la Guadeloupe brûle la
cocarde tricolore et arbore le drapeau blanc. Mieux
informée, l'assemblée maintient cependant sa fidélité au
régime t o m b é à Paris le 10 août. Les deux îles préparent
leur défense et néanmoins délèguent d e u x députés en
France, D u b u c fils pour la Martinique et Clairefontaine
pour la Guadeloupe. — Les républicains les plus en v u e
sont déportés en F r a n c e ; d'autres se sauvent dans les
îles voisines, d'où ils n o m m e n t députés à la Convention
Guillermin, D u p u c h et Lion, qui furent admis à siéger.
— Dugommier est élu dans les mêmes conditions par les
proscrits de la Martinique. Marie-Galante par contre se
déclare pour les idées nouvelles et renvoie à la Guadeloupe
son commandant royaliste. Toutes relations étant r o m -
pues avec la France, le gouverneur et l'assemblée coloniale
ouvrent les portes de l'île au commerce américain, afin
de se procurer des approvisionnements (30 novembre).
Cependant arrive le 1 décembre avec la Félicité un
er
commissaire envoyé par la Convention, le capitaine de
vaisseau Lacrosse. A y a n t appris qu'il ne serait reçu ni
à la Guadeloupe ni à la Martinique, il se fixe à la D o m i -
nique, plus favorable aux idées nouvelles, et de là entre-
prend de désorganiser le parti royaliste de la Guadeloupe
par une proclamation où il oppose les planteurs au reste
de la population. Invité à quitter la Dominique par le
gouverneur, il va s'établir à Sainte-Lucie, qu'il organise
révolutionnairement, et d'où il noue des relations avec
Marie-Galante.
Devant les dangers qui les menacent, les planteurs
délèguent à Londres, pour solliciter le secours des puis-
sances coalisées, D u b u c et Clairefontaine; leur mission en
France étant devenue sans objet.
Le 7 décembre, 230 citoyens actifs se réunissent à
Pointe à Pitre pour examiner la s i t u a t i o n ; ils se décla-

204
LA G U A D E L O U P E
rent prêts à obéir aux ordres que donnera la Convention.
Le désarroi se met parmi les membres de l'assemblée
coloniale et, le 20, Pointe à Pitre arbore la cocarde tri-
colore. Le gouverneur d'Arrots demande des secours à
la Martinique qui envoie deux n a v i r e s ; mais le m o u v e m e n t
est plus fort et la Révolution triomphe définitivement
à Pointe à Pitre le 4 janvier 1793. — Le gouverneur
s'enfuit à la Trinité le 11 janvier et l'assemblée coloniale
tient le 13 une dernière séance où il ne restait plus que
sept personnes.
1793. Lacrosse arrive à Pointe à Pitre le 5 janvier. Des
clubs se créent spontanément dans tous les villages.
Les citoyens de 22 paroisses sur 28 réunis en assemblées
primaires le 20 janvier, élisent des représentants qui se
constituent avec des pouvoirs presque souverains en
commission générale extraordinaire. Celle-ci investit
Lacrosse des fonctions de gouverneur jusqu'à l'arrivée
de celui qui sera désigné par la République.
R o c h a m b e a u revenu sur ces entrefaites de Saint-
Domingue (28 janvier), muni du titre de gouverneur géné-
ral des Iles du Vent, confirme Lacrosse dans ses fonctions
jusqu'à l'arrivée des commissaires c i v i l s ; ils partent
ensemble pour la Martinique.
En l'absence de Lacrosse, arrive Collot investi précé-
d e m m e n t des fonctions de gouverneur, qu'aucun arrêté
ne lui a e n l e v é e s ; il les revendique. La Commission
générale investit Lacrosse (14 mars) et Collot s'incline.
Mais on apprend le 19 mars que la guerre a éclaté entre
la France et l'Angleterre. Lacrosse, officier de marine,
jugeant ne pas avoir les qualités requises pour commander
à une armée de terre, résigne ses fonctions, qui sont
aussitôt reprises par Collot.
H o m m e juste et pondéré et voulant concilier les intérêts
et les races, Collot entreprend dans l'île une tournée

1 7 6 3 - 1 7 9 4
205
d'inspection qu'il termine le 17 avril. Sur la demande
de la Commission, qui avait ses raisons pour l'éloigner,
il repart dès le 19. La Commission profite de son absence
pour organiser contre les planteurs, accusés par elle
d'intelligence avec l'étranger, des attentats, qui se tra-
duisent dans la nuit du lendemain 20 avril par l'assassinat
de 17 personnes aux Trois Rivières. Les assassins
reviennent triomphants à la Basse Terre au nombre
de 2 4 3 ; ils y sont accueillis c o m m e les sauveurs du pays.
Désarmés, ils sont mis en prison, mais soutenus par la
Commission, ils ne seront jamais j u g é s ; ils succombent
cependant massacrés dans leur prison, au m o m e n t de
l'attaque et de l'incendie de la ville par les Anglais, le
20 avril 1794.
— Les Montagnards demandent l'arrestation de
80 planteurs, coupables d ' i n c i v i s m e ; le gouverneur leur
en accorde 27. Mal satisfaite de cette concession, la
Commission demande la mise en accusation du gouver-
neur. Collot fut appelé à la justice d u peuple; sorti
victorieux de l'épreuve, il se débarrasse de son principal
adversaire, le maire de Basse Terre, Pautrizel, en l'en-
v o y a n t siéger à la Convention. Les Montagnards prennent
leur revanche le 7 juillet à Pointe à Pitre, en massacrant
une partie des prisonniers; les autres sont sauvés par
des dévouements particuliers. — Un m o u v e m e n t de
réaction de courte durée se manifeste dans les communes
de Sainte-Anne et de Saint-François.
— Le 12 septembre est promulguée la loi du divorce.
Aussitôt c'est faire acte de civisme que de divorcer.
— octobre. — La Guadeloupe est constituée en
département (voir 1797).
L'opposition devenant chaque jour plus aiguë entre
le gouverneur soutenu par la municipalité de Basse
Terre et la Commission générale, celle-ci décide de se

2 0 6
L A G U A D E L O U P E
transporter à Pointe à Pitre (5 décembre). Collot l'y
suit. La Commission lui demande d'être sous son contrôle
le chef militaire d'un conseil exécutif, il refuse. La Com-
mission se transforme alors en Corps représentatif révo-
lutionnaire
(21 d é c e m b r e ) ; les communes ne suivent pas
le m o u v e m e n t .
1794. Le Corps représentatif décrète Collot d'accusation,
mais à l'élection d u tribunal de district les modérés
l ' e m p o r t e n t ; en riposte, le Corps représentatif pousse, à
Basse Terre, au massacre des prisonniers, Collot les
couvre de son corps et les sauve (10 février).
L e 21 février, on apprend le débarquement des Anglais
à la Martinique. La population, craignant de rester sous
le joug des terroristes, paraît peu disposée à la résistance;
néanmoins Collot prend toutes les mesures de défense
possibles; il arme 500 esclaves.
A u d é b u t d'avril, les Anglais s'emparent de Sainte-
Lucie, le 9 ils occupent les Saintes, et le 1 1 , c o m m a n d é s
par l'amiral John Jervis, ils débarquent au Gosier et
occupent sans difficulté la Grande Terre. Le 16, ils débar-
quent aux environs de Basse Terre. Le feu est mis à la
ville. Sans moyens de défense, Collot capitule le 20 avril.
L'occupation anglaise, qui dura moins de deux mois,
fut accompagnée d'une réaction contre les montagnards.
Marie-Galante qui, dès le 12 février 1793, s'était donnée
une administration indépendante de 12 membres sous
le n o m d'Assemblée coloniale administrative, t o m b e égale-
ment au pouvoir des Anglais, qui installent un commissaire
dans chacune des trois paroisses, le Grand Bourg, la
Capesterre et Saint-Louis (21 avril).

QUATRIÈME PÉRIODE: 1794-1802
Tandis que la Martinique, tombée sous la domination
anglaise en 1794, continuait à vivre sous le régime de
l'esclavage, au grand bénéfice des planteurs dont rien
ne trouble la sécurité, la Guadeloupe vivait d'une vie
singulièrement plus agitée. Conquise elle aussi par les
Anglais le 20 avril 1794, elle resta moins longtemps en

leur pouvoir. Le 23 du même mois une flotte partait de
France avec 1.500 hommes et un commissaire de la
Convention, Victor Hugues.

Ce commissaire était porteur d'instructions pour la
suppression de l'esclavage, décrétée en France le
4 février. Il put débarquer le 2 juin près de Pointe à-
Pitre et cinq jours après il proclamait la liberté. Il

s'acquit ainsi le concours des noirs et en enrégimenta
une p a r t i e ; mais du m ê m e coup les planteurs restés
dans l'île se rangèrent aux côtés des Anglais. E t ce fut
une guerre tout à la fois civile et étrangère. Dès la fin
de l'année, Victor Hugues était complètement le maître
de la situation; les Anglais s'étaient rembarques et

plusieurs centaines de planteurs avaient été fusillés ou
guillotinés.

Victor Hugues gouverna pendant de longs mois par
la terreur; il remplaça l'esclavage, officiellement aboli,

2 0 8
L A G U A D E L O U P E
par une organisation du travail libre qui lui ressem-
blait par beaucoup de côtés. A peu près indifférent aux
instructions qu'il recevait de la métropole, il gouver-
nait ou administrait à sa fantaisie, ce qui ne veut pas
dire sans j u g e m e n t ; si son administration ne fut pas
libérale, elle fut bien ordonnée. Les relations politiques
et commerciales avec la métropole étaient à peu près

c o u p é e s ; il maintint néanmoins une réelle prospérité
dans l'île par l'appui qu'il donna à de fructueuses opéra-

tions de corsaires auxquelles il était lui-même intéressé.
Les pirateries de ces derniers créèrent d'ailleurs à partir

de 1797 un véritable état de guerre entre la France et
les Etats-Unis.
Rappelé en France à la fin de l'année 1798, Hugues
fut remplacé par le général Desfourneaux, qui, victime
de sa faiblesse, finit par être embarqué pour la France,
le 17 octobre 1799, par ses propres administrés.

U n triumvirat de commissaires, inspiré du Consulat
de France, administra l'île durant dix-huit mois, sans
menaces de l'étranger comme sans grandes difficultés

intérieures; les émigrés commençaient à reparaître.
Les petites îles relevant encore de la Guadeloupe furent
cependant enlevées par les Anglais en mars 1 8 0 1 .

Le 29 mai suivant, on vit revenir avec le titre de
capitaine-général l'ancien gouverneur de l'île en 1792,
le capitaine de vaisseau Lacrosse promu contre-amiral.
Aussi réacteur qu'il avait été révolutionnaire neuf ans
auparavant, il ne tarda pas, par des mesures intempes-

tives, à indisposer la majeure partie de la population
qui se révolta, et lui aussi, il fut embarqué d'office le
5 novembre 1801. Mais il ne dépassa pas la Dominique.

Un de ses officiers, le général Pélage, un mulâtre,

.
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1794-1802
209
administra l'île jusqu'à l'arrivée d'un nouveau capi-
taine-général, le général Richepanse. Celui-ci débarqua
le
6 mai 1802, avec ses 3.500 hommes, non plus pour
lutter contre l'Angleterre avec qui la paix venait d'être

rétablie, mais pour réprimer ce que, depuis la mésaven-
ture de Lacrosse, on considérait comme un soulèvement

de la population. C'était une nouvelle phase de l'his-
toire de la colonie qui commentait.

1794, 4 février. (16 pluviôse an II). « La Convention Natio-
nale déclare que l'esclavage des nègres dans toutes les
colonies est aboli ; en conséquence elle déclare que tous
les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans
les colonies, sont citoyens français et jouissent de tous les
droits assurés par la Constitution.
« Elle renvoie au Comité de Salut Public pour faire
incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour
assurer l'exécution du présent décret. »
— Dans l'appréhension d'une attaque anglaise, la
France avait envoyé aux Antilles 1.453 hommes avec
3 commissaires, Victor Hugues, Chrétien et Lesseignes.
Partis de Rochefort le 23 avril, ils débarquent au Gosier
le 2 juin et entrent le 7 à Pointe à Pitre. Ils adressent à la
population la proclamation suivante :
C I T O Y E N S ,
« Un gouvernement républicain ne supporte ni chaîne,
ni esclavage, aussi la Convention Nationale vient-elle
de solennellement décréter la liberté des nègres et de
confier le mode d'exécution de cette loi aux commissaires
qu'elle a délégués dans les colonies ; il doit donc résulter
de cette rénumération (sic) naturelle et de son organisa-
ANTILLES
14

210
LA G U A D E L O U P E
tion civile: 1° la bienfaisante égalité sans laquelle la
machine politique est c o m m e une horloge d o n t le balan-
cier perd son équilibre et son action perpétuelle; 2° une
administration générale et particulière qui garantisse la
propriété déjà formée des uns et le produit d u travail et
de l'industrie des autres.
« CITOYENS de toutes couleurs, votre fidélité dépend d e
cette loi et de son e x é c u t i o n ; les délégués de la nation
vous garantissent un mode qui sera la sauvegarde de tous
les amis de la République française contre ceux qui déjà
ont été et qui voudroient encore en être les o p p r e s s e u r s ;
mais il faut que les citoyens blancs offrent cordialement,
fraternellement, et à salaire compétent, d u travail à
leurs frères noirs et de couleur, et il faut aussi que ces
derniers apprennent et n'oublient jamais que ceux qui
n'ont pas de propriétés sont obligés de pourvoir, par leur
travail et leur subsistance, à celle de leur famille, et c o n -
courir en outre par ce m o y e n au soutien de leur Patrie.
« CITOYENS, vous n'êtes devenus égaux que pour jouir
d u bonheur et le faire partager à tous les a u t r e s ; celui
qui est l'oppresseur de son concitoyen est un monstre qui
doit être aussitôt banni de la terre sociale.
« Les délégués de la Nation ordonnent à tous les corps
administratifs, municipalités, force armée et à tous les
individus, d'enregistrer sans délai, mettre à exécution et
exécuter la loi qu'ils proclament en tête de la présente,
et ils mettent sur la loyauté de tous les individus la
sauvegarde de la république française; et sous la p r o t e c -
tion de la loi tous les citoyens, leurs propriétés, leur indus-
trie et le produit de leur travail quelconque.
« Ils ordonnent l'impression, l'affiche et la publication
de la présente loi et proclamation. A la Pointe à Pitre, île
Guadeloupe, le 19 Prairial, l'an 2 de la République
e
française une et indivisible.
Signé: Pierre CHRÉTIEN et V i c t o r H U G U E S . »

1794-1802
211
Victor Hugues, le premier des commissaires, enrôle les
noirs, repousse une attaque d'une flotte anglaise c o m -
mandée par Jervis et Grey (5 juillet), et se rend maître
de la Grande Terre tout entière.
— 1 6 juillet. — Pointe à Pitre prend le n o m de Port d e
la Liberté et le Fort du Gouvernement celui de Fort de
la Victoire.
— Après trois mois de préparation, Hugues entreprend
la conquête de la Guadeloupe proprement dite et, malgré un
insuccès initial à Bierville, impose le 6 octobre une capi-
tulation à l'armée anglaise, décimée par la fièvre jaune.
364 Français qui servaient avec les Anglais sont fusillés
et environ 500 autres guillotinés. Basse Terre est investie
et évacuée par les Anglais dans la nuit du 10 au 11 d é -
cembre. — Marie-Galante était réoccupée le 27 n o v e m b r e .
1795. Arrivée à Pointe à Pitre (6 janvier) de 1.500 hommes
de troupes, de deux nouveaux commissaires du g o u -
vernement, Lebas et Goyrand et d u capitaine Magloire
Pélage, alors inconnu.
— Victor Hugues institue un régime de terreur absolue ;
la guillotine v a de commune en c o m m u n e , accompagnée
d'un tribunal révolutionnaire ambulant ; le dernier guillo-
tiné le fut le 6 juillet 1796. Par suite de ces exécutions,
auxquelles une bonne partie des victimes désignées p u t
se soustraire par la fuite, le nombre total des habitants
blancs qui était de 9.371 en 1790, t o m b a en 1795 à 1.092,
d o n t 255 hommes seulement.
Pour l'application de la loi du 4 février 1794, les esclaves
libérés sont d'abord astreints à travailler sur les terres
de leurs anciens maîtres moyennant un salaire p a y é
par ceux-ci et contrôlé par l'autorité. C o m m e les proprié-
taires étaient presque tous en fuite, le salaire est bientôt
remplacé par l'octroi de deux jours de liberté entière

2 1 2
LA GUADELOUPE
par décade afin de permettre à l'esclave libéré de tra-
vailler exclusivement pour son c o m p t e , puis par un s y s -
tème de fermage, qui paraissait donner plus d'initiative
et de responsabilité.
Toute communication ayant virtuellement cessé avec
la Métropole, les approvisionnements de l'île sont devenus
très difficiles; il est défendu d'acheter et de vendre
autrement qu'une fois par décade dans des agences
nationales fonctionnant sous le contrôle de l'autorité.
Chaque particulier doit déclarer les objets de subsistance
qui sont en sa possession.
Ces difficultés propres au commerce disparurent lors-
qu'on prit le parti d'armer des corsaires, qui introduisirent
dans l'île une grande quantité de marchandises. De 1795
à 1800, 601 navires, parfois m ê m e des neutres, furent
capturés.
A u dehors, Victor Hugues fait réoccuper Sainte-Lucie
(22 avril-18 juin), par le commissaire G o y r a n d ; l'île est
de nouveau perdue en avril-mai 1796.
Saint-Eustache et Saint-Martin sont également enlevés
aux Anglais. Par contre, on échoue en voulant reprendre
la Martinique, la Dominique et la Grenade. Victor Hugues
p r o v o q u e également mais sans succès une révolte des
Caraïbes de Saint-Vincent contre les Anglais.
1796. Le 16 février, Victor Hugues est n o m m é agent du
Directoire. Le 16 mars, il épouse Angélique Jacquin. Son
avoir personnel est alors évalué à 480.000 livres.
Le 9 août, il refuse de proclamer la Constitution de
l'an I I I qui, à son avis, ne peut qu'entretenir la haine
entre les blancs et les noirs.
1797, 25 octobre. — L a Guadeloupe forme un département
divisé en 27 cantons. L'Assemblée locale avait devancé
la Constitution de quatre années (Voir 1793).
— Fin décembre. — Des noirs, au nombre de 2 à 3 0 0 ,

1794-1802
213
s'insurgent au Lamentin. Le général Boudet réprime
le m o u v e m e n t .
Un m o u v e m e n t identique se produit dans le m ê m e
temps à Marie-Galante. Les meneurs sont presque aussitôt
pris et fusillés. Victor Hugues met la colonie en état de
siège le 6 janvier suivant. Son gouvernement très ferme
continue de s'affirmer c o m m e très indépendant de l'auto-
rité métropolitaine.
1797-1798. Le gouvernement américain envoie en France
une mission pour mettre un terme aux opérations des
corsaires de Victor Hugues. Les négociations échouent
par la faute de Talleyrand et le 7 juillet 1798 les E t a t s -
Unis déclarent nuls tous les traités antérieurs passés avec
la France. La mer des Antilles devient le théâtre d'une
guerre maritime acharnée.
1798. Victor Hugues est remplacé par le général Desfour-
neaux (3 juin) qui arrive dans l'île le 22 novembre. Hugues
est embarqué pour France le 4 décembre.
1799. Desfourneaux esquisse une légère réaction p o l i t i q u e ;
il c o m b a t le vagabondage, oblige les noirs à travailler
sur les propriétés séquestrées et afferme pour cinq ans
les biens nationaux. Appelé à appliquer pour les élections
primaires la Constitution de l'an I I I , il rend illusoire le
droit électoral en exigeant des électeurs le paiement effectif
d'une contribution équivalente à trois journées de travail
agricole; aussi n'y eut-il que peu d'électeurs. Accusé
d'avoir outragé la souveraineté du peuple, il est rappelé
par le Directoire et remplacé (14 août) par trois c o m m i s -
saires, Jeannet, Laveaux et Baco. Entre temps (17 o c -
tobre), Desfourneaux avait été embarqué pour France,
à la suite d'une conspiration des officiers et de la muni-
cipalité de Basse Terre. — Le général Pelardy est investi
provisoirement de l'autorité. Les commissaires arrivent
le 10 décembre.

214
L A G U A D E L O U P E
1800. Une loi du 1 janvier 1797 ayant prescrit une révision
e r
générale de la liste des émigrés, les commissaires s'ap-
pliquent à établir que pour avoir pactisé avec l'ennemi,
aucun ne doit revenir dans la colonie. — La mésintelli-
gence ne tarde pas à régner entre eux ; Laveaux arrêté
est renvoyé en France en mars et remplacé par Bresseau.
Baco meurt en décembre.
En août, les commissaires envoient 14 navires corsaires
à Curaçao, colonie hollandaise, sous prétexte d'empêcher
cette île de tomber aux mains des Anglais. L'île est
néanmoins prise et avec elle cinq navires français (sep-
tembre).
1801, 19 avril. — Un arrêté des Consuls du 19 avril ayant
stipulé que la Guadeloupe serait à l'avenir régie par trois
magistrats, un capitaine-général, un préfet et un c o m m i s -
saire de justice, Lacrosse, Lescallier et Coster sont désignés
pour ces fonctions. Ils arrivent à Pointe à Pitre le 29 mai.
— Lacrosse avait déjà été désigné pour la Guadeloupe
en 1793.
Lacrosse s'affirme dès le premier jour c o m m e un réac-
teur. Les 5 et 6 juin, il fait arrêter 15 personnes de condi-
tions diverses, suspectes de démagogie, puis des militaires.
Il réserve les fournitures à ses amis ou partisans. Le 25 juin,
il autorise des émigrés à rentrer. Des empoisonneurs sont
fusillés sans preuves suffisantes.
Ces procédés p r o v o q u e n t le 8 août un c o m m e n c e m e n t
de révolte à Basse Terre. Lacrosse use de représailles,
visites domiciliaires, emprisonnement, menaces de d é p o r -
tation des hommes de couleur (septembre-octobre). Il veut
faire arrêter Pélage, originaire de la Martinique, et après
lui le chef de l'armée.
Pointe à Pitre s'insurge et proclame Pélage c o m m a n d a n t
militaire de la Guadeloupe : embarras de celui-ci entre
son devoir de militaire et ses sentiments de citoyen.

1794-1802
215
Un essai de conciliation est tenté ; Lacrosse vient à
Pointe à Pitre, il est arrêté par la populace et emprisonné.
Pélage favorise son évasion (5 novembre) et Lacrosse
se retire à la Dominique, d'où il réserve tous ses droits
au gouvernement.
Pélage investi d'un gouvernement provisoire se c o m -
porte avec prudence et sagesse ; il résiste à la fois aux
impatiences d'un parti local, ayant pour chef Delgrès,
colonel mulâtre, qui rêve d'indépendance, et aux m a n œ u -
vres de Lacrosse pour restaurer un parti blanc, qui
reconquerrait l'autorité souveraine. Cette situation des
plus délicates durera jusqu'à l'arrivée du général R i c h e -
panse d o n t la nomination fut connue dès le mois de j a n -
vier 1802.

CINQUIÈME PÉRIODE: 1802-1848
L'installation de Richepanse à la Guadeloupe ne se
fit pas sans résistance. Le rétablissement de l'esclavage
et de la traite, le retour à l'édit de 1784 limitant les
ports d'entrepôt provoquèrent une révolte à Basse-
Terre et il s'en fallut de peu que cette révolte n'ait eu
les mêmes conséquences qu'à Saint-Domingue, c'est-

à-dire la perte de l'île. Un mulâtre, le colonel Delgrès,
adressa « au monde entier le dernier cri de l'innocence
et du désespoir » ; il fut néanmoins vaincu après une
lutte de courte durée. Ce fut une autre affaire de rame-

ner ou retenir sur les propriétés les anciens esclaves,
qui les avaient désertées ou les cultivaient avec plus
ou moins de zèle à titre de travailleurs libres, comme
fermiers du gouvernement. Le retour des anciens pro-
priétaires créait une situation nouvelle qui n'était pas

sans danger pour le pouvoir lui-même. La défaite de
Delgrès rendit la transition plus facile. Mais ce fut
moins Richepanse, mort le 3 septembre de la même
année, que son successeur Lacrosse qui eut à prendre les

mesures de rigueur devenues nécessaires.
Lacrosse était pour la troisième fois gouverneur de
la c o l o n i e : il gouverna avec dureté et eut à réprimer

1 8 0 2 - 1 8 4 8
2 1 7
quelques mouvements séditieux. Son successeur Ernouf
arriva au moment où la paix d'Amiens venait d'être
rompue. L'île vécut cependant à l'abri de toute attaque
ennemie pendant près de huit ans et pendant ce temps

jouit d'une certaine prospérité grâce aux nombreuses
prises effectuées par les corsaires. Les émigrés avaient
tous regagné leurs propriétés et l'on semblait revenu
aux institutions de l'Ancien Régime, lorsque la colonie

succomba à nouveau sous une attaque anglaise le
6 février 1810.
La Guadeloupe fut restituée à la France par les
traités qui terminèrent en 1814 et en 1815 les grandes
guerres napoléoniennes ; elle connut désormais un régime
nouveau qui n'était plus celui du despotisme politique
mais n'était pas encore celui de l'égalité sociale. La
période de 1815 à 1848 reste marquée par une lente
évolution de l'opinion publique en France en faveur de
l'abolition définitive de l'esclavage, encore que l'idée
sourît médiocrement aux planteurs, dont la réforme
pouvait ruiner l'influence et peut-être compromettre
la fortune. Le nombre des affranchis croissait tous les
jours, sans provoquer des heurts violents entre les races,

mais sans les rapprocher dans des intérêts communs.
Aussi nul événement d'importance ne signale-t-il cette
période de trente-trois ans, qui aboutit le 4 mars 1848
à la célèbre déclaration du Gouvernement Provisoire
« portant que nulle terre française ne peut porter
d'esclaves ». Les décrets parurent le 27 avril suivant.

1 8 0 2 . 6 m a i . — Arrivée à Pointe à Pitre de Richepanse
avec 3.470 hommes ; avec les effectifs antérieurs, ses forces

2 1 8
LA G U A D E L O U P E
sont de 7.460 hommes. Il s'attendait à trouver le pays en
pleine r é v o l t e ; Pélage l'accueille avec une loyauté par-
faite. Par contre Delgrés se déclare le 8 mai en révolte
ouverte à Basse Terre. Richepanse s'y porte aussitôt
par mer. Il est reçu à coups de canon. Il engage des n é g o -
ciations infructueuses. Delgrés peut se maintenir jus-
qu'au 22 mai dans le fort Saint-Charles de Basse Terre.
Obligé de l'évacuer, il prolonge la résistance jusqu'au
2 8 ; ce jour-là, il se fait sauter, avec 300 des siens et
400 Français, par une mine préparée d'avance à l'habita-
tion d'Anglemont. Trois jours auparavant, son lieutenant
Ignace avait été tué près de Pointe à Pitre avec 675 des
siens.
La résistance était vaincue. Cette courte guerre priva
la Guadeloupe de 12.000 habitants, d o n t 2.000 émigrèrent
et les 10.000 autres furent tués, déportés ou fusillés.
Le 3 juin, obéissant à des ordres reçus avant son embar-
quement, Richepanse envoyait en France Pélage et les
membres de la Commission provisoire. Après une déten-
tion de quinze mois, Pélage fut réintégré dans ses charges
et d i g n i t é s ; il mourut en 1813 en Espagne, après la bataille
de Victoria.
Richepanse ordonne le désarmement général de la
population. Chaque habitant devra être porteur d'une
carte de sûreté. Défense de se rendre d'une c o m m u n e à une
autre sans un laissez-passer. Ordre de poursuivre dans
les montagnes les révoltés qui s'y étaient réfugiés et
création d'une troupe de volontaires pour faire la chasse
à ces coureurs des bois. Dans chaque c o m m u n e il est
créé un commissaire d u gouvernement.
L e 16 juillet, Richepanse, agissant au n o m des Consuls,
prononce le rétablissement de l'esclavage, sans que le
n o m soit prononcé. Cet acte fut, par sa répercussion, la
cause directe d e la perte de Saint-Domingue.
Le 14 juillet, Lacrosse est rappelé. Le 4 août, il est

1 8 0 2 - 1 8 4 8
219
reconnu à Pointe à Pitre c o m m e capitaine général, mais
l'autorité réelle reste à R i c h e p a n s e ; il voulait renvoyer
Lacrosse à T a b a g o , lorsque la mort vint le surprendre
le 3 septembre.
— 16 juillet. — Un arrêté consulaire porte que les
colonies de la Guadeloupe, la Martinique, Sainte-Lucie
et Tabago seront régies par les mêmes lois qu'en 1 7 8 9 ;
par un autre arrêté, il est défendu d'amener en France
aucun noir ou mulâtre.
1802-1803. Lacrosse, reprenant le pouvoir, instaure un
régime de terreur. Il chasse de la colonie les hommes de
couleur et les noirs qui avaient servi dans la force armée
des r é v o l t é s ; les chasseurs des bois sont renforcés et les
gens de couleur obligés de s'embrigader dans les v o l o n -
taires de la répression.
C o m m e conséquence du rétablissement de l'esclavage,
les gens de couleur sont astreints à produire leurs titres
de l i b e r t é ; il leur est accordé pour le faire un délai de
trois mois, passé lequel ils seront considérés c o m m e vaga-
bonds. L'effet de ces mesures sera que pour 14.912 hommes
libres, 8.207 redeviendront esclaves. — Les esclaves
étrangers venus se réfugier à la Guadeloupe sont vendus.
Ces mesures provoquent les 6 et 7 octobre dans la
paroisse de Sainte-Anne une révolte, à laquelle s'associent
m ê m e quelques blancs. Elle est comprimée en peu de
jours et plus de 100 condamnations sont prononcées.
L'île est divisée en 14 quartiers, administrés par des
commissaires-commandants. — Trois tribunaux de pre-
mière instance sont créés le 5 novembre à Basse Terre,
Pointe à Pitre et Marie-Galante; pour la première fois,
un traitement est attribué aux juges.
Le culte catholique est rétabli (3 décembre).
Les biens séquestrés étant rendus à leurs propriétaires,
l'administration remplace par des impôts les revenus

2 2 0
LA G U A D E L O U P E
qui en provenaient et qui lui suffisaient depuis près de
dix ans.
Les h o m m e s pris les armes à la main au temps de Victor
Hugues et qui avaient été déportés aux Saintes sont vendus
sur les côtes d'Afrique.
— 8 mars. — Lacrosse, plus autoritaire que réellement
despote, est remplacé par le général E r n o u f ; Lacrosse
finira c o m m e sénateur de l'Empire.
— 8 mai. — Arrivée d'Ernouf à Basse Terre. — Son
administration fut en général calme et réparatrice. Il
rétablit les émigrés en leurs propriétés et prend diverses
mesures, n o t a m m e n t d'ordre financier, nécessitées par
le rétablissement de l ' e s c l a v a g e ; elles provoquent un
instant un mécontentement assez vif.
— 12 mai. — Rupture de la paix d'Amiens. L a guerre
est de nouveau déclarée entre la France et l'Angleterre.
— 22 juin. — Les Anglais attaquent Sainte-Lucie.
— 24 juin. — Ernouf proclame la déclaration de guerre
et organise aussitôt la garde nationale.
— 5 septembre. — Une flottille française se disposant
à aller attaquer Antigoa est surprise à Deshayes, sur les
côtes occidentales de la Guadeloupe. L'attaque est repous-
sée, mais on doit renoncer à Antigoa.
— 5 octobre. — Le préfet Lescalier rentre en F r a n c e ;
il est remplacé successivement par Roustagnenq et
Kerverseau.
1804, 9 juillet. — Un tribunal de paix spécial est créé à
l'île Saint-Martin.
1805, 20 février. — Arrivée à la Martinique d'une flotte
française commandée par Missiessy; le 22 elle attaque
et rançonne la D o m i n i q u e ; le 23, elle arrive à la Guade-

1 8 0 2 - 1 8 4 8
221
loupe; le 3 mars elle part pour attaquer Montserrat,
Nièves et Saint-Christophe qu'elle met à rançon, et
revient à la Martinique où elle attend durant quelques
jours une autre flotte française que doit amener Ville-
neuve, puis rentre en France.
Villeneuve, parti de Toulon le 30 mars, n'arrive à la
Martinique que le 14 mai avec 5.000 hommes de troupes.
Là, ayant appris que Nelson était à Antigoa que lui-même
se proposait d'attaquer, il renonce à cette entreprise et
retourne en Europe.
Dès lors nulle opération militaire jusqu'en 1808. Mais
les corsaires reparaissent; de 1803 à 1810 ils prennent
342 navires contre 358 de 1795 à 1801. Les prises de 1803
à 1810 se traduisent par un produit brut de 29 millions
521.687 francs, qui, après les frais de vente, la commission
des armateurs et les frais de justice laissent un produit
net de 24.928.725 livres, contre 25.072.275 de 1795 à 1801.
A toutes fins utiles, Ernouf recrute un millier de soldats
parmi les noirs esclaves.
— Ernouf envoie au Vénézuela un détachement d'une
centaine d'hommes pour appuyer le mouvement insur-
rectionnel du général Miranda.
1807. Par suite de la guerre, les relations avec la France
sont fort rares et le commerce avec l'étranger est devenu
difficile; les objets d'alimentation étant hors de prix,
on recourt à des mesures très sévères contre la spéculation.
1808. Les Anglais occupent Marie-Galante le 2 mars et la
Désirade le 31. — Ils tentent contre Saint-Martin une
expédition qui échoue le 4 janvier; par contre une ten-
tative du général Cambiels pour leur reprendre Marie-
Galante échoue le 21 août.
1809. Par crainte de mouvements de la part des noirs,
il est créé le 6 janvier 11 tribunaux criminels spéciaux,

222
L A G U A D E L O U P E
jugeant en dernier ressort et prononçant même la peine
de mort. Ces tribunaux n'abusèrent pas de leurs p o u v o i r s ;
ils cessèrent leurs fonctions le 1 juillet.
e r
— Sur la nouvelle que la Martinique est attaquée
(février), il est créé des corps de noirs recrutés parmi les
e s c l a v e s : leurs propriétaires sont indemnisés. La Marti-
nique ayant succombé le 24 février, de nouvelles mesures
presque draconiennes sont ordonnées le 2 mars. Il est
créé deux bataillons de guerre d'élite, composés de blancs,
qui, le danger ennemi paraissant écarté, furent licenciés
le 22 juin.
Le 30 mars, arrive aux Saintes une division de trois
vaisseaux c o m m a n d é e par le chef de division T r o u d e .
Devant les forces supérieures de l'ennemi, elle réappareille
pour la France le 14 avril et les Saintes capitulent le len-
demain.
La situation financière devient fort d é l i c a t e ; les impôts
ne rentrent pas.
D e u x flûtes venant de France arrivent devant Basse
Terre l e 17 décembre et sont détruites le lendemain à
l'Anse à la Barque.
1810. Les Anglais, commandés par le lieutenant-général
Beckwith, débarquent au Gosier le 27 janvier, occupent
Pointe à Pitre, et se portent presque aussitôt sur Basse-
Terre. Mal défendue, le place doit se prêter à une capitu-
lation le 5 février. L a nouvelle en fut connue à Londres
le 15 mars. Ernouf, fait prisonnier, est conduit en Angle-
terre, d'où il ne reviendra qu'en 1814.
1810-1814. A u cours de l'occupation anglaise, les planteurs
réussissent à obtenir des administrateurs des mesures
équivalant à des réductions de dettes d'environ 30 % .
1814, 2-14 décembre. — L a France reprend possession
de la Guadeloupe.

1 8 0 2 - 1 8 4 8
223
Louis XVIII rétablit le régime de 1763 ; les administra-
tions reprennent leur n o m d'Ancien Régime. Une Chambre
d'Agriculture est reconstituée et se réunit le 22 février 1815
à Basse Terre ; elle demande à contrôler les finances. Le
gouverneur refuse.
1815. 10 août. — Les Anglais, appelés par les planteurs
dès le 3 mai, s'emparent de la colonie.
1816. 16 janvier. — Le Conseil Privé maniïeste le désir
que la colonie soit « maintenue sous le gouvernement
protecteur de l'Angleterre ».
1817. Etablissement de la Poste ; elle est affermée pour
trois ans.
1818. 32.437 hectares sont cultivés, dont 4.988 en café ;
69 en cacao ; 3.248 en coton ; 6.565 en vivres.
Le commerce avec la France s'élève à 26 millions de
francs, dont 18 millions pour les importations de la colonie.
1819. Arrivée pour la première fois à la Guadeloupe d'un
navire chargé de glace pour la conserve des vivres. T o u -
tefois la consommation courante de la glace n'aura lieu
qu'à partir de 1860.
— Introduction de la vaccine contre la petite vérole.
1822. Création d'un comité consultatif des colonies, ayant
son siège à Paris. M. de Vaublanc, ministre d ' E t a t , est
n o m m é député de la Guadeloupe.
— Après plusieurs épidémies de fièvre jaune à Basse
Terre, le contre-amiral J a c o b , gouverneur d e la colonie,
établit dans les hauteurs de Saint-Claude une installa-
tion sanitaire qui a conservé son n o m .
1826, 10 novembre. — Ordonnance créant une Banque, sous
forme de société anonyme présidée par le sieur Legrand.
1827. L a sévérité est recommandée a u x tribunaux contre
ceux qui se livrent à la traite des noirs.

2 2 4 L A G U A D E L O U P E
1828, 17 août. — Formation de l'infanterie de marine pour
la défense des colonies.
1830. Assainissement des faubourgs de Pointe à Pitre et
création du canal Vatable, qui fut comblé en 1884 pour
être remplacé par des égouts.
1834, 6 janvier. — Ouverture du premier Conseil Colonial
de la Guadeloupe.
1835. La Guadeloupe compt e 90.154 habitants, d o n t 22.824
libres et 67.330 esclaves. L a mortalité parmi les blancs
était évaluée à 1 sur 23 3/4 et pour les affranchis à 1 sur 34.
1837. Le créole Auguste Bebian (1789-1839) ouvre une
école pour les enfants de couleur. Il meurt le 24 février 1839.
— L a colonie c o m p t e 96.322 esclaves d o n t 11.741 dans
les villes et 84.581 dans les campagnes, 4.000 étaient
artisans o u manœuvres, 1.400 marins, 1.100 pêcheurs,
4.900 domestiques et 1.600 ouvriers journaliers loués par
leurs maîtres. Pointe à Pitre comptait 6.696 libres et
5.407 esclaves ; Basse Terre 4.088 libres et 7.536 esclaves.
1843, 8 février. — Un tremblement de terre suivi d'incendie
cause à Pointe à Pitre la mort de 3.000 personnes. — Quel-
ques mois après (26 août) un incendie détruisait plusieurs
quartiers de Basse Terre.
1845. La population de la Guadeloupe est de 129.109 indi-
vidus d o n t 41.357 libres et 87.752 esclaves.
1847, 9 octobre. — Abolition de l'esclavage à Saint-Barthé-
l e m y .
1848,27 avril. — Promulgation de la loi abolissant l'esclavage.

SIXIÈME PÉRIODE: 1848-1935
Avec l'abolition de l'esclavage, suivie bientôt de la
disparition du régime de l'exclusif, c'est une histoire
nouvelle qui commence, sans qu'on puisse déterminer
avec certitude comment elle évoluera. Les luttes poli-
tiques ont joué jusqu'à ce jour à la Guadeloupe, aussi
bien d'ailleurs qu'à la Martinique, un rôle important
mais non prépondérant; il est même remarquable
que la représentation antillaise en France, quoiqu'issue
en général d'une .population très mélangée, où la race
blanche ne domine pas, a presque fait toujours preuve
de sagesse et l'on regrette parfois que nos Antilles,

la Guadeloupe en particulier, ne soient pas plus peuplées
pour apporter un concours encore plus utile au p a y s ;
ni leurs origines lointaines, ni leurs aspirations présentes
ne sont un obstacle à cette collaboration. La France
n'a peut-être pas fait une force de ces populations de

formation si diverse dans un territoire trop restreint,
mais elle leur a donné une âme commune et c'est là le
propre d'une politique prudente et avisée.

ANTILLES
15

226
L A G U A D E L O U P E
1848. L a Guadeloupe, qui venait d'élire députés à l ' A s s e m -
blée Nationale Constituante le Martiniquais Perrinon,
commissaire général de la République à Fort de France,
Charles Dain et Louisy Mathieu, n o m m e député suppléant
Henri W a l l o n , le futur « Père de la République », professeur
à la Sorbonne, ancien secrétaire de la Commission pour
l'abolition de l'esclavage qui avait publié l'année précé-
dente une Histoire de l'esclavage dans l'antiquité.
La Guadeloupe avait élu P o r y - P a p y et Schœlcher,
mais celui-ci ayant opté pour la Martinique, avait été
remplacé par Mathieu.
1849. Schœlcher est élu député à l'Assemblée Législative,
1850. 27 novembre. — Erection de Basse Terre en évêché.
Il est significatif que l'érection de l'évêché ait été reculée
jusqu'après l'abolition de l'esclavage. On avait craint,
qu'en raison de l'influence qu'il aurait prise sur les noirs,
un évêque ne constituât une véritable contreforce avec
laquelle les administrateurs auraient dû compter.
1848. L a Guadeloupe exporte cette année pour 20.453.742
kilogs de sucre, 170.437 francs de café, 23.525 de mélasse,
61.995 de rhum et tafia, 25.000 francs de bois de campêche.
1860. L a Guadeloupe exporte pour 28.800.142 kilogs de
sucre, 248.718 francs de café, 51.432 de mélasse, 1.172.062
de r h u m et tafia, et 482.095 de bois de campêche.
1864. La Guadeloupe exporte pour la première fois de
la vanille (372 kilos).
1865. Venant après un violent ouragan en septembre, une
épidémie de choléra asiatique fait plus de 3.000 victimes ;
l'épidémie se prolongea, en s'atténuant, jusqu'au mois
d'avril 1866.
1867. L a colonie compt e 151.744 habitants. — Elle possède
6 k m . 300 de voie ferrée.

1848-1935
227
1869, 4 avril. — Inauguration de l'usine d'Arbousier à la
Guadeloupe.
1870. — L a colonie exporte pour 34.216.468 kilos de sucre,
417.892 de mélasse, 1.423.843 de rhum, 93.458 de cacao,
68.187 de coton et 698 kilos de vanille.
1871-1873. L a Guadeloupe nomm e députés à l'Assemblée
Nationale Melvil-Bloncourt et Rollin. E n 1873, elle élira
Lacascade et Germain Casse.
1874, 11 septembre. — L e privilège de la Banque d e la
Guadeloupe est prorogé pour vingt années.
1877, 10 août. — Rétrocession de Saint-Barthélemy à la
France. La reprise de possession eut lieu le 16 mars 1878.
1879. L a colonie compte 174.231 habitants.
1881. Création de la Caisse d'Epargne de la Guadeloupe.
1883,17 mai. — Création d u lycée Carnot, de la Guadeloupe.
— Les cultures vivrières occupent 23.149 travailleurs
pour 89.174 employés aux plantations.
— L e chiffre des importations atteint 28 millions et
celui des exportations 32 millions.
1886. Le café occupe 3.579 hectares répartis entre 718 habi-
t a t i o n s ; 6.000 travailleurs sont employés à cette culture.
La récolte s'élève à 683.000 kilos d'une valeur de un mil-
lions de francs.
Le cacao occupe 929 hectares répartis entre 171 habi-
t a t i o n s ; 659 travailleurs sont employés à cette culture.
La récolte s'élève à 343.000 kilos d'une valeur de
425.000 francs.
1887. L a colonie compte 182.182 habitants.
— Depuis 1883 plus de 5.000 hectares o n t été mis en
valeur.

228
LA G U A D E L O U P E
— On commence la culture de l ' a n a n a s ; elle donne
dès le début un bénéfice de 290.000 francs pour une récolte
de 382.000 kilos.
— Débuts du riz; il donne 200 kgs d'une valeur
de 320 francs.
1894. Un essai d'introduction de main-d'œuvre japonaise
à la Guadeloupe échoue devant l'opposition d u Conseil
général de la Colonie.
1910. L a colonie exporte pour 3.268.000 kilos de rhums,
2.000 de cacao, 2.486.000 de café et 300.000 de vanille.
1912. L a colonie compt e 212.430 habitants. Elle possède
116 écoles publiques.
1917. Création d u « Cours Michelet », école d'enseignement
secondaire pour jeunes filles.
1928,12 septembre. — L a colonie est dévastée par un cyclone
suivi d'un raz-de-marée. On c o m p t e 1.500 morts et
15.000 blessés; on évalue les pertes à 500 millions. L a
Métropole v o t e une subvention extraordinaire de 100 mil-
lions; le Crédit National et le Crédit Foncier de France
accordent à la demande d u gouvernement trois cents
millions de francs.
1931, 6 janvier. — Incendie à Pointe à P i t r e ; le quartier
d u centre est détruit.
— 10 juillet. — Loi autorisant la colonie à emprunter
125 millions pour son outillage économique.

LES GRANDS ANTILLAIS
LISTES
DES ADMINISTRATEURS
DES ANTILLES
ET DES REPRÉSENTANTS
AU PARLEMENT


LES GRANDS ANTILLAIS
A V R I G N Y (CHARLES-JOSEPH LOEILLARD D ' ) . — Né à la
Martinique en 1760, mort à Paris le 17 septembre 1823.
N o m m é commis au Bureau des Colonies, il fut ensuite
censeur dramatique sous l'Empire et la Restauration.
Il donna en 1794 à l'Opéra-Comique Supercherie par
amour et Négociant de Boston; en 1797 Mariage de la
veille,
suivi de quelques autres pièces. Un vaudeville, La
Lettre
représenté en 1795 et une tragédie, Jeanne d'Arc,
jouée au Théâtre Français en 1819, lui valurent une
grande notoriété.
On a également de lui un Tableau des Progrès de la
puissance britannique dans les Indes Orientales et des
Poésies publiées en 1812.
B A R B E S (ARMAND), né à Pointe-à-Pitre le 18 septembre 1809,
mort à La Haye le 20 juin 1870.
Sa famille était originaire de Fortoul, près Carcassonne.
A y a n t hérité en 1830 d'une belle fortune, il consacra son
énergie à la cause républicaine; ami de Blanqui, il
partagea les opinions politiques de ce dernier et se livra à
plusieurs coups de force. Arrêté en 1834, après un m o u -
vement séditieux, il est libéré l'année suivante. En 1839
il renouvelle sa tentative, et à la tête d'une troupe de
1.200 hommes s'empare de l'Hôtel de Ville. Arrêté une

2 3 2
LES GRANDS ANTILLAIS
seconde fois, il revendique toutes les responsabilités et
se voit condamner à m o r t . Devant l'émotion qui s'empara
de la population parisienne, devant les adjurations adres-
sées par Victor H u g o en des vers célèbres à la Duchesse
d'Orléans qui venait de mettre au m o n d e un prince royal,
Louis-Philippe cède et transforme la peine en une c o n -
damnation aux travaux forcés à perpétuité. A u lieu d'être
déporté, Barbes sera enfermé à la prison de Nîmes où
le trouvera la Révolution de 1848.
Élu président du Club de la Révolution, il est n o m m é
gouverneur du Palais du Sénat et colonel de la 1 2 Légion.
e
Il soutiendra Ledru-Rollin, et sera condamné à nouveau
le 2 avril 1849. Grâcié en 1854 par Napoléon I I I , il refuse
de profiter de cette mesure et quitte la prison malgré
lui. Il s'arrête à Paris le temps de défier le gouvernement
afin d'attirer la répression, mais n'y réussit pas. S'exilant
volontairement, il se rend en Belgique, puis en Espagne,
d'où il se fait expulser, au Portugal et enfin à La H a y e où
il succombera. Proudhon lui avait décerné le surnom de
« Bayard de la Démocratie ».
B I S S E T T E (CYRILLE-CHARLES-AUGUSTE), né à F o r t - R o y a l
le 9 juillet 1795, m o r t à Paris le 22 janvier 1858.
Condamné en 1824 au bannissement pour colportage
d'écrits séditieux, — il se livrait à une propagande a b o -
litionniste — il fut condamné sur appel par la Cour de
la Martinique aux travaux forcés à perpétuité, peine
comportant l'exposition et la marque. La Cour de Cassa-
tion lui donna gain de cause le 28 septembre 1826 sur
plaidoiries de Chauveau-Lagarde et d'Isambert.
R e v e n u devant la Cour de la Guadeloupe, il fut condamné
au bannissement pour dix ans ; il s'installa dès lors à
Paris et publia de 1827 à 1833 une série d'articles consacrés
à la thèse anti-esclavagiste. Il collabora au Courrier
Français, au Constitutionnel et ensuite créa la Revue des

LES GRANDS ANTILLAIS
233
Colonies. En 1832 il attira l'attention des Chambres par
ses Observations sur les projets de lois coloniales présentées
à la Chambre des Députés
et fut entendu par les c o m m i s -
s i o n s ; il en résulta une vive polémique entre Schcelcher
et lui. Lorsque Schcelcher eut été n o m m é sous-secrétaire
d'Etat en 1848, il se tint à l'écart, puis posa sa candidature
à la Martinique. Élu, il fut invalidé et remplacé par
Mazulime. Réélu le 3 juin 1849 député à la Législative il
siégea à droite et ne protesta pas contre le Coup d'État. Il
abandonna la politique après l'avènement de Napoléon I I I .
B E A U H A R N A I S (ALEXANDRE DE), né en 1760 à la Marti-
nique où son père était gouverneur général, mort à Paris
le 23 juin 1794.
Il venait d'épouser Joséphine Tascher de la Pagerie
en 1779, lorsqu'il partit avec Rochambeau pour la c a m -
pagne d ' A m é r i q u e ; il manifesta à son retour en France
des tendances favorables au Tiers. Député de la noblesse
aux États Généraux, il se fit remarquer par son dévoue-
m e n t à la cause p o p u l a i r e : il avait compté parmi les
députés nobles qui rallièrent dans la salle des séances les
députés roturiers, il s'associa ensuite à tous les votes de
l'aile gauche de l'assemblée. Il présidait la Constituante
lorsque Louis X V I s'enfuit et fut arrêté à Varenne.
Quand la guerre eût éclaté, il rejoignit l'armée du
Nord avec le grade d'adjudant-général et joua un rôle
dans la bataille de Mons. N o m m é chef de division à l'armée
du Rhin après le 10 août, il succéda à Custine le 29 mai 1793
c o m m e général en chef de cette armée.
Il ne sut pas empêcher les Prussiens de s'emparer de
M a y e n c e ; prenant prétexte du décret d'exclusion des
nobles (21 août 1793), il démissionna et se retira en son
domaine de la Ferté-Beauharnais.
Il ne put échapper aux critiques auxquelles donnait
prise la perte de Mayence et fut arrêté, condamné par le

2 3 4
L E S G R A N D S A N T I L L A I S
Tribunal Révolutionnaire et exécuté. Il laissait deux
enfants, Eugène, né en 1 7 8 1 , d o n t les descendants se
sont perpétués jusqu'à nos jours sous le n o m de Ducs
de Leuchtenberg avec rang d'altesses impériales, et
Hortense, née en 1 7 8 3 d o n t la descendance légitime s'est
éteinte en la personne d u Prince Impérial tué au Z o u l o u -
land en 1 8 7 8 .
B R I È R E D E L ' I S L E (LOUIS-ALEXANDRE-ESPRIT-GASTON),
né en 1 8 2 7 au François, mort à Saint-Leu-Taverny (Seine-
et-Oise), en 1 8 9 6 .
Colonel du 1 régiment d'infanterie de marine, il prit
E R
une part glorieuse à la bataille de Bazeilles en 1 8 7 0 ,
où il fut blessé et fait prisonnier. N o m m é gouverneur du
Sénégal en 1 8 7 7 , il y accomplit une œuvre d'administra-
teur remarquable. Il conduisit les opérations de 1 brigade
re
au cours de la campagne d u Tonkin et en 1 8 8 4 remplit les
fonctions de c o m m a n d a n t en chef ; il s'empara de K e p ,
de Chu et de Langson ; il dispersa les Pavillons Noirs
qui assiégeaient Tuyen-Quan, mais la défaite de la brigade
Négrier à Langson entraîna sa disgrâce.
Il termina sa carrière c o m m e Inspecteur général des
troupes de la marine.
C H A B E R T D E L A C H A R R I È R E (HILAIRE-FRANÇOIS),
né à Baillif (Basse-Terre) en 1 7 4 1 , mort à Saybrook
(U. S. A.) en 1 7 9 9 .
Il était conseiller au Conseil Supérieur de la Guadeloupe
lorsqu'il fut élu le 9 décembre 1 7 8 9 député de la colonie.
C L U G N Y ( J E A N - É T I E N N E - B E R N A R D D E ) , baron de Nuits,
né à la Guadeloupe le 2 0 n o v e m b r e 1 7 2 9 , m o r t à Paris
le 1 8 octobre 1 7 7 6 .
Il était le petit-fils par sa mère de Pierre Gilbert de
Voisins, comte de Lohéac et marquis de Crapado, c o m -
mandant de milices à la Guadeloupe de 1 7 1 5 à 1 7 3 3 et

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
235
arrière-petit-fils par sa grand'mère du gouverneur du
Lion. (Lohéac était un fief sis à la Guadeloupe.)
Clugny succéda à son père au Parlement de Dijon
en 1748 et fut n o m m é intendant de Saint-Domingue en
1760. Intendant général de la Marine et des Colonies
en 1770, c'est-à-dire coadjuteur du ministre, il obtint
quatre ans plus tard l'intendance du Roussillon et celle de
Bordeaux en 1775.
Le 21 mai 1776 il fut appelé au contrôle général des
Finances à la place de Turgot disgrâcié. Il rapporta les
célèbres édits sur la corvée et les jurandes mais suivit la
politique de son prédécesseur en créant la Caisse d'Es-
c o m p t e . Il inaugura le régime des loteries et recourut à
divers expédients que sa mort interrompit brusquement.
Necker lui succéda. Son parent de Clugny fut n o m m é en
1783 gouverneur de la Guadeloupe.
D A I N (CHARLES), né à la Guadeloupe le 29 août 1812, mort
à Bordeaux le 22 février 1871.
A v o c a t à Paris, il devint l'ami de Victor Considérant.
Adversaire du néo-catholicisme de Buchez et de R o u x , il
fit campagne pour l'abolition.
La Guadeloupe l'envoya siéger en 1848 à l'Assemblée
Nationale Constituante ; il vota avec l'extrême-gauche.
N'ayant point été réélu par la colonie en 1849, il obtint
l'année suivante un siège en Saône-et-Loire. Rallié à
l'Empire, il finit sa carrière c o m m e conseiller à la Cour
de la Guadeloupe.
D E L G R È S , né à Saint-Pierre en 1772, mort en 1802.
Aide de camp en 1799 d u commissaire civil B a c o ,
avec le grade de chef de bataillon, le mulâtre Delgrès
joua un rôle décisif à la Guadeloupe au cours des luttes
qui opposèrent Pélage et Richepanse. Il commandait
en 1801 le fort Saint-Charles lorsqu'il apprend que R i c h e -
panse se fait l'instrument de la politique de Lacrosse ;

236
LES G R A N D S A N T I L L A I S
il prend les armes au cri de « La Liberté ou la Mort ! »
Après des combats multiples autour du Baillif et de
Basse Terre, Delgrès est contraint de s'enfermer dans le
fort. Le 2 1 mai 1 8 0 2 il abandonne la citadelle et se réfugie
avec le reste de ses troupes au Matouba, sur l'habitation
Le Parc. Une semaine plus tard, sous la pression des forces
de Richepanse, il se retire dans la propriété d'Anglemont
qu'il avait fait miner à l'avance. Lorsqu'il fut averti
de l'approche de ses adversaires, il mit le feu aux poudres,
se faisant sauter avec quelques fidèles.
La rébellion avait été terminée et l'esclavage, rétabli
par le décret du 2 0 mai, ne rencontrait plus de résistance
sérieuse.
D U B O U R D I E U ( L O U I S - T H O M A S - R E N É - N A P O L É O N , b a r o n ] ,
né à Fort-de-France en 1 8 0 4 , mort à Toulon en 1 8 5 7 .
Il était le fils du contre-amiral Bernard D u Bourdieu,
baron de l'Empire.
Il combattit à Navarin en 1 8 2 7 et servit successive-
ment au L e v a n t , aux Antilles et en Algérie. N o m m é
contre-amiral en 1 8 4 8 , il c o m m a n d a l'escadre qui b o m -
barda Salé en 1 8 5 1 . Il acheva sa carrière c o m m e préfet
maritime de Toulon et entra au Sénat en 1 8 5 6 .
D U B U G (JEAN-BAPTISTE), né en 1 7 1 7 à la Martinique, m o r t
en France en 1 7 9 5 .
Sa famille, originaire de Normandie, s'était installée
à la Martinique dès les débuts de la colonisation, aussi
au milieu d u xviiie siècle ses alliances s'étendaient-elles
dans toute l'île. L'année de sa naissance avait été mar-
quée par l'incident du renvoi des administrateurs La
Varenne et Ricouart ; le m o u v e m e n t , qualifié par la Cour
de « républicain », avait été conduit par son aïeul.
Il fit ses études en France, à C o n d o m , et revint se
marier à la Martinique.
En 1 7 6 1 , lorsque la nouvelle Chambre mi-partie de

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
237
Commerce et d'Agriculture eut à choisir un député auprès
du R o i , elle se prononça pour Jean-Baptiste D u b u c ,
qui fut ainsi le premier représentant de la colonie dans
la métropole. Il conquit la confiance de Choiseul et fut
n o m m é en 1764 Premier Commis au Bureau des Colo-
nies ; à ce titre il dirigea pendant six années toute la poli-
tique coloniale de la France.
Il rédigea en 1765 (voir supra année 1765) les célèbres
Instructions au Comte d'Ennery, — attribuées souvent à
Choiseul lui-même, — dans lesquelles il proclamait, à
l'abri d'une profession de foi exclusive, le droit des colo-
nies à commercer avec l'étranger. Ce texte suscita dans
le milieu des Économistes une très vive polémique ; en
dépit de sa modération il finit par obtenir l'adhésion de
ces derniers.
Collaborateur fidèle de Choiseul, il le suivit dans sa
disgrâce et se fixa sur la terre de Chissey dépendant de
Chanteloup où l'illustre exilé s'était retiré.
Il sortit de sa réserve en 1784 pour défendre contre
les attaques des mercantilistes impénitents l'arrêt du
30 août 1784, instaurant le système de l'Exclusif Mitigé.
Il publia successivement Le Pour et le Contre sur un objet
de grande discorde et d'importance : convient-il à l'adminis-
tration de céder part ou de ne rien céder aux étrangers
dans le commerce de la métropole avec ses colonies ?
(Londres,
1784, in-12, 48 p.). En collaboration avec Dubuisson,
secrétaire de la Chambre d'Agriculture de Saint-Domingue,
il publia ensuite un ouvrage qui attira l'attention : Lettres
critiques et politiques sur les colonies et le commerce des
villes maritimes de France adressées à G.-T. Raynal par
M. ***
(Genève et Paris, 1785, in-8, 264 p.).
La même année il donna une Réponse au contradicteur
de la brochure intitulée « le Pour et le Contre » (Londres, 1785,
in-4, 138 p.).
Arrêté pendant la Terreur en son château de Chissey,

238
LES G R A N D S A N T I L L A I S
il fut emprisonné à Blois le 30 mars 1794, et libéré en
thermidor après la chute de Robespierre. Il mourut à
l'âge de 78 ans.
D U G O M M I E R (JACQUES COQUILLE), né à Basse Terre le
1 août 1738, tué à la bataille de la Montagne Noire
e r
le 18 n o v e m b r e 1794.
Membre de l'Assemblée Coloniale qui se réunit le
1 décembre 1789 à Petit-Bourg, il participa aux événe-
e r
ments qui se déroulèrent à la Martinique et à la Gua-
deloupe jusqu'en 1791, date à laquelle il fut rappelé en
France. N o m m é Maréchal de Camp en 1792, il fut affecté
à l'armée des Alpes et d'Italie, et c o m m a n d a les opérations
dans le Var.
Il succéda le 16 novembre 1793 à Cartaux c o m m e général
en chef de l'armée d'Italie avec mission d'enlever Toulon
aux Anglais, ce qu'il fît les 17-19 décembre 1793.
Le 10 frimaire an I I Dugommier rendait c o m p t e à la
Convention de ses opérations devant Toulon et pour la
première fois le n o m de Bonaparte était prononcé publi-
quement :
« Je ne saurais trop louer, disait-il, la bonne conduite
de tous ceux de nos frères d'armes qui ont voulu se battre ;
parmi ceux qui se sont le plus distingués et qui m ' o n t le
plus aidé à rallier et pousser en avant, ce sont les citoyens
Buona Parte, c o m m a n d a n t d'artillerie, Arena et Cervoni,
adjudants généraux. » Bonaparte lui doit ses premiers
succès.
N o m m é général en chef de l'armée des Pyrénées-Orien-
tales le 16 janvier 1794, il remporta le 1 mai sur les
e r
Espagnols la victoire de Boulou, reprit Collioure (29 mai)
et Bellegarde (17 septembre). Il fut tué alors qu'il s'atta-
quait aux positions ennemies situées entre Saint-Llorens
de la Muga et la mer. La Convention fit inscrire son n o m
au Panthéon.

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
239
G O B E R T (JACQUES-NICOLAS), né à la Guadeloupe le 1 juin
E R
1 7 6 0 , mort à Guaraman en Espagne, le 1 7 juillet 1 8 0 8 .
R e ç u à vingt ans à l'Ecole de Génie, il fit avec le grade
de capitaine la campagne de 1 7 9 2 à l'armée du Nord et des
Ardennes. Le 6 mai 1 7 9 3 , il était n o m m é général de bri-
gade en récompense de sa conduite lors de la bataille de
Famars. Considéré à tort c o m m e noble, il fut destitué à la
suite du décret d'épuration du 2 1 août 1 7 9 3 , mais sur
ses protestations il obtint d'être réintégré avec le rang
de chef de bataillon ; il fut envoyé alors à Port-Louis
(Ile de France) pour remplir les fonctions de sous-direc-
teur du Génie.
Son action devint prépondérante lorsqu'il fut appelé à
seconder Hoche, puis Schérer c o m m e chef d'Etat-Major.
En dépit de ses services, il fut à nouveau destitué en 1 7 9 7 ,
ses opinions étant jugées trop tièdes, mais il rentra en
activité en 1 7 9 9 . Il participa en 1 8 0 0 - 1 8 0 1 à la campagne
d'Italie, et fut envoyé en 1 8 0 2 à la Guadeloupe pour
secourir Richepanse. N o m m é général de division, il figura
dans les premières promotions de la Légion d'honneur.
C'est en Espagne qu'il donna un peu plus tard, en 1 8 0 8 ,
toute sa mesure. Chargé de dégager Dupont, qui s'était
imprudemment avancé parmi les rebelles, il remporta un
premier succès à Peña-Cerros. Il atteignit Baylen le
1 2 juillet et libéra Dupont de l'étreinte ennemie ; il redressa
la situation d u général Léger Belair quatre jours plus tard,
mais fut tué le lendemain, 1 7 juillet. Napoléon qui le
tenait en grande estime avait consenti à être le parrain de
son fils, le futur baron Napoléon Gobert.
J O S É P H I N E , impératrice des Français, née en 1 7 6 3 aux
Trois Ilets, morte en 1 8 1 4 à la Malmaison.
Marie-Rose-Josèphe Tascher de la Pagerie, qui descen-
dait par les femmes d u conquérant des Antilles Pierre
Bclain d'Esnambuc (voir Tableau généalogique, p. suiv. ) ,

2 4 0
L E S G R A N D S A N T I L L A I S
épousa en 1779 le V i c o m t e Alexandre de Beauharnais.
Elle eut de son mariage deux enfants qui devinrent le
Prince Eugène, fils adoptif de Napoléon, et la Reine H o r -
tense.
Incarcérée aux Carmes après l'exécution de son mari,
elle fut sauvée de la mort par la chute de Robespierre.
Elle épousa en 1796 Bonaparte et suivit sa fortune.
Répudiée en 1809, elle se retira à la Malmaison où elle
mourut.
NICOLAS, B E L A I N D ' E S N A M B U C 1
François Pierre Adrienne
épouse Pierre Dyel de Vaudroques
Pierre Dyel de Vaudroques Jacques Dyel du Parquet
Adrienne ép. Dyel de Graville
Adrienne ép. Desprez
Marie Thérèse ép. Boureau de la Chevalerie
I
Françoise ép. Gaspard Tascher de la Pagerie
Joseph ep. Rose-Claire des Vergers de Sanois
Marie-Rose-Josèphe épouse 1° Al. de Beauharnais
2° Napoléon Bonaparte
Eugène Hortense ép. Louis Bonaparte
ép. Amélie de Bavière
Tige de la Maison de
Leuchtenberg Napoléon III
1. Tableau tiré du volume de Margry : Belain d'Esnambuc et les
Normands aux Antilles.

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
241
L A C R O I X ( H E N R I D E ) , né aux A b y m e s (Grande Terre,
Guadeloupe) en 1844, mort à Fleurier (Suisse) en 1924.
Il participa à l'expédition de R o m e en 1867 et fit la
campagne de 1870.
Après avoir servi au Tonkin en 1884 il entra à l ' E t a t -
Major et fut n o m m é c o m m a n d a n t de l'École de Guerre,
gouverneur militaire de L y o n , puis membre du Conseil
Supérieur de la Guerre dont il assuma en 1907 la vice-
présidence.
L A C O U R (AUGUSTE), né à Basse-Terre le 5 décembre 1803,
m o r t dans la m ê m e ville le 7 mai 1869.
Magistrat et historien, a laissé une histoire de la Gua-
deloupe en quatre gros volumes parus de 1856 à 1860.
L A N R E Z A C (CHARLES-LOUIS-MARIE), né à Pointe-à-Pitre
en 1852, mort à Neuilly en 1925.
Professeur d'histoire militaire et de tactique générale
à l'École Supérieure de guerre, il fut nommé général
de brigade en 1906. A la veille de la déclaration de guerret
il entrait au Conseil Supérieur de la Guerre et remplaçait
Galliéni au c o m m a n d e m e n t de la V armée.
e
Il conduisit les opérations devant Charleroi et dut se
replier sous le choc de l'armée v o n Bulow. Joffre dut le
sacrifier à la demande des Anglais avec lesquels il ne
réussissait pas à s'entendre.
L E D E N T U (JEAN-FRANÇOIS-AUGUSTE), né en 1841 à Basse-
Terre, mort en 1926.
Chirurgien de grande valeur, il fut nommé professeur
de clinique chirurgicale à l'hôpital Necker et membre de
l'Académie de médecine.
L É O N A R D , né à Sainte-Rose en 1744, mort à Nantes le
26 janvier 1793.
Poète qui a excellé surtout dans l'idylle, il fut chargé
ANTILLES 16

242
L E S G R A N D S A N T I L L A I S
d'affaires de France à Liège d e 1 7 7 3 à 1783, et sénéchal
à Pointe-à-Pitre en 1 7 8 8 .
L E T H I È R E (GUILLAUME-GUILLON, dit), né à Sainte-Anne
en 1 7 6 0 , m o r t à Paris en 1 8 3 2 .
Second prix de peinture en 1 7 8 4 , il exposa en 1 7 9 5
la Mort de Virginie, conservée au L o u v r e , et en 1 8 0 1
Brutus condamnant ses fils à mort, toile qui lui valut la
gloire. Il succéda en 1 8 0 7 à Suvée, directeur de l'Académie
de France à R o m e . Élu membre de l'Académie en 1 8 1 5 ,
Louis XVIII désapprouva son élection à cause d e son
républicanisme. Il fut n o m m é professeur à l'Ecole des
Beaux-Arts en 1 8 1 9 .
L I T T É E (JANVIER), né à Saint-Pierre en 1 7 5 3 , mort à Paris
en 1 8 2 0 .
Il fut le premier h o m m e de couleur élu député de la
Martinique. N o m m é le 1 9 septembre 1 7 9 2 représentant
de la Colonie à la Convention par les républicains réfugiés
à Roseau de la D o m i n i q u e , il prit possession de son siège
le 1 8 septembre 1 7 9 3 ; il intervint le 2 2 mai 1 7 9 5 dans une
discussion sur les traites des colonies. Il entra le 4 Bru-
maire an I V a u x Cinq-Cents.
M A T H I E U ( L O U I S Y ) , né à la Guadeloupe le 1 7 juin 1 8 1 7 .
H o m m e de couleur, il était ouvrier typographe à
Pointe-à-Pitre quand il fut élu par ses concitoyens député
à l'Assemblée nationale, le 2 2 août 1 8 4 8 , en remplacement
de Victor Schœlcher qui avait opté pour la Martinique.
Il siégea à l'extrême-gauche ; la colonie ne le réélut pas
l'année suivante à l'Assemblée législative.
M A Z U L I M E (VICTOR P E T I T - F R È R E ) , né à F o r t - R o y a l en
1 7 8 9 , m o r t à Paris en 1 8 5 4 .
H o m m e de couleur, il était né de parents esclaves.
En 1 8 0 2 il accompagna en France son maître, le chef
d'escadron Mottet et le suivit plus tard a u x États-Unis.

LES G R A N D S A N T I L L A I S
2 4 3
Il finit par entrer au service d'un M. Henrion de Pautey
dont la fille, après avoir épousé le vicomte de Pernety,
pair de France, le ramena en France. Grâce à cette p r o -
tection, sa propre fille put accomplir de bonnes études
et fonder un pensionnat à la Martinique et par son influence
assurer en 1848 à Mazulime, devenu rentier à Paris, l'un
des sièges de député de la Martinique.
M E L V I L - B L O N C O U R T (SUZANNE, vicomte), né à Pointe-
à-Pitre en 1823, mort à Paris en 1880.
Il participa au m o u v e m e n t révolutionnaire de 1848,
étant à Paris où il avait fait ses études. Arrêté au m o m e n t
du Coup d'État du 2 décembre, il s'adonna, lorsqu'il eut
recouvré sa liberté, à des études d'ordre colonial.
Élu par la Guadeloupe en 1871, il prit le parti de la
Commune et assura la direction des engagements pour les
bataillons de marche et d'artillerie jusqu'au 15 mai 1871.
Lorsque les Versaillais eurent triomphé de l'insurrection,
il siégea à l'extrême-gauche de l'Assemblée. Poursuivi
en 1874 pour complicité avec les « communards », il
eut le temps de s'enfuir à Genève et ne revint à Paris
qu'après l'amnistie de 1880.
M O R E A U D E S A I N T - M É R Y (MÉDERIC-LOUIS-ÉLIE),
né le 13 janvier 1750 à Fort-Royal, mort à Paris le 28 jan-
vier 1819.
Sa famille, originaire du Poitou, était installée à la
Martinique depuis plusieurs générations; son grand-père
avait été sénéchal de l'île. Élevé par sa mère, veuve peu
d'années après son mariage, il témoigna très tôt de grandes
qualités de cœur en intervenant en faveur d'esclaves
condamnés à des châtiments corporels.
Venu en France à l'âge de dix-neuf ans, il y apprit le
latin et le droit, ce qui lui permit de devenir avocat
au Parlement ; mais il préféra s'installer à Saint-Domingue
plutôt que de demeurer dans la Métropole dans une situa-

2 4 4
L E S G R A N D S A N T I L L A I S
tion difficile, et il exerça sa profession au Conseil Supérieur
du Cap.
A vingt-huit ans environ, Moreau de Saint-Méry fut
n o m m é membre du Conseil et trouva ainsi l'occasion de
fouiller les archives de la colonie. L'idée germa dans son
esprit de collationner les textes de lois en vue de la rédac-
tion d'un Code de Saint-Domingue. Il s'intéressait égale-
m e n t aux questions d'archéologie et crut découvrir dans
une de ses promenades le t o m b e a u de Christophe Colomb ;
cet événement attira sur lui l'attention des historiens.
Appelé en France par le gouvernement, il rendit c o m p t e
de ses travaux et offrit à Le Mercier de la Rivière, qui
s'apprêtait à publier, sur l'ordre du maréchal de Castries,
un Code des lois de Saint-Domingue, le manuscrit qu'il
avait composé et pour l'édition duquel il avait déjà ouvert
au Cap une souscription publique. L'ancien intendant de
la Martinique s'effaça devant lui et, grâce à l'appui du
ministre, Moreau publia les Lois et Constitutions des Colonies
françaises de l'Amérique Sous le Vent.

Moreau de Saint-Méry, qui avait l'âme d'un socio-
logue, désirait accompagner cet ouvrage 1° d'un tableau
raisonné des différentes parties de l'administration actuelle
de ces colonies ; 2° d'observations générales sur le climat,
la population, la culture ; 3° d'une description physique,
politique et topographique.
Nous n'avons que l'album de gravures, intitulé Recueil
de vues des lieux principaux de la colonie française de
Saint-Domingue, vues destinées à illustrer l'ouvrage d o n t
il avait tracé un plan si large.
Chargé de rédiger le Code des lois de la Martinique,
de la Guadeloupe et de Sainte-Lucie, il retourna dans les
petites Antilles, et regagna le Cap où il fonda la Société
des Philadelphes.
R e v e n u à Paris en 1788, il y créa avec
Pilâtre de Rozier, le Musée de Paris, établissement consacré
à une sorte d'enseignement encyclopédique basé sur des

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
245
conférences hebdomadaires données par les savants les
plus illustres de son temps. Les académies de Rouen, de
la Rochelle, d'Orléans, de Bayeux et du Cap Français
l'avaient élu tour à tour.
La journée du 14 Juillet 1789 le trouva président des
électeurs de Paris, et à ce titre il présida la séanee du
Conseil Municipal, demeura à l'hôtel de ville pendant la
nuit du 14 au 15 et dirigea les événements. Son action
fut décisive dans la nomination de La Fayette au c o m -
mandement général de la Garde Nationale et dans la
nomination de Bailly c o m m e maire de Paris. Il lui appar-
tint également de recevoir Louis XVI à l'Hôtel de Ville
le 17 Juillet et de le haranguer. Le 30 Juillet il remit à
Necker la nouvelle cocarde en lui disant « Ces cocardes
nous sont chères, ce sont les couleurs de la liberté ».
L'assemblée des Électeurs de Paris clôtura ses travaux
en votant la frappe d'une médaille à l'effigie de son pré-
sident.
Moreau de Saint-Méry était martiniquais ; ni lui ni
ses concitoyens ne l'oubliaient, et en 1790 il fut n o m m é
par les planteurs député de la Colonie. Il fit partie de
l'Assemblée Constituante où il joua un rôle actif ; en
réalité il défendit la cause des Grands Blancs. Peut-être
doit-on attribuer à la sympathie qu'il manifestait pour
le Club Massiac son intervention dans la discussion au
sujet de l'établissement d'un ministère des Colonies
(9 avril 1791), dont il réussit à écarter la création.
Arrêté en 1792 avec le duc de la Rochefoucauld, que
les révolutionnaires égorgèrent froidement, il s'enfuit et
gagna l'Amérique avec sa femme et ses deux enfante.
Moreau de Saint-Méry se fixa à N e w - Y o r k , puis à Phila-
delphie où il ouvrit une maison d'édition ; il y publia
la Description topographique de Saint-Domingue et un
livre sur la Danse.
Les événements lui permirent de rentrer en France

246
LES G R A N D S A N T I L L A I S
en 1798 ; le ministre de la Marine Bruix le n o m m a histo-
riographe de la Marine et le chargea de préparer le Code
Pénal Maritime.
Napoléon Bonaparte en fit en 1801 un Résident à
Parme, ville d o n t il prit possession au n o m de la France
l'année suivante ; il gouverna dès lors le duché c o m m e
Administrateur Général et trouva l'occasion de manifes-
ter son attachement aux principes libéraux des é c o n o -
mistes. Disgracié en 1806, il osa tenir tête à l'Empereur :
« Sire, je ne vous demande point de récompenser m a p r o -
bité ; je demande seulement qu'elle soit tolérée ; ne crai-
gnez rien, cette maladie n'est pas contagieuse ; la recon-
naissance est la fleur des t o m b e a u x ». L a misère dans
laquelle il fut jeté l'obligea d'accepter l'aide matérielle
de Joséphine, d o n t il était parent éloigné. Louis XVIII
s'intéressa à son sort, lui accorda une pension et lui
acheta sa bibliothèque conservée aujourd'hui au Ministère
des Colonies. Il mourut le 28 janvier 1819 à 69 ans.
(Voir R o b i q u e t (P.). Le Personnel municipal de Paris.
Paris, Jouaust, 1890, p p . 114-117 ; et Elycona (cf. p. 271).
P É L A G E (MACLOIRE), né à Saint-Pierre en 1769, mort en
Espagne en 1813, après la bataille de Vittoria.
Il c o m m e n ç a à jouer un rôle lorsque R o c h a m b e a u l'eut
pris à ses côtés en 1793. Il dirigea pro parte les opérations
contre les Anglais et s'enferma avec les troupes patriotes
dans le Fort B o u r b o n , devenu Fort L a Convention,
aujourd'hui Fort Desaix. Il fut suspecté d'avoir négocié
en sous-main avec les envahisseurs ; il passa aux États-
Unis avec R o c h a m b e a u , et regagna la Guadeloupe en 1799
c o m m e chef de brigade, aide de c a m p d u commissaire
civil Jeannet.
Quand l'arrêt consulaire d u 19 avril 1801 eut destitué
les Agents du Directoire, les mesures prises par le capitaine
général Lacrosse soulevèrent la colonie. Les insurgés

LES G R A N D S A N T I L L A I S
247
s'emparent de la personne de ce dernier et l'intervention
de Pélage seule le sauve d'un Conseil de guerre dont la
sentence n'était pas douteuse. Tandis que Lacrosse s'en-
fuit sur un navire étranger à la Dominique, le mulâtre
Pélage e3t reconnu le 24 octobre 1801 c o m m e chef de
gouvernement. Jouera-t-il les Toussaint Louverture ? —
Les Consuls le croient et envoient contre lui une escadre
commandée par Richepanse. Mais Pélage fera passer la
cause nationale avant la cause des noirs et se rangera aux
côtés de Richepanse pour combattre l'insurrection de
Delgrès.
R e n v o y é en France c o m m e accusé, il resta détenu
quinze mois sans passer en jugement. Remis en liberté,
il fut réintégré dans ses fonctions. « La France lui était
redevable de la conservation de tout le sang qu'il avait
empêché de verser au m o m e n t de l'arrivée des troupes
dans la colonie. »
P E R R I N O N (FRANÇOIS-AUGUSTE), né à Saint-Pierre le
28 août 1812, mort à l'Isle Saint-Martin (Martinique)
le 21 janvier 1861.
Il fit ses études à Rouen grâce aux soins d'un riche
planteur et entra à l'École Polytechnique en 1832 puis
à l'École d'application de Metz. Devenu chef de bataillon,
il obtint en 1847 la direction de la fonderie de Ruelle.
Mulâtre, il fut n o m m é par le gouvernement provisoire
de 1848 commissaire général de la République chargé
de promulguer et d'appliquer le décret d'abolition. La
Guadeloupe le 22 août 1848 l'élit député à l'Assemblée
Constituante où il devint rapporteur du Budget de la
Marine. Réélu le 24 juin 1849 député à l'Assemblée Légis-
lative, il vota toujours avec la gauche ; il donna en 1853
sa démission d'officier pour ne pas prêter serment à l ' E m -
pire. Il a laissé un Aperçu sur l'artillerie de la marine (1838)
et des Observations sur les dépenses de la marine (1849).

248
LES G R A N D S A N T I L L A I S
P O R Y P A P Y (PIERRE-MARIE), né à Saint-Pierre en 1805,
mort à Versailles en 1874.
Il fit ses études à Aix-en-Provence et s'établit à la
Martinique après avoir passé ses examens de droit à Paris.
H o m m e de couleur, son père avait eu de sensationnels
démêlés avec Bissette ; mis en vedette par cette polé-
m i q u e , il fut sans peine n o m m é maire de Saint-Pierre
et il remplissait ces fonctions quand la colonie l'élut député
en 1848. Il revint à la Martinique après que la Constituante
eût clos ses travaux et fut à nouveau élu député en 1871.
Il mourut le 27 janvier 1874 et fut remplacé par Godissard.
S A I N T - G E O R G E S (le chevalier de), né à la Guadeloupe
en 1745, m o r t à Paris en 1799.
Il était le fils naturel de Jean-Nicolas de Boulogne,
conseiller du Roi au Parlement de Metz, et d'une esclave
de grande beauté. Il se fit remarquer dès sa jeunesse par
son aisance dans tous les exercices corporels : à dix-sept
ans il l'emportait à l'escrime sur tous les maîtres d'armes
de Paris.
Après être entré aux Mousquetaires, il obtint d'être
n o m m é écuyer de M de Montesson, épouse morgana-
m e
tique du duc d'Orléans, et fut reçu à ce titre dans le
m o n d e élégant. Son talent de violoniste lui valut sa
renommée ; il rivalisa avec les virtuoses de l'époque et
fonda avec son maître, Gossec, le concert des Amateurs.
La Comédie-Italienne joua quelques-uns de ses opéras-
comiques : Ernestine (1777), la Chasse (1778), la Fille-
Garçon (1787), etc.. ; en 1777 on songea à lui pour la
direction de l'Académie de Musique, mais le préjugé
de couleur le fit écarter.
Londres le fêta autant que Paris en 1789, et il fut un
m o m e n t le héros du jour. Dès que la Révolution eût pris
un cours un peu vif, il adhéra aux nouvelles idées et,
lorsque la Patrie fut en danger, il leva une compagnie

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
249
de chasseurs à cheval qu'il c o m m a n d a contre les Prussiens.
Il dénonça la trahison de Dumouriez sous les ordres duquel
il servait, mais ni son zèle ni son courage ne le mirent à
l'abri des suspicions. Arrêté, il ne fut sauvé que par la
chute de Robespierre ; il mourut à l'aube du Consulat
dans un dénuement complet.
S A I N T E - C L A I R E D E V I L L E (CHARLES), né à Saint-Thomas
le 26 février 1814, m o r t à Paris le 10 octobre 1876.
Après être sorti de l'École des Mines il accomplit aux
Antilles à Ténériffe et aux Iles du Cap-Vert un long v o y a g e
consacré à l'étude des phénomènes volcaniques. Il visita
ensuite la Guadeloupe avec cette préoccupation.
Suppléant d'Élie de Beaumont au Collège de France,
il lui succéda en 1847. Il fut élu membre de l'Académie
des Sciences au siège de Dufrénoy.
Charles Sainte-Claire Deville fit élever de nombreux
observatoires météorologiques en France et en Algérie ;
on lui doit notamment l'observatoire de Montsouris dont
il assuma la direction.
Il s'adonna c o m m e son frère à l'étude de la chimie et
découvrit le soufre insoluble. On lui est redevable de la
théorie du volcanisme encore admise de nos jours.
S A I N T E - C L A I R E D E V I L L E ( H E N R I - É T I E N N E ) , né à
Saint-Thomas le 11 mars 1818, mort à Boulogne-sur-Seine
le 1 juillet 1881.
er
Il étudia la chimie et réalisa plusieurs découvertes
importantes. Chargé d'organiser en 1844 la Faculté des
Sciences de Besançon, il y professa la chimie de 1845 à 1851
et y remplit les fonctions de d o y e n . Il occupa à partir
de 1859 la chaire de Balard à la Sorbonne.
Élu membre de l'Académie de Sciences en 1861, il
prit rang parmi les plus illustres savants de son temps.
Il découvrit et mit en lumière le phénomène de la disso-
ciation ; il étudia le premier l'acide azotique anhydre

2 5 0
L E S G R A N D S A N T I L L A I S
et réussit en 1 8 5 4 à préparer industriellement le sodium
et l'aluminium. Il indiqua aussi des procédés d'utilisation
d u pétrole et des huiles lourdes, etc..
Pasteur, d o n t il était l'ami intime, prononça son éloge
funèbre en des termes demeurés justement célèbres.
S O N I S (GASTON D E ) , né à Pointe-à-Pitre en 1 8 2 5 , m o r t
à Paris en 1 8 8 7 .
Il se fit remarquer au cours des campagnes d'Afrique,
sous la Restauration, et d'Italie, sous le Second Empire.
Gambetta lui confia le 1 7 corps, à l'armée de la Loire.
E
Sérieusement blessé à la bataille de L o i g n y , il dut subir
l'amputation de la j a m b e .
Il termina sa carrière c o m m e Inspecteur général per-
manent des brigades de cavalerie des 1 0 , 1 1 et 1 6 corps
E
E
E
d'armée et membre adjoint d u Comité de Cavalerie.
T H I B A U T D E C H A N V A L L O N , né à Saint-Pierre en 1 7 2 5 ,
m o r t à Pontorson en 1 7 8 5 .
Il fit des études de physique et d'histoire naturelle à
Paris sous la direction de Réaumur et de Jussieu et se
rendit en 1 7 5 1 à la Martinique avec la mission d'en tracer
un tableau exact. N o m m é membre d u Conseil Supérieur
de la Colonie, il eut toutes les facilités pour accomplir sa
tâche et il publia en 1 7 6 3 un ouvrage qui attira sur lui
l'attention d u public : Voyage à la Martinique contenant
diverses observations sur la physique, l'Histoire naturelle,

l'agriculture, les mœurs et les usages de cette isle.
N o m m é intendant à la m ê m e époque, Choiseul lui
confia la direction administrative de la fameuse expédi-
tion d u K o u r o u , en Guyane, sur laquelle on c o m p t a i t
pour transformer cette dernière colonie en un grenier
d'abondance destiné à consoler les Antilles d e la perte
d u Canada.
A la suite de l'échec de cette tentative, Chanvallon
fut à son retour en France, en 1 7 6 7 , accusé de malversation,

L E S G R A N D S A N T I L L A I S
251
et son procès défraya la chronique pendant de longs mois.
Condamné à la détention perpétuelle au Mont Saint-Michel
et à la confiscation de ses biens, il finit par faire reconnaître
son innocence en 1776. Il reçut alors le titre de commissaire
général des Colonies, mais brisé par le chagrin il se fixa à
Pontorson où il acheva son existence. Son ouvrage lui
avait valu d'être n o m m é m e m b r e correspondant de
l'Académie Royale des Sciences.
T R A V E R S A Y ( J E A N - B A P T I S T E PRÉVOST DE S A N S A C ,
marquis de), né à la Martinique, au Diamant, le 23 juillet
1754, mort en Russie le 19 mai 1831.
Fils d'un officier de marine, décédé à Port-au-Prince,
et appartenant par sa mère à la famille d ' A b r a h a m
Duquesne et du gouverneur général des Iles d u V e n t ,
marquis Duquesne, il entra dès qu'il fut en âge dans
l'armée navale. Commandant de frégate en 1781, il se
distingua au cours de la guerre d'Amérique et fut créé
en 1787 par Louis XVI marquis de Traversay.
En 1791, l'impératrice Catherine II, qui se préoccupait
de moderniser sa marine, lui offrit le commandement
d'une escadre ; il accepta avec l'assentiment du Roi.
Traversay jouit successivement de la faveur de Paul I e r
et d'Alexandre, et en 1807 on le trouve commandant
en chef des places de Sébastopol et de Nicolaïef. Il était
amiral depuis 1801.
Napoléon lui demanda de reprendre du service en France,
mais il refusa d'abandonner un souverain qui l'avait
couvert de bienfaits. Membre du Conseil d'Etat de Russie
en 1810, Traversay devint l'année suivante Ministre de la
Marine, et lorsque Alexandre fut entraîné en Occident
par la campagne de 1814, il assuma la protection de la
capitale et de la famille impériale. Il mourut sur ses
terres de Penza.
En son honneur un archipel situé au sud de la Pata

252
L E S G R A N D S A N T I L L A I S
gonie reçut le n o m de « Iles du marquis de Traversay ».
V A S S O I G N E ( J U L E S - J E A N - P I E R R E R E B O U L D E ) , né en 1 8 1 1 ,
mort en 1 8 9 1 .
Il prit part à l'expédition de Bomarsund en 1 8 5 4 , et
à la campagne d e Chine où il se distingua lors de la prise
des forts de Peï-Ho. Il se battit également en Cochinchine
et s'illustra en 1 8 7 0 à Bazeilles c o m m e c o m m a n d a n t de la
division d'infanterie de marine, rattachée à l'armée de
Châlons.

LISTE DES ADMINISTRATEURS
S A I N T - C H R I S T O P H E
CAPITAINES G É N É R A U X
I. — Période de la Compagnie des Iles d'Amérique.
6 1 3 5 . Pierre B E L A I N D ' E S N A M B U C .
1 6 3 8 .
Commandeur D E POINCY.
1 6 4 4 .
P h . D E LONGVILLIERS (n'a pas gouverné).
1 6 4 5 .
Patrocle D E THOISY (n'a pas gouverné).
1 6 4 7 . Commandeur DE POINCY.
I I . — Période des Seigneurs Propriétaires.
1 6 5 1 . Commandeur DE POINCY.
1 6 6 0 .
Commandeur DE SALES.
I I I . — Période de la Compagnie des Indes Occidentales.
1 6 6 3 . D E T R A C Y et D E L A BARRE, son lieutenant.
1 6 6 7 . D E B A A S et D E L A B A R R E , son lieutenant.
Le gouvernement général est transféré en 1 6 6 9 à la
Martinique.
GOUVERNEURS PARTICULIERS
1 6 6 9 . D E S A I N T - L A U R E N T .
IV. — Période du Gouvernement Royal.
1 6 7 4 . D E S A I N T - L A U R E N T .
1 6 8 9 - 1 7 0 2 . C o m t e D E G U I T A U D .

2 5 4
L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
L A M A R T I N I Q U E
GOUVERNEURS PARTICULIERS
sous l'autoritè du Capitaine Général de Saint-Christophe
I. — Période de la Compagnie des Iles d'Amérique.
1635. D U P O N T .
1637. D u PARQUET, gouverneur-sénéchal.
II — Période des Seigneurs Propriétaires.
1651. D u P A R Q U E T .
1658. M D U P A R Q U E T .
M E
1658. D u PARQUET D'ESNAMBUC, sous la tutelle d'Adrien
D Y E L D E V A U D R O Q U E S .
1662. D u PARQUET D ' E S N A M B U C , sous la tutelle du Sieur
DE C L E R M O N T .
I I I . — Période de la Compagnie des Indes Occidentales.
1664. D E CLODORÉ.
1667. D E S A I N T E - M A R T H E .
GOUVERNEURS G É N É R A U X
1669. D E BAAS et D E S A I N T E - M A R T H E , gouverneur parti-
culier.
I V . — Période du Gouvernement Royal.
GOUVERNEURS G E N E R A U X
I N T E N D A N T S
1674. Marquis D E BAAS.
1677. Comte D E B L É N A C
1677. P A T O U L E T .
1682. B É G O N .

LISTE D E S G O U V E R N E U R S
2 5 5
1 6 8 5 . D U M A I T Z D E G O I M P Y .
1 6 9 0 . Marquis D ' E R A G N Y .
1 6 9 1 . D E G U I T A U T (p. t.).
1 6 9 2 . Comte D E BLÉNAC.
1 6 9 7 . M D ' A M B L I M O N T .
1 6 9 6 . R O B E R T .
LE
1 7 0 0 . D E G U I T A U D (p. i.).
1 7 0 1 .
Comte DESNOTZ.
1 7 0 1 . D E G U I T A U D
(p. i.).
1 7 0 3 . Comte D E MACHAULT.
1 7 0 9 . C D E G A B A R E T (p. i.).
1 7 1 0 . D E VAUCRESSON.
t e
1 7 1 1 . R . B . D E P H É L I P E A U X .
1 7 1 4 .
Marquis DUQUESNE.
Le Gouvernement de Saint-Domingue est détaché de Fort-
Royal et constitue un gouvernement général.
1 7 1 6 . M D E LA V A R E N N E .
1 7 1 6 . D E R I C O U A R T .
l s
1 7 1 7 . D E F E U Q U I È R E S .
1 7 1 8 . D E SILVACANE.
1 7 1 8 . B É N A R D .
1 7 2 3 . B L O N D E L D E J O U V A N -
COURT.
1 7 2 8 . M D E C H A M P I G N Y .
1 7 2 8 . P A N N I É D ' O R G E V I L L E .
L S
1 7 3 8 . D E LA C R O I X
1 7 4 5 . D E C A Y L U S .
1 7 4 6 . D E R A N C H E .
1 7 5 0 . D E B O M P A R .
1 7 5 0 . H U R S O N .
1 7 5 7 . M D E B E A U H A R N A I S .
1 7 5 7 . D E G I V R Y .
1S
1 7 5 9 . L E M E R C I E R D E LA
R I V I È R E .
1 7 6 1 . L E V A S S O R D E LA
T O U C H E .
1 7 6 2 - 1 7 6 3 . Occupation Anglaise.
1 7 6 3 . Marquis DE LA MOTHE-
1 7 6 3 . L E M E R C I E R D E LA
F É N E L O N .
R I V I È R E .

256
L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
1765. Comte D ' E N N E R Y .
1765. Présid. D E P E Y N I E R .
1771. D E VALIÈRES.
1772. Comte de NOZIÈRES. 1772. Présid. D E TASCHER.
1776. Comte D'ARGOUT.
1777. Marquis DE BOUILLE.
1777. D E M O N T D E N O I X .
1780. Président D E P E Y -
NIER, P E T I T DE VIÉ-
V I G N E .
1782. V i c o m t e DE DAMAS DE
MARILLAC, lieut. d u
1787. Président D E FOUL-
G o u v Général.
QUIER, F O U L O N D ' E -
r
COTIER.
1789. C DE V I O M É N I L (p. i . ) .
TE
1790. V i c o m t e D E DAMAS D E
M A R I L L A C .
1791. D E B É H A G U E a v e c E u D E M O N T D E N O I X , D E L A C O S T E ,
LINGER et M A G N Y T O T , commissaires civils.
V. — Période Contemporaine.
1793. Donatien DE V I M E U R , comte D E ROCHAMBEAU.
1794-1802 ( 1794. R o b e r t PRESCOTT, Sir John VAUGHAM.
Occupation ( 1795. R . Shore MILNES.
Anglaise ( 1796. William KEPPEL.
1802. Amiral D E V I L L A R E T J O Y E U S E .
1809-1814
1810. Major Général John BRODIRCK,
Occupation
Major Général Ch. W A L E S .
Anglaise
1814. Comte DE V A U G I R A U D .
1815-1816 : Occupation Anglaise
1 8 1 6 - 1 9 3 5
1816. Comte D E V A U G I R A U D . — 1818. Comte DONZELOT. —
1826. Comte DE BOUILLE. — 1829. Contre-Amiral Baron

L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
257
D E SAULCES DE F R E Y C I N E T . — 1 8 3 0 . Contre-Amiral D u -
POTET. — 1 8 3 4 . Vice-Amiral HALGAN. — 1 8 3 6 . Contre-
Amiral Baron DE MACKAU. — 1 8 3 8 . Contre-Amiral Comte
DE MOGES. — 1 8 4 0 . Contre-Amiral E. DU V A L D ' A I L L Y . —
1 8 4 4 . Contre-Amiral A . M A T H I E U . — 1 8 4 8 . PERRINON,
Commissaire Général de la République. — 1 8 4 8 . Contre-
Amiral A.-J. RRUAT. — 1 8 5 1 . Contre-Amiral VAILLANT. —
1 8 5 3 . Contre-Amiral Comte DE GUEYDON. — 1 8 5 6 . Géné-
ral Comte DE FITTE DE SOUCY. — 1 8 5 9 . Contre-Amiral
DE MAUSSION DE C A N D É . — 1 8 6 4 . D E LAPELIN. — 1 8 6 7 .
BERTIER, Maître d e Requêtes au Conseil d'État. —
1 8 6 9 . COUTURIER. — 1 8 7 0 . M E N C H E DE L O I G N E . — 1 8 7 1 .
Contre-Amiral CLOUÉ. — 1 8 7 4 . MICHAUX. — 1 8 7 5 . Contre-
Amiral L E NORMANT DE KERGRIST. — 1 8 7 7 . Contre-
Amiral M. GRASSET. — 1 8 7 9 . Ch. LACOUTURE. — 1 8 7 9 ·
A U B E
, Capitaine de Vaisseau. — 1 8 8 1 . ALLÈGRE, ancien
député. — 1 8 8 7 . CORRIDON. — 1 8 8 7 . A . GRODET. — 1 8 8 8
MOREAU, Commissaire Général de la Marine. — 1 8 8 9 ,
H . MERLIN, ancien préfet. — 1 8 8 9 . Germain CASSE,
ancien député. — 1 8 9 1 . MORACCIIINI. — 1 8 9 2 . A . MATHI-
VET. — 1 8 9 3 . MORACCHINI. — 1 8 9 5 . Noël PARDON. —
1 8 9 8 . G A B R I É . — 1 9 0 0 . M. M E R L I N . — 1 9 0 1 . MOUTTET. —
1 9 0 4 . BONHOURE. — 1 9 0 7 . L É P R E U X . — 1 9 0 8 . F O U R E A U .
— 1 9 1 4 . POULET. — 1 9 1 5 . Camille G U Y . — 1 9 1 9 . M A R -
CHAND. — 1 9 2 0 . GOURBEIL. — 1 9 2 2 . R I C H A R D . — 1 9 2 6 .
DE G U I S E . — 1 9 2 8 . GERBINIS. — 1 9 3 4 . ALFASSA. —
1 9 3 5 . FOUSSIER.
L A G U A D E L O U P E
GOUVERNEURS PARTICULIERS
I. — Période de la Compagnie des Iles d'Amérique.
1 6 3 5 . D E L'OLIVE et DUPLESSIS.
1 6 4 0 . A U B E R T .
1 6 4 3 . H O U E L
, gouverneur et sénéchal.
ANTILLES
17

258
L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
II. — Période des Seigneurs Propriétaires.
1 6 5 1 . H O U E L .
III. — Période de la Compagnie des Indes Occidentales.
1 6 6 4 . D u C O U D R A Y (p. i.).
1 6 6 4 . D u L I O N .
1 6 6 9 . Le Gouvernement de la· Guadeloupe est réuni à celui

de la Martinique jusqu'en 1677.
I V . — Période du Gouvernement Royal.
1 6 7 7 . H l N S E L I N .
1 6 9 6 . A U G E R .
1 7 0 4 . R . C L O C H E D E LA M A L M A I S O N .
1 7 1 7 .
Marquis DE FEUQUIÈRES.
1 7 1 9 .
Comte D E MOYENCOURT.
1 7 2 7 . D u P O Y E T .
1 7 3 5 . D E L A R N A G E .
1 7 3 7 .
Gabriel D E CLIEU.
1 7 5 3 .
Chevalier DE M I R A B E A U .
1 7 5 7 . N A D A U D U T R E I L .
1759. Colonel KRUMPT.
Occupation Anglaise.

1 7 6 1 . Campbell DALRYMPLE
1 7 6 3 .
Chevalier de BOURLAMAQUE.
1 7 6 4 . Baron COPLEY et Président DE P E Y N I E R , intendant.
1 7 6 5 . Comte D E NOLIVOS.
1 7 6 6 .
Baron D E MOISSAC, intendant.
1 7 6 9 . Marquis DE BOUILLÉ et E u DE M O N T D E N O I X , c o m m i s -
saire-ordonnateur.
1 7 7 0 . Comte D E V A L I È R E .
1 7 7 1 .
Chevalier D E D I O N .
1 7 7 2 .
Comte D E NOZIÈRES.
1 7 7 5 . Comte D ' A R B A U D et Président DE P E Y N I E R , intendant,

L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
259
1 7 8 0 . E u DE MONTDENOIX, commissaire général ordonna-
teur.
1 7 8 2 . V i c o m t e d e D A M A S et Président D E F O U L Q U I E R ,
intendant.
1 7 8 3 . B E A U M É DE LA SAULAIS (p. i.).
1 7 8 4 . Baron D E C L U G N Y .
1 7 8 6 . Comte DE MICOUD (p. i.).
1 7 8 6 . Baron D E C L U G N Y et FOULON D ' E C O T I E R , i n t e n d a n t .
V. — Période Révolutionnaire.
1 7 8 9 . Baron D E C L U G N Y et P E T I T DE V I É V I G N E , commissaire
général ordonnateur.
1 7 9 2 . V i c o m t e D'ARROTS (p. i.) et M I N U T , i n t e n d a n t .
1 7 9 3 . Capitaine de Frégate LACROSSE.
1 7 9 3 .
Général COLLOT.
1 7 9 4 . H U G U E S , G O Y R A N D et L E B A S , commissaires civils.
1 7 9 7 . Victor H U G U E S , agent particulier d u Directoire.
1 7 9 8 . DESFOURNEAUX, agent particulier d u Directoire.
1 7 9 9 . P A R I S , B A N A N et R O C H E R U P E Z , m e m b r e s d u G o u v e r -
nement Provisoire.
1 7 9 9 . J E A N N E T , B A C O et L A V A U X , agents particuliers.
1 8 0 0 . J E A N N E T , BACO et B R E S S E A U , agents des Consuls.
1 8 0 0 . J E A N N E T et B R E S S E A U , agents des Consuls.
1 8 0 1 . LACROSSE, capitaine-général.
1 8 0 1 . P E L A G E , F R A S A N S , D A N O I S et CORNEILLE, m e m b r e s
du Gouvernement Provisoire.
V I . — Période Contemporaine.
1 8 0 2 . Général RICHEPANSE et LESCALIER, préfet colonial.
1 8 0 2 . LACROSSE, capitaine général.
1 8 0 3 . ERNOUF, capitaine général.
1 8 0 5 . Général KERVERSEAU, préfet colonial.

2 6 0
L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
1 8 1 0 . Sir George B E C K W I T H .
Occupation 1 8 1 0 . Sir H u g h Lyle CARMICHAEL.
Anglaise 1 8 1 0 . Sir COCHRANE.
( 1 8 1 3 . John SHINNER.
1 8 1 4 . B O Y E R D E P E Y R E L E A U (p. i.).
1 8 1 4 .
Contre-Amiral Comte D E LINOIS.
1 8 1 5 . D E GUILLERMY
, intendant.
1 8 1 5 - 1 8 1 6 . Occupation anglaise.
1 8 1 6 - 1 9 3 5
1 8 1 6 . C. D E L A R D E N O Y et F O U L O N D ' E C O T I E R , i n t e n d a n t .
— 1 8 2 3 . Contre-Amiral JACOB. — 1 8 2 6 . Maréchal de
Camp Baron V A T A B L E . — 1 8 2 6 . Contre-Amiral Baron
A N G O T DES ROTOURS. — 1 8 3 0 . Maréchal de Camp Baron
V A T A B L E . — 1 8 3 1 . Contre-Amiral Arnous DESSAULCAY. —
1 8 3 7 .
J.-B. JUBELIN, Commissaire Général de la Marine.
— 1 8 4 1 . Contre-Amiral J . G O U R B E Y R E . — 1 8 4 5 .
M. L A Y R L E . capitaine de vaisseau. — 1 8 4 8 . G A T I N E ,
Commissaire Général de la République. — 1 8 4 8 . Colonel
FIÉRON. — 1 8 5 1 . A U B R Y - B A I L L E U L , capitaine de vaisseau.
— 1 8 5 4 . P . A . BONFILS, capitaine d e vaisseau. — 1 8 5 6 .
GUILLET. — 1 8 5 7 . TOUCHART, capitaine de vaisseau. —
1 8 5 9 . N. BONTEMPS. — 1 8 6 0 . FRÉBAULT, colonel d'Artil-
lerie de la Marine. — 1 8 6 2 . Général FRÉBAULT. — 1 8 6 4 .
L . D E L O R M E L . — 1 8 6 8 . D E S M A Z E S . — 1 8 7 0 . C O U T U R I E R .
— 1 8 8 0 . L A U G I E R . — 1 8 8 6 . A . L E B O U C H E R . — 1 8 9 1 .
L . N O U E T . — 1 8 9 4 . Noël P A R D O N . — 1 8 9 5 . COUZINET. —
1 8 9 5 . MORACCHINI. — 1 9 0 1 . M E R L I N . — 1 9 0 2 . Charles
R O G N O N . — 1 9 0 3 . A . D E LA L O Y È R E . — 1 9 0 5 . L . B O U L -
LOCHE. — 1 9 0 8 . B A L L O T . — 1 9 0 9 . H e n r y C O R . — 1 9 1 1 .
P E U V E R G N E . — 1 9 1 3 . M E R W A R T . — 1 9 1 7 . G O U R B E I L . —
1 9 2 0 . D U P R A T . — 1 9 2 2 . B E R T H I E R . — 1 9 2 4 . B E U R N I E R . —
1 9 2 6 . G E R B I N I S . — 1 9 2 8 . T E L L I E R . — 1 9 3 0 . C H O T E A U . —
1 9 3 2 . B O U G E .

LISTE DES REPRÉSENTANTS
DE LA MARTINIQUE
ET DE LA GUADELOUPE
MARTINIQUE
1 8 7 6 - 1 9 3 2
De 1876 à nos jours, les sénateurs ont été : MICHAUX
(1876), ALLÈGRE (1888), KNIGHT (1900) et LÉMERY (1924).
Les députés ont été : en 1876 GODISSART, en 1881, 1885 et
1889, HURARD et DEPROGE ; en 1 8 9 4 , DEPROCHE et César
LAINE ; en 1898, DUQUESNAY et Denis GUIBERT ; en 1 9 0 2 ,
CLÉMENT
; en 1906, DUQUESNAY et SÉVÈRE ; en 1 9 1 0 ,
1
LAGROSILLÈRE et SÉVÈRE ; en 1914-1915, LÉMERY et
LAGROSILLIÈRE ; en 1 9 1 9 , LAGROSILLÈRE et CLERC ; en
1924, SÉVÈRE ET DELMONT ; en 1 9 2 8 , DELMONT et FROS-
SARD
; en 1 9 3 2 , DELMONT et LAGROSILLÈRE.
GUADELOUPE
1 8 7 6 - 1 9 3 2
De 1876 à nos jours les sénateurs ont été : le vicomte de
LA JAILLE (1876) ; Alexandre ISAAC 1885), CICÉRON (1900)
et H. BÉRENGER (1912). Les députés sont été : en 1876,
LACASCADE
; en 1881 et 1885, GERVILLE-RÉACHE et SARLAT ;
1. Une seule circonscription, par suite de l'anéantissement de
S-Pierre, lors de l'éruption de la Montagne Pelée.
t

2 6 2
L I S T E D E S G O U V E R N E U R S
en 1889, M a r i e - E m i l e R É A U X et G E R V I L L E - R É A C H E ;
en 1893, A u g . ISAAC et G E R V I L L E - R É A C H E ; en 1898,
G E R V I L L E - R É A C H E et LÉGITIMUS ; en 1902 et 1906, G E R -
V I L L E - R É A C H E et G É R A U L T - R I C H A R D ; en 1910, L ÉG I T I M U S
et G É R A U L T - R I C H A R D ; en 1912, C A N D A C E , r e m p l a ç a n t
G É R A U L T - R I C H A R D , d é c é d é ; en 1914 et 1919, C A N D A C E
et B O I S N E U F ; en 1924, C A N D A C E et J e a n FRANÇOIS ;
en 1928 et 1932 C A N D A C E et G R A Ë V E .

SOURCES
I. — S O U R C E S M A N U S C R I T E S
A. — Relations et Récits de voyage.
(Classification chronologique)
Récit du voyage que j'ay faict aux Indes Occidentales avec
Monsieur de Cahuzac, général de l'armée navale, qui y fut
par le commandement du Roy et de Monseigneur le Cardinal,
l'an de grâce
1629. 12 feuillets in-f°. Affaires Etrangères,
Mémoires et Documents Amérique, t. IV, fï° 69-87.
Relation de l'isle de la Gardelouppe faite par les missionnaires
dominicains à leur général en 1647. 172 p. in-4, Biblio-
thèque Nationale, mns. f. 24.974.
Relation du voyage de l'amiral Durasse à la Martinique, et
quelques étais sur le commerce français dans l'Amérique du
Sud. Archives du Ministère de la Guerre, registre n° 2104.
Relation des Iles de l'Amérique Antilles en l'estat qu'elles
estoienl en l'année 1660. Archives Nationales, Col. C B 1 .
8
Histoire de la Guadeloupe. 748 p. in-4°. Bibliothèque Natio-
nale, mns. n. a. f. 9.139.
B. — Documents d'Archives.
ARCHIVES DE LA GIRONDE. — Archives départementales,
liasses C 1632 et 4263 ; Archives de l'Amirauté de Guyenne,
registres n 6B67, 6B295, 6B326, 6B333.
o s

264
S O U R C E S
A R C H I V E S D E LA L O I R E I N F É R I E U R E . —· F o n d s de la C h a m b r e
de Commerce de Nantes. Liasses C 699-700, 706, 728-729,
735.
ARCHIVES DE LA V I E N N E . — Série E 8 6 (registre 197), 590, p.
n
in-f°, contenant des pièces ayant trait aux tractations des
députés des planteurs antillais et des mandataires des
Princes avec la Cour de Londres (1793-1799).
A R C H I V E S D U M I N I S T È R E D E S A F F A I R E S E T R A N G È R E S . —
Mémoires et Documents. Amérique, tomes 3, 4, 5, 6, 7 ;
France, tomes 1990, 1991, 1993, 2008, 2017 ; Espagne,
tomes 8 0 , 8 2 .
A R C H I V E S D U M I N I S T È R E DES COLONIES. — F o n d s versé a u x
Archives Nationales :
Série A, tomes 1-28, Registres renfermant les Actes d u
Conseil Souverain o u Supérieur, les édits et arrêts de 1713
à 1756.
Série B, tomes 1-213, registres contenant les ordres d u
Roi a u x administrateurs des Isles d u Vent.
Série C ' A , tomes 1-43, registres contenant la c o r r e s p o n -
dance des administrateurs de la Guadeloupe (1635-1789).
Série C B 1-5, registres contenant des documents se
7
rapportant principalement à l'histoire militaire de la
Guadeloupe.
Série C A , tomes 1-92. Registres contenant la corres-
8
pondance des administrateurs des Iles d u Vent et de la
Martinique, en particulier (1635-1789).
Série C B , Cartons 1-16, contenant des pièces diverses,
8
des mémoires et des projets de lettres. — Cartons 17-22,
contenant des statistiques d u commerce des Antilles
avec la Métropole et des tableaux des populations, pour le
dernier tiers du xviiie siècle.
Série F A 19. Procès-verbaux des séances de la C o m p a -
2
gnie des Iles.
Strie F . 287. Registres contenant des copies de pièces
Z
par Moreau de Saint-Méry, et quelques actes originaux.
Elle contient en particulier les Mémoires des Chambres
d'Agriculture de 1761 à 1764, n 1 24-126 ; une série de
0s

S O U R C E S
265
pièces dite Code de la Guadeloupe, n 221-235 ; une série
o s
analogue dite Code de la Martinique, n 244-260.
o s
Fonds conservé au Ministère :
Registres Martinique 268-278, contenant la correspon-
dance des administrateurs de la Martinique (1790-1794) ;
279-281, m ê m e matière, (1802-1810).
Registres Guadeloupe 425-435, contenant la correspon-
dance des administrateurs de la Guadeloupe (1789-1799).
Registres Isles du Vent, 3, 7, 9, 13, contenant les ordres
adressés aux administrateurs.
II. — S O U R C E S I M P R I M É E S
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Français depuis l'an 1635 en l'isle de la Martinique, l'une
des Antilles de l'Amérique, des mœurs des sauvages, de la

situation et autres singularités de l'isle. Paris, S. Cramoisy,
1640, in-8, 141 p.
Relation des Isles de Sainet Christophe, Gardelouppe et de la
Martinicque, gisantes par les quinze degrez au deça de
l'Equateur.
Précédé d'une introduction par L.-Ph. May,
dans Terre, Air, Mer (Bulletin de la Société de Géographie)
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contenant l'histoire naturelle de ces pays, l'origine, les mœurs,
la religion et le gouvernement des habitants anciens et
modernes, les guerres et les événements singuliers, qui y sont
arrivés pendant le long séjour que l'auteur y a fait, le com-

merce et les manufactures qui y sont établies et les moyens de
les augmenter.
Paris, 1722, in-12, 6 vol. — Réédition par
Duchartre en 1931 avec une introduction de A . T ' S t e s t e -
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Paris, C nationale, 1900, in-8°, 23 p.
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ANTILLES
18

I N D E X
DES NOMS DE PERSONNES ET DE LIEUX 1
Abymes (Les), 192.
Barbes, 229.
Achard, 92.
Barington, 188, 194.
Aix-la-Chapelle, 53, 73.
Beauharnais, 93, 231, 255.
Allemagne, 50, 52.
Bebian, 224.
Alvila, 171.
Bégon, 132, 254.
A m b l i m o n t , 133, 136, 255. Béhague, 158, 160-162, 164,
Amsterdam, 39.
256.
Angennes - Maintenon, 6 1 , Belgique, 98, 114, 115.
131, 133.
Bellegarde, 164, 166.
Angers, 65.
Bénard, 66, 68, 137, 255.
Antigoa, 18, 21, 46, 179, 220,
Binkes, 59.
221.
Bissette, 102, 167, 171, 172,
A r b a u d , 200, 258.
232, 248.
A r g o u t , 256.
Blanchetière-Bellevue, 156.
Arrots, 200, 202, 204, 259.
Blénac, 59, 60, 131-133, 141,
Aubert, 41, 180, 181, 257.
254, 255.
Aubigné, 181.
Blondel, 131.
Auger, 190, 191, 258.
Blondel de J o u v a n c o u r t , 137,
Autriche, 57, 115.
255.
A v r i g n y (Lœillard d ' ) , 229. Boisseret, 44, 183-185.
B o m p a r , 139, 255.
Baas, 46, 59, 120, 126, 128,
Bonavie, 46.
131, 254.
Bordeaux, 48, 49, 59, 7 3 ,
B a c o , 213, 259.
135.
Baillardel, 41.
Boudet, 212.
Barbade, 18, 20, 22.
B o u i l l é , 8 7 , 1 5 0 , 1 9 9 , 2 5 6 , 2 5 8 .
1. Les noms de lieux sont en italique.

I N D E X D E S N O M S D E P E R S O N N E S
275
Bourlamaque, 76, 77, 198, Condorcet, 151.
258.
Coppier, 42.
Bréda, 32.
Coquille, 201.
Bresseau, 216.
Coster, 214.
Brésil, 58.
Corio, 92, 156.
Brière de l'Isle, 232.
Coullet, 66.
Brissot, 151.
Crassous de Médeuil, 92, 9 3 ,
Broglie, 96, 105.
160, 162.
Byron, 87.
Cromwell, 43.
Chine, 109, 112.
Cadix, 17.
Curt, 92, 163, 164.
Cahuzac, 21, 263.
Cambiels, 221.
Dain, 226, 235.
Canada, 19, 64, 75, 76, 126,
Dalrymple, 195, 258.
144, 189, 190.
Damas, 87, 151, 158, 256,
Carbet, 171.
259.
Case Navire, 141, 173.
Danemark, 38, 71, 72.
Casse (Germain), 227.
Dantzig, 62.
Castries, 81, 82, 87, 151.
Delessert, 98.
Cauchy, 49.
Delgrès, 18, 215, 218, 235,
Caylus, 138, 139, 255.
247.
Cérillac, 43, 4 5 , 1 8 5 .
De Loover, 186.
Cévennes, 62.
Desfourneaux, 208, 213, 259.
Champigny, 72, 7 3 , 1 3 7 , 1 3 8 ,
Deshayes, 195, 198.
185, 255.
Diamant, 131.
Chavagnac, 134.
Dominique, 18, 23, 30, 71,
Chevalier, 113.
73, 76, 203, 212.
Choiseul, 37, 57, 7 8 , 1 4 9 , 1 9 0 ,
Dondoire, 160.
237.
Dubois, 31.
Chrétien, 209.
D u Bourdieu, 236.
Clairefontaine, 160, 165, 205.
Dubuc (Famille), 56.
Clieu, 66, 136, 187, 193, 194,
Dubuc, 92, 153, 157, 162-
258.
165, 168, 170, 203.
Clodoré, 120, 124, 125, 254.
Dubuc (J.-B.), 75, 85, 148,
— Clugny, 155, 197, 200-202,
234.
232, 259.
Dubuc du Ferret, 85, 149.
Codrington, 191.
Dugommier, 93, 155, 156,
Collot, 197, 202, 204, 205,
158, 160,
206, 259.
Du Joncheray, 131.
18.

276
I N D E X D E S N O M S D E P E R S O N N E S
Du Lion, 126, 185, 235, 258.
Gabaret, 191, 255.
Dumaitz de G o i m p y , 255.
Galbert, 201.
Dunkerque, 44, 64.
Galifet, 33.
Du Parquet, 26, 27, 42, 121,
Gemosat, 63.
254.
Gente, 28.
Duplessis, 23, 40, 257.
G i v r y , 255.
D u P o y e t , 70, 188, 192, 258.
Gobert, 239.
D u p u c h , 92, 202, 203.
G o d e t , 160.
Duquesne, 251, 255.
Gondrecourt, 160.
Dutertre, 24.
Gottemborg, 88.
Goyrand, 94, 168, 169, 2 1 1 ,
212, 259.
Ennery, 37, 8 1 , 86, 148, 150,
Grande Anse, 167, 171.
152, 199, 237, 256.
Eragny, 190, 255.
Grasse, 87.
Ernouf, 217, 220, 221, 259.
Grégoire XVI, 104.
E s n a m b u c , 1 5 , 1 9 , 20, 22, 23,
Grégoire, 90.
32, 4 1 , 120, 121, 123, 240.
Grenade, 42, 62, 63, 7 1 , 7 5 ,
Esnots ou Desnots, 133, 255.
122, 123, 141, 185, 212.
Grenville, 95, 97.
Espagne, 57, 58, 67, 70, 71,
Grey, 166, 211.
76.
Guichen, 87.
Estaing, 87.
Guillermin, 203.
Estrées, 19, 59, 68.
Guinée, 73.
Guitaud, 32, 33, 253, 255.
Fabien, 173.
Guyane (Cayenne), 24, 3 2 ,
Fénelon, 77, 142, 143, 146,
62, 63, 97, 126, 250.
255.
Feuquières (Isaac de), 19, 43.
Hambourg, 19, 62.
Feuquières, 66, 67, 68, 137,
H é d o u i n , 183.
191, 255, 258.
Hinselin, 190, 258.
Flessingue, 24, 39.
Hollande, 38, 65, 114, 115.
Fort Desaix, 148, 169-171.
Hoûel, 26, 180, 185, 257,
Foulon d'Écotier, 152, 157,
258.
256, 259.
Hugues. Voir Victor Hugues.
Foulquier, 8 1 , 86, 87, 151, Hurault de Vueil, 42.
152, 200, 256, 259.
Hurson, 255.
F o u q u e t , 39, 43.
François, 145, 154.
Inde, 109-111.
Franklin, 190.
Indochine, 116.

E T D E L I E U X 277
Irlande, 71.
Law, 69.
Italie, 52.
Lebas, 211, 259.
Le Comte, 42.
J a c o b , 223.
Le Dentu, 239.
Jamaïque, 38, 83.
Le Mercier de la Rivière, 55,
Jervis, 206, 211.
66, 71, 81, 86, 105, 112,
Joséphine, 239.
143, 144, 146-149, 151,
255.
Kœnigsberg, 62.
Léonard, 241.
K r u m p t , 195, 258.
Lesseignes, 209.
Lethière, 242.
L a b a t , 69, 191.
Leumont, 25, 26, 181.
La Barre, 125, 253.
Levassor, 165, 255.
Lacalle, 132.
Lille, 65.
Lacascade, 227.
Lion, 92, 203.
L a Charrière (Chabert de), Littée, 92, 162, 242.
91, 201,234
Liverpool, 189.
Lacoste, 256.
Longueville, 72, 73.
Lacour, 241.
Longvilliers, 16, 25, 253.
Lacroix, 239.
Lorraine, 62.
Lacrosse, 82, 162, 163, 203,
Lyon, 104.
204, 208, 209, 214, 215,
218, 220, 259.
Machault, 65, 133, 134, 255.
La Luzerne, 155.
Madagascar, 73, 116.
La Fayolle, 181.
Madère, 49.
La Malmaison, 191, 258.
Malartic, 199.
Lambert, 182.
Manoncourt, 132.
Lanrezac, 241.
Marès, 142.
Larnage, 72, 192, 193, 258.
M arie-Galante, 60, 62, 123,
La Rochefoucauld, 151.
181, 183, 185, 191, 203,
La Rochelle, 49, 52.
205, 211, 218, 221.
La Salinière, 160.
Marivet, 183.
Lavalette (Le P.), 140.
Marseille, 50, 52, 63, 140,
La Vallée, 18, 23.
155.
La Vallière, 150.
Martin Le Fol, 61.
La Varenne, 66, 135, 191, Massiac, 201, 245.
236, 255.
Mathieu, 226, 242.
L a v e a u x , 213, 214, 259.
Maurepas, 71.
La Vernade, 16, 27, 179.
Maurile de Saint-Michel, 43.

278
I N D E X D E S N O M S D E P E R S O N N E S
Mazulime, 172, 242.
Pélage, 208, 211, 214, 215,
Melvil-Bloncourt, 227, 243.
228, 235, 246, 259.
Mexique, 58, 175.
Pélardy, 213.
Mirabeau, 53, 55, 194, 258.
Perrinon, 226, 247.
Monkton, 141.
Petit, 85, 86.
Montserrat, 18, 20, 22, 30,
Petit de Viévigne, 149, 256,
32, 46, 125, 184, 220.
259.
Moore, 139.
Peynier, 37, 77, 198, 200,
Moreau de Saint-Méry, 8 1 ,
256, 258.
92, 93, 94, 151, 152, 156,
Phélypeaux, 66, 134, 135,
159, 243.
255.
Moyencourt, 191, 258.
Poincy, 16, 23-30, 41, 179-
184, 253.
Nadal de Saintrac, 201.
Pontchartrain, 134.
Nadau du Treil, 195, 258. Portugal, 58, 70.
Nantes, 49, 52, 59, 62.
P o r y - P a p y , 172, 175, 226,
Necker, 88, 152.
248.
Nelson, 221.
Provence, 50.
Nièves, 33, 134, 184.
Prusse, 57, 94, 104.
Nimègue, 60.
Nîmes, 7, 65.
Quesnay, 55, 78, 142, 146.
Noailly, 42.
Nolivos, 201, 258.
Ranché, 255.
Norvège, 19.
Raynal, 39, 58.
Nozières, 85, 150, 199, 256,
Renaudot, 41.
258.
Réunion ou Bourbon, 98,
105, 109, 113, 115, 116,
137.
Olive, 23, 24, 40, 8 1 , 131,
Rewbell, 90.
1 7 8 , 1 7 9 , 257.
Richelieu, 19, 20, 21, 40.
Orgeville, 255.
Richepanse, 211, 215-218,
Orléans, 65.
239, 247, 259.
Ricouart, 66, 135, 236, 255.
Pacifique de Provins (Le P.),
Riga, 62.
42.
Rivière Salée, 137.
Passy, 91, 102.
R o b e r t , 63, 255.
Patoulet, 128, 254.
R o c h , 168.
Pautrizel, 201, 205.
R o c h a m b e a u , 82, 83, 145,
Pécoul, 172.
1 6 1 , 1 6 5 - 1 6 6 , 1 6 8 , 2 0 2 , 2 0 4 .

E T D E L I E U X 279
Roche fort, 43.
Sainte-Marthe, 254.
R o d n e y , 87, 141.
Saintes (Les), 87.
Roissey, 15, 19, 20.
Sales, 16, 32.
Rollin, 227.
Sartines, 81, 86.
Rouen, 49, 63, 65, 121.
Saumur, 65.
Russie, 19, 57, 95, 105, 115.
Savoie, 50.
Ruste, 156.
Scarborough, 82.
Ruyter, 128.
Schoelcher, 96, 104, 109,
Ryswick, 33, 53, 64.
111, 115, 172, 173, 226.
Sénégal, 50, 76, 100.
Saba, 46, 87.
Sète, 65.
Sabouilly, 179, 180.
Silvacane, 136, 255.
Saint-Barthélemy, 21, 28, 30-
Stanley, 102.
32, 60, 62,73, 88, 114, 186,
191, 224.
Tobago, 44, 59, 60, 73, 76,
Saint-Cyran, 162.
82, 87, 91-93, 98, 125, 150,
Saint-Domingue, 32, 37, 62,
160, 218.
64, 134, 144, 243, 244.
Talleyrand, 213.
Saint-Eustache, 28, 32, 46, Tascher, 85, 86, 150, 199.
88, 125, 212.
Thibaut de Chanvallon, 140,
Saint-Georges, 246.
250.
Saint-Laurent, 32, 131, 253.
Thibierge, 169.
Saint-Martin, 2 1 , 28, 3 1 , 32,
Thoisy, 25-27, 29, 181-183,
46, 60, 62, 73, 87, 212,
253.
220, 221.
Tocqueville, 96, 104.
S a i n t - R é m y , 12.
Tortue, 24, 62.
Saint-Thomas, 137.
Tours, 65,
Saint-Vincent, 30, 60, 66, Tracy, 45, 124, 185, 253.
69, 71, 73, 75, 212.
Traversay, 251.
Sainte-Anne, 132, 137.
Trézel, 121.
Sainte-Claire Deville, 249.
Trinité (Ile de fa), 131-133,
Sainte-Croix, 25, 26, 29-33,
154, 158, 159, 166.
60-63, 72.
Trinité, 97, 145.
Sainte-Lucie, 42, 68, 69, 7 1 -
75, 82, 83, 87, 88, 91, 92,
Utrecht, 33, 53, 66.
94, 98, 122, 123, 141, 147,
149, 150, 160, 163, 168,
169, 203, 206, 212, 218, Vaivres, 81, 86.
220.
Vallières, 256, 258.

2 8 0
I N D E X D E S N O M S D E P E R S O N N E S
Valménières (Cacquera
s
y
y d e ) ,
Villaret-Joyeuse, 97, 169,
42.
170.
Vassoigne, 252
,
.
Villeneuve, 221.
Vaublanc, 223
,
.
Vioménil, 152, 154, 256.
Vauclin, 169
Vauclin,
.
V o l n y , 171.
Vaucresson, 66.
Vaudroques, 124
,
.
Wallon, 226.
Vaugiraud, 170
,
.
Whitehall, 92, 164.
Vera Cruz,
Cruz, 114
114.
Wilberforce, 96.
V i c t o r Hugues, 83
,
, 168
,
, W i l l o u g b y , 32, 125, 185.
207-209, 211-213
,
, 259
,
.

TABLE DES MATIÈRES
Introduction 7
S A I N T - C H R I S T O P H E
Sommaire 15
Chronologie 17
M A R T I N I Q U E , G U A D E L O U P E E T DÉPENDANCES
Première Période (1635-1674) 37
Deuxième Période (1674-1763) 51
Troisième Période (1763-1802) 77
Quatrième Période (1802-1848) 95
Cinquième Période (1848-1935) 107
M A R T I N I Q U E .
Première Période (1635-1674) 119
Deuxième Période (1674-1763) 129
Troisième Période (1763-1802) 142
Quatrième Période (1802-1848) 165
Cinquième Période (1848-1935) 172

282 T A B L E D E S M A T I E R E S
G U A D E L O U P E .
Première Période (1635-1674) 1 7 7
Deuxième Période (1674-1763) 1 8 7
Troisième Période (1763-1794) 1 9 6
Quatrième Période (1794-1802) 2 0 7
Cinquième Période (1802-1848) 2 1 6
Sixième Période (1848-1935) 2 2 5
LES GRANDS ANTILLAIS 231
LISTE DES ADMINISTRATEURS 2 5 3
REPRÉSENTANTS DE LA MARTINIQUE ET DE LA GUADE-
LOUPE (1876-1935) 2 6 1
SOURCES 2 6 3
BIBLIOGRAPHIE 268
INDEX 2 7 4
TABLE DES MATIÈRES . . . 2 8 1
ABBEVILLE. IMPRIMERIE F. PAILLART. 8-11-35



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