Photographie en couleur de la Banque centrale de Curaçao en 2010
Banque centrale de Curaçao en 2010 (source : photographie de Cookie Nguyen. Wikimedia Commons). CC-BY-SA 4.0

Tout d’abord, la monnaie dans les colonies a toujours été un problème : insuffisante, de valeur flottante, difficile à contrôler, les États se montraient réticents à envoyer de l’argent dans ces territoires qui étaient censés leur en rapporter. Ainsi, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont toléré toutes les monnaies qui circulaient pour éviter la pénurie. Il n’était pas rare de payer en peso espagnol dans les colonies britanniques ou en livres sterling dans les Antilles néerlandaises. Il faut rappeler qu’il était également possible de payer en tabac ou en sucre lorsque les pièces manquaient. 

De fait, la monnaie qui circulait le plus abondamment était le peso de ocho, « la pièce de huit », appelée piastre espagnole par les Français, spanish dollar par les Américains, spanish crown par les Britanniques. 

Photographie en couleur d'un ancien billet de 10 florins de Saint-Martin
Ancien billet de 10 florins de Saint-Martin (source : photographie de DatBot, 2017. Wikipedia). CC-BY-SA
Photographie d'une piastre espagnole, monnaie sous sous Philippe V
Piastre espagnole, pièce de huit, sous Philippe V, 1739 (source : Wiktionary.org). Domaine public
Photographie en couleur d'un gourdain de Guadeloupe
Gourdain de Guadeloupe (source : Gallica). Domaine public

Le peso de ocho est également surnommé « gourde » à Saint-Domingue et dans les Antilles françaises, un surnom hérité de l’espagnol peso gordo. Cette pièce d’argent de 39 millimètres de diamètre, frappée par l’Empire espagnol dès 1598, a servi de monnaie d’échange dans toute la Caraïbe, quelle que soit la colonie. Parfois, elle était contremarquée localement pour en faire la monnaie officielle du territoire. 

Cette pièce, très répandue, pouvait même être coupée en quart ou en tiers pour modifier sa valeur : on appelait alors ces morceaux des « gourdains ». Ils circulaient partout, y compris dans les Antilles françaises.

Il faut attendre le 19e siècle pour voir des changements significatifs dans la circulation de la monnaie. En France, c’est à partir de 1816, après le congrès de Vienne, lorsque la Guadeloupe et la Martinique sont restituées à la France, que le franc s’est imposé dans les colonies, même s’il faudra plusieurs années pour qu’il s’impose face aux monnaies étrangères, aussi bien la livre coloniale des britanniques que la fameuse piastre espagnole.

Notons quelques particularités. Dès 1813, Haïti a été la première à se doter de sa monnaie, à savoir la gourde, qui a encore cours de nos jours. C’est la plus vieille monnaie de la Caraïbe existante. La République dominicaine en 1844, suivie de Cuba en 1857, s'est affranchie de l’Espagne, chacune ont battant leur propre monnaie, le peso dominicain et le peso cubain.

Illustration figurant un billet d'une gourde, monnaie nationale haïtienne depuis 1813
Billet d'une gourde, monnaie nationale haïtienne depuis 1813 (source : Manioc). Domaine public

Les autres monnaies apparaissent au 20e siècle. Et aujourd’hui dans la région de la Caraïbe insulaire, ce ne sont pas moins de 13 monnaies différentes qui circulent sur 30 territoires pour 42,5 millions d’habitants.

Le dollar américain est la monnaie officielle de plusieurs territoires : pour les Îles vierges américaines et Porto Rico, c’est une évidence, mais il est également présent aux Îles vierges britanniques, aux îles Turks et Caïcos et, plus surprenant, dans les trois îles néerlandaises des Petites Antilles, Saba, Bonaire et Saint-Eustache. 

Les Îles Caïmans ont leur propre dollar, pour une population de 73 000 habitants : il s’agit du plus petit Etat ayant sa propre monnaie, reconnue internationalement.

D'autres pays ont fait le choix de rester groupés autour d’une monnaie. C’est le cas des Etats de l’ancienne Fédération des Indes occidentales (1949-1962) qui ont maintenu pour huit d’entre eux une devise unique, le dollar des Caraïbes orientales à partir de 1965 : Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Montserrat, Saint-Kitts-et-Nevis, Sainte-Lucie et Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Leur banque centrale est située à Basseterre, à Saint-Kitts.

Photographie en couleur de la banque centrale de Saint-Kitts
Banque centrale de Saint-Kitts (source : photographie de Jelmenitsky, Wikipedia). CC-BY-SA 4.0
Photographie du Royal Mint.
The Royal Mint, 2007 (source : photographie de Steve Cadman, Wikimedia Commons). CC-BY-SA.

La plupart de ces monnaies ont pour particularité d’être fabriquées et imprimées en dehors de la Caraïbe. Ce sont la Royal Mint (au Royaume-Uni) pour les pièces et l’imprimerie britannique De La Rue à Basingstoke (Hampshire) et parfois la Canadian Bank Note Company (au Canada) pour les billets, qui sont chargés de frapper la monnaie de ces Etats. Seuls Cuba et la République dominicaine frappent une partie de leur monnaie localement mais font de plus en plus appel à De La Rue. Aruba fait appel à la Royal Dutch Mint des Pays-Bas pour ses pièces ainsi qu'à De La Rue pour ses billets. Curaçao et Sint-Maarten, qui étaient sur le même principe qu’Aruba, viennent de changer de fournisseurs pour leur nouvelle monnaie : dorénavant ce sont des imprimeurs de Suède, de Malte et du Canada qui produisent leur florin caribéen. 

Ce tour d’horizon des différentes monnaies montre la grande variété des situations territoriales et les choix opérés par les Etats et territoires. Si beaucoup ont choisi de conserver une devise nationale, sur le terrain, la monnaie d’échange est souvent le dollar américain. Les guides touristiques ne s’embarrassent d’ailleurs guère de détails à ce sujet et certifient aux visiteurs que le dollar est toujours accepté dans les commerces, un peu comme la piastre espagnole, en son temps… 

Bibliographie

 

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